La Trousse de discussion Éducation Canada représente un avantage exclusif destiné au personnel des organisations membres du Réseau ÉdCan (commissions scolaires, facultés d’éducation, sociétés commerciales, organismes sans but lucratif). La trousse transforme la recherche présentée dans les articles de notre magazine Éducation Canada en guides d’autoréflexion et de discussion de groupe pratique destinés au personnel scolaire. Par le partage des tendances actuelles et émergentes dans le domaine de l’éducation, la trousse invite les participants à questionner, repenser et améliorer leurs pratiques professionnelles.
Que vous soyez un assistant pédagogique, un enseignant, un directeur d’école ou un surintendant, nous vous encourageons à investir dans votre apprentissage continu et celui de votre équipe grâce à ces ressources de développement professionnel faciles à utiliser et abordables qui favorisent la pensée critique et stimulent le développement de stratégies pratiques pour des contextes scolaires uniques.
La Trousse de discussion Enseigner avec les objectifs de développement durable de l’ONU s’inspire de l’édition printemps du magazine Éducation Canada 2021 – disponible en format feuilletable et en ligne. Cette trousse met en lumière comment les objectifs de développement durable offrent une pertinence transversale et des occasions d’apprentissage inestimables aux élèves de découvrir leur rôle crucial dans la résolution de problèmes locaux, régionaux et mondiaux. Les enseignants sont invités à explorer comment ils peuvent inciter les élèves à devenir des citoyens du monde actifs qui abordent les problèmes mondiaux réels avec espoir et autonomie.
Cette trousse contient trois guides d’autoréflexion et de discussion de groupe – disponible en anglais et en français – couvrant des sujets allant de la création d’une liste de choses à faire pour aider les éducateurs du primaire au secondaire à prendre des mesures sur les ODD en classe ; adopter une approche scolaire globale pour enseigner les ODD et faire de votre culture scolaire le catalyseur du changement ; et l’utilisation de l’éducation en plein air comme moyen de sensibiliser les élèves et de leur faire apprécier la biodiversité.
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Trousse de discussion
La pandémie de Covid-19 a bousculé le système éducatif en nous obligeant à repenser certaines manières de faire. Alors que des défis déjà existants ont été exacerbés, de nouvelles collaborations et pratiques ont aussi émergé. En effet, dans le cadre d’une collaboration entre l’initiative École en réseau (ÉER) et l’Université TÉLUQ, l’expertise développée dans l’ÉER a été mise à contribution; des initiatives ont vu le jour et des pratiques novatrices ont inspiré de nouveaux moyens de (re)penser l’école. Après la présentation de l’ÉER, le présent article soulève des éléments clés qu’a mis en lumière cette collaboration inédite :
L’initiative ÉER est issue d’un projet de recherche développé depuis 2002 en partenariat avec des milieux scolaires, des chercheurs et le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (Laferrière et coll., 2006; Laferrière et coll., 2004). Elle visait originalement l’amélioration de l’environnement éducatif de petites écoles en régions éloignées. Depuis une dizaine d’années, de plus grandes écoles et classes désireuses de travailler avec des outils numériques y participent pour bonifier l’apprentissage des élèves. Il ne s’agit pas d’une école qui fait à proprement parler l’enseignement à distance, mais plutôt d’un dispositif qui facilite le travail collaboratif entre communautés d’apprentissage, à l’oral comme à l’écrit. Financée par le MEQ selon un budget réparti pour les Centres de services scolaires inscrits pour les petites écoles participantes et la coordination des activités, l’ÉER est une ressource en appui au Plan d’action numérique du MEQ. Il est intéressant de noter qu’en 2002, pour expliquer l’ÉER, il fallait préciser qu’il ne s’agissait pas de formation à distance, mais bien d’une approche inédite dans laquelle l’enseignant demeure bien présent. Vingt ans plus tard, avec la pandémie, l’ÉER constitue un fort levier permettant de faciliter l’école à distance tout en gardant les enseignants actifs devant l’écran.
L’ÉER soutient les classes en réseau, donc des classes distantes qui collaborent avec l’aide du numérique à favoriser les apprentissages des élèves. Lors du confinement du printemps 2020, les enseignants faisant partie de l’ÉER qui n’avaient jamais imaginé enseigner à distance dans ce contexte se sont dit : « Mes élèves sont habitués de communiquer en visioconférence, ils connaissent les applications, nous utilisons déjà ces outils en classe au quotidien, donc ils seront en mesure de poursuivre les apprentissages à la maison ». La classe en réseau s’est donc rapidement transformée en classe à distance grâce à leur expertise (Magny, 2020; Nadeau-Tremblay et Turcotte, 2020). Les enseignants ont imaginé avec créativité des manières de rendre les élèves actifs à distance.
La pandémie a amené une démocratisation et une accessibilité à la visioconférence en classe, pour les enseignants comme pour les élèves. Tous sont mieux en mesure de l’utiliser sur le plan technique. Toutefois, les activités proposées misent souvent sur l’oral, soit un enseignant qui parle et présente un contenu. Les interactions limitées avec les élèves les rendent alors plus passifs et désengagés. Parallèlement, une recrudescence de l’utilisation des manuels scolaires et l’accent mis sur les connaissances sont observés, et ce, même chez des enseignants ayant délaissé ce type de matériel (Carpentier et Sauvageau, 2021). L’idée est qu’en basculant à distance ou en étant en permanence avec des élèves en école virtuelle, il est plus simple d’utiliser les manuels pour acheminer le travail à la maison. Toutefois, cette pratique rend difficile une posture pédagogique près des intérêts et des besoins des élèves et accroit le recours à un enseignement magistral plutôt qu’à des pédagogies plus actives et intégrant le numérique. Les riches possibilités de travailler autrement s’en voient limitées et ramènent à des paradigmes de transmission des connaissances. La technologie implique le recours à des pratiques à réinventer et non simplement à transférer.
Une manière d’y parvenir est de démontrer une grande agilité à utiliser les outils numériques, donc à multiplier la capacité d’adaptation des apprenants comme des autres acteurs scolaires. Il ne s’agit pas de maitriser parfaitement un outil avant d’en amorcer l’utilisation mais de l’apprendre dans l’action. D’ailleurs, l’intégration du numérique doit se faire au quotidien par tous, des gestionnaires aux élèves en passant par les enseignants, les conseillers pédagogiques et les autres professionnels. Plutôt que de « s’exercer » à utiliser telle technologie, il faut l’intégrer réellement dans les activités quotidiennes de la classe. Malheureusement, certains des acteurs clés, notamment des conseillers pédagogiques et des directions d’établissement adoptent systématiquement une approche de formation au numérique en dehors de la classe plutôt que de jouer un rôle d’appui aux activités en classe. Être un modèle à tous les niveaux et offrir l’occasion de prendre des risques facilite l’intégration signifiante du numérique.
L’apprentissage à distance est facilité par l’utilisation d’outils technologiques et peut constituer un levier pour le développement de la compétence numérique (Pelletier et coll., sous presse). Dans le travail en réseau, l’usage pédagogique d’outils numériques n’est pas une visée en soi. Il s’agit d’un canal, d’un moyen permettant aux élèves de classes distantes d’interagir à l’oral, par la visioconférence, à l’écrit, par différentes plateformes (p.ex., Office 365, Google Class Room, Knowledge Forum, Padlet, etc.) ainsi qu’en collaboration avec des partenaires extrascolaires tels des musées, des scientifiques, des auteurs, etc. Le défi réside moins dans cette capacité d’appropriation technique (Allaire et coll., 2009) que dans le « comment » pour l’enseignant : comment organiser l’équilibre des activités interclasses (en classe et individuelles), comment réinvestir les retours individuels et en groupe, comment assurer le suivi des tâches réalisées, etc. Ainsi, le volet pédagogique est d’une importance centrale dans les activités en réseau.
Aborder de nouvelles pratiques d’enseignement est facilité par un accompagnement qui peut se déployer de multiples manières : partage de ressources et de tutoriels, vidéos, communautés de pratique, soutien dans l’action, etc. Les derniers mois ont été marqués par des transformations fréquentes pour les enseignants qui doivent s’adapter continuellement.
Le soutien ponctuel et immédiat est grandement apprécié par un grand nombre d’enseignants qui veulent trouver des réponses quand ils en ont besoin. Notamment, la salle de soutien virtuelle de l’ÉER ouverte tous les jours de la semaine rassure, car les enseignants savent qu’une personne est présente pour les soutenir sur les plans technologique et pédagogique. De plus, l’accompagnement des enseignants dans l’action constitue une condition gagnante inventoriée par les principaux intéressés. Concrètement, il s’agit de soutenir un groupe d’enseignants et leurs élèves dans le cadre d’une activité réelle qu’ils peuvent expérimenter en classe. L’enseignant n’assiste donc pas à une formation sur un sujet ou sur un outil qu’il expérimentera en classe; il s’inscrit plutôt à une activité en réseau, apprend les fonctionnalités des outils et expérimente des manières de travailler avec ses élèves au fur et à mesure que l’activité avance. Les enseignants font remarquer que cela leur permet de trouver réponse à leurs questions plus facilement, car ils sont soutenus tout au long de leur démarche. De plus, en expérimentant en contexte de classe, les enseignants mentionnent qu’il leur est plus facile de transférer ces acquis dans des contextes similaires.
L’accès limité aux écoles et les fermetures des infrastructures culturelles et scientifiques ont obligé les partenaires éducatifs à se réinventer. Depuis de nombreuses années, rappelons que l’ÉER travaille avec plusieurs partenaires extrascolaires qui interviennent à distance pour enrichir l’environnement d’apprentissage des classes (Allaire et Dumoulin, 2017; Allaire et Lusignan, 2015). Une recrudescence importante de propositions venant de partenaires culturels (musées, théâtres, auteurs, etc.) et scientifiques a, sans surprise, été observée. Ces partenaires souhaitent joindre les classes à distance et demandent du soutien pour formaliser leurs contenus en lien avec le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) et concevoir des activités qui répondent aux enjeux d’interaction avec les élèves.
L’expertise de l’ÉER en médiation culturelle et scientifique par l’adaptation des activités à distance interclasses est donc mise à profit. De nouvelles séquences d’activités ont été développées en ce sens avec ces partenaires pour permettre à un plus grand nombre de classes d’être rejointes. L’accès à des ressources éducatives constitue un élément sur lequel miser, car il permet aux classes de régions diversifiées d’être en contact avec ces organismes fort enrichissants. Des activités ont été proposées directement aux jeunes qui se sont branchés de la maison plutôt qu’en classe comme c’est habituellement le cas (École branchée, 2020). À la différence d’autres ressources, l’offre des activités en réseau ne se présente pas sous forme de vidéos ou d’activités en ligne. Il s’agit de favoriser les interactions entre les élèves, une façon de faire qui s’est avérée grandement appréciée par les parents et les élèves bien heureux de socialiser dans ce contexte. Sachant que la qualité de la relation enseignant-élève agit directement sur le niveau d’engagement des élèves ou qu’elle l’influence indirectement en agissant sur la motivation (Drolet, 2018), la distance, doit demeurer avant tout « humaine »!
C’est dans le besoin pressant d’offrir aux enseignants du préscolaire et du primaire des référents concrets sur l’apprentissage à distance que l’ÉER et la TELUQ ont développé, en collaboration avec d’autres acteurs scolaires, la formation J’enseigne à distance. Les pratiques novatrices ont inspiré de nouveaux moyens de (re)penser l’école et s’avèrent fort encourageantes dans le développement de collaborations futures entre le milieu universitaire et le milieu scolaire. D’une part, la proposition de contenus numériques et de réseaux professionnels appropriés, notamment les conseillers pédagogiques du RÉCIT, permettront aux enseignants de rester à l’affût des éléments nouveaux liés à leur domaine professionnel actuel ou futur et de répondre à leurs besoins en matière de formation continue (Pelletier et coll., sous presse; MEES, 2019). D’autre part, au printemps 2020, l’ouverture de la classe s’est élargie avec la participation d’étudiants du baccalauréat en enseignement des Arts de l’Université Laval qui ont poursuivi leur stage en virtuel en animant des activités pour les élèves à la maison. L’audace comme moteur d’innovation invite à repenser les cadres actuels et à surmonter les défis qu’on croit des barrières. En sortant du cadre habituel pour intégrer des activités plus courtes aux classes, mais qui ont comme retombées l’appropriation de la classe en réseau, les enseignants sont habilités à travailler autrement. Toutefois, un défi demeure : faire évoluer l’enseignant vers des activités plus intenses et signifiantes, pour rendre plus actifs les élèves dans leurs apprentissages.
Le présent article a mis en lumière des pistes de réflexion qu’il serait possible de concrétiser dès maintenant. Les retombées de la collaboration des différents milieux et des pratiques enseignantes pour soutenir les apprentissages des élèves dans J’enseigne à distance sont ainsi considérables en ce qui a trait aux connaissances et aux pratiques nouvelles des enseignantes dans un tel contexte (Pelletier et coll., sous presse). Pourtant, des questions demeurent quant à la place que pourra prendre la classe comodale (avec des élèves en classe et à la maison). Pourrait-elle devenir une nouvelle possibilité lors d’intempéries ou encore pour des élèves retirés, malades, en voyage ou présentant des cheminements atypiques? Pourrait-on offrir de nouvelles organisations de classes qui répondraient plus adéquatement aux besoins des apprenants?
Enfin, la classe à distance soulève aussi les limites et la complexité de l’évaluation centrée sur les connaissances, pourtant déjà révélée avant la pandémie (Conseil supérieur de l’éducation, 2018). Une évaluation contextualisée et authentique (Tremblay et Laferrière, 2021), à savoir réellement centrée sur les compétences, doit aussi être mise de l’avant en explorant des modalités différentes pour des usages gagnants du numérique dans l’évaluation.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2021
École en réseau : eer.qc.ca
Formation J’enseigne à distance : https://jenseigneadistance.teluq.ca/course/view.php?id=2
Allaire, S. et Dumoulin, C. (2017). De l’École en réseau à la Région éducative en réseau : la contribution des acteurs de la communauté à la réussite des élèves. Vivre le primaire, Hiver 2017, , 32-34.
Allaire, S., Laferrière, T., Gaudreault-Perron, J. et Hamel, C. (2009). Le développement professionnel des enseignants en contexte de mise en réseau de petites écoles rurales géographiquement distantes : au-delà de l’alphabétisation technologique. Revue de l’Enseignement à Distance, 23(3), 25-52. http://ijede.ca/index.php/jde/article/view/584
Allaire, S. et Lusignan, G. (2015). Enseigner et apprendre en réseau Guide pédagogique. Québec : CRIRES. https://lel.crires.ulaval.ca/sites/lel/files/allaire_lusignan_2015.pdf
Caillou, A., Lepage, G. et Wysocka, N. (2020). Tartelettes et réalité virtuelle. 6. Des stages atypiques. Le devoir 4 mai 2020. https://ledevoir.com/societe/578215/tartelettes-et-realite-virtuelle?fbclid=IwAR2S3QrW5lO5iiw_xQ5RBDsNJuxSwfu9C68bpFNYWW7PFJjmwzjqeRE4Gts
Carpentier, G et Sauvageau, C. (2021). L’environnement sociopédagogique des élèves du primaire en contexte d’enseignement distancié : perceptions d’élèves et enjeux d’enseignement. Webinaire du CRIFPE présenté le 17 février 2021.
Conseil supérieur de l’éducation. (2018). Évaluer pour que ça compte vraiment, Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2016-2018 Québec : Le conseil. https://cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2020/01/50-0508-RF-evaluer-compte-vraiment-REBE-16-18.pdf
Drolet, M. (2018). Analyse critique d’écrits scientifiques portant sur les liens entre la relation enseignant (e)- élève et l’engagement scolaire d’élèves du secondaire [essai de mémoire de maîtrise inédit]. Université de Sherbrooke.
École branchée. (2020, 24 avril). École en réseau pour poursuivre ou établir l’enseignement à distance. École Branchée.
Laferrière, T., Breuleux, A., Allaire, S., Hamel, C., Turcotte, S., Inchauspé, P. et Beaudoin, J. (2006). L’École éloignée en réseau (ÉÉR) Rapport final (Phase 2). Québec : Céfrio. https://eer.qc.ca/publication/1599171448197/eer-rapport-final-phase-2.pdf
Laferrière, T., Breuleux, A. et Inschauspé, P. (2004). Rapport de recherche final du projet L’École éloignée en réseau. Québec : CÉFRIO. Récupéré de https://eer.qc.ca/publication/1599169805412/eer-2004-rapport-de-recherche-final.pdf
Magny, A. (2020, 30 avril 2020). Cinq enseignantes et l’enseignement à distance. École Branchée.
Nadeau-Tremblay, S. et Turcotte, J. (2020, Automne). De la classe en réseau à la classe à distance au primaire. Vivre le primaire, 33(3), 71-73.
Pelletier, M.-A., Nadeau-Tremblay, S., Bissonnette, S., Richard, M. et Beaudoin, J. (sous presse). J’enseigne à distance : un levier pour le développement de la compétence numérique. Revue hybride de l’éducation.
Tremblay, M. et Laferrière, T. (2021). ÉCRAN, écran, quand tu nous tiens. La transformation nécessaire (?) de l’acte évaluatif. RIRE.
Un élément que la pandémie semble avoir mis en lumière est la nécessité, pour tout intervenant du milieu éducatif, d’entretenir une « gymnastique de développement professionnel » permettant de rester à l’affût de nouvelles approches, stratégies et ressources pédagogiques pouvant inclure le numérique. Cette posture professionnelle pourrait faciliter le réinvestissement rapide des apprentissages ou simplifier l’appropriation de nouveaux outils, sans donner le sentiment de devoir prendre les bouchées doubles ou triples en peu de temps.
Le développement professionnel est d’ailleurs maintenant une partie intégrante du cheminement de carrière de tout professionnel. Pour certains, il s’agit de répondre à des exigences normatives de la part de leur ordre professionnel; pour d’autres, d’assurer de façon autonome une mise à jour de leur pratique. Comme le mentionne Tardif (2018), au fil du temps, ce qu’un enseignant et d’autres professionnels ont appris à l’université lors de leur formation n’est aujourd’hui que la base nécessaire à l’apprentissage et à la maîtrise du savoir professionnel en cours de carrière. La question est donc de déterminer le « où », le « quand » et le « comment » permettant d’assurer ce développement professionnel.
Aux termes d’une recension des écrits importante dans le domaine du développement professionnel, Uwamariya et Mukamurera (2005) concluent sur « une idée commune » pour le milieu de l’éducation :
« (…) le développement professionnel est un processus de changement, de transformation, par lequel les enseignants parviennent peu à peu à améliorer leur pratique, à maîtriser leur travail et à se sentir à l’aise dans leur pratique » (Uwamariya et Mukamurera, 2005, p. 148).
C’est dans cette optique que cet article souhaite présenter une matrice du développement professionnel (Figure 1) développée par le CADRE21 et pouvant être abordée autant du point de vue du professionnel souhaitant prendre en main son développement que de l’angle du gestionnaire qui souhaite offrir des ressources en ce sens. La matrice permet aux différents acteurs de répertorier une grande variété de formes d’accompagnement dans une démarche de formation continue.
Autant le moment, le sujet abordé que l’objectifpoursuivi permettent de déterminer la forme du développement professionnel à mettre de l’avant. La matrice présente quatre quadrants qui reposent d’une part sur le type de soutien qui sera fourni au professionnel et de l’autre sur le cadre de réalisation associé à l’activité de développement professionnel.
Dans certains contextes, ces activités peuvent se réaliser de façon totalement autonome (autoformations en ligne, lectures, cours à distance, etc.) ou de façon dirigée (formation par un expert, congrès, conférence, etc.). Les deux formes peuvent avoir lieu lors de périodes prévues à cet égard, in situ, lors de journées de perfectionnement consacrées à cette fin (journée pédagogique ou thématique, évènement annuel, etc.). Mais il est aussi possible que ces activités se réalisent à d’autres moments choisis par le professionnel, selon son emploi du temps. Finalement, le choix du sujet peut être adapté aux besoins précis du professionnel (plan de développement, besoin ciblé, etc.) ou faire l’objet d’un consensus d’équipe ou d’un objectif de gestion.
Ainsi, le quadrant de la partie supérieure droite du schéma peut présenter un enseignant qui se fixe des objectifs personnels, en choisissant un sujet selon ses intérêts et dont les apprentissages pourront être réalisés à son rythme. À l’inverse, dans un contexte visant les échanges entre collègues, le quadrant de la partie supérieure gauche présente une approche où le sujet de la formation est contextualisé (selon la réalité du département, de l’équipe-matière, de l’équipe-école, etc.) et dont les apprentissages se feront dans un temps circonscrit et dans un lieu déterminé.
La matrice vise, entre autres, à proposer un développement professionnel qui :
Ainsi, cibler les besoins de développement professionnel du professionnel devient incontournable afin d’offrir des ressources variées pour répondre à ces besoins précis dans une formule adaptée selon le contexte de chacun. En ce qui a trait au leadership et à l’accompagnement en matière de développement professionnel, les gestionnaires doivent ensuite être au fait de dispositifs variés et souples pouvant être proposés aux professionnels tels que des conférences, de la formation en ligne, des communautés d’apprentissage professionnelles (CAP), de l’accompagnement ou de l’animation par un conseiller pédagogique, des ateliers, des lectures, des cours universitaires, des évènements ponctuels. Plusieurs travaux, dont ceux de Richard (2017), ont permis de rassembler quelques caractéristiques que partagent les programmes de formation continue les plus efficaces (Figure 2). L’une d’elles mentionne l’importance d’avoir des formations fondées sur des données probantes.
Une fois les ressources déterminées et partagées de façon à répondre aux besoins de développement professionnel manifestés par les enseignants, la reconnaissance de temps consacré à ces activités devient incontournable. La crise mondiale actuelle prendra fin un jour. Souhaitons que les nouveaux apprentissages réalisés dans l’urgence puissent contribuer à bonifier les pratiques futures, mais il est surtout souhaitable qu’il s’agisse d’une occasion de valoriser davantage le développement professionnel au sein de l’ensemble de la profession enseignante, tous ordres confondus.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2021
Richard, M. et collab. (2017). Quels sont les modèles de formation continue les plus efficaces pour l’enseignement de la lecture et de l’écriture chez les élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire? Une synthèse des connaissances, Québec, Université TÉLUQ, 69 p.
Stasse, S. (2020, 4 mai). À ne pas avoir pris le bateau, on nage pour le rattraper… Scholam. https://sebastienstasse.com/2020/05/04/le-bateau/
Stasse, S. (2020, 21 mai). Les multiples facettes du développement professionnel… Scholam. https://sebastienstasse.com/2020/05/21/les-multiples-facettes-du-dp/
Tardif, M. (2018). Travailler sur des êtres humains : objet du travail et développement professionnel. Dans J. Mukamurera, J.-F. Desbiens et T. Perez-Roux (dir.), Se développer comme professionnel dans les professions adressées à autrui (p. 31-62). Montréal (Québec) : Éditions JFD inc.
Uwamariya, A. et Mukamurera, J. (2005). Le concept de « développement professionnel » en enseignement : approches théoriques. Revue des sciences de l’éducation, 31(1), 133–155.
Et si…
Quelle année nous venons de vivre! Et si tout ce que nous vivons présentement était en train de nous préparer à dispenser l’éducation que nous espérons depuis si longtemps? À mon humble avis, dans l’optique d’un retour à la normale, nous sommes à une croisée des chemins déterminante. Quand on pense au niveau d’engagement des élèves, au taux de réussite ou à la quantité non négligeable d’élèves ayant un rythme d’apprentissage différent avant et pendant la pandémie, quand on pense à la santé mentale des adultes et des élèves présentement, je me dis qu’il serait sage de réfléchir et de repenser la place et le sens de l’éducation. Le sens. Que visons-nous en éducation? On a souvent l’impression que les élèves viennent à l’école pour entrer dans le moule, pour obéir, pour faire le travail ou pour performer. À certains moments de l’année, on peut aussi avoir l’impression que les élèves viennent à l’école pour regarder les adultes travailler. Il faut répondre aux exigences du système après tout. Et si le système était au service des êtres humains qui le fréquentent? Pour créer l’école de l’après-pandémie, il importe de réfléchir aux finalités de l’éducation. Et si la visée ultime du système était de propulser l’être?
Voici, selon mon expérience en tant qu’accompagnateur, cinq concepts importants et quelques questions de fond pour propulser le système d’éducation dans l’après-pandémie :
Il va sans dire qu’un système d’éducation de qualité nécessite un leadership d’impact. Pour moi, le leadership, c’est l’effet positif que nous avons sur notre devenir et sur le devenir des personnes autour de nous. Dans mon vécu, le point de départ en leadership, c’est l’intégrité. On ne peut pas exiger des autres ce qu’on n’exige pas de soi-même. Les gens apprennent davantage de nos actions que de nos paroles. Qu’avons-nous modelé jusqu’à présent depuis le début de la pandémie? De façon bien constructive, la question se pose parce que les adultes et les élèves autour de nous nous regardent et, depuis un an, ils apprennent comment agir et réagir en contexte de pandémie. Être modèle, ça ne veut pas dire essayer d’être quelqu’un d’autre. C’est être pleinement soi-même et vivre intentionnellement selon ses valeurs.
Quelles valeurs guideront nos actions au quotidien dans l’après-pandémie?
Dans Awaken The Giant Within, Tony Robbins affirme : « La qualité de votre vie reflète la qualité des questions que vous vous posez ». Habituellement en éducation, nous nous posons peu de questions, car nous « savons ». Dans la dernière année, nous avons eu une occasion en or d’être des modèles d’apprenants pour nos élèves. C’est probablement la chose la plus importante que nous ayons enseignée à nos élèves. Qu’est-ce qu’on fait quand on ne sait pas? Nous devons avoir l’humilité de reconnaître que nous ne savons pas tout. L’humilité favorise la remise en question et le travail d’équipe. Dans le doute, aurons-nous l’humilité de nous poser des questions comme :
Qu’est-ce qui nous échappe présentement?
Si la pandémie nous a appris une chose, c’est que nous sommes interdépendants. Ce n’est qu’ensemble que nous pouvons la combattre. Nos actions ont un impact sur la réalité des autres et sur l’environnement. Qui ne se rappelle pas avoir vu les images de Venise où nous pouvions voir le fond de l’eau après très peu de temps d’inactivité humaine. Comment cette situation se transfère-t-elle à l’éducation? Pour voir clair, il faut parfois prendre une pause pour réfléchir. Comment mes gestes ont-ils un effet sur les autres et sur notre environnement de travail? La transformation de l’éducation, ça commence par soi. Je dois donc prendre soin de moi, pour toi, pour nous. Et tu dois prendre soin de toi, pour moi, pour nous.
Comment allons-nous prendre soin de nous afin d’améliorer l’éducation?
En regardant le chemin parcouru jusqu’à maintenant, il est raisonnable d’affirmer que nous avons tous été déstabilisés par la pandémie. Mais quelle persévérance nous avons démontrée! Par exemple, certains disent qu’on a fait en quelques mois dix ans de progrès en matière d’intégration du numérique. D’autres affirment que la collaboration entre collègues n’a jamais été aussi présente. La pandémie nous aura permis de nous rallier autour de notre « pourquoi ». Parce que le « comment », lui, a changé. En effet, bon nombre de nos façons de faire ont été remises en question. Notre « pourquoi », quant à lui, donne son sens à tout ce que nous faisons et n’a jamais eu autant d’importance. Il est beaucoup plus facile de persévérer lorsque le « pourquoi » est clair.
Quel pourrait être notre « pourquoi » dans l’après-pandémie?
Le monde de l’éducation a changé de trajectoire en 2020. Des choses considérées comme immuables ont été les premières à bouger. Rappelons-nous, les épreuves ministérielles et les examens de fin d’année ont été annulés rapidement. Cette année, les systèmes éducatifs poursuivent dans la même veine. On diminue l’importance de la performance et on se donne le temps d’apprendre. On donne une place à la trajectoire. Comme dans la gestion de la pandémie, la courbe est plus importante que les données du jour. La trajectoire, la progression des élèves est plus importante que leurs résultats un jour donné. Est-ce ça innover? La pandémie nous ramène à l’essentiel, au processus : l’humain en devenir. Les humains ne sont pas faits pour être isolés et mesurés. En personne ou en ligne. Bref, on ne réduit pas les humains à leurs résultats. Pour devenir qui ils sont, pour réaliser leur potentiel, les humains ont besoin d’être placés dans des conditions favorables à leur épanouissement. L’innovation en éducation, nous le vivons, ce n’est pas une question d’outils ou de ressources. C’est une question de relations humaines, de processus et de pédagogie.
Dans l’école de l’après-pandémie, qu’est-ce qui change pour l’élève?
L’école de l’avant-pandémie n’existe plus. Or, nous en avons appris des choses au cours de la dernière année. Des choses que nous ne pouvons pas ignorer. En ce sens, j’aime bien cette citation de Platon : « On peut aisément pardonner à l’enfant qui a peur de l’obscurité; la vraie tragédie de la vie, c’est lorsque les hommes ont peur de la lumière ». Dans mon vécu en éducation, la peur nous prive du progrès beaucoup plus que les obstacles et les échecs.
Et si le retour à la normale signifiait un retour à l’humain?
N’ayons pas peur. Propulsons l’être.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2021
Les employés des écoles primaires et secondaires sont beaucoup plus exposés au stress chronique et à l’épuisement professionnel que ceux des autres professions. Cette situation a des répercussions non seulement sur leur santé, mais aussi sur le bienêtre et la réussite scolaire de leurs élèves. Elle entraîne également des coûts importants pour les conseils scolaires et centres de services et perturbe le recrutement des leaders, en plus de miner le moral des employés. En raison du stress supplémentaire causé par la pandémie, les écoles, les conseils scolaires et centres de services cherchent plus que jamais des moyens de soutenir leur personnel. Elles ont besoin de solutions qui s’attaquent aux problèmes sous-jacents, tels que les lourdes charges de travail et les cultures de travail toxiques.
Depuis 2019, le Réseau ÉdCan dirige une plateforme de sensibilisation appelée Bien dans mon travail afin de souligner la nécessité de faire du bienêtre du personnel scolaire une priorité absolue en matière de politiques et d’investissement. Depuis, notre organisme élargit son réseau et compte des membres en éducation, en recherche ainsi que des représentants de groupes canadiens qui se consacrent à améliorer le bienêtre des employés des écoles primaires et secondaires.
De 2021 à 2023, ÉdCan poursuivra ses initiatives de sensibilisation, mais s’efforcera surtout de catalyser ses interventions de concert avec une grande variété de partenaires de la plateforme Bien dans mon travail 2.0. À l’aide d’une approche non directive, les dirigeants et dirigeantes du milieu scolaire de tout le Canada qui sont prêts à passer à l’action bénéficieront de soutien afin d’élaborer et de mettre en œuvre des stratégies individuelles, organisationnelles et systémiques pour améliorer le bienêtre du personnel de la maternelle jusqu’à la fin du secondaire. Quatre solutions sont mises de l’avant :
ÉdCan remercie les 75 parties prenantes qui ont généreusement consacré du temps pour faire part de leur expertise et de leurs perspectives pendant l’élaboration de ces solutions. Nous sommes impatients de collaborer à nouveau pour accroître la capacité du réseau et coordonner les efforts des leaders du milieu scolaire, leur permettant ainsi de concevoir des actions adaptées à leur contexte qui soutiendront les efforts collectifs à long terme.
Nous communiquerons sous peu des détails sur Bien dans mon travail 2.0. Entre temps, vous pouvez parcourir notre catalogue grandissant de ressources sur le bienêtre au travail à : www.edcan.ca/well-at-work/?lang=fr.
Première publication dans Éducation Canada, juin 2021
La réalité évoquée par les auteures de cet article est celle de leur milieu scolaire qui bénéficiait en mars 2020 de ressources tant numériques qu’humaines pour soutenir l’apprentissage et l’enseignement à distance1. Tout ce qui a été accompli pour répondre au contexte sanitaire a certes été favorisé par les moyens mis à disposition de tous, mais il serait malhonnête de laisser croire pour autant que cela s’est fait sans heurts ni résistances.
C’est une première pour les générations actuelles d’avoir dû affronter à une pandémie planétaire ayant eu autant d’effets sur tous les aspects de la société. En effet, du jour au lendemain, nous avons été emportés dans une histoire dont le déroulement et l’issue nous échappaient. Les décisions gouvernementales et les aléas des mesures sanitaires impliquant la fermeture abrupte des écoles ont entraîné la perturbation des repères quotidiens dans tous les milieux scolaires. Plusieurs enseignants nous ont d’ailleurs rapporté un grand sentiment d’impuissance et de perte d’efficacité professionnelle allant même, pour certains, jusqu’à une crise d’identité2. L’acte d’enseigner étant avant tout une affaire de relations, le passage à l’enseignement à distance a donc été pour beaucoup une profonde remise en question de la pertinence de leur rôle.
Le legs de la pandémie sur l’éducation nous préoccupe d’autant que le milieu de l’éducation était déjà fragilisé par un taux d’abandon de la profession inquiétant3 et par un important taux de décrochage des élèves4. À ces préoccupations s’ajoute un constat : depuis des années existent des initiatives visant à transformer l’École, mais elles n’ont pas trouvé d’écho assez fort pour inspirer massivement le changement dans le système scolaire. Quelle suite allons-nous donc donner à cet épisode? Parviendrons-nous à trouver un équilibre entre passé et présent malgré une vision encore floue du futur et l’immense fatigue qui affecte les milieux scolaires? Saurons-nous éviter une « renormalisation » scolaire qui nous ramènerait inévitablement à une position précaire? Saurons-nous tirer profit de ce qui sera, au bout du compte, une parenthèse dans la longue histoire de l’École, pour faire émerger des propositions de remplacement ou complémentaires?
À quoi fait-on référence quand on parle de normalité scolaire? À un lieu physique précis, celui de l’espace de la classe ou plus largement de l’établissement scolaire; à une organisation du temps très cadrée, celle du calendrier scolaire et de l’horaire de classe; à des formes d’enseignement où les interactions sont en présence, y compris l’évaluation. Quand certains rêvent d’un retour à la normale, c’est de cette époque dont ils sont nostalgiques. Deux raisons semblent expliquer cette attitude de résistance : premièrement, l’alternance distance-présence impliquant l’enseignement à distance à partir de l’automne 2020 n’a pas touché de la même manière tous les enseignants. Pour certains, il n’existait donc pas de besoin qui les incite à questionner ou à modifier leurs pratiques. Deuxièmement, d’autres ont considéré qu’il n’y avait pas assez de bénéfices à les changer au regard des difficultés rencontrées ou encore qu’ils se sentaient dépassés par l’ampleur de la tâche. Pourtant, malgré ces résistances, plusieurs ont accepté de voir la crise qu’ils traversaient comme une occasion de faire autrement et tout porte à croire que, pour eux, rien ne sera plus comme avant. En effet, les défis de l’enseignement à distance ont démontré la nécessité de scénariser la séquence d’apprentissage autour d’une intention pédagogique claire et de savoirs essentiels à prioriser en contexte, réflexe qui était loin d’être si naturel auparavant. De nouvelles approches et modalités d’interventions ont donc été expérimentées, ce qui a permis de constater souvent des effets positifs des changements apportés sur la réussite des élèves. À titre d’exemple, celui de la rétroaction : de nombreux enseignants s’entendent sur le fait que celle qu’ils donnent désormais à leurs élèves, optimisée par l’usage d’outils numériques (GoFormative, Wooclap, Nearpod, Flipgrid…), a gagné en efficacité et en utilité. En effet, d’une part, les outils numériques favorisent une rétroaction instantanée, ce qui permet d’agir rapidement auprès d’un élève ou d’un groupe. D’autre part, les élèves se sont montrés particulièrement réceptifs aux commentaires vocaux laissés par leurs enseignants car cela leur donnait l’impression de recevoir des conseils qu’ils auraient obtenus lors d’un dialogue un à un. Grâce à cette ouverture et à cette prise de risque de la part de certains enseignants, ils ont pu trouver des réponses concrètes à des situations problématiques, ce qui a eu pour conséquence un regain de confiance et d’estime de soi dans leur capacité d’innovation.
Aussi, ce que nous avons remarqué dans notre école, c’est que certains enseignants n’étaient pas forcément des experts en technologie. Cependant, ils ont su s’autoformer ou solliciter les ressources pour ajuster leurs pratiques5. Les initiatives inspirantes de ces enseignants6 suffiront-elles néanmoins pour provoquer le changement auprès de leurs collègues, et rêvons un peu… auprès des instances ministérielles? Localement, pour encourager l’innovation et la porter plus loin, nous recommandons que les directions scolaires tiennent compte des effets positifs du partage de pratiques entre pairs et de la collaboration pédagogique entre collègues. Elles devraient aussi mettre en place des structures qui les favorisent (mentorat, groupe d’entraide professionnelle, communauté d’apprentissage professionnelle, rencontre d’accompagnement pédagogique, etc.).
Dans les médias, nous entendons souvent parler des élèves qui ont cumulé des retards importants, qui ont perdu leur motivation ou qui ont développé des problèmes de santé mentale. Ces propos nous amènent à faire deux constats : d’une part, ces élèves n’étaient pas suffisamment outillés pour faire face à ce chamboulement des pratiques pédagogiques. D’autre part, a contrario, cette crise semble avoir eu des impacts positifs sur certains. Revenons à il y a plus de vingt ans au Québec : à cette époque, le milieu scolaire a vécu une profonde réforme des programmes qui s’est traduite par la mise en place d’un enseignement et d’une approche évaluative centrés sur le développement de compétences tant disciplinaires que transversales. Par ailleurs, depuis quelques années, nombre d’études internationales ont souligné la nécessité de développer des compétences qui permettraient aux élèves de faire face aux principaux défis de notre époque, compétences qui ont été identifiées comme celles du XXIe siècle. Ironie du sort, la crise actuelle a montré la nécessité absolue de développer ces compétences transversales, tant décriées et mises
de côtés il y a vingt ans. On a d’ailleurs constaté, par exemple, que les élèves qui avaient développé avant la pandémie leur capacité à résoudre des problèmes, leur pensée créative et leur autonomie, avaient un net avantage sur ceux qui n’avaient pas autant d’habiletés au niveau de l’organisation de leur travail. Durant cette pandémie, nos élèves auront certainement beaucoup appris, ayant été confrontés à des situations inconnues de leurs prédécesseurs. Il sera donc primordial que le réseau de l’éducation reconnaisse et promeuve la pertinence de ces compétences auprès de tous les intervenants scolaires, quitte à les actualiser au regard de ce qui a été vécu depuis un an. Il sera aussi essentiel qu’on les intègre dans le parcours de formation initiale et continue des enseignants parce qu’il ne suffira plus que ceux-ci en facilitent l’acquisition chez leurs élèves. Il faudra également qu’ils les possèdent eux-mêmes, d’où l’importance de soutenir les activités de développement professionnel sur une base continue et le déploiement de communautés d’apprentissage professionnelles sur une base locale.
Beaucoup d’initiatives ont été mises en place par les directions d’établissements scolaires et par le ministère de l’Éducation pour soutenir la formation des enseignants et pour rattraper les retards importants que certains élèves auraient subis dans leurs apprentissages. Voici ce que nous aimerions voir perdurer dans les prochaines années :
À quelques semaines de la fin de cette année scolaire très mouvementée, nous aimerions imaginer un dénouement positif qui évitera l’évaporation cognitive d’ici septembre 2021. Tout ce que nous avons gagné durant cette crise doit servir à transformer l’École pour qu’elle s’ancre enfin dans son époque. Antoine de Saint- Exupéry a écrit : « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le coeur de tes hommes et femmes le désir de la mer. ». C’est notre plus grand souhait pour l’avenir.
1 Dans les faits, cela signifie qu’enseignants comme éléves disposaient d’outils numériques (tablettes ou ordinateurs portables, applications numériques et plateformes d’apprentissage, etc.) et que ces milieux disposaient également de ressources humaines (technopédagogues, conseillers pédagogiques ou autre personnel de soutien à la pédagogie) pour accompagner et aider à l’appropriation des outils et à la réflexion que leurs usages supposent.
2 Voir les recherches d’Albert Bandura sur le sentiment d’efficacité personnelle, notamment : Bandura, A., (trad. Jacques Lecomte), Autoefficacité : Le sentiment d’efficacité personnelle [« Self-efficacy »], Paris, De Boeck, 2007, 2e éd. (1re éd. 2003)
3 Pierre Canisius Kamanzi, Maurice Tardif et Claude Lessard (2013). Les enseignants canadiens à risque de décrochage : portrait général et comparaison entre les régions. Repéré à https://erudit.org/fr/revues/mee/2015-v38-n1-mee02527/1036551ar/
Réseau d’information pour la réussite éducative (2019). Pour quelles raisons les nouveaux enseignants d.crochent-ils? Repéré à http://rire.ctreq.qc.ca/2019/07/pour-quelles-raisons-les-nouveauxenseignants-decrochent-ils/
4 Réseau d’information pour la réussite éducative (2018). Quatre pistes d’action pour contrer le décrochage scolaire. Repéré à http://rire.ctreq.qc.ca/2018/06/quatre-pistes-daction-contrerdecrochage-scolaire/
5 Les enseignants ont pu recourir à des autoformations, notamment celles offertes et élaborées par la TELUQ, le Cadre21, l’École branchée et le RÉCIT.
6 Nous faisons allusion ici au concept d’empowerment individuel et collectif tel que William A. Ninacs l’a développé notamment dans Empowerment et intervention : Développement de la capacité d’agir et de la solidarité. Québec. Les presses de l’Université Laval.
7 Voir la d.marche et les outils déposés sur le site J’enseigne à distance, TELUQ, 2020. Voir aussi Précis d’ingénierie pédagogique de Manuel Musial et Andr. Tricot. Les auteurs proposent une théorie de l’ingénierie pédagogique en 3 actes : l’acte d’apprendre, l’acte d’enseigner et l’acte de concevoir un enseignement. Ils fournissent aussi de nombreux exemples pour soutenir sa mise en œuvre.
8 Voir le Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2016-2018, Évaluer pour que .a compte vraiment, Conseil Supérieur de l’Éducation, 2019. Voir aussi la présentation de l’atelier « Des outils pour évaluer différemment : comment le numérique peut-il être au service réel des apprentissages ? » animé par Laurie Bédard, Conseillère pédagogique au RECIT CSDA et Josée Portelance, Conseillère pédagogique en intégration du numérique au CSDA, à l’AQEP 2019. Repéré à https://bit.ly/aqep213_2019
9 Coéducation, Quelle place pour les parents ?, Revue de l’IFE, Lyon, 2015. Voir aussi l’accompagnement et les ressources propos.s en coéducation par le magazine « L’École branchée » : https://ecolebranchee.com/famille/
Étant donné la complexité sans cesse croissante du paysage financier (remboursement de dettes, hypothèque, marge de crédit, épargne-retraite), les enfants et les adolescents doivent posséder un vaste éventail de compétences et de connaissances pour prendre des décisions financières éclairées qui leur serviront toute leur vie. L’école est le lieu par excellence pour renforcer les compétences financières des élèves à l’aide entre autres de leçons pratiques. D’après les études, l’éducation financière semble améliorer la confiance financière et favoriser les comportements positifs, tels que l’épargne et les placements, qui permettent d’avoir le contrôle de ses finances et la liberté de faire des choix pour profiter de la vie.
Les compétences financières sont un sujet complexe, mais en l’abordant tôt avec les enfants, on peut les aider à comprendre la valeur de l’argent. On peut par exemple leur demander ce qu’ils achèteraient s’ils économisaient leur argent plutôt que de le dépenser en jouets ou en gâteries. Des expressions imagées du style « L’argent ne pousse pas dans les arbres, mais en le mettant à la banque il peut pousser comme un arbre » sont une bonne façon d’aborder l’argent avec les jeunes enfants.
L’apprentissage par la pratique et la rétroaction, surtout la rétroaction négative, donne de meilleurs résultats que l’apprentissage tiré d’un livre. Vous pouvez, par exemple, créer de fausses cartes de crédit ou un portefeuille de placements factice dont les élèves suivront l’évolution. Les parents peuvent aussi impliquer leurs enfants dans le suivi des dépenses et des comptes, ce qui peut leur donner de bonnes habitudes financières.
L’éducation financière peut facilement être intégrée à des matières déjà au programme comme les mathématiques et les sciences sociales. Les jeux vidéo et les applications peuvent rendre l’expérience plus interactive pour les jeunes et leur permettre d’apprendre comment prendre de bonnes décisions, de recevoir une rétroaction et de comprendre les conséquences de leurs choix (positifs et négatifs).
Les élèves devront sous peu prendre leurs propres décisions financières. Les deux dernières années du secondaire sont un bon moment pour aborder entre autres les cartes de débit, les comptes à payer, les dettes, le budget et l’épargne. C’est aussi le temps d’approfondir les discussions et d’aborder les tabous sociaux et culturels autour de l’argent qui nous empêchent souvent d’aborder le sujet (p. ex., les croyances selon lesquelles ces discussions nous rendent vulnérables et nous exposent au jugement). En encourageant l’ouverture, vous favorisez une meilleure confiance dans les décisions financières.
Le renforcement des connaissances financières chez les élèves est non seulement essentiel à la compréhension de leurs finances personnelles, mais aussi à leur futur rôle dans l’économie locale et mondiale en tant que consommateurs, employés et employeurs. Les enseignants et les parents ont un rôle important à jouer pour munir les élèves du savoir et des compétences nécessaires à la prise de saines décisions financières. L’établissement d’objectifs simples, adaptés à l’âge des enfants et axés sur la valeur de l’argent, l’importance d’un budget et de l’épargne ainsi que sur l’évaluation des conséquences des décisions financières, préparent les élèves à devenir des adultes confiants sur le plan financier.
Child and Youth Finance International: https://childfinanceinternational.org/
Financial Literacy in Canada: https://www.canada.ca/en/financial-consumer-agency/programs/financial-literacy.html
Global Financial Literacy Excellence Centre: https://gflec.org/
FuturFund: http://www.futurfund.org/
PlayMoolah: http://www.playmoolah.com/
Alsemgeest L. Talking about money is taboo: Perceptions of financial planning students and implications for the financial planning industry. Industry and Higher Education. 2016;30(6):394-401. doi:10.1177/0950422216670065
Amagir A, Groot W, Maassen van den Brink H, Wilschut A. A review of financial-literacy education programs for children and adolescents. Citizenship, Social and Economics Education. 2018;17(1):56-80. doi:10.1177/2047173417719555
Atkinson, A. and F. Messy (2013), “Promoting Financial Inclusion through Financial Education: OECD/INFE Evidence, Policies and Practice”, OECD Working Papers on Finance, Insurance and Private Pensions, No. 34, OECD Publishing, Paris, https://doi.org/10.1787/5k3xz6m88smp-en.
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Te’eni-Harari, T. (2016), “Financial literacy among children: the role of involvement in saving money”, Young Consumers, Vol. 17 No. 2, pp. 197-208. https://doi.org/10.1108/YC-01-2016-00579
Le Canada est connu dans le monde entier comme un pays bilingue. Il y a 12 ans, lorsque je suis venue m’y installer en provenance du Brésil pour poursuivre mes études supérieures, je croyais que la plupart des Canadiens parleraient français et anglais, mais j’ai rapidement réalisé que ce n’était pas le cas. Je vivais à Toronto, en Ontario, et lorsque je rencontrais des gens qui avaient grandi dans cette ville, je voyais qu’ils se considéraient comme anglophones, même si certains d’entre eux parlaient un peu français. D’autres, qui avaient immigré au Canada, étaient plurilingues : ils parlaient deux, trois et même quatre langues à divers degrés de compétence. Bien que je connaisse le portugais, l’espagnol, l’anglais et l’italien, je n’ai jamais été considérée comme une personne bilingue au Canada, car je ne parle toujours pas parfaitement français. Dans le discours populaire, ici, la notion de bilinguisme n’accorde de valeur qu’aux deux langues officielles. Et même si vous parlez les deux, vous devez le faire comme si vous étiez né ici sinon, on vous retirera votre identité de personne bilingue. Ces enjeux engendrent une anxiété et une insécurité linguistiques et mettent à mal la motivation des gens à apprendre d’autres langues. Il est temps de repenser ce que signifie le bilinguisme, de reconnaître que le Canada est un pays multilingue et de se concentrer sur une éducation langagière innovante.
Le Canada n’est plus un pays bilingue. Il est multilingue. En fait, il est multilingue depuis l’époque précoloniale. En plus des deux langues officielles, 60 langues autochtones et plus de 140 langues d’immigrants sont intimement liées au paysage canadien. Récemment, sur une période de cinq ans seulement, on a assisté au Canada à une augmentation de 13,3 pour cent du nombre de personnes parlant une langue immigrante, et près de 20 pour cent des résidents canadiens parlant plus d’une langue à la maison (Statistique Canada, 2016). Depuis que le gouvernement fédéral a annoncé qu’il compte accueillir plus de 1,2 million d’immigrants d’ici la fin de 2023, cette réalité multilinguistique ne fera que s’affirmer (Harris, 2020). En fait, le multilinguisme est un phénomène planétaire, maintenant sous le feu des projecteurs en raison des récentes tendances en matière de mobilité, de voyages, d’internationalisation de l’éducation, d’efforts de revitalisation des langues (UNESCO, 2019) et d’exigences liées au télétravail dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Tous ces facteurs contribuent à faire en sorte que les gens utilisent des langues différentes à la maison, sur le Web et dans leurs diverses communautés.
À l’école, les jeunes Canadiens sont habitués à la diversité linguistique et culturelle, à l’extérieur de leur classe à tout le moins : ils peuvent lire un livre en anglais, écouter de la pop coréenne, mélanger les langues dans le cadre de leurs interactions avec les autres en ligne ou dans des jeux de rôles et écouter leurs grands-parents leur parler dans des langues qui font partie de leur patrimoine familial. Ils sont peut-être loin de maîtriser chacune de ces langues, mais ils y sont quand même exposés. Le multilinguisme est en hausse, au Canada comme ailleurs, et nous devons innover dans notre façon d’enseigner les langues et dans la manière dont les enseignants voient leurs élèves. En fait, il ne suffit pas de préparer les jeunes à apprendre uniquement les deux langues officielles du Canada. Le Canada doit aller au-delà du bilinguisme français-anglais et évoluer vers l’enseignement qui permettra aux jeunes d’acquérir des compétences plurilingues et pluriculturelles; encourager les élèves à être non seulement tolérants à l’égard de la diversité linguistique et culturelle, mais aussi à apprendre d’autres langues, à devenir des agents actifs de changements sociaux et à revendiquer un monde plus inclusif sur les plans linguistique et culturel. L’un des objectifs de développement durable des Nations Unies pour un avenir meilleur consiste à offrir une éducation inclusive, équitable et de qualité pour tous, et en matière d’éducation linguistique, l’un des moyens d’y parvenir est de mettre en place une approche plurilinguistique dans la classe.
Premièrement, quelle est la différence entre le multilinguisme et le plurilinguisme? Une distinction bien utile a été proposée dans des publications de 2020 du Conseil de l’Europe, dans lesquelles on explique que le multilinguisme est la coexistence de plusieurs langues dans une même société, alors que le plurilinguisme est le développement dynamique du répertoire linguistique d’une personne. Au Canada, notre société compte plus de 200 langues (multilinguisme), alors que les personnes peuvent compter plusieurs langues à leur répertoire (plurilinguisme). Une personne peut par exemple parler couramment l’anglais, comprendre diverses formes d’anglais (celui de Terre-Neuve-et-Labrador et celui d’Afrique du Sud, par exemple), parler un peu cri et un peu espagnol, et être en cours d’apprentissage de diverses formes de français (celui de France, du Québec et d’Haïti (créole), par exemple). En éducation, une approche plurilinguistique encourage le développement de ce répertoire et des cultures qui y sont associées. On a longtemps suggéré que les langues et les cultures sont inséparables (Galante, 2020). Cela veut dire que lorsqu’on apprend une langue, on apprend aussi la culture, les traditions, les comportements et les croyances qui s’y rattachent et la façon dont cette langue est utilisée dans les diverses cultures et différents contextes.
Cette approche peut paraître compliquée, mais elle ne l’est pas. En fait, certains enseignants peuvent déjà enseigner, du moins implicitement, à l’aide d’une approche plurilinguistique, sans en explorer le plein potentiel. Il est possible également qu’ils perçoivent leurs élèves comme de simples apprenants d’une langue en particulier (des élèves qui apprennent l’anglais, par exemple), ou comme des jeunes bilingues, et non comme des citoyens plurilingues et pluriculturels. Alors, que doivent faire les enseignants pour se lancer sur cette voie? Voici trois idées de départ :
Figure 1 Portrait linguistique, reproduit de Galante, 2019
Ces trois exemples sont peut-être familiers auprès de certains enseignants alors que pour d’autres, de telles approches peuvent trancher radicalement avec ce qu’ils font habituellement. Alors, pourquoi les enseignants devraient-ils essayer une approche plurilinguistique? Dans la première partie de cet article, j’ai livré des arguments appuyés par l’augmentation du multilinguisme au Canada et dans le monde. Ci-dessous, je propose des arguments appuyés par des recherches récentes.
De nombreuses études menées dans diverses classes d’enseignement linguistique (anglais langue seconde, français langue seconde, immersion, programmes bilingues, etc.) et dans divers pays suggèrent que l’éducation plurilinguistique présente de nombreux avantages, dont le développement du langage, de l’empathie, de l’estime de soi, de la cognition et de la motivation. Dans le cadre de mes propres travaux (2020), je me suis penchée sur les perceptions des enseignants à l’égard de l’approche multilinguistique dans une classe d’anglais comparativement à une approche monolinguistique (anglais seulement). Sept enseignants ont participé à l’étude et ont enseigné à deux classes à l’aide de deux approches distinctes : approche plurilinguistique dans une classe, et anglais seulement dans l’autre, et ce, pendant quatre mois. Le contenu livré était similaire, mais l’approche était différente et les enseignants n’avaient pas à modifier tout le curriculum pour appliquer l’approche multilinguistique. En fait, ceux-ci proposaient chaque semaine une tâche de nature multilinguistique d’une durée de 30 à 40 minutes, alors que dans l’autre classe, on livrait un contenu similaire, avec une tâche proposée en anglais uniquement. Lors des entrevues avec les enseignants à la fin du programme, ceux-ci ont dit préférer, à l’unanimité, l’approche multilinguistique au lieu de l’anglais seulement. Pour ces enseignants, une approche multilinguistique :
Les enseignants ont aussi souligné qu’ils n’avaient pas à être polyglottes pour utiliser une approche plurilinguistique, et que même les enseignants qui estiment ne parler qu’une seule langue peuvent et devraient essayer une telle approche dans leur classe.
Compte tenu des tendances multilingues au Canada et des récents appels à la prestation d’une éducation inclusive pour tous les élèves, des approches pédagogiques novatrices qui les préparent à communiquer dans plusieurs langues, cultures et contextes sont maintenant nécessaires. Les gens continueront de communiquer en personne et en ligne, et d’être en mesure d’utiliser leur répertoire pour comprendre comment la langue et la culture peuvent varier selon les divers contextes. Il importe d’être ouvert à plus d’apprentissages langagiers et culturels et toute société qui se dit inclusive doit militer pour l’inclusivité linguistique et culturelle dans les écoles et dans d’autres espaces. Si nous voulons mieux préparer nos élèves aux réalités du multilinguisme canadien actuel et futur, un changement doit s’opérer rapidement. Le Canada dispose d’une chance unique de demeurer un chef de file de l’éducation langagière, mais il doit voir au-delà du seul bilinguisme et encourager les Canadiens à devenir des citoyens multilingues. Soutenir le plurilinguisme ne mettra pas en péril les langues déjà présentes au Canada, mais marquera une ouverture dans la dichotomie français-anglais et dans le discours populaire voulant que notre pays soit bilingue. Le Canada est bien plus que cela.
Pour plus d’études de recherche et de ressource sur la question, consultez le site Web du Plurilingual Lab de l’Université McGill.
Photo de bannière : Adobe Stock
Lisez les autres articles de ce numéro
Conseil de l’Europe. (2020). Cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer – volume complémentaire. Éditions du Conseil de l’Europe.
https://www.coe.int/fr/web/common-european-framework-reference-languages
Galante, A. (2020). Plurilingual and pluricultural competence (PPC) scale: The inseparability of language and culture. International Journal of Multilingualism.
https://doi.org/10.1080/14790718.2020.1753747
Galante, A. (2019). “The moment I realized I am plurilingual” : Plurilingual tasks for creative representations in EAP at a Canadien university. Applied Linguistics Review, 11(4), 551–580.
Galante, A., Okubo, K., Cole, C., Abd Elkader, N., Wilkinson, C., Carozza, N., Wotton, C., et Vasic, J. (2020). “English-only is not the way to go:” Teachers’ perceptions of plurilingual instruction in an English program at a Canadien university TESOL Quarterly Journal.
https://doi.org/10.1002/tesq.584
Harris, K. (30 octobre 2020). Federal government plans to bring in more than 1.2M immigrants in next 3 years. CBC News.
https://bit.ly/2IsfpJW
Statistique Canada. (2016). Diversité linguistique et plurilinguisme au sein des foyers canadiens.
https://bit.ly/3kAzFpn
UNESCO. (2019). International literacy day 2019: Revisiting literacy and multilinguism, background paper.
https://bit.ly/2IBL23B
United World Schools. (n.d.). UN sustainable development goals: Our role.
https://bit.ly/2IzVFDF
Nous avons devant nous une occasion unique d’inspirer et de mobiliser nos élèves afin qu’ils s’attaquent aux enjeux les plus préoccupants du monde actuel, tels que les définissent les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Les ODD fournissent aux pédagogues un canevas exceptionnel pour l’intégration dans leurs programmes d’études des enjeux planétaires nécessitant une expertise et des solutions collectives. Dans cet article, je partage mon expérience de l’intégration des ODD dans l’un de mes cours pour aider les élèves à réaliser leur mission de vie et leur objectif de carrière. Bien que l’exemple que je donne ait été utilisé dans un contexte postsecondaire comme cadre de référence à la formation au cheminement de carrière, mon intention est de vous inciter à réfléchir à la manière dont vous pourriez incorporer une approche similaire pour aider vos élèves de la maternelle au secondaire V (douzième année) à s’imprégner de ces sujets essentiels et à les relier à leurs propres aspirations professionnelles.
Je donne un cours de transition postuniversitaire à l’Université Fraser Valley et à l’Université polytechnique Kwantlen, en Colombie-Britannique. Ce cours vise principalement à bien préparer les étudiants à poursuivre leur parcours professionnel après l’obtention de leur diplôme d’études postsecondaires. J’ai choisi d’utiliser les ODD comme cadre de référence pour aider mes étudiants à réfléchir à trois questions ambitieuses qui peuvent évoquer des valeurs personnelles et leur sens du devoir :
Plutôt que de consacrer un unique cours magistral à toutes ces questions, j’ai choisi de les intégrer à degrés divers dans des missions et des activités échelonnées tout au long de l’année. J’ai notamment choisi de les structurer sous forme de « devoirs renouvelables » en mesure d’apporter une plus-value et d’avoir un impact au-delà du cours, par opposition aux « devoirs jetables » que les étudiants mettent de côté une fois terminés.
L’effet a été immédiat; le contenu les a captivés et ils se sont plongés dans leurs devoirs et activités. Comme l’a fait remarquer une étudiante :
« Ce cours [et les composantes des ODD] m’a permis de me concentrer davantage sur mon rêve d’être plus qu’une enseignante… de faire en sorte que les enfants reçoivent plus qu’une éducation de qualité… [qu’ils] ne soient pas privés de nourriture, [qu’ils] aient accès à de l’eau potable, [qu’ils] soient en bonne santé (mentalement, physiquement et émotionnellement), [qu’ils] soient égaux et qu’ils acquièrent les compétences nécessaires pour s’épanouir dans leur communauté. »
De nombreux étudiants se sont par ailleurs retrouvés dans le commentaire de l’une de leurs camarades sur l’introduction des ODD dans le système de la maternelle au secondaire V :
« J’ai trouvé surprenant que les ODD… (ou leurs prédécesseurs, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) n’aient pas été introduits plus tôt dans mon cursus, voire même lorsque j’étais à l’école primaire et secondaire! Les connaître plus tôt m’aurait aidée à mieux rapprocher ce que je veux apprendre des façons d’aider ma communauté. »
Je suis d’accord avec cette étudiante pour dire qu’il est possible et nécessaire d’aborder les ODD à un plus jeune âge. J’ai décrit ci-dessous trois devoirs qui ont particulièrement plu à mes étudiants, ainsi que des idées pour les adapter à l’environnement de la maternelle au secondaire V :
Recherche professionnelle
Dans le cours, il est proposé aux étudiants de rechercher des informations sur le marché du travail en lien avec leurs aspirations professionnelles, au moyen de moteurs de recherche comme la Classification nationale des professions du gouvernement du Canada (à l’échelon national) et le WorkBC’s Labour Market Information Office (à l’échelon provincial). Quelles sont les compétences, les études et l’expérience requises pour accéder à cette profession? Quelles pourraient être leurs perspectives de carrière aux niveaux national et provincial? Après avoir effectué cette recherche, les étudiants sont invités à déterminer lesquels des 17 ODD leur profession ou spécialisation pourrait cibler et de quelle façon elle pourrait le faire.
Pertinence pour les élèves de la maternelle au secondaire V : Ce devoir et les activités associées sont probablement adaptés aux élèves de la fin du secondaire, car ils les aident à développer leurs compétences en matière de recherche et leur esprit critique. Les étudiants peuvent également profiter de l’occasion pour découvrir différents types de travail— tant en ce qui a trait aux emplois rémunérés qu’au bénévolat ou autres services non rémunérés—qui appuient directement un ou plusieurs ODD ou qui ont des liens avec ceux-ci et, ce faisant, comprennent davantage à quel point les professions peuvent être diverses et variées.
Entretiens d’information
Dans le cadre du projet d’entretiens d’information, les étudiants s’entretiennent avec trois personnes qui, selon eux, peuvent leur donner un aperçu du type de travail qu’ils envisagent. Ils réfléchissent ensuite à ces conversations. L’une des questions intégrées au projet les invite à la réflexion en leur demandant d’une part d’examiner les thèmes communs qui sont ressortis de leurs conversations, et d’autre part de déterminer comment, à leurs yeux, ces thèmes et ces personnes sont porteurs de perspectives nouvelles sur les ODD.
Pertinence pour les élèves de la maternelle au secondaire V : Il est possible d’adapter ce devoir à un niveau scolaire bien précis : les enseignants peuvent fournir une liste de questions à poser aux élèves les plus jeunes et autonomiser les élèves les plus âgés en les encourageant à générer leurs propres questions. Ce travail peut être comparable à une activité professionnelle dans le cadre de laquelle les enseignants invitent des conférenciers à venir en classe pour parler de leur profession, ce qui donne lieu à un entretien d’information de groupe où tous les élèves peuvent poser des questions. Un élève intéressé par le métier d’électricien peut ainsi interviewer une électricienne et apprendre qu’elle soutient, explicitement ou sans s’en douter, le 11e ODD : Villes et communautés durables, en s’approvisionnant localement et en utilisant des matériaux locaux sur ses chantiers, ainsi que le 5e ODD : Égalité entre les sexes, par son travail de défense des intérêts des femmes au sein de son association professionnelle. Si un lien évident n’est pas immédiatement établi, l’élève et le professionnel peuvent engager une conversation sur la manière dont une personne travaillant dans la profession pourrait éventuellement aligner son travail sur l’un des ODD. Une possibilité d’enseignement à double sens voit alors le jour, où l’élève peut à son tour éduquer le professionnel sur les ODD.
Lettre de mission
Les étudiants rédigent leur lettre de mission et l’ajoutent à leur portfolio électronique. Lors du processus de rédaction, ils se posent les questions suivantes : Quel travail souhaitent-ils accomplir? Pour qui effectuent-ils ce travail? Et dans quelle mesure les ODD sont-ils davantage susceptibles d’être atteints grâce à leur travail? La dernière question leur permet encore une fois de s’inspirer des ODD, de discuter de l’objectif suprême et de mettre ce dernier en parallèle avec leur profession et leur travail idéaux.
Pertinence pour les élèves de la maternelle au secondaire V : Les enseignants peuvent adapter la portée de ce projet en fonction du niveau scolaire des élèves afin qu’ils identifient ce qu’ils peuvent faire dans leur propre vie pour aider à faire progresser un ou plusieurs des ODD; une sorte de charte. Ce projet peut également s’aligner sur un projet de recherche sur la manière dont on peut avoir un impact spécifique dans sa communauté locale (école ou quartier).
Les ODD peuvent servir de cadre de référence pour la formation au cheminement de carrière. À terme, les élèves génèrent ainsi des idées sur les professions qu’ils aimeraient exercer. L’utilisation des ODD des Nations unies comme cadre de référence les aide à élargir leurs aspirations professionnelles actuelles en leur posant la question suivante : « À quel des ODD pensez-vous pouvoir contribuer en travaillant dans le secteur de votre choix, et comment? » Ce faisant, ils peuvent inscrire leurs aspirations professionnelles dans le cadre d’un but plus large, lequel peut également être un facteur de motivation pour la réalisation des devoirs et lors de l’évaluation des options au-delà du secondaire. En outre, les ODD peuvent aider les élèves qui ne sont pas sûrs de leurs objectifs professionnels à répondre à la question suivante : « Quelle est la cause qui me passionne et comment puis-je contribuer à cette cause, que ce soit par le biais d’un travail rémunéré ou du bénévolat? »
J’aimerais donner quelques conseils aux pédagogues qui souhaitent intégrer les ODD dans leur programme d’études afin d’améliorer le cheminement de carrière de leurs élèves :
Dans le cas de mes étudiants, la réponse a été très positive. Des étudiants et des diplômés m’ont dit qu’ils intégraient les ODD dans leurs demandes d’emploi et d’études supérieures, et qu’ils les mentionnaient même lors des entretiens d’embauche et d’admission.
Cette citation d’une étudiante révèle l’impact apparemment déterminant qu’a eu l’intégration des ODD dans mon programme d’études :
« Une chose que j’ai apprise sur moi-même par rapport aux ODD des Nations Unies est qu’il n’est pas facile d’atteindre ces objectifs tout de suite, et que cela prend du temps… La façon dont je traite les autres et les actions que j’entreprends reposent toujours sur la paix et la justice, car tout le monde devrait être traité de la même façon et devrait pouvoir avoir droit à une deuxième chance pour apprendre de ses erreurs. »
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Lisez les autres articles de ce numéro
Commission canadienne pour l’UNESCO (2020). Trousse pour les enseignant.e.s : Réseau des écoles de l’UNESCO au Canada. UNESCO.
https://fr.ccunesco.ca/-/media/Files/Unesco/Resources/2020/04/TrousseEnseignantsEcolesUNESCO.pdf
Saskatchewan Council for International Cooperation (2021). Online global citizenship education resources.
www.saskcic.org/education_resources_collection
Le Centre de services scolaire Marguerite Bourgeoys (CSSMB) est situé dans l’ouest de la ville de Montréal. Avec plus de 100 écoles et établissements, il s’agit du 2e plus important centre de services scolaire (CSS) au Québec. Notre territoire est divisé en sept réseaux. Chacun de ces regroupements accueille une ou deux écoles secondaires et leurs écoles primaires nourricières. Cette structure assure la cohérence des interventions auprès des clientèles vivant dans des secteurs relativement homogènes. Les cadres et les pédagogues des deux niveaux entretiennent des liens étroits, lesquels facilitent le passage des élèves du primaire au secondaire. Un exemple parmi d’autres dans le cadre de l’activité Amène ton parent au théâtre, des élèves du primaire, accompagnés de leur mère ou de leur père, sont invités à une activité sur la prévention de l’intimidation présentée par des élèves du secondaire.
Le CSSMB compte par ailleurs sur l’éclairage d’une petite équipe de statisticiennes qui suivent de près des centaines d’indicateurs, notamment ceux liés aux 17 cibles inscrites au Plan d’engagement vers la réussite (PEVR). Cette information est précieuse puisqu’elle nous permet d’identifier rapidement les zones de vulnérabilité scolaires et sociales de notre clientèle et d’y réagir.
Les activités réalisées dans les 102 établissements du CSSMB recoupent plusieurs des 17 objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations Unies. Dans le cadre de cet article, nous insistons particulièrement sur le quatrième objectif : Accès à une éducation de qualité.
Au Québec, la clientèle scolaire a beaucoup changé au cours des dernières décennies, particulièrement à Montréal. Dans les écoles primaires et secondaires du CSSMB, plus de 80 % des élèves sont issus de l’immigration de première ou de deuxième génération. Cette diversité génère différents défis au regard de l’organisation des services éducatifs. Par exemple, en ce qui a trait aux nouveaux arrivants, bon nombre ne maîtrisent pas le français à leur arrivée, leur nouvelle langue de scolarisation et de socialisation. À titre d’exemple, au cours de l’année scolaire 2019-2020, 4 500 élèves fréquentaient des classes d’accueil, une structure dont l’objectif est de soutenir l’apprentissage du français en plus de l’intégration scolaire et sociale des jeunes non francophones.
Dans l’espoir d’offrir une éducation de qualité à tous (ODD 4), notamment à des jeunes aux bagages culturels et aux parcours de vie diversifiés, il faut repenser la façon de donner accès aux services éducatifs. La démarche demande une réflexion de fond, des outils adaptés et, ultimement, une révision des pratiques. Nous avons relevé le défi puisque nous avons atteint le meilleur taux de diplomation et de qualification des CSS québécois. Pas mal pour un Centre où les élèves parlent plus de 150 langues maternelles différentes !
Afin de bien orchestrer les actions de tous les experts qui interviennent auprès des élèves, nous nous sommes dotés de référentiels et de cadres de référence qui définissent le rôle de chacun. Ceux-ci sont inspirés de la recherche dans différents domaines afin d’intégrer et d’appliquer les meilleures pratiques. En 2015, nous avons publié le référentiel Vivre-ensemble en français. Celui-ci « présente les principes directeurs qui s’inscrivent dans l’apprentissage du vivre-ensemble en français, il clarifie certains concepts importants et fournit des outils pour mieux orienter les actions » (CSMB, 2015, p.9) en lien avec la prise en compte de la diversité à l’école, un aspect indissociable de l’accès à une éducation de qualité pour tous.
La somme de nos référentiels et cadres de référence permet de mettre en œuvre une vision commune de ce que doit être une organisation qui soutient le parcours scolaire de l’ensemble de ses élèves, soit notre objectif principal. Ces outils instaurent une culture de responsabilisation et de collaboration entre les intervenants qui travaillent à soutenir la réussite de tous. Ainsi, l’enseignement et le suivi des apprenants ne reposent pas sur les épaules d’une seule personne.
Par ailleurs, certains de nos référentiels s’inspirent du modèle d’intervention en paliers. Cette approche, aussi connue sous l’appellation « Réponse à l’intervention » (RAI), s’organise autour de la prévention des difficultés et d’un système d’identification et de soutien à la réussite pour tous les élèves (Bissonnette et al., 2020).
La réussite éducative englobe la réussite scolaire. Elle va ainsi au-delà de la diplomation et de la qualification en tenant compte de l’atteinte du plein potentiel de la personne dans ses dimensions intellectuelles, affectives, sociales et physiques. Elle vise l’apprentissage de valeurs, d’attitudes et de responsabilités qui formeront des citoyens responsables, prêts à jouer un rôle actif dans la société (Gouvernement du Québec, 2017).
Comme il a été souligné plus haut, la diversité ethnoculturelle et linguistique est omniprésente chez nos élèves ; notre personnel reflète également cette diversité de plus en plus. Assurément enrichissante, cette réalité soulève différents enjeux au quotidien. C’est pourquoi le Centre d’intervention pédagogique en contexte de diversité (cipcd.ca) a été créé en 2012, s’inscrivant d’abord dans l’orientation « Vivre ensemble en français » de notre Plan stratégique 2014-2018, puis dans l’orientation « Assurer un milieu de vie inclusif et accueillant, ouvert sur le monde et l’avenir » du PEVR 2018-2022. La création du CIPCD constitue une initiative novatrice puisque nous sommes le seul CSS à avoir notre propre centre de recherche appliquée affilié à différents partenaires.
Le CIPCD est composé de six groupes de travail ayant un champ d’action respectif s’intéressant aux enjeux de la diversité ethnoculturelle et linguistique en contexte scolaire. Un chercheur universitaire et un conseiller pédagogique ou un cadre du CSSMB sont assignés à chacun de ces groupes qui poursuivent trois mandats principaux : la recherche, le transfert de connaissances scientifiques ainsi que la formation.
Champ d’action 1 : L’enseignement du français en milieu pluriethnique et plurilingue
Depuis 2012, différents projets ont été conduits afin de répondre aux enjeux du CSSMB en matière de diversité. Le groupe 1 a été créé en raison de la grande diversité linguistique parmi nos effectifs scolaires. En effet, pour plus de 60 % des élèves inscrits au primaire et au secondaire, le français n’est pas la langue maternelle. Ce groupe de travail oriente ses activités autour de la problématique générale de l’adaptation des pratiques pédagogiques dans le champ de l’enseignement du français à des apprenants bilingues et plurilingues pour qui le français est la langue seconde, voire la langue tierce.
En 2015, le chantier VII de formation continue Intervenir en milieu pluriethnique et plurilingue auprès de jeunes enfants du préscolaire et des services de garde a été amorcé. Cette initiative a permis, entre autres, de sensibiliser et de former des membres de notre personnel scolaire à l’importance de tenir compte des différentes langues parlées par les élèves (ex. : Festival « Pluri-Pluri »). Ce chantier a modifié nos perceptions en matière de prise en compte des langues d’origine et de pratiques inclusives à cet égard.
Champ d’action 2 : La réussite scolaire et les relations école-famille-communauté
Comme nous l’avons souligné plus haut, plus de 80 % de nos élèves sont issus de l’immigration de 1re ou de 2e génération. Pour différentes raisons liées à leur parcours migratoire ou à celui de leurs parents, ces derniers peuvent vivre un cumul de vulnérabilités sociales ou scolaires. Le groupe de travail 2 concentre ses activités autour d’une double problématique : la réussite scolaire d’une part et les relations école-famille-communauté de l’autre.
Au cours des dernières années, le groupe a conduit différentes activités. Plusieurs chercheurs associés au CIPCD ont mené une étude intitulée L’impact du climat interculturel des établissements sur la réussite éducative des élèves issus de l’immigration. Cette étude visait notamment à évaluer l’état du climat interculturel dans plusieurs écoles multiethniques québécoises (dont deux au CSSMB) ainsi que l’exploration de l’impact de ce climat sur la réussite éducative des élèves issus de l’immigration. Ultimement, il s’agira d’élaborer un outil diagnostique permettant aux directions d’évaluer le climat interculturel de leur établissement, un aspect indispensable à considérer pour soutenir la réussite éducative des élèves issus de l’immigration.
Champ d’action 3 : Les populations immigrantes vulnérables et l’intervention psychosociale en milieu scolaire
À leur arrivée dans le système scolaire québécois, les élèves immigrants récents amènent avec eux un bagage parfois constitué de deuils et de traumatismes. Le groupe de travail 3 s’intéresse à leur bien-être psychologique et à la réussite scolaire, plus particulièrement à ceux qui sont en souffrance psychologique.
Au cours de l’année scolaire 2016-2017, un projet de recherche-action a permis de mieux comprendre les parcours d’intégration sociale et scolaire de jeunes réfugiés syriens. Des groupes de parole ont été formés dans des classes d’accueil afin de soutenir le développement du bien-être et du sentiment d’appartenance chez ces élèves. À l’issue du projet, un guide qui s’adresse à l’ensemble des praticiens scolaires, Mener des groupes de parole en contexte scolaire (2017), a été publié. À l’heure actuelle, des professionnels de plusieurs de nos écoles le déploient et soutiennent la tenue de tels groupes afin que des élèves puissent s’exprimer sur différents thèmes tels que la mort ou la violence. Ils visent à soutenir le bien-être psychologique des jeunes à l’école et, conséquemment, leur réussite éducative.
Champ d’action 4 : l’éducation inclusive et le rapprochement interculturel
Le groupe 4 a été créé parce que la diversité qui caractérise notre CSS suscite des enjeux au niveau des relations interpersonnelles. Ses travaux se concentrent sur l’actualisation du vivre-ensemble en milieu scolaire, notamment en explicitant les fondements de la perspective inclusive. Il s’intéresse également aux activités dites de rapprochement interculturel et se propose de documenter leur impact.
En 2015, ce groupe de travail a élaboré un guide pédagogique qui offre des pistes au personnel scolaire qui souhaite Aborder les sujets sensibles avec les élèves. Cet outil pratique peut être employé au quotidien pour discuter de thèmes, en lien ou non avec la diversité, qui suscitent des malaises ou des débats parfois houleux en contexte scolaire.
Champ d’action 5 : L’intégration socioprofessionnelle du personnel issu de l’immigration récente et les relations de travail en milieu pluriethnique
De plus en plus de membres du personnel du CSSMB ont été formés ailleurs qu’au Québec, une réalité qui soulève des enjeux à l’égard de l’intégration socioprofessionnelle et du climat scolaire. Au cours des dernières années, des enseignants ont suivi une formation de « pairs mentors » pour soutenir l’accueil de collègues formés hors Québec, puis des directions d’école ont été invitées à une séance de sensibilisation sur cette thématique. Des enseignants formés à l’étranger ont également participé à des entretiens de groupe pour comprendre davantage leur parcours (défis, leviers). Enfin, les travaux ont favorisé la publication d’un guide à l’intention des directions d’établissement pour Faciliter l’intégration socioprofessionnelle du personnel enseignant formé à l’étranger (2019).
Groupe d’action 6 : Les jeunes et les adultes issus de l’immigration en formation professionnelle
La diversité ethnoculturelle et linguistique est aussi de plus en plus présente en formation professionnelle (FP) et soulève différents enjeux propres à ce secteur d’enseignement. Outre l’étude des trajectoires d’élèves issus de minorités ethnoculturelles en FP, les membres de ce groupe s’intéressent aux difficultés vécues par ces élèves dans l’acquisition de compétence et dans l’intégration au marché du travail. Au cours des dernières années, ce groupe a encadré la réalisation de projets qui ont permis de mieux comprendre la réalité que vivent des jeunes issus de l’immigration et de revoir leurs pratiques d’accompagnement au niveau de l’intégration, par exemple dans les milieux de stage.
***
En quelques décennies, la composition de nos salles de classe s’est métamorphosée. Les Bertrand, Roberge et Lauzon côtoient maintenant les Traoré, Chang et Hernandez, notamment en raison de la Charte de la langue française en vertu de laquelle la majorité des élèves nouveaux arrivants sont tenus de s’inscrire dans les écoles francophones. Ces derniers viennent de partout dans le monde. À leur arrivée, bon nombre passent une ou deux années dans une classe d’accueil où ils découvrent la langue de Félix Leclerc, avant de se joindre à une classe ordinaire où ils connaîtront le succès.
Nous nous sommes donné les moyens d’y arriver, notamment en multipliant les alliances avec des milieux universitaires qui trouvent chez nous un vaste champ d’expérimentation et qui, en retour, partagent leur savoir. Les résultats sont éloquents : au terme de l’année scolaire 2019-2020, le taux de réussite et de qualification de nos élèves dépasse par 10 points celui de l’ensemble des CSS francophones du Québec. Il semble raisonnable de penser que nous fassions bien les choses !
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Lisez les autres articles de ce numéro
Bissonnette, S., Bouchard, C., St-Georges, N., Gauthier, C. et Bocquillon, M. (2020). Un modèle de réponse à l’intervention (RàI) comportementale : le soutien au comportement positif (SCP). Enfance en difficulté, 7, 129–150.
Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (2015). Référentiel d’accompagnement Vivre-ensemble en français. Montréal (Québec) : Service des ressources éducatives.
https://www.csmb.qc.ca/~/media/Files/PDF/CSMB/veef/Referentiel_Vivre-ensemble.ashx
Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (2018). Plan d’engagement vers la réussite 2018-2022. Montréal (Québec) : https://www.csmb.qc.ca/fr-CA/csmb/pevr.aspx
Festival « Pluri-Pluri » à l’école Terre-des-jeunes :
https://www.elodil.umontreal.ca/videos/presentation/video/eveil-aux-langues-et-aux-cultures-a-lecole-ter/
Gouvernement du Québec. (2017). Politique de la réussite éducative : Le plaisir d’apprendre, la chance de réussir. Québec (Québec) : ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/politiques_orientations/politique_reussite_educative_10juillet_F_1.pdf
Hirsch, S., Audet, G., et Turcotte, M. (2015). Aborder les sujets sensibles avec les élèves — Guide pédagogique. Montréal (Québec) : Centre d’intervention pédagogique en contexte de diversité de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. https://cipcd.ca/wp-content/uploads/2014/04/CSMB_-Guide_sujets-sensibles_final.-1.pdf
Amène ton parent au théâtre :
https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/intimidation/prix/Pages/Ecoles-secondaires-Saint-Georges-Saint-Laurent-2018.aspx
Morrissette, J. (2019). Faciliter l’intégration socioprofessionnelle du personnel enseignant formé à l’étranger. Guide à l’intention des directions d’établissement. Montréal (Québec) : Centre d’intervention pédagogique en contexte de diversité de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys.
https://cipcd.ca/wp-content/uploads/2014/04/GuideFaciliterInte%CC%81gration_VF_HauteRe%CC%81so_190708_pagesSimples.pdf
Papazian-Zohrabian, G., Lemire, V., Mamprin, C., Turpin-Samson, A. et Aoun, R. (2017). Mener des groupes de parole en contexte scolaire. Guide pour les enseignants et les professionnels. Montréal (Québec) : Centre d’intervention pédagogique en contexte de diversité de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys et Université de Montréal.
https://cipcd.ca/wp-content/uploads/2014/04/Mener-des-groupes-de-parole-en-contexte-scolaire-Guide-pour-les-enseignants-et-les-professionnels.pdf
Pendant des années, j’ai pensé que je cochais toutes les cases de ce qui constitue une « éducation globale ». Engagée à promouvoir la diversité et déterminée à bâtir des compétences globales et à aider mes élèves à rechercher des perspectives et des points de vue différents, je voulais m’assurer que mes jeunes élèves se préparent à vivre dans un monde qui allait exiger d’eux de travailler et de vivre en tant que citoyens du monde. Nous avons ainsi mis l’accent sur la découverte de cultures différentes de la nôtre. Nous avons appris quels étaient les jours fériés et les coutumes des populations de pays lointains. Parmi les langues utilisées tous les jours figuraient l’anglais, l’espagnol et le mandarin. Pionniers en matière de technologie, nous nous sommes efforcés d’établir des liens avec les enjeux mondiaux et l’actualité internationale autour de sujets tels que l’environnement et les droits de l’homme.
Puis, vers 2010, j’ai réalisé que bien qu’ayant coché de nombreuses cases, ma liste de tâches éducatives comme pédagogue internationale ne devait pas limiter l’apprentissage des élèves aux seules populations et aux seuls enjeux de notre monde, mais qu’elle devait les amener à un tout autre niveau d’engagement.
Le modèle des Quatre domaines de compétence globale proposé par la Asia Society (2005) (cf. figure 1) m’a convaincue que pour être compétents à l’échelle internationale, les élèves doivent posséder les connaissances et les compétences requises pour :
Figure 1: Quatre domaines de compétence globale
Les trois premiers domaines – c’est là que j’en étais. Agir – c’est dans cette direction que nous devions aller.
En y repensant, je dirais que ce fut le premier moment décisif dans ma carrière de pédagogue internationale. Le second été en 2015, lorsque j’ai découvert les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies.
« Les Objectifs de développement durable sont la liste des tâches dont l’humanité doit s’acquitter pour la pérennité de la planète, une feuille de route pour un avenir meilleur. » – Bureau des Nations Unies à Genève
Les 17 Objectifs mondiaux que le monde s’est engagé à atteindre d’ici 2030 couvrent des sujets cruciaux comme la vie sur la terre ferme, l’action climatique, l’égalité des sexes, l’eau potable et la sécurité alimentaire. Le secteur de l’éducation auquel nous appartenons a même son propre Objectif mondial, l’ODD 4 : Une éducation de qualité. J’ai découvert, au fur et à mesure que je me suis intéressée aux ODD, comment, en tant que pédagogues, nous pouvons prendre part à cette conversation globale et lancer un appel international pour éradiquer la pauvreté, protéger la planète et améliorer la qualité de vie de tous ses habitants.
Au fil des ans, j’ai mobilisé des pédagogues du monde entier désireux, comme moi, d’amener les ODD dans les salles de classe et les écoles. Nous nous sommes mobilisés en formant un réseau d’apprentissage professionnel et en nous regroupant au sein d’espaces collaboratifs tels que Twitter et autour de projets comme le Goals Project (www.goalsproject.org), car l’éducation — en jouant sur la solidarité, la volonté de travailler ensemble et les intentions communes des enseignants et des élèves — constitue à nos yeux l’un des meilleurs moyens d’atteindre les objectifs.
La naissance de TeachSDGs, une communauté qui regroupe aujourd’hui plus de 50 000 pédagogues internationaux participant activement à la réalisation des Objectifs mondiaux, a en réalité résulté de l’idée selon laquelle les objectifs pourraient constituer une feuille de route pour les enseignants désireux de trouver de nouveaux moyens d’enseigner et d’apprendre.
Je me souviens d’avoir réalisé, avec mes amies Alice McKim du Nouveau-Brunswick (Canada) et Amy Rosenstein de New York (É.-U.), toutes deux œuvrant dans le secteur de l’éducation internationale, que les objectifs correspondaient à ce que recherchions, à savoir un pont entre le travail réalisé dans les salles de classe d’une part et le monde et l’industrie d’autre part. Les objectifs sont ainsi devenus pour nous le point d’accès grâce auquel nous allions être en mesure, en tant qu’enseignants et aux côtés de nos élèves, de prendre part à la conversation et de « prendre notre place », que ce soit au siège des Nations Unies à New York ou au niveau d’une mesure ou de projets locaux. Dans notre esprit, les Objectifs mondiaux font en quelque sorte office de carte et d’itinéraire et nous montrent le travail à accomplir.
Lorsque les Nations Unies nous ont demandé de nous organiser en créant un groupe de travail sur les Objectifs mondiaux, nous avons compris que nous ne pourrions pas nous contenter de mobiliser quelques pédagogues nord-américains. Nous nous sommes ainsi employés à inviter nos collègues du monde entier, collègues que nous n’avions pour la plupart jamais rencontrés et que nous ne connaissions que par le biais des médias sociaux. Nous avons fait ce que nous savions faire de mieux, créer un mot-clé (#TeachSDGs) et un simple site Web (TeachSDGs.org), et nous nous sommes mis au travail. Notre groupe, constitué au départ de quelques pédagogues, a très vite compté 17 membres. Il en compte aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers, tous unis dans un but commun : soutenir et autonomiser les élèves et les enseignants pour qu’ils agissent en faveur de la population et de la planète par le biais des ODD. Et maintenant que nous sommes dans la dernière ligne droite, la Décennie d’action, et qu’il nous reste moins de 10 ans avant 2030, nous sommes tous animés d’un sentiment d’urgence et avons clairement en tête ce que nous pouvons faire pour contribuer.
Pourquoi les Objectifs mondiaux? Pourquoi maintenant? Il semble que nous soyons à un moment charnière en matière d’éducation. Nous constatons la naissance d’un activisme étudiant soucieux de susciter et d’amener les changements nécessaires, en adéquation avec les points de vue des élèves et les besoins de notre planète; c’est en tant que citoyens de la planète Terre que nous nous attaquons au changement climatique, aux violations des droits de la personne et aux pandémies mondiales; nous assistons à la modification, grâce aux nouvelles technologies, de notre façon de vivre et de travailler, et ce, au moment même où nous donnons la priorité au volet humain de la vie et du travail, en mettant l’accent sur l’apprentissage socio émotionnel, le bien-être, l’empathie et la pensée créatrice. Les pédagogues figurent en première ligne de cette évolution. Ils en sont des témoins directs et pivotent et avancent avec elle.
Les Objectifs de développement durable offrent de nouvelles perspectives. Ils sont source d’espoir et nous guident jusqu’à notre but. En classe, je constate que les objectifs favorisent la collaboration et le travail pluridisciplinaire. Non seulement les objectifs sont-ils pertinents pour tous et en tous lieux, mais ils abolissent en plus les frontières au sein des programmes, ce qui nous permet de croiser les contenus étudiés et de travailler en équipe vers un but commun. Les Objectifs mondiaux, ce sont les sciences et les arts; ce sont les langues et les sciences humaines. Ils sont notre histoire et notre avenir et peuvent être, pour nous enseignants, le « présent » de notre travail pédagogique.
Après avoir pendant plusieurs années suscité une prise de conscience vis-à-vis des objectifs, nous avons commencé à entendre les enseignants nous dire : « Nous voyons maintenant le “pourquoi“, mais qu’en est-il du “comment“? » En 2019, l’une de mes anciennes étudiantes m’a donné une excellente idée en me parlant d’un projet qu’elle avait entrepris avec d’autres enseignants autour de l’alphabet. Si un projet tournant autour des 26 lettres de l’alphabet pouvait fonctionner, je me suis dit, pourquoi ne pas bâtir un projet autour des 17 ODD? J’ai alors pressenti les enseignants de la communauté TeachSDGs afin de voir s’ils aimeraient se joindre à moi pour entreprendre un projet de courte durée sur ces objectifs.
J’ai à nouveau choisi un nom (le Goals Project) et créé un mot-clé (#GoalsProject) et un site Web gratuit (www.goalsproject.org), puis j’ai commencé à faire circuler le message sur Twitter. Initialement, mon objectif était de trouver 16 autres classes. En l’espace de quelques semaines, plus de 350 personnes ont demandé à se joindre au projet et un an après le lancement du Goals Project, près de 2 000 salles de classe avaient participé. L’édition 2021 du Goals Project a été lancée de 25 janvier et compte près de 3 000 salles de classe de plus de 120 pays. Des élèves de 3 à 20 ans y participent pour s’attaquer aux ODD dans le cadre d’un projet de six semaines axé sur les solutions. Cet espace nous permet d’explorer de nouvelles pistes et de bâtir cet espoir d’une planète en meilleure santé en jouant le rôle de protecteurs de l’environnement. Il permet en outre à la bonne volonté de la population de s’exprimer.
Pour les pédagogues qui s’apprêtent aujourd’hui à se plonger dans les Objectifs mondiaux, voici cinq conseils ainsi qu’une liste de ressources de haute qualité conçues pour aider les pédagogues de la maternelle au secondaire V (12e année) à s’attaquer aux ODD avec leurs classes.
Cet article est traduit de la version originale anglaise. Certaines ressources sont également disponibles en français; veuillez consulter les sites Web.
Imprimez et accrochez l’affiche des ODD ou les icônes individuelles des Objectifs mondiaux : https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/news/communications-material/
Le Guide des paresseux qui veulent sauver la planète (ONU, 2019) suggère des mesures que vous et vos élèves pouvez prendre depuis votre fauteuil préféré, chez vous, au sein de votre communauté et au travail/à l’école. https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/takeaction/
Téléchargez et partagez des infographies, des GIF et des traductions pour inciter les gens à agir dans votre école et votre communauté : https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/pourquoi-est-ce-important/
Créez votre propre paquet de cartes d’actions avec les 170 actions quotidiennes pour transformer notre monde du bureau des Nations Unies de Genève. https://drive.google.com/file/d/1fEvDqVZVzXQwdhHlvCAiFldO-KSotdUh/view
Téléchargez La plus grande leçon du monde, mise à jour chaque année, et accédez à des vidéos, des documents imprimables et d’autres ressources sur le site https://worldslargestlesson.globalgoals.org/fr/
Travaillez-vous auprès d’élèves âgés de 4 à 8 ans? Les leçons Explorateurs pour les objectifs mondiaux constituent un excellent point de départ. Pour en savoir plus : https://worldslargestlesson.globalgoals.org/fr/campaign/explorers-for-the-global-goals/
Ludifiez l’apprentissage avec Objectif planète durable un jeu de société sur les ODD pour les enfants proposé dans 21 langues. https://go-goals.org/fr/
Aidez à éradiquer la faim en jouant au jeu éducatif en ligne Freerice du Programme alimentaire mondial. À chaque bonne réponse, cinq grains de riz seront donnés à des personnes en manque de nourriture. http://bit.ly/playfreerice
Tissez des liens avec des milliers d’éducateurs du monde entier qui enseignent les Objectifs mondiaux dans leur salle de classe. Visitez le site http://www.teachsdgs.org et suivez la conversation sur les réseaux sociaux avec le mot-clé #TeachSDGs
Prenez part au Goals Project, une initiative d’une durée de six semaines menée chaque année en ligne dans le cadre de laquelle vous appréhendez les objectifs et vous collaborez avec des salles de classe de plus de 120 pays. Visitez le site https://www.goalsproject.org et suivez la conversation sur les réseaux sociaux avec le mot-clé #GoalsProject
Consultez la liste complète des évènements et des journées internationales sur le Calendrier des évènements en lien avec les ODD : http://bit.ly/SDGcalendar
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Dans son petit village de Bades, près de la Méditerranée, Fatima sait que les plastiques rejetés sur la plage finissent parfois dans l’estomac des poulets qu’elle apprête pour sa famille. L’enseignante du projet « Ressacs sans plastiques » (Rahmani, Pruneau et coll., soumis) lui a aussi appris que plusieurs animaux marins ingurgitent ces plastiques et en deviennent malades. Ainsi, Fatima, membre d’une coopérative artisanale locale, cherche et cherche des solutions à ce problème. Le défi est grand car sa coopérative a décidé de créer des produits faits de plastiques usagés qui, en plus, seraient commercialisables. Fatima a pensé à rembourrer des jouets avec des retailles de plastique. Elle publie son premier prototype d’oiseau-jouet sur le groupe Facebook du projet « Ressacs » pour obtenir une rapide évaluation du produit. Pour fabriquer son prototype, Fatima s’est inspirée d’une de ses amies qui avait rembourré des bijoux en tissu avec des sacs plastiques.
D’autres femmes ont fabriqué des sacs réutilisables pour emballer les produits de la coopérative. Des assiettes en plastique recouvertes de tissu et de broderies ont aussi été proposées comme solutions. Enfin, à plusieurs reprises, la coopérative a soulagé la plage des déchets plastiques provenant du village, de la rivière et des courants marins. La résolution du problème des plastiques, toujours en opération à Bades, sera terminée quand les prototypes de remplacement et de réutilisation des plastiques auront été évalués et améliorés pour répondre au défi posé par les Femmes Bades : Comment pourrait-on diminuer les plastiques sur notre plage tout en inventant de nouveaux produits commercialisables?
La démarche de résolution de problèmes, vécue dans le projet « Ressacs sans plastiques » avec de jeunes artisanes, se nomme la pensée design. Cette démarche, proposée en 2006 par IDEO, une firme d’innovation en Californie, est une façon créative et collaborative de travailler durant laquelle les solutions sont nombreuses, l’expérimentation arrive rapidement et les besoins des usagers sont pris en compte. Initialement employée pour créer des produits commerciaux, la pensée design est aujourd’hui mise à profit par des organisations (IDEO.org et d.school, aux États-Unis) et à l’école (Design for Change, en Inde), pour inventer des solutions qui améliorent la qualité de vie et l’environnement. Appliquée en sciences, en sciences humaines ou en éducation à l’environnement, la pensée design offre des occasions d’analyser des problèmes locaux et de leur trouver des solutions qui s’arriment avec les objectifs du développement durable (UNESCO, 1995) : créer des communautés durables (objectif 11), combattre le changement climatique (objectif 13), protéger les écosystèmes terrestres (objectif 15), etc. De plus, grâce à la pertinence et à la richesse de son processus, la pensée design appuie l’acquisition de plusieurs compétences globales : pensée critique, résolution de problèmes, innovation, créativité, etc.
À titre d’exemple, de jeunes élèves affiliés à l’organisation Design for Change, ont inventé, à partir de matériaux recyclés, des avions téléguidés qui transportent et laissent tomber des graines pour reverdir les terrains voisins de leur école. D’autres élèves, aussi inspirés par Design for Change, ont installé une rampe d’accès pour permettre aux élèves vivant avec un handicap d’accéder à l’autobus scolaire au lieu de faire appel aux transports adaptés, afin que ces derniers puissent participer aux sorties éducatives. Ils ont aussi aidé les élèves marginalisés à se faire des amis dans l’autobus. La philosophie de Design for Change est soutenue par le concept de « Je peux le faire! ».
La pensée design chemine selon des étapes déterminées mais non linéaires où s’entrecroisent des actions de va-et-vient (itération), avec l’ultime intention d’apporter un changement transformateur. Les étapes que nous présentons ici (voir figure 1) sont inspirées principalement de Brown (2009) et de Scheer, Noweski et coll. 2012).
La pensée design est une approche itérative, centrée sur les besoins des usagers, tout en étant concrète et flexible quant aux essais et erreurs. L’approche mise sur l’empathie et l’optimisme des utilisateurs. Divergent puis convergent, le processus est centré sur les besoins humains. La pensée design n’est pas linéaire puisque l’attention des solutionneurs circule entre l’espace-problème et l’espace-solution, alors que l’empathie pour les besoins des usagers s’accroit et que la solution gagnante se raffine. Comparativement à une approche d’investigation scientifique traditionnelle, la pensée design s’intéresse tant au problème qu’aux solutions. Dans l’espace-problème, on accorde une grande importance à la définition du problème selon le vécu et la situation des usagers. L’équipe des solutionneurs investit beaucoup de temps à observer la situation-problème et les comportements des usagers in situ. L’approfondissement et la construction des connaissances au sujet du problème sont essentiels à l’efficacité du processus. Dans l’espace-solution, les solutionneurs cherchent une multitude de pistes possibles en élaborant des plans et en façonnant des prototypes. Les prototypes, réalisés rapidement, sans chercher la perfection, agissent comme des « terrains de jeux » pour discuter et apprendre à propos de certaines solutions. Ainsi, le problème et les solutions co-évoluent en constante interaction.
La pensée design a été récemment présentée comme une démarche pédagogique motivante et efficace pour résoudre des problèmes locaux avec les élèves du primaire et du secondaire. En réponse à des défis écologiques locaux réels, les élèves profitant de cette démarche pourraient être invités à inventer ou à planifier :
En mettant à profit la pensée design, les enseignants participeraient, avec leurs élèves, à la poursuite des Objectifs du Développement Durable (ODD), tels que définis par les Nations Unies en 2015. Ces objectifs comprennent 17 domaines d’action visant, par exemple, à maintenir la vie (humaine et non humaine), à mettre fin à la pauvreté et à atteindre la justice sociale. Dans le cas de l’exemple du projet « Ressacs sans plastiques », présenté en introduction, le travail des artisanes s’est concentré principalement sur l’Objectif 14 : Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines. Dans les exemples de problèmes à résoudre proposés ci-haut pour les élèves du primaire et du secondaire, les ODD touchés seraient, entre autres, les objectifs 2 (santé), 6 (qualité de l’eau), 11 (villes résilientes et saines), 12 (comportements soucieux de l’environnement), 13 (changements climatiques) et 15 (écosystèmes terrestres).
La nature du développement durable, sa signification et les actions assurant sa réalisation commencent à émerger. Parmi les initiatives émergentes de durabilité, notons l’alimentation lente (Petrini, 2006), le design de conservation (Arendt, 2010), le Smart Growth (Duany et coll., 2010), les villes écologiques (Register, 2016) et la restauration de la biodiversité (El Jai et Pruneau, 2015). Les praticiens de l’alimentation lente prennent le temps de partager une nourriture locale « propre », avec des personnes de leur communauté. En design de conservation, les planificateurs urbains, en développant un nouveau quartier, répertorient initialement sur le site les trésors naturels et culturels, puis concentrent les bâtiments à l’extérieur des lieux abritant ces trésors. Les tenants du Smart Growth et des villes écologiques emploient diverses techniques pour réutiliser l’eau de pluie, ralentir le trafic automobile, densifier les zones habitées ou favoriser l’accès universel à des parcs. Les mesures de restauration de la biodiversité sont quant à elles variées : passages fauniques, murs végétaux, toits verts, haies de biodiversité, écogites pour insectes, batraciens et petits mammifères. À travers ces initiatives de durabilité, les systèmes, les structures et les pratiques sont modifiés par rapport au passé, dans le but ultime de régénérer les systèmes naturels qui assurent la vie des humains et des autres êtres vivants.
La pensée design permet aux élèves de contribuer à ce mouvement vers la durabilité, avec leurs idées personnelles, en collaboration avec leur classe. La nature complexe des problèmes à résoudre en environnement s’accorde bien avec la pensée design. Cette démarche d’investigation se solde par des solutions plus adéquates, car elle invite les élèves à définir des problèmes complexes sous divers angles (sociaux, scientifiques et environnementaux), leur permettant d’élargir l’espace-problème avant de chercher des solutions. Selon nos essais sur le terrain, la pensée design détient le pouvoir de favoriser le travail collaboratif des élèves, tout en développant leur intérêt pour la problématique étudiée et en renforçant leurs compétences de haut niveau : créativité, empathie, pensée critique et résolution de problèmes (Pruneau et coll. 2019). Le processus itératif de la pensée design convie les apprenants à s’interroger, à chercher de l’information, à collaborer avec leurs pairs et avec la communauté, à proposer des idées concrètes, à tester et modéliser des solutions, tout en tenant compte des besoins des usagers. C’est à travers ce processus dynamique que se développent leurs compétences de durabilité.
En outre, si les solutions découlant de la pensée design se concrétisent, les apprenants développent une confiance en leurs capacités d’action. D’autres bénéfices en éducation, surtout pour le travail d’équipe, ont été mentionnés par des organisations spécialisées dans ce domaine : des discussions enrichies par la participation d’une diversité de solutionneurs, une communication améliorée, une compréhension partagée du vocabulaire utilisé et une plus grande cohésion (Pruneau et coll., 2019).
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Lisez les autres articles de ce numéro
Arendt, R. (2010). Envisioning better communities. Seeing more options, making wiser choices. New York : Routledge.
Brown, T. (2009). Change by design: How design thinking transforms organizations and inspires innovation. New York : Harper Collins.
Duany, A. Speck, J. et Lydon, M. (2010). The Smart Growth manual. New York : Mc-Graw-Hill.
El Jai, B. et Pruneau, D. (2015). Favoriser la restauration de la biodiversité en milieu urbain : les facteurs de réussite dans le cadre de quatre projets de restauration. VertigO, 15(3).
Petrini, C. (2006). Slow Food, manifeste pour le goût et la biodiversité. Paris : Yves Michel.
Pruneau, D. (Dir.). (2019). La pensée design pour le développement durable. Applications de la démarche en milieux scolaire, académique et communautaire. Moncton, NB : Université de Moncton, Groupe Littoral et vie. Disponible gratuitement en ligne, en français et en anglais : https://competi.ca/ et : https://lel.crires.ulaval.ca/categorie/guidesoutils-pedagogiques.
Rahmani, Z., Pruneau, D. et Khattabi, A. (soumis). La pensée design et Facebook comme outils pédagogiques pour accompagner des femmes dans la résolution d’un problème de pollution plastique au Maroc. VertigO.
Register, R. (2016). World rescue: An economics built on what we build. Oakland, California : Ecocity Builders.
Scheer, A., Noweski, C. et Meinel, C. (2012). Transforming constructivist learning into action: Design thinking in education. Design and Technology Education: An International Journal, 17(3).
1 Abdellatif Khattabi, Zakia Rahmani, Michel Léger, Boutaina El Jai, Liliane Dionne, Vincent Richard, Viktor Freiman, Natacha Louis, Anne-Marie Laroche et Maroua Mahjoub
Image : Nations Unies
La durabilité donne un sens à l’éducation1.
L’IDÉE d’une éducation au développement durable n’est pas entièrement nouvelle. J’ai commencé à la découvrir en 2008, au hasard par une simple demande. Un groupe d’élèves avait besoin d’un conseiller ou d’une conseillère sur place pour participer à Spread The Net de Plan International Canada. Mise sur pied par Rick Mercer et Belinda Stronach, cette initiative conviviale de financement destinée aux établissements d’enseignement de la maternelle à l’âge de 20 ans vise à mobiliser les communautés dans le cadre de projets de développement international. En tant qu’enseignante en sciences, j’étais consciente que même si la malaria avait été éradiquée au Canada depuis plus de 60 ans (depuis plus de 70 ans aujourd’hui), qu’elle continuait de poser un défi pour certains autres pays dans le monde. De plus, en raison des changements aux systèmes climatiques mondiaux, on estimait à l’époque qu’il était encore possible, pour le Canada, d’être confronté de nouveau à la malaria.
Quelques mois plus tard, j’ai su que l’initiative Spread the Net s’inscrivait dans le cadre de l’un des huit objectifs du Millénaire pour le développement (2000-2015) des Nations Unies. Spread the Net a donc été ma porte d’entrée vers l’éducation au développement durable (ÉDD) et m’a permis de découvrir le travail accompli par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) en matière d’éducation dans le monde. À la suite de cette expérience, la philosophie sur laquelle s’appuyait « la raison pour laquelle j’enseigne » s’est élargie pour passer des attentes liées au curriculum d’une matière en particulier à une perspective d’ensemble beaucoup plus large : comment les élèves vont-ils utiliser cette information pour composer avec les complexités du monde actuel et de l’avenir?
Le 15 septembre 2015, lors de l’assemblée générale des Nations Unies, les dirigeants mondiaux ont adopté à l’unanimité Transformer notre monde : le programme de développement durable à l’horizon 2030, un nouvel ensemble d’objectifs graduels et universels, visant à changer le monde et à favoriser le développement mondial. Le nouveau cadre des Nations Unies, qui avait préséance sur les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) a été élaboré pour que les nations puissent continuer de réinventer et de façonner l’avenir, avec toutefois une différence importante – ce cadre était d’envergure mondiale et avait été élaboré de façon à ce que toutes les nations puissent planifier, agir et mesurer leurs progrès sur une période de 15 ans. Par la suite, 17 objectifs de développement durable et 169 cibles ont été élaborés à partir des observations de gens du monde entier, afin que ces objectifs représentent bien les besoins de la population mondiale. Voilà pourquoi avec le temps, ce cadre a été désigné dans le milieu de l’éducation, sous le nom d’objectifs de développement durable, ou ODD.
Fondé sur le principe voulant qu’on ne doive « laisser personne derrière », le nouveau plan de travail insiste sur l’approche globale pour l’atteinte du développement durable pour tous. Les 17 objectifs de développement durable sont interdépendants et indivisibles.
Le plan de travail pour 2030 est un programme ambitieux, où l’éducation est mentionnée à 28 reprises dans six de ses objectifs (soit les objectifs 1, 3, 5, 8, 12 et 13), en plus du quatrième objectif, celui d’une éducation de qualité. L’éducation y est désignée à la fois comme un outil et un moteur de développement des capacités pour l’atteinte des ODD.
Les ODD offrent aussi un nouveau modèle stimulant pour les systèmes d’éducation, à partir duquel structurer l’enseignement par le biais des 17 thèmes transversaux qui touchent toutes les sociétés, tous les niveaux scolaires et toutes les matières. Le fait d’utiliser les 17 ODD comme optique d’enseignement permet de présenter le contenu d’une matière dans un contexte pertinent et d’aider les élèves à transposer les notions apprises à l’échelle locale, dans des conditions globales et des événements d’actualité.
Selon moi, l’attrait que présente ce cadre tient à la nature interdépendante et interreliée de ses objectifs. À première vue, l’affiche qui présente les ODD, avec ses 17 tuiles de couleurs vives harmonieusement disposées pour former un rectangle, paraît bien simple. Mais ce n’est pas le cas. Aucune de ces tuiles ne peut être prise isolément! Après avoir retourné chaque tuile et exploré chaque indicateur (pour la mesure des progrès) et chaque liaison tangentielle, j’ai réalisé qu’ensemble, ces 17 tuiles représentaient les défis et possibilités de la vie, et pourraient faire l’objet de recherche et de discussions de nature et d’envergure variables, que ce soit sur les plans individuel, communautaire, régional, national, continental ou mondial. J’avais découvert des moyens concrets et souples de faire participer activement les apprenants à la pensée critique et à la pratique des systèmes.
Pensons par exemple aux sciences, qui sont mon champ d’expertise. Dans ce domaine, le cadre devient un puissant outil que les apprenants peuvent utiliser pour comprendre les phénomènes naturels et sociaux dans leur communauté. Ces phénomènes, habituellement répartis subtilement à travers diverses matières, sont présentés dans les ODD avec toutes les magnifiques complexités et nuances qu’elles supposent dans notre monde bien concret. Les apprenants doivent mettre à contribution leurs connaissances (tirées de domaines autres que les sciences), leurs aptitudes et leurs attitudes – y compris les compétences globales pancanadiennes2 – pour définir les problèmes locaux et les solutions concrètes qui s’y rattachent. Puisque les ODD permettent d’enclencher une démarche de définition des problèmes, les solutions qui se présenteront peuvent avoir une application globale.
Les ODD positionnent les connaissances liées à une matière en particulier sous leur forme réelle : elles sont complexes, comportent plusieurs facettes et plusieurs volets. Lorsque les apprenants appliquent les connaissances propres à une matière à un contexte ancré dans les réalités de leur milieu, ils deviennent capables d’explorer, d’analyser et d’interagir avec leur environnement, tant naturel qu’humain, et de renforcer leurs habiletés (compétences globales) qui leur permettront de s’attaquer à des problèmes complexes qui touchent leur communauté ou qui la toucheront à l’avenir.
En acceptant de collaborer à cette publication, je savais que le récit que je partagerais ne traiterait pas uniquement de ma propre histoire. Cette collaboration m’offrait l’occasion de diffuser le savoir entourant les ODD. J’ai choisi d’accorder de la place à d’autres voix qui voulaient se faire entendre et j’ai lancé un appel pour obtenir des collaborateurs, par la voie d’un court sondage publié sur la plateforme collaborative Slack, afin de recruter des enseignants ambassadeurs des ODD. Les réponses n’ont pas tardé à arriver – de la Grèce, du Canada, du Liban, du Nigéria, du Royaume-Uni, des États-Unis, des Émirats arabes unis et de la France – une communauté mondiale, unie par la conviction que l’éducation peut transformer le monde. Des éducateurs officiels ou non, d’anciens enseignants et un administrateur ont répondu à mon appel.
Ma première question traitait des avantages d’être membre d’une communauté mondiale de spécialistes (ambassadeurs de l’enseignement des ODD). Voici quelques réponses parmi celles que j’ai reçues :
« Partager des pratiques exemplaires avec les autres. Réseauter avec des gens aux vues similaires de partout dans le monde. Apprendre d’une communauté mondiale, pour aider à préparer les élèves à penser localement et à agir globalement. » – Anita Singh, enseignante dans une ferme-école, Émirats arabes unis.
« … collaborer avec d’autres éducateurs à des idées pour enseigner les ODD. » – Doreen N. Myrie, enseignante et éducatrice, États-Unis.
« Les principaux avantages sont la création de partenariats visant à accroître notre efficacité de mise en œuvre. Ces partenariats prendront diverses formes, notamment le partage de ressources, d’expertise, d’affiliation et de soutien de toutes sortes. » – Jinan Karameh, directrice d’école, Liban.
« L’accès à des praticiens qui partagent nos vues, ont la même vision et, en fin de compte, qui poursuivent le même objectif. Partager les initiatives en cours et se tenir au courant des possibilités de développement des apprentissages. » – Tim Black, ex-enseignant, France.
En lisant ces commentaires, un proverbe m’est venu à l’esprit : « Si tu veux aller vite, marche seul. Mais si tu veux aller loin, marche avec d’autres ». Grâce à la collaboration mondiale et au partenariat que permet le programme TeachSDGs, une communauté d’ambassadeurs de l’enseignement des ODD, ma voix, mon travail et ma contribution à l’éducation profitent à un nombre de personnes bien plus grand que celui que je vois dans les faits, et chaque occasion de collaborer permet de donner plus de portée aux mesures qui favorisent les pratiques souhaitables en éducation.
Pour favoriser la participation des élèves, les enseignants doivent comprendre l’objectif de l’apprentissage – le pourquoi, dans sa forme collective – pour eux-mêmes comme pour les élèves. Que ce soit dans le domaine des sciences sociales, des arts, des sciences ou des mathématiques, les enseignants doivent considérer les aspects suivants :
Les 17 objectifs de développement durable offrent aux enseignants tout un éventail de moyens d’enseigner aux élèves les complexités du monde par le biais de contextes locaux. Les recherches sur l’éducation au développement durable appuient cette approche pour l’amélioration de l’estime de soi des élèves, pour les aider à forger leur personnalité, leur capacité d’empathie et leur autonomie. Encadrer l’apprentissage à l’échelle de la communauté offre aussi aux élèves la possibilité d’appliquer ces connaissances à des contextes réels. De plus, les pédagogies d’éducation au développement durable (ÉDD) encouragent les enseignants à envisager des approches plus centrées sur l’apprenant et à permettre aux élèves de prendre eux-mêmes en charge leur apprentissage. L’école doit maintenant accorder la priorité au développement de compétences pour la durabilité3 qui favorisent une action participative des élèves grâce à des correspondances établies entre les programmes de cours et les perspectives que présentent les 17 objectifs et les 169 cibles.
Depuis mon initiation à l’ÉDD, mon rôle en éducation est passé de celui d’enseignante en salle de classe à conceptrice de curriculums à l’échelle ministérielle. En vue de démontrer la capacité des ODD à engendrer des retombées positives en éducation, je m’en remets encore une fois à la communauté d’éducateurs de TeachSDGs. Je leur ai demandé de faire part de leurs réflexions sur la façon de présenter les matières par le biais des nombreuses perspectives des ODD des Nations Unies pour autonomiser les apprenants. Voici quelques réponses :
« Lorsque vous transposez les objectifs de développement durable à l’échelle locale, et que les élèves peuvent faire des liens entre ce que vous enseignez et ce dont vous discutez en classe et leur propre existence et expérience de vie, la combinaison est très forte. Quoi de mieux que d’éveiller une passion chez un élève afin qu’il travaille à instaurer un changement positif dans le monde? » – Mahfuza Rahman, enseignante hybride (programme Digital Lead Learner), Canada.
« Les apprenants, par l’entremise de l’enseignement des ODD, prennent conscience de la nécessité d’apporter des solutions inclusives (ne laisser personne derrière) et de développer leur pensée critique, leur capacité d’innovation et leur créativité pour tenter d’aider notre planète pour l’avenir. » – Stavroula Skiada, enseignante (co-enseignement intégré), Grèce.
« Encourager la réflexion plus large. Aider les élèves à devenir des citoyens du monde peut les inciter à agir pour devenir des agents de changement sur le plan planétaire. » – Kirsten Thompson, ex-enseignante, Royaume-Uni.
« Les apprenants sont outillés pour résoudre des problèmes et pour utiliser leur voix afin d’enseigner aux autres à amorcer le changement et à changer la donne dans les enjeux qui comptent pour eux. Ils sont outillés pour apprendre des autres cultures et pour comprendre la valeur que cet apprentissage représente. » – Lynn Thomas, enseignante (littérature anglaise), Canada.
« Les élèves perçoivent et expérimentent le monde en tant qu’écosystème interdépendant et sont en mesure de reconnaître, de créer et de prendre leur place. » – Julia Fliss, enseignante (arts d’expression anglaise), États-Unis.
Kristen Thompson résume la question avec pertinence en réfléchissant à la façon de présenter la matière dans les nombreuses perspectives liées aux ODD : « cela concrétise l’éducation pour les élèves en se concentrant sur des enjeux qui correspondent au monde réel. »
À l’heure actuelle, l’intégration des objectifs de développement durable à notre pratique d’enseignement pose de nombreux défis – les lacunes en matière de communication au sein des ministères et des districts et commissions scolaires, les priorités et les intérêts concurrents au sein des réseaux publics d’éducation et le manque de possibilités de perfectionnement professionnel pour les enseignants intéressés par les questions touchant les ODD n’en sont que quelques-uns. Or, difficile ne veut pas dire impossible. La mobilisation du savoir, le partage des ressources et le soutien à la formation professionnelle sont des moteurs importants pour réorienter l’éducation.
Depuis la mise en place des objectifs de développement durable, une somme considérable de ressources a été créée par les tenants de l’ÉDD et élaborée par des enseignants en appui aux travaux réalisés à l’échelle régionale, nationale et internationale. Les écoles qui placent les objectifs de développement durable au centre de leur approche pédagogique font partie d’un grand tout. Il existe de nombreuses « rampes d’accès » pour les enseignants, à titre individuel, et pour permettre aux communautés scolaires de s’impliquer.
Vous vous demandez comment commencer à intégrer les objectifs de développement durable à l’enseignement et favoriser une mentalité axée sur la viabilité pour l’apprentissage dans les communautés scolaires? Voici quelques suggestions pour y parvenir :
Ma découverte de l’éducation au développement durable et des 17 objectifs m’a amenée à implanter une approche plus globale à ma pratique et a servi de fenêtre sur le monde en ouvrant ma communauté professionnelle à des lieux et à des personnes que jamais je n’aurais pu imaginer! Les histoires à succès dans le secteur de l’éducation (ou leur diffusion, à tout le moins) sont habituellement assez rares et j’espère qu’en partageant la mienne, les lecteurs comprendront les nombreux moyens par lesquels les objectifs de développement durable peuvent offrir aux apprenants – tant les enseignants que les élèves – des voies d’accès vers des apprentissages communautaires constructifs, qui ont une pertinence mondiale. En 2021, l’éducation est… mondialolocale!
L’information sur les ODD des Nations Unies et sur leur influence positive sur l’enseignement et l’apprentissage est particulièrement nécessaire, surtout maintenant. En septembre 2020, on soulignait le premier tiers du plan d’action sur 15 ans et on lançait Décennie d’action : un appel pour accélérer la mise en œuvre de solutions durables face aux défis majeurs auquel le monde sera confronté d’ici 2030. Le compte à rebours est commencé. Continuons de bien travailler pour faire de notre monde un lieu plus sécuritaire, plus juste et plus équitable pour tous, grâce à l’éducation.
Cet article est traduit de la version originale anglaise. Certaines ressources sont également disponibles en français; veuillez consulter les sites Web.
Vidéo : UNESCO: The Lab of Ideas, the Lab for Change!
Manifeste pour enseigner les ODD : https://drive.google.com/file/d/1CUlNQpAd4YfwC8QjC1MK8qNQV3lUr67U/view
Voici les ressources que je consulte fréquemment :
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Lisez les autres articles de ce numéro
1 Source : G. Connelly, ancien directeur du Toronto Board of Education. Education for sustainable development is designed to raise students’ awareness of and encourage them to become actively engaged in working for a sustainable society.
2 Présentée par le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) en 2016 : https://allison-gonzalez-5bxg.squarespace.com/comptences-globales-du-cmec
3 Les compétences transversales pour la durabilité font appel à des mécanismes et à une réflexion prospective, à la compétence normative, à la compétence stratégique, à la pensée critique, à la collaboration, à la résolution intégrée de problèmes et aux connaissances sur les phénomènes planétaires.
4 L’audit du curriculum consiste à examiner les cours offerts afin de préciser quelles unités ou matières intègrent des notions de durabilité et de les intégrer aux 17 objectifs (et les 169 cibles).
Le principe d’empreinte écologique qui permet de mesurer la pression que l’être humain exerce sur la nature nous est tous familier. Puisque nous comprenons désormais que les émotions sont contagieuses et, parmi elles, le stress, nous devons apprendre à mesurer et à régir notre empreinte émotionnelle dans nos milieux de vie, bien avant de demander aux autres de mieux gérer leurs humeurs. Cette notion fait ici référence à la portée et à l’influence des émotions sur notre environnement.
Le stress est contagieux. Sans le savoir, nous pouvons contaminer nos proches et eux, réciproquement, peuvent nous transmettre inconsciemment leurs tensions. Il s’agit de la résonnance du stress. Celle-ci fait partie des découvertes récentes en neuroscience qui ont prouvé qu’il existe bel et bien des relations humaines toxiques et que nous pouvons influencer ces échanges nuisibles en favorisant le bienêtre et la régulation émotionnelle dans nos divers milieux de vie. Plus le lien est signifiant entre les personnes, plus celles-ci sont vulnérables devant le transfert du stress. Ainsi, plus le personnel enseignant passe du temps avec les jeunes dans un espace éducatif, plus il peut les exposer à leur stress et vice-versa. C’est pourquoi les spécialistes en neuroscience nous invitent à apprendre à gérer notre stress et nos émotions avant même d’essayer de neutraliser ceux de nos proches. D’ailleurs, il a été démontré que lorsque les parents ou les enseignants autorégulent leur anxiété, le stress des enfants chute de moitié. Le bienêtre des adultes a un effet direct sur celui des jeunes et il favorise l’apprentissage. Les liaisons émotionnelles et relationnelles qui unissent une personne à son entourage sont assujetties à ses propres états d’âme. Voilà l’importance de mettre en place des approches et des stratégies qui favoriseront de saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles pour TOUS dans les écoles.
L’adoption d’un mode de vie actif et d’une alimentation saine est un facteur déterminant pour être en bonne santé. Pas étonnant que, depuis notre plus tendre enfance on nous martèle, à grands coups de slogans, qu’il faut manger cinq fruits et légumes par jour et faire trente minutes d’activité physique quotidiennement !
Mais depuis quelques années, des chercheurs abordent de plus en plus cette notion de saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles, concept émergent qui doit désormais être intégré au spectre des saines habitudes de vie telles qu’on les connaît déjà. Ces habitudes saines prennent toute leur importance en situation de crise. Elles auraient également une incidence positive sur la santé globale et la longévité. Selon Robert Waldinger, psychiatre de l’université Harvard et 4e directeur d’étude longitudinale sur la santé et le bonheur chez l’être humain, qui a duré 75 ans, c’est la qualité des relations sociales qui nous rendrait heureux et pourrait même contribuer à nous garder en bonne santé. Être proche de sa famille, de ses amis et de sa communauté serait bon pour nous ; ces connexions sociales contribuent à une vie plus longue et saine. Mais pour favoriser des relations de qualité, nous devons apprendre à mieux gérer nos émotions. Voilà pourquoi nous devons intégrer les saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles dans le spectre des saines habitudes de vie en plus de l’activité physique et de la saine alimentation.
On pourrait même se risquer à dire qu’elles sont plus importantes, puisqu’elles motiveront et guideront nos choix à travers l’ensemble des habitudes de vie et nous permettront d’optimiser notre bonheur et de bonifier notre espérance de vie. Alors, pourquoi ne pas faire la promotion des habitudes de vie émotionnelles et relationnelles durant cette pandémie? Pourquoi tant de campagnes gouvernementales sur des programmes de conditionnement physique et une alimentation saine, mais rien sur ces habitudes-là ? Est-ce une phobie collective qui nous empêche de voir notre monde émotionnel et relationnel, si capital à l’équilibre mental ?
De plus, les habitudes émotionnelles et relationnelles saines ont une influence sur l’ambiance au travail, sur la réussite éducative, sur l’engagement en faveur de la culture, de la communauté et, plus largement, de la société. Elles font la promotion de la diversité inclusive entre les personnes, élément essentiel en ce XXIe siècle qui évolue dans un esprit de mondialisation. Elles favorisent une plus grande harmonie familiale, une meilleure communication intergénérationnelle et permettent la mise en place d’approches collaboratives. Bref, elles ne peuvent qu’être positives.
En contexte de pandémie, au-delà des mesures de santé publique, les autorités doivent mettre en place des stratégies collaboratives pour favoriser la bienveillance au travail, car le bienêtre des enfants à l’école passe par celui du personnel scolaire (Goyette, 2019 ; Oberle et Schonert-Reichl, 2016). Les approches collaboratives, intégrées au curriculum de l’école, doivent prioriser le développement des compétences émotionnelles et relationnelles telles qu’une bonne conscience de soi, une bonne gestion des émotions et une valorisation du sentiment d’efficacité personnelle et collective.
Il est plus que temps de renverser la vapeur et de prendre soin de nous en adoptant de saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles. Voici quelques bienfaits :
En offrant des ressources d’aide psychosociale et émotionnelle aux enseignants, nous construisons des milieux bienveillants, positifs et sécurisants pour les élèves. Nous maintenons ainsi un climat sain qui favorise l’apprentissage. La santé mentale des intervenants scolaires doit devenir la priorité des autorités, car quand on prend soin des adultes on soutient les enfants qui leur sont confiés dans leur développement optimal.
https://fondationjasminroy.com/coffre-a-outils/
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Goyette, Nancy (2019). Le bien-être et la passion en enseignement : un défi incontournable et réalisable pour les enseignants du secondaire, Conférence présentée à la Commission de l’enseignement secondaire du Conseil supérieur de l’éducation, 15 mars 2019.
Oberle, Eva et Kimberly A. Schonert-Reichl (2016). « Stress contagion in the classroom? The link between classroom teacher burnout and morning cortisol in elementary school students », Social Science & Medecine, 159, juin, p. 30-37.
L’environnement scolaire constitue, dans des circonstances normales, un milieu hautement prévisible et sécuritaire avec ses horaires réguliers et son lot de routines et de règles de vie qui en font un milieu propice à l’apprentissage et à la socialisation (Vienneau, 2011). En situation de pandémie, cet environnement change considérablement selon les situations sanitaires vécues, les nouvelles règles pour y faire face et le mode de poursuite du cursus scolaire en classe conformément aux nouvelles modalités, en ligne ou en alternance. Tous les élèves ne réagissent pas de la même manière à ces changements. Certains s’y adaptent, d’autres plus ou moins avec des conséquences non négligeables pour leur apprentissage. La pandémie peut avoir pour effet de renforcer les inégalités déjà présentes tant sur le plan cognitif que sur les plans émotionnel et social, d’où l’importance pour les enseignants d’être vigilants et sensibles aux différences entre élèves et d’en tenir compte tant dans l’enseignement que dans l’évaluation.
Même sans crise sanitaire, l’évaluation des apprentissages est souvent considérée comme une source d’inégalités. C’est en effet elle, lorsqu’elle est terminale, qui révèle les écarts, voire qui les accentue par le recours à des pratiques discriminantes, non professionnelles. Pourtant, lorsqu’elle est acceptée par les enseignants comme un soutien à l’enseignement et à l’apprentissage et qu’elle est menée dans ce sens, l’évaluation peut non seulement tenir compte des écarts entre les élèves, mais aussi les réduire. Pour y parvenir, toutes les pratiques d’évaluation ne sont pas efficaces. Dans le contexte particulier d’une pandémie, l’objectif est de parvenir à faire progresser tous les élèves tout en réduisant les écarts qui pourraient se creuser entre eux du fait des inégalités causées par cette situation. Pour y parvenir, il importe de reconsidérer les pratiques d’évaluation qui pourraient contribuer à ces écarts et rééquilibrer les deux fonctions principales de l’évaluation scolaire : celle qui vise à faire le bilan et la certification des apprentissages (évaluation sommative/certificative) et celle qui vise à soutenir l’apprentissage de manière continue (évaluation formative). C’est en articulant judicieusement ces deux fonctions et en faisant de l’évaluation un outil d’apprentissage qui permet aux élèves d’améliorer leurs habiletés et habitudes d’études qu’elle pourra devenir une source d’équité et d’autonomie accrue.
Déjà en temps normal, l’enseignant doit trouver, tel un funambule, un équilibre entre les deux missions évaluatives qui lui incombent : évaluer pour faire progresser tous ses élèves ; évaluer pour certifier la maîtrise des acquis. Le premier épisode de la pandémie de COVID-19 aura permis aux enseignants de mettre leurs efforts essentiellement sur la première mission. En effet, la plupart des administrations scolaires ont mis l’évaluation certificative sur pause pour éviter de creuser les inégalités entre les élèves. Néanmoins, ce n’était qu’une parenthèse. Même avec une pandémie persistante, les systèmes scolaires ont déjà remis la certification en route, sous des formes plus ou moins atténuées. Ainsi, quel doit être le rôle de l’évaluation en classe lors de ce retour à la « normalité » ? Quel équilibre trouver pour les enseignants-funambules ?
Avec des classes constituées d’élèves aux prérequis inégaux dus à la période de confinement, mais aussi en prévision de futures mises en quarantaine d’élèves ou de futures situations difficiles liées à la COVID-19, l’évaluation (tant formative que sommative) est plus que jamais appelée à jouer son rôle de soutien à l’apprentissage et à l’enseignement afin de développer le potentiel de tous les élèves. Ceci semble signifier pour l’instant de continuer à temporiser (ou à oublier pour de bon !) un certain nombre de pratiques traditionnelles, et surtout à innover et à adapter les pratiques aux circonstances nouvelles qui risquent de se présenter. Afin de ne pas creuser les écarts et pour être davantage « juste » — dans le double sens de ce mot, c’est-à-dire appropriée et équitable, l’évaluation doit absolument être critériée (c.-à-d. qu’elle se réfère aux programmes d’études avec des critères descriptifs) et non normative (c.-à-d. qu’elle ne s’appuie pas sur la comparaison entre les élèves avec un cumul de points). Et surtout, l’évaluation doit être considérée par les enseignants comme un moyen d’intervenir de manière différenciée selon les besoins de chacun (équité) et non comme une intervention standardisée pour donner la même chose à chacun (égalité de traitement).
Par où commencer pour que l’évaluation soit une source d’équité, qu’elle soutienne l’apprentissage des élèves en répondant de manière différenciée aux besoins des élèves ? Voici quatre suggestions décrivant comment mettre l’accent sur le soutien à l’apprentissage :
Utiliser une évaluation critériée suppose que les objectifs et les exigences soient transmis clairement à l’élève pour lui permettre de se faire une représentation adéquate du résultat attendu à divers degrés (p. ex., Supérieur, Excellent, Bon…). La clarté des critères de réussite d’apprentissage est d’autant plus importante que l’élève travaille en ligne ou à la maison, avec ou sans l’assistance de ses parents ou de tuteurs à distance. L’utilisation d’exemples de travaux d’élèves (copies-types) permet à l’enseignant de fournir à l’élève des productions qui satisfont aux exigences à différents degrés.
Évaluer de façon continue ne signifie pas que l’élève doive être évalué continuellement, surtout si l’enseignant est déjà en mesure d’anticiper les résultats à partir de ses observations et s’il s’agit d’exercer des apprentissages au moyen d’activités de consolidation. Par évaluation continue, il faut comprendre que celle-ci intervient à des moments cruciaux de l’acquisition de nouveaux apprentissages, notamment lorsque la maîtrise des prérequis devient nécessaire à la progression de l’élève.
Fournir une rétroaction efficace, différenciée, descriptive et détaillée permet d’assurer la continuité des apprentissages. À cet égard, toutes les rétroactions ne sont pas également utiles. Celles portant sur la personne de l’élève font très peu pour l’aider à mieux comprendre ce qui va ou ne va pas. Les rétroactions correctives qui se limitent à signaler les bonnes réponses ou les erreurs à éviter, ne sont guère plus aidantes. Les rétroactions les plus efficaces sont celles qui reviennent sur les processus avec lesquels l’élève traite l’information et sur les stratégies qu’il met en œuvre pour réguler son apprentissage.
Engager l’élève dans l’évaluation sommative et formative. Afin qu’elle soit équitable, l’évaluation (formative et sommative) doit être « alignée » à la fois sur les programmes d’études et les activités d’apprentissage. Le bilan du progrès de l’élève ou de la classe doit être fait en fonction des activités et des observations réalisées tout au long du processus d’enseignement/apprentissage et non présenter une unique mesure froide d’une performance, sur un temps T et un contenu C. De plus, l’évaluation doit engager les élèves dans le processus. C’est ce dont il sera question dans la section suivante.
L’évaluation réalisée par l’enseignant n’est pas toujours à la disposition de l’élève aux moments où il en aurait besoin pour soutenir son apprentissage. Que ce soit en ligne ou en classe, les habiletés et les habitudes d’étude de l’élève acquièrent de ce fait une plus grande pertinence. En Ontario, le bulletin scolaire rapporte entre autres : fiabilité, sens de l’organisation, autonomie, sens de l’initiative et autorégulation. Au Québec, on retrouve : exercer son jugement critique, organiser son travail, savoir communiquer.
Jusqu’à présent, même si une grande partie de la réussite scolaire dépend de la maitrise de ces compétences qui touchent tous les domaines (transversales) et qui sont utiles dans des contextes nouveaux (transférables), ces apprentissages n’ont pas reçu la même attention que les principales matières scolaires. Les critères et les objectifs d’amélioration de ces compétences sont peu précis. Pourtant, celles-ci sont essentielles pour que l’élève « apprenne à apprendre ». Le rôle de l’enseignant est d’observer et d’améliorer ces capacités. La rétroaction de l’enseignant sur les processus et stratégies utilisés par l’élève peut en faciliter l’acquisition, mais celle-ci doit aussi aboutir sur une participation active de l’élève au processus même d’évaluation. La capacité de l’élève à réfléchir par lui-même sur ses productions, à être attentif aux processus qu’il met en œuvre pour en évaluer l’utilité et l’efficacité – la métacognition – fait partie de ce qu’il a été convenu d’appeler l’évaluation en tant qu’apprentissage (Earl, 2003), une composante essentielle de l’autorégulation des apprentissages (Laveault et Allal, 2016). Elle fait écho au « Connais-toi toi-même » de Socrate et à la pédagogie de Montessori « Aide-moi à faire par moi-même ».
L’évaluation scolaire va donc bien au-delà de la correction des erreurs. Les rétroactions correctives font bien peu pour améliorer la connaissance et l’estime de soi en plus de constituer une tâche fastidieuse pour les enseignants et les élèves. À la limite, trop de rétroactions correctives permet difficilement à l’élève en difficulté de s’améliorer. L’évaluation des apprentissages est un outil pour enseigner et apprendre, à plus forte raison en contexte de pandémie. Elle doit permettre de soutenir tous les élèves, en les aidant à devenir de meilleurs apprenants.
Au personnel scolaire qui se demande par où commencer, une réponse peut provenir de ce proverbe africain : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour ; si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours ». Il existe dans nos écoles des élèves qui doivent apprendre à pêcher. Leur fournir toujours plus de poissons n’est pas une solution à long terme pour réduire les écarts entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas pêcher. L’évaluation-soutien d’apprentissage peut aider l’élève à apprendre à pêcher et à développer son sentiment d’efficacité personnelle, un atout pour toute la vie.
Pour en connaître davantage sur le sujet, le lecteur est invité à lire les articles suivants déjà parus dans Éducation Canada : Évaluation des apprentissages : pour être à la hauteur et se dépasser ainsi que Comment évaluer les apprentissages grâce à l’autoévaluation.
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Earl, L. (2003). Assessment as learning. Thousand Oaks, CA : Corwin Press.
Laveault, D. et Allal, L. (2016). Assessment for learning : Meeting the challenge of implementation. Cham, CH : Springer.
Vienneau, R. (2011). Apprentissage et enseignement. Montréal : Gaëtan Morin.
Yerly, G. et Laveault, D. (sous presse). « Évaluer les apprentissages en contexte de pandémie : aller au-delà de la notation pour soutenir la réussite de tous les élèves ». Formation et Profession : revue scientifique internationale en éducation.
Yerly, G. et Issaieva, E. (sous presse). « Évaluer les apprentissages au postsecondaire en temps de crise : défis, opportunités et dangers lors de la pandémie de COVID-19 ». Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire.
En cette période de crise sanitaire liée à la pandémie de la COVID-19, les acteurs éducatifs mettent tout en œuvre pour garantir les acquis, poursuivre les apprentissages des élèves et sauver l’école. Les parents d’élèves sont plus que jamais sollicités pour accompagner les enfants dans leur processus d’apprentissage. Cet accompagnement se traduit le plus souvent par l’aide aux devoirs, la clarification de certains contenus d’apprentissage, l’appui à l’utilisation des outils informatiques, etc. Or, afin de pouvoir jouer pleinement ce rôle d’accompagnateur à domicile, les parents doivent avoir un minimum de connaissances de la langue d’enseignement, des outils informatiques et de certains contenus d’apprentissage. Ils doivent également disposer des ressources nécessaires afin de répondre adéquatement au besoin de leur enfant. Tous les parents immigrants remplissent-ils de telles conditions?
Les parents allophones (ne parlant ni anglais ni français) ou défavorisés (désavantagés sur le plan économique, social ou culturel) sont essentiellement issus de l’immigration récente qui constitue présentement l’un des principaux facteurs d’accroissement de la population canadienne. À l’instar des autres pays occidentaux, le Canada a reçu plus de 1,2 million d’immigrants entre 2011 et 2016, soit environ 250 000 personnes par année (Statistique Canada, 2017). Selon ce même organisme, un peu plus du cinquième (21,9 %) de la population canadienne était née à l’extérieur du pays et 47,2 % de ces personnes parlent le plus souvent une langue autre que le français et l’anglais à la maison. Bien que la majorité de cette population déclare connaitre une langue officielle du Canada, ou les deux, il n’en demeure pas moins qu’il existe des familles où ces deux langues ne sont pas d’usage courant à domicile. Alors, comment peuvent-elles accompagner efficacement leur enfant dans leurs apprentissages quand elles ne comprennent pas la langue de la scolarisation? En temps normal, ces familles ont le plus souvent recours à des structures d’accueil qui les accompagnent dans le processus d’établissement à travers, notamment l’apprentissage de la langue et de la culture de leur nouveau milieu ainsi que la découverte des règlements et protocoles sociaux qui peuvent ne pas paraitre évidents pour un nouvel arrivant. Toutefois, le fonctionnement de ces organismes est aussi perturbé par la pandémie et les proches-aidants qui les assistent de manière informelle sont aussi soumis au respect des mesures barrières de distanciation physique et sociale.
En plus de cette situation linguistique défavorable, des études décrivent les conditions socioéconomiques peu reluisantes de certains parents immigrants. Dans une étude menée dans les écoles dites défavorisées de Montréal, Kanouté et al. (2016) ont identifié plusieurs situations caractérisant les familles immigrantes telles que « la sous-scolarisation de certains parents, le chômage d’autres pourtant très instruits, le cumul de vulnérabilités d’un nombre significatif d’entre eux ». Boudarbat et Grenier (2014) soulignent que les parents immigrants sont « surreprésentés parmi les travailleurs pauvres titulaires d’un diplôme universitaire » (p.117) parce qu’ils n’ont pas toujours accès aux emplois correspondant à leurs attentes (Boudarbat et Cousineau, 2010). Pour ces auteurs, le niveau de scolarité de cette catégorie de population n’est pas toujours une garantie contre le risque de faible revenu comme chez les membres de la société d’accueil.
En milieu francophone minoritaire du Canada, la situation semble plus complexe. En plus des contraintes spécifiques au contexte (insuffisance de ressources, emplois limités, etc.), les immigrants vivent généralement dans une situation de « double minorisation ». (Gilbert et al., 2014; Lacassagne, 2010). Veronis et Huot (2019) expliquent ce phénomène par « l’appartenance, à la fois, à une minorité linguistique et, pour la plupart, à une minorité visible ». Dans le contexte minoritaire francophone, comme le peuple acadien, la communauté franco-ontarienne, fransaskoise ou autre, on peut même parler de triple minorisation : minorité culturelle, minorité linguistique et minorité visible.
En tenant compte des différentes réalités des familles immigrantes, des auteurs tels que Javdani, et al. (2012) parlent d’un « niveau élevé de chômage dans l’ensemble et d’un niveau de revenu plus faible que les Canadiens de souche ». La situation est encore plus complexe pour les parents immigrants allophones et monoparentaux. Dès lors, comment faire face aux sollicitations et à certaines exigences de l’école en termes de soutien à l’apprentissage de l’enfant en temps de pandémie quand ils peinent à satisfaire aux besoins primaires (par exemple, besoins physiologiques et de sécurité) de la pyramide de Maslow? Comment fournir des outils informatiques et un réseau Internet de qualité à la maison quand ils vivent dans une situation financièrement précaire et ne sont pas admissibles à l’assurance chômage, par exemple, pour les parents non encore résidents? Il est facile de s’imaginer qu’un enfant déjà défavorisé à plusieurs égards et privé d’outils de base pour apprendre, deviendrait vite anxieux ou pourrait perdre intérêt dans les matières scolaires.
Sans prétendre à une recette magique, la démarche peut s’envisager en trois étapes :
La démarche peut être résumée par le constat, la collecte d’informations, la communication, l’exploration des solutions, la mobilisation des ressources et l’appui. L’école et la société ont tout à gagner en visant l’équité dans l’inclusion scolaire des élèves immigrants. Plus ceux-ci s’épanouiront comme personnes, plus ils seront aptes à contribuer à leur communauté d’accueil.
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Boudarbat, B. et Grenier, G. (2014). « L’impact de l’immigration sur la dynamique économique du Québec ». Rapport remis au ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion. http://www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/recherchesstatistiques/ETU_ImmigrProsperite_BoudarbatGrenier.pdf (Consulté le 10 octobre 2015).
Boudarbat, B., et Cousineau, J.-M. (2010). « Un emploi correspondant à ses attentes personnelles? Le cas des nouveaux immigrants au Québec ». Journal of International Migration and Intégration/Revue de l’intégration et De la Migration Internationale, 11(2), 155–172.
Gilbert, A. Brosseau, M; Veronis, L. et Ray, B. (2014). La frontière au quotidien: expériences des minorités à Ottawa- Gatineau, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa.
Javdani, M., Jacks, D. and Pendakur, K. (2012). « Immigrants and the Canadian Economy ». Metropolis British Columbia Capstone Report.
Kanouté, F., Lavoie, A., Guennouni, R. et Charrette, J. (2016). « Points de vue d’acteurs scolaires et d’intervenants communautaires sur les besoins d’élèves immigrants et de leur famille dans des écoles défavorisées à Montréal ». Revista Electrónica Interuniversitaria De Formación Del Profesorado, 19(1), 141-155.
Lacassagne, A. (2010). « Le Contact interculturel francophone de Sudbury (CIFS) : francophones avant tout ! Exemple d’un interculturalisme réussi ». Reflets : revue d’intervention sociale et communautaire, 16(2), 202-213.
Martin, Thibault (2011). « Intégration professionnelle des immigrants francophones dans le secteur des nouvelles technologies : une étude de cas au Manitoba ». Revue du Nouvel-Ontario, 35-36, 107-136.
Statistique Canada. (2017). « Immigration et diversité ethnoculturelle : faits saillants du Recensement de 2016 ». https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/171025/dq171025b-fra.htm.
Veronis, L. et Huot, S (2019). « La pluralisation des espaces communautaires francophones en situation minoritaire : défis et opportunités pour l’intégration sociale et culturelle des immigrants », Francophonie d’Amérique, 46-47, automne 2018, printemps 2019.
Deux phénomènes sont indéniables dans le milieu scolaire : le stress, qui concerne aussi bien les enseignants que les élèves1, et le décrochage du personnel enseignant, l’un entraînant parfois l’autre, mais pas toujours. D’entrée de jeu, précisons d’abord la nature du stress dans les écoles.
La notion du stress
Étymologiquement parlant, le terme stress vient du latin stringere et signifie « tendu de façon raide, serré »2. Le concept de stress a été défini de différentes manières par plusieurs auteurs. Les théories du stress issues des travaux de Selye3 considèrent le stress comme étant une réponse de l’organisme face à l’agression d’un agent causal interne ou externe dans le but de résister, de s’adapter et de rétablir son équilibre interne.
Pour Lazarus et Folkman4, le stress est le produit d’une transaction entre l’individu et l’environnement, qui est évaluée comme dépassant les ressources et menaçant le bien-être de l’individu. Pour les besoins de cet article, le stress prend le sens d’une réponse psychologique et physiologique d’un enseignant à une situation qui égale ou excède sa capacité d’adaptation. Dans cette définition, il y a lieu de distinguer trois éléments essentiels : le stress (la force exercée), l’objet ou l’agent (l’enseignant) et la déformation subie par l’objet. Un exemple peut bien illustrer notre définition. Le malaise provoqué par la gestion d’une classe où plusieurs élèves ont des troubles de comportement est en soi un stress, une force, une pression exercée sur l’enseignant qui est l’objet du stress. La conséquence, la déformation subie par l’objet (l’enseignant) est l’attitude adoptée face au stress, notamment, l’insatisfaction. La déformation subie est le comportement adopté par l’enseignant à la suite du stress, la nervosité par exemple.
Les facteurs du stress dans le milieu scolaire
Dans une étude5 sur le stress des enseignants du secondaire vis-à-vis de l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement dans leurs classes, l’effet du comportement des élèves sur le processus d’enseignement et la perte de satisfaction par rapport à leur enseignement sont reconnus comme les sources importantes de stress des enseignants. Cette recherche était menée auprès de 231 enseignants du secondaire au Québec. Dans une autre recherche sur les divers facteurs de stress reconnus par les jeunes enseignants du secondaire comme pouvant engendrer l’abandon prématuré de la profession, Rojo et Minier6 ont trouvé que les enseignants font face à des défis de taille qui génèrent du stress pouvant produire de l’insatisfaction, un sentiment d’incompétence et d’inconfort psychologique. Dans cette étude, les répondants sont des enseignants en fonction ayant songé à abandonner la profession et des enseignants ayant quitté leur carrière. Cette recherche a permis de hiérarchiser les défis responsables du stress enseignant en trois ordres :
Cette classification a fait connaître les différentes facettes du stress des enseignants provoqués par la gestion de classe difficile et l’exploration des facteurs stressants chez les enseignants en début de carrière. Il n’existe, à l’état actuel de la connaissance, aucune étude portant sur le stress des enseignants pouvant conduire à l’abandon de leur carrière et sur le stress de ceux qui l’ont réellement abandonnée9.
Les causes externes du stress
Les causes externes du stress sont liées à la profession et non à l’enseignant. Généralement, et ce pour toutes les professions, Delbrouck10 classe les facteurs de stress d’origine externe en six catégories :
En lien spécifique avec la profession enseignante, Rascle et Janot-Bergugnat11 précisent dix facteurs de stress externes :
Les causes internes du stress
Ce sont des déterminants liés à la personnalité des enseignants. Généralement, sur le plan interne et pour toute profession, Doudin et al.12 répertorient six catégories de causes dans lesquelles se retrouvent les facteurs à l’origine du stress :
Spécifiquement pour la profession enseignante, ces auteurs ciblent trois causes caractérisant la profession enseignante, notamment, les tâches lourdes à accepter (exemple : veiller à la sécurité des élèves pour des sorties scolaires avec une classe d’adolescents à problèmes de comportement), les échecs difficiles à accepter (exemple : être sous-évalué par la direction à l’issue d’une année scolaire estimée fructueuse), et les idéaux élevés (exemple : tous les élèves de la classe doivent réussir au test provincial de compétence linguistique avec A+).
Stratégies pour réduire les effets du stress sur l’individu
Pour réduire le stress, l’organisme humain développe le coping strategy13. Ce sont des mécanismes que l’organisme met en branle pour gérer le stress. Greenberg14 présente trois stratégies globales que chaque personne pourrait employer en vue de faire face au stress : gérer le stress, le combattre et le fuir. Il est à noter que les deux premières stratégies sont proactives du fait qu’elles utilisent des stratégies semblables pour composer avec le stress tandis que la troisième stratégie ne cherche qu’à baisser le niveau de tension chez une personne. Côté, Bertrand et Gosselin15 ont classé les stratégies d’adaptation (pour composer avec le stress) en douze catégories :
Le stress et le décrochage enseignant cohabitent à l’école. Même si le premier n’entraîne pas nécessairement le second, les deux sont indéniables dans le milieu scolaire. À travers les lignes précédentes, le but poursuivi était de conscientiser les lecteurs sur l’existence du stress à l’école chez les enseignants et son éventuelle incidence sur la décision de quitter la carrière enseignante. Malgré son existence à l’école, le stress n’a pas fait l’objet de beaucoup de recherches empiriques. Pour cette raison, nous avons brièvement relevé quelques écrits qui ont abordé le sujet, présenté les facteurs ainsi que les stratégies pour lutter contre le stress à l’aide d’exemples puisés dans le milieu scolaire. Les stratégies sont légion. Nous n’avons pas la prétention de les avoir cernées toutes.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Pelletier, M.-A., « La gestion des émotions face aux situations stressantes à l’école: les finissants stagiaires en éducation préscolaire et enseignement primaire se sentent-ils prêts? » Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 201–218.
2 Lassagne, M., Perriard, J., Rozan, A. et Trontin, C., « 1. Le concept de stress professionnel : définitions et évolutions ». Dans L’évaluation économique du stress au travail (Versailles, Éditions Quae, 2012), 9-16.
3 Selye, H., Le stress de la vie (Montréal : Alain Stanké, 1976).
4 Lazarus, R.S. et Folkman, S., Stress, Appraisal, and Coping (New York : Springer Publishing Company, 1984).
5 Massé, L., Bégin, J.-Y., Couture, C., Plouffe-Leboeuf, T., Beaulieu-Lessard, M. et Tremblay, J., « Stress des enseignants envers l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement ». Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 179–200.
6 Rojo, S. et Minier, P., « Les facteurs de stress reconnus comme sources de l’abandon de la profession enseignante au secondaire au Québec », Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 219–240.
7 Pelletier, G., La gouvernance en éducation. Régulation et encadrement dans les politiques éducatives (Bruxelles : De Boeck, 2009).
8 Heutte, J., Les fondements de l’éducation positive. Perspective psychosociale et systémique de l’apprentissage (Paris : Dunod, 2019).
9 Rojo, S. et Minier, P., « Les facteurs de stress reconnus comme sources de l’abandon de la profession enseignante au secondaire au Québec », Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 219–240.
10 Delbrouck, M., Venara, P., Goulet, F. et Ladouceur, R., Comment traiter le burnout, principes de prise en charge du syndrome d’épuisement professionnel (Bruxelles : Éditions De Boeck, 2011).
11 Janot-Bergugnat, L. et Rascle, N., Le stress des enseignants (Paris : Armand Colin, 2008).
12 Doudin, P.-A., Curchod-Ruedi, D., Lafortune, L. et Lafranchise, N., La santé psychosociale des enseignants et des enseignantes (Québec : Presses de l’Université du Québec, 2011).
13 Folkman, S., Lazarus, R. S., Dunkel-Schetter, C., De Longis, A. et Gruen, R. J., « Dynamics of a stressful encounter: Cognitive appraisal, coping, and encounter outcomes ». Journal of Personality and Social Psychology 50, no 5, 1986 : 992–1003.
14 Greenberg, S. F., Stress and the teaching profession (Paul H. Brookes Publishing Co. : 1984).
15 Côté, L., Bertrand, M. et Gosselin, « Le stress chez les enseignants : une analyse des stresseurs, des stratégies de coping et du processus de lâcher-prise », Psychologie du travail et des organisations 15, no 4, 2010 : 354-379.
En tant que direction d’école, vous avez à gérer plusieurs priorités et l’idée d’en ajouter davantage peut sembler impossible. Toutefois, s’il était possible d’adopter une approche qui favorise à la fois votre santé mentale, celle de votre personnel, et qui par ricochet, profiterait au bienêtre et au succès de vos élèves, l’essayeriez-vous ? Et si l’on vous disait que l’approche proposée n’est pas une solution miracle, mais plutôt une façon d’être et de faire. Est-ce que votre réponse serait la même ? Que votre réponse soit oui ou non, vous êtes invité à explorer la pratique gagnante du Cadre de changement axé sur l’action. Mais d’abord, considérons le défi collectif lié aux troubles mentaux et la raison pour laquelle il importe de s’occuper de la santé mentale de tous en contexte scolaire.
Pourquoi tenir compte de la santé mentale ?
Vous êtes probablement déjà familier avec la statistique qui énonce qu’annuellement au Canada, une personne sur cinq est aux prises avec un trouble mental1. Cependant, saviez-vous que les répercussions sont ressenties non seulement par l’individu, mais aussi par sa famille, sa communauté, son milieu de travail et dans une perspective plus large, par son pays ? En guise d’exemple, l’impact économique de cet enjeu sociétal est estimé à environ 50 milliards de dollars par année, ce qui équivaut à 2 500 milliards de dollars d’ici l’an 20412. Ces montants fulgurants et l’étendue potentielle des effets de cet enjeu démontrent l’ampleur des défis qu’occasionnent les troubles mentaux. Il est donc essentiel de voir à cette situation, mais par où commencer ?
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS)3, la réponse est claire : il faut faire de la prévention et commencer auprès des enfants et des adolescents. L’objectif d’adopter des stratégies préventives auprès des élèves est notamment pour contrecarrer les effets négatifs liés aux problèmes de santé mentale, qui peuvent mener à des difficultés au niveau du rendement scolaire ainsi qu’à des problèmes relationnels et d’assiduité4. Le bémol, cependant, est qu’il est primordial d’être bien soi-même pour enseigner le bienêtre à d’autres5. Or, puisque les directions d’écoles et le personnel scolaire sont les mieux placés pour appuyer les élèves, le but du modèle proposé est d’appuyer la santé mentale positive de ces professionnels en milieu scolaire. Ainsi, le stress étant courant chez le personnel scolaire, partons d’abord du portrait actuel des effets néfastes du stress pour ces professionnels en milieu scolaire.
Les effets néfastes du stress
Puisque les gens sont « influencés par », et « influenceurs de » leurs relations et de leurs environnements6, il est logique que les effets néfastes du stress puissent nuire au style de leadership d’un individu, et ainsi influencer le stress des membres de son équipe. Cet effet de cascade du stress qui se déverse sur d’autres peut avoir lieu tant entre une direction et son équipe qu’entre un enseignant et ses élèves. Ces relations tendues par le stress peuvent accroître l’anxiété, la dépression et l’absentéisme du personnel, et avoir, pour les élèves, un effet sur leurs notes, sur leur satisfaction à l’école et sur leur impression d’être appuyés.
Il y a d’innombrables causes d’un stress élevé chez les gens, et celles-ci varient selon l’individu, son rôle et son contexte. En milieu scolaire, par exemple, les directions ont noté à la fois une augmentation du rythme, de l’intensité et du volume de leur travail et un manque de temps pour l’accomplir. Et ce, malgré une semaine de travail moyenne de 56 heures. L’augmentation du volume et de la complexité de leur charge de travail a aussi eu un impact sur leur productivité, leur équilibre vie-travail, leurs stratégies d’adaptation et leur santé. Le personnel enseignant, quant à lui, se sent dépassé par son volume de travail, par les demandes multiples et accrues de ses élèves et par le manque de temps pour récupérer sur le plan physique et mental. Ceci entraîne une augmentation de son irritabilité, de son anxiété et de son sentiment d’impuissance.
Cependant, en dépit de ces défis, les directions d’écoles restent positives à l’égard de leur travail. D’ailleurs, 91 % croient que leur profession fait une différence significative dans la communauté scolaire et que leur école est un bon endroit où travailler. Ces affirmations suggèrent une satisfaction professionnelle, qui, selon la recherche, constitue un facteur qui favorise le maintien en poste du personnel, augmente l’engagement organisationnel et contribue au succès scolaire des élèves.
Changement durable : les conditions gagnantes
Il est démontré que pour favoriser une satisfaction professionnelle, il importe de mettre l’accent sur un environnement de travail positif qui contribue à réduire le stress lié au travail et à prévenir les troubles mentaux à long terme. Plusieurs conditions sont nécessaires, dont :
Par ailleurs, afin de s’assurer qu’un climat de travail positif soit durable, l’approche doit être écologique (c.-à-d. qu’elle tienne compte de l’individu et de l’organisation) et exhaustive (c.-à-d. qu’elle considère les besoins de formations, de ressources, de structures, de leadership, et d’appui à la mise en œuvre). D’autre part, l’approche proposée doit être malléable afin de tenir compte des particularités de chaque milieu scolaire, car les problèmes qui peuvent perturber l’environnement de travail sont à la fois complexes et variés.
La santé mentale positive à l’école: le Cadre de changement axé sur l’action
Chaque école est différente. Donc, pour adopter des pratiques qui favorisent la santé mentale positive qui va répondre à leurs besoins particuliers, la direction d’école et son équipe doivent aiguiser leurs compétences afin d’identifier quels sont leurs défis; trouver et appliquer des solutions créatives; évaluer leurs efforts, et partager leurs succès.
Le Cadre de changement axé sur l’action (Figure 1) fut conçu pour répondre à ces besoins en :
Spécifiquement, ce cadre théorique inclut des éléments de la recherche-action participative (une approache collborative, qui mise à réduire l’écart entre la recherche et la pratique, où l’engagement des participants dans le processus est nécessaire); du cycle Planifier-Exécuter-Étudier-Agir [PEÉA] (ce cycle propose les actions nécessaires pour mettre en œuvre des solutions informées et éclairées par des données); et du Leadership adaptatif (une approche de leadership reconnue pour engager les gens à résoudre des problèmes complexes). Ces modèles furent intégrés car ils tiennent compte des conditions écologiques, ils sont exhaustifs et ils sont reconnus dans le domaine de l’éducation.
Figure 1. Le cadre de changement axé sur l’action
La Figure 1 conceptualise la manière dont les éléments clés de chaque modèle sont interreliés et se rehaussent l’un l’autre. Spécifiquement, le cercle extérieur représente le Leadership adaptatif où le comportement du leader favorise un environnement qui promeut une culture du changement. Centrale au processus, se trouve la vision vers laquelle l’équipe tend. Celle-ci agit comme l’ancre pour toutes solutions innovatrices proposées. Les flèches représentent, quant à elles, le processus itératif du Cadre. Le cercle interne illustre le cycle PEÉA et les boîtes adjacentes sont des composantes du cadre de recherche-action participative (mise à part la section Agir). Puis, pour simplifier le processus vers un changement durable, chaque quadrant propose une question cible, soit : « Quel est le problème ? », « Quel est le plan ? », « Quelle est l’histoire ? » et « Quelle est la prochaine étape ? ».
Enfin, ce qui lie tous ces concepts est l’approche du Design Thinking (DT). Cette approche, centrée sur la perspective de l’individu aux prises avec le problème identifié fut sélectionnée, car elle exige d’utiliser de la créativité pour résoudre des problèmes complexes. De plus, les processus du DT s’alignent avec les conditions clés qui favorisent la satisfaction professionnelle. Par exemple, la technique DT requiert un travail d’équipe au cours duquel les gens :
Alors que ce processus appuie l’identification et l’adoption de pratiques contextuelles qui favorisent la santé mentale positive au travail, c’est la Cascade d’apprentissage qui assure que cette approche s’intègre à la culture de l’école.
La Cascade d’apprentissage (Figure 2) a deux objectifs : appuyer le changement et bâtir la capacité de l’école à se servir du Cadre avec confiance lorsque le soutien accompagnant sa mise en œuvre n’est plus disponible. Le modèle propose quatre occasions d’apprentissage qui se poursuivent de manière perpétuelle :
D’une part, l’adoption d’une approche collaborative et innovatrice pour trouver des solutions qui répondent aux besoins uniques de chaque école est incontournable. D’autre part, intégrer cette pratique à la culture de l’école favorise la satisfaction professionnelle de la direction et de son équipe. Cependant, bien qu’il y ait plusieurs bienfaits à cette approche, il ne faut pas croire qu’une direction doit dorénavant prendre toutes ses décisions par l’entremise du Cadre.
Quand appliquer le Cadre de changement axé sur l’action?
La valeur du Cadre proposé se manifeste lorsque qu’il y a un problème qui se présente qui est complexe ou qui n’a pas de solution évidente. C’est d’ailleurs pour répondre à des situations difficiles que le modèle de Leadership adaptatif a été retenu. Or, en tant que leader, avant d’appliquer le Cadre, il est important de discerner si le problème auquel on fait face est technique (problème et solution claire) ou adaptatif (problème flou qui requiert une solution innovatrice). Dans le premier scénario, il est possible d’appliquer la solution qui est familière. Cependant, le second scénario nécessite de la collaboration, de l’apprentissage et de l’innovation. C’est dans ce contexte que le Cadre de changement axé sur l’action est mis en pratique.
Appel à l’action
La santé mentale positive au travail est une responsabilité partagée, car les effets du stress touchent tout le monde. Alors qu’il est primordial d’adopter personnellement des stratégies d’adaptation saines, ce n’est pas suffisant. Il y a aussi un réel besoin d’aborder la santé mentale du point de vue professionnel et organisationnel, afin d’avoir un impact sur l’environnement de travail.
Il est encourageant de savoir que le Cadre de changement axé sur l’action présenté dans cet article peut à la fois appuyer la santé mentale positive de tous à l’école et y contribuer. Mais ce changement ne s’effectue pas tout seul. Si cet enjeu est complexe, maintenir le statu quo ne constitue pas une option viable, surtout en contexte de pandémie, où rien n’est comme avant et que la santé mentale est mise à rude épreuve. Il importe d’aller de l’avant et d’engager une conversation avec les collègues pour réfléchir à la santé mentale positive au travail, et ensemble, de trouver des manières pertinentes d’intégrer un processus qui la favorise dans son école.
Illustration : Diana Pham
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Smetanin, P., Stiff, D., Briante, C., Adair, C.E., Ahmad, S., et Khan, M. (2011). The life and economic impact of major mental illnesses in Canada: 2011 to 2041. RiskAnalytica on behalf of the Mental Health Commission of Canada. [En ligne]. https://www.mentalhealthcommission.ca/English
2 Mental Health Commission of Canada. (2013). Making the case for investing in mental health in Canada. [En ligne]. https://www.who.int/mental_health/evidence/en/prevention_of_mental_disorders_sr.pdf
3 World Health Organization. (2004). Prevention of mental disorders. Geneva: World Health Organization. [En ligne]. https://www.who.int/mental_health/evidence/en/prevention_of_mental_disorders_sr.pdf
4 Santor, D., Short, K., et Ferguson, B. (2009) Taking mental health to school: A policy-oriented paper on school-based mental health for Ontario. Report prepared for the Ontario Centre of Excellence for Child and Youth Mental Health. [En ligne]. https://iknow-oce.esolutionsgroup.ca/api/ServiceItem/GetDocument?clientId=A1B5AA8F-88A1-4688-83F8-FF0A5B083EF3&documentId=fbaf55da-f169-4a9c-844a-9ebc7d5abeec ; Short, K., Ferguson, B., et Santor, D. A. (2011). Scanning the practice landscape in school-based mental health. Provincial Centre of Excellence for Child and Youth Mental Health at CHEO. [En ligne]. https://iknow-oce.esolutionsgroup.ca/api/ServiceItem/GetDocument?clientId=A1B5AA8F-88A1-4688-83F8-FF0A5B083EF3&documentId=4da2ac3f-8482-4206-b819-e7cadcae167b ; School Based Mental Health and Substance Abuse [SBMHSA] Consortium. (2013). School mental health in Canada: Report of findings. Report prepared for the Mental Health Commission of Canada. [En ligne]. https://www.mentalhealthcommission.ca/sites/default/files/ChildYouth_School_Based_Mental_Health_Canada_Final_Report_ENG_0.pdf
5 Acton, R., et Glasgow, P. (2015). Teacher wellbeing in neoliberal contexts: A review of the literature. Australian Journal of Teacher Education, 40, 8, 99-114. [En ligne]. https://ro.ecu.edu.au/ajte/vol40/iss8/6/ ; Ontario Principals’ Council. (2017). International symposium white paper: Principal work-life balance and well-being matters. Toronto, ON. ; Roffey, S. (2012). Pupil wellbeing – Teacher wellbeing: Two sides of the same coin? Teacher Wellbeing, 29, 4, 8-17.
6 Bronfenbrenner, U. (1992). Ecological systems theory. Dans R. Vasta (Ed.), Six theories of child development: Revised formulations and current issues (pp. 187-249). London: Jessica Kingsley.
C’est jour d’examen de mathématiques pour Éric. Bien qu’il ait étudié suffisamment, il bouge sur sa chaise, se ronge les ongles, regarde l’heure constamment, mais surtout, il relit maintes fois sa copie avant de la rendre à son enseignante.
Marianne a étudié jour et nuit lors du dernier examen de français. Pourtant, elle a obtenu une note de 59 %. Nina, quant à elle, n’a pas eu besoin d’étudier, mais pour elle aussi c’est la catastrophe! Elle a obtenu 99 %.
L’omniprésence de l’évaluation
L’évaluation est partout, dans toutes les sphères de la société. Qu’on aille au restaurant où parfois on nous demande d’accorder une note pour le service et le repas ou encore qu’on lise la critique d’un film, l’évaluation est prégnante. Elle fait partie de notre quotidien et, même les jeunes, avec leur statut d’élève, n’y échappent pas. Parce que l’évaluation des apprentissages est au centre des préoccupations à l’école, il convient de s’intéresser à ce qui peut faire obstacle au bienêtre des élèves pendant la préparation des examens et la passation de ceux-ci :
le stress.
Le stress, c’est quoi au juste?
Pour l’Organisation mondiale de la Santé, le stress peut se manifester chez un individu « dont les ressources et stratégies de gestion personnelles sont dépassées par les exigences qui lui sont posées »1. En milieu scolaire, d’après Ang et Huan, il réfère à « un état chronique chez des élèves qui se sont fixé des objectifs irréalistes ou dont la perception et les attentes de l’entourage dépassent leurs capacités »2. À la fois bon et mauvais, le stress peut avoir un impact sur la santé mentale et physique ou sur le bienêtre des élèves3. Par exemple, lorsqu’il est vécu comme un défi à surmonter, il peut devenir stimulant et inviter au dépassement. Toutefois, tout est une question d’équilibre, car si le stress se prolonge ou est trop élevé, il peut devenir inconfortable et dommageable. C’est pourquoi il importe pour les enseignants de connaitre les causes et les conséquences du « mauvais stress » en situation d’examen, mais surtout les bonnes pratiques à adopter auprès des élèves pour le diminuer.
Causes
Nous partageons ici quelques-unes des origines du stress. Il y a certes l’appréhension d’un examen difficile pour lequel on ne se sent pas à la hauteur, le manque d’étude et les « bourrages de crâne » de dernières minutes qui embrouillent l’esprit et fatiguent le corps. La liste des causes comprend aussi la crainte pour un élève de déplaire à son enseignant ou à ses parents, les attentes trop élevées qu’il perçoit à son égard et la peur du jugement de ses pairs (Combien tu as eu à l’examen?). Enfin, la course aux A+ ou aux 100 %, la volonté d’être toujours le meilleur ou de ne jamais commettre d’erreurs et la peur d’échouer peuvent aussi faire naitre du stress chez les élèves.
Conséquences
Que sait-on des conséquences néfastes du stress? Elles peuvent prendre la forme de désagréments physiques comme des maux de ventre, l’envie d’uriner, des nausées, des battements de cœur accélérés ou des tics nerveux. Le stress en situation d’examen ou à l’approche de ceux-ci peut également causer des trous de mémoire, de l’insomnie, des manquements au niveau de la concentration ou de l’attention, ce qui peut empêcher les élèves de performer à leurs pleines capacités. Ils peuvent aussi se sentir impatients, irrités, paniqués, regarder l’horloge sans cesse, bouger constamment sur leur chaise et vérifier leur copie d’examen plusieurs fois avant de la rendre. De par ses conséquences désagréables pour celui qui le vit, le stress peut au final engendrer un sentiment négatif vis-à-vis des examens ou la phobie de ceux-ci… qui, pourtant, fourmillent dans le parcours scolaire des élèves.
Elles peuvent prendre la forme de désagréments physiques comme des maux de ventre, l’envie d’uriner, des nausées, des battements de coeur accélérés ou des tics nerveux.
Pistes de solution
Les enseignants trouveront utiles les 12 pistes de solution suivantes pour aider les élèves à diminuer leur stress et à mieux vivre les périodes d’examens.
Pistes de réflexion
Les enseignants peuvent-ils, eux aussi, ressentir du stress à l’égard des examens que passent leurs élèves? La réponse à cette question est « oui » et elle peut s’expliquer par différentes raisons comme la peur que les élèves échouent ou réussissent moins bien qu’à l’habitude, la crainte de voir la qualité de leurs enseignements remise en doute par la direction de l’école ou les parents si les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes, la hantise d’être trop sévère ou trop indulgent dans la correction, etc. Voici quelques conseils pour aider à diminuer le stress vécu par les enseignants :
Conclusion
Il convient de se rappeler que bien que le stress que vivent les élèves pourrait paraitre banal ou moins significatif aux yeux de l’adulte, il est important de ne pas le banaliser et de manifester un intérêt réel pour leurs préoccupations.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Mouzé-Amady, M. (2014). Stress chronique : panorama et focus sur de nouveaux indicateurs biologiques et biomécaniques. Références en Santé au Travail, 137, 31-46.
2 Meylan, N., Doudin, P.-A., Curchod-Ruedi, D., Antonietti, J.-P., et Stephan, P. (2015). Stress scolaire, soutien social et burnout à l’adolescence : quelles relations? Éducation et francophonie, 43,2, 135-153.
3 Selye, H. (1936). A Syndrome produced by Diverse Nocuous Agents. Nature, 138, 32.
Au Canada, le système d’éducation a un rôle clé à jouer dans l’élaboration de stratégies visant à favoriser la santé mentale et le bien-être des élèves et du personnel enseignant. Il est vrai que des programmes indépendants ont aidé le personnel à aborder la question de la santé mentale et du bienêtre. Toutefois, afin d’aborder cette question à plus long terme, il est de plus en plus reconnu que les solutions doivent être mises en oeuvre de manière systémique.
Le présent document s’inspire de discussions qui ont eu lieu lors de deux tables rondes nationales. Il souligne pourquoi et comment les leaders du système de l’éducation, de la maternelle à l’école secondaire, et leurs partenaires, doivent aller plus loin que des interventions et des programmes ponctuels pour adopter une approche qui permettra d’intégrer la santé mentale et le bien-être au coeur même du mandat de l’éducation publique.