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Mieux comprendre le stress des enseignants, une brève recension des écrits

Deux phénomènes sont indéniables dans le milieu scolaire : le stress, qui concerne aussi bien les enseignants que les élèves1, et le décrochage du personnel enseignant, l’un entraînant parfois l’autre, mais pas toujours. D’entrée de jeu, précisons d’abord la nature du stress dans les écoles.

La notion du stress

Étymologiquement parlant, le terme stress vient du latin stringere et signifie « tendu de façon raide, serré »2. Le concept de stress a été défini de différentes manières par plusieurs auteurs. Les théories du stress issues des travaux de Selye3 considèrent le stress comme étant une réponse de l’organisme face à l’agression d’un agent causal interne ou externe dans le but de résister, de s’adapter et de rétablir son équilibre interne.

Pour Lazarus et Folkman4, le stress est le produit d’une transaction entre l’individu et l’environnement, qui est évaluée comme dépassant les ressources et menaçant le bien-être de l’individu. Pour les besoins de cet article, le stress prend le sens d’une réponse psychologique et physiologique d’un enseignant à une situation qui égale ou excède sa capacité d’adaptation. Dans cette définition, il y a lieu de distinguer trois éléments essentiels : le stress (la force exercée), l’objet ou l’agent (l’enseignant) et la déformation subie par l’objet. Un exemple peut bien illustrer notre définition. Le malaise provoqué par la gestion d’une classe où plusieurs élèves ont des troubles de comportement est en soi un stress, une force, une pression exercée sur l’enseignant qui est l’objet du stress. La conséquence, la déformation subie par l’objet (l’enseignant) est l’attitude adoptée face au stress, notamment, l’insatisfaction. La déformation subie est le comportement adopté par l’enseignant à la suite du stress, la nervosité par exemple.

Les facteurs du stress dans le milieu scolaire

Dans une étude5 sur le stress des enseignants du secondaire vis-à-vis de l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement dans leurs classes, l’effet du comportement des élèves sur le processus d’enseignement et la perte de satisfaction par rapport à leur enseignement sont reconnus comme les sources importantes de stress des enseignants. Cette recherche était menée auprès de 231 enseignants du secondaire au Québec. Dans une autre recherche sur les divers facteurs de stress reconnus par les jeunes enseignants du secondaire comme pouvant engendrer l’abandon prématuré de la profession, Rojo et Minier6  ont trouvé que les enseignants font face à des défis de taille qui génèrent du stress pouvant produire de l’insatisfaction, un sentiment d’incompétence et d’inconfort psychologique. Dans cette étude, les répondants sont des enseignants en fonction ayant songé à abandonner la profession et des enseignants ayant quitté leur carrière. Cette recherche a permis de hiérarchiser les défis responsables du stress enseignant en trois ordres :

  • organisationnel et institutionnel – qui concerne le travail des cadres de l’éducation et des gestionnaires des structures régionales et locales de l’éducation. La gouvernance de l’éducation devrait, par exemple, prévoir des mesures de prévention et d’accompagnement du personnel stressé7.
  • relationnel – qui tient compte des motifs et des émotions qui appuient un climat favorable au déroulement des interventions en salle de classe. Par exemple, intégrer le cours de gestion de classe dans le programme de formation initiale à l’enseignement au lieu d’en faire un module de formation en plein exercice de la profession.
  • motivationnel – qui justifie la persistance dans l’action8. À titre d’exemple, les gestionnaires des systèmes scolaires peuvent prévoir un barème salarial alléchant et des avantages sociaux pour les recrues et les enseignants expérimentés.

Cette classification a fait connaître les différentes facettes du stress des enseignants provoqués par la gestion de classe difficile et l’exploration des facteurs stressants chez les enseignants en début de carrière. Il n’existe, à l’état actuel de la connaissance, aucune étude portant sur le stress des enseignants pouvant conduire à l’abandon de leur carrière et sur le stress de ceux qui l’ont réellement abandonnée9.

Les causes externes du stress

Les causes externes du stress sont liées à la profession et non à l’enseignant. Généralement, et ce pour toutes les professions, Delbrouck10 classe les facteurs de stress d’origine externe en six catégories :

  • La tâche ou le contenu même du travail à effectuer.
    • la charge de travail, la pression temporelle, la monotonie et le manque d’autonomie.
  • L’organisation du travail
    • l’absence de contrôle, l’inadaptation des horaires de travail aux rythmes biologiques, à la vie sociale et à la vie familiale.
  • Les relations de travail
    • le manque d’aide des collègues, l’absence ou la faible reconnaissance par la communauté du travail accompli et le manque de communication.
  • L’environnement technique
    • matériaux lourds à transporter, manque de fontaine d’eau fraiche, locaux sans fenêtres, manque d’eau chaude pour le lavage des mains.
  • L’environnement socioéconomique de l’organisation
    • la compétitivité et la concurrence.
  • L’environnement familial et social
    • les conflits et les ennuis sociaux ou familiaux.

En lien spécifique avec la profession enseignante, Rascle et Janot-Bergugnat11 précisent dix facteurs de stress externes :

  • La surcharge de travail que l’on peut comprendre comme la multiplicité et la complexité des tâches que les enseignants doivent accomplir. Par exemple : planifier les leçons, gérer les comportements des élèves, communiquer avec les parents, participer à des formations, prendre part aux réunions du personnel, organiser des sorties scolaires et des activités sportives.
  • Le conflit des rôles qui apparaît lorsque l’enseignant est invité à jouer plusieurs rôles à la fois dans l’exercice de ses fonctions. Par exemple, l’enseignant peut se retrouver surveillant de la cour de récréation ou administrateur des premiers soins en cas d’accident de ses élèves.
  • Le travail de dynamisation des élèves par lequel l’enseignant doit capter leur attention et la diriger vers les activités d’apprentissage en provoquant leur curiosité. Exemple : se servir des prénoms des élèves pour réaliser la segmentation syllabique.
  • L’ambiguïté des rôles qui survient souvent lorsque l’enseignant doit effectuer des tâches pour lesquelles il n’a pas les compétences. Exemple : effectuer le prêt et le retour des livres à la bibliothèque pour sa classe.
  • L’iniquité et le manque de reconnaissance dont certains membres de la communauté font preuve en ignorant la noblesse du métier d’enseignant. Par exemple, certains parents peuvent tenter de faire virer un enseignant à cause de malentendus personnels.
  • Le climat de classe qui est influencée par l’hétérogénéité des élèves venus des différents milieux éducatifs. Exemple, l’enseignant doit gérer les différents profils caractériels des élèves parmi lesquels il y a des cas difficiles de troubles de comportement, des élèves à haut potentiel et ceux ayant des difficultés d’apprentissage.
  • Les défis liés à la formation compte tenu des innovations technologiques appliquées à l’éducation. Exemple : les nouvelles applications qui sont adoptées en éducation telles que Zoom, Google Meets, Environnement d’apprentissage virtuel, etc. qui nécessitent une initiation constante.
  • Les élèves en difficultés d’apprentissage qui doivent être orientés vers les services de spécialistes. Exemple : les élèves ayant l’anglais comme première langue doivent être dirigés vers le spécialiste d’actualisation de la langue française pour la mise à niveau.
  • Le niveau de potentiel de la classe, car tous les élèves n’ont pas le même niveau d’apprentissage et de compréhension des concepts enseignés. Exemple : en maternelle, les enfants n’ont pas la même orientation dans le domaine de l’organisation spatio-temporelle.
  • La taille de la classe qui favorise ou pas l’individualisation des interventions selon que le nombre d’élèves est grand ou petit. Exemple : avec 15 élèves dans une classe, l’enseignant peut mieux faire le suivi des apprentissages que dans une classe de 28 élèves.

Les causes internes du stress

Ce sont des déterminants liés à la personnalité des enseignants. Généralement, sur le plan interne et pour toute profession, Doudin et al.12 répertorient six catégories de causes dans lesquelles se retrouvent les facteurs à l’origine du stress :

  • L’indiscipline des élèves
  • L’augmentation des charges administratives de l’enseignant
  • La surcharge de travail de l’enseignant
  • Le manque de soutien de la direction à l’enseignant
  • Le sentiment d’iniquité de l’enseignant
  • Le manque de participation de l’enseignant aux prises de décision

Spécifiquement pour la profession enseignante, ces auteurs ciblent trois causes caractérisant la profession enseignante, notamment, les tâches lourdes à accepter (exemple : veiller à la sécurité des élèves pour des sorties scolaires avec une classe d’adolescents à problèmes de comportement), les échecs difficiles à accepter (exemple : être sous-évalué par la direction à l’issue d’une année scolaire estimée fructueuse), et les idéaux élevés (exemple : tous les élèves de la classe doivent réussir au test provincial de compétence linguistique avec A+).

Stratégies pour réduire les effets du stress sur l’individu

Pour réduire le stress, l’organisme humain développe le coping strategy13. Ce sont des mécanismes que l’organisme met en branle pour gérer le stress. Greenberg14 présente trois stratégies globales que chaque personne pourrait employer en vue de faire face au stress : gérer le stress, le combattre et le fuir. Il est à noter que les deux premières stratégies sont proactives du fait qu’elles utilisent des stratégies semblables pour composer avec le stress tandis que la troisième stratégie ne cherche qu’à baisser le niveau de tension chez une personne. Côté, Bertrand et Gosselin15 ont classé les stratégies d’adaptation (pour composer avec le stress) en douze catégories :

Le stress et le décrochage enseignant cohabitent à l’école. Même si le premier n’entraîne pas nécessairement le second, les deux sont indéniables dans le milieu scolaire. À travers les lignes précédentes, le but poursuivi était de conscientiser les lecteurs sur l’existence du stress à l’école chez les enseignants et son éventuelle incidence sur la décision de quitter la carrière enseignante. Malgré son existence à l’école, le stress n’a pas fait l’objet de beaucoup de recherches empiriques. Pour cette raison, nous avons brièvement relevé quelques écrits qui ont abordé le sujet, présenté les facteurs ainsi que les stratégies pour lutter contre le stress à l’aide d’exemples puisés dans le milieu scolaire. Les stratégies sont légion. Nous n’avons pas la prétention de les avoir cernées toutes.

 

Photo : Dave Donald

Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020

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Notes

1 Pelletier, M.-A., « La gestion des émotions face aux situations stressantes à l’école: les finissants stagiaires en éducation préscolaire et enseignement primaire se sentent-ils prêts? » Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 201–218.

2 Lassagne, M., Perriard, J., Rozan, A. et Trontin, C., « 1. Le concept de stress professionnel : définitions et évolutions ». Dans L’évaluation économique du stress au travail (Versailles, Éditions Quae, 2012), 9-16.

3 Selye, H., Le stress de la vie (Montréal : Alain Stanké, 1976).

4 Lazarus, R.S. et Folkman, S., Stress, Appraisal, and Coping (New York : Springer Publishing Company, 1984).

5 Massé, L., Bégin, J.-Y., Couture, C., Plouffe-Leboeuf, T., Beaulieu-Lessard, M. et Tremblay, J., « Stress des enseignants envers l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement ». Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 179–200.

6 Rojo, S. et Minier, P., « Les facteurs de stress reconnus comme sources de l’abandon de la profession enseignante au secondaire au Québec », Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 219–240.

7 Pelletier, G., La gouvernance en éducation. Régulation et encadrement dans les politiques éducatives (Bruxelles : De Boeck, 2009).

8 Heutte, J., Les fondements de l’éducation positive. Perspective psychosociale et systémique de l’apprentissage (Paris : Dunod, 2019).

9 Rojo, S. et Minier, P., « Les facteurs de stress reconnus comme sources de l’abandon de la profession enseignante au secondaire au Québec », Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 219–240.

10 Delbrouck, M., Venara, P., Goulet, F. et Ladouceur, R., Comment traiter le burnout, principes de prise en charge du syndrome d’épuisement professionnel (Bruxelles : Éditions De Boeck, 2011).

11 Janot-Bergugnat, L. et  Rascle, N., Le stress des enseignants (Paris : Armand Colin, 2008).

12 Doudin, P.-A., Curchod-Ruedi, D., Lafortune, L. et Lafranchise, N., La santé psychosociale des enseignants et des enseignantes (Québec : Presses de l’Université du Québec, 2011).

13 Folkman, S., Lazarus, R. S., Dunkel-Schetter, C., De Longis, A. et Gruen, R. J., « Dynamics of a stressful encounter: Cognitive appraisal, coping, and encounter outcomes ». Journal of Personality and Social Psychology 50, no 5, 1986 : 992–1003.

14 Greenberg, S. F., Stress and the teaching profession (Paul H. Brookes Publishing Co. : 1984).

15 Côté, L., Bertrand, M. et Gosselin, « Le stress chez les enseignants : une analyse des stresseurs, des stratégies de coping et du processus de lâcher-prise », Psychologie du travail et des organisations 15, no 4, 2010 : 354-379.

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