Enseigner ou le voyage d’une vie
Une pincée d'inspiration pour tous les nouveaux et nouvelles enseignant(e)s
Conseils aux nouveaux enseignants et témoignage d’une enseignante qui a la passion d’apprendre et d’enseigner et qui, officieusement dans sa tête, est maître des possibles, chef d’orchestre, metteur en scène, inventeur, découvreur et facilitateur.
Tantôt Natacha tout court, tantôt Madame Natacha ou encore Natacha Maam, je suis une enseignante, une maîtresse, une professeure des écoles ou encore une teacher. Cela dépend des pays, des cultures et de l’endroit où je me trouve. Tout ce que je sais c’est que je suis habitée par cette passion : apprendre. Officiellement, au Canada, je suis une enseignante de français en milieu minoritaire. Officieusement, dans ma tête, je suis le maître des possibles, un chef d’orchestre, un metteur en scène, un inventeur, un découvreur, un facilitateur. Que signifie être enseignant en 2018? Quel est mon rôle dans une salle de classe, dans la société ou auprès des parents? Qui suis-je? Que devrais-je être? Qu’attend-on de moi? Autant de questions que je me pose de plus en plus.
J’ai reçu mon diplôme d’enseignante en 2005. Officiellement, j’aurai appris à devenir enseignante en 4 ans, mais, officieusement, j’apprends tous les jours en compagnie de l’autre : des enfants, des parents, des auteurs chercheurs et de mes pairs. Je ne cesse d’apprendre, de découvrir et de me poser des questions. Je ne cesse de me heurter à un mur : celui de ne jamais en savoir assez, celui de la remise en question. Ces quelques lignes font suite à ma thèse de maîtrise intitulée : « Tribulations d’une enseignante en situation interculturelle : des identités personnelle et professionnelle en mouvement » 1. Écrire cette thèse fut le début d’une révélation : tout le monde peut écrire et a le droit d’écrire. Il s’agit d’un exercice qui prend du temps et qui peut parfois être ardu, mais cela vaut la peine d’être vécu.
Il sera donc question des paroles d’une enseignante. Alors, du bout de ma craie ou plutôt de mon clavier, je m’explique…
Un enseignant, d’après moi, n’est pas la substitution du parent. Bien sûr, les enfants se trompent parfois et nous appellent parfois maman, mais le mot « maman » est dit à tort et à travers; c’est un réflexe. Alors, quoi de plus normal que de prononcer ce mot qui fait partie de notre vocabulaire quelque peu primaire.
Je ne suis donc pas une maman multifonctions. Non, je suis enseignante, maîtresse, professeur des écoles. Quel terme pompeux tout de même! Avec un terme si pompeux, on nous délègue les tâches les plus ingrates.
Alors, le parent se dit : « Il ne sait pas se moucher, il apprendra à l’école, il ne sait pas parler, il apprendra à l’école, il ne sait pas faire ses lacets, il apprendra à l’école. Moi (le parent) je veux avoir du fun avec mon enfant. L’école est là pour lui apprendre tout et de toute façon mon enfant est un génie… Il n’a pas besoin de l’école ».
De plus en plus, les parents refusent de se rendre à l’évidence : tout être a besoin d’apprendre, et ce, à tout âge. Moi, enseignante, je n’ai pas la science infuse. J’apprends tous les jours et j’ai le droit de faire des erreurs comme vous dans l’éducation de vos enfants. Je suis, moi aussi, un être humain qui a besoin de pauses. Je n’ai pas un seul, mais plusieurs enfants à ma charge. Un petit troupeau d’éléphants patauds qui pas à pas se transforme en félin chacun à son rythme. Loin de moi, le désir que tous deviennent des rois de la jungle. Oh non! Quelle horreur! Je ne veux pas d’un monde homogène. Mais, ces enfants ont besoin de devenir agiles pour survivre dans la société. Il y a des dizaines d’espèces de félins. Alors, laissons-leur leur spécificité, mais faisons-les évoluer. Moi, enseignante, n’ai aucun désir de mettre mes élèves en boîte. Tous pareils, mais tous différents. On est une communauté, une microsociété. Nous avons des règles et nous les discutons. Nous vivons ensemble pour 200 jours d’école. Nous avons tous nos peurs, nos différends, nos difficultés, nos joies. Mais nous avons tous le même but : celui de réfléchir, celui de grandir, celui d’apprendre, de bâtir, de construire! Nous avons tous notre désir de liberté! Quel bonheur que ces temps de projet personnel pour mes élèves! Ils se sentent libres, puissants de pouvoir réaliser ce qu’ils veulent, même s’ils ne se rendent pas compte qu’ils reproduisent mes gestes et les apprentissages que je leur ai légués. Ils se les sont appropriés afin qu’ils deviennent les leurs, sans même s’en apercevoir.
Alors, non, je ne suis pas une maman. Je ne porterai pas 24 sacs à dos le matin en haut des escaliers même si le premier jour les parents me les mettent dans les mains pensant que c’est normal. Non, je ne te moucherai pas le nez, car toi aussi, petit être, tu as des mains, une tête avec un cerveau et toi aussi tu es doté de réflexion. Alors, je suis là pour te donner le pouvoir de devenir toi, un autre imparfait comme nous tous dans cette société. Je te donne le pouvoir de dire non, mais justifie-toi! Je te donne ta liberté! Accepte là. Je veux te sortir de ta boîte.
Alors, enseignants laissez vos élèves découvrir et faire des erreurs. On a tous besoin de faire des erreurs. Par contre, il y a une différence entre faire des erreurs et faire n’importe quoi. L’enseignante et ses élèves établissent un contrat tacite. Nous avons des règles à respecter et si tout le monde coopère, la magie s’opère. Je suis fière de ces petits êtres et je sais que chacun aura une place dans la société si tout le monde acceptait l’imperfection…
Pour conclure, j’aimerais pouvoir donner des recettes toutes prêtes aux nouveaux enseignants. J’aurais aimé être en mesure de vous donner une recette magique pour votre première journée d’école. Malheureusement, ces dernières n’existent qu’en rêve. Chaque année scolaire est différente, chaque journée amène ces lots de surprises. Mais alors, que faire me direz-vous? Mon meilleur conseil serait d’écouter votre passion et votre instinct. Vous devez rester ouverts et vous adapter tout en vous informant sur les nouvelles pratiques et tendances du moment. Soyez critiques et repensez à vos bons coups comme à vos mauvais. Ne vous découragez pas, demain sera un autre jour! Soyez créatifs, sortez des sentiers battus et surtout observez et écoutez vos élèves. Ce sont eux vos instruments de musique! Soyez attentifs à leur mélodie et menez le rythme. Et surtout, amusez-vous ensemble!
Notes
1 Roudeix, N. Tribulations d’une enseignante en situation interculturelle : des identités culturelle et professionnelle en mouvement. Simon Fraser University : mémoire de maîtrise. 2016.