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Bien dans mon travail, Bienêtre, Leadership, Pratiques prometteuses

La santé mentale positive pour tous à l’école

Cadre de changement axé sur l’action

En tant que direction d’école, vous avez à gérer plusieurs priorités et l’idée d’en ajouter davantage peut sembler impossible. Toutefois, s’il était possible d’adopter une approche qui favorise à la fois votre santé mentale, celle de votre personnel, et qui par ricochet, profiterait au bienêtre et au succès de vos élèves, l’essayeriez-vous ? Et si l’on vous disait que l’approche proposée n’est pas une solution miracle, mais plutôt une façon d’être et de faire. Est-ce que votre réponse serait la même ? Que votre réponse soit oui ou non, vous êtes invité à explorer la pratique gagnante du Cadre de changement axé sur l’action. Mais d’abord, considérons le défi collectif lié aux troubles mentaux et la raison pour laquelle il importe de s’occuper de la santé mentale de tous en contexte scolaire.

Pourquoi tenir compte de la santé mentale ?

Vous êtes probablement déjà familier avec la statistique qui énonce qu’annuellement au Canada, une personne sur cinq est aux prises avec un trouble mental1. Cependant, saviez-vous que les répercussions sont ressenties non seulement par l’individu, mais aussi par sa famille, sa communauté, son milieu de travail et dans une perspective plus large, par son pays ? En guise d’exemple, l’impact économique de cet enjeu sociétal est estimé à environ 50 milliards de dollars par année, ce qui équivaut à 2 500 milliards de dollars d’ici l’an 20412. Ces montants fulgurants et l’étendue potentielle des effets de cet enjeu démontrent l’ampleur des défis qu’occasionnent les troubles mentaux. Il est donc essentiel de voir à cette situation, mais par où commencer ?

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS)3, la réponse est claire : il faut faire de la prévention et commencer auprès des enfants et des adolescents. L’objectif d’adopter des stratégies préventives auprès des élèves est notamment pour contrecarrer les effets négatifs liés aux problèmes de santé mentale, qui peuvent mener à des difficultés au niveau du rendement scolaire ainsi qu’à des problèmes relationnels et d’assiduité4. Le bémol, cependant, est qu’il est primordial d’être bien soi-même pour enseigner le bienêtre à d’autres5. Or, puisque les directions d’écoles et le personnel scolaire sont les mieux placés pour appuyer les élèves, le but du modèle proposé est d’appuyer la santé mentale positive de ces professionnels en milieu scolaire. Ainsi, le stress étant courant chez le personnel scolaire, partons d’abord du portrait actuel des effets néfastes du stress pour ces professionnels en milieu scolaire.

Les effets néfastes du stress

Puisque les gens sont « influencés par », et « influenceurs de » leurs relations et de leurs environnements6, il est logique que les effets néfastes du stress puissent nuire au style de leadership d’un individu, et ainsi influencer le stress des membres de son équipe. Cet effet de cascade du stress qui se déverse sur d’autres peut avoir lieu tant entre une direction et son équipe qu’entre un enseignant et ses élèves. Ces relations tendues par le stress peuvent accroître l’anxiété, la dépression et l’absentéisme du personnel, et avoir, pour les élèves, un effet sur leurs notes, sur leur satisfaction à l’école et sur leur impression d’être appuyés.

Il y a d’innombrables causes d’un stress élevé chez les gens, et celles-ci varient selon l’individu, son rôle et son contexte. En milieu scolaire, par exemple, les directions ont noté à la fois une augmentation du rythme, de l’intensité et du volume de leur travail et un manque de temps pour l’accomplir. Et ce, malgré une semaine de travail moyenne de 56 heures. L’augmentation du volume et de la complexité de leur charge de travail a aussi eu un impact sur leur productivité, leur équilibre vie-travail, leurs stratégies d’adaptation et leur santé. Le personnel enseignant, quant à lui, se sent dépassé par son volume de travail, par les demandes multiples et accrues de ses élèves et par le manque de temps pour récupérer sur le plan physique et mental. Ceci entraîne une augmentation de son irritabilité, de son anxiété et de son sentiment d’impuissance.

Cependant, en dépit de ces défis, les directions d’écoles restent positives à l’égard de leur travail. D’ailleurs, 91 % croient que leur profession fait une différence significative dans la communauté scolaire et que leur école est un bon endroit où travailler. Ces affirmations suggèrent une satisfaction professionnelle, qui, selon la recherche, constitue un facteur qui favorise le maintien en poste du personnel, augmente l’engagement organisationnel et contribue au succès scolaire des élèves.

Changement durable : les conditions gagnantes

Il est démontré que pour favoriser une satisfaction professionnelle, il importe de mettre l’accent sur un environnement de travail positif qui contribue à réduire le stress lié au travail et à prévenir les troubles mentaux à long terme. Plusieurs conditions sont nécessaires, dont :

  • avoir l’appui de son leader et de ses collègues;
  • pouvoir participer à la prise de décision;
  • travailler en petites équipes;
  • avoir un bon processus de communication.

Par ailleurs, afin de s’assurer qu’un climat de travail positif soit durable, l’approche doit être écologique (c.-à-d. qu’elle tienne compte de l’individu et de l’organisation) et exhaustive (c.-à-d. qu’elle considère les besoins de formations, de ressources, de structures, de leadership, et d’appui à la mise en œuvre). D’autre part, l’approche proposée doit être malléable afin de tenir compte des particularités de chaque milieu scolaire, car les problèmes qui peuvent perturber l’environnement de travail sont à la fois complexes et variés.

La santé mentale positive à l’école: le Cadre de changement axé sur l’action

Chaque école est différente. Donc, pour adopter des pratiques qui favorisent la santé mentale positive qui va répondre à leurs besoins particuliers, la direction d’école et son équipe doivent aiguiser leurs compétences afin d’identifier quels sont leurs défis; trouver et appliquer des solutions créatives; évaluer leurs efforts, et partager leurs succès.

Le Cadre de changement axé sur l’action (Figure 1) fut conçu pour répondre à ces besoins en :

  • simplifiant le processus de mise en œuvre;
  • appuyant les équipes-écoles à trouver et à appliquer leur solution contextuelle;
  • bâtissant la capacité de la communauté scolaire de maintenir leurs efforts dans le temps.

Spécifiquement, ce cadre théorique inclut des éléments de la recherche-action participative (une approache collborative, qui mise à réduire l’écart entre la recherche et la pratique, où l’engagement des participants dans le processus est nécessaire); du cycle Planifier-Exécuter-Étudier-Agir [PEÉA] (ce cycle propose les actions nécessaires pour mettre en œuvre des solutions informées et éclairées par des données); et du Leadership adaptatif (une approche de leadership reconnue pour engager les gens à résoudre des problèmes complexes). Ces modèles furent intégrés car ils tiennent compte des conditions écologiques, ils sont exhaustifs et ils sont reconnus dans le domaine de l’éducation.

Figure 1. Le cadre de changement axé sur l’action

La Figure 1 conceptualise la manière dont les éléments clés de chaque modèle sont interreliés et se rehaussent l’un l’autre. Spécifiquement, le cercle extérieur représente le Leadership adaptatif où le comportement du leader favorise un environnement qui promeut une culture du changement. Centrale au processus, se trouve la vision vers laquelle l’équipe tend. Celle-ci agit comme l’ancre pour toutes solutions innovatrices proposées. Les flèches représentent, quant à elles, le processus itératif du Cadre. Le cercle interne illustre le cycle PEÉA et les boîtes adjacentes sont des composantes du cadre de recherche-action participative (mise à part la section Agir). Puis, pour simplifier le processus vers un changement durable, chaque quadrant propose une question cible, soit : « Quel est le problème ? », « Quel est le plan ? », « Quelle est l’histoire ? » et « Quelle est la prochaine étape ? ».

Enfin, ce qui lie tous ces concepts est l’approche du Design Thinking (DT). Cette approche, centrée sur la perspective de l’individu aux prises avec le problème identifié fut sélectionnée, car elle exige d’utiliser de la créativité pour résoudre des problèmes complexes. De plus, les processus du DT s’alignent avec les conditions clés qui favorisent la satisfaction professionnelle. Par exemple, la technique DT requiert un travail d’équipe au cours duquel les gens :

  • sont engagés dans le processus de changement dès le début;
  • font partie de la prise de décision;
  • essayent leurs idées à petite échelle par des cycles de prototypage rapide;
  • communiquent leurs progrès continuellement.

Alors que ce processus appuie l’identification et l’adoption de pratiques contextuelles qui favorisent la santé mentale positive au travail, c’est la Cascade d’apprentissage qui assure que cette approche s’intègre à la culture de l’école.

La Cascade d’apprentissage (Figure 2) a deux objectifs : appuyer le changement et bâtir la capacité de l’école à se servir du Cadre avec confiance lorsque le soutien accompagnant sa mise en œuvre n’est plus disponible. Le modèle propose quatre occasions d’apprentissage qui se poursuivent de manière perpétuelle :

  • lorsque le Cadre est initialement enseigné ;
  • lors de la mise en pratique du Cadre ;
  • lorsque les usagers enseignent le modèle à leurs collègues ;
  • lorsque les usagers appuient leurs collègues dans la mise en œuvre de la technique.

D’une part, l’adoption d’une approche collaborative et innovatrice pour trouver des solutions qui répondent aux besoins uniques de chaque école est incontournable. D’autre part, intégrer cette pratique à la culture de l’école favorise la satisfaction professionnelle de la direction et de son équipe. Cependant, bien qu’il y ait plusieurs bienfaits à cette approche, il ne faut pas croire qu’une direction doit dorénavant prendre toutes ses décisions par l’entremise du Cadre.

Quand appliquer le Cadre de changement axé sur l’action?

La valeur du Cadre proposé se manifeste lorsque qu’il y a un problème qui se présente qui est complexe ou qui n’a pas de solution évidente. C’est d’ailleurs pour répondre à des situations difficiles que le modèle de Leadership adaptatif a été retenu. Or, en tant que leader, avant d’appliquer le Cadre, il est important de discerner si le problème auquel on fait face est technique (problème et solution claire) ou adaptatif (problème flou qui requiert une solution innovatrice). Dans le premier scénario, il est possible d’appliquer la solution qui est familière. Cependant, le second scénario nécessite de la collaboration, de l’apprentissage et de l’innovation. C’est dans ce contexte que le Cadre de changement axé sur l’action est mis en pratique.

Appel à l’action

La santé mentale positive au travail est une responsabilité partagée, car les effets du stress touchent tout le monde. Alors qu’il est primordial d’adopter personnellement des stratégies d’adaptation saines, ce n’est pas suffisant. Il y a aussi un réel besoin d’aborder la santé mentale du point de vue professionnel et organisationnel, afin d’avoir un impact sur l’environnement de travail.

Il est encourageant de savoir que le Cadre de changement axé sur l’action présenté dans cet article peut à la fois appuyer la santé mentale positive de tous à l’école et y contribuer. Mais ce changement ne s’effectue pas tout seul. Si cet enjeu est complexe, maintenir le statu quo ne constitue pas une option viable, surtout en contexte de pandémie, où rien n’est comme avant et que la santé mentale est mise à rude épreuve. Il importe d’aller de l’avant et d’engager une conversation avec les collègues pour réfléchir à la santé mentale positive au travail, et ensemble, de trouver des manières pertinentes d’intégrer un processus qui la favorise dans son école.

Illustration : Diana Pham

Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020

Notes

1 Smetanin, P., Stiff, D., Briante, C., Adair, C.E., Ahmad, S., et Khan, M. (2011). The life and economic impact of major mental illnesses in Canada: 2011 to 2041. RiskAnalytica on behalf of the Mental Health Commission of Canada[En ligne]. https://www.mentalhealthcommission.ca/English

2 Mental Health Commission of Canada. (2013). Making the case for investing in mental health in Canada. [En ligne]. https://www.who.int/mental_health/evidence/en/prevention_of_mental_disorders_sr.pdf

3 World Health Organization. (2004). Prevention of mental disorders. Geneva: World Health Organization. [En ligne]. https://www.who.int/mental_health/evidence/en/prevention_of_mental_disorders_sr.pdf

4 Santor, D., Short, K., et Ferguson, B. (2009) Taking mental health to school: A policy-oriented paper on school-based mental health for Ontario. Report prepared for the Ontario Centre of Excellence for Child and Youth Mental Health. [En ligne]. https://iknow-oce.esolutionsgroup.ca/api/ServiceItem/GetDocument?clientId=A1B5AA8F-88A1-4688-83F8-FF0A5B083EF3&documentId=fbaf55da-f169-4a9c-844a-9ebc7d5abeec ; Short, K., Ferguson, B., et Santor, D. A. (2011). Scanning the practice landscape in school-based mental health. Provincial Centre of Excellence for Child and Youth Mental Health at CHEO. [En ligne]. https://iknow-oce.esolutionsgroup.ca/api/ServiceItem/GetDocument?clientId=A1B5AA8F-88A1-4688-83F8-FF0A5B083EF3&documentId=4da2ac3f-8482-4206-b819-e7cadcae167b ; School Based Mental Health and Substance Abuse [SBMHSA] Consortium. (2013). School mental health in Canada: Report of findings. Report prepared for the Mental Health Commission of Canada. [En ligne]. https://www.mentalhealthcommission.ca/sites/default/files/ChildYouth_School_Based_Mental_Health_Canada_Final_Report_ENG_0.pdf

5 Acton, R., et Glasgow, P. (2015). Teacher wellbeing in neoliberal contexts: A review of the literature. Australian Journal of Teacher Education, 40, 8, 99-114. [En ligne]. https://ro.ecu.edu.au/ajte/vol40/iss8/6/ ; Ontario Principals’ Council. (2017). International symposium white paper: Principal work-life balance and well-being matters. Toronto, ON. ; Roffey, S. (2012). Pupil wellbeing – Teacher wellbeing: Two sides of the same coin? Teacher Wellbeing, 29, 4, 8-17.

6 Bronfenbrenner, U. (1992). Ecological systems theory. Dans R. Vasta (Ed.), Six theories of child development: Revised formulations and current issues (pp. 187-249). London: Jessica Kingsley.

Pour consulter la liste intégrale des références : www.edcan.ca/fr/magazine

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Alexandra Fortier

Consultante

Alexandra Fortier, Ph.D., travaille à l’intersection des domaines de la santé mentale et de l’éducation depuis plus de 20 ans.

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