Une élève du secondaire prend des notes à son bureau en portant un masque.

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Engagement, Équité, Évaluation, Pratiques prometteuses

Pour former de meilleurs apprenants

L’évaluation, un facteur d’équité à ne pas négliger

L’évaluation des apprentissages : source d’équité ?

L’environnement scolaire constitue, dans des circonstances normales, un milieu hautement prévisible et sécuritaire avec ses horaires réguliers et son lot de routines et de règles de vie qui en font un milieu propice à l’apprentissage et à la socialisation (Vienneau, 2011). En situation de pandémie, cet environnement change considérablement selon les situations sanitaires vécues, les nouvelles règles pour y faire face et le mode de poursuite du cursus scolaire en classe conformément aux nouvelles modalités, en ligne ou en alternance. Tous les élèves ne réagissent pas de la même manière à ces changements. Certains s’y adaptent, d’autres plus ou moins avec des conséquences non négligeables pour leur apprentissage. La pandémie peut avoir pour effet de renforcer les inégalités déjà présentes tant sur le plan cognitif que sur les plans émotionnel et social, d’où l’importance pour les enseignants d’être vigilants et sensibles aux différences entre élèves et d’en tenir compte tant dans l’enseignement que dans l’évaluation.

Même sans crise sanitaire, l’évaluation des apprentissages est souvent considérée comme une source d’inégalités. C’est en effet elle, lorsqu’elle est terminale, qui révèle les écarts, voire qui les accentue par le recours à des pratiques discriminantes, non professionnelles. Pourtant, lorsqu’elle est acceptée par les enseignants comme un soutien à l’enseignement et à l’apprentissage et qu’elle est menée dans ce sens, l’évaluation peut non seulement tenir compte des écarts entre les élèves, mais aussi les réduire. Pour y parvenir, toutes les pratiques d’évaluation ne sont pas efficaces. Dans le contexte particulier d’une pandémie, l’objectif est de parvenir à faire progresser tous les élèves tout en réduisant les écarts qui pourraient se creuser entre eux du fait des inégalités causées par cette situation. Pour y parvenir, il importe de reconsidérer les pratiques d’évaluation qui pourraient contribuer à ces écarts et rééquilibrer les deux fonctions principales de l’évaluation scolaire : celle qui vise à faire le bilan et la certification des apprentissages (évaluation sommative/certificative) et celle qui vise à soutenir l’apprentissage de manière continue (évaluation formative). C’est en articulant judicieusement ces deux fonctions et en faisant de l’évaluation un outil d’apprentissage qui permet aux élèves d’améliorer leurs habiletés et habitudes d’études qu’elle pourra devenir une source d’équité et d’autonomie accrue.

Un équilibre délicat

Déjà en temps normal, l’enseignant doit trouver, tel un funambule, un équilibre entre les deux missions évaluatives qui lui incombent : évaluer pour faire progresser tous ses élèves ; évaluer pour certifier la maîtrise des acquis. Le premier épisode de la pandémie de COVID-19 aura permis aux enseignants de mettre leurs efforts essentiellement sur la première mission. En effet, la plupart des administrations scolaires ont mis l’évaluation certificative sur pause pour éviter de creuser les inégalités entre les élèves. Néanmoins, ce n’était qu’une parenthèse. Même avec une pandémie persistante, les systèmes scolaires ont déjà remis la certification en route, sous des formes plus ou moins atténuées. Ainsi, quel doit être le rôle de l’évaluation en classe lors de ce retour à la « normalité » ? Quel équilibre trouver pour les enseignants-funambules ?

Avec des classes constituées d’élèves aux prérequis inégaux dus à la période de confinement, mais aussi en prévision de futures mises en quarantaine d’élèves ou de futures situations difficiles liées à la COVID-19, l’évaluation (tant formative que sommative) est plus que jamais appelée à jouer son rôle de soutien à l’apprentissage et à l’enseignement afin de développer le potentiel de tous les élèves. Ceci semble signifier pour l’instant de continuer à temporiser (ou à oublier pour de bon !) un certain nombre de pratiques traditionnelles, et surtout à innover et à adapter les pratiques aux circonstances nouvelles qui risquent de se présenter. Afin de ne pas creuser les écarts et pour être davantage « juste » — dans le double sens de ce mot, c’est-à-dire appropriée et équitable, l’évaluation doit absolument être critériée (c.-à-d. qu’elle se réfère aux programmes d’études avec des critères descriptifs) et non normative (c.-à-d. qu’elle ne s’appuie pas sur la comparaison entre les élèves avec un cumul de points). Et surtout, l’évaluation doit être considérée par les enseignants comme un moyen d’intervenir de manière différenciée selon les besoins de chacun (équité) et non comme une intervention standardisée pour donner la même chose à chacun (égalité de traitement).

L’évaluation comme soutien à l’apprentissage

Par où commencer pour que l’évaluation soit une source d’équité, qu’elle soutienne l’apprentissage des élèves en répondant de manière différenciée aux besoins des élèves ? Voici quatre suggestions décrivant comment mettre l’accent sur le soutien à l’apprentissage :

Utiliser une évaluation critériée suppose que les objectifs et les exigences soient transmis clairement à l’élève pour lui permettre de se faire une représentation adéquate du résultat attendu à divers degrés (p. ex., Supérieur, Excellent, Bon…). La clarté des critères de réussite d’apprentissage est d’autant plus importante que l’élève travaille en ligne ou à la maison, avec ou sans l’assistance de ses parents ou de tuteurs à distance. L’utilisation d’exemples de travaux d’élèves (copies-types) permet à l’enseignant de fournir à l’élève des productions qui satisfont aux exigences à différents degrés.

Évaluer de façon continue ne signifie pas que l’élève doive être évalué continuellement, surtout si l’enseignant est déjà en mesure d’anticiper les résultats à partir de ses observations et s’il s’agit d’exercer des apprentissages au moyen d’activités de consolidation. Par évaluation continue, il faut comprendre que celle-ci intervient à des moments cruciaux de l’acquisition de nouveaux apprentissages, notamment lorsque la maîtrise des prérequis devient nécessaire à la progression de l’élève.

Fournir une rétroaction efficace, différenciée, descriptive et détaillée permet d’assurer la continuité des apprentissages. À cet égard, toutes les rétroactions ne sont pas également utiles. Celles portant sur la personne de l’élève font très peu pour l’aider à mieux comprendre ce qui va ou ne va pas. Les rétroactions correctives qui se limitent à signaler les bonnes réponses ou les erreurs à éviter, ne sont guère plus aidantes. Les rétroactions les plus efficaces sont celles qui reviennent sur les processus avec lesquels l’élève traite l’information et sur les stratégies qu’il met en œuvre pour réguler son apprentissage.

Engager l’élève dans l’évaluation sommative et formative. Afin qu’elle soit équitable, l’évaluation (formative et sommative) doit être « alignée » à la fois sur les programmes d’études et les activités d’apprentissage. Le bilan du progrès de l’élève ou de la classe doit être fait en fonction des activités et des observations réalisées tout au long du processus d’enseignement/apprentissage et non présenter une unique mesure froide d’une performance, sur un temps T et un contenu C. De plus, l’évaluation doit engager les élèves dans le processus. C’est ce dont il sera question dans la section suivante.

L’évaluation en tant qu’apprentissage

L’évaluation réalisée par l’enseignant n’est pas toujours à la disposition de l’élève aux moments où il en aurait besoin pour soutenir son apprentissage. Que ce soit en ligne ou en classe, les habiletés et les habitudes d’étude de l’élève acquièrent de ce fait une plus grande pertinence. En Ontario, le bulletin scolaire rapporte entre autres : fiabilité, sens de l’organisation, autonomie, sens de l’initiative et autorégulation. Au Québec, on retrouve : exercer son jugement critique, organiser son travail, savoir communiquer.

Jusqu’à présent, même si une grande partie de la réussite scolaire dépend de la maitrise de ces compétences qui touchent tous les domaines (transversales) et qui sont utiles dans des contextes nouveaux (transférables), ces apprentissages n’ont pas reçu la même attention que les principales matières scolaires. Les critères et les objectifs d’amélioration de ces compétences sont peu précis. Pourtant, celles-ci sont essentielles pour que l’élève « apprenne à apprendre ». Le rôle de l’enseignant est d’observer et d’améliorer ces capacités. La rétroaction de l’enseignant sur les processus et stratégies utilisés par l’élève peut en faciliter l’acquisition, mais celle-ci doit aussi aboutir sur une participation active de l’élève au processus même d’évaluation. La capacité de l’élève à réfléchir par lui-même sur ses productions, à être attentif aux processus qu’il met en œuvre pour en évaluer l’utilité et l’efficacité – la métacognition – fait partie de ce qu’il a été convenu d’appeler l’évaluation en tant qu’apprentissage (Earl, 2003), une composante essentielle de l’autorégulation des apprentissages (Laveault et Allal, 2016). Elle fait écho au « Connais-toi toi-même » de Socrate et à la pédagogie de Montessori « Aide-moi à faire par moi-même ».

Conclusion

L’évaluation scolaire va donc bien au-delà de la correction des erreurs. Les rétroactions correctives font bien peu pour améliorer la connaissance et l’estime de soi en plus de constituer une tâche fastidieuse pour les enseignants et les élèves. À la limite, trop de rétroactions correctives permet difficilement à l’élève en difficulté de s’améliorer. L’évaluation des apprentissages est un outil pour enseigner et apprendre, à plus forte raison en contexte de pandémie. Elle doit permettre de soutenir tous les élèves, en les aidant à devenir de meilleurs apprenants.

Au personnel scolaire qui se demande par où commencer, une réponse peut provenir de ce proverbe africain : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour ; si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours ». Il existe dans nos écoles des élèves qui doivent apprendre à pêcher. Leur fournir toujours plus de poissons n’est pas une solution à long terme pour réduire les écarts entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas pêcher. L’évaluation-soutien d’apprentissage peut aider l’élève à apprendre à pêcher et à développer son sentiment d’efficacité personnelle, un atout pour toute la vie.

Pour en connaître davantage sur le sujet, le lecteur est invité à lire les articles suivants déjà parus dans Éducation Canada : Évaluation des apprentissages : pour être à la hauteur et se dépasser ainsi que Comment évaluer les apprentissages grâce à l’autoévaluation.

Photo: Adobe Stock

Références

Earl, L. (2003). Assessment as learning. Thousand Oaks, CA : Corwin Press.

Laveault, D. et Allal, L. (2016). Assessment for learning : Meeting the challenge of implementation. Cham, CH : Springer.

Vienneau, R. (2011). Apprentissage et enseignement. Montréal : Gaëtan Morin.

Yerly, G. et Laveault, D. (sous presse). « Évaluer les apprentissages en contexte de pandémie : aller au-delà de la notation pour soutenir la réussite de tous les élèves ». Formation et Profession : revue scientifique internationale en éducation.

Yerly, G. et Issaieva, E. (sous presse). « Évaluer les apprentissages au postsecondaire en temps de crise : défis, opportunités et dangers lors de la pandémie de COVID-19 ». Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire.

Apprenez-en plus sur

Dany Laveault

Professeur émérite, Faculté d'éducation, Université d'Ottawa

Dany Laveault est professeur émérite de la Faculté d’éducation à l’Université d’Ottawa. Psychologue de formation, il a publié des travaux de recherche et des articles sur le rôle constru...

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Gonzague Yerly

Formateur-chercheur, Université et Haute Ecole pédagogique de Fribourg (Suisse)

Gonzague Yerly a enseigné dans des classes du primaire durant près de dix ans. Il forme aujourd’hui des enseignants du primaire et du secondaire en Suisse.

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