Comment pouvons-nous améliorer l’expérience scolaire des élèves en difficulté, des élèves dit « réguliers » et également tenir compte de notre propre ressenti dans divers efforts d’inclusion scolaire? Assistez à un échange animé entre professionnels de l’éducation stimulés par le guide de discussion d’ÉdCan sur l’inclusion scolaire, enfin au service de l’ensemble des élèves et du personnel. Poursuivez cette discussion entre collègues à l’aide du Guide de discussion « Pour une pédagogie véritablement inclusive ».
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Guide de discussion du Réseau ÉdCan : l’occasion d’approfondir, seul ou en discutant entre collègues, les propos du chercheur, José Ndzeno, qui portent sur l’inclusion scolaire et l’individualisation de l’enseignement.
Ces ressources supplémentaires :
sont aussi disponibles dans l’édition d’automne d’Éducation Canada et offrent un excellent point de départ à cette réflexion professionnelle.
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Que vous soyez un assistant pédagogique, un enseignant, un directeur d’école ou un surintendant, nous vous encourageons à investir dans votre apprentissage continu et celui de votre équipe grâce à ces ressources de développement professionnel faciles à utiliser et abordables qui favorisent la pensée critique et stimulent le développement de stratégies pratiques pour des contextes scolaires uniques.
En référence à l’article L’individualisation scolaire
Par : José Ndzeno
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Les statistiques sont criardes, pires, alarmantes : c’est 25 % à 30 % d’enseignants qui abandonnent l’enseignement juste après la première année au Québec ; et ce chiffre grimpe assez rapidement et atteint 40 % à 50 % pour ceux qui abandonnent après 5 ans en enseignement (Kamanzi et al., 2015). Si vous pensez que ceci est une réalité singulière à la province du Québec, détrompez-vous ! C’est aussi le cas dans d’autres provinces au Canada, comme l’Alberta qui compte 40 % de décrochage dans les cinq premières années (Kamanzi et al., 2015). Les causes de ces abandons sont multiples ; et parmi elles, on peut citer la complexité de l’enseignement, son hétérogénéité, une exigence de compétences exogènes aux compétences disciplinaires usuelles (Tardif, 2012, cité par Kamanzi et al., 2015). Cette complexité et hétérogénéité de l’éducation sont les résultats d’une transformation graduelle du système éducatif. Cette transformation du système, associée à l’intégration scolaire et même à une menace d’assimilation, est surtout à la recherche de solutions pour rendre le système d’éducation réellement inclusif. Dans cet article, nous proposons une solution portant sur l’autonomisation des élèves, l’usage stratégique des nouvelles technologies, l’évaluation individualisée et le rôle de l’enseignant-coach.
Si vous vous interrogez sur la différence entre les termes « intégration » et « inclusion », vous n’êtes pas seuls ! Les chercheurs, eux aussi, s’entremêlent dans ces définitions. En effet, le terme intégration implique déjà une exclusion, car il sous-entend qu’on se fixe pour but d’intégrer un élève au courant dominant et l’inclusion vient alors rectifier ce manque à l’intégration, car il considère tout le monde dès le départ (Doré 2001). Effectivement, comme le mentionne Dalley (2014), les provinces et territoires au Canada sont à la recherche permanente d’un système scolaire inclusif, et pas seulement le Canada d’ailleurs, plusieurs autres pays et en majorité les pays développés. Dans cette quête effrénée de l’inclusion, ils émettent des politiques et des programmes qui concourent à toutes fins utiles.
Au Canada, l’intégration scolaire était utilisée pour contrer les pratiques de « ségrégation » des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA), mais graduellement, les pratiques se sont transformées et retransformées comme une ritournelle pour tenter de concourir à un système scolaire inclusif (Dalley, 2014 ; Doré, 2001).
Dalley (2014) définit les termes « intégration », « assimilation » et « inclusion » suivant deux axes : le continuum qui part de la fixité du Soi jusqu’au changement complet du Soi, et l’autre qui part de la fixité de l’Autre jusqu’au changement complet de l’Autre. Le Soi représentant celui ou celle qui prend sa vision du monde comme la règle et qui impose ses normes. Et l’Autre, celui ou celle qui est en position précaire avec peu de pouvoir.
Alors, vue sous cet angle, l’intégration serait l’état des rapports entre le Soi et l’Autre où le Soi et l’Autre demeurent dans la fixité. En classe, cela représenterait un enfant qui entre dans un groupe sans que ni lui ni le groupe ne vivent de changements. Dans le contexte de l’intégration, l’assimilation est un rapport entre le Soi et l’Autre où d’une part le Soi est en position de changement et l’Autre en position de fixité ; ou inversement, c’est-à-dire que le Soi est en position de fixité et l’Autre en position de changement. Un nouvel élève qui fournit des efforts pour s’adapter aux autres élèves de la classe tandis qu’aucun n’essaye de s’adapter à lui serait un exemple d’assimilation, et vice versa, si certains élèves de la classe essayent de s’adapter à un nouvel élève et que celui-ci ne fournit aucun effort pour s’adapter aux autres, là aussi, on parlera d’assimilation. Et finalement, l’inclusion serait l’opposée de l’intégration, car ici le Soi et l’Autre sont tous en position de changement. Par exemple, un enfant qui intègre un groupe vivra des changements selon l’influence du groupe et vice versa pour le groupe.
Ces rapports complexes pouvant rester difficiles à comprendre, nous vous proposons également de définir l’inclusion en présentant certains indicateurs de réussite d’une école inclusive. La plupart des écrits se servent de données d’élèves potentiellement précaires vis-à-vis des élèves « non-identifiés »1 comme indicateurs de réussite. Ces données sont liées :
Dans ce processus d’inclusion, on va très souvent omettre de prendre en compte l’élève qui n’a pas été catégorisé pour un défi d’apprentissage ou de comportement. Or, il est reconnu que l’inclusion scolaire ne devrait en aucun cas pénaliser ou freiner le progrès de l’élève non identifié ; elle ne devrait pas non plus faire régresser le comportement de ceux-ci. De façon indirecte, d’autres indicateurs sur l’inclusion des élèves en situation précaire sont reliés au personnel enseignant, notamment le climat de coopération au sein même de l’établissement, la participation aux projets scolaires internes sur l’inclusion, le taux de satisfaction au travail, le taux d’utilisation des congés de maladie, la capacité de mobiliser les élèves et d’encourager l’inclusion, peuvent servir d’indicateurs de réussite d’une école inclusive.
Effectivement, une école inclusive devrait prendre en compte tout le monde. Ce qui se passe habituellement, selon notre expérience en tant qu’enseignant, est que la considération du bonheur de l’enseignant est négligeable, et les besoins de certains élèves non identifiés sont noyés au profit des élèves ayant un programme ou des attentes particuliers. Avec peu de ressources et un défaut de formation adéquat en inclusion scolaire, les enseignants se retrouvent en situation d’épuisement professionnel et d’abandon. Mais aussi, certains parents soucieux de l’avenir de leur enfant vont choisir de changer d’école, vu qu’ils sont influencés négativement ou freinés par les difficultés de la course à l’inclusion scolaire.
Attention, il n’est pas pour autant question de renoncer à une école inclusive, mais plutôt d’ouvrir le débat et d’apporter des pratiques authentiques à une école inclusive qui prend en compte les besoins de tout le monde ; plus principalement ceux des élèves et du personnel enseignant. Dans les paragraphes qui suivent, nous explorons en quatre volets une solution pour faire face aux difficultés de l’inclusion.
Le premier volet de notre proposition touche l’indépendance de l’élève. L’enseignant qui veut réussir le projet de l’école inclusive doit être prêt à reconsidérer l’indépendance de l’élève. Cette indépendance passe par des pratiques pédagogiques autonomisantes se traduisant « sous forme d’attitudes et de comportements du personnel enseignant visant à favoriser le vécu autonomisant et la satisfaction des besoins fondamentaux des élèves. » (Godin, Landry et Allard, 2022). Par exemple en classe, cela signifie de bien connaitre les compétences et les intérêts des élèves afin de mieux concevoir un programme leur permettant de réinvestir leurs compétences de manière autonome dans l’apprentissage de nouvelles connaissances.
« Cela peut se faire en rendant les tâches proposées aux élèves authentiques et signifiantes, en leur expliquant les raisons des objectifs d’apprentissage visés, en laissant des choix aux élèves dans les activités, en valorisant leurs efforts et accomplissements, en favorisant le travail en groupe, l’accueil et l’appartenance de tous et de toutes » (Landry et coll., 2010, cité dans Godin, Landry et Allard, 2022).
Donner son indépendance à l’apprenant, c’est donc une façon d’individualiser son enseignement ; c’est surtout « s’insurger contre les dangers d’un enseignement qui ignore les spécificités individuelles et contraint tous les enfants à entrer dans un même moule » (Meirieu,1991). Notamment, l’indépendance de l’élève est une révolution à l’encontre des héritiers du projet de Ferry, ce projet qui, Meirieu nous le rappelle, était de « transformer à l’École le sujet de fait – avec toutes ses particularités et ses adhérences psychologiques, culturelles et sociales – en sujet de droit, réceptif à l’expression de la raison encyclopédique qui s’expose » (1991). Placé en situation d’autonomie, chaque élève pourra trouver son compte et continuer à cheminer dans ses apprentissages. Le personnel enseignant qui exploite des modèles d’apprentissage tels que la pédagogie par projet, l’apprentissage expérientiel, la pédagogie ouverte pourront en témoigner.
On peut penser, par exemple, proposer aux élèves de 6e année de travailler avec des élèves de la 2e année dans le cadre d’une foire. Ainsi, les élèves peuvent se regrouper par équipes d’intérêt afin de trouver et d’organiser une activité pour les élèves de 2e année. La responsabilité du personnel enseignant sera alors d’accompagner les groupes d’élèves dans la délégation des tâches individuelles en s’assurant de la pertinence dans les apprentissages de chacun.
En outre, rendre indépendant c’est aussi ce que Meirieu cherche à traduire par « l’ouverture de lieux de négociations, d’espaces de confrontation, de moments de prise de risque où l’élève peut s’engager et réfléchir ensuite sur ses engagements. » Et ce risque n’est possible que si l’enseignant pratique la retenue. La retenue « c’est cette manière de donner de la place à l’autre sans y paraitre, c’est une sorte de rétractation confiante, une manière de s’éclipser en encourageant, de ne pas s’imposer parce qu’on sait que l’autre, maintenant, va pouvoir aller jusqu’au bout de lui-même » (1991). Ces stratégies d’autonomisation des élèves permettent au personnel enseignant de mieux gérer son temps d’enseignement et de soutenir davantage les élèves qui en ont besoin pour compléter leurs tâches et appuyer ceux qui ont besoin d’encouragement à trouver de manière individuelle des solutions aux difficultés rencontrées dans leurs activités. Ainsi, les élèves en difficulté, tout comme ceux dits réguliers, contribuent à la réalisation du projet d’équipe et augmentent leur sentiment d’appartenance et leur capacité d’apprendre seul.
Même si certains enseignants ont encore du mal à se servir des outils technologiques, ou plutôt ne sont pas toujours convaincus des bienfaits des technologies de l’information et de la communication (TIC), il faut reconnaitre que ces outils font désormais partie de façon inconditionnelle du mode de vie de notre génération. Pour éviter d’abandonner l’élève, jeune et parfois naïf, à la merci des vautours de la désinformation ou de le livrer aux multiples dangers de l’internet et des réseaux sociaux, l’enseignant se doit d’initier l’élève à l’utilisation des TIC.
De plus, n’oublions pas que l’utilisation des TIC peut contribuer énormément à l’apprentissage autonome de tous les élèves, quel que soit leur potentiel d’apprentissage. Mieux encore, certaines recherches à l’instar de Lebrun (2004), montrent que l’une des finalités de la formation des enseignants à l’utilisation des TIC est de mieux les outiller pour favoriser le développement des compétences requises chez les apprenants.
Manifestement, l’utilisation des TIC étant relativement récente dans le domaine de l’éducation, il sera surtout recommandé aux enseignants de l’utiliser de façon réfléchie, optimale, en préservant le bienêtre physique et mental de tous les apprenants.
La compétition en milieu scolaire a toujours fait l’objet de discussions (Saillot, 2019). L’évaluation qui a pour fin de classer et de mettre en compétition les élèves peut être malsaine pour le progrès et la santé mentale de ceux-i-ci. Il convient de repenser de façon utile à notre façon d’évaluer : à mettre l’évaluation au service du progrès de l’élève pris individuellement. Les évaluations à privilégier sont celles qui comparent les compétences de l’élève d’hier et d’aujourd’hui. Ce sont les évaluations qui s’assurent de respecter ce que Vygotsky qualifie de Zone Proximale de Développement (ZPD) de l’élève. Ce sont aussi des évaluations associées aux stratégies d’apprentissages révisables, car comme le dit Meirieu (1991), on ne devrait pas avoir une pédagogie « où tout serait prévu et/ou un diagnostic rigoureux porté sur chaque apprenant permettrait de lui affecter un travail individuel précis ». Comme Meirieu (1991), nous préférons une pédagogie et une évaluation « individualisée tâtonnante où l’on cherche ensemble, avec les apprenants, des modalités de regroupement provisoires, où l’on examine les difficultés rencontrées, où il reste de «l’ouvert» dans l’organisé, où l’organisé est constamment repensé et reconstruit en fonction de ce qui se passe dans cet «ouvert». »
Si nous nous trouvons désormais à cette phase où l’élève est indépendant des enseignements de son maitre, il faut signaler cependant que le rôle du maitre reste crucial plus que jamais, mais en tant que guide. Ce qui nous amène à rappeler la notion de coaching.
C’est quoi le coaching ? Eh bien, comme le dit Barreau (2017, cité par Machouart, 2020) le coaching est « un processus progressif au cours duquel la demande du coaché est analysée, puis l’objectif précis est formulé par le coaché lui-même et l’utilisation d’outils ou de pratiques est ensuite proposée par le coach ». En d’autres termes, c’est une pratique où le maitre-coach guide l’élève de façon stratégique et astucieuse en laissant l’élève être maitre de lui-même. On peut voir les avantages d’une telle approche notamment pour les élèves en difficulté qui ont besoin de prendre confiance en eux-mêmes. Il se trouve très souvent que juste en donnant de l’attention à l’élève, celui-ci remet en question lui-même certains de ses comportements. Afin de mieux soutenir nos propos, en voici un petit extrait illustrant un coaching avec un élève ayant des défis à respecter les règles de classe.
Ainsi, l’élève ne se sent pas puni, mais est invité à réfléchir à ses comportements, il ressent sans doute qu’on lui accorde de l’attention. Il ressent une appartenance au groupe à travers cet instant de discussion et cette inclusion se traduit par un sentiment d’appartenance.
Certains apprenants vivent des événements qui nécessitent l’assistance de l’enseignant-coach. Il peut s’agir de nouveaux arrivants, d’élèves vivant des défis d’ordre culturel, économique ou même de ceux en pleine construction identitaire linguistique, culturelle, sexuelle. À titre d’exemple, Dalley (2013 ; 2014) pose plusieurs cas d’élèves ayant soit des conflits identitaires ou des conflits assimilationnistes, qui requièrent l’aide d’un l’enseignant-coach. Le coach ne donne pas de leçon et encore moins de solution à l’élève, mais il le guide à trouver lui-même ses solutions.
Également, et comme le rappelle Machouart, 2020, l’enseignant-coach va surtout aider l’élève à se retrouver dans le flux d’information croissant qui l’entoure.; il offre aussi la chance d’avoir un face-à-face avec chaque élève et l’occasion aux élèves réservés et timides de s’exprimer. Surtout, il se rend disponible pour un élève ou un groupe d’élèves afin de les accompagner dans la recherche des nouvelles connaissances.
D’ailleurs, n’est-ce donc pas dans Dalley (2013) que des auteurs disaient que « Chaque enfant a une voix ; c’est l’adulte qui doit apprendre à l’écouter » ? Le coaching offre l’occasion d’écouter ces enfants. C’est encore Dalley qui remet en question l’éducation en salle de classe en disant qu’« il devient important de reconsidérer les conditions sous lesquelles les enfants se disent en classe. » (2013). Ceci se traduit par remettre en question nos pratiques en salle de classe et tendre plus l’oreille aux enfants, par qui très souvent vient la solution.
Manifestement, l’enseignement ici est au service du coaching, tout comme le coaching est au service de l’enseignement. En d’autres termes, c’est la réalité vécue comme enseignant qui permettra au coach de poser les bonnes questions à l’élève et de l’accompagner d’une part ; mais c’est aussi l’expérience vécue durant le coaching qui permettra à l’enseignant d’adapter ses stratégies d’enseignement.
Pour le personnel enseignant, la motivation de demeurer dans la profession viendra de plusieurs choses. Grâce au coaching, les enseignants sauront mieux contenir les élèves qui ont des difficultés. Mais aussi, rendre les élèves autonomes libère du temps à l’enseignant pour encadrer les autres et cela augmente son sentiment d’efficacité personnel de réaliser des changements autour de lui et de voir des élèves réussir tout en étant mentalement forts.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2022
1 l’élève qui n’a pas été catégorisé pour une difficulté d’apprentissage ou de comportement.
Dalley, P. (2014). Assimilation, intégration ou inclusion : Quelle vision pour l’éducation de langue française en contexte minoritaire. La francophonie dans toutes ses couleurs et les défis de l’inclusion scolaire en milieu minoritaire francophone canadien, 13-35.
Dalley, P. et M. Cotnam-Kappel (2013). Vers une pédagogie des droits et de la citoyenneté mondiaux de l’enfant en Ontario français. Revue d’éducation, 3(2), 4-5. http://education.uottawa.ca/assets/revue_edu_fr_automne_2013.pdf
Doré, R. (2001). Intégration scolaire. Document consulté le 20 novembre 2010.
Godin, G., Landry, R. et Allard, R. (2022). Conscientisation, engagement communautaire et pratiques pédagogiques du personnel enseignant en contexte francophone minoritaire. Minorités linguistiques et société / Linguistic Minorities and Society, (18), 3–36. https://doi.org/10.7202/1089178ar
Lebrun, M. (2004). La formation des enseignants aux TIC : allier pédagogie et innovation. Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire, 1(1), 11-21. https://doi.org/10.18162/ritpu.2004.9
Machouart, M. (2020). Réveil des talents à l’université et place de l’enseignant-coach. Revue internationale de pédagogie de l’enseignement supérieur, 36(1).
Meirieu, P (1991). Individualisation, différenciation, personnalisation : De l’exploration d’un champ sémantique aux paradoxes de la formation. Association des enseignants et chercheurs en sciences de l’éducation (AECSE).
Saillot, É. (2019). Évaluation par compétences : les préoccupations des enseignants en matière d’évaluation au cours d’une expérimentation des « classes sans notes » dans un collège français. Mesure et évaluation en éducation, 42(2), 35–61. https://doi.org/10.7202/1071515ar
Dans l’optique d’améliorer l’expérience scolaire de l’élève, nous nous sommes demandé s’il était possible d’explorer le potentiel créatif de chaque élève dans une salle de classe inclusive et équitable. Nos données de recherche avec les partenaires du Réseau CompeTI.CA (Compétences en TIC en Atlantique) semblent converger vers une réponse positive. Dans cet article, nous examinons les exemples provenant de deux études menées par l’équipe du Réseau : l’une, en partenariat avec Labos Créatifs, porte sur le développement de compétences numériques et l’autre, sur la créativité dans un contexte interdisciplinaire axé sur la musique, les mathématiques et la technologie. Ce projet soutenu par le Groupe d’action sur la Commission de l’école francophone (GACEF) a été réalisé en collaboration avec les districts scolaires du Nouveau-Brunswick dans trois écoles du Nord-Est et du Sud de la province.
Depuis les années 2000, une culture de laboratoires ouverts (makerspace), soit des espaces de fabrication équipés d’outils numériques, d’artefacts et de mécanismes de toutes sortes mis en commun pour collaborer (Bosqué, 2015) s’implante dans les communautés en quête d’innovation sociale à travers le monde. Cette culture semble avoir donné une impulsion à de nouvelles pratiques pédagogiques susceptibles d’encourager la créativité dans un espace collaboratif et un contexte authentique, inclusif, équitable et socialement responsable (Lingley et Wong, 2020). Malheureusement freinées par la pandémie, ces nouvelles pratiques pédagogiques, en pleine croissance dans les écoles du Nouveau-Brunswick et d’autres provinces atlantiques, ont mis en évidence le potentiel transformateur de l’art, c’est-à-dire, une recherche par l’apprenant de nouveaux points de vue et de réflexions pour changer sa compréhension des choses (Mezirow, 1990). Ainsi, l’art permet à chacune et chacun de prendre conscience de son potentiel créatif dans une démarche de travail collectif et collaboratif (Tremblay, 2012; Robichaud et coll., 2016). De plus, selon Churchill, 2019, p. 68), l’éducation axée sur la culture et sur les arts ouvre la porte à une interaction dynamique et créative entre l’enfant et le monde qui l’entoure lui permettant d’améliorer ses rapports sociaux, d’augmenter sa participation communautaire active et comme résultat, d’accroître son sentiment de bienêtre.
En nous intéressant, dans ce texte, aux bénéfices potentiels de ces pratiques pour développer le goût d’apprendre ensemble, nous examinons quatre exemples de projets créatifs réalisés par des élèves entre 2017 et 2019 : un modèle réduit d’un village interactif, le Village Minecraft, la fabrication d’un tubulum et un spectacle de Noël 2.0.
Le premier projet s’est déroulé dans une classe de 3e année en immersion française dans une école rurale du Nord-Ouest du Nouveau-Brunswick. Accompagnés de leur enseignante et d’un mentor de Labos créatifs, les élèves ont réalisé un projet collectif de construction d’un modèle de leur village. En équipes, à l’aide de carton et de peinture, les élèves ont bâti de modèles de différents édifices de leur village. Ils ont également préparé une courte histoire qui décrit chaque édifice. Chaque histoire a été audio-enregistrée par un groupe d’élèves. Ensuite, un autre groupe d’élèves a construit un circuit avec un interrupteur de courant intégré dans chaque modèle de bâtiment. Ils ont également effectué un codage associant le son (histoire de l’édifice) et le modèle. Ainsi, une personne qui veut visiter le village peut avoir une visite guidée programmée en écoutant chaque histoire créée par les élèves. Lors de la visite de l’école par notre groupe de recherche, tous ces détails nous ont été expliqués par un groupe de trois élèves qui ont raconté leur histoire à succès de ce projet collectif en vantant leurs idées authentiques, leur joie de travailler ensemble sur un si gros projet, la force de chaque élève qui y a apporté son brin de créativité et aussi de la fierté de leur communauté.
Dans le second projet, un groupe d’élèves de 6e, 7e et 8e année, également d’une école en milieu rural, a réalisé, dans un labo créatif, un projet de construction collaboratif de leur village à l’aide d’une plateforme virtuelle Minecraft. Tout comme leurs camarades de 3e année dans l’exemple précédent, dans les entretiens avec les chercheurs, les élèves ont exprimé leur plaisir de travailler ensemble sur un projet complexe et signifiant. Le travail a exigé beaucoup de temps, de méticulosité et d’effort collaboratif. Une fois le modèle bâti, les élèves pouvaient utiliser leur imagination pour animer le village en créant des personnages et des aventures. Nous avons observé, tout au long de ce travail, les élèves discutant entre eux, se regroupant pour voir et commenter les trouvailles de leurs camarades de classe et pour s’entraider, contribuant ainsi au bienêtre collectif.
Le troisième projet a eu lieu dans le cadre d’une recherche interdisciplinaire incluant la musique, les mathématiques et la technologie. Deux groupes d’élèves de 7e et 8e année d’une école du Nord-Est du Nouveau-Brunswick, respectivement accompagnés par leur enseignant et une équipe de chercheurs, ont fabriqué collectivement un instrument de musique, un tubulum (marimba en tube de PVC) et son support en bois. Ce projet avait trois objectifs :
Lors des séances collectives pour concevoir le tubulum, les élèves en groupe-classe ont généré différentes idées originales, posé des questions, écouté leurs camarades de classe et proposé des pistes de solution. Par la suite, en petits groupes de travail, les élèves ont mesuré chaque tube représentant une note de la gamme, et une équipe d’élèves-luthiers a construit le support en bois et y a apposé les tubes préalablement coupés et ordonnés. Afin d’explorer les rythmes en créant des suites et de la régularité, les élèves ont participé à un atelier de création sonore. À l’aide de cartes représentant des rythmes, ils ont dû créer des patrons rythmiques de leur choix. La créativité dans cet espace collaboratif a été féconde. Pour accompagner leur patron rythmique, les élèves ont réalisé des chorégraphies soit avec leurs mains soit à l’aide de tubes plastiques, parfois même accompagnées de paroles. Les élèves ont confirmé avoir eu beaucoup de plaisir à créer et à faire de la musique avec leurs pairs; ils ont aussi dit avoir appris à tisser des liens entre la musique et les mathématiques tout en étant motivés par l’esprit collaboratif du projet.
Le dernier projet était un spectacle de Noël surnommé 2.0 d’une autre école du Nord-Est de la province. Ce projet, qui a demandé plusieurs mois de préparation, a été conçu à l’aide de technologies numériques par les élèves avec l’appui de leur enseignante de musique et de deux enseignants titulaires. L’un des numéros de ce spectacle a été entièrement conçu par une équipe de trois filles de 5e année. Elles ont imaginé une « bataille » de chant : une élève commencerait à chanter, mais ses deux amies, voulant chanter d’autres chansons, vont lui couper la parole à tour de rôle. À la fin, elles feront la paix et chanteront ensemble une chanson différente aimée par toutes les trois. Chaque chanson était représentée par une canne de Noël géante en carton que les trois élèves avaient fabriquée. Les chansons étaient sauvegardées dans un ordinateur et à l’aide du logiciel de programmation Scratch et du Makey Makey, une chanson s’activait lorsqu’une des élèves appuyait sur la canne appropriée. Le choix des chansons et du mode de présentation se sont faits en commun. Les élèves ont aussi cherché ensemble des solutions aux défis techniques posés par l’utilisation du numérique et ont vécu des moments d’émerveillement et de réussite.
En conclusion, nous constatons que ces quatre exemples permettent d’inspirer une enseignante ou un enseignant qui cherche à multiplier les occasions d’épanouissement créatif pour le bienêtre de chaque élève. Tout d’abord, lors de la réalisation de leurs projets collectifs, la participation de chacune et de chacun est un élément clé du succès : chaque élève y apporte quelque chose, son « grain de sel ». En reconnaissant l’expertise de toutes et de tous, tout le monde se sent valorisé, épanoui, donc bien dans sa peau. On s’appuie ainsi sur une force permettant à chaque élève de s’exprimer librement, ce qui crée un espace sécuritaire de collaboration, de partage et d’entraide (Freiman, 2020). Dans ce contexte de création mutuelle, le matériel est plus qu’un simple outil technologique qui aide à accomplir une tâche particulière; c’est plutôt un agent de libération de l’esprit créatif « in-situ » au moment présent lorsque tous les efforts réunis apportent quelque chose de nouveau, d’inédit; dans ce moment même, se matérialise une idée spontanée, qui n’émerge pas comme un savoir « transmis », culturellement plausible, mais plutôt comme un savoir « créé », nouveau, conçu collectivement et qui garde à la fois les empreintes de la créativité de chacun, de son identité, et de celles d’un groupe uni. Tout le monde qui a contribué s’y reconnait, s’y identifie dans une joie et une fierté d’avoir créé quelque chose d’unique, une vraie œuvre commune. Dans cette dynamique inclusive, des liens communs se tissent par la créativité mettant en lumière les forces créatives, parfois latentes, de chaque membre du groupe. En s’en inspirant, les éducatrices et éducateurs qui font face à toutes sortes de défis liés à la pandémie ou à d’autres obstacles peuvent-ils trouver dans ces moments créatifs, une lueur d’espoir positif d’un monde meilleur que leurs élèves sont en train de construire « dès le moment présent »?
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2021
Bosqué, C. (2015). Enquête au cœur des FabLabs, hackerspaces, makerspaces : Le dessin comme outil d’observation. Techniques et culture, doi.org/10.4000/tc.7579
Churchill, D. R. C. (2019). Creativity and the arts in early childhood: Supporting young children’s development and wellbeing. Jessica Kingsley Publishers.
Lingley, J. et Wong, J. (2020). Making Green Solutions. Converging classroom projects with the UN Sustainable Development Goals and Canada’s 2030 Agenda. www.edcan.ca/articles/green-solutions/
Freiman (2020). Issues of Teaching in a New Technology-Rich Environment: Investigating the Case of New Brunswick (Canada) School Makerspaces. In: Ben-David Kolikant Y., Martinovic D., Milner-Bolotin M. (eds) STEM Teachers and Teaching in the Digital Era. Springer, Cham. doi.org/10.1007/978-3-030-29396-3_15
Mezirow, J. (1990). Fostering Critical Reflection in Adulthood. San Francisco: Jossey Bass.
Robichaud, X., Freiman, V., Doiron-Pelletier, C., et Pelletier, M.-A. (2016). Développement de la créativité à l’aide des iPads : nouveaux outils pour les enseignantes et les enseignants de musique au primaire. Actes de la conférence CIRTA, www.cirta.org/index.php/50-banque-de-textes-actes-colloque-2016/232-developpement-de-la-creativite-a-l-aide-des-ipads-nouveaux-outils-pour-les-enseignantes-et-les-enseignants-de-musique-au-primaire
Tremblay, J. (2012). Indices de transformation sociale par l’art qui relie une pratique artistique avec et dans la communauté. Éducation et Francophonie, XL(2), www.acelf.ca/c/revue/pdf/EF-40-2-083-TREMBLAY.pdf
Longtemps perçue au Québec comme « la voie de la dernière chance » pour les élèves en difficulté, la formation professionnelle du secondaire, qui mène à la pratique d’un métier spécialisé, bénéficie aujourd’hui – et fort heureusement! – d’un regard plus positif. Selon de récentes études, une majorité d’apprenants et d’apprenantes qui évoluent au sein des différents programmes d’études de la formation professionnelle ne s’y retrouve pas à défaut de meilleures options de formation ou par manque de capacités à poursuivre des études plus avancées (Beaucher et Breton, 2020), mais dans bien des cas, parce que ce programme constitue, tout naturellement, la voie d’accès privilégiée au métier qu’ils rêvent d’exercer.
Néanmoins, et c’est tout aussi vrai pour l’ensemble des autres secteurs de formation, les parcours scolaires des élèves du professionnel ne se vivent pas toujours sans heurt et il arrive que la motivation, la persévérance et les processus d’apprentissage soient mis à rude épreuve. Une situation financière précaire, des obligations parentales rendant plus difficile la réalisation d’études, une problématique de santé physique ou mentale ou une faible estime de ses capacités de réussir sont autant de facteurs reconnus comme des freins potentiels à la réussite et au bienêtre de ces élèves. La pandémie de COVID-19 aura malheureusement exacerbé plusieurs de ces défis vécus par les élèves de la formation professionnelle aux plans social, motivationnel et psychologique, en plus d’affecter la qualité de la formation qui, souvent, pouvait difficilement s’offrir dans une modalité d’enseignement à distance ou en respectant les mesures sanitaires imposées par la santé publique.
Le contexte postpandémique actuel devrait ainsi inciter les centres de formation professionnelle (CFP) à réfléchir aux moyens de favoriser le bienêtre de leurs élèves durement éprouvés durant les derniers mois. Car bien que les freins potentiels à la réussite et au bienêtre nommés précédemment semblent à première vue relever davantage de la sphère personnelle que scolaire, il serait toutefois regrettable de sous-évaluer l’influence du rôle joué par l’école et ses différents acteurs (personnel enseignant, professionnels, membres de l’administration scolaire, etc.) sur le bienêtre des élèves. En effet, l’école constitue un lieu de première importance dans la vie de ces derniers : espace déterminant au plan des processus de socialisation, jeunes et moins jeunes y développent leurs croyances personnelles et y façonnent une pluralité de buts éducatifs et professionnels. Sans surprise, les expériences vécues dans le cadre des études professionnelles et les contacts avec les membres du personnel enseignant sont ainsi susceptibles de jouer un rôle considérable dans la qualité de vie globale et le développement personnel de l’individu.
Les recherches sur le bienêtre des élèves ont démontré le lien crucial entre le bienêtre et le sentiment de contrôlabilité ressenti par l’élève envers sa réussite. L’exemple qui suit en illustre les mécanismes : si une élève du programme de Secrétariat se sent complètement démunie et impuissante devant sa sixième tentative à réaliser un bilan financier avec le logiciel Excel, elle ressentira un niveau élevé de stress et aura tendance à se résigner, puis à abandonner la tâche sans tenter de mobiliser l’ensemble de ses compétences. Vécu de façon répétitive, ce sentiment de ne pas être en contrôle de sa réussite peut mener l’apprenant ou l’apprenante à ressentir des symptômes d’anxiété et de dépression qui influent ainsi sur sa santé physique et son bienêtre psychologique. Déjà, dans les années 70, une étude réalisée par Seligman illustrait bien ce phénomène de « résignation apprise ». Bien que cet exemple puisse sembler manquer de délicatesse pour décrire ce que vivent les élèves, il demeure toutefois utile de le détailler afin de comprendre le phénomène en question. Dans l’étude de Seligman, des chiens, emprisonnés dans une cage et sans possibilité de s’évader, reçoivent des chocs électriques. Si, lors des premières décharges, les pauvres animaux essaient de trouver une solution au problème et de s’échapper de la cage, au bout d’un certain temps, constatant qu’ils ne peuvent rien changer à leur sort, ils se résignent et finissent par se coucher et attendre passivement le prochain choc. Le plus surprenant, c’est qu’une fois libérés de leur cage, ces chiens continuent de démontrer la même passivité et ce, même s’ils ont en réalité la possibilité de fuir. Malheureusement, à l’instar de ces chiens, les élèves peuvent aussi apprendre à se résigner, au fil des difficultés et des échecs vécus, s’ils ont le sentiment de n’avoir que peu de maîtrise sur leur environnement. Lorsque c’est le cas, la motivation scolaire et le bienêtre s’en trouvent durement touchés et il est alors essentiel de leur démontrer qu’ils peuvent reprendre les rênes de leur réussite.
Le concept du sentiment d’efficacité personnelle (SEP), même s’il n’est pas nouveau, prend ici tout son sens. Contrairement au phénomène de résignation apprise, le SEP permet plutôt à l’élève de devenir un sujet actif de son développement et de s’engager pleinement et avec confiance dans ses apprentissages (Vianin, 2018). Défini par son créateur, l’illustre psychologue canadien Albert Bandura, comme l’ensemble des jugements et des croyances que possède un individu à propos de ses compétences, de ses ressources et de sa capacité à réaliser avec succès une tâche particulière, le SEP serait – rien de moins! – au fondement de la motivation, des accomplissements et du bienêtre de l’être humain (Bandura, 2019). En agissant sur l’autorégulation des processus cognitifs, de la motivation ainsi que des états émotionnels de l’élève, l’efficacité personnelle perçue contribue fortement à sa performance et ce, quelles que soient ses aptitudes réelles! Si nous reprenons l’exemple mentionné précédemment en lien avec le programme d’études de Secrétariat, cela voudrait donc dire que deux élèves possédant des aptitudes absolument identiques pourraient avoir un rendement de niveau très différent lors de la réalisation de leur bilan financier en fonction de leurs croyances d’efficacité respectives. Ainsi, ce qu’il faut comprendre de la théorie du SEP de Bandura, c’est que pour réussir, il ne suffit donc pas d’être capable, mais encore faut-il se croire capable! L’élève qui se croit capable s’engagera plus activement dans son travail et aura tendance à persévérer face aux difficultés plutôt que de baisser les bras, augmentant par le fait même ses chances de réussite.
Le rôle des croyances d’efficacité du personnel enseignant dans la construction du SEP des élèves et de leur bienêtre.
S’il est important de cultiver des croyances d’efficacité positives chez les élèves afin de favoriser leur réussite et de promouvoir leur bienêtre, il est tout aussi important d’assurer un fort SEP chez le personnel enseignant puisque ce qui est vrai pour l’élève l’est aussi pour celui ou celle qui l’accompagne! L’enseignant ou l’enseignante qui se croit capable s’engagera plus activement dans son travail et aura moins tendance à se résigner devant les défis rencontrés, augmentant ainsi ses chances de succès dans le cadre de ses différentes fonctions professionnelles.
C’est au cours des années 80 qu’un vif intérêt est développé pour le « sentiment d’efficacité du personnel enseignant » définit par Gibson et Dembo (1984) comme la croyance que possède un enseignant ou une enseignante en sa capacité d’influencer les apprentissages de ses élèves. Lorsque l’élève qui se croit capable est en plus accompagné d’une personne qui, elle aussi, se croit capable de le guider vers la réussite, le pouvoir du SEP s’en trouve alors décuplé, laissant présager un scénario des plus encourageants!
Fort de plusieurs décennies de recherche, le SEP du personnel enseignant a été maintes fois lié à la qualité des pratiques pédagogiques et des interventions en gestion de classe. En outre, l’enseignant ou l’enseignante ayant un SEP élevé s’avère plus susceptible d’adopter des pratiques novatrices et efficaces en cohérence avec les besoins de ses protégés. Certaines recherches ont même pu établir un lien entre de fortes croyances d’efficacité chez le personnel enseignant, la réussite des élèves dans certaines matières scolaires ainsi que leur motivation.
À la lumière de ce qui vient d’être énoncé, il n’est pas surprenant de constater que les croyances d’efficacité des enseignants et des enseignantes ont une incidence sur le bienêtre des élèves. En effet, si un fort SEP leur permet d’exploiter leurs ressources efficacement et de les mettre au service des élèves, il influence également positivement la perception qu’ils se font de leur compétence et de leur savoir-être. Cela contribue à favoriser un climat de classe favorable donnant lieu à des interactions positives et significatives, assurant ainsi le bienêtre, autant chez la personne enseignante que chez l’élève (Galand et Vanlede, 2004). En résumé, un SEP élevé chez le personnel enseignant favorisera l’utilisation de stratégies pédagogiques pertinentes et appropriées qui elles, auront un effet sur le SEP et par conséquent, sur la réussite et le bienêtre des élèves qui, à leur tour, viendront alimenter les croyances d’efficacité de l’enseignant ou l’enseignante, accroitre son bienêtre et ainsi de suite, laissant deviner une sorte d’engrenage circulaire qu’il importe de garder en mouvement!
En raison des liens considérables qui unissent le SEP du personnel enseignant et celui des élèves, il est crucial de se demander, en tant qu’enseignant et enseignante, de quelles façons il est possible de nourrir ces fameuses croyances d’efficacité. À ce sujet, une étude menée auprès de 22 nouveaux enseignants et enseignantes de la formation professionnelle nous donne des pistes de réponse. À partir de leur témoignage, quatre catégories de stratégies leur servant à maintenir et à développer leur SEP ont pu être identifiées. Peut-être sauront-elles inspirer et faire réfléchir les membres du personnel enseignant qui souhaitent accroitre leur SEP et ainsi, favoriser le bienêtre de leurs élèves!
Les élèves qui évoluent aux côtés d’enseignants et d’enseignantes qui savent tirer profit du soutien et de l’expertise des différentes personnes qui les entourent se sentiront davantage épaulés et bénéficieront potentiellement d’un enseignement de meilleure qualité. Voici les principales stratégies de mobilisation de ressources relevées par les enseignantes et les enseignants consultés :
• Solliciter le soutien de ses pairs afin de bénéficier de leurs conseils et de leurs rétroactions par rapport à divers aspects de ses pratiques enseignantes
• Procéder à l’observation de l’enseignement de collègues expérimentés
• Faire appel aux différentes personnes-ressources de son CFP (conseiller pédagogique, orthopédagogue, travailleur social, etc.)
• Mobiliser son réseau professionnel de métier afin de bénéficier du soutien ponctuel de « spécialistes de terrain » pour des questions plus pointues (exemple : équipements spécifiques utilisés en industrie ou normes en vigueur dans les milieux de pratique)
Certaines des stratégies utilisées par le personnel enseignant consulté renvoient directement aux actions mises en place dans leur enseignement. Comme elles permettent d’optimiser le choix et l’effet des stratégies d’enseignement-apprentissage et favorisent la différenciation pédagogique, elles sont indubitablement au service du bienêtre de l’élève. Voici les trois stratégies principales notées par les participants et participantes :
• Bien planifier son enseignement afin d’anticiper les difficultés ou les imprévus, réfléchir à leurs solutions en amont de la période d’enseignement et assurer une bonne fluidité et continuité dans le processus d’enseignement-apprentissage
• Utiliser fréquemment l’évaluation formative pour valider l’efficacité des méthodes d’enseignement et d’apprentissage utilisées, obtenir des informations cruciales au sujet des besoins des élèves, orienter ses interventions futures et éviter les pertes de temps
• Instaurer et entretenir de bonnes relations avec les élèves afin de les connaitre, de comprendre leurs défis et de leur apporter l’aide et le soutien dont ils ont besoin
Dans le but de se sentir efficaces dans leur vie professionnelle, plusieurs enseignants s’efforcent d’adopter des attitudes ou des comportements associés au bienêtre. Voici quelques-unes des stratégies mentionnées par les personnes participantes à la recherche :
• Aborder ses tâches avec entrain et se centrer sur les aspects positifs de son travail, surtout dans les moments plus difficiles
• S’engager dans les tâches et la vie de son CFP afin de se sentir utile, valorisé et important (exemples : participation à des comités ou à des activités promotionnelles de son CFP
• Pratiquer un sport ou un loisir que l’on affectionne particulièrement afin de maintenir un niveau d’énergie adéquat pour enseigner et préserver un équilibre entre sa vie personnelle et professionnelle
Afin de se sentir efficaces, les enseignants et enseignantes de l’étude ont également fait part de l’importance d’assurer leur perfectionnement professionnel. Les stratégies qu’ils ont répertoriées touchent autant l’aspect pédagogique que disciplinaire du travail enseignant :
• Suivre des formations et s’autoformer afin de rester près du métier enseigné et de mettre à jour ses connaissances
• Faire partie de regroupements stratégiques comme être membre d’un conseil d’administration d’une entreprise ou d’une association de métier, ce qui permet de « garder un pied sur le terrain »
Ces stratégies offrent l’occasion au personnel enseignant de demeurer à l’affût des changements et des nouveautés associés à leur champ d’expertise. En plus de garantir une formation de qualité répondant aux besoins du marché du travail, le fait de demeurer relativement près de son ancien univers de travail permet de mettre plus facilement en contact des employeurs potentiels et des élèves finissants. En ce sens, nul doute que ces stratégies influencent le bienêtre des élèves!
Le bienêtre de l’élève est touché de près par le sentiment d’efficacité personnelle du personnel enseignant qui intervient auprès de lui. L’étude sur les croyances d’efficacité des nouveaux enseignants et enseignantes de la FP a permis de retenir quatre familles de stratégies utilisées par les enseignants du milieu de la formation professionnelle pour augmenter leur SEP. Précisons que ces stratégies peuvent servir plus largement à tout projet dans la communauté éducative s’intéressant au sentiment d’efficacité personnelle et peuvent inspirer tout particulièrement les enseignants et enseignantes à la recherche de moyens pour augmenter leur SEP et ce, quel que soit le niveau scolaire (primaire, secondaire, collégial, universitaire) dans lequel ils œuvrent. Mais peu importent les stratégies employées, gardons en tête que favoriser le développement du SEP du personnel enseignant aura des incidences non négligeables sur son bienêtre et sur celui des élèves.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2021
Bandura, A (2019). Auto-efficacité. Comment le sentiment d’efficacité personnelle influence notre qualité de vie (3e édition). De Boek Supérieur.
Beaucher, C. et Breton, S. (2020). Formation professionnelle. Les élèves de moins de 21 ans ont-ils un projet professionnel qui les anime? Éducation Canada, 60(2). https:// edcan.ca/articles/formation-professionnelle/?lang=fr
Galand, B et Vanlede, M. (2004). Le sentiment d’efficacité personnelle dans l’apprentissage et la formation : quel rôle joue-t-il? D’où vient-il? Comment intervenir? Savoirs, 5 (hors série), 91-116.
Gibson, S. et Dembo, M. H. (1984). Teacher efficacy: A construct validation. Journal of Educational Psychology, 76, 569-582.
Vianin, P. (2018). Le bien-être de l’élève et l’autoefficacité. Dans N. Rousseau et G. Espinosa (Dir.), Le bien-être à l’école. Enjeux et stratégies gagnantes (p. 85-108). Les Presses de l’Université du Québec.
Un élément que la pandémie semble avoir mis en lumière est la nécessité, pour tout intervenant du milieu éducatif, d’entretenir une « gymnastique de développement professionnel » permettant de rester à l’affût de nouvelles approches, stratégies et ressources pédagogiques pouvant inclure le numérique. Cette posture professionnelle pourrait faciliter le réinvestissement rapide des apprentissages ou simplifier l’appropriation de nouveaux outils, sans donner le sentiment de devoir prendre les bouchées doubles ou triples en peu de temps.
Le développement professionnel est d’ailleurs maintenant une partie intégrante du cheminement de carrière de tout professionnel. Pour certains, il s’agit de répondre à des exigences normatives de la part de leur ordre professionnel; pour d’autres, d’assurer de façon autonome une mise à jour de leur pratique. Comme le mentionne Tardif (2018), au fil du temps, ce qu’un enseignant et d’autres professionnels ont appris à l’université lors de leur formation n’est aujourd’hui que la base nécessaire à l’apprentissage et à la maîtrise du savoir professionnel en cours de carrière. La question est donc de déterminer le « où », le « quand » et le « comment » permettant d’assurer ce développement professionnel.
Aux termes d’une recension des écrits importante dans le domaine du développement professionnel, Uwamariya et Mukamurera (2005) concluent sur « une idée commune » pour le milieu de l’éducation :
« (…) le développement professionnel est un processus de changement, de transformation, par lequel les enseignants parviennent peu à peu à améliorer leur pratique, à maîtriser leur travail et à se sentir à l’aise dans leur pratique » (Uwamariya et Mukamurera, 2005, p. 148).
C’est dans cette optique que cet article souhaite présenter une matrice du développement professionnel (Figure 1) développée par le CADRE21 et pouvant être abordée autant du point de vue du professionnel souhaitant prendre en main son développement que de l’angle du gestionnaire qui souhaite offrir des ressources en ce sens. La matrice permet aux différents acteurs de répertorier une grande variété de formes d’accompagnement dans une démarche de formation continue.
Autant le moment, le sujet abordé que l’objectifpoursuivi permettent de déterminer la forme du développement professionnel à mettre de l’avant. La matrice présente quatre quadrants qui reposent d’une part sur le type de soutien qui sera fourni au professionnel et de l’autre sur le cadre de réalisation associé à l’activité de développement professionnel.
Dans certains contextes, ces activités peuvent se réaliser de façon totalement autonome (autoformations en ligne, lectures, cours à distance, etc.) ou de façon dirigée (formation par un expert, congrès, conférence, etc.). Les deux formes peuvent avoir lieu lors de périodes prévues à cet égard, in situ, lors de journées de perfectionnement consacrées à cette fin (journée pédagogique ou thématique, évènement annuel, etc.). Mais il est aussi possible que ces activités se réalisent à d’autres moments choisis par le professionnel, selon son emploi du temps. Finalement, le choix du sujet peut être adapté aux besoins précis du professionnel (plan de développement, besoin ciblé, etc.) ou faire l’objet d’un consensus d’équipe ou d’un objectif de gestion.
Ainsi, le quadrant de la partie supérieure droite du schéma peut présenter un enseignant qui se fixe des objectifs personnels, en choisissant un sujet selon ses intérêts et dont les apprentissages pourront être réalisés à son rythme. À l’inverse, dans un contexte visant les échanges entre collègues, le quadrant de la partie supérieure gauche présente une approche où le sujet de la formation est contextualisé (selon la réalité du département, de l’équipe-matière, de l’équipe-école, etc.) et dont les apprentissages se feront dans un temps circonscrit et dans un lieu déterminé.
La matrice vise, entre autres, à proposer un développement professionnel qui :
Ainsi, cibler les besoins de développement professionnel du professionnel devient incontournable afin d’offrir des ressources variées pour répondre à ces besoins précis dans une formule adaptée selon le contexte de chacun. En ce qui a trait au leadership et à l’accompagnement en matière de développement professionnel, les gestionnaires doivent ensuite être au fait de dispositifs variés et souples pouvant être proposés aux professionnels tels que des conférences, de la formation en ligne, des communautés d’apprentissage professionnelles (CAP), de l’accompagnement ou de l’animation par un conseiller pédagogique, des ateliers, des lectures, des cours universitaires, des évènements ponctuels. Plusieurs travaux, dont ceux de Richard (2017), ont permis de rassembler quelques caractéristiques que partagent les programmes de formation continue les plus efficaces (Figure 2). L’une d’elles mentionne l’importance d’avoir des formations fondées sur des données probantes.
Une fois les ressources déterminées et partagées de façon à répondre aux besoins de développement professionnel manifestés par les enseignants, la reconnaissance de temps consacré à ces activités devient incontournable. La crise mondiale actuelle prendra fin un jour. Souhaitons que les nouveaux apprentissages réalisés dans l’urgence puissent contribuer à bonifier les pratiques futures, mais il est surtout souhaitable qu’il s’agisse d’une occasion de valoriser davantage le développement professionnel au sein de l’ensemble de la profession enseignante, tous ordres confondus.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2021
Richard, M. et collab. (2017). Quels sont les modèles de formation continue les plus efficaces pour l’enseignement de la lecture et de l’écriture chez les élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire? Une synthèse des connaissances, Québec, Université TÉLUQ, 69 p.
Stasse, S. (2020, 4 mai). À ne pas avoir pris le bateau, on nage pour le rattraper… Scholam. https://sebastienstasse.com/2020/05/04/le-bateau/
Stasse, S. (2020, 21 mai). Les multiples facettes du développement professionnel… Scholam. https://sebastienstasse.com/2020/05/21/les-multiples-facettes-du-dp/
Tardif, M. (2018). Travailler sur des êtres humains : objet du travail et développement professionnel. Dans J. Mukamurera, J.-F. Desbiens et T. Perez-Roux (dir.), Se développer comme professionnel dans les professions adressées à autrui (p. 31-62). Montréal (Québec) : Éditions JFD inc.
Uwamariya, A. et Mukamurera, J. (2005). Le concept de « développement professionnel » en enseignement : approches théoriques. Revue des sciences de l’éducation, 31(1), 133–155.
La réalité évoquée par les auteures de cet article est celle de leur milieu scolaire qui bénéficiait en mars 2020 de ressources tant numériques qu’humaines pour soutenir l’apprentissage et l’enseignement à distance1. Tout ce qui a été accompli pour répondre au contexte sanitaire a certes été favorisé par les moyens mis à disposition de tous, mais il serait malhonnête de laisser croire pour autant que cela s’est fait sans heurts ni résistances.
C’est une première pour les générations actuelles d’avoir dû affronter à une pandémie planétaire ayant eu autant d’effets sur tous les aspects de la société. En effet, du jour au lendemain, nous avons été emportés dans une histoire dont le déroulement et l’issue nous échappaient. Les décisions gouvernementales et les aléas des mesures sanitaires impliquant la fermeture abrupte des écoles ont entraîné la perturbation des repères quotidiens dans tous les milieux scolaires. Plusieurs enseignants nous ont d’ailleurs rapporté un grand sentiment d’impuissance et de perte d’efficacité professionnelle allant même, pour certains, jusqu’à une crise d’identité2. L’acte d’enseigner étant avant tout une affaire de relations, le passage à l’enseignement à distance a donc été pour beaucoup une profonde remise en question de la pertinence de leur rôle.
Le legs de la pandémie sur l’éducation nous préoccupe d’autant que le milieu de l’éducation était déjà fragilisé par un taux d’abandon de la profession inquiétant3 et par un important taux de décrochage des élèves4. À ces préoccupations s’ajoute un constat : depuis des années existent des initiatives visant à transformer l’École, mais elles n’ont pas trouvé d’écho assez fort pour inspirer massivement le changement dans le système scolaire. Quelle suite allons-nous donc donner à cet épisode? Parviendrons-nous à trouver un équilibre entre passé et présent malgré une vision encore floue du futur et l’immense fatigue qui affecte les milieux scolaires? Saurons-nous éviter une « renormalisation » scolaire qui nous ramènerait inévitablement à une position précaire? Saurons-nous tirer profit de ce qui sera, au bout du compte, une parenthèse dans la longue histoire de l’École, pour faire émerger des propositions de remplacement ou complémentaires?
À quoi fait-on référence quand on parle de normalité scolaire? À un lieu physique précis, celui de l’espace de la classe ou plus largement de l’établissement scolaire; à une organisation du temps très cadrée, celle du calendrier scolaire et de l’horaire de classe; à des formes d’enseignement où les interactions sont en présence, y compris l’évaluation. Quand certains rêvent d’un retour à la normale, c’est de cette époque dont ils sont nostalgiques. Deux raisons semblent expliquer cette attitude de résistance : premièrement, l’alternance distance-présence impliquant l’enseignement à distance à partir de l’automne 2020 n’a pas touché de la même manière tous les enseignants. Pour certains, il n’existait donc pas de besoin qui les incite à questionner ou à modifier leurs pratiques. Deuxièmement, d’autres ont considéré qu’il n’y avait pas assez de bénéfices à les changer au regard des difficultés rencontrées ou encore qu’ils se sentaient dépassés par l’ampleur de la tâche. Pourtant, malgré ces résistances, plusieurs ont accepté de voir la crise qu’ils traversaient comme une occasion de faire autrement et tout porte à croire que, pour eux, rien ne sera plus comme avant. En effet, les défis de l’enseignement à distance ont démontré la nécessité de scénariser la séquence d’apprentissage autour d’une intention pédagogique claire et de savoirs essentiels à prioriser en contexte, réflexe qui était loin d’être si naturel auparavant. De nouvelles approches et modalités d’interventions ont donc été expérimentées, ce qui a permis de constater souvent des effets positifs des changements apportés sur la réussite des élèves. À titre d’exemple, celui de la rétroaction : de nombreux enseignants s’entendent sur le fait que celle qu’ils donnent désormais à leurs élèves, optimisée par l’usage d’outils numériques (GoFormative, Wooclap, Nearpod, Flipgrid…), a gagné en efficacité et en utilité. En effet, d’une part, les outils numériques favorisent une rétroaction instantanée, ce qui permet d’agir rapidement auprès d’un élève ou d’un groupe. D’autre part, les élèves se sont montrés particulièrement réceptifs aux commentaires vocaux laissés par leurs enseignants car cela leur donnait l’impression de recevoir des conseils qu’ils auraient obtenus lors d’un dialogue un à un. Grâce à cette ouverture et à cette prise de risque de la part de certains enseignants, ils ont pu trouver des réponses concrètes à des situations problématiques, ce qui a eu pour conséquence un regain de confiance et d’estime de soi dans leur capacité d’innovation.
Aussi, ce que nous avons remarqué dans notre école, c’est que certains enseignants n’étaient pas forcément des experts en technologie. Cependant, ils ont su s’autoformer ou solliciter les ressources pour ajuster leurs pratiques5. Les initiatives inspirantes de ces enseignants6 suffiront-elles néanmoins pour provoquer le changement auprès de leurs collègues, et rêvons un peu… auprès des instances ministérielles? Localement, pour encourager l’innovation et la porter plus loin, nous recommandons que les directions scolaires tiennent compte des effets positifs du partage de pratiques entre pairs et de la collaboration pédagogique entre collègues. Elles devraient aussi mettre en place des structures qui les favorisent (mentorat, groupe d’entraide professionnelle, communauté d’apprentissage professionnelle, rencontre d’accompagnement pédagogique, etc.).
Dans les médias, nous entendons souvent parler des élèves qui ont cumulé des retards importants, qui ont perdu leur motivation ou qui ont développé des problèmes de santé mentale. Ces propos nous amènent à faire deux constats : d’une part, ces élèves n’étaient pas suffisamment outillés pour faire face à ce chamboulement des pratiques pédagogiques. D’autre part, a contrario, cette crise semble avoir eu des impacts positifs sur certains. Revenons à il y a plus de vingt ans au Québec : à cette époque, le milieu scolaire a vécu une profonde réforme des programmes qui s’est traduite par la mise en place d’un enseignement et d’une approche évaluative centrés sur le développement de compétences tant disciplinaires que transversales. Par ailleurs, depuis quelques années, nombre d’études internationales ont souligné la nécessité de développer des compétences qui permettraient aux élèves de faire face aux principaux défis de notre époque, compétences qui ont été identifiées comme celles du XXIe siècle. Ironie du sort, la crise actuelle a montré la nécessité absolue de développer ces compétences transversales, tant décriées et mises
de côtés il y a vingt ans. On a d’ailleurs constaté, par exemple, que les élèves qui avaient développé avant la pandémie leur capacité à résoudre des problèmes, leur pensée créative et leur autonomie, avaient un net avantage sur ceux qui n’avaient pas autant d’habiletés au niveau de l’organisation de leur travail. Durant cette pandémie, nos élèves auront certainement beaucoup appris, ayant été confrontés à des situations inconnues de leurs prédécesseurs. Il sera donc primordial que le réseau de l’éducation reconnaisse et promeuve la pertinence de ces compétences auprès de tous les intervenants scolaires, quitte à les actualiser au regard de ce qui a été vécu depuis un an. Il sera aussi essentiel qu’on les intègre dans le parcours de formation initiale et continue des enseignants parce qu’il ne suffira plus que ceux-ci en facilitent l’acquisition chez leurs élèves. Il faudra également qu’ils les possèdent eux-mêmes, d’où l’importance de soutenir les activités de développement professionnel sur une base continue et le déploiement de communautés d’apprentissage professionnelles sur une base locale.
Beaucoup d’initiatives ont été mises en place par les directions d’établissements scolaires et par le ministère de l’Éducation pour soutenir la formation des enseignants et pour rattraper les retards importants que certains élèves auraient subis dans leurs apprentissages. Voici ce que nous aimerions voir perdurer dans les prochaines années :
À quelques semaines de la fin de cette année scolaire très mouvementée, nous aimerions imaginer un dénouement positif qui évitera l’évaporation cognitive d’ici septembre 2021. Tout ce que nous avons gagné durant cette crise doit servir à transformer l’École pour qu’elle s’ancre enfin dans son époque. Antoine de Saint- Exupéry a écrit : « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le coeur de tes hommes et femmes le désir de la mer. ». C’est notre plus grand souhait pour l’avenir.
1 Dans les faits, cela signifie qu’enseignants comme éléves disposaient d’outils numériques (tablettes ou ordinateurs portables, applications numériques et plateformes d’apprentissage, etc.) et que ces milieux disposaient également de ressources humaines (technopédagogues, conseillers pédagogiques ou autre personnel de soutien à la pédagogie) pour accompagner et aider à l’appropriation des outils et à la réflexion que leurs usages supposent.
2 Voir les recherches d’Albert Bandura sur le sentiment d’efficacité personnelle, notamment : Bandura, A., (trad. Jacques Lecomte), Autoefficacité : Le sentiment d’efficacité personnelle [« Self-efficacy »], Paris, De Boeck, 2007, 2e éd. (1re éd. 2003)
3 Pierre Canisius Kamanzi, Maurice Tardif et Claude Lessard (2013). Les enseignants canadiens à risque de décrochage : portrait général et comparaison entre les régions. Repéré à https://erudit.org/fr/revues/mee/2015-v38-n1-mee02527/1036551ar/
Réseau d’information pour la réussite éducative (2019). Pour quelles raisons les nouveaux enseignants d.crochent-ils? Repéré à http://rire.ctreq.qc.ca/2019/07/pour-quelles-raisons-les-nouveauxenseignants-decrochent-ils/
4 Réseau d’information pour la réussite éducative (2018). Quatre pistes d’action pour contrer le décrochage scolaire. Repéré à http://rire.ctreq.qc.ca/2018/06/quatre-pistes-daction-contrerdecrochage-scolaire/
5 Les enseignants ont pu recourir à des autoformations, notamment celles offertes et élaborées par la TELUQ, le Cadre21, l’École branchée et le RÉCIT.
6 Nous faisons allusion ici au concept d’empowerment individuel et collectif tel que William A. Ninacs l’a développé notamment dans Empowerment et intervention : Développement de la capacité d’agir et de la solidarité. Québec. Les presses de l’Université Laval.
7 Voir la d.marche et les outils déposés sur le site J’enseigne à distance, TELUQ, 2020. Voir aussi Précis d’ingénierie pédagogique de Manuel Musial et Andr. Tricot. Les auteurs proposent une théorie de l’ingénierie pédagogique en 3 actes : l’acte d’apprendre, l’acte d’enseigner et l’acte de concevoir un enseignement. Ils fournissent aussi de nombreux exemples pour soutenir sa mise en œuvre.
8 Voir le Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2016-2018, Évaluer pour que .a compte vraiment, Conseil Supérieur de l’Éducation, 2019. Voir aussi la présentation de l’atelier « Des outils pour évaluer différemment : comment le numérique peut-il être au service réel des apprentissages ? » animé par Laurie Bédard, Conseillère pédagogique au RECIT CSDA et Josée Portelance, Conseillère pédagogique en intégration du numérique au CSDA, à l’AQEP 2019. Repéré à https://bit.ly/aqep213_2019
9 Coéducation, Quelle place pour les parents ?, Revue de l’IFE, Lyon, 2015. Voir aussi l’accompagnement et les ressources propos.s en coéducation par le magazine « L’École branchée » : https://ecolebranchee.com/famille/
Les élèves possédant une culture numérique savent comment se servir d’un ordinateur et de l’Internet pour trouver, lire, organiser et analyser l’information d’un œil critique, créer du contenu numérique (p. ex., infographies, blogues, vidéos) à diverses fins et avec diverses applications, et participer de façon éthique à des plateformes, sur les réseaux sociaux et autres en empruntant des formes variées (texte, image, son, mot-clic). Enseignants et parents jouent un rôle crucial pour amener les jeunes à peaufiner leurs habiletés numériques et les pratiques sociales qui leur permettront de devenir des lecteurs, rédacteurs et participants avisés dans un univers complexe où les technologies numériques transforment notre façon de penser, de comprendre et d’interagir.
Lorsque les enfants apprennent à reconnaître, à décoder et à écrire les lettres de l’alphabet, ils peuvent aussi apprendre à reconnaître et à taper des lettres sur un clavier, utiliser des applications numériques pour écouter et utiliser les fonctions des livres numérisés, enregistrer et partager leurs idées sur une application audio et se servir de plateformes de codage par blocs (p. ex., SCRATCH) pour concevoir des commandes que lit l’ordinateur. Les jeunes enfants ont besoin de possibilités d’apprentissage adaptées à leur développement afin de comprendre et d’utiliser toutes les technologies qui façonneront la mise en application de leurs compétences tout au long de leur vie.
La collaboration créative implique de dépasser la simple consommation d’information numérique, puisque les élèves doivent négocier et résoudre des problèmes complexes à l’aide d’un éventail d’outils numériques. Par exemple, la cocréation d’une vidéo numérique sur un thème à portée sociale peut nécessiter l’utilisation de plateformes infonuagiques de rédaction pour la scénarisation par images, de caméras numériques pour l’enregistrement, de pratiques de gestion des données pour organiser les fichiers, de logiciels de montage numériques et de plateformes de partage de vidéos, moyennant des autorisations selon le niveau de confidentialité requis. Grâce à la collaboration et à l’examen par les pairs, les élèves apprennent les rudiments de la création, de l’édition et de la diffusion de leurs œuvres à titre de participants actifs à un ensemble de cultures en réseau.
Lorsqu’ils cherchent de l’information sur Internet, les élèves qui adoptent une approche d’évaluation et consultent différentes sources afin de comparer les faits, arguments et perspectives (technique appelée lecture latérale) ont en général une compréhension plus juste des thèmes abordés. Pour intégrer cette approche, les élèves doivent avoir des occasions de soupeser la fiabilité des sources d’information à l’aide d’indicateurs (contexte, identité et qualifications de l’auteur, point de vue, données sur le financement, type de texte, modalité, recours à des déclencheurs émotionnels, mode de circulation de l’information sur les réseaux sociaux, possibilité de vérifier cette information). De plus, il est bénéfique pour les élèves d’avoir à justifier leur classement de fiabilité lors d’un débat avec leurs pairs et lorsque leurs parents et leurs enseignants démontrent des méthodes d’évaluation critique en pensant à voix haute lorsqu’ils jugent l’information.
La lecture et l’écriture exigent un enseignement explicite durant des années avec de nombreux types de textes à diverses fins de communication, et il en va de même pour la littératie numérique. On peut penser que les enfants ont une maîtrise innée des technologies numériques, mais la recherche a dissipé ce mythe. Même les jeunes adultes très instruits qui ont grandi avec l’Internet ne sont pas immunisés contre les fausses nouvelles et ne savent pas nécessairement comment résoudre des problèmes complexes à l’aide d’un ordinateur. Étant donné l’importance des réseaux virtuels mondiaux dans presque tous les aspects de notre vie, il est essentiel de privilégier l’enseignement d’habiletés numériques à tous les niveaux d’études et dans toutes les matières pour que les élèves apprennent en bas âge des techniques fondamentales de lecture, de composition et de participation numériques.
Publié par le Réseau ÉdCan en partenariat avec
À l’échelle mondiale, nous sommes confrontés à des défis sociétaux et environnementaux complexes tels que le changement climatique, la pauvreté, les inégalités et la dégénération de l’environnement, que nous nous devons d’affronter pour nous assurer un avenir plus durable pour tous. Les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies définissent 17 domaines d’action visant à maintenir la vie (humaine et non humaine), à mettre fin à la pauvreté et à atteindre la justice sociale. Ce sont les éléments constitutifs du bienêtre mondial.
Pour les éducateurs et les éducatrices, les ODD ont une importance et un potentiel éducatifs importants. Ils offrent une pertinence transversale et des occasions d’apprentissage inestimables aux élèves de découvrir leur rôle crucial dans la résolution de problèmes locaux, régionaux et mondiaux, en commençant par leur propre communauté. Simultanément, les ministères de l’Éducation, les districts scolaires et les communautés scolaires découvriront qu’un engagement envers les ODD peut aider les élèves à atteindre l’objectif crucial d’acquérir les six compétences pan canadiennes présentées par le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) (CMEC) pour les équiper à façonner un monde à la hauteur de leurs aspirations.
Dans ce numéro, nous explorons comment les enseignants et les enseignantes peuvent inciter les élèves à devenir des citoyens du monde actifs qui abordent les problèmes mondiaux réels avec espoir et autonomie.
Photo couverture : gracieuseté de MCIC
J’écris ce message dehors au nord du Nouveau-Brunswick près d’un petit feu de bois. La chaleur et le crépitement du feu, le gazouillis des mésanges, la beauté des arbres et la blancheur de la neige me ravissent. Je me dis que c’est trop de beauté d’un coup!
Devant cette riche nature qui m’enchante, je me mets à penser à nos élèves, souvent paradoxalement confinés (le mot de l’année!) à l’intérieur pour apprendre ce qui se passe dehors.
Deux questions me tiraillent : Je me demande si ces jeunes sauront, plus que ma génération, contribuer à la durabilité de notre précieux environnement. S’ils apprendront par exemple à donner autant à notre planète et à notre société qu’à leur en demander. Je me demande aussi si le personnel enseignant relèvera le défi d’intégrer dans son enseignement sur une base quotidienne les enjeux humanitaires et globaux, par exemple, la faim qui afflige une trop grande partie de la planète, un travail décent pour tous, l’égalité des sexes. À cet égard, les nombreux articles de ce numéro spécial sur les 17 objectifs de développement durable des Nations Unies me donnent espoir. Notamment, le récipiendaire du Prix Pat-Clifford, Jean-Philippe Ayotte-Beaudet, qui décrit (p. 39) comment et pourquoi enseigner les sciences dehors, me redonne le gout de retourner sur les bancs d’école.
Marie Brodeur Gélinas et Geneviève-Gaël Vanasse (p. 36) décrivent les actions éducatives d’Oxfam-Québec dans leur démarche d’éducation à la citoyenneté mondiale. Les activités et ressources qu’elles proposent visent à valoriser les actions des jeunes et à leur permettre d’influencer les lieux de pouvoir. Alors que d’autres articles adoptent la perspective des programmes d’études et de l’incontournable travail d’équipe des professionnels, plusieurs textes rendent saillants les liens cruciaux entre les objectifs de développement durable, les programmes d’études et la vie de tous les jours.
En fait, ce numéro donne espoir que l’éducation prendra une part active au développement durable… de façon durable et que le dynamisme de nos jeunes, trop heureux de passer en mode action, fera toute la différence pour faire durer notre planète dans le temps.
Photo : gracieuseté de MCIC
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Éco-anxiété, sentiment d’impuissance, pessimisme face à l’avenir, individualisme… Alors que l’humanité traverse de sombres tempêtes, plusieurs s’inquiètent du moral des jeunes et doutent de leurs capacités à exercer leur pouvoir citoyen. Oxfam-Québec rencontre des milliers de jeunes chaque année et constate plutôt que leurs actions citoyennes se déploient sur les fronts de la justice climatique, économique et de genre, avec espoir et ingéniosité.
Depuis plus de quarante-cinq ans, notre organisation est présente dans le milieu scolaire pour encourager l’engagement citoyen jeunesse afin de construire un monde juste et durable. Une prémisse : les jeunes possèdent un pouvoir citoyen et il est indispensable de les traiter à la hauteur de ce qu’ils sont – des agents de changement – et de ce qu’ils font – poser des gestes de solidarité pour combattre les inégalités.
Aujourd’hui, pour définir les actions éducatives d’Oxfam-Québec, on parle d’éducation à la citoyenneté mondiale, une démarche éducative qui accompagne les jeunes dans leur cheminement comme citoyennes et citoyens du monde, responsables et solidaires. Ce continuum pédagogique vise à informer les jeunes, à les mobiliser, à leur permettre d’influencer les lieux de pouvoir et à valoriser leurs actions. Les jeunes s’insèrent dans cette démarche par des ateliers offerts dans leur classe : par le biais de la Marche Monde grâce à laquelle plusieurs expérimentent leur première expérience d’action collective; en s’investissant dans des projets de longue haleine comme des collectes de fonds pour appuyer des projets de développement durable; ou encore en participant à des actions d’influence proposées dans le cadre de campagnes de mobilisation.
Toutes ces activités répondent à des éléments du Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ), tant au niveau de sa mission, des domaines généraux de formation, des compétences à développer que de la progression des apprentissages. Oxfam est même citée comme repère culturel dans le cursus scolaire, soit dans le thème de la disparité de la richesse du cours Monde contemporain de 5e secondaire. Dans tous les cas, nous indiquons clairement dans ses ressources à quels éléments du Programme celles-ci répondent. Beaucoup d’enseignantes et d’enseignants, mais aussi de personnels non-enseignants dont les animatrices et animateurs de vie spirituelle et communautaire, utilisent ces ressources en classe ou en parascolaire. Compte tenu de leurs mandats prenants et des horaires chargés, les membres du personnel scolaire apprécient l’appui de notre équipe qui leur propose des séquences pédagogiques qui répondent à leurs besoins. Pour utiliser ces ressources, tous les renseignements se trouvent sur le site d’Oxfam-Québec, sous la rubrique « Ressources pour les milieux scolaires ».
L’éducation que nous proposons est transformatrice et émancipatrice. Elle permet en particulier aux jeunes filles ainsi qu’aux jeunes issus de minorités d’avoir une voix et d’être entendues dans leur lutte contre les injustices. C’est avec des jeunes mobilisés qui exercent leur citoyenneté mondiale, capables de résoudre des problèmes et solidaires de leurs pairs aux quatre coins du globe qu’un monde juste et sans pauvreté se construit.
En accord avec les orientations de l’UNESCO, la confédération Oxfam considère que les Objectifs de développement durable (ODD) établis par les Nations Unies sont les priorités à mettre au cœur de l’éducation à la citoyenneté mondiale. Dans les paragraphes qui suivent, quatre séquences pédagogiques sont présentées, répondant chacune à un ODD. Ces activités ont été adaptées afin de rester accessibles en temps de pandémie, notamment grâce aux outils de communications en ligne et aux ressources interactives numériques.
L’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles, l’ODD numéro 5, est au cœur de notre action : construire un monde juste est impossible si la moitié de l’humanité ne peut s’épanouir dans le respect de ses droits.
Prenons par exemple la campagne « Les tâches ménagères et le travail de soin. Ça compte! » qui dans un premier temps informe les jeunes de l’inégale répartition du travail ménager entre les sexes, notamment grâce au rapport intitulé Celles qui comptent. Un atelier gratuit, « Libres de choisir », amène les élèves du secondaire à prendre connaissance des droits sexuels – qui émanent des droits humains – et à réfléchir aux impacts du non-respect de ces droits, en tenant compte du contexte social et culturel. Le nom de cet atelier, impliquant la question de la liberté de choix, n’est pas anodin : les inégalités de choix vécues par des adolescentes partout dans le monde ont des conséquences importantes sur leurs parcours de vie. Au Québec aussi, les jeunes doivent faire des choix au regard de leurs droits sexuels. Les jeunes ainsi sensibilisés par cet atelier sont invités à appuyer un projet entrepris en République démocratique du Congo, intitulé Mères et enfants en santé qui vise à améliorer la santé des femmes des adolescentes et des jeunes enfants. Pour les jeunes plus âgés, tout un parcours de mobilisation est prévu, intitulé C’est pour elles aussi, renforçant leurs capacités à mobiliser à leur tour leur entourage et à diffuser des messages positifs par le biais d’actions concertées, de plans d’action numériques et par la rencontre de personnes élues.
« Ma participation à la formation d’Oxfam-Québec « C’est pour elles aussi » m’a permis de comprendre que ma voix est valide et que j’ai le droit de la faire entendre. Les réseaux sociaux sont des alliés de taille pour sensibiliser la population et faire évoluer les discours. […] L’équipe a su me transmettre les notions théoriques entourant le cyberactivisme et me donner le courage nécessaire pour utiliser ma voix! Cela m’a même permis de démarrer mon propre projet de plateforme ressources-inspirations sur Instagram (@lesensduchaos) en réponse à la détresse psychologique générée par le confinement.
Laurence C. Germain, participante au projet « C’est pour elles aussi » d’Oxfam-Québec
L’urgence de prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions, l’ODD numéro 13, occupe une place importante dans le travail d’éducation d’Oxfam. Cet enjeu recoupe toutes les questions d’inégalités dans le monde : inégalités historiques, socioéconomiques, et inégalités de genre.
La campagne dédiée à ce sujet s’intitule « Climat de justice ». Tout comme le contenu de l’atelier gratuit offert aux jeunes de 12 à 30 ans, la campagne souligne les injustices liées à la crise climatique, comme l’impact démesuré de cette dernière sur les populations les moins responsables des émissions de carbone. Parce que l’indignation peut être un moteur d’action, les jeunes impliqués pourront ensuite participer à la 50e Marche Monde sur la justice climatique. Cette Marche constitue le point culminant d’une année d’actions, et pour valoriser celles-ci, l’équipe d’Oxfam-Québec lance aux jeunes qui s’y préparent plusieurs défis, qui vont de la réalisation d’un clip vidéo à des prises de parole dans les médias. Les jeunes peuvent aussi dès la rentrée scolaire organiser une action symbolique et solidaire nommée « Debout pour le climat » dans leur établissement afin de signifier aux décideuses et décideurs leur engagement en faveur de la justice climatique.
« À toutes celles et ceux qui disent qu’on ne peut pas accomplir quoi que ce soit, regardez-nous, 6 000 jeunes qui marchent pour le monde! Moi, ça me rend vraiment fière de voir ça! Une place pour nous dans le fond ça veut dire que peu importe notre âge, notre genre, notre couleur, ou notre religion on a le droit à nos voix. »
Estelle Lafrance, 17 ans, membre du Siège jeunesse Oxfam-Québec, participante et porte-parole de la Marche Monde
Bien entendu, le premier ODD, Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde, sous-tend tous les autres. Il importe de parler d’économie avec les jeunes et de déconstruire les dogmes qui font obstruction à une réelle compréhension des solutions envisageables pour que tout le monde puisse vivre dignement sur cette planète.
Dans ce cadre, un atelier gratuit est offert aux jeunes sur un nouveau modèle économique créé par Oxfam. « L’économie du beigne »tourne le dos à l’obsession de la croissance infinie à tout prix pour proposer que l’économie cible le bien-être de toutes et de tous – en tenant compte d’une série d’indicateurs sociaux à respecter et des limites terrestres à ne pas dépasser. Ce nouveau modèle est déjà appliqué par plusieurs villes à travers le monde : Bruxelles (Belgique), Amsterdam (Hollande), mais aussi Nanaimo au Canada. Cet atelier fait partie de la campagne « Taxer la richesse : aplanir les inégalités ». Les jeunes sont invités à signer la pétition qui interpelle directement le gouvernement canadien afin de rebâtir une économie juste qui s’attaque aux inégalités. En prévision des élections municipales à venir, les jeunes pourront interpeller les candidats sur leur intérêt éventuel à appliquer le modèle du beigne à l’économie de leur ville. Une belle manière de s’initier à la vie politique!
Le modèle économique du beigne renvoie à l’ODD numéro 8 : Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous.
Un projet novateur d’Oxfam-Québec permet depuis près de 15 ans de transmettre aux plus jeunes les valeurs d’innovation, de créativité et de durabilité prônées par le Conseil des ministres de l’Éducation au Canada (CMEC) : il s’agit de Magasin du Monde. L’idée est d’implanter dans les établissements d’enseignement des entreprises d’économie sociale vouées au commerce équitable. Les jeunes qui intègrent le Magasin siègent sur un conseil d’administration et se partagent les tâches : études de marché, gestion d’inventaire et des ventes, actions d’éducation dans le milieu, communications internes et externes… Il ne s’agit pas de ventes ordinaires, puisque les produits vendus sont issus du commerce équitable, et qu’une part des profits servira à soutenir un projet de développement durable. Dans certains cas, c’est toute la communauté locale qui prend part au projet et évolue grâce à celui-ci, les marchés agricoles et les agences de tourisme locales s’impliquant aussi dans la promotion de ces Magasins hors norme.
« Le travail que nous avons accompli au sein du comité Mont-Saint-Hilaire Ville équitable alimente mon envie d’influencer le monde dans lequel je vis. Il est la preuve que lorsqu’on y travaille, tout est possible! »
Émile Chapdelaine, membre fondateur du Magasin du Monde à l’école Ozias-Leduc, membre de l’Observatoire jeunesse d’Oxfam-Québec et membre du comité ayant permis à la ville Saint-Hilaire d’obtenir la désignation de ville « Équitable ».
Les recherches et les évaluations portant sur la participation à ces activités dites parfois « d’engagement civique » révèlent de nombreux bénéfices pour les jeunes eux-mêmes. Les jeunes interrogés ont une meilleure estime d’eux-mêmes et un plus grand sens des responsabilités. On remarque chez eux une augmentation d’attitudes sociales positives et une diminution des conduites à risque. Ceci s’explique notamment par un plus grand sentiment d’appartenance à leur école et par une amélioration des résultats scolaires.
Une évaluation externe d’impact (Sogemap), réalisée l’an passé, a confirmé cet effet positif de l’engagement citoyen de la jeunesse. Le document affirme ainsi que la programmation en éducation à la citoyenneté mondiale d’Oxfam-Québec permet de développer chez les jeunes une prise de conscience des problèmes mondiaux, mais aussi un esprit ouvert et engagé, ainsi qu’une plus grande capacité à défendre des arguments. Sans surprise, les jeunes ayant participé à ces activités maintiennent un engagement citoyen à l’âge adulte.
À la lecture de ces éléments, on comprend combien l’exercice de la citoyenneté par les jeunes est indispensable pour soutenir la vie démocratique et l’atteinte des Objectifs de développement durable. En 2017, le Fonds des Nations unies pour la population soutenait déjà que sans des mesures courageuses visant à permettre aux 60 millions de filles du monde entier de mener une vie digne, on ne réussirait pas à atteindre les ODD. En cette période de pandémie, les jeunes traversent avec le reste du monde des crises sans précédent qui menacent directement leur présent et leur futur. Donner à la jeunesse des moyens concrets de surmonter cette épreuve et la soutenir dans la création d’une société plus durable et inclusive en collaboration avec le monde enseignant, c’est le pari que fait Oxfam-Québec.
Ressources pour l’ODD 5 :
Ressources pour l’ODD 13 :
Ressources pour l’ODD 1 :
Ressources pour l’ODD 8 :
Photos : La Boîte 7
Lisez les autres articles de ce numéro
Caron, C., La citoyenneté des adolescents du 21e siècle dans une perspective de justice sociale : pourquoi et comment ?, mai 2018. https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2018-n80-lsp03532/1044109ar/
Gingras et al., Étude sur les obstacles à la mise en place d’activités d’engagement civique en milieu scolaire au Québec, automne 2018. https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/3177
Philippe, F. Projet de recherche Réussir : 15 constats révélateurs sur l’impact des activités d’engagement civique chez les jeunes de niveau secondaire au Québec, décembre 2019. https://www.elaborer.org/pdf/R3.pdf
Fonds des Nations unies : état mondial de la population 2017
https://www.unfpa.org/fr/swop-2017
La période extraordinaire que nous vivons fait appel à la créativité et aux solutions ingénieuses. La COVID-19 a présenté des défis de taille tant aux éducateurs qu’aux élèves et aux parents. Elle a aussi projeté la lumière sur les iniquités résultant des fermetures d’école et de l’enseignement à distance qui se sont avérées particulièrement dures sur certains élèves et sur certaines familles. La pandémie soulève de nouveaux problèmes d’équité à mesure que nous progressons. Les chercheurs et les éducateurs innovants partagent leurs connaissances, leurs expériences d’apprentissages et leurs réflexions en évolution et ainsi alimentent une conversation continue et stimulante sur comment nous pouvons assurer une éducation de haute qualité pour tous les élèves durant cette pandémie et dans l’avenir.
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Lorsque le début de la pandémie a entraîné la fermeture des écoles et perturbé le quotidien des directions de district comme moi, je me suis jointe à un petit groupe de travail composé du personnel du Réseau ÉdCan et de collègues de notre Conseil consultatif pour participer à un important processus virtuel de planification. Nous avons alors entamé une série de réunions ayant pour objet de trouver les moyens que notre Réseau pourrait prendre pour soutenir au mieux les éducateurs* des élèves du primaire et du secondaire au Canada. Après plusieurs itérations, notre équipe de création a approuvé avec enthousiasme les trois priorités suivantes visant à répondre à l’évolution rapide des possibilités et des défis auxquels font face actuellement nos systèmes d’éducation :
C’est sur ces priorités que portait la réunion virtuelle de décembre 2020 du Conseil consultatif du Réseau ÉdCan. (La toute première réunion du Conseil avait eu lieu en 1891, à Montréal.) Nous continuerons d’explorer les manières dont nous pourrons, tout au long de 2021, harmoniser nos priorités avec les ministères de l’Éducation, les corps professoraux, les directions de conseils scolaires, ainsi qu’avec les directions, les enseignants et les autres membres du personnel scolaire qui nous soutiennent, alors que nous nous efforçons d’augmenter la capacité, l’autoefficacité et le bienêtre de nos 110 000 membres, et par leur entremise, de rehausser le bienêtre de chacun des élèves et les possibilités d’apprentissage significatif à leur disposition, pour les aider à découvrir leur buts et leur voie dans la vie.
* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur la théorie du changement, les retombées prévues et les priorités stratégiques du Réseau ÉdCan, veuillez consulter le site : www.edcan.ca
Pour savoir qui sont les chefs de file en éducation et en philanthropie qui siègent au Conseil consultatif du Réseau ÉdCan, veuillez consulter le site www.edcan.ca/council
Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Il y a fort à parier qu’en commençant l’année scolaire 2021-2022, la plupart des membres du personnel scolaire, des élèves et des parents se remémoreront les derniers mois, étranges pour tous, stressants et démotivants, pour d’autres. Certains auront vu le reflet de leur réalité dans notre numéro de septembre sur l’instabilité générale et le stress à l’école. Si la plupart estiment avoir perdu des acquis, pris du retard et raté des occasions, en raison de la pandémie, il est probable que personne ne voudra que l’école revienne exactement comme elle était avant. Pourquoi? C’est simple! L’école d’avant était bien, mais pas parfaite. La santé publique qui a forcé tout le monde à fonctionner différemment nous a, malgré nous, fait voir des améliorations possibles.
Il semble y avoir un consensus général sur l’amélioration que l’école peut réaliser en ce moment : réduire les iniquités entre les élèves. Le Magazine ÉdCan a suivi de près cette prise de conscience globale sur l’équité cet automne en publiant en ligne des articles ponctuels sur l’Équité à l’ère de la COVID-19. Dans ce numéro qui réunit ces articles, on peut lire, notamment dans le texte de Thierry Karsenti (pg. 26) la détresse des familles à faible revenu, dépassées par leur rôle d’accompagnement dans le cadre de l’enseignement à distance. De même, on profitera des descriptions de Boutouchent et Fournier (pg. 36) illustrant chacune le quotidien de leur classe en contexte linguistique minoritaire et décrivant les défis accentués par les consignes sanitaires et par le manque de socialisation naturelle nécessaire à la confiance des locuteurs, petits et grands.
Ce numéro ne s’attarde pas uniquement aux défis. Les auteurs offrent de généreuses pistes d’action qui assureront la transition entre une école qui se réinvente par des approches équitables pour tous et la très excitante série d’articles du mois de mars (en ligne de février à avril) qui fera le pont entre les compétences du XXIe siècle à développer chez tous les élèves et les objectifs de développement durable de l’UNESCO. Des objectifs dont la nature pourrait redonner à chacun ce qu’il juge avoir perdu en ces temps d’instabilité en le marquant d’un espoir profond en un monde meilleur.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
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Depuis plusieurs années, les écoles canadiennes se sont dotées de politiques inclusives pour accueillir la diversité de leurs élèves; elles guident le personnel enseignant vers des pratiques respectueuses de l’Autre ou de l’élève qui diffère de la norme. En principe, l’école est passé d’une culture d’intégration scolaire où l’élève marginalisé est soumis aux mêmes normes que les autres à une culture inclusive dont les pratiques sont respectueuses de l’Autre.
Malgré de nouvelles politiques inclusives, les recherches démontrent que pour plusieurs, l’inclusion scolaire demeure un processus difficile à mettre en pratique. Trop d’élèves se trouvent encore exclus ou marginalisés en raison de leurs différences, entre autres, les élèves ayant une déficience intellectuelle ou une incapacité physique, les nouveaux arrivants qui ne parlent pas la langue d’accueil ainsi que les élèves issus de familles dysfonctionnelles. Si ces iniquités existaient avant la Covid-19, la pandémie risque non seulement de renforcer ces inégalités, mais aussi d’en créer de nouvelles. Pour faire de cette période d’instabilité une occasion de passer des principes inclusifs aux pratiques inclusives, nous proposons dans cet article que le changement doit commencer par notre regard sur la diversité qui est appelé à changer pour devenir plus « dénormalisant », c’est-à-dire, moins fondé sur la norme.
Revenons à la fin des années soixante. Le climat social qui règne à cette époque est à l’origine d’actions collectives et d’engagements politiques qui procurent une lueur d’espoir à ceux et celles qui se trouvent marginalisés par leurs différences. À l’école, les changements sont significatifs. Le mouvement américain des droits civiques devient un fondement important pour l’émancipation des personnes ayant un handicap intellectuel et, par ricochet, pour l’inclusion scolaire. Au fil des ans, on met en œuvre des politiques scolaires qui permettent aux élèves ayant un handicap ou étant en difficulté d’apprentissage ou d’adaptation de fréquenter la salle de classe pour y recevoir une éducation jugée juste et égale à celles des élèves que l’on perçoit comme faisant partie de la norme.
Plus de cinquante ans plus tard, nous nous retrouvons dans un contexte semblable à celui des années soixante. Le mouvement américain Black Lives Matter et les rassemblements contre la discrimination systémique faite envers les peuples autochtones du Canada nous obligent à franchir une étape de plus vers l’égalité et la démocratisation du peuple nord-américain. Encore une fois, notre vision de la société est appelée à changer et l’école n’y fait pas exception. Mais cette fois-ci, le mécontentement politique et social se déroule au beau milieu d’une pandémie mondiale.
En mars 2020, l’éclosion de la COVID-19 ébranle le monde entier. Au sein des écoles, c’est la consternation. Au mois de septembre, pour respecter les mesures de distanciation physique et le fait que certains élèves travaillent à domicile, le personnel enseignant doit rapidement repenser sa préparation et la livraison des cours. Les questions sont multiples, certaines au sujet de la vulnérabilité des élèves reliée à la COVID-19 méritent une réflexion approfondie. Par exemple :
En espérant contribuer quelques éléments de réponses à ces questions, nous entamons notre réflexion avec ces paroles du Président John F. Kennedy, prononcées en 1957 : « Dans la langue chinoise, le mot “crise” est composé de deux caractères – le premier représente danger, le second, occasion ». Dans cet esprit, en raison de la pandémie, est-il logique de dire qu’il existe un « danger » pour l’inclusion scolaire et que ce danger offrirait des occasions de grandir ?
Inspirées du mouvement des droits civiques aux États-Unis et des critiques grandissantes au sujet des écoles spécialisées (Ramel et Vienneau, 2016), les règles établies dans les années soixante visent l’intégration des élèves ayant une déficience intellectuelle légère en classe avec les autres et reflètent les valeurs et les principes de la normalisation. L’intention était d’offrir aux élèves ayant une incapacité mentale ou physique considérés comme éducables les mêmes conditions scolaires qu’aux autres élèves. Ces décisions politiques mirent fin à une certaine forme de ségrégation telle qu’on la connaissait à cette époque et, dans plusieurs écoles canadiennes, il fut compris que dorénavant, l’élève « exceptionnel » aurait le droit d’être intégré au sein de la classe ordinaire à moins qu’il soit démontré qu’il serait préférable de faire autrement.
Le mouvement de l’intégration scolaire s’appuie d’ailleurs sur deux croyances : le placement des élèves à besoins particuliers dans la classe ordinaire contribue à l’épanouissement et au succès de tous les élèves et l’idée que les enfants en situation de handicap sont davantage semblables aux autres enfants qu’ils en sont différents (Lipsky et Gartner, 1989). Mais, on ne peut le nier, en raison de son handicap et par définition, l’élève « exceptionnel » est différent. Au sein de sa nouvelle classe, il est appelé à entrer dans un moule prédéfini par la normativité sociale. Malgré les dispositifs de soutien qui sont mis en place, cet élève risque constamment d’être exclu pédagogiquement et socialement de son groupe-classe. En 1981, Pekarsky nous a fait prendre conscience que le coût que doit payer l’élève vivant en situation de handicap lorsqu’on lui demande constamment de se conformer aux normes de la salle de classe est trop élevé et que cette pratique ne peut plus être tolérée. En d’autres mots, si la normalisation a permis au mouvement d’intégration de prendre son envol, elle cause problème lorsqu’on désire réellement « inclure » parmi les autres élèves celui ou celle qui se trouve en situation de vulnérabilité. Il y aurait sans doute lieu d’affirmer que l’inclusion scolaire était déjà à risque avant la venue de la pandémie.
Depuis les années 1980, le regard que l’on porte sur les différences a évolué et, par conséquent, les nouvelles politiques en matière d’inclusion le reflètent. Si le mouvement de l’intégration était centré sur les incapacités de l’élève, l’inclusion soutient que « les difficultés scolaires d’un élève sont perçues comme une conséquence de ses interactions avec son environnement et non comme une conséquence de ses incapacités » (Beauregard et Trépanier, 2010). L’école inclusive vise à répondre aux besoins de chaque élève et fait valoir que chaque enfant compte. En plus des élèves ayant une incapacité, on tente également d’inclure les élèves à risque d’être marginalisés et exclus en raison de leur différence, soit, par exemple, ceux et celles jugés différents en raison de leur orientation sexuelle, de leur origine ethnique, de leur sexe, de leur religion ou de leur situation économique. Cette liste est longue. D’après nous, la seule chose qui soit normale, c’est que nous sommes toutes et tous différents. Larochelle-Audet et al. (2018), abondent dans le même sens lorsqu’elles disent que :
[…] la diversité humaine n’est pas un problème, ni même une richesse, c’est un état de fait : elle est là sous toute ses formes. C’est la construction sociale négative des caractéristiques, préférences, expériences ou besoins qui en font des problèmes dans un contexte donné. […] En d’autres mots, le problème n’est pas la diversité humaine, mais ce qu’on en fait dans la société et dans le milieu scolaire (p. 10).
Cela étant dit, nous croyons que la normalisation est à l’intégration scolaire ce que la dénormalisation est appelée à devenir pour l’inclusion (AuCoin et Vienneau, 2015). La dénormalisation est non seulement une façon de faire, mais également un état d’être. Cet état nous permet de voir le monde comme un tout et de réaliser que chaque individu y contribue à sa manière en toute dignité. La dénormalisation signifie l’acceptation, la compassion, l’empathie, la tolérance, l’entraide et le respect de l’Autre. Pour faire le lien avec la salle de classe, la dénormalisation nous invite à penser autrement la composition de son groupe-classe. Au lieu de chercher les défis et les incapacités de chacun des élèves, commençons au contraire par trouver ce que l’élève peut accomplir. Sans cela, le concept d’inclusion scolaire, soit celui de permettre à tous les élèves de participer activement et de contribuer au groupe-classe, est en risque de se fragiliser ou, pire, de ne jamais être développé à son potentiel.
Si chaque élément négatif contient aussi du positif, la pandémie pourrait-elle nous offrir l’occasion de franchir une étape de plus vers l’équité et de faire de la dénormalisation une nouvelle norme au sein du système scolaire? Dans cette évolution, voici deux considérations importantes pour nous assurer de ne pas perdre les gains réalisés depuis les cinquante dernières années en matière d’inclusion.
Étant donné que les fondements associés au mouvement de l’intégration scolaire proviennent surtout du monde médical et, de ce fait, se concentrent davantage sur les déficits à combler, pour que l’inclusion soit réussie voici ce que nous devons faire :
Malgré les gains importants qui ont été réalisés dans le domaine de l’inclusion scolaire au cours des dernières décennies, les défis demeurent encore nombreux (UNESCO, 2020). D’après nous, c’est en adoptant un regard plus dénormalisant que nous allons relever ces défis. Voici quelques pistes à suivre :
Pour conclure, la COVID-19 nous a démontré que personne n’est à l’abri de la vulnérabilité et que nous devons pouvoir compter les uns sur les autres pour survivre. Au lieu de voir les différences comme des obstacles, ne serions-nous pas gagnants de les accueillir ? Comme Albert Jacquard (1978), nous sommes d’accord pour dire que « notre richesse collective est faite de notre diversité. L’« Autre », individu ou société, nous est précieux dans la mesure où il nous est dissemblable ». Comment tirer avantage de cette situation précaire pour repenser notre regard sur la diversité? Si on se fie au proverbe « chaque chose en son temps » … en matière d’inclusion scolaire, la COVID-19 nous laisse entrevoir que ce temps est arrivé!
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
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Beauregard, F. et Trépanier, N. S. (2010). Le concept d’intégration scolaire… mais où donc se situe l’inclusion ? Dans N. S. Trépanier et M. Paré (dir.), Des modèles de service pour favoriser l’intégration scolaire (p. 31-56). Presses de l’Université du Québec.
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Lipsky, D.K. et Gartner, A. (1989). Beyond separate education: Quality education for all. Paul Brooks Publishing
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