À contre-courant!
« Apprenons enfin à parler de différences! »
Frédérik décrit dans son article la transition difficile qu’il a connue dans son milieu scolaire comme un jeune homme transgenre. Il décrit dans ses propres mots le harcèlement et le peu d’appui qu’il a vécu à l’école et comment le curriculum n’est pas toujours très inclusif. Il lance un appel à l’appui de la part de tout le personnel enseignant pour les élèves LGBTQ2+.
Moi c’est Fred, j’ai 18 ans, je suis une personne dynamique, plutôt artistique et j’ai fait mes études en théâtre au cégep. J’ai commencé à me questionner au sujet de mon identité de genre en 3e secondaire, mais considérant la faible réceptivité au sujet de la chose par mon ancienne copine à l’époque, je n’ai fait mon comingout qu’à la fin de mon 4e secondaire. Je me suis alors tourné vers une enseignante de confiance, qui m’a recommandé de rencontrer l’infirmière de l’école. Celle-ci a répondu à plusieurs de mes questionnements et elle m’a accompagné au début de ma transition pour aller voir des spécialistes afin d’entamer mes démarches. J’ai ensuite vu une psychoéducatrice de l’école, avec qui j’ai discuté de mon désir de demander aux enseignants de m’interpeler par les bons pronoms masculins. Elle semblait assez peu ouverte à cette option et m’a dit qu’elle devait d’abord en discuter avec la directrice. Au début de l’année suivante, en 5e secondaire, j’ai tout de même rencontré chacun de mes enseignants avant les premiers cours pour leur demander s’ils accepteraient d’utiliser le pronom « il » pour me désigner et de m’appeler Fred. Ils ont tous été très réceptifs à cette demande. J’ai toutefois subi de la résistance de certains autres membres du personnel de l’école qui n’acceptaient pas très bien ma nouvelle identité de genre. On s’est parfois opposé à utiliser mon nom et des pronoms masculins, même si ce n’était pas approprié. On m’a même dit qu’on « se donnait le droit de m’appeler ainsi ». On m’a aussi refusé l’accès aux commodités réservées aux garçons, car on craignait la réaction de certains parents.
J’aurais vraiment préféré ne pas être considéré comme un cas problème; c’était bien suffisant d’en être déjà un pour moi-même! Moi qui m’attendais à ce que les adultes réagissent mieux que les élèves… je me trompais. Tout de même, ce n’était pas toujours facile de faire face à la réaction de certains élèves. Je recevais fréquemment des commentaires par la tête. Mais puisque je suis quelqu’un qui prend sa place et qui se fait remarquer, ça n’a été une surprise pour personne que je me présente aux élections du parlement étudiant. Cela a toutefois provoqué un certain montant de harcèlement : je me suis fait insulter pendant les débats et mes pancartes pour les élections ont été vandalisées : on avait remplacé le nom « Frédérik » par mon nom de naissance.
Ma transition a donc été assez difficile à l’école. J’aurais seulement voulu qu’on n’en fasse pas autant de cas et qu’on me laisse vivre en paix, pas qu’on me donne envie de cesser de vivre! J’aurais été heureux d’entendre : « Ah! c’est Fred maintenant? D’accord » au lieu de « Baisse tes pantalons, on va voir ce que tu es vraiment. »
Je crois aussi qu’il y a des lacunes dans les cours d’éducation sexuelle; on parle des ITSS, on parle de comment mettre un condom et ce qu’est une pilule contraceptive, mais pourquoi ne parle-t-on pas aussi au sujet de relations sexuelles sécuritaires pour les hommes gais? Pourquoi ne parle-t-on pas de la possibilité qu’une femme puisse attraper des ITSS avec une autre femme? On ne parle vraiment que de ce qui est hétéronormatif.
Je crois que le personnel scolaire devrait vraiment mettre la priorité sur la sécurité de tous leurs élèves, et non pas seulement se préoccuper de la réaction des parents. Il devrait savoir vers quelles ressources diriger les élèves membres de la communauté LGBTQ2+, puis bien nous appuyer, et non pas nous gérer comme le gros cas lourd de l’année. Apprenons enfin à parler de différences!
Première publication dans Éducation Canada, mai 2019
Photo : Sophie H.-Bienvenue