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Chemins, Diversité, Enseignement, Pratiques prometteuses

La mobilité enseignante internationale

Un monde de retombées pour les participants et les collèges

La mobilité enseignante internationale, ça vous dit quelque chose? Des professeurs de votre collège auraient-ils accompagné un groupe d’étudiants en Europe pendant l’été? L’un de vos collègues se serait-il absenté quelques jours la session dernière pour aller présenter une conférence dans un colloque scientifique à l’international? Peut-être êtes-vous vous-mêmes parmi ces nombreux professeurs qui ont séjourné quelque temps à l’étranger pour des raisons professionnelles?

Dans tous les cas, ces expériences représentent de la mobilité enseignante internationale (MEI), c’est-à-dire le déplacement d’un professeur à l’étranger dans le cadre de sa pratique professionnelle. Ce phénomène est en augmentation dans le réseau collégial québécois depuis le début des années 2000. À preuve, au cours de l’année scolaire 2013-2014, 690 professeurs de collège ont réalisé un séjour à l’international dans le cadre de leurs fonctions, soit 140 de plus qu’en 2010[1].

Que retirent au juste les professeurs qui réalisent de tels séjours à l’étranger? En quoi ces expériences peuvent-elles modifier, non seulement leur pratique professionnelle, mais aussi leur vie personnelle et avoir une retombée sur l’établissement où ils travaillent? Voilà deux questions que nous jugions pertinent d’étudier dans le cadre d’une étude menée entre 2013 et 2015 dans huit établissements collégiaux du Québec[2]. Le présent article tentera de mettre en lumière certains des principaux résultats de cette recherche.

La MEI : un phénomène pluriel

Le tableau ci-dessous illustre différentes formes de mobilité enseignante internationale ayant cours dans le réseau collégial québécois, ainsi que le nombre de participants recensés en 2014[3].

Tableau : Nombre de participants selon le type de mobilité en 2014[4]

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Notre échantillon de recherche était formé de 38 professeurs ayant réalisé l’un ou l’autre des types de mobilité présentés, ainsi que 8 responsables de l’internationalisation dans les collèges.

QUELLES RETOMBÉES POUR LES PROFESSEURS? 

Se réaliser professionnellement

Pour plusieurs des professeurs impliqués dans les projets internationaux de leur collège, la mobilité enseignante leur a permis de se réaliser professionnellement, surtout parce qu’elle est venue enrichir leur carrière. Mathieu[5], par exemple, considère que ce qu’il fait découvrir aux étudiants qu’il accompagne dans divers pays lui permet de s’accomplir dans son métier et l’empêche ainsi de devenir le stéréotype du « prof blasé » qu’on peut parfois croiser dans certaines écoles. Situation semblable pour Denis, un professeur qui avait envisagé une carrière universitaire pour pouvoir faire de la recherche, mais dont les possibilités de mener des projets de recherche grâce à la MEI lui ont permis, selon ses dires, de se réaliser professionnellement dans son emploi au collégial.

Prendre connaissance d’autres réalités et bonifier sa pédagogie

Les séjours que réalisent les professeurs à l’international permettraient d’enrichir la pratique professionnelle de ceux-ci, notamment par la comparaison avec d’autres réalités en éducation[6]. François figure parmi ces nombreux professeurs que nous avons rencontrés pour qui les observations faites à l’étranger dans le cadre de leurs séjours de MEI ont influencé directement leur pratique professionnelle une fois de retour au Québec. Le voyage de perfectionnement qu’il a réalisé de l’autre côté de l’Atlantique lui permet aujourd’hui d’alimenter ses cours d’exemples concrets tirés des comparaisons qu’il a pu établir entre les approches du pays visité et celles du Québec.

Pour Jocelyn, ce sont plutôt ses méthodes d’enseignement qui ont évolué à la suite de ses nombreuses expériences de partage d’expertise outre-frontière. Comme il a dû former des gens à l’étranger avec tellement peu de référents pour les comprendre, cette contrainte l’a forcé à développer des préoccupations pédagogiques qui font en sorte qu’il a aujourd’hui le réflexe de s’intéresser beaucoup plus en profondeur à la personne à qui il parle lorsqu’il enseigne. « C’est comme si tu développais toutes sortes de réflexes, puis de dispositions d’esprit qui te poussent à faire de la pédagogie. »  (Jocelyn) 

S’accomplir personnellement

Que ce soit dans le cadre d’une formule autonome ou d’accompagnement, le sentiment d’accomplissement et de fierté engendré par leurs expériences permet aux professeurs de se réaliser sur le plan personnel. L’exemple rapporté par Mélanie est représentatif à cet égard. De retour d’un périple en Asie avec ses étudiants, ces derniers lui ont fait parvenir une carte postale pour lui témoigner leur appréciation. Cela a représenté pour elle « sa paie pour les dix prochaines années ». Comme elle le précise, ce n’est pas vraiment le fait d’être aimée des étudiants qui la satisfait sur le plan personnel, mais plutôt cette prise de conscience de leur part que le voyage leur a permis de vivre quelque chose d’important tant sur le plan pédagogique qu’humain et qu’elle en est en partie responsable. 

QUELLES RETOMBÉES POUR LES COLLÈGES?

Plus de visibilité et de notoriété : un appui à la promotion et au recrutement

Sur le plan des retombées pour les collèges, les séjours de MEI contribuent à accentuer la visibilité et la notoriété des établissements auprès de la société en général. Pour illustrer ce constat issu de notre étude, mentionnons notamment la réussite d’une activité de MEI au Sénégal, financée par l’ACDI[7], qui a conduit à la visite du premier ministre canadien sur les lieux du projet. Sur une douzaine de projets canadiens en cours dans ce pays à cette époque, le premier ministre a choisi d’en visiter deux, dont celui dirigé par le professeur de cégep que nous avons rencontré, ce que ce dernier qualifie de « belle réussite » qui contribue à la notoriété de son établissement. Bref, comme l’a mentionné un autre professeur rencontré, il ne fait aucun doute que les séjours de MEI contribuent à mettre les collèges « sur la map » (Christian).

La visibilité et la notoriété acquises peuvent ensuite être utilisées pour promouvoir les collèges et leurs programmes d’enseignement. Pour illustrer cette affirmation, prenons l’exemple de Richard, un professeur dont les multiples séjours de prospection, de partage d’expertise et de perfectionnement en Europe francophone ont particulièrement eu pour effet d’attirer de jeunes Français à venir étudier au Québec. Lorsque nous l’avons rencontré à l’hiver 2014, il y avait alors plus d’étudiants français (28 étudiants) que d’étudiants québécois (21 étudiants) inscrits au programme d’études dans lequel il enseigne. 

Des partenariats et des réseaux qui se tissent

Une autre des retombées des activités de MEI est que leurs séjours de mobilité ont conduit à la mise en place de partenariats avec des établissements à l’étranger ou leur ont permis de développer un réseau de contacts dont leur collège a pu bénéficier ultérieurement. Stéphanie, conseillère à la mobilité, nous présente un cas type qui illustre bien ce genre de retombée. Elle donne l’exemple d’une professeure en administration de son collège, dont le séjour de deux semaines en tant que professeure invitée dans une école d’une grande ville européenne a conduit à un partenariat entre les deux établissements. Depuis l’entente de collaboration signée au retour du séjour, le cégep peut envoyer des étudiants, par l’entremise du partenaire européen, faire des stages en entreprise, et l’inverse s’applique également pour les étudiants de cette ville européenne qui peuvent venir réaliser un stage au Canada.

Un catalyseur pour l’internationalisation des collèges

Une autre retombée importante de la MEI est que celle-ci peut provoquer un effet d’entraînement qui agit ensuite sur l’internationalisation des collèges, en ce sens qu’elle peut notamment inciter d’autres professeurs et étudiants à réaliser des projets à l’international[8].

Selon Carole, coordonnatrice d’un bureau international, les expériences outre-frontière des professeurs peuvent s’avérer être « un facteur d’émulation important » pour d’autres candidats qui aimeraient, eux aussi, vivre de telles expériences. Les professeurs qui osent se lancer en premier deviennent par la suite des personnes-ressources qui peuvent aider au démarrage d’autres projets, tant en formule autonome que d’accompagnement.

CONCLUSION

En somme, il existe divers moyens de contribuer à l’internationalisation de l’éducation et la MEI, de par les retombées qu’elle engendre pour les participants et les collèges, constitue une bonne voie en ce sens. Que vous soyez étudiant ou enseignant, nous espérons que cet article vous aura permis de prendre connaissance des aspects positifs de la MEI. Nous ne pouvons maintenant que vous souhaiter un agréable voyage!

 


[1] FÉDÉRATION DES CÉGEPS. Portrait des activités internationales des cégeps 2014,  www.fedecegeps.qc.ca/wp-content/uploads/2014/10/FED0914_portrait_Ep8.pdf

[2]    Notre enquête qualitative de type exploratoire et descriptive a été financée grâce au programme PAREA (Programme d’aide à la recherche sur l’enseignement et l’apprentissage) du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES).

[3]    Il s’agit des plus récentes données disponibles.

[4] FÉDÉRATION DES CÉGEPS. Op. cit. 

[5] Pour préserver l’anonymat des participants à notre recherche, nous avons utilisé des noms fictifs.

[6] 13 professeurs, dont la grande majorité a réalisé des séjours autonomes, ont tenu des propos en ce sens dans le cadre de nos entrevues.

[7] Agence canadienne de développement international.

[8] T. GOETZ, G. JARITZ, et F. OSER, Pains and Gains of International Mobility in Teacher Education, Rotterdam/Boston/Taipei, Sense Publisher, 2011, p. 83 et CÉGEP INTERNATIONAL, Les enseignants des cégeps à travers le monde. Mobilité enseignante. Partage des connaissances et valorisation de l’expertise, 2010, http://issuu.com/cegepinternational/docs/cegep-international-mobilite-enseignante-vol-1-17- (Page consultée le 11 avril 2016).

Apprenez-en plus sur

Alexandre Jobin-Lawler

Alexandre Jobin-Lawler enseigne l’anthropologie et la sociologie au Campus Notre-Dame-de-Foy depuis 2008. Il détient un baccalauréat ainsi qu’un diplôme de deuxième cycle universitaire en anthropologie ainsi qu’une maîtrise dans ce même domaine.

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Matthieu Boutet-Lanouette

Matthieu Boutet-Lanouette détient un baccalauréat en Histoire, une maîtrise en Études anciennes ainsi qu'un diplôme de deuxième cycle en Enseignement collégial. Il enseigne l’histoire depuis 2008 au Campus-Notre-Dame-de-Foy. 

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