L’auteure souligne que cet article est écrit selon ses interprétations non autochtones, avec l’appui des aînés avec lesquels elle travaille. Au Nouveau-Brunswick, plusieurs aînés et experts autochtones en éducation considèrent Mme Devarennes comme une alliée. Selon les chercheurs (Brown et Ostrove, 2013; Smith, Simon et Puckett, 2016), seules des personnes autochtones peuvent qualifier une personne non autochtone d’alliée. Pour être une alliée, il faut participer activement à la décolonisation. Il faut aussi développer et maintenir les relations avec des peuples autochtones et leurs communautés, reconnaître que ce sont eux qui mènent leurs propres initiatives, et participer à la suppression des avantages qui ne servent qu’au groupe majoritaire.
Depuis 2020, la pandémie a ébranlé les systèmes d’éducation et les apprenants de la planète entière. Pour les jeunes autochtones, à l’instabilité et des questionnements suscités par cette crise sanitaire s’ajoutent les séquelles léguées par les pensionnats qui ont toujours un impact négatif sur leur éducation (Commission de Vérité et réconciliation du Canada, 2015). Par ailleurs, il est difficile pour les parents, familles et ainé.e.s autochtones d’accorder leur confiance à l’école telle qu’elle est organisée maintenant, que ce soit une école publique ou une école en milieu autochtone qui adhèrent aux programmes d’études de la province ou du territoire. Pour plusieurs parents autochtones, pédagogues autochtones et aîné.e.s, les systèmes scolaires formels sont des lieux d’assimilation à la culture majoritaire (Battiste, 2017; Devarennes, 2018). Les familles autochtones vivent souvent une tension constante : celle de vouloir une éducation formelle de grande qualité pour leurs enfants, tout en se méfiant du système qui néglige leur culture, comme si elle n’avait pas sa place dans un modèle d’éducation formelle. Peut-être la période post-pandémique, au cours de laquelle les systèmes d’éducation doivent s’ajuster à de nouvelles réalités, devrait également ouvrir grande la porte aux besoins des familles autochtones et de leurs enfants.
La réussite de l’élève autochtone est favorisée quand ce dernier sent que sa culture a une place à l’école, que l’école n’est pas encadrée seulement par la culture majoritaire (Taylor et Cummins, 2011), que ce soit dans une école en communauté autochtone (où presque toujours, les programmes d’études de la province ou du territoire encadrent l’enseignement) ou dans une école publique. Pour la grande majorité des élèves autochtones, l’enseignement est fondé surtout sur des pratiques et connaissances eurocentriques, pouvant ainsi leur donner l’impression que leurs façons d’être et d’apprendre sont secondaires par rapport aux façons d’être et d’apprendre du groupe majoritaire. Est-ce que le moment de réflexion imposé à l’école par le bouleversement des réalités et des valeurs sociales en cours pourrait s’élargir jusqu’à tenir compte des besoins des apprenants autochtones? En même temps, les élèves du groupe majoritaire pourraient profiter également de cette nouvelle posture du système scolaire. En privilégiant l’eurocentrisme, comme c’est le cas présentement, les iniquités et injustices sociales relativement aux peuples autochtones sont perpétuées par le groupe majoritaire, par ces élèves devenus adultes, souvent sans qu’ils s’en rendent compte. Ils ont appris à l’école que les seules façons, perspectives, connaissances et valeurs qui comptent sont les leurs, soit celles du groupe majoritaire.
En contexte francophone minoritaire, l’importance de la culture est pourtant reconnue et elle se retrouve au centre de plusieurs propositions pédagogiques (Cavanagh et al., 2016; Cormier, 2005). Cependant, Fourot (2016) indique que « (si) les communautés francophones se sont battues pour renverser les rapports de pouvoir majoritaires/dominés, elles peuvent reproduire des relations inégalitaires en leur sein » (p. 28), agissant trop souvent comme si la francophonie était homogène et non pas composée de différents groupes culturels. L’école francophone en milieu minoritaire peut profiter de la réflexion sur l’école post-pandémique pour inclure des connaissances, des valeurs et des approches pédagogiques autochtones dans sa programmation obligatoire, au-delà des activités culturelles. Le système éducatif francophone en milieu minoritaire possède les outils pour intégrer des pédagogies propres à une culture.
La reconnaissance de la nécessité de créer un système scolaire post-pandémique où l’épanouissement et l’équité sont prioritaires ouvre la porte à l’écoute des experts pédagogiques autochtones et des ainé.e.s par la voie de l’humilité culturelle. L’humilité culturelle exige une véritable écoute susceptible d’établir la collaboration nécessaire à la création d’un milieu d’apprentissage sûr et inclusif pour chacun, donc un milieu où chaque élève sent que son héritage culturel est respecté, où il peut être lui-même sans conséquences négatives, et où les iniquités sont discutées pour être éliminées.
La crise mondiale provoquée par la COVID-19 semble avoir ébranlé profondément les croyances et les attitudes des gens. L’humilité, par exemple, a repris de la noblesse dans de nombreuses situations où les professionnels de l’éducation ont dû travailler hors de leur zone de confort et faire appel aux autres. Tervalon et Murray-Garcia (1998) ont développé le concept d’humilité culturelle afin d’éliminer les iniquités culturelles. Waters et Asbill, (2013) décrivent l’humilité culturelle comme une façon efficace de développer des compétences interculturelles puisque l’humilité culturelle invite à participer à un processus continu de transformation à la fois individuelle et professionnelle. Voici quelques exemples d’action en ce sens :
L’humilité culturelle implique que le personnel enseignant ainsi que les décideurs et décideuses sachent lâcher prise quant à leur rôle d’experte ou d’expert pour écouter de façon authentique les perceptions et les savoirs des différentes communautés autochtones, lesquels pourraient inclure ceux des personnes racisées ou nouvellement arrivées. L’humilité culturelle accorde la permission au personnel enseignant de ne pas tout savoir, et de dire aux élèves que s’ils ne connaissent pas l’histoire des pensionnats ou les contributions contemporaines des Autochtones par exemple, ils peuvent les découvrir ensemble.
L’humilité culturelle est l’attitude qui permet de développer des relations authentiques avec les personnes autochtones, de changer ses perceptions et ses suppositions pour inclure celles des peuples autochtones, de reconnaître la dimension autochtone du territoire et de s’engager activement dans le processus de transformation du système d’éducation et de la société dans laquelle on vit. Bref, l’humilité culturelle est la porte d’entrée vers la décolonisation, puisque les actions énumérées ci-dessus sont celles associées à la décolonisation.
Cette humilité culturelle doit être présente à l’école, même quand cette école n’est pas fréquentée par des élèves autochtones. Les élèves vont devenir policiers, avocats, médecins, serveurs de restaurant, enseignants, commis, travailleurs sociaux, réalisateurs, journalistes, politiciens, etc. Tous les acteurs et actrices de la société doivent dorénavant participer à la création d’une société juste et équitable relativement aux Autochtones. Qui plus est, depuis juin 2021, le Canada a adopté la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), Déclaration qui existe depuis 2007. En résumé, la DNUDPA affirme qu’il faut intégrer des droits des personnes des peuples autochtones dans les décisions et les actions politiques, éducatives, économiques, et autres sphères de la société. Entre la mise en œuvre de la DNUDPA et l’actualisation des appels à l’action du rapport Vérité et réconciliation, tous les citoyennes et citoyens doivent contribuer à une société plus juste et équitable. C’est à l’école que les citoyennes et citoyens sont formés et leur formation doit inclure des éléments qui feront d’eux, peu importe leur métier ou leur culture, des personnes aptes « … à envisager [leur] propre culture d’un œil critique tout en cherchant à comprendre les autres avec respect, à reconnaître et à corriger le déséquilibre des forces, et à contribuer à des partenariats qui sont mutuellement avantageux et non paternalistes » (Cleaver et coll., 2016, p. 2).
Dans une étude en milieu micmac et wolastoqey, (Devarennes, 2018), nous avons recueilli plusieurs stratégies proposées par des professionnels autochtones de l’éducation, des familles autochtones et des ainé.e.s. Ces stratégies s’adressent parfois au personnel enseignant, parfois aux décideurs et décideuses, et permettent de collaborer en toute humilité culturelle, afin de créer un milieu d’apprentissage culturellement sûr et inclusif.
Le mot pour éducation dans la langue du peuple Wolastoqiyik est wolokehkitimok. Il signifie que l’enseignement et l’apprentissage s’entremêlent. L’enseignant doit enseigner à l’esprit, à l’intelligence et au cœur de l’enfant, sans négliger son développement physique. De son côté, l’adulte doit apprendre au contact de l’esprit, de l’intelligence, du cœur et du développement physique de l’enfant. Wolokehkitimok est une forme d’éducation où le développement, les intérêts, les capacités, la curiosité de l’enfant sont au cœur des actions de la personne qui enseigne. N’est-ce pas ce qui est souhaitable pour tous les enfants? En général, les parents et les familles veulent que leurs enfants réussissent à l’école et le personnel enseignant désire le succès des élèves. En tissant des relations authentiques avec les communautés autochtones, en pratiquant l’humilité culturelle, on peut non seulement enrichir l’expérience éducative des jeunes autochtones, mais aussi intégrer des pratiques autochtones aptes à enrichir la vie des enfants non autochtones. Nous partageons le territoire. Il est temps de partager les connaissances et les façons de faire. Si l’éducation par le biais des pensionnats a généré un génocide culturel (Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015), il y a possibilité, aujourd’hui dans un système scolaire qui tente de redéfinir ses buts, de faire de l’école un lieu d’apprentissage culturellement sûr et inclusif. La pratique de l’humilité culturelle peut ainsi être un de piliers de l’école post-pandémique.
Photo: Adobe Stock
1 Culture majoritaire : la culture de la société blanche de classe moyenne et supérieure, dont les attributs culturels, les valeurs, les connaissances et les attitudes modulent le fonctionnement et les règlements des institutions sociales telles que les écoles.
2 L’eurocentrisme : les connaissances, les façons de faire, les valeurs et les attitudes de l’Europe et des habitants de descendance européenne des pays colonisés par l’Europe (donc le Canada), sont valorisés, et souvent aux dépends des connaissances, des façons de faire, des valeurs et des attitudes des autres cultures.
3 Tel qu’expliqué par Opolahsomuwehs (Imelda Perley), aînée wolastoqey de la Première Nation de Tobique.
Battiste, M. (2017). Decolonizing education : Nourishing the learning spirit, 2e éd. (epub), préface de Rita Bouvier, Vancouver, UBC Press, Purich Publishing.
Brown, K. T., et Ostrove, J. M. (2013). What does it mean to be an ally? The perception allies from the perspective of people of color. Journal of Applied Social Psychology, 43(11), 2211-2222.
Cavanagh, M., Cammarata, L., et Blain, S. (2016). Enseigner en milieu francophone minoritaire canadien : synthèse des connaissances sur les défis et leurs implications pour la formation des enseignants. Canadian Journal of Education/Revue canadienne de l’éducation, 39(4), 1-32.
Cleaver, S. R., Carvajal, J. K., et Sheppard, P. S. (2016). L’humilité culturelle : Une façon de penser pour orienter la pratique à l’échelle mondiale.
Commission de Vérité et Réconciliation du Canada (2015). Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Montréal-Kingston: McGill-Queen’s University Press.
Cormier, M. (2005). La pédagogie en milieu minoritaire francophone : une recension des écrits. Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques.
Devarennes, H. (2018). Understanding educator, parent, and community expectations in a First Nations school context. Thèse de doctorat. Frédéricton : Université du Nouveau-Brunswick.
Fourot, A. C. (2016). Redessiner les espaces francophones au présent : la prise en compte de l’immigration dans la recherche sur les francophonies minoritaires au Canada. Politique et sociétés, 35(1), 25-48.
Opolahsomuwehs. (2016). Conversation avec l’Ainée Opolahsomuwehs (Imelda Perley) sur les perspectives de l’éducation pour le peuple Wolastoqey, un peuple Wabanaki.
Smith, J., Wendy Simon, W. et Puckett, C. (2016). Indigenous allyship : An overview, Waterloo: Bureau des initiatives autochtones. Université Wilfrid-Laurier.
Taylor, S. K., et Cummins, J. (2011). Second language writing practices, identity, and the academic achievement of children from marginalized social groups: A comprehensive view. Writing & Pedagogy, 3(2), 181-188.
Tervalon, M., et Murray-Garcia, J. (1998). Cultural humility versus cultural competence: A critical distinction in defining physician training outcomes in multicultural education. Journal of health care for the poor and underserved, 9(2), 117-125.
Waters, A., et Asbill, L. (2013). Reflections on cultural humility. CYF News. American Psychological Association : www. apa. org/pi/families/resources/newsletter/2013/08/cultural-humility. aspx.
Lorsque je pense aux étapes nécessaires à l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) d’ici 2030, les droits et la justice autochtones me viennent immédiatement à l’esprit. Pour moi, il est clair qu’il ne pourrait y avoir de monde durable sans que soient créées les conditions qui permettront aux peuples autochtones de s’épanouir.
Plusieurs des buts poursuivis par les ODD (notamment laisser en héritage un monde durable aux générations futures, adopter des pratiques de consommation responsables, créer des partenariats solides, etc.) correspondent déjà aux valeurs et aux pratiques de la plupart des nations autochtones qui, selon un rapport des Nations Unies datant de 2018, forment seulement 5 pour cent de la population, mais protègent plus de 80 pour cent de la biodiversité sur la planète (Raygorodetsky, 2018). Ce n’est pas tout : l’importance accordée à la réduction des iniquités dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 « est particulièrement pertinente pour les populations autochtones, qui sont presque universellement en situation désavantagée comparativement à d’autres segments de la population » [traduction], selon les Nations Unies (2018). Au Canada, les peuples autochtones sont cruellement surreprésentés dans toutes les formes d’iniquités.
Malgré les liens évidents entre les Autochtones et les ODD, je crois que pour certaines personnes, et très certainement pour plusieurs environnementalistes, décideurs et enseignants que j’ai connus, mettre en évidence le rôle des peuples autochtones pour l’atteinte des ODD est une démarche abordée davantage après-coup qu’une véritable nécessité. Cette ligne de pensée et d’inaction doit à tout prix être modifiée, surtout au Canada, où les progrès à l’égard des ODD connaissent un retard important – et cela est tout simplement renversant compte tenu de l’état dans lequel sont les communautés autochtones.
Cela ne signifie pas que le dialogue avec les peuples autochtones sur les ODD soit un échec complet. En fait, dans l’Examen national volontaire du Canada de 2018, les peuples autochtones ont été mentionnés dans les rapports d’étape de presque tous les ODD à ce jour (Affaires mondiales Canada, 2018). J’ai toutefois longtemps maintenu que l’importance accordée aux peuples autochtones dans le dialogue sur les ODD est insuffisante. De plus, je crois que les approches adoptées par le Canada et par les Canadiens pour collaborer avec les peuples autochtones jusqu’à maintenant ne sont pas les bonnes.
En 2019, la principale approche que le Canada préconisait pour aborder les préoccupations des Autochtones à l’égard des ODD a été « d’investir dans les programmes pour Autochtones déjà en place et correspondant à chaque ODD, et de viser une plus grande consultation et une meilleure collaboration avec les peuples autochtones de tous les secteurs » [traduction] (Yesno, 2019). Or, aucune de ces approches n’entraînera de réelle transformation. Des consultations et plus d’argent ne suffiront pas à apporter les changements que méritent les communautés autochtones ni à produire les retombées souhaitées du Programme 2030; des changements de ce genre exigent une restructuration des pouvoirs et des champs de compétences; et la mise en place d’outils et de capacités nécessaires aux peuples autochtones pour tracer leur propre voie vers l’autodétermination.
Pourquoi l’autodétermination? Parce que les peuples autochtones ne peuvent protéger le territoire s’ils doivent vivre sous la menace constante qu’il leur sera enlevé. Ils ne peuvent pas non plus viser des pratiques de développement durable si des projets miniers, de barrages, de pipelines et d’extraction d’autres ressources sans leur consentement planent au-dessus de leur tête. Les peuples autochtones ont déjà le savoir nécessaire pour assurer le respect de relations durables entre humains et avec la nature; nous entretenons des relations harmonieuses avec l’environnement depuis des millénaires… bien avant la colonisation. Il est toutefois difficile de conserver ce mode de vie, lequel serait profitable pour toutes les personnes vivant au Canada, lorsque nous devons, simultanément, nous battre pour conserver nos droits fondamentaux. C’est là que l’éducation joue un rôle essentiel. Alors que les générations actuelles et futures naviguent à travers les crises de durabilité et le feront jusqu’en 2030 et au-delà, il est important qu’elles aussi voient les droits des Autochtones comme un élément indispensable d’un monde durable.
L’une des plus grandes forces des jeunes, je crois, tient à leur capacité à chercher et à adopter des changements radicaux – une habileté qui peut être difficile à maintenir quand on prend de l’âge. La transformation de la relation du Canada avec les peuples autochtones de la façon dont je l’ai expliquée précédemment entraînerait un changement vraiment radical et marquant. Il faudra qu’une génération tout entière se lève, défende et croie en un tel changement pour qu’il survienne dans les faits. Il appartient à la génération actuelle d’enseignants, de parents, de leaders d’opinion et de décideurs d’aider ces jeunes à bien comprendre, et d’insister sur l’importance de bâtir des relations solides avec les peuples autochtones. Et c’est aussi à ces adultes qu’il appartient, en fin de compte, de les guider tout au long de ce combat.
Les ODD offrent une porte d’entrée intéressante aux discussions pour aborder les différentes façons dont on a laissé pour compte les peuples autochtones dans ce pays, et sur les moyens à prendre pour que cela change. L’objectif 5, « L’égalité entre les sexes » permet de mettre en lumière la question des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées (FFADA). Il existe toute une liste de mesures qui devraient être mises en place pour mettre fin à cette iniquité. Quant à l’objectif 6, « Eau propre et assainissement », il suffit de nommer les dizaines de communautés autochtones qui ne disposent pas d’une source d’eau potable fiable et les nombreuses voix autochtones qui cherchent des moyens de surmonter ce problème. Il faut expliquer aux jeunes que les peuples autochtones autour d’eux luttent autant pour leur avenir que pour le nôtre.
Je me dois de souligner que partout au pays, des enseignants, notamment, donnent l’exemple et partagent déjà cette information dans leur classe comme hors classe. Je le sais, car j’ai eu le privilège d’avoir de tels enseignants et de tels mentors. Pour les personnes dont la tâche, essentielle, consiste à éduquer et à former les jeunes, et qui souhaitent faire plus pour inclure la justice autochtone à leur enseignement, des ressources existent déjà – et elles n’attendent que vous pour se faire connaître. À ce sujet, vous pouvez commencer par OISE, 2001; Gamblin, 2019 ou le Yellowhead Institute, 2019.
Dans l’ensemble, les droits et la justice autochtones, surtout en ce qui a trait au droit à l’autodétermination, doivent devenir une priorité dans le contexte où nous nous attaquons aux ODD, et où nous devons prendre en charge un monde qui semble être de plus en plus précaire. Non seulement parce que c’est moralement la chose à faire, mais aussi parce qu’il s’agit d’une part essentielle de la voie de l’avenir. Il est plus que temps que nous réalisions qu’en fin de compte, il n’existe aucun avenir durable sans droits autochtones et que nous avons tous un rôle à jouer pour nous assurer que ces droits soient respectés.
En 2015, les Nations Unies résumaient bien la situation : « L’avenir de l’humanité et de la planète est entre nos mains. Il est aussi entre les mains des jeunes d’aujourd’hui, qui passeront le flambeau aux générations futures. Nous avons tracé la voie qui mène au développement durable; c’est à nous tous qu’il appartient maintenant de faire en sorte que cette quête aboutisse et que ses acquis soient irréversibles. »
Les peuples autochtones sont prêts depuis longtemps à entreprendre cette quête et j’espère vivement que nous pourrons travailler ensemble afin que les prochaines générations soient prêtes à faire de même.
Photo: Adobe Stock
Lisez les autres articles de ce numéro
Gamblin, R. (4 novembre 2019). LAND BACK! What do we mean? 4 Rs Youth Movement.
http://4rsyouth.ca/land-back-what-do-we-mean
Affaires mondiales Canada (2018). Mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (pp. 1–167). Gouvernement du Canada.
Deepening Knowledge Project, 2001. Best practices for teaching Aboriginal students. Ontario Institute for Studies in Education (OISE).
www.oise.utoronto.ca/deepeningknowledge/UserFiles/File/UploadedAmina_/Best_Practices_for_Teaching_Aboriginal_Students.pdf
Raygorodetsky, G. Can indigenous land stewardship protect biodiversity? Magazine National Geographic, 19 novembre 2018.
https://www.nationalgeographic.com/environment/2018/11/can-indigenous-land-stewardship-protect-biodiversity-/
Nations Unies, Département des Affaires économiques et sociales, 2015. Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030.
https://sdgs.un.org/2030agenda
Nations Unies, Département des Affaires économiques et sociales, 2018. Indigenous Peoples and the 2030 Agenda.
https://bit.ly/3qZZ8wm
Yellowhead Institute, 29 octobre 2019. Land Back: A Yellowhead Institute Red Paper.
https://redpaper.yellowheadinstitute.org
Yesno, R., 11 juin 2019. UNDRIP and the SDGs: There’s no sustainable future without Indigenous rights. Alliance2030.
https://alliance2030.ca/undrip-and-the-sdgs-theres-no-sustainable-future-without-indigenous-rights/
Cette article présente une étude analysant le processus de transfert de connaissances autour des enjeux reliés au passage à la vie adulte des jeunes en difficulté, en particulier ceux qui ont connu une mesure de protection ou de réadaptation au cours de leur jeunesse, dont la construction identitaire des jeunes LGBTQ2+ et le vécu des adolescents des Premières Nations.
Rédigé sous la direction de Julie Marcotte, France Nadeau, Mathilde Turcotte et Annie Vaillancourt, l’ouvrage « Les paradoxes de la transition à la vie adulte. Perspectives croisées », publié aux Presses de l’Université Laval, réunit les actes de l’évènement « Paradoxes – Colloque sur la transition à la vie adulte » qui s’est tenu à Québec en novembre 2015. Lancé récemment à l’occasion de la 3e édition de l’évènement, cet ouvrage collectif, qui croise les points de vue de jeunes, de chercheurs et d’intervenants, s’inscrit dans une large démarche de production et de transfert de connaissances autour des enjeux reliés au passage à la vie adulte des jeunes en difficulté, en particulier ceux qui ont connu une mesure de protection ou de réadaptation au cours de leur jeunesse.
La première partie s’intéresse au regard des jeunes par le biais de témoignages et du compte rendu de démarches de recherche-action, de recherche qualitative ou d’interventions de groupe ayant misé sur divers médiums artistiques pour soutenir leur prise de parole. La deuxième partie expose divers points de vue sur les stratégies d’intervention déployées auprès des jeunes en difficulté, dont les jeunes parents et les jeunes suivis par la protection judiciaire. La troisième partie relate les résultats de recherches ayant porté sur la violence dans les relations amoureuses, la place du soutien social dans la vie de jeunes femmes placées, les facteurs associés au désistement de la délinquance, la construction identitaire des jeunes LGB (lesbiennes, gais ou bisexuels) et le vécu des adolescents des Premières Nations.
Bien que le propos ne concerne pas directement le milieu scolaire, la plupart des expériences et des recherches rapportées se sont déroulées au sein d’institutions académiques ou documentent des enjeux qui impactent de manière considérable l’expérience et le parcours scolaires des jeunes. En outre, plusieurs des projets d’intervention décrits et des pistes d’action évoquées dans ces actes de colloque pourront constituer des sources d’inspiration intéressantes pour les acteurs du milieu scolaire en vue de mieux accompagner les jeunes qui font face à différents défis au cours de leur adolescence et de leur passage à la vie adulte, entre autres sur des questions reliées à l’identité et aux rapports de genre.
Première publication dans Éducation Canada, mai 2019
ISBN : 978-2-7637-4014-0
À la suite de la publication en 2015 du Rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, les systèmes scolaires du Canada se retrouvaient aux prises avec le défi de déterminer comment mieux intégrer des perspectives autochtones à tous les niveaux et à tous les aspects de la scolarité, dont des leçons sur l’histoire et l’héritage des pensionnats. Alors qu’une vaste gamme d’approches visant la réforme des programmes scolaires et les plans de perfectionnement professionnel du personnel scolaire a été développée, il est possible de constater que les écoles progressent cependant à des rythmes différents dans leur cheminement vers la réconciliation et dans la mise en œuvre des appels à l’action relatifs à l’éducation de la Commission.
Bien que de nombreux éducateurs se trouvent au stade de « comment faire » et se questionnent afin de ne pas commettre l’appropriation culturelle, d’autres continuent à se demander « pourquoi devrais-je faire cela? », « en quoi cela me concerne? » ou « je dois respecter mon programme scolaire, mais par où suis-je supposé commencer si je possède peu ou aucune connaissance à ce sujet? ».
Afin de traiter de cet enjeu, le Réseau ÉdCan, qui regroupe des leadeurs canadiens en éducation, a organisé une journée de perfectionnement professionnel à l’Université de Lethbridge le 12 octobre 2018. Intitulé « Vérité et réconciliation dans toutes les écoles », cet évènement proposait de réfléchir sur « ce que nous savons, ce que nous ne savons pas, et ce que nous devons faire pour avancer avec respect ». Les discussions se sont déroulées avec la reconnaissance que la voie vers la réconciliation n’est pas seulement un processus continu auquel tout le monde est appelé, mais qu’il exige également un investissement personnel qui se déroulera différemment pour chaque éducateur. L’évènement s’adressait ainsi à tous les enseignants et futurs enseignants, peu importe où ils se situaient dans leur réflexion. Des auteurs ayant écrit pour l’édition spéciale sur la « Vérité et réconciliation dans les écoles » du magazine Éducation Canada y ont également participé. Cette thématique présentait les progrès réalisés jusqu’à présent par les écoles publiques canadiennes à ce niveau.
Leroy Little Bear, Ph. D., a observé que l’aspect institutionnel a joué un rôle important, au cours de l’histoire, dans « la formation des surintendants, des agents Indiens, des ministres des Affaires indiennes et des premiers ministres » qui ont implanté des politiques ayant d’ailleurs conduit à la mise en place des pensionnats. La responsabilité d’agir revient donc à l’enseignant, mais également aux institutions qui les forment.
Au cours de la table ronde, les intervenants ont souligné la nécessité pour les éducateurs d’évaluer avec leur cœur leurs intentions et leur travail, au lieu de « marcher sur des œufs » et de rester stagnants par peur de poser une question « stupide » ou qui pourrait offenser quelqu’un.
Considérant que l’action vaut mieux que l’inaction, les intervenants ont souligné que personne ne se sentirait jamais à 100 % prêt à relever ce défi. Selon Pamela Rose Toulouse, professeure agrégée à l’Université Laurentienne et auteure du livre Truth and Reconciliation in Canadian Schools, il est nécessaire que les enseignants arrivent à dire « je ne sais pas » s’ils veulent travailler avec les autochtones et communautés marginalisées.
De plus, si les enseignants souhaitent améliorer leurs connaissances, nouer des relations basées sur la confiance et travailler en collaboration avec des autochtones, ils doivent avoir la volonté de faire appel à des consultants autochtones, des conseils scolaires, des ainés, des gardiens du savoir et des personnes possédant une expertise authentique. Grâce à ces précieuses ressources humaines, ils seront en mesure de passer leurs savoirs sur les traités, pensionnats et problèmes persistants auxquels sont confrontées les communautés autochtones.
« Notre plus grand obstacle à la réconciliation, c’est nous-mêmes », a souligné Pamela Rose Toulouse. « D’une part, les éducateurs ont leurs peurs, leurs malentendus et leur fierté, alors que d’autre part, pour quelques-uns, c’est une question d’indifférence ».
« Mais je n’ai pas d’élèves autochtones dans mon école » n’est que l’une des excuses courantes que madame Toulouse a rencontrées dans son travail auprès des éducateurs. Elle suggère par conséquent de percevoir la réconciliation en tant qu’un projet collectif à l’instar d’autres enjeux primordiaux tels que la sécurité alimentaire, le changement climatique et l’équité, qui touchent tous ceux qui ont des enfants, des petits-enfants, des neveux, des nièces, des familles et des amis qui composent la génération d’aujourd’hui et de demain. Elle indique qu’affronter l’indifférence et les excuses implique également d’éclairer les contributions contemporaines des peuples autochtones en reconnaissant que « le hockey, certains médicaments, les croustilles et même le Dr Pepper » sont des inventions des peuples autochtones ou en sont inspirées. Alors que les programmes scolaires parleront des pensionnats et des traités, les éducateurs sont responsables de combler des lacunes en menant des discussions sur les modèles de rôles autochtones positifs et leurs contributions au monde actuel.
La conférencière Julaine Guitton est un exemple inspirant d’enseignante non autochtone qui a axé sur la résilience des peuples autochtones dans sa classe au-delà de sujets tels que le génocide culturel et les pensionnats. Cette approche, qui soutient le message que les peuples autochtones ne sont pas d’abord des victimes, s’est révélée efficace auprès de ses élèves de cinquième et de sixième année. En tant que responsable de l’initiative « Project of Heart » de l’école primaire Stavely, madame Guitton a mené avec ses élèves une enquête comprenant des recherches globales sur les pensionnats au Canada, une recherche focalisée sur un pensionnat particulier, une rencontre avec un survivant et, au final, un acte artistique de réconciliation. Dans une ville rurale où la grande majorité des élèves vit à la campagne, une compréhension des relations entre les autochtones et la terre correspondait à la pierre angulaire de leurs discussions. D’après Francis First Charger, ainé en résidence à l’Université de Lethbridge, cela élargit l’ouverture des élèves envers une diversité de visions du monde et des différents peuples en plus de leur apprendre le concept d’interrelation.
« Je me souviens où j’étais lorsque le Rapport final de la Commission Vérité et Réconciliation a finalement été publié et je me sentais particulièrement concernée en tant qu’enseignante dans une position d’aider d’autres personnes », a raconté madame Guitton. « Je ne savais pas comment y parvenir et un jour j’ai décidé de porter un t-shirt orange à l’école et d’entamer une discussion avec mes élèves sur ce que cela signifiait ».
Ira Provost, responsable du Piikani Nation Consultation, a été la personne-ressource communautaire de madame Guitton tout au long du projet. Monsieur Provost, qui a occupé des postes d’agent de liaison avec les communautés autochtones et d’éducateur interculturel, s’est étonné de la profondeur et de la richesse des connaissances acquises par les élèves. Il a fait cette observation évidente lors d’un exposé que les élèves ont présenté devant des commissaires, le directeur général du conseil scolaire, le directeur de l’école Stavely, le personnel chargé de l’éducation PNMI et les ainés de la communauté dans le cadre d’un évènement communautaire organisé par la classe.
Comme monsieur Provost l’a souligné, tout ce que les peuples autochtones veulent, c’est un engagement significatif, lequel représente le point de départ pour un engagement continu qui surpasse des efforts ponctuels.
« La réconciliation représente environ mille tasses de café », a déclaré Michelle Hogue, professeure agrégée et coordinatrice du First Nations Transition Program de l’Université de Lethbridge. « Il s’agit de rester assis, d’écouter, d’être présent et de nouer des relations. »
À noter : Ce rapport est conforme à la nouvelle orthographe. Le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but d’alléger le texte.
Onze des 94 appels à l’action contenus dans le rapport définitif de la Commission de vérité et réconciliation du Canada concernent l’éducation. L’appel à l’action 63, soit le « le renforcement de la compréhension interculturelle, de l’empathie et du respect mutuel » lance aux systèmes d’éducation canadiens le défi d’inculquer aux élèves les initiatives autochtones en matière de droits de la personne et de justice sociale. Les élèves non autochtones commencent maintenant à connaître la vérité sur les pensionnats indiens, les traités et d’autres anciens problèmes, comme la pénurie d’eau potable, de logement et de nourriture auxquels sont confrontées les communautés autochtones. La vérité et la réconciliation est un parcours spirituel et émotionnel qui va de la tête vers le cœur; il est requis de tous les élèves et éducateurs et que chacun l’effectue de façon personnelle.
En tant que participants actifs aux modèles de réconciliation à donner aux élèves, les enseignants ont besoin à la fois de perfectionnement professionnel (PP) et d’un réseau de soutien qui leur fournit des endroits psychologiquement sécuritaires où ils peuvent parler des traumatismes, des joies, des peines, de la colère et de l’espoir qu’ils sont susceptibles d’éprouver le long de ce parcours. Les thèmes des séances de PP pourraient comprendre la sécurité et la compétence culturelle, un cours de secourisme en santé mentale à l’intention des Premières Nations, de l’art-thérapie holistique et d’autres sujets qui explorent l’intelligence émotionnelle et spirituelle. Le réseau de soutien des commissions/conseils scolaires non autochtones comprend un leader autochtone possédant une vaste connaissance des ressources d’apprentissage et des usages culturels.
Dans l’ensemble, l’appel à l’action 63 va au-delà des exigences des programmes, de la pédagogie et des ressources, et joue un rôle essentiel dans la façon dont les futures générations évolueront ensemble.
Czyzewski, Karina. “The Truth and Reconciliation Commission of Canada: Insights into the goal of transformative education.” International Indigenous Policy Journal 2, no. 3 (2011).
McCarty, Teresa, and Tiffany Lee. “Critical culturally sustaining/revitalizing pedagogy and Indigenous education sovereignty.” Harvard Educational Review 84, no. 1 (2014): 101-124.
Nagy, Rosemary. “The Truth and Reconciliation Commission of Canada: Genesis and Design1.” Canadian Journal of Law & Society/La Revue Canadienne Droit et Société 29, no. 2 (2014): 199-217.
Savage, Catherine, Rawiri Hindle, Luanna H. Meyer, Anne Hynds, Wally Penetito, and Christine E. Sleeter. “Culturally responsive pedagogies in the classroom: Indigenous student experiences across the curriculum.” Asia-Pacific Journal of Teacher Education 39, no. 3 (2011): 183-198.
Truth and Reconciliation Commission of Canada. (2015). Honouring the Truth, Reconciling for the Future – Summary of the Final Report of the Truth and Reconciliation of Canada. Winnipeg, MB: Same as Author.
À noter : Cette fiche est conforme à la nouvelle orthographe. Le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but d’alléger le texte.
Cette infographie propose aux enseignants, aux conseillers scolaires, aux directeurs d’écoles et aux administrateurs scolaires une stratégie en quatre étapes permettant d’intégrer des initiatives axées sur la vérité et la réconciliation dans les salles de classe de la maternelle au secondaire.
Conçue en collaboration avec Kate Freeman, Ph. D., et Lindsay Morcom, Ph. D. de la Faculté de l’éducation de l’Université Queen’s, ainsi que Shawn McDonald du Conseil scolaire catholique Algonquin et Lakeshore, cette infographie procure aux lecteurs les éléments clés à intégrer en classe ainsi des astuces pour éviter l’appropriation culturelle, accorder la priorité aux auteurs autochtones possédant une expertise authentique, entamer des relations avec des gardiens du savoir et des ainés autochtones, puis se renseigner sur les territoires des peuples autochtones sur lesquels ils habitent.
Le Réseau ÉdCan a également publié une nouvelle fiche d’information rédigée par la renommée, Pamela Rose Toulouse, Ph. D., de l’Université Laurentienne, intitulée Comment intégrer le principe de Vérité et réconciliation dans toutes les écoles?, laquelle met de l’avant des stratégies portant sur les façons dont les pédagogues peuvent incorporer les savoirs autochtones dans leurs communautés scolaires.
En plus de pouvoir apposer l’infographie dans votre salle des professeurs et dans vos salles de classe, voici quelques ressources pratiques afin de vous permettre d’acquérir la connaissance et la confiance nécessaires pour traiter de ce sujet dès demain en classe. Ces ressources proviennent du texte Les mots et les images pour l’enseigner d’Emanuelle Dufour.
À noter : Cette affiche est conforme à la nouvelle orthographe. Le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but d’alléger le texte.
Tous les enseignants, et particulièrement les nouveaux, se doivent de prioriser le développement de leurs compétences culturelles afin de mieux répondre, et cela avec authenticité, aux attentes de la diversité représentée par leurs élèves.
Cet article poursuit la réflexion amorcée au sujet de l’éducation au service de la réconciliation, thème de l’édition du printemps 2018 de ce magazine. Il offre des pistes fort pertinentes pour la formation des nouveaux enseignants.
Depuis quelques décennies, les théories en gestion de la diversité culturelle sont devenues omniprésentes, et les pratiques, un passe-partout pour les organisations afin de faire bonne figure socialement et politiquement, en plus d’apparaître comme « responsables » et éthiques. Cependant, certaines le font sans que l’individu qui crée cette diversité, qui arrive avec son bagage intellectuel, social, professionnel, avec sa personnalité, ses capacités et ses compétences, soit au centre des préoccupations et des discussions.
L’organisation scolaire, soit l’un des pôles d’entrée principaux des individus d’origines culturelles très diversifiés, veut offrir un enseignement adéquat à ses élèves ou étudiants et doit, avec peu d’outils, composer quotidiennement avec les obstacles liés à cette diversité. Comment entrer positivement en contact avec des jeunes, des adolescents ou de jeunes adultes qui arrivent de loin? Comment adapter sa pédagogie? Comment tirer le meilleur d’eux et s’assurer qu’ils s’accomplissent? Comment en faire un apprentissage pour tous?
Ces préoccupations, peu banales, semblent pouvoir expliquer une partie de ce phénomène récent en éducation : la recherche du développement des compétences culturelles qui permettent de mieux composer avec différentes cultures dans la salle de classe.
La diversité culturelle se construit et évolue en fonction de contextes politique, social, économique, voire intellectuel. Les visions changent et des pratiques variées et novatrices apparaissent. Certaines visent davantage l’adaptation de l’école et de la classe, leur flexibilité et leur capacité de tirer le maximum chez des élèves qui ont un potentiel complexe à définir, compte tenu de la difficulté communicationnelle.
La réalité, pourtant, présente des symptômes d’une maladie courante dans les écoles : l’« incompétence culturelle ». Le savoir-faire requis semble apparemment peu répandu.
Ainsi, en réponse aux questions offertes en titre, de nombreux obstacles au développement de cette compétence chez les enseignants au Québec et au Canada et plusieurs carences ou besoins à satisfaire se présentent. Cependant, ce n’est pas une mission impossible! Ces obstacles sont visibles, identifiables, voire quantifiables : absence de diversité culturelle dans les régions du Québec; concentration dans la grande région de Montréal; carences dans certains programmes de formation initiale des enseignants; l’offre « optionnelle » de cours en développement des compétences culturelles dans les différents programmes en enseignement, en adaptation, en orientation ou en gestion scolaires. Quand commencerait-on à détenir une ou des compétences culturelles? Dans quelle mesure ces compétences seraient-elles universelles? Comment peut-on acquérir des compétences culturelles? Quelles sont-elles? Qu’est-ce que cela implique?
Selon les résultats d’une recherche postdoctorale en management interculturel1, des années d’expérience auprès de diverses cultures et de rencontres avec des individus qui possédaient visiblement ces compétences, je propose aujourd’hui certaines bases sur lesquelles asseoir la définition de la compétence culturelle. Elle reposerait sur la capacité des individus à s’adapter à la culture de l’autre tout en gardant l’équilibre avec la sienne. Elle résiderait aussi dans la capacité de communiquer de façon à comprendre l’autre grâce à différents langages (langue maternelle, langages verbal, gestuel ou autres), permettant ainsi un climat adéquat et sécurisant pour les deux. L’anticipation des comportements de l’autre devient ainsi possible et certainement désirée pour un climat de classe qui favorise l’apprentissage.
« Ce qui vient de l’Autre doit être accepté comme étant tout aussi recevable, satisfaisant, efficace, voire valable, que ce qui vient de soi, de sa propre culture, de sa famille, voire de ses gènes. »
Selon ces recherches2, la compétence culturelle devient alors la capacité d’un individu à s’adapter à un autre individu qui vient d’ailleurs ou à d’autres cultures étrangères et variées, et ce, grâce à différentes aptitudes, capacités ou connaissances. Cette compétence serait souhaitable autant chez celui qui accueille un étranger dans son environnement (l’accueil d’enfants autochtones dans sa classe) que chez celui qui se retrouve dans un environnement qui propose un cadre et des références différents (l’enseignante ou l’enseignant, par exemple, qui travaillent au sein d’une communauté autochtone dans le nord du Québec ou dans le Grand Nord). L’encadré 1 propose quelques exemples développés dans le cadre d’une recherche3 au sein de communautés autochtones éloignées, dans laquelle un des objectifs visait la meilleure compréhension des relations au travail entre Autochtones et Allochtones.
Pour développer la compétence culturelle, le contact avec l’autre est nécessaire. L’apprentissage par la lecture, malgré les bénéfices qui peuvent en être retirés sur le plan théorique, ne correspond peut-être pas aux critères d’enseignement de la compétence culturelle. Les cultures seraient trop « fluides », avec des critères changeants, puisqu’évoluant très rapidement, dans un monde où ces cultures s’effritent et dans lequel la singularité culturelle devient plus rare et la singularité individuelle et sociale, quasi une norme. Dans le cas des cultures autochtones, ce commentaire s’avère particulièrement pertinent, en raison notamment du caractère très évolutif et changeant des caractéristiques des individus et des communautés dans le temps; perpétuelle transformation, d’où proviendrait, en partie, leur instabilité. Nous avons demandé à ces individus — autochtones — de vivre et d’intégrer en quelques dizaines d’années ce qui nous a pris plus d’un centenaire à acquérir par apprentissages lents et par étapes (périodes agricole, industrielle et postindustrielle, organisation en société complexe, bouleversement technologique, mondialisation, etc.). L’intégration de ces changements pour des communautés qui ont vécu en isolation pendant que le monde tournait à une plus grande vitesse est exigeante et complexe. Par ailleurs, cette intégration pourrait rendre perplexes des individus qui rechercheraient leur identité dans un passé « oublié » ou « enseveli » par d’autres (les colonisateurs, notamment) et un présent encore inabordable, puisque comportant des éléments difficiles à intégrer ou à « conscientiser » par la majorité.
La reconnaissance des différences majeures entre les groupes culturels qui se rencontrent constituerait un des premiers pas vers l’acquisition de la compétence culturelle. Il s’agit, malgré le fardeau d’un biais culturel inévitable, d’éliminer de l’esprit les informations non avérées, stéréotypées ou autres, afin d’éviter qu’elles affectent la capacité de jugement.
Moins cette reconnaissance progresse, moins les probabilités d’obtenir des résultats à long terme sont envisageables, c’est-à-dire des relations harmonieuses ou des interactions positives répétées dans le temps qui mènent ultimement à une bonne collaboration entre les intervenants.
Cet apprentissage des différences observées avec l’autre favoriserait la compréhension plus profonde, plus essentielle, de l’autre. L’appréciation de ces différences et le début d’un processus d’acceptation des caractéristiques de l’autre constitueraient l’un des éléments fondateurs de la compétence culturelle4. On doit être conscient de cette petite voix qui s’exprime très discrètement dans l’esprit et qui suggère subtilement que l’autre a tort. Par ailleurs, nos mœurs, habitudes ou façons de vivre ou de travailler seront habituellement perçues comme étant nécessairement les bonnes, les meilleures, et ce, sans hésitation, presque inconsciemment. En effet, elles proviennent de notre « soi » intime, profond et certainement fondamental et elles sont pratiquées depuis toujours. Ce sentiment légitime et sûrement bien documenté par des collègues psychologues est plus fort que soi; toutefois, ce qui vient de l’autre doit être accepté comme étant tout aussi recevable, satisfaisant, efficace, voire valable, que ce qui vient de soi, de sa propre culture, de sa famille, voire de ses gènes. Le conflit personnel qui en résulte doit être géré. Le processus de reconnaissance et d’acceptation de ce phénomène demande du courage et, pour certaines personnes, il ne commencera ou ne se terminera jamais.
Pour terminer, je partage un outil pratique (voir encadré 2) qui peut servir lors de la mise en relation ou la communication professionnelle, personnelle ou avec un représentant d’une autre culture. L’outil a été créé pour un contexte particulier et pour un groupe très hétérogène en matière de cultures. Dans ce cadre, les notes dépassent la compétence culturelle de l’enseignant envers son groupe d’élèves qui proviennent de différentes cultures. D’une part, il s’adresse à l’enseignant ou à tout autre spécialiste, dont le gestionnaire scolaire, afin de les accompagner dans l’établissement de relations saines et véritables avec leurs collègues d’une autre culture. D’autre part, il vise ces mêmes fonctions, mais dans le contexte où la personne vit hors de son milieu habituel, dans une école loin de son vécu et de sa culture, afin, notamment, de l’aider à s’intégrer.
En conclusion, toutes les pratiques, applications de principes ou idées ici proposées afin de développer ses compétences culturelles semblent partager un point commun : l’authenticité. En effet, il apparait judicieux et salutaire d’être soi-même et d’agir de manière cohérente avec ses valeurs et ses choix, comme avec ses décisions professionnelles.
Bon bain culturel!
Photo : Gracieuseté de l’auteure émilie Deschênes
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2018
1 Deschênes, É. (inédit). L’insertion socioprofessionnelle des Autochtones sur le marché de l’emploi au nord du 49e parallèle : une réalité mal comprise. Rapport de recherche de postdoctorat en management interculturel. HEC Montréal.
2 Ces recherches comprennent une recherche postdoctorale (voir note 1) auprès d’Autochtones canadiens et une autre plus récente (et inédite). Cette dernière porte sur des Autochtones du Mali qui considèrent à nouveau la formation professionnelle ou technique, mais pour qui la « distance » culturelle entre eux (provenant de régions éloignées, ne parlant que leurs langues natales, etc.) et leurs enseignants peut sembler trop grande pour commencer ou poursuivre un programme. La difficulté de vivre avec l’incompréhension des messages, de même que l’image de soi que cette difficulté impose à l’individu (incapacité ou incompétence personnelle, notamment, mais pas exclusivement), sont trop peu supportables pour ce faire. En effet, ces enseignants auront probablement suivi une formation postcoloniale héritée du système français, qui privilégie fortement l’enseignement magistral, et, en fin de compte, qui n’auront que peu favorisé l’interaction avec chacun de ces individus.
3 Idem, notes 1.
4 Idem, note 1.
5 Les aptitudes, capacités ou connaissances qui facilitent l’adaptation de l’individu peuvent être différentes d’un lieu à l’autre, d’un contexte à l’autre. Dans cet exemple, la recherche concerne les perceptions de 70 personnes qui travaillent dans une organisation où deux cultures dominent (des Autochtones et des Allochtones, deux groupes très homogènes). Lorsqu’elles se rencontrent, les personnes des deux cultures n’ont d’autres choix que de développer des compétences culturelles reconnues si elles veulent survivre dans l’organisation (en matière d’opérations et de gestion) (voir note 1 pour la référence).
6 Ces exemples sont tirés de données qui proviennent d’un rapport de recherche en management interculturel : Deschênes, É. (inédit). L’insertion socioprofessionnelle des Autochtones sur le marché de l’emploi local. Rapport de recherche de postdoctorat en management interculturel. HEC Montréal.
Le Réseau ÉdCan vous invite à découvrir de nouvelles pistes d’enseignement, des suggestions de ressources, des témoignages, enfin tout ce qui est nécessaire afin d’offrir un enseignement fidèle à l’histoire vivante des Autochtones à travers le Canada.
Ajoutez nos propositions d’articles et de livres à votre liste de lecture pour l’été afin d’intégrer de nouveaux savoirs dans vos pratiques dès septembre.
Authenticité, reconnaissance, empathie et respect mutuel au service de la réconciliation
Dialogue, engagement et éducation à la vérité
Lire l’article Les mots et les images pour l’enseigner : Authenticité, reconnaissance, empathie et respect mutuel au service de la réconciliation
Quelles politiques éducatives pour la « réconciliation »?
Mettre en application les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation dans le système d’éducation du Nunavik
Nouveau rapport pour les éducateurs non autochtones travaillant dans des écoles secondaires en milieu urbain
La réconciliation en action : Fonder une communauté d’apprentissage pour augmenter les taux de diplomation des élèves autochtones
Ce rapport par étapes peut être utilisé afin de créer votre propre programme de consultation et de collaboration avec leurs communautés autochtones locales.
Comment célébrez-vous la journée national des peuples autochtones dans votre école?
Au cours de la présentation du rapport sommaire de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada en 2015, le commissaire et sénateur autochtone, Justice Murray Sinclair, a judicieusement rappelé que la réconciliation n’est non pas un problème autochtone, mais plutôt un problème canadien. Cette déclaration vise à mobiliser tous les habitants du territoire canadien, qu’on soit autochtone ou non, autour de ce phénomène sociétal dans lequel nous avons tous un rôle à jouer. L’adoption de mesures concrètes permettant l’intégration d’expertises et de savoirs autochtones au sein des établissements d’enseignement et des différents cursus scolaires s’avère ainsi indispensable afin de favoriser une certaine rencontre des peuples en présence et responsabiliser les citoyens de demain par rapport à cet enjeu national. Nul doute que la représentation des peuples autochtones dans les programmes et manuels scolaires d’hier à aujourd’hui1, tout comme la formation générale des maîtres en matière de transmission des connaissances et de pédagogies associées aux réalités historiques et contemporaines autochtones, se sont avérées jusqu’à ce jour inadéquates. Il ne faut donc pas se surprendre du malaise ressenti par un grand nombre d’enseignants appelés à transmettre les savoirs difficiles2 associés à l’histoire coloniale3. Dans l’état actuel des choses, ce malaise peut néanmoins être mis à profit au sein d’une approche didactique, réflexive, voire critique. En effet, dans son très pertinent ouvrage Truth and Reconciliation in Canadian Schools4, Pamela Rose Toulouse, professeure associée ojibwée et odawa à l’Université laurentienne, rappelle que la première étape inscrite dans un processus de réconciliation devrait être celle de l’introspection authentique. Que savons-nous des histoires des Premiers Peuples et de notre histoire commune? Pour l’enseignant appelé à transmettre une histoire qui lui est à peu près inconnue, il peut s’avérer utile de prendre le temps de se questionner sur les croyances, les connaissances et les points de vue qui lui ont été transmis à travers les médias de masse, les stéréotypes populaires et le système d’éducation. Ce type de réflexions, partagé et discuté au sein des salles de classe, pourra par la suite constituer une porte d’entrée intéressante à l’amorce d’une quête commune de nouveaux savoirs. L’approche critique propose ainsi des examens réflexifs, des échanges et des questionnements favorisant une posture d’ouverture propice au développement de compétences interculturelles et à l’assainissement des relations avec l’Autre.
Dans un deuxième temps, on ne saurait trop insister sur l’importance de permettre l’incarnation de personnes ou personnages autochtones, historiques et contemporains à travers les récits articulés autour des récits et expériences de vie pour aller au-delà des conceptualisations abstraites des tableaux synthèses associés à l’usage exclusif des cahiers d’exercices. Il existe ainsi une multitude de livres, de vidéos, de films, de bandes dessinées, de romans et autres projets artistiques adressés à différents groupes d’âge et pouvant faciliter ce processus à l’intérieur d’une grande variété de matières scolaires (ex. français, anglais/littérature, histoire, géographie, philosophie, éthique et culture religieuse, etc.). Si la grande majorité a été conçue en langue originale anglaise, plusieurs ont néanmoins été traduits. On assiste également, depuis quelques années, à l’émergence de ce type de documents en version originale française. Une consultation préalable de ces documents par l’enseignant est indispensable pour s’assurer du public cible de chacun de ces documents, dont nombre d’exemples sont présentés ci-dessous.
Nul ne pourrait exiger des enseignants et des professeurs qu’ils présentent une expertise en tous lieux concernant, par exemple, les histoires et savoirs culturels des onze nations autochtones du Québec, et encore moins de chacune de ses cinquante-cinq communautés constituantes et de la centaine de milliers d’individus qui y sont rattachées. On ne s’improvise pas experts dans la culture de son voisin, pas plus qu’on ne peut être en mesure de fournir des réponses avisées à toutes les questions qui surgiront chez les élèves en abordant les savoirs difficiles propres à l’histoire coloniale. Les enseignants peuvent (et devraient) en revanche exiger d’être adéquatement formés et outillés pour devenir des agents de réflexion auprès des générations futures. Il m’apparaît par ailleurs que les appels à l’action de la CVRC en matière d’éducation ne visent pas tellement la passation de détails ethnographiques, culturels et encore moins folkloriques. Ils insistent essentiellement sur l’importance d’une véritable reconnaissance de certains chapitres cruciaux de notre histoire commune6 — incluant notamment le régime des pensionnats autochtones et l’apport essentiel des peuples autochtones dans la construction du Canada — ainsi que du développement de compétences interculturelles articulées autour du respect mutuel, d’empathie et de compréhension. Différents guides7 peuvent être utilisés pour mieux contextualiser les thèmes abordés. Certains proposent même des activités clés en main, informations supplémentaires et pistes d’animation pouvant maximiser l’impact de leur utilisation8. Dans le meilleur des cas, les ministères, commissions scolaires et établissements fourniront les ressources nécessaires pour l’embauche de personnel compétent en matière de réalités autochtones et pouvant aiguiller la pratique de leurs pédagogues sur une base consultative, permanente ou ponctuelle. Parallèlement ou en dépit de quoi, les enseignants devraient pouvoir compter sur la participation d’invités autochtones, la tenue d’activités de sensibilisation9, l’organisation de visites culturelles (musées, théâtre, communautés, etc.) ou du moins sur la disponibilité de ressources pédagogiques adéquates. L’utilisation de divers documents didactiques ou artistiques associés à différentes nations, époques et thématiques permettra en outre d’illustrer la richesse, la diversité et la multiplicité des identités culturelles et individuelles des membres des Premiers Peuples.
Télécharger et imprimer la fiche
Photos : iStock; Domaine Public; Éducation Canada; Édition des Plaines
Première publication dans Éducation Canada, juin 2018
1 Dufour, Emanuelle. « Les racines éducationnelles de l’indifférence ». Recherches amérindiennes au Québec 43, 23 (2013) : 99104.
2 Le concept de savoirs difficiles (difficult knowledge) tel que défini par Britzman fait référence aux représentations des traumatismes sociaux et historiques intégrés au sein des curricula pédagogiques et à la manière dont ils sont reçus par les individus. Britzman, Deborah. Lost subjects, contested objects: Toward a psychoanalytic inquiry of learning. Albany: State University of New York Press, 1998.
3 Milne, Emily. “Implementing Indigenous Education Policy Directives in Ontario Public Schools: Experiences, Challenges and Successful Practices”. The International Indigenous Policy Journal 8 -3 (2017): art.2.
4 Rose Toulouse, Pamela. Truth and Reconciliation in Canadian Schools. Winnipeg: Portage & Main Press. 2018.
5 Voir Dufour, Emanuelle. « La réappropriation historique et culturelle par les mémoires graphiques autochtones » Nouvelles pratiques sociales 27, 1 (2014) : 22338.
6 Commission de vérité et réconciliation du Canada (CVRC). 2015. « Rapport final ». Ottawa.
7 Parmi ceux-ci, notons le document Mythes et réalités sur les peuples autochtones de Pierre Lepage (2002) disponible à l’adresse : http://www.cdpdj.qc.ca/publications/Mythes-Realites.pdf, les ressources disponibles sur le site de la CVRC www.trc.ca/websites/trcinstitution/index.php?p=22 et de la Fondation autochtone de l’espoir http://fondationautochtonedelespoir.ca/education/
8 Voir les guides pédagogiques associés aux bandes dessinées de Robertson (Sinclair, 2011; Ferguson, 2014; Wyatt Anderson, 2017); le Innu Meshkenu : Tracer son chemin : Guide pédagogique pour exploiter la bande dessinée racontant l’histoire du Dr Stanley Vollant (Couture, Lemieux, Duquette, 2014) www.innu-meshkenu.com/media/files/Documents_pedagogiques/Guide-pedago-final.pdf, les ressources pédagogiques mises de l’avant par le Centre national pour la vérité et la réconciliation de l’Université du Manitoba : http://umanitoba.ca/centres/cnvr/ressources_pedagogiques.html, la trousse pédagogique Gabriel Commanda www.caavd.ca/troussepedagogique.html, sans oublier la documentation qui sera bientôt disponible sur le site du projet Histoire du Canada : perspectives des Premiers Peuples du Cégep de l’Outaouais, de l’Institut Kiuna, du Centre culturel et éducatif de Kitigan Zibi et de la Boître rouge vif www.ameqenligne.com/news_pdf/pdf_docs__20180223010244_16_9.pdf
9 ex. Rencontre Québécois-autochtones de l’Institut Tshakapesh www.tshakapesh.ca/fr/programme-de-sensibilisation-a-la-culture-innue_124/ ou L’exercice des couvertures de Kairos www.kairosblanketexercise.org
« Il faut enseigner la vraie histoire », répètent sans cesse les Autochtones engagés dans des activités de sensibilisation. Mais qu’est-ce que « la vraie histoire »? Quoi enseigner et comment? Depuis quelques années, la prise de conscience d’une responsabilité collective et d’une nécessité d’action est simultanément marquée par un sentiment d’impuissance, puisqu’une très grande méconnaissance entoure les réalités autochtones. Comment enseigner ce qu’on ne connaît pas? Comment les enseignants et professeurs peuvent-ils « combler les lacunes dans les connaissances historiques qui perpétuent l’ignorance et le racisme », quand eux-mêmes n’ont appris que des stéréotypes réducteurs visant à justifier la colonisation? Pour trouver des pistes de réponse, il peut être utile de se tourner vers des mesures visant une meilleure connaissance des réalités coloniales, fondées sur une idéologie raciste, et sur la manière d’y faire face.
Plusieurs recherches ont montré que le racisme est omniprésent dans la vie des étudiants autochtones et les accompagne de la maternelle au postsecondaire. Afin de comprendre cette affirmation, il est nécessaire de redéfinir le racisme : celui-ci ne consiste pas uniquement en des actes individuels et intentionnels de violence raciale (par exemple, les insultes ouvertement racistes), mais bien en un système multidimensionnel, s’exprimant au travers des institutions comme des comportements individuels ouvertement ou inconsciemment racistes. Ainsi, depuis leurs origines, le Canada et le Québec sont fondés sur une idéologie raciste basée sur l’idée de la supériorité des colons d’origine européenne et l’infériorité des peuples occupant le territoire avant la colonisation. Ce racisme n’est pas un simple reliquat du passé, mais bien un système structurel sans cesse redéfini et réactualisé au quotidien1.
Alors que la plupart des recherches expliquent l’échec scolaire massif des Autochtones par les théories de la « différence culturelle », d’autres recherches ont montré que le racisme est la cause première du décrochage scolaire2. Tout au long de leurs études, les étudiants autochtones expérimentent différentes formes de racisme. Certaines sont évidentes : il s’agit par exemple de professeurs disant à leurs élèves autochtones qu’ils n’arriveront jamais à rien dans la vie ou excluant du cours un étudiant qui remet en question une affirmation raciste3. D’autres sont plus subtiles : les étudiants subissent les conséquences du sous-financement des écoles dans les communautés autochtones et vivent de l’exclusion sociale dans les écoles hors des communautés. Sauf exception, tous les étudiants autochtones verront leurs réalités systématiquement dénigrées ou exclues à travers les curricula scolaires.
Face à ces constats, une inquiétude persiste quant à la possibilité que les politiques scolaires actuelles ne soient appliquées que comme un ensemble de mesures niant les problèmes de fonds et contribuant à transmettre des préjugés racistes. Un exemple en est le programme Éthique et culture religieuse (ECR), qui inclut l’étude des « spiritualités des peuples autochtones ». La vision qui sous-tend ce choix est extrêmement problématique. Ces « spiritualités » ne sont intégrées que parce qu’elles ont « marqué le patrimoine religieux de la société québécoise », au même titre que le judaïsme4. Il n’est pas fait mention du statut spécifique des peuples autochtones comme des nations distinctes ni du fait que ce sont précisément les politiques coloniales qui ont œuvré à détruire les pratiques religieuses traditionnelles5. Par ailleurs, il n’est pas précisé ce qui est entendu par « spiritualités autochtones » : le programme ne fait pas mention des formes contemporaines de spiritualités et de religions autochtones, incluant notamment le christianisme.
De plus, les étudiants en ECR n’ont à l’heure actuelle pas de cours obligatoire sur les réalités autochtones dans leur cursus. Il est donc très probable que les enseignements contribuent à reproduire et valider des stéréotypes erronés et racistes. Une étudiante qui suivait mon cours sur les « Religions autochtones en Amérique du Nord » à l’université m’a dit que sans ce cours, elle aurait demandé à ses jeunes élèves de dessiner des totems et des « Indiens à plumes », hors de toute connaissance du contexte québécois. Les élèves seraient ressortis du cours avec des stéréotypes encore plus prégnants sur les Autochtones, sans prise de conscience du génocide colonial et de la complexité des réalités autochtones contemporaines.
« L’approche antiraciste permet d’aborder avec les élèves les systèmes d’inégalités, de prendre conscience des rapports de pouvoir qui structurent les relations entre certains groupes, et de modifier leurs propres préjugés et comportements. »
Dans ce contexte, comment outiller les enseignants pour engager les jeunes en vue d’une réelle « réconciliation »? Plutôt que des approches basées sur l’éducation interculturelle ou multiculturelle, plusieurs chercheurs valorisent l’éducation antiraciste. L’approche antiraciste permet d’aborder avec les élèves les systèmes d’inégalités, de prendre conscience des rapports de pouvoir qui structurent les relations entre certains groupes, et de modifier leurs propres préjugés et comportements. Enseigner l’histoire de la colonisation ou des pensionnats indiens et sensibiliser les élèves au sujet des relations contemporaines entre Québécois et Autochtones s’inscriraient dans cette logique. La perspective antiraciste a émergé au Québec dans les années 1980, mais a ensuite été abandonnée lorsque les francophones sont devenus une majorité sociologique6. Elle est cependant poursuivie dans d’autres provinces, notamment en Ontario, où a été lancé en 2007 un projet financé par le ministère de l’Éducation pour former les enseignants et les élèves à identifier le racisme, le sexisme et l’homophobie7. Dans une optique d’éducation antiraciste appliquée aux réalités autochtones, il serait par exemple possible de faire lire des témoignages sur les pensionnats autochtones pour réfléchir aux impacts de la colonisation et de la christianisation8 ou de visionner le film de Disney Pocahontas et d’analyser avec les élèves les biais racistes et sexistes véhiculés9. Dans cette perspective, il s’agit non pas de donner un cours sur les Autochtones, mais bien de faire réfléchir sur les modalités des relations entre Autochtones et Québécois. Cela constitue donc en partie un exercice d’autoréflexion, dans lequel l’enseignant peut parler de sa propre (in) expérience et inclure tous les élèves et étudiants, quelles que soient leur origine et leurs connaissances des réalités autochtones. Cette approche aurait le double avantage de former des citoyens informés et responsables, tout en créant d’emblée un climat inclusif pour les éventuels étudiants autochtones.
La reconnaissance du racisme systémique engendre une forte résistance, notamment au Québec qui constitue une « majorité fragile »10par rapport au Canada. Cependant, une chose est certaine : s’il ne s’accompagne pas d’une remise en question du système actuel, le discours de réconciliation apparaît comme une nouvelle forme de domination, imposé de manière unilatérale aux peuples autochtones. Au niveau éducatif, cette nécessaire remise en question concerne tant le contenu des programmes d’études (notamment des programmes d’histoire et d’ECR), la formation des professeurs, que les relations interpersonnelles qui se jouent à l’école entre autochtones et non-autochtones. Ainsi que le rappellent Pierrot Ross-Tremblay et Nawel Hamidi11, une réelle politique de « réconciliation » se devra de reconnaitre les fondements coloniaux du Canada et du Québec.
C’est à cette condition que l’école pourra jouer un rôle majeur dans l’éducation des citoyens et la création d’une société inclusive.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, juin 2018
1 Voir à ce sujet la brochure de la Ligue des Droits et Libertés, 2017, Le racisme systémique… parlons-en! (liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/ldl_brochure_racisme_final_20170905.pdf), ou le document du Centre national de la collaboration de la santé autochtone, 2013, Comprendre le racisme (www.ccnsa-nccah.ca/docs/determinants/FS-UnderstandingRacism-Reading-FR.pdf).
2 St. Denis, Verna et Eber Hampton, 2002, Literature Review on Racism and the Effects on Aboriginal Education, Prepared for Minister’s National Working Group on Education Indian and Northern Affairs Canada, Ottawa, Ontario.
3 Voir à ce sujet Lefevre-Radelli, Léa et Laurent Jérôme, 2017, « Logique d’exclusion, d’intégration ou d’inclusion? Enquête sur l’expérience des étudiants autochtones à l’UQAM », Les Cahiers du CIERA, 15, ainsi que par exemple le témoignage de Marly Fontaine, dans Loisel, Mélanie, 2017, Ma réserve dans ma chair. L’histoire de Marly Fontaine, Montréal, Fides.
4 www.capres.ca/wp-content/uploads/2010/06/16-Le-programme-disciplinaire-%C3%A9thique-et-culture-religieuse.pdf
5 De 1884 à 1951, plusieurs modifications à la Loi sur les Indiens ont interdit les cérémonies religieuses telles que les potlatchs et la danse du soleil, sous peine d’incarcération. Ces interdictions concernaient principalement les nations autochtones de l’Ouest canadien et de la côte du Pacifique.
6 McAndrew, Marie, 2004, « L’éducation antiraciste au Québec : bilan et prospective », dans Jean Renaud, Annick Germain, Xavier Leloup, Racisme et discrimination. Permanence et résurgence d’un phénomène inavouable, Saint-Nicolas, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 201-210.
7 Voir le descriptif du programme sur www.bienetrealecole.ca/a-propos. Il est cependant à noter que ce programme fait plutôt référence à l’immigration qu’aux personnes autochtones.
8 Voir les références dans l’article de Dufour, dans le même numéro
9 Voir une analyse critique du film en ligne : www.lecinemaestpolitique.fr/pocahontas-1995-etre-femme-et-indienne-chez-disney/
10 Cette expression a été utilisée par McAndrew, Marie, 2010, Les majorités fragiles et l’éducation : Belgique, Catalogne, Irlande du Nord, Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.
11 Ross-Tremblay, Pierrot et Hamidi, Nawel, 2018, « L’épreuve de la vérité : le Canada, les Premiers Peuples et l’esprit de 1867 », Liberté, n. 319, mars, p. 12-14. En ligne : http://revueliberte.ca/2018/02/26/lepreuve-de-verite-canada-premiers-peuples-lesprit-de-1867/
Le thème choisi pour ce numéro du magazine Éducation Canada trouve écho chez Kativik Ilisarniliriniq1, la commission scolaire du Nunavik. Intimement lié à nos activités courantes, l’objectif d’offrir des services et des programmes éducatifs autochtones aux apprenants inuits anime notre organisme à tous les niveaux, depuis ses représentants élus jusqu’aux experts en pédagogie, en passant par les enseignants et les administrateurs scolaires.
Kativik Ilisarniliriniq a été créée en 1975, en vertu d’une entente sur le règlement de revendications territoriales connue sous le nom de Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ). Cette entente, négociée après qu’un important projet hydroélectrique dans le secteur de la baie James a fait face à l’opposition des Inuits du Nunavik, des Cris de la baie James et d’autres groupes d’Autochtones, est un traité protégé en vertu de la Constitution du Canada.
À cet égard, la commission scolaire incarne le droit des Inuits à gérer leur propre système d’éducation. De fait, en vertu de la CBJNQ, Kativik Ilisarniliriniq peut se prévaloir de pouvoirs uniques pour élaborer des programmes d’études destinés à permettre aux élèves inuits de conserver leur langue, leur culture et leur identité. Offrir aux élèves un apprentissage fondé sur les valeurs, la culture, la langue, l’histoire, la vision du monde et les approches pédagogiques inuites est par conséquent au cœur de notre mission et de notre vision.
Notre organisme envisage d’ailleurs l’éducation dans une perspective holistique. Les services que nous offrons, tout comme les programmes éducatifs que nous élaborons, puisent leur source dans le concept inuit d’Inuguiniq, processus éducatif visant un développement global de l’être humain par le biais d’une intégration directe à l’environnement et à la communauté. Cela se reflète d’ailleurs clairement dans le plan stratégique de la commission scolaire pour 2016–2023.
Lorsqu’on les applique aux activités d’élaboration de programmes éducatifs, ces principes fondamentaux ont permis à la commission scolaire d’innover en repensant son cadre d’élaboration des programmes. Plutôt que de chercher à intégrer du contenu autochtone à des programmes provinciaux existants, nous avons fait appel à une perspective inuite pour intégrer le programme d’éducation du Québec (ainsi que d’autres approches éducatives mondiales ou eurocentriques) à un cadre reposant sur la vision du monde, la pédagogie et les valeurs inuites.
Le cadre curriculaire ainsi obtenu s’appuie sur le patrimoine inuit, notamment : des connaissances accumulées depuis des milliers d’années en environnement et en architecture, des communautés durables, ainsi qu’une culture et une langue sophistiquées. Présentée récemment lors de l’Inuit Education Summit, congrès organisé par l’International Circumpolar Council (ICC), cette approche a reçu un solide appui des représentants inuits des pays membres de l’ICC.
Un cadre curriculaire fondé sur le patrimoine inuit s’harmonise parfaitement aux recommandations de la Commission de vérité et réconciliation. Je crois d’ailleurs qu’il offre au ministère de l’Éducation du Québec une occasion unique de faire preuve de leadership en collaborant étroitement avec Kativik Ilisarniliriniq pour mettre en œuvre ces recommandations en matière d’éducation.
De manière concrète, notamment en science et technologie, le cadre curriculaire qui repose sur le patrimoine inuit a pavé la voie à l’élaboration d’un programme de science environnementale inuite. Fondé sur la culture inuite et la connaissance du territoire, ce programme vise à enseigner les compétences conceptuelles et techniques qui permettront aux jeunes du Nunavik de répondre aux attentes (voire de les dépasser) des programmes de science et de technologie du premier et du deuxième cycle du ministère de l’Éducation du Québec tout en se conformant aux exigences en matière de progression de l’apprentissage en science et technologie.
Comme l’illustre la Figure 1, le programme articule l’apprentissage autour des saisons, les unités liant les différentes leçons à la faune, la flore et l’environnement arctiques. Le programme fait actuellement l’objet d’analyses aux fins d’accréditation par le ministère de l’Éducation.
À mesure que la commission scolaire poursuit ses efforts pour « autochtoniser » ou « inuitiser » ses services et ses programmes éducatifs, elle doit pouvoir compter sur le soutien essentiel du ministère de l’Éducation du Québec. Le mouvement Idle No More (« Finie l’apathie »), les travaux et les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation ainsi que l’attention accrue des médias portée aux questions autochtones depuis les dernières élections fédérales ont permis d’accroître la sensibilisation générale à la nécessité de faire les choses différemment afin que la réconciliation devienne réalité.
Dans sa version actuelle, le système canadien d’éducation publique n’offre pas aux apprenants autochtones, comme aux apprenants non autochtones, des connaissances étendues « au sujet de l’histoire et des séquelles des pensionnats indiens, des traités et des droits des Autochtones, ainsi que des contributions historiques et contemporaines des peuples autochtones à la société canadienne. » 2
La situation varie d’une province à l’autre, mais le Québec n’est pas exempt de ce que la directrice générale du Conseil en éducation des Premières Nations, Lise Bastien, décrit comme une « ignorance systémique » 3. Cette ignorance renforce d’ailleurs la profonde colonisation d’où notre système éducatif et notre mentalité doivent se sortir.
Il s’agit d’une question d’importance qui a des conséquences directes sur la commission scolaire et sur les défis qu’elle est appelée à relever au moment de demander l’accréditation des programmes éducatifs fondés sur le patrimoine inuit. Le fait est que la population non autochtone est peu sensibilisée aux droits des Inuits garantis par la CBJNQ, et malheureusement, elle ne comprend pas plus ces droits ou ne saisit la situation actuelle du peuple inuit. Les responsables gouvernementaux et les employés du ministère avec lesquels nous sommes appelés à travailler ne font d’ailleurs pas exception à cette règle. À cet égard, il faut noter que le récent rétablissement du dialogue entre Kativik Ilisarniliriniq et le ministère de l’Éducation du Québec contribue aussi à accroître la sensibilisation envers l’éducation autochtone et constitue en lui-même un élément propice à la réconciliation.
En ce qui concerne l’élaboration des programmes, la population du Nunavik est peu nombreuse et les experts inuits en éducation se font plutôt rares. Pour ce qui est des experts non autochtones au Canada, quelques-uns seulement sont familiarisés avec la vision du monde et les méthodes pédagogiques des Inuits et des Autochtones. Ce sont là des défis dont il faut tenir compte à titre d’employeur pour être en mesure d’offrir des conditions de travail concurrentielles à ces experts, qui sont très recherchés.
Comme indiqué plus haut, le système d’éducation du Québec n’offre pas aux apprenants des connaissances étendues au sujet des contributions historiques et contemporaines des peuples autochtones. Comme la commission scolaire doit répondre aux besoins des élèves et des apprenants inuits, sa priorité a depuis toujours été de combler ces lacunes.
Un programme sur l’histoire du Nunavik est en cours de préparation en collaboration avec l’Institut culturel Avataq. Ce programme regroupe les secteurs réguliers et d’éducation des adultes de la commission scolaire et propose 12 modules qui porteront sur la période s’échelonnant de 1600 à 2016.
Le lancement du nouveau programme sur l’histoire du Québec en 2017 n’a fait que renforcer la détermination de la commission scolaire à élaborer son propre programme. Même s’il s’agit d’un pas dans la bonne direction, ce nouveau programme offre peu de contenu sur les Inuits du Québec. En fait, il ne répond pas adéquatement aux souhaits des jeunes du Nunavik qui veulent en savoir plus sur leur histoire et leur identité en tant qu’Inuits.
Il est en outre tout aussi important de reconnaître que le contenu éducatif autochtone (tout comme l’absence d’un tel contenu) proposé par le système d’éducation public aux Canadiens non autochtones continuera d’avoir des répercussions énormes sur les Inuits du Nunavik. La commission scolaire (tout comme d’autres organismes du Nunavik) bénéficierait d’un système d’éducation provinciale proposant un contenu éducatif autochtone et inuit accru. Cela aurait un effet positif sur l’effectif si les professionnels que nous recruterons à l’avenir en dehors du Nunavik possédaient d’office des connaissances sur les peuples autochtones du Canada ainsi qu’une compréhension supérieure du contexte et des communautés arctiques au sein desquelles ils seront appelés à travailler.
Nunavik Sivunitsavut est inspiré du projet à succès, Nunavut Sivuniksavut, mis en œuvre il y a déjà 30 ans à Ottawa. Hébergé à l’institut culturel Avataq de Montréal, le projet propose une expérience de niveau collégial d’un an aux adultes qui détiennent un diplôme d’études secondaires. Les cours que suivent les étudiants, tout comme les connaissances et les compétences qu’ils acquièrent, sont ancrés dans la culture, la langue et l’identité inuites.
Les étudiants obtiennent d’ailleurs des crédits du Collège John Abbott (notre partenaire en matière d’accréditation) pour chaque cours réussi, et ces crédits sont valables pour l’admission à tout programme universitaire ou collégial du Québec. Six enseignants, dont deux sont des Inuits originaires du Nunavik, forment actuellement l’équipe de Nunavik Sivunitsavut. Des experts inuits ou du Nunavik sont aussi souvent invités en classe; nous remercions d’ailleurs chaleureusement tous ceux et celles qui ont généreusement accepté de partager leur savoir avec les étudiants.
Nunavik Sivunitsavut accroît le nombre d’options à la disposition des jeunes du Nunavik souhaitant poursuivre leurs études au niveau collégial au Québec. Comme le montre d’ailleurs la première cohorte, le projet semble en bonne voie d’exercer un effet positif sur la persévérance scolaire au niveau postsecondaire. Nous espérons que ce projet augmentera le nombre de Nunavimmiuts4 accédant à une éducation de niveau collégial ou universitaire, de sorte qu’un plus grand nombre d’Inuits puissent profiter des possibilités de nature professionnelle et économique qui leur sont offertes au Nunavik.
Le Nunavik est un vaste territoire et les jeunes des différentes communautés y ont de nombreuses occasions de se rencontrer pour échanger entre eux. Grâce à Nunavik Sivunitsavut, les étudiants ont la possibilité de partager une solide expérience en matière d’apprentissage, de laquelle peut émerger un sens commun de l’identité inuite. Il y a fort à parier que les étudiants de la même cohorte auront l’occasion de se revoir dans des rôles ou des postes de professionnels. À cet égard, Nunavik Sivunitsavut peut aussi favoriser l’établissement de futurs partenariats et collaborations dans la région.
Assurer la transmission des valeurs, de la culture et de la langue inuites pose tout un défi dans un système où le personnel inuit ne représente que 51,49 % de l’effectif. La commission scolaire emploie actuellement 462 enseignants, dont 36,4 % (soit 168 personnes) sont inuits; parmi ceux-ci, 40 % détiennent un brevet d’enseignement délivré par le ministère de l’Éducation du Québec.
Pour améliorer l’accès à la profession d’éducateur, Kativik Ilisarniliriniq offre des programmes de certification des enseignants ainsi que des programmes de perfectionnement professionnel aux enseignants inuits, aux stagiaires en enseignement inuits et aux administrateurs scolaires inuits.
Ces programmes sont mis en œuvre en partenariat avec l’université McGill. Tous les cours sont donnés en inuktitut par des enseignants inuits qui collaborent avec des consultants de McGill. Depuis 1978, 182 enseignants inuits ont obtenu leur diplôme dans le cadre de ce programme, qui contribue à améliorer la compétence pédagogique des enseignants du Nunavik et continue de jouer un rôle d’importance à cet égard.
Les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation sont précieuses à divers égards. En effet, elles soutiennent Kativik Ilisarniliriniq dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la Convention de la Baie-James et du Nord-du-Québec et valident l’approche qui caractérise notre travail en matière de développement des programmes.
Ce rapide tour d’horizon ne permet pas seulement de prendre la mesure des défis auxquels fait face le système d’éducation du Nunavik. Il met également en évidence les opportunités qui s’offrent actuellement à nous (de même qu’à nos interlocuteurs au sein du ministère de l’Éducation) et qui sauront nous permettent recentrer la conversation sur les besoins de nos communautés en matière d’éducation. À cet égard, et comme discuté ici, de nombreuses initiatives sont déjà bien engagées!
Photo : Marie-Andrée Delisle-Alaku/Kativik Ilisarniliriniq
Première publication dans Éducation Canada, juin 2018
1 Kativik Ilisarniliriniq signifie, en inuktitut, la commission scolaire Kativik.
2 Principe de réconciliation numéro 10. Voir : Commission de vérité et conciliation ; Commission de vérité et de réconciliation du Canada : Ce que nous avons retenu. Ottawa : 2015.
3 L’expression « ignorance systémique », inventée par Lise Bastien, directrice générale du Conseil en éducation des Premières Nations, a été largement utilisée pour décrire le manque général de connaissances dont font preuve les Canadiens non autochtones à l’égard de la langue, de la culture, de la situation actuelle et de l’identité des Autochtones. Mme Bastien a utilisé l’expression pour la première fois au moment où elle plaidait pour l’intégration de contenu sur les peuples autochtones dans le matériel et les programmes pédagogiques de la province ainsi que pour l’inclusion de contenu élaboré selon une perspective autochtone. Voir : Jessica Nadeau. « Plaidoyer pour une présence accrue de la culture autochtone ». Le Devoir, 29 novembre 2016 ; accès à l’article le 25 février 2018 à l’adresse : www.ledevoir.com/societe/education/485852/consultations-sur-l-education-les-communautes-autochtones-demandent-une-plus-grande-representation-dans-le-programme
4 Le terme Nunavimmiut désigne les résidents du Nunavik. Présentement, les Inuits représentent environ 85 % de la population du Nunavik. (Statistiques Canada. « Feuillet d’information du Nunavik ». 29 mars 2016. www.statcan.gc.ca/pub/89-656-x/89-656-x2016016-fra.htm)
Sans aucun doute, il est impératif de discuter de vérité et de réconciliation dans toutes les salles de classe de chaque collectivité et établissement d’enseignement au Canada. Ma façon traditionnelle mi’kmaq de concevoir le monde m’amène à croire fermement que ces discussions doivent commencer par des échanges d’expériences, ceux-ci étant le fondement de toute relation. Je crois aussi passionnément que ces échanges doivent être continus et prendre place dans un parcours reconnu de coapprentissage dans lequel nous, les peuples autochtones et les nouveaux arrivants dans nos terres autochtones, cherchons à apprendre ensemble, à apprendre les uns des autres et à tirer profit des forces, en fait, du meilleur, de nos façons de savoir, de faire et d’être.
J’ai mis de l’avant, il y a de nombreuses années, le principe d’Etuaptmumk, ou « Voir avec deux yeux », comme principe de coapprentissage. Ce principe nous aide à comprendre que le fait d’être disposé à tenir compte d’au moins deux points de vue est beaucoup plus susceptible de produire un résultat satisfaisant, quelle que soit la situation. Comme tel, Etuaptmumk/« Voir avec deux yeux » peut être compris comme le don de perspectives multiples, cher au peuple Mi’kmaq et probablement à la plupart des peuples autochtones. Notre monde actuel offre de nombreux domaines où ce principe, ce don, est extrêmement pertinent, notamment ceux de l’éducation, de la santé et de l’environnement. J’ai souvent décrit ce principe comme suit :
« Je, vous et nous avons besoin d’apprendre à voir d’un œil, avec ce qu’il y a de meilleur dans les savoirs et les modes de connaissance autochtones… et d’apprendre à voir de l’autre œil, avec ce qu’il y a de meilleur dans les savoirs et modes de connaissance conventionnels (occidentaux ou eurocentriques)… mais surtout, je, vous et nous devons apprendre à voir avec ces deux yeux ensemble, pour le bien commun. »
D’après mon expérience, nombreux sont les gens partout au Canada qui souhaitent réunir les modes de connaissance des peuples autochtones et ceux des nouveaux arrivants. Des approches et des noms différents sont employés pour désigner cet exercice, et Etuaptmumk/« Voir avec deux yeux », n’en est qu’un parmi bien d’autres. Cela dit, cet exercice n’en est pas plus facile pour autant. J’insiste toujours pourtant sur le fait que le processus de coapprentissage est essentiel si l’on veut développer et entretenir une compréhension et des capacités collectives et collaboratives. Sinon, cet exercice peut trop facilement glisser vers une approche paresseuse, purement formelle, où Etuaptmumk/« Voir avec deux yeux » et d’autres efforts similaires deviennent rapidement un jargon banalisé, romancé, récupéré ou utilisé comme « mécanisme » dont les connaissances sont simplement assemblées, et d’où le coapprentissage Etuaptmumk/« Voir avec deux yeux » est absent. C’est pourquoi nous avons besoin d’un coapprentissage continu dans nos salles de classe. Mais nous devons aussi agir selon la reconnaissance qu’il existe de nombreux milieux d’apprentissage informels dans l’ensemble de nos collectivités et de la société… et que le coapprentissage doit se faire dans ces milieux aussi bien que dans le cadre scolaire. Je crois par conséquent que ce besoin éducationnel est vaste et profond.
J’ai bien hâte de lire ce numéro spécial de la revue Éducation Canada. Nous devons raconter nos expériences et apprendre à écouter des récits autres que les nôtres… nos savoirs résident dans nos expériences.
L’pa ma’ pun tluow ta’n tettuji nuta’q sku’tminenow Ketlewo’qn aq Apiksiktuaqn msit wutaniminal aq msit ta’n te’sikl kina’matnuo’kuo’ml ta’n telki’k u’t Kanata. Ta’n ni’n tel nestm koqoey, amujpa tela’sik wlu wsitqamu’kminu. Amujpa etlewistu’ti’k aq wesku’tmu’k ta’n wejitaik mita ta’n tujiw etlewistu’ti’kw melkiknowatu’k ta’n teli-mawqatmu’ti’k u’t wsitaqmu. Paqsipki-tlamsitm ta’n tettuji nuta’q u’t tla’siktn ke’sk pemitaikl msit wutawtiminal. Nutaik toqi- kina’masultinew mawi kwilmu’kl ikjijitaqnminal aq kinu’tmasultinew ta’n koqoey maw-kelu’kl e’tasiw ala’tu’kl, muskajewe’l. Mu ajkine’nuk ta’n tettuji pilui-kina’masulti’k, ta’n tel-lukuti’k aq ta’n telo’lti’k – mawikwaik amujpa nike’ – l’nu’k aq ak’lasie’wk.
Sa’qiji’jk na nike’wesku’tm aq kekkina’muey ta’n ni’n telo’tm wela’sik tel-kina’masultimk kiskuk. Telui’tmap “Etuaptmumk.” Akklasie’wiktuk telui’tasik – “Two-Eyed Seeing.” Etuaptmin na koqoey, toqa’tu’nl ikjijitaqnn. Mnaqij akkaptmin u’t tel kina’masimk, nmitisk aq wetuo’tisk me’aji wl’a’sik toqa’tumk ikjijitaqnn l’nue’l aq aklasie’we’l. Na nekmowey wjit Etuaptmumk teliksua’tasik kutey iknmakumkl ta’n tujiw tel-kina’masimk l’nuimk. Nestmu’k, mita sa’q ki’s tel’ukuti’k aq kesite’tmu’k.
Kiskuk u’t eymu’ti’k u’t wsitqamu pukwelkl etekl koqoe’l ta’n kisi we’wmu’k Etuaptmumk. Kisi we’wmu’k wjit kinamasuti, t’an teli-tajiko’lti’k, aq ta’n te’li klo’tmu’k u’t wsitqamu. Kaqisk teluey amujpa ewe’wmin newte’jk pukik meknimin ta’n mawi-knaql lnueye’l ikjijitaqnn ta’n nenminn aq ta’n mawi-wla’sital wjit ki’l, ni’n, aq kinuk, tujiw kekknu’tmasin ewe’wmin piluey pukik ta’n te’sik nenmin ikjijitaqn akla’siewey koqoey kelu’k ta’n tel-nmitu’tij. Tujiw weswa’tu’nl ikjijitaqnn aq toqwa’tu’nl – Etuaptmumk msit kowey, mawa’tu’nl aq aji wlaptikemk kwilimimk mawi-kelu’k wjit msit wen. Ta’n ni’n telaptm koqoey aq ta’n tel nenm, pukwelk wen ewe’wk Etuaptmumk msit Kanata aq se’k u’t wsitqamu. Pukwelk wen wetnu’kwalsit kisi toqa’tun l’nuey aq akklasie’wey klaman wla’sitow aq klu’ktitow. Jel ap pilu’wi’tmi’tij ta’n tujiw wejitu’tij, katu newte’jk na pasik ni’n telo’tm etek – Etuaptmumk. Katu ap mu-ajjkine’nuk mita l’pa ma’ pun tluow ta’n tel nuta’q mawa’tunew aq toqa’tnow ikjijitaqnminal pemitaik kekknamasutimk klaman ml’kiknowatisnuk mawa’tu’kl ta’n te’sikl iknmatimkewe’l ala’tukl aq ta’n te’sikl me’ kisi kina’masultitesnuk.
Mu ml’kuktmuk u’t nike’, aq attikineta’wk toqa’tunew, aq e’tasiw kepmite’mukl kjijitaqnn lnu’eyl aq akklasie’we’l, na mnaqnatew aq ewliksu’a’tasiktitew koqoey maliaptmu’k. Na ni’n nekmowey ketlamsitm aq kejitu nuta’q u’t toqa’tasin kkjijitaqnn kina’matmuo’kuo’ml, katu elt nuta’q kepmite’tminow te’sik kisi kina’masimk wutaniminal aq msit u’t wsitqamu. Nuta’q elt tuwa’lanew kwijimuk ta’nik kekknamu’kik mita asa newte’ te’sik kisi kina’masultitaq kwijimuk aq malikwuo’mk. Ta’n tel-nemutu ni’n, kenek me’ eltaik kekkna’masulti’kl toqwa’tumk u’t kkjijitaqnn, pukwelk me’nuta’q pana’tunew. Nenaqite’tm u’t wi’katikn: Kina’masuti Kanata: Nuta’q kin’ua’tatultinew a’tukwaqniminal aq kina’masultinew ejiksitmu’kl atukwaqnn se’k wejiaql – kkjijitaqnminu mimajik atukwaqnnminal.
(Pensées de l’aîné Albert Marshall, transcrites en Mi’kmaq par Carol Anne Johnson)
Première publication dans Éducation Canada, juin 2018
Nous vivons un profond changement pédagogique où nous passons du mode « apprendre à propos des Autochtones » à « apprendre des Autochtones ».
Intégrer de manière explicite les perspectives autochtones dans toutes les matières : voilà le nouveau défi des enseignants en Colombie-Britannique (C.-B.) depuis l’automne 2016. Ce ne sont pas que les contenus autochtones qui doivent être enseignés, mais également leurs perspectives, c’est-à-dire les manières d’apprendre, d’appréhender et de comprendre le monde. Pour les enseignants en C.-B., nous vivons un profond changement pédagogique où nous passons du mode « apprendre à propos des Autochtones » à « apprendre des Autochtones »1. Dans ce sens, en intégrant les perspectives autochtones dans les programmes d’étude pour tous les élèves, le ministère de l’Éducation de la C-B s’inscrit dans une démarche de réconciliation où il est reconnu que « le problème autochtone » est un « problème » national qui concerne tous les Canadiens et non pas seulement les Autochtones2. Dès lors, avec les nouveaux programmes d’études, les élèves autochtones et non autochtones sont exposés aux perspectives autochtones. Ceci a pour objectif d’une part, l’amélioration de la réussite scolaire des élèves autochtones3,4 et d’autre part, la réappropriation des savoirs autochtones, dont les langues, longtemps ignorées ou jugées illégitimes par les Canadiens non autochtones5.
Nous sommes tous enseignants dans un pays qui a été construit sur des idées colonialistes ancrées dans un discours de supériorité sur les façons de faire eurocentriques (dans notre cas celles des Anglais et des Français) où ont été dévalorisés, voire même supprimés, les savoirs autochtones6. Des études à l’échelle pancanadienne ont en effet montré que les enseignants, issus principalement de , ne connaissent pas ou très peu l’histoire des Autochtones du Canada et les enjeux actuels7,8,9,10,11,12,13,14 . Par ailleurs, la majorité des enseignants ignorent également les dynamiques de pouvoir social, culturel, économique et politique associées au statut de la classe dominante15,16,17 . Étant nous-mêmes issus de la classe moyenne de la majorité blanche, nous nous trouvons confrontés à ce nouveau regard critique sur notre rôle en tant qu’enseignants dans les écoles et aussi œuvrant à la formation des enseignants. Ceci est d’autant plus complexe que faisant partie de la minorité francophone qui revendique haut et fort depuis des décennies ses droits, nous avons dû nous rendre à l’évidence que le français, bien qu’étant une langue et culture à protéger et à valoriser, a également été une langue et une culture de colonisation dans notre propre pays et ailleurs dans le monde. Les éducateurs qui enseignent le français et en français en milieu minoritaire se trouvent en quelque sorte pris dans les dynamiques complexes de colonisation au Canada.
Afin de commencer à mieux intégrer les perspectives autochtones dans les programmes de français, le document publié par le ministère de l’Éducation de la C.-B., Visions du monde et perspectives autochtones dans la salle de classe : aller de l’avant18, propose des convergences pédagogiques entre les approches autochtones et non autochtones. Il s’agit de créer des ponts interculturels en se basant, entre autres, sur la pédagogie du lieu, l’apprentissage expérientiel, la mise en valeur de l’identité, le rôle de la tradition orale, le respect et la collaboration pour n’en nommer que quelques-uns. Il reste beaucoup de travail à faire pour avoir des ressources de qualité en français qui soient adaptées aux réalités de chaque province et territoire, mais nous voyons ici un début fort intéressant.
Pour terminer, j’aimerais partager une citation du juge Sinclair et qui a eu un effet catalyseur pour moi en tant qu’enseignante et formatrice : « si l’éducation a eu un rôle fondamental dans le processus d’assimilation culturelle des peuples autochtones du Canada, c’est également par l’éducation que peut être entamé le processus de réconciliation nationale »19 (traduction libre).
Photo :
Première publication dans Éducation Canada, juin 2018
1 Dion, S. D. (2009). Braiding histories: Learning from aboriginal peoples’ experiences and perspectives. Vancouver, BC: UBC Press.
2 Commission Vérité et Réconciliation Canada. (CVR) (2015). Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Ottawa : Commission de vérité et réconciliation du Canada.
Disponible à http://www.trc.ca/websites/trcinstitution/File/French_Exec_Summary_web_revised.pdf
3 Deer, F. (2013). Integrating Aboriginal perspectives in education: Perceptions of pre-service teachers. Canadian Journal of Education, 36 (2), pp. 175–211.
4 Witt, N. W. (2016). Not Just Adding Aboriginal Contents to a Non-Aboriginal Curriculum: Preparing Saskatchewan Teachers for the Rising Aboriginal School Population. International Journal of Learning, 12 (10) pp. 347–359.
5 Kanu, Y. (2011). Teachers’ Perceptions of the Integration of Aboriginal Perspectives. Dans Integrating Aboriginal Perspectives into the School Curriculum. Toronto: University of Toronto Press.
6 Commission Vérité et Réconciliation Canada, Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir (Ottawa : CVR, 2015).
7 Campeau, D. (2016). Pédagogie autochtone et pédagogie du lieu : un hybride pédagogique en classe primaire. Présentation au congrès AQEFLS à Montréal le 28 avril 2016.
8 Frank Deer, Integrating Aboriginal perspectives in education. (2013)
9 Dion (2009). Braiding histories. (Vancouver : UBC Press, 2009).
10 Kanu (2011). Teachers’ Perceptions of the Integration of Aboriginal Perspectives. (Toronto : University of Toronto Press, 2011).
11 Nardozi, A., Restoule, J. P., Broad, K., Steele, N. & James, U. (2014). Deepening Knowledge to Inspire Action: Including Aboriginal Perspectives in Teaching Practice. in education, 19 (3).
12 Tanaka, M., Williams, L., Benoit, Y. J. 1., Duggan, R. K. 1., Moir, L., & Scarrow, J. C. 1. (2007). Transforming pedagogies: Pre-service reflections on learning and teaching in an indigenous world. Teacher Development, 11 (1), pp. 99–109.
13 Strong-Wilson, T. (2007). Moving horizons: Exploring the role of stories in decolonizing the literacy education of white teachers. International Education, 37 (1), 114–131.
14 Norbert W. Witt, Not Just Adding Aboriginal Contents to a Non-Aboriginal Curriculum (2016).
15 Frank Deer, Integrating Aboriginal perspectives in education (2013).
16 Dion (2009). Braiding histories (Vancouver: UBC Press, 2009).
17 Nardozi et al. Deepening Knowledge to Inspire Action (2014).
18 British Columbia Ministry of Education. (2016). Visions du monde et perspectives autochtones dans la salle de classe : aller de l’avant. Victoria, BC : Crown Publications. Disponible à https://www.bced.gov.bc.ca/abed/awp_moving_forward_fr.pdf
19 Sinclair, J. (2012). Keynote—18th Annual Provincial Conference on Aboriginal Education. FNESC. Vidéo. 41 min. https://vimeo.com/54399099
Ce rapport d’étude de cas fournit des exemples pratiques sur la façon dont l’Academy of Indigenous Studies (Académie des études autochtones) a établi des relations durables avec les communautés autochtones locales. Elle démontre comment les cours provinciaux proposés peuvent être utilisés pour créer des cours crédités destinés aux étudiants autochtones et non autochtones qui souhaitent étudier les cultures autochtones tout au long de leurs parcours scolaires.
Développé à Kelowna en Colombie-Britannique, ce modèle d’apprentissage communautaire permet aux éducateurs non autochtones de découvrir comment ils peuvent greffer leurs élèves à un réseau d’enseignants, de défenseurs et de communautés autochtones afin de réduire le taux de décrochage des élèves autochtones, et ce, tout en immergeant leurs élèves non autochtones du savoir traditionnel.
Les éducateurs non autochtones travaillant dans des écoles secondaires en milieu urbain peuvent utiliser ce rapport par étapes afin de créer leurs propres programmes de consultation et de collaboration avec leurs communautés autochtones locales.
Nous vous proposons également une série de vidéos présentant les témoignages d’élèves et d’enseignants pour qui la culture est une médecine offrant aux élèves un sentiment de fierté et un souhait de réussir.
À noter : Ce rapport est conforme à la nouvelle orthographe. Le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but d’alléger le texte.
Dans les milieux scolaires, un enjeu important consiste aujourd’hui à explorer de quelles manières il est possible d’intégrer l’histoire, les réalités et les cultures des Premiers Peuples dans l’ensemble des disciplines scolaires. Dans cet esprit, la classe de français (qu’il s’agisse de français langue d’enseignement ou de français langue seconde) nous apparaît comme un lieu privilégié pour élargir le regard des élèves, en intégrant dans les lectures scolaires la lecture de textes littéraires écrits par des auteures et auteurs autochtones. Le matériau ne manque pas, car, à la suite des pionnières et pionniers comme Joséphine Bacon, Margaret Sam-Cromarty, Bernard Assiniwi, Yves Sioui Durand ou Rita Metsokosho, de nouvelles générations prennent la plume, à l’instar de Naomi Fontaine, Natasha Kanapé Fontaine, Samian ou Marie-Andrée Gill, et leurs écrits connaissent une diffusion de plus en plus large. La littérature autochtone francophone est en plein déploiement. On la retrouve au cœur de manifestations culturelles spécifiques comme le Salon du livre des Premières nations de Wendake ; elle est aussi enseignée et étudiée dans plusieurs institutions universitaires. Un pas de plus vient d’être franchi avec la publication de cette anthologie réalisée par trois enseignants-chercheurs aux origines variées (innue, québécoise et belge), qui interviennent à différents niveaux dans l’enseignement du français et la formation des enseignants.
En ayant comme priorité à l’esprit un public de lecteurs grands adolescents et jeunes adultes ont été sélectionnés une quarantaine de textes écrits par des femmes et des hommes de différentes générations et de diverses nations et communautés qui, pour la grande majorité, ont décidé d’écrire en français. Le principal critère de sélection pris en compte a porté sur l’émotion, la curiosité et la réflexion que peuvent susciter les textes retenus. Sous des formes littéraires variées (poésie, théâtre, roman, nouvelle, chanson, manifeste), résonne d’une manière singulière à travers ce recueil, l’écho d’être au monde, de traverser le cycle de la vie, de grandir au sein du territoire, de vivre en relation avec les membres de sa famille, de son clan et avec les autres. L’anthologie sera bientôt accompagnée par un guide pédagogique téléchargeable gratuitement sur le site de Tshakapesh.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, juin 2018
Éditions Hannenorak, 2017 ISBN : 978–2–9239–2625–4
Les travaux de la Commission vérité et réconciliation du Canada continuent d’interpeller les Canadiennes et Canadiens qui entretiennent des relations avec des membres de communautés autochtones et qui se préoccupent de justice et d’égalité. Il peut être tentant, en tant que responsables des programmes d’enseignement, qu’administrateurs et administratrices scolaires et qu’enseignantes et enseignants, de nous dire que peu importe l’action des gouvernements en matière de réconciliation, une avancée demeure possible par le biais de l’éducation. Le dixième principe de réconciliation donne un contenu à nos aspirations en tant que professionnels de l’éducation œuvrant en milieu non autochtone : il n’en tiendrait qu’à nous, chacun à notre manière, d’engager les jeunes et de communiquer des connaissances qui demeurent, pour beaucoup d’entre nous, le fait de découvertes relativement récentes. Le système scolaire ne nous a pas transmis ces connaissances et ne nous a pas appris à respecter les personnes autochtones — comme l’a déploré le Sénateur et Commissaire de la Commission Murray Sinclair — mais nous avons désormais l’occasion de remplir ces lacunes.
Les quatre appels à l’action tombant sous la rubrique « L’Éducation pour la réconciliation1 » mettent pourtant l’accent non pas sur le contenu de l’éducation, mais plutôt sur son financement. La distance entre ces appels et les pratiques actuelles manifeste la difficulté d’accomplir une transformation concrète afin de donner suite aux témoignages partagés dans le cadre de la Commission vérité et réconciliation. Sans une transformation des systèmes scolaires, la réalité dans les salles de classe diffère selon les ressources des écoles et commissions scolaires, les connaissances ou capacités de recherche des enseignantes et enseignants, ainsi que leur volonté. Sans les fonds nécessaires à une formation de l’ensemble du corps enseignant, l’entreprise de réconciliation par l’éducation demeure incertaine. Elle réussira là où la volonté individuelle est suffisamment forte, mais aussi là où la compréhension et les compétences interculturelles et politiques sont suffisamment développées. Tant que la formation des enseignantes et enseignants est limitée à quelques journées par année, la réconciliation dépendra entièrement de la volonté individuelle et sera sujette à de nombreuses erreurs de bonne (ou mauvaise) foi.
Afin de prendre acte de cet écart entre les aspirations et la pratique, je suggère de prendre au mot le dixième principe de réconciliation :
« La réconciliation exige un dialogue et une éducation du public soutenus, y compris l’engagement des jeunes, au sujet de l’histoire et des séquelles des pensionnats indiens, des traités et des droits des Autochtones, ainsi que des contributions historiques et contemporaines des peuples autochtones à la société canadienne2. »
Si les programmes déjà en vigueur ou en discussion font place à l’éducation au sujet de l’histoire et des conditions contemporaines des peuples autochtones, et si l’enseignement de ces matières ne porte ses fruits que si les appels sont pris en compte par les gouvernements provinciaux au moment de la préparation des budgets, deux autres éléments demeurent accessibles : le dialogue et l’engagement.
Le dialogue renvoie d’ailleurs au même problème des ressources, mais sous l’angle de leur partage. Si des ressources financières sont dévouées à l’enseignement de ces matières, profiteront-elles au système actuel, ou aux gardiens de la connaissance locaux et ainsi, aussi, aux communautés autochtones? Permettront-elles de créer le temps requis pour l’établissement de relations de personne à personne entre les enseignantes et enseignants ou administrateurs et administratrices et les porteurs de la connaissance et conteurs traditionnels, afin qu’un enseignement durable ait lieu? Ouvriront-elles les frontières géographiques et symboliques qui rendent si rares les relations d’amitié entre enfants autochtones et non-autochtones? Autrement dit, ces ressources créeront-elles les conditions d’un dialogue soutenu chez les enseignantes et enseignants, chez les élèves et chez les étudiantes et étudiants?
«Une éducation à la vérité n’est ni l’étude ou la rétention de faits, ni l’inculcation ou la découverte de connaissances. C’est la pratique de l’écoute de l’autre personne, l’ouverture à sa vérité, à ce qui pour elle est indéniable, indubitable, évident.»
L’engagement renvoie plutôt à un partage des valeurs. Il émerge du goût pour le dialogue interculturel ainsi que de sa valorisation active par la mise en pratique, et dépend d’une capacité de mettre ses intérêts de côté dans ses relations aux autres. Il mène à une pratique de la conciliation, qui suppose de désirer comprendre l’autre et d’apprendre à le faire, à donner du terrain à l’autre, mais aussi à répondre aux besoins de l’autre sans toujours les comprendre. L’empathie et le respect mutuel qui sont nommés au soixante-troisième appel à l’action forment le cœur de cet engagement. La réconciliation en milieu scolaire apparaît ainsi manifestement comme un engagement politique, qui vise à changer les cœurs et les esprits, c’est-à-dire les valeurs, les manières d’agir et les pratiques, mais qui ne saurait se limiter aux siennes propres. Un tel engagement qui cherche à comprendre ce qui est juste pour les autres refuse l’injustice dès la salle de cours, jusqu’aux politiques du gouvernement.
Jusqu’où ira cet engagement? Les appels à l’action de la Commission vérité et réconciliation sur « l’éducation pour la réconciliation » forment une composante des efforts de création de relations mutuellement respectueuses. Hors de la logique des réparations qui touche aux institutions dans leur relation aux personnes autochtones, ils relèvent d’une logique de la préparation, qui vise à transformer la culture politique canadienne afin de préparer le terrain à de telles relations. Peut-être parce qu’ils n’exigent ni réparations ni transformations systémiques, ces appels ont été entendus et repris. Cette approche suppose néanmoins des ressources qui manquent toujours aux enseignantes et enseignants.
Une approche plus profonde demeure néanmoins nécessaire afin de mettre en place les conditions d’une refonte de l’enseignement qui permette une éducation à la vérité. Une éducation à la vérité n’est ni l’étude ou la rétention de faits, ni l’inculcation ou la découverte de connaissances. C’est la pratique de l’écoute de l’autre personne, l’ouverture à sa vérité, à ce qui pour elle est indéniable, indubitable, évident. Une telle ouverture à ce qui structure le sens des expériences de l’autre est une manière de rejoindre son monde. Devant la masse de faits qui serait à partager — en plus de tout ce qui doit encore être enseigné — l’alternative est de donner aux enseignantes et enseignants ainsi qu’aux élèves les capacités non seulement de les retrouver, mais aussi de les comprendre dans leurs sens coexistants et souvent contradictoires pour les communautés autochtones et non autochtones. La condition d’une telle compréhension interculturelle est, encore une fois, de rendre possibles les rencontres qui, à leur tour, rendront l’ouverture aux faits non seulement possible, mais surtout désirée.
Il s’agit de la sorte de mettre fin à l’impérialisme cognitif3 et moral et ontologique — à l’imposition des cadres de validité de la connaissance, des valeurs, et de la texture même du monde. L’éducation à la vérité qui permettra la réconciliation suppose que nous nous défassions du préjugé que nous détenons, non seulement la vérité, mais aussi la manière d’y arriver. Lorsqu’il est question des relations humaines, des liens humains, la vérité est relationnelle, émerge des rencontres. C’est cette capacité de se lier à ce qui n’a pas immédiatement de sens pour nous que nous devons développer si nous désirons nous éduquer et éduquer autrui.
Photo : Yves Soglo
Première publication dans Éducation Canada, juin 2018
1 Commission de vérité et réconciliation du Canada, Appels à l’action, Winnipeg, Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015, p. 9. En ligne : www.trc.ca/websites/trcinstitution/index.php?p=891
2 Commission de vérité et réconciliation du Canada, Ce que nous avons retenu : Les principes de la vérité et de la réconciliation, Winnipeg, Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015, p. 4. En ligne : www.trc.ca/websites/trcinstitution/index.php?p=891
3 Sur la notion d’impérialisme cognitif en relation aux peuples autochtones au Canada, voir Marie Battiste, « Maintaining Aboriginal Identity, Language, and Culture in Modern Society », dans Reclaiming Indigenous Voice and Vision, dir. par Marie Battiste, Vancouver, UBC Press, 2000, p. 192-208.
« Il faut enseigner la vraie histoire », répètent sans cesse les Autochtones engagés dans des activités de sensibilisation. Mais qu’est-ce que « la vraie histoire »? Quoi enseigner et comment? Depuis quelques années, la prise de conscience d’une responsabilité collective et d’une nécessité d’action est simultanément marquée par un sentiment d’impuissance, puisqu’une très grande méconnaissance entoure les réalités autochtones. Comment enseigner ce qu’on ne connaît pas? Comment les enseignants et professeurs peuvent-ils « combler les lacunes dans les connaissances historiques qui perpétuent l’ignorance et le racisme », quand eux-mêmes n’ont appris que des stéréotypes réducteurs visant à justifier la colonisation? Pour trouver des pistes de réponse, il peut être utile de se tourner vers des mesures visant une meilleure connaissance des réalités coloniales, fondées sur une idéologie raciste, et sur la manière d’y faire face.
Plusieurs recherches ont montré que le racisme est omniprésent dans la vie des étudiants autochtones et les accompagne de la maternelle au postsecondaire. Afin de comprendre cette affirmation, il est nécessaire de redéfinir le racisme : celui-ci ne consiste pas uniquement en des actes individuels et intentionnels de violence raciale (par exemple, les insultes ouvertement racistes), mais bien en un système multidimensionnel, s’exprimant au travers des institutions comme des comportements individuels ouvertement ou inconsciemment racistes. Ainsi, depuis leurs origines, le Canada et le Québec sont fondés sur une idéologie raciste basée sur l’idée de la supériorité des colons d’origine européenne et l’infériorité des peuples occupant le territoire avant la colonisation. Ce racisme n’est pas un simple reliquat du passé, mais bien un système structurel sans cesse redéfini et réactualisé au quotidien1.
Alors que la plupart des recherches expliquent l’échec scolaire massif des Autochtones par les théories de la « différence culturelle », d’autres recherches ont montré que le racisme est la cause première du décrochage scolaire2. Tout au long de leurs études, les étudiants autochtones expérimentent différentes formes de racisme. Certaines sont évidentes : il s’agit par exemple de professeurs disant à leurs élèves autochtones qu’ils n’arriveront jamais à rien dans la vie ou excluant du cours un étudiant qui remet en question une affirmation raciste3. D’autres sont plus subtiles : les étudiants subissent les conséquences du sous-financement des écoles dans les communautés autochtones et vivent de l’exclusion sociale dans les écoles hors des communautés. Sauf exception, tous les étudiants autochtones verront leurs réalités systématiquement dénigrées ou exclues à travers les curricula scolaires.
Face à ces constats, une inquiétude persiste quant à la possibilité que les politiques scolaires actuelles ne soient appliquées que comme un ensemble de mesures niant les problèmes de fonds et contribuant à transmettre des préjugés racistes. Un exemple en est le programme Éthique et culture religieuse (ECR), qui inclut l’étude des « spiritualités des peuples autochtones ». La vision qui sous-tend ce choix est extrêmement problématique. Ces « spiritualités » ne sont intégrées que parce qu’elles ont « marqué le patrimoine religieux de la société québécoise », au même titre que le judaïsme4. Il n’est pas fait mention du statut spécifique des peuples autochtones comme des nations distinctes ni du fait que ce sont précisément les politiques coloniales qui ont œuvré à détruire les pratiques religieuses traditionnelles5. Par ailleurs, il n’est pas précisé ce qui est entendu par « spiritualités autochtones » : le programme ne fait pas mention des formes contemporaines de spiritualités et de religions autochtones, incluant notamment le christianisme.
De plus, les étudiants en ECR n’ont à l’heure actuelle pas de cours obligatoire sur les réalités autochtones dans leur cursus. Il est donc très probable que les enseignements contribuent à reproduire et valider des stéréotypes erronés et racistes. Une étudiante qui suivait mon cours sur les « Religions autochtones en Amérique du Nord » à l’université m’a dit que sans ce cours, elle aurait demandé à ses jeunes élèves de dessiner des totems et des « Indiens à plumes », hors de toute connaissance du contexte québécois. Les élèves seraient ressortis du cours avec des stéréotypes encore plus prégnants sur les Autochtones, sans prise de conscience du génocide colonial et de la complexité des réalités autochtones contemporaines.
« La reconnaissance du racisme systémique engendre une forte résistance, notamment au Québec qui constitue une « majorité fragile »10 par rapport au Canada.
Dans ce contexte, comment outiller les enseignants pour engager les jeunes en vue d’une réelle « réconciliation »? Plutôt que des approches basées sur l’éducation interculturelle ou multiculturelle, plusieurs chercheurs valorisent l’éducation antiraciste. L’approche antiraciste permet d’aborder avec les élèves les systèmes d’inégalités, de prendre conscience des rapports de pouvoir qui structurent les relations entre certains groupes, et de modifier leurs propres préjugés et comportements. Enseigner l’histoire de la colonisation ou des pensionnats indiens et sensibiliser les élèves au sujet des relations contemporaines entre Québécois et Autochtones s’inscriraient dans cette logique. La perspective antiraciste a émergé au Québec dans les années 1980, mais a ensuite été abandonnée lorsque les francophones sont devenus une majorité sociologique6. Elle est cependant poursuivie dans d’autres provinces, notamment en Ontario, où a été lancé en 2007 un projet financé par le ministère de l’Éducation pour former les enseignants et les élèves à identifier le racisme, le sexisme et l’homophobie7. Dans une optique d’éducation antiraciste appliquée aux réalités autochtones, il serait par exemple possible de faire lire des témoignages sur les pensionnats autochtones pour réfléchir aux impacts de la colonisation et de la christianisation8 ou de visionner le film de Disney Pocahontas et d’analyser avec les élèves les biais racistes et sexistes véhiculés9. Dans cette perspective, il s’agit non pas de donner un cours sur les Autochtones, mais bien de faire réfléchir sur les modalités des relations entre Autochtones et Québécois. Cela constitue donc en partie un exercice d’autoréflexion, dans lequel l’enseignant peut parler de sa propre (in)expérience et inclure tous les élèves et étudiants, quelles que soient leur origine et leurs connaissances des réalités autochtones. Cette approche aurait le double avantage de former des citoyens informés et responsables, tout en créant d’emblée un climat inclusif pour les éventuels étudiants autochtones.
La reconnaissance du racisme systémique engendre une forte résistance, notamment au Québec qui constitue une « majorité fragile »10 par rapport au Canada. Cependant, une chose est certaine : s’il ne s’accompagne pas d’une remise en question du système actuel, le discours de réconciliation apparaît comme une nouvelle forme de domination, imposé de manière unilatérale aux peuples autochtones. Au niveau éducatif, cette nécessaire remise en question concerne tant le contenu des programmes d’études (notamment des programmes d’histoire et d’ECR), la formation des professeurs, que les relations interpersonnelles qui se jouent à l’école entre autochtones et non-autochtones. Ainsi que le rappellent Pierrot Ross-Tremblay et Nawel Hamidi11, une réelle politique de « réconciliation » ne pourra pas faire l’économie de la reconnaissance des fondements coloniaux du Canada et du Québec. C’est à cette condition que l’école pourra jouer un rôle majeur dans l’éducation des citoyens et la création d’une société inclusive.
Première publication dans Éducation Canada, mai 2018
1 Voir à ce sujet la brochure de la Ligue des Droits et Libertés, 2017, Le racisme systémique… parlons-en ! (liguedesdroits.ca/wp-content/fichiers/ldl_brochure_racisme_final_20170905.pdf), ou le document du Centre national de la collaboration de la santé autochtone, 2013, Comprendre le racisme (https://www.ccnsa-nccah.ca/docs/determinants/FS-UnderstandingRacism-Reading-FR.pdf).
2 St. Denis, Verna et Eber Hampton, 2002, Literature Review on Racism and the Effects on Aboriginal Education, Prepared for Minister’s National Working Group on Education Indian and Northern Affairs Canada, Ottawa, Ontario.
3 Voir à ce sujet Lefevre-Radelli, Léa et Laurent Jérôme, 2017, « Logique d’exclusion, d’intégration ou d’inclusion ? Enquête sur l’expérience des étudiants autochtones à l’UQAM », Les Cahiers du CIERA, 15, ainsi que par exemple le témoignage de Marly Fontaine, dans Loisel, Mélanie, 2017, Ma réserve dans ma chair. L’histoire de Marly Fontaine, Montréal, Fides.
4 http://www.capres.ca/wp-content/uploads/2010/06/16-Le-programme-disciplinaire-%C3%A9thique-et-culture-religieuse.pdf
5 De 1884 à 1951, plusieurs modifications à la Loi sur les Indiens ont interdit les cérémonies religieuses telles que les potlatchs et la danse du soleil, sous peine d’incarcération. Ces interdictions concernaient principalement les nations autochtones de l’Ouest canadien et de la côte du Pacifique.
6 McAndrew, Marie, 2004, « L’éducation antiraciste au Québec : bilan et prospective », dans Jean Renaud, Annick Germain, Xavier Leloup, Racisme et discrimination. Permanence et résurgence d’un phénomène inavouable, Saint-Nicolas, Québec, Presses de l’Université Laval, p. 201-210.
7 Voir le descriptif du programme sur https://www.bienetrealecole.ca/a-propos. Il est cependant à noter que ce programme fait plutôt référence à l’immigration qu’aux personnes autochtones.
8 Voir les références dans l’article de Dufour, dans le même numéro
9 Voir une analyse critique du film en ligne : http://www.lecinemaestpolitique.fr/pocahontas-1995-etre-femme-et-indienne-chez-disney/
10 Cette expression a été utilisée par McAndrew, Marie, 2010, Les majorités fragiles et l’éducation : Belgique, Catalogne, Irlande du Nord, Québec, Montréal, Presses de l’Université de Montréal.
11 Ross-Tremblay, Pierrot et Hamidi, Nawel, 2018, « L’épreuve de la vérité : le Canada, les Premiers Peuples et l’esprit de 1867 », Liberté, n. 319, mars, p. 12-14. En ligne : http://revueliberte.ca/2018/02/26/lepreuve-de-verite-canada-premiers-peuples-lesprit-de-1867/
Le monde dans lequel nous vivons évolue et est en constant changement tout comme les langues, les identités, les cultures et les façons de vivre. En effet, de par le monde, les populations prennent de plus en plus conscience de la présence des Autochtones et de leur rôle dans la société. Au Canada, la Commission de Vérité et de Réconciliation1 en est un exemple frappant. Les écoles résidentielles ont contribué à l’annihilation de peuples autochtones en leur retirant leurs langues, leurs valeurs, et par le fait même, leurs identités et leurs cultures. Il est maintenant temps d’essayer de voir le monde à travers les lunettes des Autochtones et de croiser nos regards en les écoutant nous dire ce qu’ils feraient et ce qu’ils font déjà depuis des générations d’éducation et d’enseignement auprès de leurs enfants et de leur communauté. Nos valeurs, notre identité et notre culture transparaissent dans notre façon d’être et de transmettre nos connaissances et forment notre identité et notre culture. L’importance de prendre en compte la culture, la langue et les aînés dans l’enseignement en milieu autochtone devient un enjeu et est reconnue dans la littérature2,3. Néanmoins, les enseignants non autochtones ne sont pas nécessairement bien formés pour enseigner des perspectives très éloignées des leurs. Ils n’ont pas toujours les compétences interculturelles nécessaires et ne parviennent pas à transmettre de manière efficace les connaissances nécessaires à leurs élèves.
D’autant plus qu’il n’est plus seulement question « d’apprendre à propos des autochtones », mais « d’apprendre des autochtones »4. Autrement dit, il ne s’agit plus d’enseigner des contenus autochtones, mais bien des perspectives autochtones concernant des façons d’apprendre, de comprendre et d’appréhender le monde. Il s’agit donc de réfléchir au sujet des moyens que nous pouvons mettre en œuvre afin d’intégrer la culture autochtone dans notre enseignement et les apprentissages de nos élèves sans avoir recours à des stéréotypes et à du folklore. Mais comment les enseignants peuvent-ils enseigner des savoirs autochtones de manière authentique lorsque ces derniers ne sont pas issus de descendances autochtones ou qu’ils n’ont pas vécu avec des Autochtones?
L’automne 2016 marqua un tournant pédagogique au niveau de l’enseignement des perspectives autochtones dans les écoles de la Colombie-Britannique. En effet, le défi des enseignants de la province est d’intégrer les perspectives autochtones dans toutes les disciplines enseignées selon la vision des recommandations de la Commission de Vérité et Réconciliation. Ce changement ne se fait pas sans heurt ni difficulté, sachant que des études ont montré que les enseignants, issus majoritairement de la classe moyenne et de la majorité blanche, ne connaissent pas ou très peu l’histoire des Autochtones du Canada ainsi que les enjeux actuels qui s’y rattachent. Ce manque de connaissances peut en effet entraîner des lacunes dans le domaine de l’enseignement. Cependant, un effort est exercé au niveau pancanadien afin que les enseignants se forment et s’engagent dans un processus d’apprentissage et de réflexion quand vient le moment d’intégrer des savoirs autochtones dans leur enseignement.
«Il n’y a malheureusement pas de recette toute prête comme je m’y attendais parfois et comme je voulais m’y attendre. Non, en fait, la formation n’apporte pas de réponses toutes faites aux préoccupations, elle est construite comme un parcours où chacun va déterminer ses zones personnelles de questionnement, de contradictions, les confronter avec celles des autres, remarquer qu’il n’est pas le seul à rencontrer ces difficultés. Enfin, chacun y apportera les réponses qui lui paraissent les plus appropriées5. »
Seuls le temps et la réflexion nous permettront de trouver des « solutions » relativement à l’interculturel et aux perspectives autochtones, car les notions de culture et d’identité sont constamment en mouvement. Il faut donc toujours se réinventer. Il ne s’agit pas d’un problème mathématique. La solution n’est pas 1 + 1 = 2, mais bien 1 + 1 = 3. Les êtres humains vont devoir apprendre à communiquer et à s’écouter dans leurs ressemblances et dans leurs différences. Les enseignants n’auront jamais de réponses toutes faites, mais il faudra leur donner des outils de réflexions pour qu’ils puissent cheminer tout au long de leur carrière.
Mon expérience personnelle m’a donné la chance d’enseigner le français langue seconde à des Inuit du Nunavik de la première à la troisième année du primaire. Le fait d’avoir été immergée dans une communauté inuite, et ainsi donc dans une culture différente de la mienne, m’a remise constamment en question et m’a fait prendre conscience de ma propre culture scolaire. Le fait d’y avoir enseigné tout au début de ma carrière a en quelque sorte modelé mon enseignement sans même que je m’en rende compte. C’est lorsque j’ai quitté le Nord pour enseigner au Sud que je me suis rendu compte de mes façons plus au moins autochtones d’enseigner et que ma façon de faire ne s’éloignait en loin des recommandations de la Commission Vérité et Réconciliation.
En effet, l’enfant a une place centrale dans ma salle de classe. Je consacre beaucoup de temps à lui montrer comment faire pour qu’il apprenne de manière expérientielle tout comme les Inuits apprennent eux-mêmes à coudre ou à chasser. De plus, il n’y a pas qu’une seule bonne façon, mais plutôt de multiples façons de faire afin que l’on atteigne, à la fin, les mêmes résultats. J’aime également intégrer le récit et les histoires dans ma classe en laissant les enfants se raconter afin de mieux les connaître et de leur permettre de créer des liens qui s’étendent hors de la salle de classe. Il est important d’encourager un sentiment d’appartenance dans le contexte d’une mini société dans laquelle le respect d’autrui et des choses sont primordiaux. Certains enseignants utilisent le bâton de parole dans leur salle de classe, d’autres parlent de leurs minutes autochtones. En ce qui me concerne, je préfère intégrer complètement ces moments à mon enseignement de sorte qu’on ne puisse plus voir de frontières entre un enseignement autochtone et un enseignement dit plus traditionnel. Je pense avoir réussi mon mandat lorsque les enfants ne se rendent plus compte des différences et embrassent naturellement une nouvelle façon de penser. Ceci peut créer de vives discussions en salle de classe, mais n’est-ce avant tout pas le but de tout enseignement?
En conclusion, je pense qu’il ne s’agit plus de se fermer les yeux en ce qui concerne les Autochtones du Canada. Le but est plutôt de s’ouvrir à une perspective internationale en considérant d’autres exemples de colonisation. En effet, la Nouvelle-Zélande est aussi en train de faire un travail de décolonisation de l’éducation. L’important dans l’indigénisation d’un programme est de créer des ponts entre les cultures en mettant entre autres l’accent sur l’identité, la reconnaissance des lieux, l’utilisation de la tradition orale, le respect et la collaboration. Ce processus n’est pas simple et prendra du temps ; le tout est de ne pas tomber dans la folklorisation autochtone et de garder toujours en ligne de mire un regard critique.
Première publication dans Éducation Canada, mai 2018
Photo : gracieuseté de l’auteure Natacha Roudeix
1 Commission de vérité et réconciliation Canada. (2015). Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : Sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Ottawa : Commission de vérité et réconciliation du Canada. Disponible à http://www.trc.ca/websites/trcinstitution/File/French_Exec_Summary_web_revised.pdf
2 Laugrand, F. (2008). L’école de la toundra. Réflexions sur l’éducation à partir de quelques ateliers de transmission des savoirs avec des aînés et des jeunes inuit. Les Cahiers du Ciéra 1, 77-95.
3 Stewart, S. (2011). Placed-based learning in Aboriginal communities. A conversation with Dr. Suzanne Stewart. (10:35). Disponible à https://www.youtube.com/watch?v=h0kRVhva0w4
4 Dion, S. D. (2009). Braiding histories: Learning from aboriginal peoples’ experiences and perspectives. Vancouver, BC: UBC Press.
5 (Carrefour de Ressource en Interculturel, CRIC, 2001).
Photo
Applications pratiques tirées du H’a H’a Tumxulaux Outdoor Education Program du district scolaire no 20 (Kootenay-Columbia) en Colombie-Britannique
RAPPORT COMPLET, IMPRIMABLE EN VERSION PDF
SOMMAIRE EXÉCUTIF, AVEC VIDÉOS
Ce rapport décrit un modèle constitué à partir de trois éléments clés d’un programme centré sur le monde autochtone – l’apprentissage inspiré de la terre, la spiritualité et la roue médicinale –, qui motive davantage les élèves et les incite à ne pas mettre fin à leur scolarité. À partir de ces trois éléments, trois grandes recommandations peuvent être formulées à l’adresse des enseignants et des administrateurs à qui il incombe d’intégrer une philosophie autochtone à leur enseignement.
AUTRES RESSOURCES INFORMATIVES
Indigenous Storywork: Educating the Heart, Mind, Body, and Spirit
Archibald, J-A. (2008). Indigenous Storywork: Educating the Heart, Mind, Body, and Spirit. Vancouver, BC: University of British Columbia Press.
http://www.ubcpress.ca/books/pdf/chapters/2007/indigenousstorywork.pdf
Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada
Commission de vérité et réconciliation du Canada (2015). Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir : sommaire du rapport final de la Commission de vérité et réconciliation du Canada. Ottawa, Canada. McGill-Queen’s University Press.
http://www.myrobust.com/websites/trcinstitution/File/Reports/French/French_Executive_Summary_Web.pdf
État de l’apprentissage chez les Autochtones au Canada : Une approche holistique de l’évaluation de la réussite
Conseil canadien sur l’apprentissage (2009). État de l’apprentissage chez les Autochtones au Canada : Une approche holistique de l’évaluation de la réussite. Ottawa, Canada.
http://www.resdac.net/
L’École en réseau
Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport. L’École en réseau : Classes collaboratives.
http://eer.qc.ca/
Strong Nations Publishing Inc.
http://www.strongnations.com/
Les éditions du soleil de minuit.
http://www.editions-soleildeminuit.com/
Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
Nations Unies (2007). Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
http://www.un.org/esa/socdev/unpfii/documents/DRIPS_fr.pdf
RÉFÉRENCES
Aikenhead, G. S. (2006, October). Towards Decolonizing the Pan-Canadian Science Framework. Canadian Journal of Science, Mathematics & Technology Education. pp. 387-399.
Aquash, M. (2013). The First Nations Ways of Knowing: The Circle of Knowledge. First Nations Perspectives, 5(1), 25-36.
Armstrong, H. (2013). Indigenizing the Curriculum: The Importance of Story. First Nations Perspectives, 5(1), 37-64.
Bell, D. (with Anderson, K., Fortin, T., Ottoman, J., Rose, S., Simard, L, Spencer, K. et Raham, H.) (2004). Sharing Our Success: Ten Case Studies of Aboriginal Schooling. Kelowna, BC: Society for the Advancement of Excellence in Education.
Laferrière, T., Métivier, J., Boutin, P-A., Racine, S., Perreault, C., Hamel, C., Allaire, S., Turcotte, S., Beaudoin, J. et Breuleux, A. (sous presse). L’École en réseau : une vision de l’apport du numérique au monde scolaire québécois, une mise en œuvre audacieuse. CEFRIO. 64 pages
LaSpina, J. A. (2003). Designing Diversity: Globalization, Textbooks, and the Story of Nations. Journal Of Curriculum Studies, 35(6), 667-696.
Lavoie, C., Mark, M-P. et Jenniss, B. (2014). Indigenizing Vocabulary Teaching: An example of multiliteracies pedagogy from Unamen Shipu, Diaspora, Indigenous, and Minority Education, 8, 207-222.
Lévesque, C. et Polèse, G. (2015). Une synthèse des connaissances sur la réussite et la persévérance scolaires des élèves autochtones au Québec et dans les autres provinces canadiennes. Montréal : Réseau de recherche et de connaissances relatives aux peuples autochtones (DIALOG) et Institut national de la recherche scientifique (INRS).
Thomas, A. et Paynter, F. (2010). The Significance of Creating First Nation Traditional Names Maps. First Nations Perspectives, 3(1), 48-64.