Le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE), situé à Ottawa, est reconnu pour la transformation de l’expérience d’apprentissage, l’excellence, la bienveillance de ses écoles catholiques et la synergie avec la communauté. Avec plus de 25 500 élèves fréquentant 44 écoles élémentaires, 13 écoles secondaires et une école pour adultes, le CECCE est le plus grand réseau canadien d’écoles de langue française à l’extérieur du Québec.
Pour le CECCE, l’objectif est simple : offrir aux élèves des occasions d’apprentissage qui se traduisent en perspectives d’emplois réelles et abondantes. Motivé par cet objectif, et conscient du contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans les métiers spécialisés, le CECCE redouble ses efforts afin d’encourager les élèves à considérer de nouveaux choix de carrière enrichissants. Comment y arriver? Le CECCE se démarque par son désir d’offrir aux enfants des activités et des programmes leur permettant de se familiariser avec les métiers spécialisés et de découvrir ainsi de nouveaux intérêts et qui sait, de futures passions.
Dès la 6e année, les élèves du CECCE ont l’occasion de participer à des activités telles que la Journée d’exploration de carrière (JEC), des salons de carrières liées aux métiers spécialisés, des compétitions en robotique ainsi que des visites d’entreprises. Lors de ces activités, des ateliers pratiques permettent à ces derniers d’en apprendre davantage sur des carrières touchant les domaines de la plomberie, les circuits électriques, la maçonnerie, l’électricité industrielle, la fabrication, etc.
Tout au long de leur parcours au secondaire, les élèves du CECCE ont la chance de suivre des cours pour découvrir plus de 200 métiers spécialisés. Afin de préparer les élèves au marché du travail de demain, ces cours comprennent non seulement une initiation aux métiers traditionnels, mais visent aussi à les outiller pour faire face aux changements technologiques qui affectent ces métiers, tels que l’intelligence artificielle, l’automatisation et l’arrivée des outils numériques.
En plus des cours, à compter de la 11e année, de nombreuses options sont proposées aux élèves intéressés par les métiers spécialisés. En voici deux :
Ce programme vise à faciliter la transition entre l’école et le travail tout en permettant aux élèves d’explorer un métier en 11e ou 12e année. Ces élèves du palier secondaire ont l’occasion d’être des apprentis et de devenir certifiés dans un métier spécialisé. Pendant le semestre, l’élève inscrit à un PAJO suit la composante théorique du niveau 1 de base de la formation en apprentissage dans le domaine de son choix sur le campus du collège communautaire. L’élève complète son horaire avec une expérience en éducation coopérative chez un employeur.
Dans la région d’Ottawa, l’élève en 11e ou en 12e année inscrit dans l’une des écoles du CECCE peut participer pendant un semestre à l’un des 15 programmes FOCUS, dont quelques-uns sont directement liés à un métier spécialisé. Ayant comme but de permettre à l’élève de vivre une expérience immersive dans un domaine d’intérêt, la salle de classe des programmes FOCUS est souvent en milieu communautaire (p. ex., chantier de construction, hôpital, cuisine de restaurant, salon de coiffure). Ces programmes permettent à chaque élève d’accumuler des crédits envers l’obtention de son diplôme, de l’expérience pratique et des certifications dans son domaine d’apprentissage. La participation des partenaires communautaires est primordiale afin d’offrir aux élèves une expérience d’apprentissage authentique. Par le fait même, les employeurs ont la chance de contribuer à former la relève de demain.
De plus, pour les élèves de la 9e à la 12e année, le CECCE complète son offre avec le Centre professionnel et technique Minto, une école secondaire qui se veut un centre d’excellence en innovation avec un volet d’enseignement entièrement dédié aux métiers spécialisés. Le plus récent cours offert est le sport électronique (esport), soit un domaine de l’industrie en pleine expansion. C’est la première école francophone de l’Ontario à offrir un cours crédité en esport.
Finalement, l’ensemble des activités et des programmes offerts aux élèves du CECCE cherchent à susciter l’engagement envers les études dans un métier spécialisé, la soif d’apprendre et le désir de maîtriser des compétences essentielles au succès d’aujourd’hui et de demain.
Photo : Gracieusé de l’auteur Nathalie
Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
La région de la Beauce, située au sud de la ville de Québec, est un fleuron d’entrepreneurs qui développent de l’expertise dans différents secteurs. La région est reconnue pour son tissu industriel et entrepreneurial rassemblant plus de 500 entreprises manufacturières de secteurs d’activités diversifiés, tels que les secteurs du métal, du bois, des textiles techniques et des matériaux composites. La Beauce désire également se positionner dans la transformation numérique. Ces entreprises sont invitées à profiter rapidement des opportunités de l’industrie 4.0 afin d’améliorer leur compétitivité et d’assurer leur pérennité. La mécatronique constitue donc un levier qui permet à ces entreprises d’adopter et d’implanter les pratiques du 4.0 dans leurs systèmes, processus et procédés manufacturiers. Les avantages de la mécatronique sont importants tant pour les entreprises de production manufacturière que pour les équipementiers.
Le domaine de la mécatronique est relativement nouveau : le mot mécatronique est apparu officiellement dans le dictionnaire Larousse en 20051. Il le définit ainsi : « un produit ou un procédé est mécatronique lorsque l’on retrouve dans ce produit ou dans ce procédé une combinaison synergique entre la mécanique, l’électronique, l’automatisation et l’informatique. L’objectif de l’utilisation de la mécatronique est d’augmenter et d’optimiser la fonctionnalité des produits et des procédés de production. »
Au printemps 2018, la région de la Beauce a accueilli la septième édition de Savoir Affaires. Cet événement annuel est « une démarche innovante proposée par l’Université du Québec qui fait appel au savoir et à la créativité d’étudiants de cycles supérieurs, de gens d’affaires et d’intervenants économiques pour développer de nouvelles occasions d’affaires axées sur la diversification économique et la dynamisation régionale2. » Le comité organisateur a alors ciblé le thème de la mécatronique pour l’une des journées de l’évènement. Mécanium, Centre collégial de transfert technologique (CCTT) qui œuvre dans l’innovation en mécanique industrielle situé à Saint-Georges en Beauce, a alors été sollicité pour parrainer la journée « mécatronique » et participer activement à l’organisation de cette journée. C’est au cours de ce grand rassemblement que la mécatronique a émergé comme projet mobilisateur. Fort de ce constat, le milieu du développement économique mise sur la création d’un pôle d’excellence en mécatronique. Ce projet régional structurant nécessite l’édification d’un écosystème mécatronique unissant l’éducation avec ses trois ordres d’enseignement, le développement économique et les entreprises. Cet écosystème assurera la viabilité du pôle d’excellence en mécatronique. C’est ainsi que les membres du Comité d’éducation interordres Beauce-Etchemin, comité composé de la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin, du Cégep Beauce-Appalaches et du Centre universitaire des Appalaches, ont convenu d’explorer et d’identifier les besoins de formation liés à la mécatronique pour les trois niveaux d’enseignement.
Afin d’identifier les besoins de formation en mécatronique pour les entreprises des territoires de la Beauce et des Etchemins, un projet stratégique de développement de main-d’œuvre a été déposé au Conseil régional des partenaires du marché du travail (CRPMT). Il s’ensuit l’administration d’un sondage afin de bien cerner les besoins du marché nous permettant d’offrir par la suite des formations adaptées répondant à l’adéquation formation-emploi de la région.
En collaboration avec les organismes de développement économique et Mécanium, le Comité d’éducation interordres Beauce-Etchemin avait comme objectif d’inventorier les besoins de formation actuels et anticipés liés à la mécatronique pour les travailleurs du secteur manufacturier de la Beauce et des Etchemins et de faire en sorte que notre région soit reconnue comme la Vallée de la mécatronique au Québec. Les besoins de formation identifiés ont été répartis vers chacun des niveaux d’enseignement. Ce projet constitue la première phase de l’intervention du Comité d’éducation interordres Beauce-Etchemin dans le domaine de la mécatronique. Ultimement, le déploiement de la formation en mécatronique contribuera à faire évoluer les entreprises vers le 4.0, rehaussera leur niveau technologique et favorisera l’innovation. Ces éléments auront un impact sur la compétitivité et les bénéfices retirés en matière de productivité. La combinaison de la mécatronique et de l’automatisation contribuera à diminuer la pression exercée par la pénurie de main-d’œuvre sur les entreprises manufacturières.
À court terme, les régions de la Beauce et des Etchemins, qui sont reconnues pour leur dynamisme et leur proactivité, intensifieront leur rayonnement et adopteront un positionnement plus technologique par le développement du pôle d’excellence en mécatronique. L’accroissement de la maturité numérique des entreprises manufacturières repose sur les compétences des travailleurs; en ce sens, une offre de formation appropriée dans le milieu participera au développement continu des expertises des travailleurs impliqués dans cet important virage.
Nous invitons d’autres régions du Canada à développer de tel partenariat et à rendre publiques les actions qui en découleront. Ainsi nous pourrons nous enrichir de nos expériences respectives.
Pour obtenir plus d’information sur le sujet, consultez l’article de Compétences Canada au sujet de la mécatronique3.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
« Quel métier souhaites-tu exercer quand tu seras adulte? » LA grande question! LA question piège que la parenté pose aux jeunes au souper du jour de l’An, entre un vœu de « succès dans tes études » et une dernière tournée de tarte aux pommes. Cela dit, la pression que subissent les jeunes pour identifier leur voie professionnelle rapidement et efficacement est forte. Les adolescents sont généralement amenés à se prononcer entre 15 à 17 ans sur leur intention professionnelle. Avec les moyens et les ressources à leur disposition, ils tentent de cerner ce qui leur apparaît être l’orientation la plus pertinente pour eux.
Les critères qui déterminent ce qui est une « orientation pertinente » peuvent toutefois différer entre les jeunes et les adultes. Aux yeux de l’adulte, le projet du jeune peut comporter des failles. Mais faire un choix pertinent, réaliste, rationnel, bien documenté et adapté à ses aptitudes n’est pas simple. De fait, un jeune peut avoir une vision idéalisée du métier qu’il envisage; il peut avoir un objectif irréaliste qui s’accorde plus ou moins bien avec ses capacités; il peut opter pour un cheminement qui ne reflète pas l’orientation souhaitée. Pourtant, ce choix peut lui permettre de progresser, de se développer et de cheminer vers la vie adulte, et surtout, ce choix est susceptible d’avoir du sens pour le jeune malgré les failles qu’y observent les adultes1 2.
Pour imager les choses, comparons les projets professionnels des jeunes à du gruyère : il y a bien là un fond de fromage, mais il est plein de trous. Devant un jeune en processus d’orientation, la question à se poser alors, en tant qu’adulte bienveillant, mais parfois oppressant, est celui-ci : « est-ce qu’un fromage à trous demeure un fromage valable? » Autrement dit, si le projet du jeune comporte des failles aux yeux des adultes, peut-il tout de même constituer une intention d’avenir valable? Porteuse de sens? Qui mobilise l’élève sur ses apprentissages? Certainement3!
La différence entre un projet bien ferme et une aspiration (un projet à trous) peut se situer à différents endroits. Notamment, l’aspiration qu’un jeune porte peut avoir tout de même du sens dans l’optique où il lui permet de se mobiliser vers un but à atteindre. S’il change d’orientation en cours de route, cette première aspiration aura contribué positivement au développement du jeune. Autrement dit, elle l’aura fait cheminer.
Une enquête sur les caractéristiques et les besoins des élèves de FP réalisée en 2019 au Québec auprès de 2 680 élèves nous a permis de répondre, entre autres choses, à des questions concernant les raisons qui poussent les jeunes à s’inscrire dans ce secteur de formation4. Pourquoi se diriger vers cette voie de diplomation, souvent perçue au Québec comme la voie de la dernière chance pour les élèves en difficulté? Plus spécifiquement, pour quelles raisons les jeunes de moins de 21 ans s’inscrivent-ils en formation professionnelle menant à un métier spécialisé?
L’enquête a eu lieu dans les régions de l’Estrie, du Saguenay et du Lac-St-Jean. Pour l’ensemble des répondants, l’âge varie entre 15 et 61 ans. Parmi les répondants, les élèves de moins de 21 ans forment le groupe démographique le plus important, soit 1 134 élèves (42,3 % de l’échantillon). Parmi ces jeunes, 87,7 % étaient inscrits en formation générale (secondaire ou adulte) avant d’entreprendre leurs études professionnelles.
Par ailleurs, alors que la FP est constituée de 21 secteurs d’activité, les jeunes de moins de 21 ans ayant répondu au sondage se concentrent principalement dans trois d’entre eux où ils représentent plus de la moitié des répondants, soit 1) en entretien d’équipement motorisé (60,1 %); 2) en soins esthétiques (56 %); 3) en métallurgie (54,4 %).
Les données recueillies dans cette étude mettent en évidence le fait que pour la plupart des jeunes répondants, le programme auquel ils se sont inscrits constitue leur premier choix. Ces données s’éloignent du portrait plus sombre dressé jusqu’à maintenant des élèves de FP, réputés pour s’y trouver par défaut ou par « incapacité » à poursuivre des études avancées. De façon plus précise, les élèves ont été questionnés sur les raisons à la base du choix de leur programme d’études professionnelles. Les prochaines lignes rendent compte de ces raisons.
La Figure 1 présente le pourcentage de réponses des élèves au regard des raisons qui les ont amenés à leur choix de programme d’études. Puisqu’ils peuvent avoir répondu oui à plus d’une raison dans le sondage, le total dépasse 100 %.
Mais que disent ces données des aspirations et des projets professionnels? Les jeunes inscrits en FP y sont-ils par dépit, par hasard, par défaut? Les raisons ayant motivé leur choix fournissent-elles des indices d’élèves en bonne posture, porteurs d’un projet ou d’une aspiration permettant de se mobiliser sur leurs études, ou non? En fait, ces statistiques signalent quelque chose de très intéressant. En effet, plusieurs des jeunes de 15 à 21 ans interrogés semblent non seulement savoir pourquoi ils s’inscrivent dans une formation professionnelle, mais ils annoncent le faire parce qu’ils se connaissent bien et qu’ils connaissent aussi les débouchés du programme choisi.
Le marché de l’emploi est également en transformation et les débouchés des métiers spécialisés sont plus attrayants.
Les trois quarts des élèves de moins de 21 ans ont dit avoir choisi leur programme d’étude parce qu’il conduit au métier qu’ils veulent exercer dans la vie. Ensuite, deux autres raisons rejoignent pratiquement la moitié des jeunes : c’est parce que le programme correspond à leurs forces, leurs qualités et leurs aptitudes et qu’ils aiment le côté manuel du métier qu’ils exerceront qu’ils l’ont choisi. Puis, 42 % des jeunes élèves ont indiqué que le choix du programme était en lien avec une satisfaction personnelle, une curiosité et la soif de nouvelles connaissances.
On peut donc considérer que de nombreux jeunes de moins de 21 ans inscrits en FP s’y trouvent pour de « bonnes raisons », du moins, pour des raisons qui sont en lien avec qui ils sont et ce qu’ils veulent faire comme métier. Ces motifs sont susceptibles de faciliter la mobilisation des élèves sur l’apprentissage et leur permettre de cheminer progressivement malgré les obstacles.
En contrepartie, pour certains jeunes, les raisons qui les ont poussés à s’inscrire dans leur programme d’études professionnelles signalent qu’il y a surtout des trous dans leur fromage. Ces élèves sont possiblement porteurs d’une aspiration professionnelle. Certaines de ces aspirations, bien que moins solides, peuvent être porteuses de sens pour les élèves, mais dans d’autres cas, elles sont plutôt le symptôme d’une indécision professionnelle ou de difficultés personnelles.
Ainsi, 19 % des jeunes de moins de 21 ans sont inscrits en FP parce qu’ils n’avaient pas envie ou ne pouvaient pas faire des études au cégep ou à l’université. Certains pourraient avoir envisagé ou tenté d’entreprendre des études postsecondaires sans mener le projet à terme. Puis, dans le cas de 10 % des élèves de moins de 21 ans, c’est une personne de l’entourage qui a fait des démarches pour les inscrire en FP ou les a incités à le faire. Le choix de programme ne semble donc pas provenir initialement des élèves, du moins, pas complètement, ce qui est susceptible de compliquer la mobilisation sur l’apprentissage. D’autres jeunes (7 %) se sont inscrits en considérant que n’importe quel programme faisait l’affaire. Cette raison témoigne de l’absence de projet professionnel défini, cependant, ces élèves se maintiennent en formation et poursuivent leur progression. Quelques élèves (5 % des jeunes) disent que c’est pour suivre leurs amis qu’ils se sont inscrits en FP. Dans leur cas également, se note une impression de choix par défaut et peu réfléchi ou du moins d’un choix éloigné d’un projet professionnel. Enfin, à peine 3 % des élèves annoncent s’être inscrits à un programme en attendant de pouvoir accéder à un autre programme de formation.
Ainsi, même si certains jeunes inscrits en FP présentent un portrait plus sombre en termes de choix professionnel, leur situation demeure peu fréquente si elle est comparée à l’ensemble des répondants du même âge. Ces contextes plus éloignés du projet ou des aspirations porteuses de sens ne concernent en effet que moins d’un élève sur cinq.
En somme, quatre élèves sur cinq de moins de 21 ans inscrits en FP y sont pour des raisons qui témoignent de l’actualisation d’une aspiration ou d’un projet professionnel liée à une connaissance de soi et des métiers sur lesquels déboucheront leurs études. Nous sommes donc loin du portrait négatif souvent brossé au sujet de la formation professionnelle et des personnes qui s’y inscrivent. Ces jeunes ne se sentent pas, pour la grande majorité, dans une impasse, mais en route vers la réussite et l’exercice du métier qu’ils ont choisi. Certes, un certain nombre d’élèves ont une posture plus incertaine face à leur choix de programme et de carrière, mais ils sont nettement moins nombreux que ce qui s’observait il y a quelques années. La réputation de voie de la dernière chance qu’a longtemps portée la formation professionnelle semble ainsi être de moins en moins méritée. Cette situation est probablement liée au fait que le paysage du marché de l’emploi est également en transformation et que les débouchés des métiers spécialisés sont plus attrayants. Ainsi, dans le processus d’orientation professionnelle des jeunes, les parents et les enseignants gagneraient à soutenir leur exploration des métiers spécialisés ; ils risquent en effet de rencontrer des oreilles bien attentives.
Photo : Gracieusé de les auteurs Chantale Beacher et Stéphanie Breton
Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
1 Beaucher, C. et Dumas, I. (2008). Les intentions d’avenir d’adolescents de cinquième secondaire : aspirations ou projets professionnels? Carriérologie, 11(3-4).
2 Beaucher, C. (2004). La nature du rapport au Savoir d’adolescents de cinquième secondaire au regard des aspirations ou projet professionnels. Thèse de doctorat non publiée en sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal. Montréal : UQAM.
3 Beaucher, C. (2004). La nature du rapport au Savoir d’adolescents de cinquième secondaire.
4 Beaucher, C. (2004). La nature du rapport au Savoir d’adolescents de cinquième secondaire.
Depuis plusieurs semaines déjà, nos écoles sont fermées en raison de la pandémie issue de la COVID-19. Dans ce contexte, nous optons pour une version en ligne du numéro de mai afin d’éviter toute manipulation d’exemplaires du magazine. Nous vous invitons à prendre plaisir à sa lecture.
Choisir une carrière constitue une étape fondamentale de la vie des jeunes. De fait, la formation professionnelle fait partie de ces nombreuses possibilités permettant à ces derniers d’acquérir le savoir-faire et les connaissances qui donnent lieu à l’exercice d’un métier valorisant. Les compétences développées avec ce type de formation contribuent à actualiser le plein potentiel à condition d’afficher de la persévérance, de l’autonomie et de l’assiduité.
Qu’il recherche une formation professionnelle, une certification aux métiers semi-spécialisés ou encore un programme de perfectionnement, le jeune trouvera dans bien des cas une formule d’alternance entre le travail et les études. Ces différents types de certification, d’attestation et de diplômes permettent aux candidates et aux candidats d’exceller sur le plan professionnel.
Il faut néanmoins encourager tous les membres gravitant autour du jeune (p.ex., parents, amis, etc.) de le soutenir de façon constante. Chaque parole est importante; chaque discussion peut donner lieu à des réflexions qui nourrissent son choix de carrière. Il faut aussi les informer. Quelles sont les conditions de travail du métier envisagé? Quels sont les taux de placement des diplômés? Quel est le salaire?
Lever les obstacles pour entamer la formation professionnelle est par conséquent prioritaire. Car en effet, la non-qualification et le décrochage scolaire donnent lieu à des conséquences néfastes qui sont bien connues en sciences de l’éducation. Sans métier, donc, les difficultés s’accentuent (p.ex., chômage, problème de santé, etc.).
Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, surtout dans une perspective de vieillissement de la population, la non-qualification prive les jeunes d’une arrivée active sur le marché du travail. Étant donné les besoins criants dans plusieurs secteurs, il est impératif d’aider le jeune à se connaître, à découvrir les métiers et les programmes d’études, à visiter les salons de métiers, etc. Soyons inspirants pour les soutenir dans le choix de leur métier !
CORRECTION
Veuillez noter que le nom de l’auteure apparaissant sur l’article intitulé « De bonnes pratiques d’enseignement en sciences et technologies au primaire », publié dans le numéro de mars 2020, était incorrect. Le nom de l’auteure aurait dû être celui de la professeure Christine Couture (Université du Québec à Chicoutimi) et non celui de la professeure Diane Pruneau (Université de Moncton). Éducation Canada regrette cette erreur et a corrigé la version en ligne de l’article : https://www.edcan.ca/articles/sciences-et-technologies/?lang=fr.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
Alors que se multiplient les possibilités d’emploi un peu partout sur le territoire, et qu’émergent continuellement de nouveaux métiers et de nouvelles professions, les jeunes de niveau secondaire continuent d’exprimer les mêmes questionnements en lien avec leur future profession. Quel est le meilleur choix? Comment faire pour bien « m’orienter »? Mes proches seront-ils d’accord et me soutiendront-ils dans mes décisions? Ces questionnements renvoient à un certain nombre de préoccupations encore plus importantes chez les jeunes, soit celles liées à la connaissance qu’ils ont d’eux-mêmes, à l’identification de leurs aspirations et de leurs projets de vie, à la compréhension qu’ils ont du marché du travail et du monde scolaire, et au soutien des pairs et de la famille.
De plus, à l’ère des réseaux sociaux, les jeunes sont constamment bombardés de publicités et de messages de toutes sortes portant notamment sur les « meilleures » possibilités d’emploi, les nombreux programmes de formation, les différentes institutions d’enseignements. Ces éléments se conjuguent aux nombreux écrits vantant notamment l’accomplissement professionnel, la réussite et, surtout, le bonheur au travail. Bref, la pression est grande et les choix sont abondants.
Par conséquent, il est normal que les jeunes se sentent démunis et désorientés face à leur choix de carrière, ce choix tant attendu et craint à la fois! Dans ce contexte, qu’en est-il des métiers spécialisés, de l’attrait des jeunes (ou non) à l’endroit de ce niveau de formation? Comment faire pour mieux comprendre les projets d’avenir des jeunes et le rôle que peut avoir la formation professionnelle?
Au préalable, il est important de bien comprendre ce qu’est l’orientation pour mieux aborder la place des métiers spécialisés dans le cheminement scolaire des jeunes. Précisons d’abord que « s’orienter » signifie, entre autres, saisir sa réalité propre, connaître et approfondir sa personnalité, l’intégrer et la transposer dans un projet de carrière à son image. C’est un exercice qui est fait tout au long de la vie, par le biais des expériences personnelles, sociales, professionnelles, et qui exige une certaine réflexion sur soi-même, un retour sur ses acquis, sur ses apprentissages, sur son passé.
Pour faciliter le cheminement de l’individu, le conseiller d’orientation est un professionnel, un guide qui l’accompagne notamment dans la connaissance de soi. Étant un expert en relation d’aide, en évaluation du fonctionnement psychologique, des ressources personnelles et des conditions du milieu, le conseiller d’orientation aide la personne à prendre conscience du monde qui l’entoure, de ses traits personnels, de ses valeurs, de ses aptitudes et intérêts, ceci afin de lui permettre de croire en lui-même et en ses projets et faire des choix appropriés et satisfaisants.
Pour les jeunes, le fait d’établir un projet de carrière à sa mesure permet également de persévérer à l’école et d’augmenter la motivation scolaire. En effet, quoi de mieux que de croire en soi et en un projet réaliste pour avoir le goût de mettre les efforts nécessaires à l’atteinte de ses buts? Il faut savoir toutefois que, bien que « trouver sa voie » peut sembler un exercice anodin, ce n’est pas toujours chose facile et c’est particulièrement vrai chez les jeunes qui éprouvent des difficultés d’apprentissage ou qui sont en situation de handicap.
Les raisons qui motivent une consultation chez les jeunes peuvent être de plusieurs ordres, comme l’indécision vocationnelle, l’anxiété face aux différents choix, les besoins spécifiques des jeunes en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage, le manque d’information au regard des programmes de formation, le besoin de confirmer son choix, l’exploration des métiers et des professions, pour ne nommer que ces éléments.
Au même titre que la formation collégiale ou universitaire, la formation professionnelle est l’une des nombreuses possibilités qui se présentent aux jeunes dans leur exploration des mondes scolaire et professionnel. Explorer ces différentes avenues constitue une étape indispensable dans le processus d’orientation de carrière. Cela permet de découvrir ses aptitudes, de consolider certains apprentissages sur soi ou encore de valider des projets. Alors que certains s’accompliront dans un métier professionnel, d’autres rencontreront des obstacles comme les préjugés de leur entourage, le manque d’information sur les métiers ou encore des craintes par rapport au métier souhaité. Il n’est pas rare, malheureusement, que des jeunes abandonnent leur projet en raison du manque de soutien ou d’accompagnement de leurs proches…
Il faut savoir que les métiers spécialisés offrent des perspectives d’avenir très intéressantes pour les jeunes. Au Canada, de nombreux métiers sont en pénurie de main-d’œuvre et certains centres de formation professionnelle se voient même dans l’obligation de fermer des programmes d’études en raison du manque d’inscriptions. Seulement en construction, un rapport paru à l’automne 2019 (Association de la construction du Québec) indique qu’il y aura un déficit de plus de 20 000 travailleurs sur les chantiers d’ici les 10 prochaines années. Et c’est une réalité également présente dans une panoplie de métiers : grutiers, bouchers, serveurs, plombiers, etc. Il est donc faux de croire que les possibilités d’avenir sont restreintes pour ce type de travail et que l’avenir est peu reluisant pour ceux qui optent pour un métier spécialisé.
Mais il n’est pas question ici de privilégier ce type de formation au profit d’une autre formation. Tel que mentionné précédemment, le choix du jeune doit tenir compte de plusieurs éléments comme ses traits de personnalité, ses intérêts, ses aptitudes, ses valeurs, afin qu’il puisse se réaliser pleinement et maintienne sa motivation et sa persévérance dans la voie qu’il a choisie. Toutefois, la formation professionnelle doit faire partie des possibilités qui se présentent au jeune, ceci afin qu’il puisse explorer et considérer toutes les options envisageables. Autrement dit, il faut lui donner la chance de s’identifier, ou non, à ce type de formation qualifiante qui représente un fort pourcentage de ce qui peut lui être offert. Le fait d’y renoncer, pour certains, équivaut presque à renoncer à une partie de soi.
Les parents souhaitent généralement ce qu’il y a de mieux pour leur jeune et ceci est également vrai en ce qui concerne le choix de carrière. Les parents espèrent pour leur enfant des conditions d’emploi excellentes comme une sécurité d’emploi, un bon taux de placement et un salaire intéressant. Mais, dans les faits, la formation professionnelle est souvent teintée de certains mythes :
Pour explorer de façon exhaustive les formations existantes et contrer les préjugés liés aux métiers spécialisés, il est pertinent d’accompagner le jeune dans la découverte des métiers, notamment en visitant des foires d’emploi, des portes ouvertes dans les écoles de formation ou encore en l’encourageant à participer à des activités comme « étudiant d’un jour ». Une telle exploration l’aide assurément à reconnaître ce qui lui convient ou ce qui lui convient moins… Cela favorise du même coup sa connaissance de lui-même.
Il en va de même lorsque le jeune débute sa formation, les encouragements et le soutien parental sont toujours aussi importants pour sa réussite et sa persévérance scolaire. Il appréciera ce soutien et cet intérêt envers ses projets.
Les choix qui se présentent au jeune sont nombreux et répondent à toutes sortes de besoins. Que ce soit pour le jeune qui a des besoins particuliers, pour celui qui s’intéresse à la formation professionnelle, la formation collégiale ou encore universitaire, ou pour cet autre qui souhaite vivre une expérience de travail ou un stage à l’étranger, le jeune et ses parents sont confrontés à de toutes nouvelles expériences qui comportent leur lot de questionnements et d’incertitudes.
Pour aider les parents à mieux comprendre le processus d’orientation professionnelle et à accompagner leur jeune dans cette belle aventure, l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec a conçu un espace virtuel spécifiquement pour les parents désirant s’outiller pour mieux accompagner leur jeune dans son orientation scolaire et professionnelle. Le site est accessible via l’adresse suivante : Espaceparents.org. Une section complète a été développée pour les études postsecondaires, incluant la formation professionnelle. Des trucs, astuces et outils sont proposés pour mieux comprendre ce qu’est la formation professionnelle et constater tout ce qu’elle peut représenter dans le cheminement des jeunes. De plus, un conseiller d’orientation en ligne est disponible pour répondre aux questions des parents qui souhaitent accompagner leur jeune tout au long de son cheminement scolaire.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
En tant que premiers éducateurs, les parents contribuent au développement scolaire et professionnel de leurs enfants. Bien que l’engagement des parents soit essentiel au bien-être et au développement positif des enfants, les parents peuvent également leur nuire en ne répondant pas aux besoins psychologiques fondamentaux nécessaires à leur réussite scolaire et professionnelle.
La recherche démontre que les enfants perçoivent généralement leurs parents comme étant soutenants envers leurs besoins psychologiques. Il est important que les parents reconnaissent qu’ils peuvent avoir une grande influence — positive ou négative — sur le développement de leurs enfants. Par conséquent, les parents souhaitant le développement positif de leurs enfants ont avantage à combler leurs besoins psychologiques fondamentaux, favorisant ainsi une plus grande réussite scolaire et professionnelle.
www.parents-education.chaire.ulaval.ca/
Site de la Chaire de recherche du Canada sur les pratiques parentales et les trajectoires scolaires et vocationnelles
www.orientation.qc.ca/espaceparents/
Site pour l’accompagnement parental lors de la prise de décision vocationnelle
rire.ctreq.qc.ca/thematiques/relations-ecole-famille-communaute/
Réseau d’information sur la Réussite éducative : Relations école-famille-communauté
selfdeterminationtheory.org/parenting/
Recherches sur la parentalité en fonction des besoins psychologiques
Conseils pour favoriser la contribution optimale des parents aux apprentissages scolaires de leur enfant
Ratelle, C.F. & Duchesne, S. (2012). Une étude sur la satisfaction des besoins psychologiques des élèves du secondaire et de leur importance pour expliquer l’ajustement scolaire, social et émotionnel à la fin du secondaire. La pratique en mouvement, 4, 26.
RÉFÉRENCES
Je ne pense pas que l’équité soit le terme approprié au besoin de notre communauté. Pour moi, l’équité, c’est offrir le même service à tous, pourtant je ne crois pas que ce soit exactement une lacune dans notre système scolaire. Bien évidemment, il est primordial pour les élèves ayant des difficultés d’avoir de l’aide d’intervenants. Par contre, j’ai l’impression qu’encadrer ces individus en particulier automatiquement serait de considérer leurs identités comme un problème qu’il faut résoudre. Je crois que notre besoin n’est pas nécessairement d’être aidés, mais bien d’être une normalité.
La présence d’intervenants dans chaque école serait un bon moyen de subvenir aux besoins de tous les élèves dans leurs différents cheminements et questionnements. Appuyer les jeunes sans agir comme si ça brimerait les autres élèves serait également une approche très facilitante.
Depuis l’année dernière, j’accompagne un élève dans sa démarche de changement de sexe. Accompagner est un bien grand mot; en réalité, j’ai tout d’abord recherché des ressources afin de mieux pouvoir l’appuyer, car les écoles primaires ne sont pas très outillées pour ce genre de situation. Ce que j’ai bien vite compris, c’est qu’en fait, ce sont les adultes qui ne sont pas bien préparés à faire face à ces circonstances.
Le jeune élève concerné a 14 ans et il est en 8e année cette année. Après avoir informé ses parents, rencontré la direction, les psychologues, les intervenants/tes scolaires, certaines dispositions ont été prises afin de faire les changements requis à l’école. Cet élève a d’abord changé de nom puisque son nom de naissance était Julie, et qu’il s’appelle maintenant Julien. (NDLR : le nom de l’élève a été modifié afin de conserver son anonymat.) Tous les documents officiels au niveau de la province ont été changés. Sur le plan physique à l’école, deux salles de bain sont devenues unisexes, afin que Julien puisse se sentir à l’aise.
Je crois que ce qui m’a le plus impressionnée, c’est comment les élèves et ses amis ont réagi à son changement d’identité de genre. En fait, il n’y a vraiment pas eu de réactions de leur part. Du jour au lendemain, il a changé de nom et les élèves l’ont immédiatement accepté comme il est. À quelques reprises, moi je me trompe encore et je l’appelle Julie; je m’excuse toujours, mais Julien comprend très bien la situation. Il accepte avec tolérance que les adultes fassent encore, à l’occasion, des erreurs.
À l’école, ceux qui ont le plus de difficultés avec cette situation, ce sont certains enseignants; ceux qui, en réalité, ne le côtoient pas nécessairement. Ils craignent la réaction de leurs élèves. Mais ces craintes ne sont pas fondées, car les élèves acceptent très bien Julien. Parfois, nous, les adultes, nous cassons la tête pour rien. Les jeunes ont une ouverture d’esprit beaucoup plus réceptive que la nôtre; ils sont en réalité beaucoup plus tolérants.
J’ai mentionné plus tôt que j’accompagne Julien. Je devrais plutôt dire : « J’accepte Julien dans sa démarche, dans son vouloir de changer de sexe. » Qui sait, peut-être que dans cinq ans, Julien redeviendra une fille? Mais je le répète : ce sont les adultes qui ont des problèmes avec cette situation-là, pas les enfants. Je crois qu’il est très important d’en parler et d’aider les jeunes élèves transgenres à éprouver un sentiment d’appartenance. Je crois que Julien s’est senti assez à l’aise de communiquer avec les adultes qui lui offrent leur confiance et avec qui il sent qu’il peut partager ce qu’il vit. Je crois sincèrement que si un élève transgenre peut retrouver un adulte dans une école avec qui il peut créer un lien d’acceptation et de confiance, c’est à peu près la chose la plus importante pour cet élève.
Premièrement, malgré que les différentes identités sexuelles soient relativement bien abordées par le personnel enseignant, j’aurais eu besoin que mes professeurs en parlent. J’ai dû faire mes recherches seules, et je n’ai pas pu m’identifier dans mes cours. Ça peut sembler banal, mais lorsqu’on parle de sexualité, on parle d’hétérosexualité. On ne donne pas l’occasion aux élèves de se questionner. On nous met dans une case, on a le droit d’en sortir, mais à ce moment-là, on sera considérés comme « différents ». Deuxièmement, j’aurais aimé que l’école, à la place de miser sur l’acceptation, mise sur la normalité. Parce que, même si le plus important, c’est d’être bien avec l’étiquette qu’on s’appose, si nos pairs ne nous considèrent pas comme un des leurs, notre confiance en soi se cache derrière l’imagine falsifiée de ce qu’ils attendent de nous. Troisièmement, on ressent la pression de s’afficher dès qu’on se questionne. Certains feront leur « comingout » dans la quarantaine parce que c’est seulement à ce moment-là qu’ils seront près, et c’est parfait comme ça. Respecter ses limites et ses choix, c’est la base de l’acceptation.
Tout d’abord, écouter les jeunes et leurs besoins, ensuite les aider dans leur cheminement personnel si possible, et les appuyer le mieux possible si besoin est.
Il devrait y avoir des psychologues ou des travailleurs sociaux dans toutes les écoles.
Je ne crois pas. Selon ma perception, le programme d’éducation sexuelle n’a pas évolué. Les cours sont axés sur la sexualité hétérosexuelle, pourtant il y a tellement d’avenues différentes. Ces cours devraient donner le droit aux élèves de se questionner, sans toutefois se sentir exclus de la « normalité ».
Les programmes d’éducation sexuelle n’en parlent pratiquement pas, et c’est justement à ce niveau qu’il serait bien de sensibiliser les jeunes, autant ceux qui se questionnent que les autres qui, au lieu d’humilier ces derniers, les soutiendraient plutôt.
Je ne pense pas. Ces programmes visent surtout les relations sexuelles hétérosexuelles. Une jeune personne homosexuelle peut donc ne pas se sentir visé(e) et continuera à avoir de multiples questions, par exemple, en ce qui concerne la protection contre les ITSS. Pour ce qui est du niveau scolaire, je dirais que ce devrait être en deuxième secondaire, au minimum, puisque c’est en plein l’âge de la puberté et au moment où se manifeste intensément la curiosité sexuelle.
En ce qui concerne le curriculum, ou les cours de sexualité, je crois que des thèmes tels que les relations amoureuses et les changements physiques à la puberté sont des sujets qui devraient être abordés. Dans mon école, on n’offre pas de cours de sexualité comme c’est le cas au Québec.
Ça peut paraitre futile, mais les mises en contexte à but éducatif dans différents cours sont, encore une fois, basées sur l’hétérosexualité. Sans avoir un cours complet sur l’homosexualité et le spectre du genre, l’intégrer dans les matières de base pourrait être intéressant, surtout pour diviser l’acceptation et l’abolition de la normalité.
Je dirais qu’il serait bien d’avoir plus de clubs LGBTQ2+, sur l’heure de lunch ou après l’école, c’est là que les élèves se sentiraient mieux dans leur peau.
Toutes les trois, sans exception.
Expliquer la différence entre les trois serait important selon moi, car c’est en partie ce qui manque dans la compréhension des gens.
On devrait mettre l’accent sur les 3; il n’y a pas d’orientation ou d’identité plus importante qu’une autre. Chaque personne est valide.
Personnellement, je n’ai pas tellement eu de problèmes à ce niveau-là, probablement parce que j’ai attendu d’être totalement prête avant d’en parler. Mais selon moi, ce ne sont pas des problèmes, mais des conséquences à s’assumer, à être différents des gens ignorants.
J’ai vécu beaucoup de répression. Les gens ne devraient pas nous traiter comme si on était une catégorie à part, comme si on était des cas difficiles à comprendre. Nous nous faisons insulter et invalider à tour de bras.
En effet, on entend souvent dire que si vous avez des problèmes avec votre identité ou votre orientation, il faut en parler avec quelqu’un. Je crois que c’est difficile de trouver de l’appui, surtout à l’adolescence. Ce devrait être le rôle des enseignants de proposer des centres LGBTQ2+, des lignes téléphoniques d’appui, ou des associations comme GRIS.
Cela dépend de chaque personne. Mais il ne faut pas être intimidé de le demander, au contraire, ça démontre une grande ouverture d’esprit.
Par les pronoms qu’iels préfèrent, tout simplement.
Être identifié comme ils se sentent mentalement et non ce qu’ils présentent physiquement. Un homme trans* est un homme avec un corps de femme, mais il va s’identifier comme un homme, et c’est la même chose pour une femme trans*.
Dans ce processus-là, ma meilleure alliée aura été ma propre personne. Quand j’en ai parlé, j’étais tellement convaincue de qui j’étais que plus rien ne pouvait me faire douter. Ça crée une carapace contre les commentaires intolérants. J’ai été capable de me soutenir seule, parce que j’avais réalisé bien avant de le dire que ce n’était rien de grave, qu’il ne s’agissait que de mon identité.
À l’école, mes professeurs étaient là pour moi, ils étaient très compréhensifs. À la maison, ma mère est très présente et je souhaite cette présence parentale à tous les jeunes qui vivent une période de recherche de leur orientation ou de leur identité de genre. Ma mère m’a accompagné dans mes premières rencontres avec ma psychothérapeute, il y a deux ans. Je la vois encore aujourd’hui et ma mère me demande toujours comment vont les choses avec elle.
Le processus avant « comingout », parce que la personne la plus difficile à convaincre, celle avec qui il y a le plus de déni et d’incompréhension, c’est nous-mêmes.
« La lourdeur émotionnelle que représente la transition rend le tout assez difficile à gérer pour un jeune », je dirais.
Je pense que c’est la peur du jugement par les autres. La peur du rejet et de perdre les gens que j’aime.
Durant vos cours, tenez pour acquis qu’au moins un élève dans votre classe à une identité qui diffère de la normalité imposée par la société. Ça vous encouragera à diversifier vos discussions, à ouvrir la discussion et à éviter les commentaires involontaires qui peuvent souvent blesser.
Écoutez-nous, ne nous invalidez pas. Ne nous banalisez pas. Mais laissez-nous vivre sans nous faire ressentir que nous sommes une tâche lourde à porter sur VOS épaules.
Peu importe comment se sent un élève, ou quelle est son orientation ou son identité, ça ne change pas qui est cette personne. L’être humain cherche juste à être bien avec lui-même et il devrait avoir de l’appui, surtout provenant d’un autre être humain avec qui il passe de nombreuses heures par semaine.
La chose la plus importante en ce qui concerne l’attitude des enseignants, c’est d’avoir une ouverture d’esprit, et de ne pas craindre de chercher de l’appui. Même si on ne comprend pas très bien la situation, que ça heurte nos valeurs ou que ça nous trouble un peu, ces élèves méritent que nous, comme pédagogues, nous les accompagnions. Il vaut vraiment la peine d’être à leur écoute. Ce qui compte avant tout pour nous, c’est de contribuer à les rendre à l’aise et heureux dans leur choix de vie.
Première publication dans Éducation Canada, mai 2019
« Voici mon histoire. Voici les mots qui tentent de faire justice à la tempête d’insécurité de la jeune fille devenant femme, d’une adolescente qui prend ses couleurs. »
J’ai 9 ans, je suis en troisième année du primaire. Comme les petits garçons de ma classe, j’ai le béguin pour elle. Depuis longtemps en plus. Elle fait les plus beaux dessins de toute l’école, elle trouve toujours les meilleures idées de jeux, et surtout, elle est capable de faire sourire n’importe qui, n’importe quand. Je m’étais décidée à me lancer dans la lutte pour son cœur, combat que les garçons de ma classe avaient commencé bien avant moi. Je lui ai fait un dessin que j’ai recommencé une dizaine de fois, parce que c’est difficile de mettre ça sur papier, un amour d’enfant. Un matin, j’ai décidé que c’était le grand jour. Je suis arrivée toute gênée à son pupitre et je lui ai tendu mon cadeau. Elle m’a fait un de ces sourires qui réchauffe la poitrine, puis je lui ai demandé si elle voulait être mon amoureuse. Je suis tombée de mon nuage quand mon enseignante s’est dépêchée de me prendre à part. Elle m’a grondée, me disant que ce n’était pas comme ça que ça marchait, qu’une petite fille ne pouvait pas être amoureuse d’une autre petite fille. J’ai 9 ans, je n’ai aucune idée ce qu’est une orientation sexuelle. J’ai juste laissé tomber, et on n’en a plus jamais parlé.
En grandissant, je me suis conditionnée, probablement inconsciemment, à m’imaginer plus tard sortir avec un garçon, parce que c’est ce qu’on avait toujours tenu pour acquis. En commençant le secondaire, la pression de se matcher avec un garçon est arrivée tout d’un coup, comme si c’était devenu une norme du jour au lendemain, et qu’à cet âge-là, ça devait arriver. Même au souper de famille, les « as-tu un p’tit chum? » commençaient à être lourds. En deuxième secondaire, à l’âge de 14 ans, j’ai reçu un message texte d’un gars, me disant qu’il était intéressé. Je n’étais pas très coopérative, mais mes amies l’aimaient et c’était un « bon p’tit gars », selon ma famille. On a fini par s’appeler un couple, et un mois après, il était chez moi, dans ma chambre, beaucoup trop près de moi. Son bras était autour de mes épaules et il enchainait les avances peu subtiles pour qu’on s’embrasse. Embarrassée par ses efforts constants et le malaise dans lequel il nous mettait, j’ai succombé et on s’est embrassé. C’était trop long, on était trop proche. Qu’est-ce que je faisais là? Quand il est parti, je me suis écroulée et j’ai pleuré. Je venais de réaliser que je ne pourrais jamais avoir la vie facile, que je ne pouvais pas me faire vivre ça une fois de plus. La phase de déni était terminée. J’étais homosexuelle.
Quelques mois après, un évènement a changé ma vie. Le 12 juin 2016, je me suis levée et je suis allée déjeuner comme tous les matins. C’est en passant devant la télévision familiale que j’ai appris la nouvelle. On avait tué des dizaines de personnes à Orlando. Sans avoir un visage, ils avaient été choisis par le terroriste parce qu’ils étaient dans un bar fréquenté par les homosexuels. On disait que c’était l’attentat homophobe le plus meurtrier depuis la Deuxième Guerre mondiale. Je sais que c’était leur donner raison aux terroristes, mais ce matin-là, j’ai eu peur. Si en 2016, la vie des personnes de l’Occident s’identifiant autrement qu’hétérosexuel était compromise, la mienne l’était donc aussi, non? Un article avait été publié où on montrait la photo de chacune des victimes, et ça m’a tellement bouleversée. Ces gens désiraient simplement passer une soirée entre amis dans un endroit où ils étaient convaincus être protégés des jugements. C’est à ce moment-là que mon mépris pour les gens homophobes est né.
J’ai passé un peu plus d’un an, seule avec mon secret. Je pense que c’était la bonne chose à faire. Il fallait d’abord que je m’accepte avant de demander aux autres de le faire. Au mois de novembre 2017, ma sœur et moi discutions, et je lui ai alors révélé mon secret. Les mots s’enchainaient et me brulaient la langue; je n’osais même pas la regarder, par peur qu’elle ne m’aime plus. Mais elle m’a simplement souri, et elle m’a questionnée sur le genre de filles que j’aimais. Le poids qui pesait sur mes épaules depuis tout ce temps avait disparu, et j’étais tellement bien. J’étais lesbienne, et maintenant quelqu’un d’autre le savait. Quelques jours plus tard, je l’ai annoncé à mes meilleures amies, qui, elles aussi, m’ont immédiatement acceptée. Puis à d’autres connaissances. Moi qui, autrefois, me sentais faiblir juste à penser au moment où j’aurais à avouer mon intérêt pour les filles, j’avais maintenant envie de le crier sur tous les toits. J’étais celle que j’avais toujours été aux yeux des autres.
J’étais sur mon nuage, tellement qu’un soir j’ai eu le courage de le dire à ma maman. Les autres ayant tous eu une réaction positive, je m’attendais à ce qu’elle le prenne comme ça aussi, c’était plutôt banal qui j’aimais, non? J’ai frappé un mur, tête première. Elle ne s’en est d’ailleurs pas totalement remise, ma tête. Décevoir ses parents parce qu’on ne respecte pas le couvre-feu, c’est une chose, mais les décevoir pour ce que tu es, c’est irréversible. C’est là que j’ai réalisé que la perception de chacun était basée en majeure partie sur leur génération. C’est quelque chose sur quoi j’ai dû travailler, parce que je ne comprenais pas la frustration de ma mère, le malaise de ma tante ou les pleurs de ma grand-mère. Je pense qu’en avouant son orientation sexuelle, il faut être prêt à ces genres de réactions. Elles ne sont pas justifiées, mais elles arrivent. Malgré tout cela, ça s’arrange, l’amour l’emporte toujours.
Au début de l’hiver, j’ai rencontré une jolie fille, très jolie. Jolie de l’extérieur, oui, mais surtout tellement belle de l’intérieur. On se parlait souvent, et un soir, après avoir passé la soirée avec elle, je me suis rendu compte des petits papillons que j’avais dans la poitrine. C’était donc ça, être amoureuse. Elle et moi, on avait quelque chose de particulier, un lien que je ne pouvais pas décrire. Les choses se passent à leur propre vitesse, et un jour, je me suis promenée avec elle dans les corridors de l’école, main dans la main. Je ne pensais pas que c’était un grand geste ni que des gens le remarqueraient. J’ai vite compris que j’avais eu tort en entrant dans mon cours suivant cet évènement anodin. Tous les regards se sont figés sur moi, puis tout le monde s’est mis à chuchoter. Je me suis assise au côté de mon amie, en la questionnant du regard. « Tout le monde nous a vus, ils parlent tous de toi » qu’elle me dit. Panique générale, de la tête aux pieds, littéralement. « Qu’est qu’ils disent, pourquoi jugent-ils, est-ce que devrais-je me justifier? » Ma tête pensait trop fort, j’avais chaud, j’avais la nausée, je regrettais. Je suis allée à la salle de bain me rafraichir le visage, et c’est en voyant mon reflet dans le miroir que tous mes regrets, mes angoisses et ma honte se sont envolés. Je l’aimais cette fille-là, et j’allais le montrer à tout le monde, parce que les couples d’amis hétérosexuels avaient le droit, eux. À la pause de l’après-midi, un gars a ri quand je suis passée devant lui. Je me suis retournée vers lui et j’ai dit ces paroles qui sont aujourd’hui légendaires parmi mes proches : « Toi, ta vie amoureuse? Je te le demande parce que même si on ne s’est pratiquement jamais parlé, la mienne a l’air de beaucoup t’intéresser! » Le gars en question est resté sans le mot, et je suis partie sous les applaudissements de ses amis. Girl Power, je dirais.
Le lendemain midi, je me suis encore promenée main dans la main avec elle, et personne ne nous a même jeté un coup d’œil. C’est probablement parce qu’un autre évènement encore plus croustillant s’était produit dans la vie sociale étudiante, mais j’aime me dire que c’est parce qu’ils avaient compris. Oui, compris qu’une fille et un garçon amoureux d’une personne du même sexe, ça devrait juste être normal. J’entends encore des commentaires subtils de mes proches, et ma famille a encore parfois de la difficulté à accepter mon amoureuse, mais on n’en meurt pas, je vous le promets. Si vous êtes dans la même situation, petits ou grands, n’ayez pas honte de qui vous êtes. Je sais bien que je n’ai que 16 ans et que je ne suis pas une professionnelle en la matière, mais effectivement, il y a des cas où c’est plus difficile. Mais je crois fermement que peu importe ce qu’on est, hommes, femmes, non binaires, transsexuelles, queer, pansexuelles, etc., personne ne peut juger notre identité. C’est un énorme travail, accepter qui on est, je le sais. Mais il le faut, parce que si je ne m’accepte pas moi-même, alors qui le fera, dites-moi?
En discutant avec quelques-uns de mes enseignants, j’ai pu constater que la plupart d’entre eux avaient une grande indifférence au sujet de l’identité sexuelle de leurs élèves. Ils m’expliquaient qu’ils n’avaient jamais vu les performances académiques ou sportives de leurs élèves être influencées par leurs préférences en matière de genre. Par contre, chacun à leurs façons, ils portent une attention particulière aux termes et aux exemples qu’ils donnent devant les classes où il y a des membres de la communauté LGBTQ+. C’est déjà un bon début d’ouverture, mais je crois qu’on devrait modifier nos discours, peu importe les gens à qui on s’adresse. Parce qu’il y a plus de jeunes qui s’interrogent sur leur sexualité qu’on ne le croit et, comme adolescente qui a dû passer par ce chemin, le fait de rendre la chose normale nous donne le sentiment d’avoir le droit d’être qui nous sommes. Donc, si j’avais à m’adresser au personnel des écoles secondaires, je leur demanderais d’ouvrir leurs horizons et d’intégrer les jeunes qui ne se sentent pas à leur place dans la catégorie hétérosexuelle dans la vie étudiante et, qu’il ne suffit plus de seulement les défendre dans les cas d’homophobie.
En outre, faire son comingout au secondaire en 2019, ce n’est pas facile. Plus simple qu’il y a 10 ans, mais difficile tout de même. Il faut simplement normaliser la chose, parce que je vous jure qu’un élève hétérosexuel et un élève homosexuel ont exactement le même potentiel!
Première publication dans Éducation Canada, mai 2019
Cette édition du Magazine Éducation Canada semble instituer une tradition à la suite de la publication au printemps 2018 de notre numéro portant sur la Vérité et la réconciliation. Il appert que l’appel printanier et la conclusion d’une autre année scolaire appellent non seulement au renouvèlement, mais nous offrent aussi l’occasion d’inviter notre lectorat à porter un regard plus approfondi sur l’importante mission pédagogique de répondre au besoin de communautés d’apprenants qui souvent ne se reconnaissent pas dans les curriculums et les cultures académiques.
Voilà pourquoi ce dossier a été créé, afin que se fasse entendre la voix de jeunes membres de la communauté LGBTQ2+ ainsi celle de leurs parents qui sortent enfin de leur intimité pour que l’on comprenne mieux leurs défis, leurs aspirations et leurs réalités. Tout aussi essentielles, dans cet appel à une nécessaire réflexion pédagogique, sont les voix d’enseignantes et d’un jeune avocat qui se donnent pour mission d’appuyer « avec la plus grande bienveillance » ces jeunes élèves qui ne demandent rien d’autre que d’appartenir à la normalité.
Vous retrouverez donc dans ce dossier la voix de deux jeunes canadien(ne)s, Audrey-Maude et Frédérik qui offrent le plus intègrement possible, et cela dans leurs propres mots, un portrait de l’évolution de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle. L’émouvant et généreux témoignage de Marie-Christine, la maman de Frede, une jeune personne courageusement non binaire et homosexuel(le), offrira l’occasion à tous les pédagogues de percevoir la complicité qu’ils partagent avec les parents lorsqu’ils appuient inconditionnellement tous leurs élèves.
À la suite de ces témoignages suivront les réponses de ces courageux contributeurs, ainsi que celles de Danis, une enseignante profondément dévouée à l’appui des jeunes élèves LGBTQ2+, en plus de celles de Frede, à un questionnaire qui avait pour but de leur donner l’occasion de répondre au questionnement de bien des enseignants concernant l’approche pédagogique requise afin d’appuyer ces élèves.
Finalement, ce dossier se conclura par un article d’Annie Côté, une enseignante chevronnée dont la contribution a été primordiale à la publication de ces précieux documents et celui de Jeremy, un jeune avocat qui partagera sobrement l’engagement et la mission qu’il s’est donnés avec ardeur de défendre les droits des jeunes personnes transgenres dans des systèmes judiciaires qui ne leur rendent décidément pas la vie facile.
À la suite de la lecture de ce dossier, aucun pédagogue ne portera plus le même regard sur ses/ces élèves, qui, après tout, ne sont pas des apprenants différents des autres, mais qui, en tenant compte de la nature de leurs défis, requièrent peut-être une certaine forme d’acceptation et d’appui qui tendent vers l’empathie, la solidarité et la bienveillance.
Première publication dans Éducation Canada, mai 2019
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Marie-Christine décrit avec beaucoup d’émotion l’accompagnement et l’appui qu’elle a offerts à sa fille lors des différentes étapes de son cheminement vers sa présente identité de personne non binaire. Elle décrit généreusement comment un parent inquiet doit appuyer inconditionnellement son enfant, quelle que soit la situation.
Je me souviens encore du jour où, étant chez mes parents à la campagne par un beau dimanche matin, ma fille me demanda d’aller la rejoindre au sous-sol pour parler seule avec elle.
Je n’avais rien vu venir. Je m’étais questionnée à quelques reprises au sujet de ma fille, mais je me ressaisissais en me disant que je devais être normale et que tous les parents de la terre devaient se poser les mêmes questions au sujet de leur enfant à un moment ou un autre durant leur adolescence.
À 14 ans, Lara se vêtait de jeans, de t-shirts, d’une casquette et d’espadrilles. Les autres jeunes filles de son âge commençaient déjà à se vêtir de façon, disons, un peu plus provocante. L’une de ses amies, entre autres, venait chez moi, vêtue de shorts si courts, qu’on pouvait deviner le début de ses fesses. Et son t-shirt, pour sa part, laissait montrer amplement son ventre plat. Voyez le contraste avec ma fille…
Malgré tout, je ne m’en faisais pas trop. Ayant revu des photos de mon adolescence, j’ai repris connaissance avec une jeune fille qui n’était pas tellement féminine non plus à cette époque. Les talons hauts, le maquillage et les minijupes sont arrivés un peu plus tard. Telle mère telle fille que je me disais…
Il y a bien quelques jeunes hommes qui sont venus chez moi. Par contre, je me souviens que ma fille s’émoustillait beaucoup plus à la présence d’une de ses jolies copines. « Bah, Lara est TDAH, le contact avec les autres la stimule. » C’est le constat qui avait été fait par ses professeurs et les médecins qui la suivaient.
« Maman, j’aime mieux les filles, » me dit-elle en pleurant, avec la frousse mortelle dans ses yeux que je la rejette au plus vite. « Hein? Qu’est-ce que tu me dis-là, toi? » Le reste de ses propos ne sont plus très clairs pour moi. Il y a de cela quelques années, tout de même. Par contre, je me souviens du sentiment de culpabilité que j’ai connu à ce moment. « Comment ça se fait que je n’aie rien vu venir? C’est ma fille, et je n’ai rien vu venir! »
Quelques années plus tard, mon frère m’a confié s’être posé la même question lorsque son garçon lui a annoncé sa préférence pour les garçons. On a été fabriqué dans le même moule, c’est probablement ce qui explique cette même question…
Tout ça pour dire que je ne me suis jamais remise en question. Je veux dire que je ne me suis jamais questionnée à propos de son éducation, de ma façon d’être avec elle, ni même de ma propre identité, de mes gênes. Je me suis simplement sentie bête de ne pas avoir vu venir cette nouvelle…
Je me souviens encore de ce vendredi de novembre où, ma fille ayant alors 17 ans, me signifiait de venir la rejoindre, dans mon salon cette fois, parce qu’elle avait quelque chose d’important à me dire.
– Maman, je vais avoir besoin de ton appui.
– Bien sûr, ma chérie, pourquoi?
– Parce que je vais aussi avoir besoin d’un psy.
– Hein? Pourquoi un psy?
– Parce que je pense que je suis transgenre.
– Hein? Peux-tu me traduire ce mot?
Au cours de cette même année, la tuerie à la discothèque gaie à Orlando est advenue en Floride, et à l’acronyme LGBT, on voyait s’ajouter une nouvelle lettre chaque jour sur les réseaux sociaux à la suite de ces évènements. J’avais donc besoin d’éclaircissements…
« Je pense que je ne suis pas dans le bon corps, maman. Je pense que j’aimerais mieux être un garçon. J’ai regardé des vidéos sur YouTube, et je pourrais me faire transformer en garçon grâce à des interventions chirurgicales. »
Mon cœur a cessé de battre, j’en suis certaine. J’ai aussi cessé de respirer quelques secondes après avoir entendu ces mots sortir de la bouche de ma fille.
– Et comment sais-tu que c’est peut-être le cas?
– Eh ben, je regarde des transgenres sur YouTube, et ce qu’ils décrivent, ce qu’ils vivent, me rejoint. Je me reconnais dans leurs propos.
Lara en profite pour me dire qu’elle a même pensé à son prénom de garçon : Frédérick. Avant que je tombe enceinte, son père et moi avions décidé de nommer notre futur bébé Frédérique, si jamais il s’agissait d’une fille. L’idée fut oubliée rapidement, lorsque j’avais entendu une mère s’adresser à sa jeune fille en la nommant Fred. « Les gens vont nommer notre fille Fred », que je me suis dit. « C’est trop masculin. Oublions ça. » On l’a donc nommée Lara, en hommage à la belle Lara Fabian.
Ma fille connaissait bien cette histoire. Je crois qu’elle a voulu me prendre par les sentiments en choisissant Frédérick comme prénom.
Ai-je besoin de préciser que j’ai fondu en larmes? Je l’imaginais en train de se faire mutiler le corps à plusieurs reprises, sous les scalpels. Je l’imaginais en train de se transformer sous l’effet des hormones, je l’imaginais hésiter, souffrir psychologiquement. Je m’imaginais partager sa douleur, et l’accompagner, dans toutes les étapes.
Ma fille semblait sous être le charme du projet à venir. Elle ne voyait que le bon côté des choses. Son attitude m’inquiétait, je la trouvais naïve. Qui allait lui faire comprendre les enjeux? Et les risques?
Camille est la sexologue spécialisée en identités de genre que Lara rencontre virtuellement sur Skype depuis un certain temps. Elle m’informe que d’éclairer la décision de ma fille fait bien sûr partie de sa mission. Lors de notre première rencontre en personne, dans ses bureaux de Laval, elle en profite pour me féliciter de si bien appuyer ma fille.
« Vous savez Marie-Christine, il y a une loi au Québec qui donne le droit à un jeune de 14 ans de consulter un professionnel de la santé sans même que ses parents soient au courant. » Je le savais. Je m’en souvenais. « Et même si Lara a 17 ans, bientôt 18, nous faisons participer les parents comme vous, lorsqu’ils appuient leur enfant. Dans la communauté LGBT, le taux de suicide est 4 fois plus élevé que dans la communauté hétérosexuelle. Dans la majorité des cas, les causes de suicide sont liées au rejet des enfants par leurs parents. Alors, je tiens à vous féliciter d’être ici à Laval, en ce samedi matin avec votre fille. »
« Ben voyons, Camille, c’est mon enfant… C’est moi qui l’ai faite! Je fais “ma job de parent”, c’est tout! » Ce sur quoi elle me répond : « Vous seriez surprise de voir combien de parents refusent de se présenter dans mes bureaux pour accompagner leur jeune… » Incompréhension totale de ma part, à la suite de cette affirmation de la sexologue de ma fille… L’amour d’un parent pour son enfant, c’est inconditionnel, non? Du moins, c’est ce que je crois fermement.
Lara a poursuivi ses rencontres avec Camille. Elle a fait adopter doucement son nouveau prénom, Frede, par son entourage, ses amis, ses collègues, son employeur. Ce dernier, à la demande écrite de Camille, a modifié son prénom sur son épinglette au travail, et dans ses documents de paye.
Frede s’est aperçue que finalement, à la suite de ses réflexions, qu’elle n’était pas transgenre. Elle est plutôt non binaire. Selon elle, elle se trouve au centre. Elle est une personne, point! Elle ne s’identifie pas plus au genre féminin qu’au genre masculin. Le Frede avec un « e » à la fin représente les deux sexes pour elle. Fred, étant plutôt masculin, elle ajoute un « e » à la fin; ce prénom devient ainsi un peu plus féminin.
Frede vit encore des moments de questionnements. Elle rencontre virtuellement Camille au besoin. Cependant, il s’agit d’une jeune personne épanouie, qui s’assume et qui est bien dans son corps. Les gens l’adorent pour ça, je crois.
Pour ma part, ça n’a pas toujours été facile de comprendre ma fille. Mon amour et mon attirance pour les hommes furent très clairs, dès mon tout jeune âge. Pas de questionnement à ce sujet, pas de bouleversements.
Cependant, je ne me suis jamais demandé si cette situation dépendait de moi, de son éducation, de la séparation entre son père et moi, ou de quoi que ce soit d’autre. Il s’agit de ma fille, et quoiqu’elle fasse, quoi qu’elle devienne, quelle que soit son orientation, son identité, c’est ma fille, point! Rien ne changera jamais ça. Je suis fière d’elle, fière de ce qu’elle devient, de son assurance, point!
Et je l’aime inconditionnellement, point!
Première publication dans Éducation Canada, mai 2019
Frédérik décrit dans son article la transition difficile qu’il a connue dans son milieu scolaire comme un jeune homme transgenre. Il décrit dans ses propres mots le harcèlement et le peu d’appui qu’il a vécu à l’école et comment le curriculum n’est pas toujours très inclusif. Il lance un appel à l’appui de la part de tout le personnel enseignant pour les élèves LGBTQ2+.
Moi c’est Fred, j’ai 18 ans, je suis une personne dynamique, plutôt artistique et j’ai fait mes études en théâtre au cégep. J’ai commencé à me questionner au sujet de mon identité de genre en 3e secondaire, mais considérant la faible réceptivité au sujet de la chose par mon ancienne copine à l’époque, je n’ai fait mon comingout qu’à la fin de mon 4e secondaire. Je me suis alors tourné vers une enseignante de confiance, qui m’a recommandé de rencontrer l’infirmière de l’école. Celle-ci a répondu à plusieurs de mes questionnements et elle m’a accompagné au début de ma transition pour aller voir des spécialistes afin d’entamer mes démarches. J’ai ensuite vu une psychoéducatrice de l’école, avec qui j’ai discuté de mon désir de demander aux enseignants de m’interpeler par les bons pronoms masculins. Elle semblait assez peu ouverte à cette option et m’a dit qu’elle devait d’abord en discuter avec la directrice. Au début de l’année suivante, en 5e secondaire, j’ai tout de même rencontré chacun de mes enseignants avant les premiers cours pour leur demander s’ils accepteraient d’utiliser le pronom « il » pour me désigner et de m’appeler Fred. Ils ont tous été très réceptifs à cette demande. J’ai toutefois subi de la résistance de certains autres membres du personnel de l’école qui n’acceptaient pas très bien ma nouvelle identité de genre. On s’est parfois opposé à utiliser mon nom et des pronoms masculins, même si ce n’était pas approprié. On m’a même dit qu’on « se donnait le droit de m’appeler ainsi ». On m’a aussi refusé l’accès aux commodités réservées aux garçons, car on craignait la réaction de certains parents.
J’aurais vraiment préféré ne pas être considéré comme un cas problème; c’était bien suffisant d’en être déjà un pour moi-même! Moi qui m’attendais à ce que les adultes réagissent mieux que les élèves… je me trompais. Tout de même, ce n’était pas toujours facile de faire face à la réaction de certains élèves. Je recevais fréquemment des commentaires par la tête. Mais puisque je suis quelqu’un qui prend sa place et qui se fait remarquer, ça n’a été une surprise pour personne que je me présente aux élections du parlement étudiant. Cela a toutefois provoqué un certain montant de harcèlement : je me suis fait insulter pendant les débats et mes pancartes pour les élections ont été vandalisées : on avait remplacé le nom « Frédérik » par mon nom de naissance.
Ma transition a donc été assez difficile à l’école. J’aurais seulement voulu qu’on n’en fasse pas autant de cas et qu’on me laisse vivre en paix, pas qu’on me donne envie de cesser de vivre! J’aurais été heureux d’entendre : « Ah! c’est Fred maintenant? D’accord » au lieu de « Baisse tes pantalons, on va voir ce que tu es vraiment. »
Je crois aussi qu’il y a des lacunes dans les cours d’éducation sexuelle; on parle des ITSS, on parle de comment mettre un condom et ce qu’est une pilule contraceptive, mais pourquoi ne parle-t-on pas aussi au sujet de relations sexuelles sécuritaires pour les hommes gais? Pourquoi ne parle-t-on pas de la possibilité qu’une femme puisse attraper des ITSS avec une autre femme? On ne parle vraiment que de ce qui est hétéronormatif.
Je crois que le personnel scolaire devrait vraiment mettre la priorité sur la sécurité de tous leurs élèves, et non pas seulement se préoccuper de la réaction des parents. Il devrait savoir vers quelles ressources diriger les élèves membres de la communauté LGBTQ2+, puis bien nous appuyer, et non pas nous gérer comme le gros cas lourd de l’année. Apprenons enfin à parler de différences!
Première publication dans Éducation Canada, mai 2019
Photo : Sophie H.-Bienvenue
Livre de référence pour les nouveaux enseignants qui font face à des difficultés spécifiques ou cherchent des réponses à leurs questions.
La présentation de cette ressource est issue d’une entrevue qui s’est tenue entre Jean-Claude Bergeron, rédacteur en chef du magazine, et l’auteure, Eryka Desrosiers.
Cette excellente ressource destinée à accompagner le parcours des nouveaux enseignants est indissociable des propres expériences qu’a vécues son auteure. Elle y exprime avec un grand humanisme que son objectif premier en rédigeant cet ouvrage était de faire une projection concernant ce à quoi les nouveaux enseignants peuvent s’attendre afin de les aider à se préparer mentalement. « Je voulais qu’ils se sentent moins seuls et plus “normaux” et non à blâmer pour toutes les difficultés auxquelles ils ont à faire face. » On retrouve d’ailleurs dans ce livre un chapitre adressant l’épuisement professionnel.
« Bien que ce soit un sujet parfois considéré tabou dans notre société, j’ai cru qu’il fallait faire face à la réalité. Je partage donc des outils de bien-être qui sont accessibles à tous et qui m’ont aidé à me remettre sur un droit chemin lors de mes toutes premières années d’enseignement. Entre autres, j’explique comment il ne faut pas seulement se dire que nous ferons de l’exercice quand nous aurons le temps, mais bien se prévoir du temps dans notre horaire pour en faire. De plus, je partage comment la méditation et l’écriture m’ont été indispensable pour m’éclaircir les idées dans des moments d’inconfort et de profonde remise en question. »
L’auteure offre aussi une réflexion au sujet de la formation initiale des enseignants. Elle adresse en particulier un manque flagrant de mise en pratique des théories pédagogiques et déplore les attentes souvent non réalistes visant les nouveaux enseignants. L’auteure présente des pistes de solution telles que l’enseignement en collaboration ou encore une période de résidence payée afin de faciliter la transition envers une pleine tâche d’enseignement. Elle présente aussi de nombreuses suggestions afin de concilier la technologie et les objectifs pédagogiques des programmes d’études. « Nous ne sommes pas obligés d’utiliser un outil dit “technologique” plus qu’un autre, mais j’ajouterais qu’il faut être en mesure de “parler” ce langage et de montrer à nos élèves quel usage pédagogique ils peuvent en faire. Je crois qu’un enseignant doit en faire un usage personnel, en s’abonnant aux réseaux sociaux pour voir comment d’autres enseignants intègrent différents outils afin d’améliorer les possibilités d’apprentissage de leurs élèves. » L’auteure promeut d’ailleurs dans son ouvrage une approche pédagogique totalement centrée sur les élèves en les engageant à contribuer activement à leur propre apprentissage.
« J’ai écrit ce livre afin que les nouveaux enseignants puissent s’y référer à tout moment selon les difficultés spécifiques qu’ils rencontrent ou en réponse à leur questionnement. Pour résumer les points les plus importants de l’ouvrage, je partagerais “les 10 réalisations d’une nouvelle enseignante (p.23)” et “le top 10 des pratiques pour une santé complète d’enfer (p.104)” parce qu’en quelques lignes le lecteur sera en mesure de voir comment on se sent en début de carrière, et également comment améliorer ses pratiques sans s’épuiser. »
On peut se procurer cet ouvrage indépendamment ou bien encore
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2018
Presses de l’Université Laval/Collection Profession PROF, 2018
ISBN : 978-2-7637-3786-7
Conseils aux nouveaux enseignants et témoignage d’une enseignante qui a la passion d’apprendre et d’enseigner et qui, officieusement dans sa tête, est maître des possibles, chef d’orchestre, metteur en scène, inventeur, découvreur et facilitateur.
Tantôt Natacha tout court, tantôt Madame Natacha ou encore Natacha Maam, je suis une enseignante, une maîtresse, une professeure des écoles ou encore une teacher. Cela dépend des pays, des cultures et de l’endroit où je me trouve. Tout ce que je sais c’est que je suis habitée par cette passion : apprendre. Officiellement, au Canada, je suis une enseignante de français en milieu minoritaire. Officieusement, dans ma tête, je suis le maître des possibles, un chef d’orchestre, un metteur en scène, un inventeur, un découvreur, un facilitateur. Que signifie être enseignant en 2018? Quel est mon rôle dans une salle de classe, dans la société ou auprès des parents? Qui suis-je? Que devrais-je être? Qu’attend-on de moi? Autant de questions que je me pose de plus en plus.
J’ai reçu mon diplôme d’enseignante en 2005. Officiellement, j’aurai appris à devenir enseignante en 4 ans, mais, officieusement, j’apprends tous les jours en compagnie de l’autre : des enfants, des parents, des auteurs chercheurs et de mes pairs. Je ne cesse d’apprendre, de découvrir et de me poser des questions. Je ne cesse de me heurter à un mur : celui de ne jamais en savoir assez, celui de la remise en question. Ces quelques lignes font suite à ma thèse de maîtrise intitulée : « Tribulations d’une enseignante en situation interculturelle : des identités personnelle et professionnelle en mouvement » 1. Écrire cette thèse fut le début d’une révélation : tout le monde peut écrire et a le droit d’écrire. Il s’agit d’un exercice qui prend du temps et qui peut parfois être ardu, mais cela vaut la peine d’être vécu.
Il sera donc question des paroles d’une enseignante. Alors, du bout de ma craie ou plutôt de mon clavier, je m’explique…
Un enseignant, d’après moi, n’est pas la substitution du parent. Bien sûr, les enfants se trompent parfois et nous appellent parfois maman, mais le mot « maman » est dit à tort et à travers; c’est un réflexe. Alors, quoi de plus normal que de prononcer ce mot qui fait partie de notre vocabulaire quelque peu primaire.
Je ne suis donc pas une maman multifonctions. Non, je suis enseignante, maîtresse, professeur des écoles. Quel terme pompeux tout de même! Avec un terme si pompeux, on nous délègue les tâches les plus ingrates.
Alors, le parent se dit : « Il ne sait pas se moucher, il apprendra à l’école, il ne sait pas parler, il apprendra à l’école, il ne sait pas faire ses lacets, il apprendra à l’école. Moi (le parent) je veux avoir du fun avec mon enfant. L’école est là pour lui apprendre tout et de toute façon mon enfant est un génie… Il n’a pas besoin de l’école ».
De plus en plus, les parents refusent de se rendre à l’évidence : tout être a besoin d’apprendre, et ce, à tout âge. Moi, enseignante, je n’ai pas la science infuse. J’apprends tous les jours et j’ai le droit de faire des erreurs comme vous dans l’éducation de vos enfants. Je suis, moi aussi, un être humain qui a besoin de pauses. Je n’ai pas un seul, mais plusieurs enfants à ma charge. Un petit troupeau d’éléphants patauds qui pas à pas se transforme en félin chacun à son rythme. Loin de moi, le désir que tous deviennent des rois de la jungle. Oh non! Quelle horreur! Je ne veux pas d’un monde homogène. Mais, ces enfants ont besoin de devenir agiles pour survivre dans la société. Il y a des dizaines d’espèces de félins. Alors, laissons-leur leur spécificité, mais faisons-les évoluer. Moi, enseignante, n’ai aucun désir de mettre mes élèves en boîte. Tous pareils, mais tous différents. On est une communauté, une microsociété. Nous avons des règles et nous les discutons. Nous vivons ensemble pour 200 jours d’école. Nous avons tous nos peurs, nos différends, nos difficultés, nos joies. Mais nous avons tous le même but : celui de réfléchir, celui de grandir, celui d’apprendre, de bâtir, de construire! Nous avons tous notre désir de liberté! Quel bonheur que ces temps de projet personnel pour mes élèves! Ils se sentent libres, puissants de pouvoir réaliser ce qu’ils veulent, même s’ils ne se rendent pas compte qu’ils reproduisent mes gestes et les apprentissages que je leur ai légués. Ils se les sont appropriés afin qu’ils deviennent les leurs, sans même s’en apercevoir.
Alors, non, je ne suis pas une maman. Je ne porterai pas 24 sacs à dos le matin en haut des escaliers même si le premier jour les parents me les mettent dans les mains pensant que c’est normal. Non, je ne te moucherai pas le nez, car toi aussi, petit être, tu as des mains, une tête avec un cerveau et toi aussi tu es doté de réflexion. Alors, je suis là pour te donner le pouvoir de devenir toi, un autre imparfait comme nous tous dans cette société. Je te donne le pouvoir de dire non, mais justifie-toi! Je te donne ta liberté! Accepte là. Je veux te sortir de ta boîte.
Alors, enseignants laissez vos élèves découvrir et faire des erreurs. On a tous besoin de faire des erreurs. Par contre, il y a une différence entre faire des erreurs et faire n’importe quoi. L’enseignante et ses élèves établissent un contrat tacite. Nous avons des règles à respecter et si tout le monde coopère, la magie s’opère. Je suis fière de ces petits êtres et je sais que chacun aura une place dans la société si tout le monde acceptait l’imperfection…
Pour conclure, j’aimerais pouvoir donner des recettes toutes prêtes aux nouveaux enseignants. J’aurais aimé être en mesure de vous donner une recette magique pour votre première journée d’école. Malheureusement, ces dernières n’existent qu’en rêve. Chaque année scolaire est différente, chaque journée amène ces lots de surprises. Mais alors, que faire me direz-vous? Mon meilleur conseil serait d’écouter votre passion et votre instinct. Vous devez rester ouverts et vous adapter tout en vous informant sur les nouvelles pratiques et tendances du moment. Soyez critiques et repensez à vos bons coups comme à vos mauvais. Ne vous découragez pas, demain sera un autre jour! Soyez créatifs, sortez des sentiers battus et surtout observez et écoutez vos élèves. Ce sont eux vos instruments de musique! Soyez attentifs à leur mélodie et menez le rythme. Et surtout, amusez-vous ensemble!
Notes
1 Roudeix, N. Tribulations d’une enseignante en situation interculturelle : des identités culturelle et professionnelle en mouvement. Simon Fraser University : mémoire de maîtrise. 2016.
Les travaux de la Commission vérité et réconciliation du Canada continuent d’interpeller les Canadiennes et Canadiens qui entretiennent des relations avec des membres de communautés autochtones et qui se préoccupent de justice et d’égalité. Il peut être tentant, en tant que responsables des programmes d’enseignement, qu’administrateurs et administratrices scolaires et qu’enseignantes et enseignants, de nous dire que peu importe l’action des gouvernements en matière de réconciliation, une avancée demeure possible par le biais de l’éducation. Le dixième principe de réconciliation donne un contenu à nos aspirations en tant que professionnels de l’éducation œuvrant en milieu non autochtone : il n’en tiendrait qu’à nous, chacun à notre manière, d’engager les jeunes et de communiquer des connaissances qui demeurent, pour beaucoup d’entre nous, le fait de découvertes relativement récentes. Le système scolaire ne nous a pas transmis ces connaissances et ne nous a pas appris à respecter les personnes autochtones — comme l’a déploré le Sénateur et Commissaire de la Commission Murray Sinclair — mais nous avons désormais l’occasion de remplir ces lacunes.
Les quatre appels à l’action tombant sous la rubrique « L’Éducation pour la réconciliation1 » mettent pourtant l’accent non pas sur le contenu de l’éducation, mais plutôt sur son financement. La distance entre ces appels et les pratiques actuelles manifeste la difficulté d’accomplir une transformation concrète afin de donner suite aux témoignages partagés dans le cadre de la Commission vérité et réconciliation. Sans une transformation des systèmes scolaires, la réalité dans les salles de classe diffère selon les ressources des écoles et commissions scolaires, les connaissances ou capacités de recherche des enseignantes et enseignants, ainsi que leur volonté. Sans les fonds nécessaires à une formation de l’ensemble du corps enseignant, l’entreprise de réconciliation par l’éducation demeure incertaine. Elle réussira là où la volonté individuelle est suffisamment forte, mais aussi là où la compréhension et les compétences interculturelles et politiques sont suffisamment développées. Tant que la formation des enseignantes et enseignants est limitée à quelques journées par année, la réconciliation dépendra entièrement de la volonté individuelle et sera sujette à de nombreuses erreurs de bonne (ou mauvaise) foi.
Afin de prendre acte de cet écart entre les aspirations et la pratique, je suggère de prendre au mot le dixième principe de réconciliation :
« La réconciliation exige un dialogue et une éducation du public soutenus, y compris l’engagement des jeunes, au sujet de l’histoire et des séquelles des pensionnats indiens, des traités et des droits des Autochtones, ainsi que des contributions historiques et contemporaines des peuples autochtones à la société canadienne2. »
Si les programmes déjà en vigueur ou en discussion font place à l’éducation au sujet de l’histoire et des conditions contemporaines des peuples autochtones, et si l’enseignement de ces matières ne porte ses fruits que si les appels sont pris en compte par les gouvernements provinciaux au moment de la préparation des budgets, deux autres éléments demeurent accessibles : le dialogue et l’engagement.
Le dialogue renvoie d’ailleurs au même problème des ressources, mais sous l’angle de leur partage. Si des ressources financières sont dévouées à l’enseignement de ces matières, profiteront-elles au système actuel, ou aux gardiens de la connaissance locaux et ainsi, aussi, aux communautés autochtones? Permettront-elles de créer le temps requis pour l’établissement de relations de personne à personne entre les enseignantes et enseignants ou administrateurs et administratrices et les porteurs de la connaissance et conteurs traditionnels, afin qu’un enseignement durable ait lieu? Ouvriront-elles les frontières géographiques et symboliques qui rendent si rares les relations d’amitié entre enfants autochtones et non-autochtones? Autrement dit, ces ressources créeront-elles les conditions d’un dialogue soutenu chez les enseignantes et enseignants, chez les élèves et chez les étudiantes et étudiants?
«Une éducation à la vérité n’est ni l’étude ou la rétention de faits, ni l’inculcation ou la découverte de connaissances. C’est la pratique de l’écoute de l’autre personne, l’ouverture à sa vérité, à ce qui pour elle est indéniable, indubitable, évident.»
L’engagement renvoie plutôt à un partage des valeurs. Il émerge du goût pour le dialogue interculturel ainsi que de sa valorisation active par la mise en pratique, et dépend d’une capacité de mettre ses intérêts de côté dans ses relations aux autres. Il mène à une pratique de la conciliation, qui suppose de désirer comprendre l’autre et d’apprendre à le faire, à donner du terrain à l’autre, mais aussi à répondre aux besoins de l’autre sans toujours les comprendre. L’empathie et le respect mutuel qui sont nommés au soixante-troisième appel à l’action forment le cœur de cet engagement. La réconciliation en milieu scolaire apparaît ainsi manifestement comme un engagement politique, qui vise à changer les cœurs et les esprits, c’est-à-dire les valeurs, les manières d’agir et les pratiques, mais qui ne saurait se limiter aux siennes propres. Un tel engagement qui cherche à comprendre ce qui est juste pour les autres refuse l’injustice dès la salle de cours, jusqu’aux politiques du gouvernement.
Jusqu’où ira cet engagement? Les appels à l’action de la Commission vérité et réconciliation sur « l’éducation pour la réconciliation » forment une composante des efforts de création de relations mutuellement respectueuses. Hors de la logique des réparations qui touche aux institutions dans leur relation aux personnes autochtones, ils relèvent d’une logique de la préparation, qui vise à transformer la culture politique canadienne afin de préparer le terrain à de telles relations. Peut-être parce qu’ils n’exigent ni réparations ni transformations systémiques, ces appels ont été entendus et repris. Cette approche suppose néanmoins des ressources qui manquent toujours aux enseignantes et enseignants.
Une approche plus profonde demeure néanmoins nécessaire afin de mettre en place les conditions d’une refonte de l’enseignement qui permette une éducation à la vérité. Une éducation à la vérité n’est ni l’étude ou la rétention de faits, ni l’inculcation ou la découverte de connaissances. C’est la pratique de l’écoute de l’autre personne, l’ouverture à sa vérité, à ce qui pour elle est indéniable, indubitable, évident. Une telle ouverture à ce qui structure le sens des expériences de l’autre est une manière de rejoindre son monde. Devant la masse de faits qui serait à partager — en plus de tout ce qui doit encore être enseigné — l’alternative est de donner aux enseignantes et enseignants ainsi qu’aux élèves les capacités non seulement de les retrouver, mais aussi de les comprendre dans leurs sens coexistants et souvent contradictoires pour les communautés autochtones et non autochtones. La condition d’une telle compréhension interculturelle est, encore une fois, de rendre possibles les rencontres qui, à leur tour, rendront l’ouverture aux faits non seulement possible, mais surtout désirée.
Il s’agit de la sorte de mettre fin à l’impérialisme cognitif3 et moral et ontologique — à l’imposition des cadres de validité de la connaissance, des valeurs, et de la texture même du monde. L’éducation à la vérité qui permettra la réconciliation suppose que nous nous défassions du préjugé que nous détenons, non seulement la vérité, mais aussi la manière d’y arriver. Lorsqu’il est question des relations humaines, des liens humains, la vérité est relationnelle, émerge des rencontres. C’est cette capacité de se lier à ce qui n’a pas immédiatement de sens pour nous que nous devons développer si nous désirons nous éduquer et éduquer autrui.
Photo : Yves Soglo
Première publication dans Éducation Canada, juin 2018
1 Commission de vérité et réconciliation du Canada, Appels à l’action, Winnipeg, Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015, p. 9. En ligne : www.trc.ca/websites/trcinstitution/index.php?p=891
2 Commission de vérité et réconciliation du Canada, Ce que nous avons retenu : Les principes de la vérité et de la réconciliation, Winnipeg, Commission de vérité et réconciliation du Canada, 2015, p. 4. En ligne : www.trc.ca/websites/trcinstitution/index.php?p=891
3 Sur la notion d’impérialisme cognitif en relation aux peuples autochtones au Canada, voir Marie Battiste, « Maintaining Aboriginal Identity, Language, and Culture in Modern Society », dans Reclaiming Indigenous Voice and Vision, dir. par Marie Battiste, Vancouver, UBC Press, 2000, p. 192-208.
Il n’existe aucune recette sur l’art d’être parent. Pourtant, il s’agit parfois du rôle le plus important d’une vie : l’influence que nous exerçons auprès de nos enfants dans l’éducation et les valeurs transmises contribue de façon significative à façonner leur personnalité. C’est la raison pour laquelle la voie des parents est fondamentale en éducation. Chaque parent souhaite lancer ce cri du cœur au personnel de l’école : « Aide-moi à t’aider. Je connais mon enfant mieux que quiconque! ».
Le parent constitue le meilleur partenaire de l’école. C’est un allié. Savoir communiquer avec les parents est donc une compétence incontournable en milieu scolaire, comme en témoigne l’enseignante Karine Mackay. Pour sa part, Marie-Andrée Pelletier se questionne sur la préparation des futurs enseignants qui ont à faire face à « un spectre assez large de réactions possibles lorsqu’il communique avec les parents à propos de sujets délicats ». De leur côté, certains parents peuvent parfois trouver intimidant d’être en présence de spécialistes de l’éducation, notamment lors des plans d’intervention d’élèves à besoins particuliers. Comme le précise Jocelyne Chevrier, pour le parent, cette rencontre risque d’être empreinte d’émotion et de questionnement; elle propose donc tant aux enseignants qu’aux parents une façon de bien s’y préparer.
Indiscutablement, la voie des parents doit être prise en compte dans toutes les instances consultatives ou décisionnelles, qu’il s’agisse de l’école ou de la commission scolaire.
Dans une époque où le numérique est de plus en plus présent en contexte éducatif, les parents souhaitent être informés des avancées de la recherche. Je vous invite tous à prendre connaissance de l’article de Thierry Karsenti et Julien Bugmann concernant la présence des robots humanoïdes à l’école. De nombreuses initiatives novatrices se vivent actuellement tant au primaire qu’au secondaire afin de bien préparer les jeunes à ce nouvel univers du numérique qui les fascine tant! Il ne s’agit pas uniquement des élèves du régulier, mais également de ceux qui éprouvent des difficultés d’apprentissage ou ont le spectre de l’autisme. Ces expériences remportent un véritable succès auprès d’eux, car c’est dans ce nouvel univers du numérique qu’ils évolueront au quotidien, dans un avenir pas si lointain… Après tout, on n’arrête pas le progrès!
Écrivez-nous!
Transmettez vos lettres ou propositions d’articles à redaction@edcan.ca.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2017
Partons du constat qu’en début de carrière les enseignants ont de petites appréhensions en ce qui concerne le rapport à avoir avec les parents. Les cours à l’Université ne nous donnent pas la recette parfaite pour travailler avec les parents. Alors, l’on ne voit pas forcément les avantages à une collaboration, car nous enseignons aux enfants et non aux parents. Cependant, au fil des ans et notamment en contexte francophone minoritaire, l’on se rend vite compte qu’il est primordial qu’ils fassent partie de l’équation « École ». Il est important de les impliquer en ouvrant les portes de l’école, de nos salles de classe et de travailler en proche collaboration pour la réussite de nos élèves et l’épanouissement de l’école.
Mais comment y parvenir?
Enseigner ne consiste pas seulement à transmettre des connaissances dénuées de contexte et d’humain. Enseigner, c’est créer des liens avec nos élèves, leurs parents qui font partie intégrante de la communauté. La création de ces ponts ne va pas toujours de soi. L’enseignant devient alors le passeur… Je ne suis pas certaine qu’il existe une recette magique qui fonctionnera à tous les coups. En outre, il est important de penser à des pistes de solutions qui permettront à chacun de faire son bout de chemin avec les parents.
Voici donc des idées glanées au fil des ans au cours de ma carrière et qui résultent de la réflexion sur ma pratique d’enseignante consignée dans mes tribulations d’une enseignante en situation interculturelle : des identités culturelle et professionnelle en mouvement.
Dans ma classe de maternelle, je prenais des photos de mes élèves en action et je compilais tous les points forts sur un document PDF que j’envoyais aux parents chaque mois. Cela créait un lien entre la maison et l’école d’une part, l’enfant et le parent d’autre part. Le parent avait l’impression de pénétrer dans l’univers de la salle de classe de son enfant. De plus, les enfants y avaient accès en classe et cela était un bon moyen pour eux de se rappeler les notions apprises. La tenue d’un cahier de vie de la classe est un bon outil de réflexion autant pour les élèves que pour l’enseignant.
Les nouveaux moyens de communication nous permettent aujourd’hui très facilement de communiquer. J’ai trouvé récemment l’application sur iPad « FreshGrade » qui permet de créer un profil pour notre salle de classe et nos élèves. Un moyen rapide et ludique de partager avec l’enfant et les parents des photos, des commentaires ou tout simplement des souvenirs. Tout le monde est mis à contribution.
Je me souviens avoir invité les pères de mes élèves pour faire les portraits de leurs enfants pour le cadeau de la fête des mères. Un évènement très attendu et apprécié par les deux protagonistes.
De plus, le fait d’inviter des membres de la famille à partager leur vécu, des connaissances ou à lire des histoires dans différentes langues dans un but de partage et de valorisation des langues permet de créer un environnement interculturel. Tout le monde dans la classe peut évoluer à son propre rythme dans le respect de chacun tout en développant ses identités et ses cultures et en les partageant. Le partage des cultures est d’autant plus important, sachant que la société dans laquelle nous vivons est de plus en plus multiculturelle.
Chaque trimestre, les enfants invitaient leurs parents dans la classe. Il s’agissait d’un rendez-vous informel ou l’enfant guidait le parent et lui montrait ce qu’il voulait. Il ne s’agissait pas de se donner en spectacle, mais bel et bien d’ouvrir les frontières de l’école, car le parent se sent parfois exclu du monde scolaire. Ces « portes ouvertes » incitent le parent à entrer dans l’univers de l’enfant, à s’asseoir à son pupitre et à l’écouter. L’enseignant, lui, n’est que spectateur de ce qui l’entoure. Cette expérience fut très appréciée par mes parents d’élèves et cela est une bonne occasion de voir les parents sous un autre angle.
L’outil de communication par excellence a toujours été le bulletin. Alors, pourquoi ne pas le transformer et inviter le parent à expliquer ses attentes? Le bulletin n’est donc plus un moyen de communication unilatérale, mais bien bilatérale. Dans mon bulletin, les parents avaient un espace dans lequel il pouvait écrire deux points positifs sur la classe ou leur enfant et un souhait. Cela me permettait de comprendre les attentes des parents pour la suite de l’année.
En tant qu’enseignante, j’aime que les enfants apportent l’école à la maison en les incitant à partager ce qui est fait en classe. Les mascottes sont un bon moyen de faire participer l’enfant et les parents. Cette mascotte se promène de famille en famille et vit des aventures que les enfants racontent en mots et en images. L’enfant prend une photo et écrit une phase en français. L’implication du parent est indispensable en classe de maternelle.
J’aime également faire un petit projet sur le prénom qui consiste à faire demander aux enfants l’histoire qui se cache dernière leur prénom. En règle générale, les parents aiment partager cette histoire avec leurs enfants et ils deviennent curieux de ce qui est fait en classe.
Pour conclure, je dois dire qu’il est nécessaire et même essentiel de travailler avec les parents pour créer des ponts entre l’école et la maison. Ce travail de collaboration doit commencer dès le début de l’année et se poursuivre tout au long de l’année. En effet, impliquer les parents, c’est avoir des alliés dans la salle de classe et cela permet aux enfants d’être motivés.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2017
Sous la direction de Mesdames Kanouté et Lafortune, ce collectif d’auteurs touche une problématique complexe, celle de la réussite du projet migratoire de familles immigrantes. Il vise également à cerner, pour les principales institutions concernées, l’importance et la nécessité de répondre d’une façon adaptée aux mécanismes de résilience des individus immigrants.
Les thèmes abordés en 11 chapitres demeurent variés et les réflexions, globales, ce qui permet de brosser un large tableau. Les deux premiers chapitres concernent la voix et l’histoire de familles immigrantes dans différentes institutions. Le 3e explore la thématique de la transmission religieuse à travers l’exemple de jeunes musulmans pratiquants. Le 4e, dans le souci de mener une réflexion sur les processus de transition à l’âge adulte, se penche sur les conditions de l’insertion socioéducative d’enfants d’immigrants africains et le 5e est développé sous l’angle de leur corésidence. Les auteurs des autres chapitres s’intéressent aux rôles et responsabilités de l’institution éducative dans le processus de migration : les modes de fonctionnement des directions d’établissement; certaines pratiques d’expression en théâtre qui permettent de faciliter les apprentissages; l’expérience de réfugiés en région, leurs appréhensions et leur façon d’interagir avec l’école; l’expérience de migrants à l’éducation des adultes, dont certains aspects de leur trajectoire sociale, migratoire et scolaire; la persévérance scolaire, selon l’appartenance ethnoculturelle et la prise en considération de la diversité ethnoculturelle à l’université.
Un point fort de l’ouvrage consiste à faire prendre conscience au lecteur de la transversalité des thèmes et de faire admettre, à travers l’étude des points de vue de plusieurs acteurs, la nécessaire convergence des interventions, de même que l’importance des alliances, de la collaboration et surtout de l’ouverture des intervenants quant aux divers aspects des parcours migratoires. En se recoupant, les thèmes mettent en lumière l’importance de l’éducation à tous les niveaux pour ces migrants, leurs difficultés d’insertion socioprofessionnelle, leur manque d’acceptation, leur importante résilience et leur force.
Bref, si les auteurs nous livrent une réflexion globale sur les parcours migratoires marqués par des circonstances difficiles, ils poussent également cette réflexion vers de nombreuses questions pertinentes et décrivent judicieusement certains paradoxes de l’intégration de ces individus.Émilie Deschênes, Ph.D., est consultante experte auprès des Autochtones. Elle fait actuellement un Postdoctorat en management et est détentrice d’un MBA.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, mars 2017
Les Presses de l’Université de Montréal, 2011 ISBN : 978-2-7606-2281-4
Les élèves réfugiés syriens ont une trajectoire scolaire perturbée, souvent interrompue, et certains présentent un grand retard scolaire ou ne sont jamais allés à l’école. C’est donc un défi pour les commissions scolaires d’accueillir ces jeunes, de faciliter leur intégration et de leur permettre des apprentissages et la réussite scolaire. Le récit constitue alors un outil privilégié pour mieux comprendre le vécu spécifique des Syriens et pour accompagner les intervenants scolaires dans leur enseignement.
Le concept de Bibliothèque vivante
Initié au Danemark, le concept de Bibliothèque vivante[1] permet à des personnes présentant un handicap de raconter leur parcours et leur ressenti à un public curieux d’en savoir davantage sur cette problématique. Les bibliothèques vivantes se fondent sur le principe que l’échange direct, par la métaphore du livre qui se raconte, serait le meilleur moyen pour partager des savoirs et pour déconstruire des préjugés à l’égard d’une population vulnérable et stigmatisée. Dépassant la problématique exclusive du handicap, notre projet auprès de jeunes Syriens et de leurs familles s’inspire, d’une part, des principes de la Bibliothèque vivante et, d’autre part, fait suite au recueil de récits de réfugiés, en 2015, au cœur du bidonville « La jungle de Calais », dans le nord de la France.
À la suite des demandes des intervenants scolaires de ce milieu, Lilyane Rachédi et Florence Prudhomme, présidente de Rwanda Avenir, ont travaillé sur un modèle de questions pour recueillir des récits d’histoire migratoire auprès de ces réfugiés. À l’intersection de ces deux expériences, au regard de nos travaux antérieurs et de la littérature actuelle, nous partons de trois constats :
Le projet Bibliothèque vivante[2] repose également sur les acquis en lien avec les Récits de familles réfugiées, la transmission, l’insertion et l’écriture. Nous nous appuyons essentiellement sur les trois aspects ci-dessous :
1. La narration et la transmission des histoires familiales de migration soutiennent l’intégration des parents comme des enfants dans la société d’accueil et contribuent à leur construction identitaire.
En effet, les familles réfugiées développent des rapports spécifiques à l’histoire en fonction de la trajectoire de leur exil, des types de conflits qu’elles ont vécus dans leur pays d’origine et, enfin, de la médiatisation dont ces conflits ont fait l’objet. Les travaux de groupe de type « histoires familiales » mettent en évidence un travail de construction, spécifiquement dans un contexte de changement de culture et face à un exil initial, à des discontinuités, à des ruptures, à des changements; l’histoire devient alors le socle d’une mémoire référentielle et du développement identitaire. Aussi, l’histoire familiale, lorsqu’elle est déposée dans l’espace public, permet une extériorisation des expériences difficiles, mais aussi une reconnaissance des stratégies développées, de la résilience et des forces des personnes.
Pour les réfugiés des guerres, les expériences de guerre constituent aussi un réservoir de ressources et de résilience[3], mais peuvent obstruer temporairement la disponibilité aux apprentissages[4]. En ce sens, ce projet de Bibliothèque vivante laisse la liberté aux jeunes et à leur famille de se raconter à leur façon et selon des paramètres méthodologiques et éthiques rigoureux, en travaillant avec des approches plurilingues de la littératie et en mettant l’accent sur l’identité comme composante centrale de l’apprentissage. Cela ajoute un élément significatif de partage et de meilleure collaboration entre les parents et l’école.
2. La narration des histoires familiales constitue un précieux outil pour les enseignants pour l’adaptation de l’élève à son nouvel environnement et aux changements nécessaires à ses nouveaux apprentissages linguistiques et scolaires.
Ce processus permet une situation d’apprentissage et de communication authentique et signifiante, qui correspond aux principes fondamentaux du programme Intégration Linguistique, Scolaire et Sociale[5]. Ainsi, en classe, plusieurs moyens pédagogiques peuvent être utilisés pour «oser» l’histoire de migration et la langue maternelle. Différents outils, issus des recherches antérieures, sont déjà disponibles : exercices brise-glace pour autoriser l’histoire personnelle, séquences didactiques alternées d’activités basées sur les connaissances antérieures, textes identitaires plurilingues, cartographie des souvenirs, utilisation de multiples médiums dont les médias sociaux, etc.[6]
Pour les réfugiés des guerres, les expériences de guerre constituent aussi un réservoir de ressources et de résilience.
3. La finalité de l’évènement Bibliothèque vivante permet un espace d’échanges et de dialogue.
D’abord, ce dialogue peut avoir lieu avec d’autres classes régulières au sein des écoles et toujours en interaction avec les différents intervenants scolaires, par le biais de Journées interculturelles, déjà instaurées dans plusieurs établissements. Cela peut ensuite être étendu à la société civile et complété sous forme d’exposition temporaire dans des bibliothèques de la Ville sur le modèle de l’exposition permanente Repères au Musée de l’immigration à Paris (exposition de récits-témoignages, vitrines d’objets significatifs).
Conclusion
Notre projet de formation Bibliothèque vivante, qui sera mis en œuvre à la Commission scolaire de Laval (CSDL), consiste donc à donner la parole devant un auditoire pour que des réfugiés, notamment syriens, racontent leur histoire de migration mouvementée. Il se déroulera auprès d’enseignants des écoles primaires et secondaires de la CSDL qui ont accueilli en 2015-2016, 735 élèves en classe d’accueil, dont 320 Syriens entre mi-décembre 2015 et fin juin 2016. Cette intensification de l’accueil d’immigrants à Laval s’inscrit notamment dans le phénomène qualifié de « banlieuisation »[7] qui caractérise ainsi l’implantation de l’immigration dans les couronnes de la métropole montréalaise, au Québec. Il nous paraissait donc important de commencer le projet à cet endroit.
Recap: The Living Library project is collecting the migration stories of Syrian refugees. By giving students the chance to share their family’s experience, and writing their stories in both their mother tongue and in French, the program aims to strengthen the young newcomers’ identities while building their French skills. It also enables school-based workers to better understand the young people in their care, so they can improve the support provided.
Photo : Lilyane Rachédi
Première publication dans Éducation Canada, mars 2017
[1] Abergel R., Rothemund A., Titley G., Wootsch P. (2005). La couverture ne fait pas le livre! Le guide de l’organisateur de la Bibliothèque vivante. Les éditions du Conseil de l’Europe.
[2] Rachédi, L. Halsouet, B. Montgomery, C. Armand F. et Gonin A. ( concours 2016). Récits de familles réfugiées : projet de bibliothèque vivante à l’école pour mieux comprendre le vécu spécifique des syriens et pour accompagner les intervenants scolaires dans leur enseignement. Financement Institut SHERPA.
[3] Vatz Laaroussi, M. et Rachédi, L. (2001). Familles immigrées des guerres en Estrie. De la connaissance au soutien. Rapport de recherche présenté au ministère de la Famille et de l’Enfance, Université de Sherbrooke et Rencontre Interculturelle des Familles de l’Estrie (RIFE).
[4] Papazian-Zohrabian, G. (2016). Les jeunes réfugiés et les enfants de la guerre à l’école québécoise. Dans Potvin, M. et Magnan, M.-O. (dir), L’éducation en contexte de diversité 183-196. Montréal : Éditions Fides.
[5] Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Programme de formation de l’école québécoise. Enseignement primaire (2014) Enseignement secondaire (2006). Intégration Linguistique, Scolaire et Sociale. Québec : Gouvernement du Québec.
[6] Vatz Laaroussi, M., Armand, F., Rachédi, L., Stoïca, A., Combes, É. et Koné, M. (2013). Des histoires familiales pour apprendre à écrire! Un projet École-Familles-Communauté. Guide d’accompagnement. 2013. (FQRSC-MELS). www.elodil.umontreal.ca/guides/des-histoires-familiales-pour-apprendre-a-ecrire/
[7] Vatz Laaroussi, M. et Bezzi, G. (2010). La régionalisation de l’immigration au Québec : des défis politiques aux questions éthiques, Nos diverses cités, 7, page 33.
La mobilité enseignante internationale, ça vous dit quelque chose? Des professeurs de votre collège auraient-ils accompagné un groupe d’étudiants en Europe pendant l’été? L’un de vos collègues se serait-il absenté quelques jours la session dernière pour aller présenter une conférence dans un colloque scientifique à l’international? Peut-être êtes-vous vous-mêmes parmi ces nombreux professeurs qui ont séjourné quelque temps à l’étranger pour des raisons professionnelles?
Dans tous les cas, ces expériences représentent de la mobilité enseignante internationale (MEI), c’est-à-dire le déplacement d’un professeur à l’étranger dans le cadre de sa pratique professionnelle. Ce phénomène est en augmentation dans le réseau collégial québécois depuis le début des années 2000. À preuve, au cours de l’année scolaire 2013-2014, 690 professeurs de collège ont réalisé un séjour à l’international dans le cadre de leurs fonctions, soit 140 de plus qu’en 2010[1].
Que retirent au juste les professeurs qui réalisent de tels séjours à l’étranger? En quoi ces expériences peuvent-elles modifier, non seulement leur pratique professionnelle, mais aussi leur vie personnelle et avoir une retombée sur l’établissement où ils travaillent? Voilà deux questions que nous jugions pertinent d’étudier dans le cadre d’une étude menée entre 2013 et 2015 dans huit établissements collégiaux du Québec[2]. Le présent article tentera de mettre en lumière certains des principaux résultats de cette recherche.
Le tableau ci-dessous illustre différentes formes de mobilité enseignante internationale ayant cours dans le réseau collégial québécois, ainsi que le nombre de participants recensés en 2014[3].
Tableau : Nombre de participants selon le type de mobilité en 2014[4]
Notre échantillon de recherche était formé de 38 professeurs ayant réalisé l’un ou l’autre des types de mobilité présentés, ainsi que 8 responsables de l’internationalisation dans les collèges.
Pour plusieurs des professeurs impliqués dans les projets internationaux de leur collège, la mobilité enseignante leur a permis de se réaliser professionnellement, surtout parce qu’elle est venue enrichir leur carrière. Mathieu[5], par exemple, considère que ce qu’il fait découvrir aux étudiants qu’il accompagne dans divers pays lui permet de s’accomplir dans son métier et l’empêche ainsi de devenir le stéréotype du « prof blasé » qu’on peut parfois croiser dans certaines écoles. Situation semblable pour Denis, un professeur qui avait envisagé une carrière universitaire pour pouvoir faire de la recherche, mais dont les possibilités de mener des projets de recherche grâce à la MEI lui ont permis, selon ses dires, de se réaliser professionnellement dans son emploi au collégial.
Les séjours que réalisent les professeurs à l’international permettraient d’enrichir la pratique professionnelle de ceux-ci, notamment par la comparaison avec d’autres réalités en éducation[6]. François figure parmi ces nombreux professeurs que nous avons rencontrés pour qui les observations faites à l’étranger dans le cadre de leurs séjours de MEI ont influencé directement leur pratique professionnelle une fois de retour au Québec. Le voyage de perfectionnement qu’il a réalisé de l’autre côté de l’Atlantique lui permet aujourd’hui d’alimenter ses cours d’exemples concrets tirés des comparaisons qu’il a pu établir entre les approches du pays visité et celles du Québec.
Pour Jocelyn, ce sont plutôt ses méthodes d’enseignement qui ont évolué à la suite de ses nombreuses expériences de partage d’expertise outre-frontière. Comme il a dû former des gens à l’étranger avec tellement peu de référents pour les comprendre, cette contrainte l’a forcé à développer des préoccupations pédagogiques qui font en sorte qu’il a aujourd’hui le réflexe de s’intéresser beaucoup plus en profondeur à la personne à qui il parle lorsqu’il enseigne. « C’est comme si tu développais toutes sortes de réflexes, puis de dispositions d’esprit qui te poussent à faire de la pédagogie. » (Jocelyn)
Que ce soit dans le cadre d’une formule autonome ou d’accompagnement, le sentiment d’accomplissement et de fierté engendré par leurs expériences permet aux professeurs de se réaliser sur le plan personnel. L’exemple rapporté par Mélanie est représentatif à cet égard. De retour d’un périple en Asie avec ses étudiants, ces derniers lui ont fait parvenir une carte postale pour lui témoigner leur appréciation. Cela a représenté pour elle « sa paie pour les dix prochaines années ». Comme elle le précise, ce n’est pas vraiment le fait d’être aimée des étudiants qui la satisfait sur le plan personnel, mais plutôt cette prise de conscience de leur part que le voyage leur a permis de vivre quelque chose d’important tant sur le plan pédagogique qu’humain et qu’elle en est en partie responsable.
Sur le plan des retombées pour les collèges, les séjours de MEI contribuent à accentuer la visibilité et la notoriété des établissements auprès de la société en général. Pour illustrer ce constat issu de notre étude, mentionnons notamment la réussite d’une activité de MEI au Sénégal, financée par l’ACDI[7], qui a conduit à la visite du premier ministre canadien sur les lieux du projet. Sur une douzaine de projets canadiens en cours dans ce pays à cette époque, le premier ministre a choisi d’en visiter deux, dont celui dirigé par le professeur de cégep que nous avons rencontré, ce que ce dernier qualifie de « belle réussite » qui contribue à la notoriété de son établissement. Bref, comme l’a mentionné un autre professeur rencontré, il ne fait aucun doute que les séjours de MEI contribuent à mettre les collèges « sur la map » (Christian).
La visibilité et la notoriété acquises peuvent ensuite être utilisées pour promouvoir les collèges et leurs programmes d’enseignement. Pour illustrer cette affirmation, prenons l’exemple de Richard, un professeur dont les multiples séjours de prospection, de partage d’expertise et de perfectionnement en Europe francophone ont particulièrement eu pour effet d’attirer de jeunes Français à venir étudier au Québec. Lorsque nous l’avons rencontré à l’hiver 2014, il y avait alors plus d’étudiants français (28 étudiants) que d’étudiants québécois (21 étudiants) inscrits au programme d’études dans lequel il enseigne.
Une autre des retombées des activités de MEI est que leurs séjours de mobilité ont conduit à la mise en place de partenariats avec des établissements à l’étranger ou leur ont permis de développer un réseau de contacts dont leur collège a pu bénéficier ultérieurement. Stéphanie, conseillère à la mobilité, nous présente un cas type qui illustre bien ce genre de retombée. Elle donne l’exemple d’une professeure en administration de son collège, dont le séjour de deux semaines en tant que professeure invitée dans une école d’une grande ville européenne a conduit à un partenariat entre les deux établissements. Depuis l’entente de collaboration signée au retour du séjour, le cégep peut envoyer des étudiants, par l’entremise du partenaire européen, faire des stages en entreprise, et l’inverse s’applique également pour les étudiants de cette ville européenne qui peuvent venir réaliser un stage au Canada.
Une autre retombée importante de la MEI est que celle-ci peut provoquer un effet d’entraînement qui agit ensuite sur l’internationalisation des collèges, en ce sens qu’elle peut notamment inciter d’autres professeurs et étudiants à réaliser des projets à l’international[8].
Selon Carole, coordonnatrice d’un bureau international, les expériences outre-frontière des professeurs peuvent s’avérer être « un facteur d’émulation important » pour d’autres candidats qui aimeraient, eux aussi, vivre de telles expériences. Les professeurs qui osent se lancer en premier deviennent par la suite des personnes-ressources qui peuvent aider au démarrage d’autres projets, tant en formule autonome que d’accompagnement.
En somme, il existe divers moyens de contribuer à l’internationalisation de l’éducation et la MEI, de par les retombées qu’elle engendre pour les participants et les collèges, constitue une bonne voie en ce sens. Que vous soyez étudiant ou enseignant, nous espérons que cet article vous aura permis de prendre connaissance des aspects positifs de la MEI. Nous ne pouvons maintenant que vous souhaiter un agréable voyage!
[1] FÉDÉRATION DES CÉGEPS. Portrait des activités internationales des cégeps 2014, www.fedecegeps.qc.ca/wp-content/uploads/2014/10/FED0914_portrait_Ep8.pdf
[2] Notre enquête qualitative de type exploratoire et descriptive a été financée grâce au programme PAREA (Programme d’aide à la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage) du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES).
[3] Il s’agit des plus récentes données disponibles.
[4] FÉDÉRATION DES CÉGEPS. Op. cit.
[5] Pour préserver l’anonymat des participants à notre recherche, nous avons utilisé des noms fictifs.
[6] 13 professeurs, dont la grande majorité a réalisé des séjours autonomes, ont tenu des propos en ce sens dans le cadre de nos entrevues.
[7] Agence canadienne de développement international.
[8] T. GOETZ, G. JARITZ, et F. OSER, Pains and Gains of International Mobility in Teacher Education, Rotterdam/Boston/Taipei, Sense Publisher, 2011, p. 83 et CÉGEP INTERNATIONAL, Les enseignants des cégeps à travers le monde. Mobilité enseignante. Partage des connaissances et valorisation de l’expertise, 2010, http://issuu.com/cegepinternational/docs/cegep-international-mobilite-enseignante-vol-1-17- (Page consultée le 11 avril 2016).
Josiane, étudiante en techniques infirmières, s’absente souvent de ses cours par manque d’intérêt pour ceux-ci. Émilien, qui est en 1re année d’un programme de génie, éprouve de la difficulté à se contraindre à faire ses travaux et à les remettre selon les délais fixés par ses professeurs. Caroline, quant à elle, malgré une assiduité exemplaire dans les cours de son programme de baccalauréat en gestion, passe la plupart de son temps de classe à flâner sur les réseaux sociaux plutôt que d’écouter le professeur ou de faire les exercices demandés. Ces étudiants aux ordres d’enseignement collégial et universitaire, à l’instar d’un grand nombre de leurs collègues de classe, présentent des comportements qui témoignent d’un problème de motivation aux études mettant en péril le succès du programme auquel ils sont inscrits.
La motivation est un processus interne qui influence le comportement de la personne et qui donne une direction ou un but à celle-ci. Elle favorise l’attention, la concentration, l’effort, la persévérance et l’initiative dans une tâche ou un projet. Il s’agit d’un état instable qui est tributaire de nombreux facteurs internes et externes; elle peut donc naître ou s’éteindre en une fraction de seconde selon, par exemple, l’état émotionnel de la personne, l’objet de ses pensées ou les fluctuations de l’environnement dans lequel elle se trouve. Les intervenants scolaires savent combien la motivation des élèves constitue un facteur sensible dans la décision de maintenir ou d’abandonner le projet d’études. Les enseignants des niveaux collégial et universitaire, qui sont des spécialistes du domaine qu’ils enseignent sans nécessairement avoir été formés en psychopédagogie, réalisent, dès leurs premières années d’enseignement, que la motivation fluctuante de leurs étudiants constitue également, à ce niveau, un enjeu avec lequel ils doivent composer sans pour autant avoir les connaissances, les compétences ou le soutien pédagogique et administratif pour le faire.
La motivation à apprendre des jeunes, enfants et adolescents, provient essentiellement de leur désir de plaire à leurs parents et enseignants ou simplement de leur obligation de fréquenter l’école. L’apprenant adulte, pour sa part, est motivé par les occasions qui lui sont offertes de réinvestir les apprentissages qu’il effectue en situation de formation dans ses projets personnels ou professionnels, dans son développement de carrière ou dans la résolution des problèmes qu’il rencontre au quotidien. En fait, l’adulte est un apprenant pragmatique : il éprouve un fort besoin de percevoir les possibilités d’application de ce qu’il apprend et de se sentir compétent dans ses efforts d’application des nouvelles connaissances acquises.
Dès lors, la motivation des apprenants adultes sera rehaussée si les apprentissages qu’ils effectuent sont centrés sur des problèmes, s’ils en perçoivent les applications pratiques immédiates et s’il est conçu en rapport avec leur situation particulière de vie, aussi bien personnelle que professionnelle. Le formateur d’adultes et le professeur de collège ou d’université, par conséquent, doit constamment avoir en tête ces deux questions : comment puis-je m’assurer que mes apprenants adultes ou mes étudiants comprennent et ressentent que ce qu’ils apprennent est important pour eux, aux plans personnel ou professionnel? Et comment puis-je m’assurer qu’ils perçoivent et reconnaissent les occasions d’utiliser ces nouvelles connaissances dans d’autres contextes?
Le modèle de Deci et Ryan1 est sans doute celui qui a été le plus utilisé, au cours des 15 dernières années, pour étudier la motivation. Cette théorie repose sur l’idée que plus le niveau d’autodétermination (ou de motivation interne) de l’individu est élevé, plus les conséquences sont positives dans la vie de celui-ci. La théorie de l’autodétermination se présente en trois stades, le premier s’articulant autour d’un état d’absence totale de motivation jusqu’au niveau le plus élevé de celle-ci, soit une motivation essentiellement induite par le plaisir d’accomplir une action ou une tâche. Entre ces deux pôles, le stade de motivation extrinsèque se déploie en une progression à quatre niveaux, soit selon le passage d’une motivation dont le locus de contrôle est complètement externe à la personne vers une motivation pour laquelle le locus de contrôle est attribuable à des sources de plus en plus internes à cette dernière2.
Je suis personnellement convaincue que rares sont les étudiants, qu’il s’agisse de formation collégiale ou universitaire, qui assistent à nos cours parce qu’ils sont totalement autodéterminés; en effet, feraient-ils les travaux s’il n’y avait pas de points ou de crédits en jeu? Se présenteraient-ils en classe à tous les cours si les absences n’étaient pas prises en compte ou s’ils craignaient de manquer l’explication de certains contenus évalués au cours du semestre? Je suis également persuadée que très peu de nos étudiants sont totalement amotivés car ils éprouveraient alors tellement de difficulté à se conformer aux attentes pédagogiques et aux procédures administratives du début de session qu’ils auraient tendance à abandonner leurs cours après quelques semaines, voire quelques mois; c’est d’ailleurs habituellement ce qu’ils font. Dès lors, les étudiants qui poursuivent des études postsecondaires se répartissent essentiellement dans les quatre niveaux de la motivation extrinsèque.
Je suis d’avis que la motivation aux études d’un très grand nombre de ces apprenants (sinon la majorité d’entre eux dans les programmes professionnels, notamment), se situe aux niveaux de l’identification et de l’intégration. La source de leur motivation est surtout interne; ils assument leurs responsabilités face à leur apprentissage; ils sont autonomes, ils prennent les moyens appropriés pour surmonter leurs difficultés. Nous n’éprouvons pas d’inquiétude particulière à leur égard en ce qui concerne leur avenir scolaire ou professionnel. Ce sont nos étudiants qui « fonctionnent bien » dans le système.
La proportion de nos étudiants se situant aux niveaux d’introjection et, surtout, de régulation externe, sont ceux qui posent des problèmes d’assiduité, de ponctualité, d’intérêt pour la matière, de qualité dans la production des travaux et de participation en classe, pour ne nommer que ces exemples. Ce sont ceux pour qui l’on se fait du souci quant à la réussite de notre cours, de leur stage et, éventuellement, de leur insertion dans la profession choisie ou de la poursuite de leurs études à un niveau supérieur. Leur attitude et leurs comportements dans nos cours nous portent à croire qu’ils manquent de maturité, de discipline personnelle, de jugement ou de sérieux. Devant ses étudiants à prime abord rébarbatifs, il y a peut-être lieu de se demander si, en tant que formateurs d’adultes, certaines interventions de notre part permettraient de les «accrocher»; je pose ici le postulat que puisque le locus de contrôle motivationnel de ces étudiants se situe à l’extérieur d’eux, nous pouvons assurément agir sur cette motivation à partir de notre position d’intervenants issus de leur environnement.
Je partagerai ici quelques-unes de mes propres pratiques de formatrice d’adultes en milieu universitaire dans un programme professionnel de formation à l’enseignement. Ces pratiques se sont avérées efficaces au fil des ans et le sont encore aujourd’hui dans mes classes; cependant, il importe de garder à l’esprit que, selon Zinn3, les choix, les décisions, les actions et les interventions du formateur d’adultes sont toujours teintés de ses présupposés personnels, de ses croyances à propos de son rôle, de son mandat, de sa mission ou de celle de l’institution qui l’emploie. Conséquemment, les pratiques qui me conviennent me sont propres et ne conviendront pas nécessairement à un autre formateur.
Puisque plusieurs « introjectés » et « régulés externes » sont inscrits dans mes classes et que je dois composer avec eux, je les incite à se comporter en étudiants responsables et motivés, en espérant que l’adoption de comportements régulés par moi, s’ils procurent éventuellement certains bénéfices aux étudiants en question, finissent par se transformer en une attitude face à l’apprentissage régulée par eux-mêmes. Puisque je crois que dans une telle situation, l’action doit précéder la motivation, je me dis qu’en les incitant à se comporter en étudiants motivés, ils deviendront peut-être des étudiants motivés… !! Dans cet esprit, voici quelques-unes de mes pratiques visant à augmenter et à maintenir le niveau de motivation de mes étudiants pour mes cours de même que pour la matière étudiée. Elles sont ici regroupées selon qu’elles relèvent des courants béhavioriste, cognitiviste ou humaniste-andragogique.
Des interventions ancrées dans le béhaviorisme. Je procure habituellement à mes étudiants un encadrement à la fois ferme et rassurant, au sein duquel les règles (ponctualité, présence, moment de dépôt des travaux, critères d’évaluation, etc.) sont claires et explicitement décrites dans le syllabus, présentées au premier cours et rappelées à maintes reprises au cours du semestre. Je suis conséquente avec les règles énoncées (je fais l’appel au moyen d’une liste de présences que je fais circuler à tous les cours et que je vérifie à l’occasion; en cas d’absence, je fais le suivi avec l’étudiant au regard du travail compensatoire ou de la justification d’absence qu’il doit remettre; etc.). Sachant que les étudiants ont l’habitude de se parler entre eux, ma réputation de constance dans l’application des « règles » se répand à travers mes groupes avec, pour résultat, la disparition des comportements indésirables.
Des interventions ancrées dans le cognitivisme. J’explique ouvertement sur quelles valeurs professionnelles ou quelle philosophie de l’éducation se fondent mes attentes et mes pratiques; j’émets de nombreux commentaires, rétroactions, suggestions d’amélioration et je propose des ressources pour favoriser l’autorégulation des pratiques étudiantes. Les contenus de mes cours sont très théoriques, aussi je m’assure de vulgariser, d’illustrer, de rendre accessible la matière à l’étude. Mes attentes en termes de rendement scolaire et d’engagement personnel sont élevées, je m’assure que les étudiants travaillent fort (rares sont ceux qui éprouvent de la fierté à réussir trop facilement). Je fais de nombreux liens entre les modèles issus des théories de l’apprentissage que j’enseigne et mes propres pratiques d’enseignement, avec les contenus des autres cours du programme (surtout ceux qui sont suivis au même semestre que le mien) et les possibilités de réutilisation des contenus étudiés dans leurs stages, de même que dans leur future profession d’enseignant.
Des interventions ancrées dans l’humanisme-andragogique. J’établis des relations interpersonnelles avec les étudiants, individuellement (j’apprends leurs prénoms, m’informe d’eux, de leurs projets, de ce qu’ils vivent à l’intérieur du programme d’études); j’essaie de rendre le cours captivant (car un cours simplement «intéressant» ne suffit pas à motiver certains d’entre eux!). Je raconte des anecdotes issues de ma pratique antérieure d’enseignante dans les écoles, j’utilise l’autodérision au moyen d’anecdotes personnelles, je donne beaucoup d’exemples, j’incite à la participation, je pose des questions et j’identifie les étudiants qui ont le sens de l’humour ou de la répartie afin de les mettre à contribution pour créer un climat de classe détendu. J’accorde à l’occasion, même si ce n’est pas le sujet de mon cours, du temps pour répondre à leurs interrogations ou insécurités en ce qui concerne leur stage de formation dans les écoles, leur éventuelle insertion professionnelle ou leurs soucis à propos des élèves ayant des besoins spéciaux. Je me rends aussi disponible pour discuter individuellement avec ceux qui souhaitent me rencontrer. Je me rappelle, surtout, de l’un de mes anciens professeurs, du temps de mes propres études au baccalauréat en orthopédagogie, qui disait que les enfants « apprennent mieux d’un prof qu’ils aiment ». Le temps et l’expérience m’ont démontré que c’était aussi le cas pour les apprenants adultes; je m’efforce alors d’être une prof que les étudiants vont apprécier, en raison de ma maitrise de la matière et de mon sens de l’humour certes, mais également pour ma rigueur, ma constance, mon sens de l’équité ainsi que pour mon souci de mes étudiants. Jusqu’à maintenant, ça semble fonctionner.
Il importe de prendre en considération quelques principes de base lorsque l’on réfléchit aux façons d’actualiser nos pratiques pédagogiques. Le formateur d’adultes ne peut pas choisir son style d’enseignement de façon aléatoire, pas plus qu’il ne peut changer de style à volonté. Le style d’enseignement est relié à la philosophie éducationnelle du formateur et celle-ci découle de sa philosophie de vie générale, de ses valeurs. Il est donc approprié, pour le formateur d’adultes, de déterminer en premier lieu ses croyances éducatives personnelles puis d’identifier et de consolider son propre style d’enseignement, quel qu’il soit. Il vaut mieux être un bon prof dans le style que l’on maîtrise et qui nous correspond, que d’être médiocre en tentant d’adopter les pratiques de quelqu’un d’autre. Nos apprenants adultes auront vite saisi les incohérences entre ce que l’on prône, ce que l’on dit et ce que l’on fait, et notre crédibilité, sinon notre intégrité, sera rapidement remise en question. Cependant, il ne faut pas oublier qu’un formateur bien ancré dans un style d’enseignement correspondant parfaitement à ses valeurs, à sa philosophie de l’éducation et à sa personnalité pourrait être complètement inadapté dans une situation où le style en question ne répondrait aucunement aux besoins de ses apprenants adultes ou de ses étudiants; on peut être le meilleur des théoriciens et ne pas être en mesure d’accompagner un apprenant lors d’un stage de formation en milieu professionnel, par exemple. La pratique réflexive et l’auto-observation critique aideront le formateur d’adultes à donner plus de consistance aux domaines de compétences pour lesquels il se sent plus faible et à explorer, à petits pas, de nouvelles pratiques qui répondront davantage aux besoins des apprenants.
1 Sarazin, P., Pelletier, L., Deci, E. L. et Ryan, R. M. (2011). Nourrir une motivation autonome et des conséquences positives dans différents milieux de vie : les apports de la théorie de l’autodétermination. Dans C. Martin-Krumm et C. Tarquinio (dir.), Traité de psychologie positive (p. 273-312). Bruxelles : De Boeck.
2 Gagnon, C. et Brunel, M.-L. (2005). Les raccrocheurs adultes : motivation et persistance aux études à l’ordre secondaire. Carriérologie, 10(1-2), 305-330.
3 Zinn, L. (2004). Exploring your philosophical orientation. Dans M. W. Galbraith (dir.), Adult learning methods (3e éd., p. 39-74). Malabar, Fl. : Krieger.