L’efficacité d’un gestionnaire scolaire tient à sa capacité d’exercer de l’influence dans son école. C’est un acteur-clé dans une telle bureaucratie professionnelle. Travailler, coopérer et s’affirmer dans un groupe ou une organisation supposent une interaction sociale et nécessite l’établissement de liens d’interdépendance, des relations d’échanges de ressources et de réciprocité, signes de l’autonomie et de la dépendance des individus. Ainsi, pour exister, pour intervenir comme acteur dans son travail, il faut s’affirmer, travailler avec d’autres et coopérer. Cette coopération fait nécessairement intervenir un jeu de pouvoir. Même si vous avez une conception totalement altruiste d’autrui et que vous vous consacrez à une action humanitaire, la simple question d’efficacité de votre action et de l’organisation avec d’autres personnes fera intervenir la question du pouvoir1.
Une compétence de gestion importante dans tout poste d’autorité est l’exercice du pouvoir. Pas de pouvoir, pas de leadership. Le pouvoir, c’est un potentiel d’action, c’est la capacité d’agir. Le pouvoir reflète, génère et suscite une motivation à comprendre et à maîtriser l’environnement, à exercer son libre-arbitre pour accroître son autonomie et influencer son destin2. Il s’agit donc d’influencer l’autre. La difficulté à percevoir l’influence sociale se révèle un indice de l’efficacité d’une direction d’école. Qu’elle procède de la persuasion à la séduction, l’influence sociale tend à modifier les croyances, les attitudes et les comportements des individus définis, en vue de satisfaire des intérêts communs et particuliers. L’exercice de l’influence dans une organisation peut se faire de façon formelle ou informelle. De façon formelle, elle est liée à la notion d’autorité et vise la réalisation des objectifs organisationnels. De façon informelle, elle est liée à la notion de leadership et vise la satisfaction des besoins des subordonnés. Une direction d’école efficace se doit de bien maîtriser les ficelles du pouvoir. Quand on entre en poste, on nous donne un pouvoir formel lié à l’autorité et visant à amener les membres de notre école à atteindre des objectifs d’efficacité. Par contre, notre leadership ne nous est pas donné et on doit le développer dans notre agir par nos compétences personnelles (informel).
Depuis presque cent ans, le concept de leadership demeure un sujet abondamment traité selon Krasikova, Green et Le Breton3. Il existe beaucoup de textes qui sont plus des recettes sur l’exercice du leadership qu’une compréhension de ce rôle en tant qu’outil du pouvoir. En effet, plusieurs textes sur cette problématique ressemblent à la quête de la pierre philosophale et les autres se concentrent généralement sur les comportements positifs ou les comportements désirables en matière de leadership. Un constat depuis quelques années : il faut éviter le leadership tyrannique que nous verrons un peu plus loin dans le texte. Néanmoins, malgré cette polémique, les études contemporaines tendent de plus en plus à définir le leadership comme « un processus consistant à influencer les objectifs de travail et les stratégies d’un groupe ou d’une organisation; à influencer les acteurs d’une organisation à implanter des stratégies et à atteindre les objectifs; à influencer le fonctionnement et l’identité d’un groupe et, finalement, à influencer la culture d’une organisation4». Le leadership est beaucoup plus un processus qu’un stéréotype individuel et il dépend beaucoup des compétences et des traits de personnalité du leader. La variable principale qui se dégage de cette définition est celle de l’influence et du pouvoir.
D’ailleurs l’influence s’inscrit dans la gouvernance organisationnelle qui consiste en un système mis en place par la direction en matière d’autorité, d’influence et de normes de comportement des membres d’une organisation.
Ainsi, comment une direction d’école s’y prend-t-elle pour influencer ses enseignants? Il n’y a pas de leadership idéal, comme l’ont pensé longtemps plusieurs auteurs, c’est plutôt la capacité de s’adapter aux situations qui déterminent l’efficacité du leadership et l’utilisation de comportements qui ne sont pas nuisibles au bien-être de ses employés (leadership tyrannique).
Une position d’autorité ne fait pas nécessairement un leader d’une direction d’école. Une direction d’école qui se comporte en leader se distingue par sa vision organisationnelle et éducationnelle, l’utilisation de son intuition dans la gestion de son école et son rôle de meneur de changement.
L’empowerment qui est un processus d’habilitation et un bon outil de leadership consiste à donner plus de pouvoir aux enseignants sur leur travail et de participer activement, ouvertement et sans crainte à la vision et à la culture de son école par un processus de discussion interactif. C’est un processus de motivation intrinsèque par lequel un employé en vient à donner son plein rendement au travail dans une organisation. Le leader qui veut développer « l’empowerment » dans son organisation doit utiliser quatre leviers :
Cette redistribution du pouvoir est liée à la mise en place d’un mode de prise de décision participatif et est vue comme la marque d’un vrai leadership.
Depuis quelques années on ne parle plus de leadership idéal mais plutôt de leadership toxique, voire tyrannique. Ce type de leadership peut se définir5, comme un ensemble de comportements volontaires de la part du gestionnaire visant à porter préjudice, à faire du mal, à nuire et à affecter émotionnellement les subordonnés. Le leadership tyrannique a un effet significatif sur la santé psychologique des subordonnés. Les organisations scolaires doivent se préoccuper de cette situation et se questionner sur leurs politiques de sélection des directions en essayant de dépister les personnalités à risque (surtout les narcissiques) et en offrant du soutien et du coaching aux directions actuelles qui ont tendance à utiliser de tels comportements.
Finalement, pour utiliser de l’empowerment, il faut que les directions d’école perçoivent que le climat de travail de leur école et celui de leur commission scolaire permettent l’utilisation d’une telle stratégie de motivation.
Recap: In this article, the author defines the concepts of governance, leadership and empowerment. He notes that leadership has been one of the most studied concepts for nearly 100 years in the field of general or school administration. It is clear, however, that there is still no ideal leadership model. Leaders have the skills and personality traits needed to satisfy the personal needs of subordinates while at the same time respecting and being supported by the achievement of the school’s effectiveness goals. Leaders are also capable of empowering their teachers by giving them more authority over their work and enabling them to participate actively, openly and safely in their school’s vision and culture through a process of interactive discussion.
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2016
1 Morin, E.M., Aubé, C. (1996). Montréal : Chenelière Éducation.
2 Labrie, S. (2000). Étude exploratoire du rôle politique du groupe informel en milieu de travail. Université de Montréal: Thèse de doctorat inédite en Sciences de l’Éducation.
3 Krasikova, D., Green, S. G., & LeBreton, J. (2013). Destructive leadership: a theoretical review, integration and future research agenda. Journal of Management, 39, 1308-1338.
4 Yukl, G., Van Flett, D. D. (1992). Theory and research on leadership in organizations, dans Dunette, M. D & Hough, L (Eds). Handbook of industrial and organizational psychology, pp. 147-197.
5 Brunet, L., Morin, D., Alderson, M., Cacciatore, G., Savoie, A., Boudrias, J-S., & Nelson, K. (2015). L’incidence du leadership destructeur sur les attitudes et le comportement au travail.Humain et Organisation, 1, 1, 25-30.
Au cours des vingt dernières années et au fil de mes expériences, force est de constater que nous assistons à l’émergence d’une société dite collaborative qui s’inscrit dans une transformation des mentalités, particulièrement dans les jeunes générations.
Le modèle collaboratif n’est pas nouveau en soi mais l’essor du numérique a certainement accéléré son développement. Les caractéristiques du web dont la diversité, l’inter-connectivité et l’innovation ouverte, sont assurément quelques facteurs qui ont intensifié les pratiques collaboratives qui se sont installées dans nos organisations à la vitesse grand V. À titre d’exemple, le web participatif facilite notamment la mise en réseau et encourage la transparence des échanges, influence notre mode de vie, notre façon de penser, d’agir, de consommer, de s’éduquer, de collecter des fonds en ayant recours davantage à de l’intelligence collective et à une gestion participative.
Devant cette nouvelle réalité, notre société évolue vers de nouvelles formes d’organisation du travail et nous amène à circonscrire un nouvel horizon pour les leaders de demain.
À la lumière de mes années d’observation, un leader est d’abord et avant tout une personne qui est en mesure de passer du « je au nous ». Il partage ses valeurs, son savoir, ses objectifs, en propose aux autres et implante des stratégies. Il créé une vision et la fait vivre dans l’action. Par l’entremise de ses gestionnaires, cette vision se traduit en projets concrets. En principe, un leader passe 90 % de son temps dans l’action et 10 % dans l’exploration. Il possède un sens de l’écoute aiguisé et fédère les personnes vers un but commun. Sa passion est contagieuse ce qui lui permet de motiver et mobiliser son entourage.
Le leader sait également reconnaître le talent des autres. Il le repère, le propulse et encourage les autres à donner le meilleur d’eux-mêmes et, par ricochet, à développer une meilleure estime d’eux-mêmes. En ce faisant, il responsabilise l’autre en lui octroyant plus de pouvoirs lui permettant d’avoir un impact soit relationnel ou motivationnel communément appelé de « l’empowerment ». Dans ce contexte, le leadership s’apparente davantage à un processus où le leader met le capital humain au service d’une action collective associée à de l’influence collaborative.
Le leader créé un environnement propice au transfert de savoirs et de compétences. Dans une organisation, le leader partage ses connaissances et aide ses collaborateurs à développer leurs compétences. Il les implique dans la prise de décision, encourage le bottom up (prise de décision aux échelons les plus bas). Par exemple, le leader pourrait très bien refuser de prendre position au début d’une discussion laissant la possibilité à d’autres de faire émerger de nouvelles idées. Il capitalise sur l’étalonnage et va au-delà de ses tâches.
Idem pour ses collaborateurs. Il se sert à bon escient de son intelligence émotionnelle qui l’amène à s’adapter et à communiquer avec les différentes générations. Et le leader développe son réseau dans le but d’élargir sa sphère d’influence. Il se fait connaître pour se faire reconnaître.
Ce type de leader possédant de telles qualités est associé très souvent au leader « collaboratif ». Cohésion et harmonie sont sa quête quotidienne car il appuie son leadership sur la force collective. D’entrée de jeu, l’intégration de ses collaborateurs fait partie de l’équation et ceux-ci se sentent appuyés. Dans l’action, tout en mettant les résultats sur l’équipe, il valorise chaque collaborateur ce que plusieurs leaders collaboratifs ont tendance à oublier. Il doit garder à l’esprit qu’il doit toujours motiver chacun de ses collaborateurs, particulièrement les performants.
Peu importe l’organisation dans laquelle vous œuvrez (entreprises, organismes, milieu scolaire, milieu gouvernemental, etc.), l’objectif premier du leader est de prendre des décisions qui permettront à l’organisation de vivre en harmonie avec ses collaborateurs plutôt qu’en conflit avec eux. Le leader ne doit jamais oublier la situation d’ensemble. Il doit agir avec discernement ou clairvoyance guidé par ses valeurs et son sens moral. Il doit également bien comprendre la raison d’être de son organisation. Aucune organisation ne peut survivre à long terme si elle n’offre pas de valeur ajoutée à ses clients. Il faut agir avec assurance, selon ses croyances et en fonction de ses valeurs.
Conclusion
La collaboration est au cœur de la transformation numérique et de la révolution technologique. Le leader collaboratif a des effets très positifs sur le climat et la motivation des équipes. Il donne ou redonne du sens, mobilise et favorise l’engagement.
Le leader de demain sera jugé davantage sur son capital social. Notre société devenue collaborative nous invite à revenir aux sources : avant d’être un membre d’une organisation, nous sommes tous un membre de la société. Nous devons non seulement vivre en harmonie avec la société mais nous devons contribuer à l’avancement de celle-ci.
Maintenons cet équilibre.
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L’étude Gouvernance scolaire au Québec : Représentation chez les directions d’établissement d’enseignement et modélisation, a été menée par la chercheuse Lucie Lalancette, Ph.D., en collaboration avec une équipe-noyau de directions d’établissement. Suite à une revue documentaire, le comité de recherche a été en mesure de définir un modèle initial de gouvernance. Une consultation élargie a permis de recueillir les réponses et les commentaires de 439 directions d’établissement de la FQDE, suivie par des ateliers de convergence avec plus de 125 directions d’établissement. Ce travail aura permis, entre autres, de développer une définition de la gouvernance scolaire jusqu’alors inexistante au Québec.
Selon l’étude de Lucie Lalancette, on peut définir la gouvernance scolaire comme étant une « gouvernance de proximité ». La gouvernance scolaire implique qu’elle se réalise à travers un système de gestion décentralisé où la régulation conjointe prend place entre les structures des divers paliers, incluant le niveau local.
Elle permet ainsi un équilibre entre les mouvements ascendants et descendants du système de gestion, misant sur la professionnalisation, l’autonomisation et la responsabilisation des acteurs locaux de l’éducation. De plus, elle oriente la mission de l’établissement autour de l’éthique, de la participation de la communauté, de l’équité et de la transparence, de l’innovation ainsi que du développement durable.
La gouvernance de proximité permet à l’établissement de se donner sa propre couleur, partant d’une mission commune – celle du système d’éducation – et d’une vision génératrice d’actions – celle de l’équipe-école, afin de répondre aux besoins des élèves, et ce, en fonction des spécificités de chaque milieu.
Si le système éducatif est passé du paradigme de l’enseignement à celui de l’apprentissage où l’élève est au centre des préoccupations, le système de gestion doit également passer du paradigme descendant à celui d’ascendant, où l’établissement d’enseignement est au centre des préoccupations. En ce sens, la direction d’établissement est au cœur de la mission éducative et est la mieux située pour piloter, selon une vision rassembleuse, la mise en place des conditions optimales pour la réalisation de cette mission qui lui est confiée.
Le fil conducteur de cette étude est le besoin, voire la nécessité, de prolonger la décentralisation de la prise de décision vers l’établissement scolaire, afin d’implanter une véritable gouvernance de proximité et de mieux répondre aux besoins des élèves. Il s’agit de renforcer le mouvement de gestion ascendant, afin de rééquilibrer le mouvement descendant qui prévaut actuellement. En d’autres termes, il s’agit de passer du modèle classique « top-down » vers un modèle plus actuel « bottom-up », en mettant de l’avant le concept d’établissement d’enseignement « pivot », plutôt que celui d’établissement « succursale ».
Au terme de l’étude, nous retrouvons quinze principes directeurs pour l’implantation d’un modèle de gouvernance scolaire axé sur une gouvernance de proximité. Parmi ces principes se retrouve la nécessité de rééquilibrer la gestion opérationnelle et stratégique qui est un des éléments clés d’une bonne gouvernance. Nous mentionnons également l’importance pour la direction d’établissement d’avoir la latitude d’assumer un leadership pédagogique et administratif intégré.
De la même façon, plus de 93,39 % des directions consultées croient que leur corps professionnel doit être davantage partie prenante de la définition, voire de la redéfinition des processus de travail et de la régulation au sein du système éducatif. En ce sens, les cinq (5) éléments prioritaires en vue d’implanter une gouvernance scolaire, selon l’ensemble des directions consultées, sont :
Par cette étude, la FQDE a voulu être proactive et mettre de l’avant des pistes de solutions en adéquation avec les changements souhaités par les directions d’établissement. Elle est d’ailleurs arrivée à point, puisqu’un an plus tard, le gouvernement du Québec décidait de modifier la Loi sur l’instruction publique pour donner plus de pouvoir décisionnel à l’entité locale.
D’autre part, des études ont démontré les effets positifs du principe de gouvernance de proximité sur la réussite des élèves. Ainsi l’OCDE, dans son rapport de 2014, pose un regard sur les pratiques et les politiques des systèmes d’éducation en tentant de comprendre quelles sont les clés de la réussite des établissements plus performants. Parmi les différents constats, on note que les établissements qui disposent de plus d’autonomie par rapport aux programmes de cours et aux évaluations tendent à afficher de meilleurs résultats que les établissements qui disposent de moins d’autonomie.
Basé sur le principe de subsidiarité, le projet de loi 86 modifiant l’organisation et la gouvernance des commissions scolaires en vue de rapprocher l’école des lieux de décision et d’assurer la présence des parents au sein de l’instance décisionnelle de la commission scolaire déposé le 4 décembre dernier au Québec, rejoint, à plusieurs niveaux, les grands principes présentés dans l’étude menée par la FQDE sur la gouvernance scolaire en 2013-2014. Ainsi, la gouvernance scolaire ou la gouvernance à un niveau local, renvoie à une gouvernance de proximité et encourage l’initiative et l’innovation. Chaque milieu est différent, chaque école est différente et les élèves ont des besoins bien spécifiques.
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Au Québec, sous l’impulsion du Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaires et du rapport publié en mars 20091, la stratégie gouvernementale « L’école, j’y tiens », lancée en septembre 20092, incitait tous les acteurs à se mobiliser pour créer les conditions favorables pour atteindre la cible de 80 % de diplômés chez les moins de vingt ans, ce avant 2020. Le programme de financement Réunir Réussir, annoncé dans le cadre d’un partenariat public-privé en 2009, est venu consolider l’une des orientations de cette stratégie, soit la nécessité de l’action régionale et locale.
Le Groupe d’action anime l’alliance volontaire de quarante-deux représentants de la société civile autour de la persévérance scolaire. Trois Grandes rencontres (2009, 2011, 2013) ont rythmé la mobilisation favorisant le partage de connaissances issues de la recherche et de la pratique afin de soutenir les actions et orienter les efforts dans les communautés. À partir du prisme de nos propres travaux de recherche, nous appuyant sur nos observations quant au cheminement du Groupe, nous pouvons dégager trois constats pour mieux cadrer l’analyse du mouvement social en faveur de la persévérance scolaire.
Premièrement, les connaissances acquises sur les déterminants de l’abandon scolaire et sur le rôle des politiques publiques dans le domaine de la persévérance scolaire posent une exigence fondamentale. Nous ne pouvons prétendre comprendre les réalités de la persévérance scolaire et orchestrer des plans d’action efficaces sans recourir au rapprochement, d’un côté des connaissances propres au domaine de l’éducation (incluant la psychoéducation, la psychopédagogie, l’orthopédagogie, etc.) et d’un autre côté, celles émanant des sciences sociales (sociologie, géographie, politique, etc). Nous insistons sur ce point pour bien marquer le fait que si des travaux dominants ont été conduits en psychoéducation et en psychologie sur le dropping out, devenu un objet de recherche disciplinaire depuis plus de 30 ans, il y a maintenant un impératif de convergence entre ces mêmes disciplines et les sciences sociales. Cet impératif n’est pas avant tout académique. II est lié à la volonté des États et des collectivités d’agir plus efficacement en matière de persévérance scolaire.
Deuxièmement, des efforts de recherche et d’intervention significatifs ont été consentis pour dépasser le seul prisme des réalités individuelles de l’abandon scolaire. Plusieurs travaux, tant en France3 qu’au Québec4, montrent clairement que la distribution spatiale de l’abandon scolaire s’avère très contrastée dans l’espace. Au-delà des corrélations statistiques, on doit chercher à mieux comprendre les effets des contextes socioculturels et les processus qui produisent de telles disparités. Affirmer que les modèles d’analyse et d’action doivent être systémiques constitue maintenant un a priori largement partagé dans les milieux scientifiques.
Troisièmement, des enjeux de cohésion et de cohérence, sont au rendez-vous. L’articulation des efforts de partenariat entre les commissions scolaires et les instances régionales de concertation (IRC) en persévérance scolaire, pour ne prendre que cet exemple, est à vitesse variable. Certaines régions se sont cependant démarquées. Le projet de faire du Saguenay–Lac-Saint-Jean (SLSJ) la première région éducative du Québec découle du chemin parcouru depuis 20 ans en matière de persévérance scolaire, autour du modèle mis en place par le Conseil régional de prévention de l’abandon scolaire (www.crepas.ca). Les avancées sur ce territoire s’appuient à la fois sur la contribution réciproque des politiques publiques et de la société civile, tout en bénéficiant justement du rapprochement des sciences de l’éducation et des sciences sociales.5
Le taux de diplomation et de qualification au secondaire avant l’âge de 20 ans au Québec, sexes réunis, est passé de 68,6 % en 2006-2007 à 74,6 % en 2011-2012 6, un gain de plus de 6 points (Figure 1). La courbe évolutive du même indicateur pour les quatre dernières décennies permet d’apprécier le bon considérable de la diplomation au Québec depuis la Révolution tranquille, soit 30 points de pourcentage Ce rattrapage s’est effectué principalement de 1971-au milieu des années 80. Après un fléchissement notoire consécutif aux changements apportés aux seuils de passage pour les examens de fin d’études, le taux s’est accru à nouveau progressivement pendant dix ans pour s’abaisser à nouveau du milieu des années 90 jusqu’à la remontée qui coïncide avec le nouveau mouvement en faveur de la persévérance dont nous avons parlé précédemment.
Cette évolution s’est produite cependant à vitesse variable selon les territoires7 Pour dresser un portrait d’ensemble plus détaillé, référons à la plateforme Web CartoJeunes8 qui permet le traitement, à différentes échelles, de divers indicateurs scolaires et socioéconomiques. De 2005 (cohorte 1998-99) à 2012 (cohorte de 2005-06), le nombre de MRC (municipalité régionale de comté) présentant un taux de diplomation après sept ans inférieur à 65 % a chuté de 26 à 16. Le nombre de MRC affichant un taux supérieur à 80 % est passé de 4 à 10. Par ailleurs, on peut examiner le même indicateur pour chacune des dix-sept régions administratives de la province (Figure 2), lequel varie pour la cohorte de 2005-06 de 78,4 % à 66,0 %, soit un écart de 12,0 points de pourcentage. On ne considère pas ici la région Nord-du-Québec, en raison de la situation particulière de celle-ci à plusieurs points de vue. La diplomation a évolué différemment d’une région à l’autre. Celles qui affichaient les meilleurs taux pour la cohorte de 1998-99 (Chaudière-Appalaches, Capitale-Nationale, Saguenay–Lac-Saint-Jean) sont toujours en tête du peloton sept ans plus tard, soit pour la cohorte 2005-06. Pour huit régions, des gains notables variant de 11,2 % à 4 % sont observés, soit dans l’ordre Laurentides, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Estrie, Montréal, Laval, Mauricie, Montérégie et Bas-Saint-Laurent. Si la situation est généralement plus favorable depuis plusieurs années au SLSJ, dans la Capitale-Nationale et dans Chaudière-Appalaches, le bilan demeure toutefois préoccupant pour plusieurs régions situées aux extrémités nord, ouest, nord-est et sud-ouest où le taux demeure sous la barre de 70 % : Nord-du-Québec, Abitibi-Témiscamingue, Outaouais et Lanaudière. Le bilan s’est amélioré à Montréal mais les disparités demeurent très prégnantes à l’échelle des municipalités et des arrondissements9.
Comment expliquer les inégalités observées et l’évolution différenciée selon les territoires? Y a-t-il des facteurs communs? Des publications antérieures10 ont formulé l’hypothèse que les initiatives conjuguées des acteurs locaux, régionaux et nationaux, notamment les efforts des milieux scolaires, communautaires et de la société civile ont permis de réaliser des gains importants dans bon nombre de milieux. Mais on peut également penser que les gains des dernières années ont été enregistrés principalement parmi des groupes de jeunes plus faciles à soutenir et que les gains à venir nécessiteront davantage d’efforts et beaucoup d’innovation11.
Un document12, lancé à l’occasion des Grandes rencontres de 2013, validé par nombre d’experts et plusieurs centaines d’intervenants, constitue un outil de référence permettant la complémentarité des approches individuelles et communautaires. Il prend pour acquis que les élèves fréquentant les écoles québécoises bénéficient généralement d’enseignants qualifiés et de parents attentionnés. D’ailleurs, une majorité d’entre eux réussissent plutôt bien, comme le démontrent les enquêtes PISA et les grands indicateurs nationaux. Par contre, une proportion encore trop importante de jeunes peinent à réussir, se sentent laissés pour compte, adoptent des parcours atypiques, abandonnent. Adoptant une vision systémique, le document privilégie la prévention par des mesures touchant l’ensemble des 0-20 ans.
Les recherches axées sur le territoire montrent par ailleurs que les élèves en difficulté ne sont pas uniquement des écoliers. Ce sont des jeunes qui vivent, par exemple, dans un quartier urbain défavorisé, une capitale régionale en perte de vitesse, un village forestier valorisant peu l’école. Les enquêtes sociologiques font valoir qu’ils sont à la fois « ici » par leur lieu de résidence et « ailleurs » par leurs liens virtuels. Tout en partageant une même culture jeunesse, ils vivent des réalités différentes selon leur milieu de vie.
Devant la complexité des déterminants de la persévérance scolaire et les disparités spatiales de la scolarisation, la rencontre des sciences de l’éducation et des sciences sociales doit se poursuivre pour mieux comprendre les réalités vécues par les jeunes et soutenir l’action concertée du milieu scolaire et de la société civile.
Recap – This article offers an analytical overview of the student dropout issue in Quebec. We begin by summarizing how the situation has evolved in recent years, which has made student retention a pressing social issue. We then review current trends, notably by looking at convincing data on graduation rates. Two assumptions underpin our thinking. We are increasingly familiar with the primary risk factors that require intervention, in early childhood, to prevent early school leaving. We also better understand how public policy and civil society leaders play a complementary role in encouraging more students to succeed.
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Première publication dans Éducation Canada, mai 2015
[1] Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaires au Québec (2009). Savoir pour pouvoir : un chantier national pour la persévérance scolaire. Québec, Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaires au Québec. 67 p.
[2] Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2009). L’école, j’y tiens. Tous ensemble pour la réussite scolaire. Québec, Gouvernement du Québec, 33 p.
[3] Caro, P. et Rouault R. (2010). Atlas des fractures scolaires en France : une école à plusieurs vitesses. Paris, Éditions Autrement, 80 p.
[4] Perron, M. (2013). Les inégalités territoriales de la persévérance scolaire au Québec : du diagnostic à la mobilisation des acteurs ». Dans P. Chenard, P. Doray, E.-L. Dussault et M. Ringuette (dir.), L’accessibilité aux études postsecondaires : un projet inachevé. Québec, Presses de l’Université du Québec, pp. 147-164.
[5] Perron, M. et Veillette, S. (2012). Territorialité, mobilisation des communautés et persévérance scolaire : la diffusion d’une innovation sociale au Québec. Dans J.-L. Gilles, P. Potvin et C. T. Christinat (Éds), Les alliances éducatives pour lutter contre le décrochage scolaire. Berne, Peter Lang, Éditions scientifiques internationales, pp. 169-189.
[6] Taux d’obtention d’un diplôme ou d’une qualification du secondaire, tant au secteur des jeunes qu’au secteur des adultes chez les moins de 20 ans. Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2014). Compilation spéciale pour la chaire VISAJ, octobre.
[7] L’ajout en 2011 de certains diplômes qualifiants à la liste des qualifications reconnues, tel que l’attestation de spécialisation professionnelle (ASP), a pu affecter à la hausse le taux de diplomation et de qualification au secondaire, mais nous estimons que cet ajustement équivaut à moins de 2 %.
[9] Ibid
[10] Perron, M., Veillette, S. et Morin, I. (2013). Persévérance scolaire, territorialité et mobilisation des acteurs : état des lieux au Québec, Administration et éducation, no 137, pp. 43-49.
[11] Compte tenu qu’un gain global de 4,2 points de pourcentage permettrait d’atteindre la cible provinciale adoptée en 2009 et que les efforts devront être modulés selon les différents territoires.
[12] Collectif d’auteurs (2013). Poursuivons le mouvement pour la persévérance et la réussite scolaires au Québec (version du 29 octobre 2013). Québec, Groupe d’action sur la persévérance et la réussite scolaires au Québec, 14 p.
La classe multiâge (également appelée à classe à années multiples) comprend des élèves de deux niveaux consécutifs. On y a fréquemment recours pour équilibrer l’effectif des classes, pour que les enseignants n’aboutissent pas avec un nombre d’élèves trop élevé et que les classes avec un faible effectif ne sollicitent pas trop de ressources au sein d’une commission scolaire ou d’un conseil scolaire.
Voici quelques constats émanant de la recherche sur l’expérience des enseignants et des élèves dans une classe multiâge :
Lorsque la classe multiâge est mise en œuvre avec une planification soignée pour soutenir l’enseignement différencié et offrir le perfectionnement professionnel adéquat, de même que des ressources pédagogiques et des périodes de planification pour les enseignants, l’expérience d’apprentissage des élèves de ces classes devient positive.
UTRES RESSOURCES INFORMATIVES
Split grade classes: Is a combined grade the best for your child?
(Today’s Parent Magazine)
http://www.todaysparent.com/kids/school-age/split-grade-classes/
Split-Grade and multi-age classes: A review of the research and a consideration of the B.C. context. (BC Teachers’ Federation)
https://bctf.ca/publications/ResearchReports.aspx?id=5560
Enseigner dans une classe à années multiples (Faire la différence… de la recherche à la pratique, monographie no 9)
http://www.edu.gov.on.ca/fre/literacynumeracy/inspire/research/Demore_fr.pdf
Classes à années multiples : Stratégies pour rejoindre tous les élèves de la maternelle à la 6e année.
http://www.edu.gov.on.ca/fre/literacynumeracy/combinedf.pdf
Références
Cornish, L. (2006). « Parents’ views of composite classes in an Australian primary school », The Australian Educational Researcher, vol. 33, no 2, p. 123-142.
Cornish, L. (2014). « Parents’ perceptions of social-emotional issues in composite classes », TalentEd, vol. 28, nos 1 et 2, p. 13-23.
Dowling, D. C. (2003). « The Multi-age Classroom », Science Teacher, vol. 70, no 3, p. 42-46.
Heins E., Tichenor M., et Coggins C. (2000). « Multiage classrooms: putting theory into practice », Contemporary Education, vol. 71, no 3, p. 30-35.
Lataille-Démoré, D. (2007). « Enseigner dans une classe à années multiples », dans Faire la différence… De la recherche à la pratique, Ontario, Secrétariat de la littératie et de la numératie (http://www.edu.gov.on.ca/fre/literacynumeracy/inspire/research/Demore_fr.pdf)
Mariano, L. T., et Kirby, S. N. (2009). « Achievement of Students in Multigrade Classrooms: Evidence from the Los Angeles Unified School District », document de travail (WR-685-IES). LA : Rand Corporation. http://www.rand.org/pubs/working_papers/WR685.html
Mason, D. A., et Burns, R. B. (1996). « “Simply no worse and simply no better” may simply be wrong: A critique of Veenman’s conclusion about multigrade classes », Review of Educational Research, vol. 66, no 3, p. 307-322.
Naylor, C. (2000). Split-Grade and multi-age classes: A review of the research and a consideration of the B.C. context. BCTF Research Report, Section XII, 2000-EI-02.
https://bctf.ca/publications/ResearchReports.aspx?id=5560
Ong, W., Allison, J., et Haladyna, T. M. (2000). « Student achievement of 3rd-graders in comparable single-age and multiage classrooms », Journal of Research in Childhood Education, vol. 14, no 2, p. 205-215.
Veenman, S. (1995). « Cognitive and non-cognitive effects of multigrade and multi-age classes: A best-evidence synthesis », Review of Educational Research, vol. 65, no 4, p. 319- 381.
Veenman, S. (1996). « Effects of Multigrade and Multi-age Classes Reconsidered », Review of Educational Research, vol. 66, no 3, p. 323-340.
Vincent, S., dir. (1999). « The Multigrade classroom: A resource handbook for small, rural schools (Books 1-7) », Portland, OR : Northwest Regional Educational Laboratory.
http://educationnorthwest.org/sites/default/files/multigrade-classroom-books1-7.pdf
Wilkinson, I. A., et Hamilton, R. J. (2003). « Learning to read in composite (multigrade) classes in New Zealand: teachers make the difference », Teaching and Teacher Education, vol. 19, no 2, p. 221-235.
Depuis septembre 2014, la mise en œuvre d’un nouveau mandat est entamée au service Formation professionnelle du CFORP, un mandat à la fois ambitieux et stimulant qui consiste à appuyer les 12 conseils scolaires de langue française de l’Ontario dans le cadre du virage à l’ère numérique.
C’est à la suite d’une recommandation du Conseil ontarien des directions de l’éducation de langue française que l’équipe TacTIC a été mise sur pied. Cette équipe est un réseau provincial de personnes-ressources offrant de la formation et de l’accompagnement dans le domaine de l’enseignement et de l’apprentissage à l’ère numérique. Composée de 6 leaders pédagogiques et de 16 conseillers pédagogiques travaillant dans toutes les régions de l’Ontario, l’équipe TacTIC appuie les 12 conseils scolaires de langue française de l’Ontario dans la formation et l’accompagnement de trois clientèles cibles : le personnel enseignant, le personnel cadre et les services pédagogiques de la maternelle à la 12e année.
(Ton accompagnement continu – Technologie de l’Information et de la Communication)
L’élève au cœur des axes d’intervention
Les quatre axes d’intervention de l’équipe TacTIC sont les suivantes :
L’élève est au cœur de toutes ces interventions. L’équipe de conseillers et de leaders pédagogiques collabore avec les équipes–écoles et les services pédagogiques des conseils scolaires de langue française de la province pour offrir à l’élève l’occasion de s’engager davantage dans son apprentissage, de redéfinir son rôle et de développer les compétences qui le prépareront réellement à l’avenir qui l’attend.
Exemples :
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Intégration des TIC : leviers de la nouvelle pédagogie
Exemples :
Le virage à l’ère numérique ne se limite pas à l’intégration des technologies en salle de classe et l’équipe TacTIC a la pédagogie participative dans sa mire, dans chacune de ses interventions. On peut réellement transformer l’expérience d’apprentissage des élèves en jumelant le questionnement efficace, l’apprentissage par problèmes réels et complexes, le développement des compétences du 2Ie siècle, la différenciation pédagogique et les pratiques évaluatives au service de l’apprentissage à des technologies ayant le potentiel d’agir à titre de leviers et d’éléments facilitateurs. Dans un tel contexte, la technologie et la pédagogie deviennent indissociables et invitent l’enseignant et l’élève à redéfinir leurs rôles.
Pour maximiser ses interventions, l’équipe TacTIC travaille de pair avec un groupe de soutien technologique qui facilite l’intégration des technologies en salle de classe. Le soutien technologique constitue un incontournable dans les initiatives d’intégration des technologies en salle de classe, comme la bande passante dans les classes accompagnées, le système de vidéoconférence liant entre elles les écoles de la province ou la mise en place de nouveaux outils et logiciels. C’est en examinant en parallèle les enjeux pédagogiques et technologiques que la prise de décisions devient éclairée et respectueuse des différentes réalités.
C’est avec brio que les membres de l’équipe TacTIC du service Formation professionnelle ont animé plus de 60 ateliers lors de leur toute première conférence virtuelle qui s’est tenue du 8 au 12 décembre 2014 dans les trois régions de la province. Destinés aux équipes pédagogiques des conseils scolaires et aux écoles accompagnées par l’équipe TacTIC, les ateliers offerts par l’entremise de différentes plateformes, dont le système de vidéoconférence provincial, ont eu des thèmes aussi riches que variés. En effet, près de 400 participants ont profité des ateliers portant, entre autres, sur l’environnement d’apprentissage virtuel (EAV), l’apprentissage hybride, les compétences du 21e siècle, le portfolio numérique, la gestion de classe à l’ère numérique, les médias sociaux, l’utilisation efficace du tableau blanc interactif et la nouvelle pédagogie.
Les défis sont nombreux et stimulants pour tous les membres de la grande équipe Formation professionnelle du CFORP en cette première année de mise en œuvre. Les effets du travail de l’équipe TacTIC commencent déjà à se faire sentir sur le terrain. C’est avec beaucoup d’intérêt que les interventions sont suivies à l’aide d’outils de monitorage comprenant, notamment, des journaux d’accompagnement et des registres d’activités. La planification pour l’année scolaire 2015-2016 est déjà entamée et comprendra de nouvelles composantes, comme des capsules de formation en ligne, la mise sur pied de projets innovateurs ainsi que l’élaboration de documents pouvant appuyer le virage à l’ère numérique dans les conseils scolaires accompagnés. Ce n’est que le début pour l’équipe TacTIC, une équipe fière de faire partie de la grande stratégie Apprentissage électronique Ontario du ministère de l’Éducation de l’Ontario.
Recap – In September 2014, the Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques (CFORP) adopted an ambitious and inspiring new mandate as part of its professional development service: to provide support to Ontario’s 12 French-language school boards as they embrace the digital age. Further to a recommendation from the Conseil ontarien des directions de l’éducation de langue française, the CFORP set up the TacTIC team. This team is a province-wide network of resource persons who provide training and support in the field of teaching and learning in the digital age. Made up of six instructional leaders and 16 educational consultants working in all regions of Ontario, the TacTIC team helps Ontario’s 12 French-language school boards train and support three target clienteles: teaching staff, directors and educational services from Kindergarten to Grade 12.
Première publication dans Éducation Canada, mars 2015
Depuis les années 1980, on observe dans les sociétés occidentales l’essor d’un vaste mouvement de professionnalisation de l’enseignement. Son objectif est de faire de l’enseignement une profession reconnue à l’égal de la médecine. Sur la scène internationale, ce mouvement, issu à l’origine des États-Unis, a abouti à la création d’ordres professionnels des enseignants en Angleterre, en Écosse, en Australie et en Nouvelle-Zélande. Au Canada, il s’est traduit par la création d’ordres professionnels en Colombie-Britannique en 1987 et en Ontario en 1996. Toutes les autres provinces canadiennes se sont dotées, pour la gestion des enseignants, de normes professionnelles (référentiel de compétences, standards de pratique, agrément des programmes, codes d’éthique, etc.), tandis que toutes les universités prétendent aujourd’hui former des « professionnels de l’enseignement ». Même les syndicats d’enseignants sont d’accord pour dire que l’enseignement est une activité professionnelle. Bref, assimiler l’enseignant à un professionnel est maintenant une sorte de figure rhétorique à laquelle se réfère l’ensemble des organismes et des acteurs éducatifs au Canada.
Mais quel sens faut-il donner à ce mouvement? L’enseignement est-il réellement en train de se professionnaliser au Canada? Les enseignants perçoivent-ils cette professionnalisation comme une voie prometteuse ou un chemin semé d’embûches?
La professionnalisation de l’enseignement : de quoi parle-t-on?
En Amérique du Nord, une profession est un groupe de travailleurs qui obtient de l’État le droit de contrôler son champ de travail. Ce droit se traduit par la création d’un ordre professionnel qui encadre la profession, veille à la qualité de sa formation, fixe des normes déontologiques et exerce un pouvoir disciplinaire sur les membres. Les professions établies justifient habituellement leur existence à l’aide de quatre caractéristiques qui les distingueraient des autres occupations :
Ce sont ces caractéristiques que le mouvement de professionnalisation s’efforce justement d’appliquer à l’enseignement. Est-ce possible? En fait, la plupart des spécialistes de la question s’entendent pour dire que le personnel enseignant canadien possède de nos jours plusieurs des caractéristiques d’une profession. Par exemple, les enseignants possèdent une longue formation universitaire et une expertise spécialisée dans le domaine de la pédagogie. Dans chaque province, les pratiques enseignantes sont encadrées par des codes d’éthique. Dans leurs classes, les enseignants jouissent ordinairement d’une bonne autonomie quant au choix des stratégies d’enseignement et d’apprentissage. Enfin, dans l’opinion publique, toutes les enquêtes montrent que les enseignants canadiens sont généralement respectés et appréciés par la population à l’instar des autres professionnels.
La professionnalisation : une nouvelle forme de contrôle des enseignants?
La cause semble donc entendue : les enseignants canadiens sont vraiment des professionnels. Pourtant, ce n’est pas le cas. En vérité, la professionnalisation suscite depuis trente ans au Canada beaucoup de résistances chez les enseignants eux-mêmes et elle connaît aussi des ratés importants. Par exemple, le College of Teachers de Colombie-Britannique a été jugé dysfonctionnel par le gouvernement et remplacé par une nouvelle structure en 2011, qui accorde davantage de pouvoir au ministère de l’Éducation. Au Québec, le Conseil pédagogique interdisciplinaire a demandé officiellement la création d’un ordre professionnel en 2001, mais cette demande a été refusée à cause de la résistance des syndicats d’enseignants. L’Alberta a instauré en 2000 une sorte d’ordre professionnel des enseignants, mais celui-ci poursuit en même temps des objectifs syndicaux.
En fait, ce qu’on observe d’un bout à l’autre du pays, c’est que la professionnalisation de l’enseignement ne semble pas, à la base, un projet porté collectivement par les enseignants eux-mêmes; au contraire, elle a été imposée aux enseignants selon une logique bureaucratique « Top and Down » par les gouvernements en place, comme ce fut le cas en Ontario et en Colombie-Britannique.
Comment expliquer cette situation? Deux évolutions sont en cause ici. La première tient au fait que la professionnalisation peut difficilement être séparée, aux yeux des enseignants, de toutes les autres réformes et politiques éducatives introduites depuis 30 ans partout au Canada : mise en place d’objectifs de performance pour les systèmes éducatifs et les établissements scolaires, introduction d’évaluations provinciales et de comparaison entre établissements, promotion de la concurrence entre les écoles, liberté de choix des parents, décentralisation, imputabilité des enseignants, intégration des élèves en difficulté dans les classes ordinaires, mise en place de curriculums axés sur les compétences, etc. De plus, toutes ces réformes et politiques ont été assorties d’importantes compressions budgétaires. Bref, dans ce contexte saturé de nombreuses réformes, la professionnalisation apparaît donc bien souvent aux enseignants comme un nouveau dispositif de contrôle de leur travail qui s’ajoute à la lourde panoplie des contrôles existants.
En vérité, la professionnalisation suscite depuis trente ans au Canada beaucoup de résistances chez les enseignants eux-mêmes(…)
Une seconde évolution est plus ancienne et découle de la très faible autonomie historique du personnel enseignant au sein des systèmes d’éducation. S’il est exact que l’enseignant, comme individu, dispose en général d’une bonne autonomie dans son travail en classe, il en va autrement sur le plan collectif. En réalité, dès l’apparition des premiers systèmes scolaires publics vers le milieu du 19e siècle au Canada, le personnel enseignant a été intégré aux États provinciaux et considéré comme un corps d’exécutants par les autorités politiques et éducatives. Or, en ce début du 21e siècle, la situation n’a guère changé : alors que leur expérience et leur expertise devraient être constamment prises en compte, les enseignants sont rarement consultés, collectivement, sur les changements introduits dans les systèmes éducatifs. Depuis trop longtemps, trop de réformes, trop de politiques éducatives sont conçues et implantées sans que les enseignants aient leur mot à dire. Loin d’être traités comme des professionnels autonomes et réflexifs, ils sont considérés comme des fonctionnaires qui doivent exécuter les directives et projets de leurs supérieurs. Aussi n’est-il pas étonnant que le mouvement de professionnalisation de l’enseignement au Canada soit souvent perçu comme une nouvelle rhétorique destinée à masquer l’absence réelle d’autonomie et de reconnaissance des enseignants.
Recap – Since the 1980s, Western societies have witnessed a growing movement to professionalize teaching. The objective is to make teaching a recognized profession on a par with medicine. In Canada, this movement led to the creation of professional associations, one in British Columbia in 1987 and one in Ontario in 1996. But what is the actual significance of this movement? Is teaching truly becoming professionalized in Canada? Specialists in the field generally agree that the occupation of teaching in Canada today has many of the characteristics of a profession. And yet, there is tremendous teacher resistance to professionalization. What factors are behind this resistance?
Une critique de Enseigner : un métier sous contrôle? Entre autonomie professionnelle et normalisation du travail par M. Gather Thurler & O. Maulini, Paris : ESF, Ed. 2014.
Ce livre aborde une question clé et sensible relative à la profession enseignante, soit celle de son contrôle. Est-il oui ou non souhaitable de contrôler cette profession et, si oui, pourquoi, comment et par qui? À cause de l’impact du travail des enseignants sur l’éducation des élèves et de la responsabilité de l’école à cet égard, dès le départ, le contrôle de la profession enseignante est jugé nécessaire mais, toutefois, à certaines conditions. Cet ouvrage, fruit d’un collectif de chercheurs chevronnés de la Suisse, de la France et du Québec, constitue un incontournable pour les acteurs intéressés à la profession enseignante et à sa régulation. Il se décline selon quatre parties.
Après avoir introduit la problématique et défini les concepts en cause, la première partie pose d’entrée de jeu la question : est-ce qu’enseigner est un métier contrôlable? Puis, dans la seconde partie, la nature du contrôle est étudiée sous différents angles. La troisième partie explore les effets positifs et négatifs du contrôle, allant du conformisme à l’efficacité. La quatrième partie identifie enfin le contrôle du métier d’enseigner comme étant la clé de voûte de sa professionnalisation.
Alors que l’ouvrage nous convainc de l’importance d’un regard pluriel afin de définir les finalités et la nature du contrôle, de même que les modalités afin de l’exercer, il n’est rédigé que par des chercheurs. Par conséquent, on ne peut que souhaiter un prochain ouvrage sur le même thème, écrit cette fois par un collectif composé de différents acteurs du milieu éducatif, dont des enseignants. Il serait de plus instructif de situer la profession enseignante en lien avec d’autres professions féminines. À cet égard, l’ouvrage de Prud’Homme (2011) « Professions à part entière. Histoire des ergothérapeutes, des orthophonistes, des physiothérapeutes, des psychologues et des travailleuses sociales au Québec », professions dont l’exercice est contrôlé, pourrait être éclairant.
Ce livre représente une ressource pour la formation initiale et continue des enseignants, de même que pour celle des gestionnaires du système éducatif. Il constitue un repère essentiel pour les réflexions et les travaux à poursuivre, en vue de l’évolution de la profession enseignante.
Photo: Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, novembre 2014
En juillet 2008, la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport innovait en annonçant la création de sept chantiers qui feraient partie de travaux soutenus par le MELS. Parmi ceux-ci, le septième chantier, auquel une somme de 2,5 millions de dollars par année est consacrée, vise l’élaboration conjointe de projets de formation continue, entre les milieux universitaire et scolaire, à l’intention du personnel scolaire. L’objectif premier de ce Programme est de soutenir les universités dans la conception, le déploiement et l’évaluation de projets de formation réalisés en partenariat avec le milieu scolaire. Le Programme de soutien prévoit privilégier des projets réalisés dans les domaines ayant un lien avec les plans d’action et les orientations du MELS.
Les projets proposés peuvent prendre différentes formes : recherche-action, recherche-formation ou recherche collaborative. Cependant, ils doivent tous être axés sur le développement d’activités de formation continue pour soutenir le personnel scolaire.
Le Programme cible 7 objectifs bien précis :
1. Appuyer le milieu universitaire dans le développement de la formation continue du personnel scolaire;
2. Favoriser des projets de partenariat entre les universités et le milieu scolaire qui visent la formation continue du personnel scolaire;
3. Développer la formation continue en adéquation avec les priorités et les orientations du MELS;
4. Permettre le transfert de connaissances entre la recherche et la pratique professionnelle en éducation;
5. Susciter l’émergence d’approches innovantes en matière de formation continue du personnel scolaire;
6. Améliorer ou modifier les pratiques professionnelles du personnel scolaire;
7. Faire émerger des modèles transférables, des conditions reproductibles dans d’autres lieux et des dispositifs qui pourront durer dans le temps.
Des formations fondées sur le partenariat
Il importe de mentionner que le partenariat découlant des projets réalisés est au cœur du Programme. En effet, tel qu’il est précisé dans le Guide pour l’appel de projets1, « Le partenariat doit s’instaurer dès la conception des projets et se poursuivre à chacune des étapes prévues : lettre d’intention, rédaction du projet, mise en œuvre du projet, évaluation de la formation et de la réalisation du projet et, le cas échéant, demande de renouvellement ».
La création d’un partenariat solide contribue au développement d’une complicité et d’une meilleure compréhension des réalités propres aux milieux scolaire et universitaire. Mentionnons que, depuis 2009, 138 projets bénéficient de financement dans le cadre du Programme. À la lecture des bilans des projets réalisés, on observe que tant les écoles que les universités en retirent des effets positifs. En effet, alors que les établissements d’enseignement scolaire profitent de formations répondant spécifiquement à leurs besoins et s’approprient les données de la recherche en éducation, les universités prennent connaissance des réalités du milieu de pratique et de l’expertise qui s’y développe. Différentes clientèles peuvent être visées par le Programme. Un projet peut en effet être destiné au personnel de direction d’établissement ou encore à des enseignants ou des conseillers pédagogiques, par exemple. Divers domaines de formation sont aussi abordés dans les projets, comme celui des langues, de la mathématique, des sciences, du développement personnel ou de l’univers social. À noter également que les projets portent autant sur l’éducation préscolaire, l’enseignement primaire ou secondaire, que ce soit en formation générale ou en formation professionnelle. De plus, les projets sont en cours dans toutes les régions du Québec.
Des formations structurantes
Notons que les projets qui sont financés dans le cadre du Programme doivent avoir un effet structurant sur les milieux scolaire et universitaire. Ils doivent viser à faire émerger des modèles transférables, des conditions reproductibles dans d’autres lieux et des dispositifs durables, et mener à des formations universitaires bien centrées sur les besoins des écoles. D’ailleurs, les projets doivent obligatoirement prévoir un dispositif d’évaluation de la formation offerte. Mentionnons qu’une évaluation du Programme de soutien à la formation continue du personnel scolaire a été réalisée par le Centre de recherche et d’expertise en évaluation (CREXE)2 au cours de l’année 2013-2014. Selon les données recueillies, depuis la création du Programme, les activités de formation ont touché au moins 338 établissements scolaires et le nombre de personnes formées s’élève à au moins 2 514. Il s’agit de résultats intéressants, considérant que le Programme est relativement jeune. Dans cet ordre d’idées, il convient de signaler que les retombées concrètes sont encore partielles, étant donné que seulement le quart des projets sont terminés et que la majorité sont donc encore en cours de réalisation. Toutefois, le rapport d’évaluation indique que le taux de satisfaction de la clientèle visée par les projets financés est élevé.
Un outil efficace pour partager les connaissances
Pour favoriser la diffusion des connaissances dans le secteur de la formation continue des enseignants, une mise à jour du moteur de recherche sur le Chantier 7, disponible sur le site Web du Ministère, sera effectuée prochainement. Les partenaires de l’éducation pourront ainsi avoir accès à un outil leur permettant de connaître les progrès constants de la recherche en matière de formation continue des enseignants, les domaines explorés et les milieux universitaires et scolaires impliqués. Les milieux scolaires intéressés pourront, quant à eux, découvrir une variété de projets, contribuant ainsi à leur diffusion.
Depuis la création du Programme, les activités de formation ont touché au moins 338 établissements scolaires et le nombre de personnes formées s’élève à au moins 2 514.
Conclusion
Le rapport d’évaluation du Programme de soutien à la formation continue du personnel scolaire a mis en évidence son utilité et son efficacité, notamment quant à ses effets positifs importants sur l’enseignement. Nourris de l’expertise des chercheurs universitaires, les milieux scolaires se sentent mieux outillés pour résoudre les problèmes, trouver de nouvelles façons de faire ou connaître les avancées des recherches en éducation. Grâce à cette approche collaborative dans l’action, l’enseignant n’est plus seul. Soutenu par un chercheur universitaire qui se rapproche du lieu de l’action, il échange et construit avec lui. Il peut porter un regard critique sur les gestes qu’il pose, apprendre et développer ses compétences, réfléchir sur la portée de ses actes et de ses décisions, en faisant au besoin les réajustements nécessaires, sans se sentir jugé. Bref, une formation sur le terrain qui l’aide à relever de nouveaux défis. Quelle belle synergie, profitable pour tous, tant le monde universitaire que le milieu scolaire! Et il est indubitable que le plus grand bénéficiaire de cette nouvelle dynamique est sans contredit l’élève.
RECAP – In 2008, the Quebec Ministry of Education, Recreation and Sports launched Chantier 7, a project to support the professional development programs offered to school staff by universities. With a $2.5 million annual budget, this project supports universities in the design, implementation and evaluation of training projects conducted in partnership with schools. Supported by action research and collaborative research, these training projects must all focus on developing continuing education activities for school staff. Since its founding, this innovative initiative has involved 338 schools in training activities for 2,514 individuals – an excellent example of collaboration and synergy between Quebec schools and universities!
Illustration: Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, novembre 2014
1 Guide pour l’appel de projets du Chantier 7 www.mels.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/reseau/formation_titularisation/PSFCPS_guide_F.pdf
2 Rapport final du Centre de recherche et d’expertise en évaluation (CREXE) réalisé en avril 2014 de l’École nationale d’administration publique (ENAP). Il sera accessible au cours de la prochaine année.
Les directions d’établissement sont sollicitées afin de mettre en œuvre des moyens pour améliorer l’état des apprentissages des élèves.
(suite…)
Depuis le « rapatriement de la Constitution » en 1982, les Canadiens et les Canadiennes membres de la minorité francophone ou anglophone de la province ou du territoire où ils résident disposent d’un droit à une éducation primaire et secondaire dans leur langue payée par les fonds publics. Ce droit, inscrit à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, a été interprété à plusieurs reprises par la Cour suprême du Canada comme une disposition réparatrice,[1] visant à « changer le statu quo » et à combattre l’assimilation.[2] Ainsi, au fil des ans, le droit à l’éducation dans la langue de la minorité s’est établi comme levier de choix pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire afin de réaliser des gains dans le domaine de l’éducation, et ce, dans toutes les régions du pays. Il est reconnu aujourd’hui que l’article 23 de la Charte confère à la minorité un droit de gestion et de contrôle de son système d’éducation et que ce dernier doit être de qualité équivalente à celui de la majorité.
Plus de 32 ans après l’adoption de la nouvelle Constitution, les gains des communautés de langue officielle en situation minoritaire sont nombreux. D’une part, l’article 23 a permis aux francophones dans plusieurs juridictions d’obtenir des commissions scolaires indépendantes qui sont responsables de certains aspects de la gestion de l’éducation en français et qui contrôlent souvent d’importants budgets. De plus, dans plusieurs régions du pays, notamment en Alberta,[3] en Ontario[4] et en Nouvelle-Écosse,[5] les tribunaux ont ordonné la construction de nouvelles écoles francophones afin de permettre aux commissions scolaires de la minorité d’offrir une éducation équivalente à celle de la majorité. D’autre part, l’article 23 a fait en sorte que la communauté anglophone du Québec a pu conserver ses acquis importants et son accès à l’éducation publique en langue anglaise, ce qui avait été plusieurs fois remis en question au cours des années précédant le rapatriement de la Constitution.
Malgré ces victoires importantes pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire, il reste beaucoup de chemin à faire afin que les commissions scolaires francophones hors Québec soient en mesure d’offrir une éducation équivalente à celle de la majorité. Trop souvent, ces commissions scolaires doivent encore intenter des recours devant les tribunaux afin d’offrir des programmes d’éducation en français équivalents à ceux offerts en langue anglaise et en immersion.
Par exemple, le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique se trouve présentement devant les tribunaux dans le cadre d’un procès visant à obtenir le financement qui lui permettrait de remplacer ses établissements d’éducation primaire et secondaire dans une quinzaine de communautés à travers la province.[6] En Ontario, le Conseil scolaire catholique de district Centre-Sud a récemment pris la décision de poursuivre le gouvernement provincial afin d’obtenir les fonds nécessaires pour remplacer l’immeuble de l’Académie Mère-Teresa, à Hamilton.[7] La situation est également très problématique en Saskatchewan : le Conseil scolaire fransaskois se retrouve régulièrement devant les tribunaux afin de revendiquer le financement nécessaire pour offrir les services requis par les Fransaskois.[8]
Un autre défi capital est celui du financement des activités menées par les commissions scolaires de la minorité qui sont essentielles afin de lutter contre l’assimilation. Par exemple, il est souvent difficile d’obtenir du financement pour des programmes de « francisation » ou pour l’espace supplémentaire dans les écoles qui permettrait d’offrir des programmes préscolaires. Or, ces services sont essentiels aux communautés francophones hors Québec afin d’assurer la transmission de la langue et de la culture françaises et sont nécessaires afin de donner une portée réelle au caractère réparateur de l’article 23. Cela explique en partie pourquoi le financement par élève dans les commissions scolaires de la minorité est régulièrement plus élevé que dans les écoles de la majorité.
Il est important que les écoles de la minorité de langue officielle disposent de moyens financiers suffisants afin de demeurer à l’avant-garde. À cet égard, le droit à l’éducation dans la langue de la minorité joue un rôle clé pour les communautés francophones hors Québec. Or, sera-t-il toujours nécessaire de se rendre devant les tribunaux afin d’obtenir des gains à ce niveau? Est-ce que les problèmes de financement de l’éducation minoritaire ne sont que des manifestations d’un rapport de force éternel entre la majorité et la minorité? Il semble que seul l’avenir nous le dira.
Illustration: Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2014
RECAP – Since the 1982 patriation of the Constitution, Canadians belonging to the Francophone or Anglophone minority of their home province or territory are entitled to publicly funded elementary and secondary education in their language. In the 32 years since the adoption of the new Constitution, official language minority communities have made numerous gains, but there is still much to do before Francophone school boards outside Quebec are able to provide an education equivalent to that received by the majority. Too often, these school boards are still obliged to take legal action to enable them to offer French-language educational programs equivalent to those provided in English and immersion programs. The authors thus pose the following question: are the problems associated with funding minority education simply examples of the ongoing power struggle between the majority and the minority?
[1] Mahé c Alberta, [1990] 1 RCS 342 à la p 363, en ligne : http://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/580/index.do
[2] Québec (PG) c Quebec Protestant School Boards, [1984] 2 RCS 66 à la p 79, en ligne : http://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/26/index.do
[3] Mahé c Alberta, [1990] 1 RCS 342 à la p 363, en ligne : http://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/580/index.do
[4] Conseil des écoles séparées catholiques romaines de Dufferin et Peel v Ontario (Ministre de
l’Éducation et de la Formation), [1996] 30 RJO (3e) 681, 136 DLR (4e) 704 (CJ Div gén), en ligne : www.canlii.org/en/on/onsc/doc/1996/1996canlii11789/1996canlii11789.html
[5] Doucet-Boudreau c Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation), 2003 CSC 62, [2003] 3 SCR 3, en ligne : www.canlii.org/fr/ca/csc/doc/2003/2003csc62/2003csc62.html
[6] Voir Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique, « Résumé de l’action », en ligne : www.csf.bc.ca/informations/contestation-juridique-fr
[7] Voir Conseil scolaire catholique de district Centre-Sud, « Le Conseil scolaire de district catholique Centre-Sud se tourne vers les tribunaux pour obtenir une nouvelle école secondaire pour ses élèves de Hamilton », en ligne : www.csdccs.edu.on.ca/le-conseil-scolaire-de-district-catholique-centre-sud-se-tourne-vers-les-tribunaux-pour-obtenir-une-nouvelle-ecole-secondaire-pour-ses-eleves-de-hamilton
[8] Voir Conseil des écoles fransaskoises, « Le CSF décide de retourner devant les tribunaux », en ligne : www.cefsk.ca/FR/Nouvelles/index.html?id=213
Lorsque Janine Griffore devient haute fonctionnaire au ministère de l’Éducation de l’Ontario en décembre 2012, les défis sont grands pour améliorer le rendement scolaire des élèves autochtones et ainsi réduire l’écart entre ces élèves et le reste des élèves de la province. 40 % de la population autochtone de l’Ontario âgée de plus de 15 ans n’a pas terminé ses études secondaires! Nombreux sont les Autochtones de cette province qui n’ont pas les compétences pour accéder à un emploi dans un marché du travail de plus en plus axé sur les connaissances.
« Je suis plus sensibilisée aux préjugés et au racisme que subissent les Autochtones. J’ai aussi appris à reconnaître davantage l’urgence d’agir » affirme la sous-ministre adjointe de la Division de l’éducation en langue française, de l’éducation autochtone et de la recherche pour le ministère de l’Éducation de l’Ontario. Cette urgence se traduit par le fait que la population autochtone en Ontario est beaucoup plus jeune que le reste de la population de cette province avec un taux de natalité une fois et demi plus élevé que la moyenne canadienne. À titre d’exemple, de 2006 à 2011, la population autochtone d’âge scolaire en Ontario (de 5 à 19 ans) a fait un bond de près de 16,5 %, ce qui signifie que les écoles ont dû accueillir 11 000 élèves autochtones de plus en l’espace de cinq ans seulement.
Grâce à son cadre d’élaboration des politiques de l’Ontario en éducation des Premières Nations, des Métis et des Inuits déposés en 2007, la province a mis en place une série d’initiatives pour que les élèves autochtones aient les connaissances, les compétences et la confiance nécessaire pour terminer leurs études élémentaires et secondaires et suivre avec succès des programmes d’enseignement postsecondaire. Madame Griffore est particulièrement fière d’une percée. Elle explique : « L’ensemble des conseils scolaires de la province s’est doté d’une politique d’auto-identification volontaire et confidentielle des élèves autochtones. Même si ces politiques sont à des stades différents, l’information recueillie permet aux conseils scolaires de mieux pister les progrès de ces élèves. »
Les données préliminaires d’octobre 2012 provenant du Système d’information scolaire de l’Ontario indiquent que 44 % des 64 000 élèves autochtones fréquentant les écoles élémentaires et secondaires financées par la province se sont identifiés comme tels. Même si les données d’auto-identification ne tiennent pas encore compte de tous les élèves autochtones, elles servent de point de comparaison pour évaluer notamment les progrès accomplis relativement aux rendements scolaires de ces élèves. Avant la collecte de ces données, la seule source d’information dont disposait le gouvernement de l’Ontario sur les populations autochtones pour orienter ses décisions en politiques et programmes provenait de Statistique Canada. Le problème est que les renseignements fournis par Statistique Canada n’indiquaient pas le nombre d’élèves autochtones qui fréquentaient les écoles élémentaires et secondaires financées par la province.
La province estime que l’un des facteurs qui nuit au rendement des élèves autochtones en salle de classe est le manque de compréhension des enseignants de la culture et de l’histoire des autochtones. C’est pourquoi dans le cadre de ses politiques, la province insiste sur l’importance du développement professionnel du personnel afin, entre autres, que les élèves autochtones se sentent à l’aise et bien accueillis dans les écoles, qu’ils y aient une voix et qu’ils approfondissent leurs connaissances liées à leur culture.
Au sein des écoles de langue française en Ontario, plusieurs conseils ont mis en place des pratiques prometteuses adressant cette problématique. En tout, ce sont mille projets pilotes qui ont vu le jour dans le cadre des efforts soutenus par le ministère pour appuyer les élèves francophones dans les écoles élémentaires et secondaires financées par la province.
Le Ministère de l’Éducation de l’Ontario s’est engagé à publier tous les trois ans des rapports d’étapes pour faire le point sur la mise en œuvre de sa politique encadrant l’éducation autochtone dans la province. Le prochain rapport est prévu en 2016. Il présentera pour la première fois le taux d’obtention du diplôme secondaire d’une cohorte d’élèves qui, depuis 2011, aura bénéficié des mesures d’appui offertes dans le cadre de la politique de l’Ontario en éducation des Premières Nations, des Métis et des Inuits.
« Le ministère a adopté une approche variée et différenciée compte tenu de besoins différents des communautés isolées dans le Nord et de la réalité urbaine des communautés dans le Sud. Pour ma part, de mes visites dans les écoles, à côtoyer les élèves autochtones, je retiens le visage de ces jeunes qui s’illumine lorsqu’ils apprennent. C’est ce qui donne un sens à notre travail de gestionnaire » conclut Madame Griffore.
Photo incluse avec permission du Saskatchewan School Boards Association
Première publication dans Éducation Canada, juin 2014
RECAP – Forty percent of the Aboriginal population in Ontario over 15 years of age has not completed high school. To address this challenge, the province has implemented a series of initiatives, including a policy of voluntary and confidential self-identification for Aboriginal students. These policies are at different stages of implementation among school boards, but the information gathered allows boards to better monitor the progress of Aboriginal students. The next progress report from the Ontario Ministry of Education is expected in 2016. This report will include, for the first time, the high school graduation rate for a cohort of students who, since 2011, has benefited from supports offered through Ontario’s Aboriginal Education Strategy for First Nation, Métis and Inuit students.
Compte tenu de la désinformation qui se fait au sujet de la réalité des écoles et du système scolaire des Premières Nations, il convient de qualifier de futile le débat public sur les correctifs destinés à remédier à l’éducation des Premières Nations. Puisque l’on ne tient pas compte de ses contextes particuliers sous-jacents, ses « échecs » servent souvent à renforcer la mentalité coloniale et à valider davantage le racisme systématique ancré dans les institutions canadiennes.
En vertu de la politique fédérale actuelle, les Premières Nations sont tenues d’offrir des programmes « comparables » et « transférables » à ceux de la province. Ainsi, dans la plupart des communautés des Premières Nations, le modèle pédagogique actuel est guidé par les systèmes et programmes d’études en vigueur dans la province, avec tout ce que cela comporte : le manque de contrôle véritable des Premières Nations sur l’éducation des Premières Nations, en raison de l’imposition de normes provinciales par le gouvernement fédéral, et l’absence des langues et des cultures des Premières Nations, dont l’inclusion revêt une importance primordiale. On demande aux écoles des Premières Nations de produire des résultats comparables aux résultats provinciaux (réussite scolaire, taux d’obtention de diplôme, etc.), tout en assurant la conception et la prestation de programmes axés sur les langues et la culture des Premières Nations, et ce, malgré des politiques de financement fédérales qui sont désuètes et discriminatoires. Pour les systèmes éducatifs des Premières Nations, cette réalité pose des défis particuliers qui ne sont pas reconnus par les décideurs politiques fédéraux et provinciaux.
Les Premières Nations attachent une grande valeur à leur langue et à leur culture, car elles sont essentielles à leur identité et indispensables pour surmonter les effets cumulatifs du colonialisme. Étant donné les normes et structures provinciales actuelles qui sont imposées à de nombreuses écoles des Premières Nations, des mesures d’adaptation doivent souvent être prises par ces dernières pour accorder à la langue et à la culture la place qui leur revient. Des journées d’enseignement plus longues, moins de temps consacré aux autres matières et la formation du personnel ne sont que quelques exemples des efforts qui doivent être déployés à l’échelle locale. Faute de fonds fédéraux suffisants affectés aux langues et à la culture des Premières Nations, la plupart des communautés doivent faire des choix difficiles devant les coûts accrus associés à ces programmes.
Un examen honnête et méthodique des effets cumulatifs de mauvaises politiques de financement (absence de fonds affectés aux bibliothèques scolaires, plafond de 2 % appliqué au financement, etc.) permet d’établir que les échecs des systèmes actuels ne devraient pas être exclusivement ou principalement attribuables aux Premières Nations. Bien qu’il ne s’agisse certainement pas uniquement d’une question de financement, le manque de fonds adéquats, l’absence de mécanisme moderne et le plafond de 2 % ont posé des défis exponentiels (incapacité de verser un salaire équitable aux enseignants et au personnel, état lamentable des infrastructures, manque de locaux propices à l’éducation, matériel pédagogique de piètre qualité, etc.) qui ont des répercussions négatives sur la réussite des élèves. Tandis que certains font valoir que des programmes fédéraux ciblés, tel le Programme de réussite scolaire des étudiants des Premières Nations, fournissent des crédits supplémentaires pour favoriser l’atteinte des normes provinciales, ce financement est imprévisible et subordonné à une compétition annuelle en vue de l’attribution d’une enveloppe budgétaire fermée.
Alors que la responsabilité de la réussite des élèves repose entièrement sur les communautés des Premières Nations, l’exclusion systématique des Premières Nations d’une participation significative à la conception des systèmes provinciaux et le défaut systématique du gouvernement fédéral de fournir un financement équitable sont des points souvent négligés dans le discours sur la responsabilité (ou le manque de responsabilité) des Premières Nations en matière d’éducation.
Le gouvernement fédéral interprète généralement sa responsabilité constitutionnelle à l’égard de l’éducation des Premières Nations de façon restrictive et rétrograde. Il a officiellement pris position en faveur du contrôle par les Premières Nations de l’éducation des Premières Nations. Par contre, sa notion de « contrôle » se limite à l’administration locale de systèmes comparables à ceux de la province, soutenus par un financement inadéquat. Les efforts récents investis dans l’adoption de projets de loi sur l’éducation des Premières Nations révèlent une nette distinction entre le point de vue des décideurs politiques fédéraux et la situation qui prévaut au sein des communautés des Premières Nations. La solution proposée au « problème indien » actuel dans le domaine de l’éducation consiste à assurer par voie législative le maintien du statu quo (c’est-à-dire la compétence et les normes provinciales et les modèles de gouvernance occidentaux, p. ex., des commissions scolaires), en accordant toutefois une légère augmentation du financement garanti (sans tenir compte des besoins). Rien n’indique que le statu quo fonctionne, ni pour les élèves qui fréquentent une école de bande ni pour les élèves des Premières Nations qui fréquentent une école provinciale. Force est de constater que le statu quo a laissé pour compte des générations d’élèves des Premières Nations. Il est donc impératif de mettre sur pied des systèmes qui contribuent à bâtir l’estime de soi, à former des identités autochtones fortes et, ultimement, à assurer la réussite scolaire.
Le gouvernement fédéral ne tient pas les systèmes provinciaux responsables des élèves des Premières Nations pour lesquels ils reçoivent des fonds fédéraux (qui dépassent les frais de scolarité reçus par les communautés des Premières Nations pour les élèves des réserves). Comparativement aux écoles des Premières Nations, les écoles provinciales sont bien financées et sont dotées de services de soutien de deuxième niveau bien établis. Pourtant, dans l’ensemble, elles n’arrivent pas à faire en sorte que les élèves des Premières Nations qui fréquentent leurs écoles affichent un taux de réussite comparable au reste de la province. Étonnamment, vu la publicité récente entourant l’éducation des Premières Nations, les taux de réussite des élèves des Premières Nations dans les écoles provinciales sont souvent comparables à ceux affichés par les élèves des Premières Nations qui fréquentent une école de bande, ou pires.
La solution? Pour commencer, le Canada pourrait renoncer à son approche paternaliste infructueuse au profit d’un contrôle réel de l’éducation des Premières Nations par les Premières Nations. Cette notion de contrôle désigne la compétence et la capacité des Premières Nations de déterminer, de concevoir et de gérer leurs systèmes éducatifs et comprend la prestation, par des organismes régionaux des Premières Nations, de programmes d’aide adaptés, porteurs d’initiatives et axés sur la culture. Ce contrôle est également tributaire de la volonté du Canada d’honorer sa responsabilité de fiduciaire et de financer de façon prévisible et durable des services de premier et de deuxième niveaux en fonction des besoins.
Les Premières Nations disposent de solutions prometteuses pour relever les défis auxquels elles font face; nous savons ce qui fonctionne pour nous. De nombreux exemples de systèmes autochtones reconnaissent la réalité propre aux élèves des Premières Nations et assurent leur réussite scolaire grâce à des programmes éducatifs fondés sur la culture et la langue (la recherche démontre clairement l’existence d’un lien incontestable entre une identité positive et du succès dans le domaine de l’apprentissage tout au long de la vie). En tant que détenteurs de droits et spécialistes de leur éducation, les Premières Nations doivent se faire les architectes, les bâtisseurs et les décideurs de leurs systèmes, idéalement par des efforts délibérés, conjugués et déployés à une échelle régionale. Ces systèmes, fondés sur les valeurs et les processus culturels des Premières Nations, doivent être conçus de façon à préparer les élèves sur le plan spirituel, scolaire et social à assumer leur rôle de citoyens du monde. Toute autre attitude ne fera que perpétuer les échecs systématiques actuels et entacher la réputation du Canada.
Photo incluse avec permission du Saskatchewan School Boards Association
Première publication dans Éducation Canada, juin 2014
RECAP – Under current federal policy, the First Nations are required to provide programs that are comparable and transferable to provincial programs. But since they are responsible for the success of their students, they are demanding more equitable funding from the federal government. Compared to First Nations schools, provincial schools are well funded and equipped with quality support services. Yet they fail to obtain a success rate comparable to students in the rest of the province. Surprisingly, the success rate of First Nations students in provincial schools are often comparable to those achieved by the students in on-reserve schools, or worse. With promising solutions to meet these numerous challenges, First Nations leaders are demanding programs based on their cultural values and practices that are designed to prepare students spiritually, academically and socially to assume their role as citizens of the world.
Une critique de École : la grande transformation? Les clés de la réussite par François Muller et Romuald Normand, ESF éditeur, 2013.
La transformation d’un système scolaire pose des défis importants pour les acteurs impliqués dans le domaine de l’éducation. François Muller et Romuald Normand nous proposent un ouvrage dont l’objectif est de décrire des cas et des situations d’innovation efficaces. On y retrouve des outils et des méthodes qui permettent de s’ajuster à la réforme du système scolaire et qui favorisent l’émergence d’un leadership enseignant. Cet ouvrage s’adresse ainsi à différents lecteurs.
Pour le responsable de l’institution, ce livre aborde le rôle crucial de la formation continue des enseignants et des structures favorisant le partage d’idées innovatrices. Par exemple, le chapitre sur l’émergence de réseaux de diffusion et de partage des innovations est cohérent avec l’approche et les valeurs prônées par RESPIRE, le réseau social de l’innovation conçu par François Muller.
Pour l’enseignant, ce livre comporte de nombreux exemples adaptables pour améliorer les approches pédagogiques en situation de réforme, particulièrement en ce qui a trait à l’autoévaluation et à la mobilisation des étudiants. Il traite aussi de son rôle et de ses responsabilités dans son autoévaluation et dans l’amélioration continue de ses méthodes.
Bien que ce livre soit centré sur le cas français, les auteurs passent en revue l’évolution des réformes de divers pays. Pour le Québec, les concepts abordés s’adaptent très bien à la plupart des enjeux d’ici. Par contre, on y aborde peu l’aspect de l’implication des parents dans la réforme et on ne s’attarde pas vraiment sur l’impact de l’implantation de ces pratiques sur les conventions collectives négociées, des éléments pourtant très dynamiques chez nous.
Ceci dit, la structure du livre, les thèmes, les tableaux et les annexes facilitent le repérage des informations. Les nombreux encadrés décrivent des pratiques, des expériences ou des approches ayant été des innovations à divers endroits. De plus, ce sont dans les annexes de chaque chapitre que l’on retrouve les idées et les exemples les plus intéressants et les plus adaptables. Finalement, de par la nature plus engageante et autoévaluative des pratiques d’enseignement décrites, ce livre semble cibler davantage les personnes impliquées avec des étudiants plus matures du secondaire et du collégial.
Photo: Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, mars 2014
À la lecture des obstacles au changement identifiés lors de l’atelier de Calgary, vous serez d’avis qu’ils ne sont pas nouveaux et qu’ils n’étaient pas si difficiles à définir. Pourquoi alors avons-nous toujours de la difficulté à trouver des façons de les surmonter?
Depuis l’accueil massif des enfants issus de l’immigration dans les écoles à l’échelle mondiale, l’éducation bi/plurilingue et interculturelle est devenue une préoccupation importante. Au Canada, cette tendance nouvelle est en partie le fruit de recherches exploratoires telles les choix scolaires de parents immigrants vivant en milieux urbains[1]. Qui plus est, il est devenu plus fréquent au cours des années pour les chercheurs et les praticiens de s’interroger sur les moyens dont dispose le personnel enseignant francophone pour conjuguer avec des locuteurs ayant des compétences variées dans la langue de scolarisation. En ce sens, la langue de scolarisation est synonyme de la langue de communication formelle de l’école.
Dans cet article, l’objectif premier est de mettre en exergue que l’éducation bi/plurilingue et interculturelle destinée uniquement aux jeunes issus de l’immigration empêche tous les membres de la communauté scolaire de s’enrichir mutuellement, que la ségrégation des étudiants recevant des programmes et services spécialisés à l’extérieur de la salle de classe est mal pensée et que des stratégies d’apprentissage et d’enseignement bi/plurilingues et interculturelles méritent d’être intégrées au programme scolaire, indépendamment de la langue de scolarisation. Or, une éducation bi/plurilingue et interculturelle intégrée est essentielle pour l’ensemble de la société, y compris l’école minoritaire de langue française. Voilà donc la posture adoptée dans cet article.
Tout d’abord, le modèle d’éducation bi/plurilingue et interculturelle offert uniquement aux enfants issus de l’immigration empêche la croissance intrapersonnelle et interpersonnelle de l’ensemble de la communauté scolaire. Un manque d’articulation entre les gens responsables des programmes et services est en effet une critique des programmes bi/plurilingue et interculturel réservés aux enfants ne parlant pas ou peu la langue de scolarisation. Or, comment les éducateurs s’attendent-ils à développer de véritables compétences à communiquer chez les jeunes alors qu’ils offrent une éducation bi/plurilingue et interculturelle réservée aux étudiants considérés défavorisés sur le plan linguistique et culturel par l’école? De tels programmes partiels d’éducation bi/plurilingue et interculturel sont en effet une forme de violence symbolique, c’est-à-dire, qu’il y a un usage dissimulé des rapports de force par les dominants sur les dominés pour imposer une signification particulière comme étant légitime[2]. C’est ce que font inconsciemment les éducateurs aux enfants issus de l’immigration lorsque la langue de scolarisation leur est enseignée, sans pour autant valoriser leurs propres langues et cultures auprès d’autrui. Les praticiens croient-ils ainsi que toutes les personnes maîtrisant la langue de communication formelle de l’école n’ont pas besoin d’apprendre à conjuguer avec une société bi/plurilingue et pluriculturelle? Bref, ce n’est pas en limitant l’éducation bi/plurilingue et interculturelle à certains enfants que l’on va éduquer la société sur ce qu’est la compétence à communiquer à l’ère de la mondialisation.
En deuxième lieu, le fait que l’école offre habituellement des programmes et services spécialisés à l’extérieur de la salle de classe régulière aux enfants ne pouvant suivre le plan de développement scolaire de la majorité est mal pensé. Cette séparation entre des enfants dits « normaux » et des enfants dits « en difficulté » est une forme de ségrégation qui sert non seulement à renforcer les différences, mais aussi à protéger ce qui est considéré comme le bon déroulement de la salle de classe pour l’éducateur et la plupart des enfants, et c’est ce que le personnel choisit plus souvent qu’autrement. Cela signifie que l’étudiant suivant un programme destiné aux nouveaux arrivants qui est retiré de la classe aura moins d’occasions auprès de l’ensemble de ses pairs pour développer des compétences en matière de communication qui lui permettront de prendre sa place dans la société. Bien que l’intention des éducateurs ne soit pas nécessairement de se délester de la tâche d’enseigner de manière équitable à tous, l’action d’utiliser des locaux séparés pour des activités d’apprentissage et d’enseignement envoie un message fort et clair que tous ne sont pas bienvenus en salle de classe en tout temps. Les éducateurs croient-ils peut-être, en tant que professionnels de la langue, qu’il est plus avantageux d’éduquer les enfants s’ils leur montrent ce qui est jugé « normatif » sur les plans linguistiques et culturels pour la société d’accueil et que tout le reste n’a qu’à être caché. À ce sujet, la recherche indique cependant que le succès de différentes formes d’enseignement intégrées en salle de classe dépend davantage du degré d’investissement de la part du personnel enseignant participant à l’initiative que de l’appui du ministère de l’Éducation[3].
En troisième lieu, les initiatives en matière d’éducation bi/plurilingue et interculturelle actuellement offertes dans les écoles devraient être intégrées à chaque discipline puisque les stratégies actuelles sont trop souvent réduites à des activités ponctuelles. Au cours des années 1980, la recherche a en effet mis en exergue que tout étudiant, indépendamment de sa langue maternelle, peut bénéficier d’un enseignement explicite de la langue de scolarisation ainsi que d’un enseignement explicite des stratégies à employer pour transférer ces connaissances linguistiques à d’autres disciplines[4]. En ce sens, un enseignement explicite de stratégies promouvant les apports du bi/plurilinguisme et de l’interculturalité est une nécessité pour tous, même s’il est difficile d’amener chacun à concilier ses attentes avec ses objectifs. La raison étant que l’éducation plurilingue et interculturelle intégrée a le potentiel de ne laisser personne indifférent au contact des langues et cultures.
À l’école minoritaire de langue française, par exemple, il ne faudrait pas exclure automatiquement le choix d’une chanson espagnole lorsqu’on veut offrir aux étudiants une classe de Zumba, ce qui est un programme d’entraînement physique combinant l’aérobie et la danse latine. Ainsi, il doit en être de même pour toute autre langue, y compris l’anglais qui est la langue maternelle de certains enfants de parents ayants droit à l’instruction dans la langue de la minorité. En effet, des recherches montrent que le développement de la littératie en langue seconde s’améliore lorsque les expériences langagières en langue première sont mises en valeur[5]. Après tout, tant que l’utilisation de langues autre que le français est formellement restreinte au cours de langues, il sera difficile pour le personnel enseignant de préparer les enfants quant aux enjeux, aux défis et aux opportunités liés au bi/plurilinguisme et à l’interculturalité.
Or, si les leaders n’agissent pas sur l’éducation bi/plurilingue et interculturelle intégrée, l’école minoritaire de langue française risque une plus grande baisse d’effectifs scolaires. La réalité étant qu’en Ontario, par exemple, 68,3 % des couples ayant au moins un enfant de moins 18 ans sont considérés des couples exogames; que les femmes francophones de couples exogames ne transmettent le français aux enfants que 40,8 % du temps et les pères francophones de couples exogames réussissent cette transmission à 19,6 %[6], et que la majorité de ces couples exogames envoie déjà leurs enfants à l’école de langue anglaise plus souvent qu’à l’école de langue française[7]. Or, un changement d’attitude s’impose vis-à-vis du bi/plurilinguisme et l’éducation interculturelle au profit de la pérennité de la francophonie.
En conclusion, l’éducation bi/plurilingue et interculturelle intégrée devrait être offerte à tous et enseignée explicitement dans des contextes significatifs et inclusifs de toute langue et culture, indépendamment de son statut majoritaire ou minoritaire. À vrai dire, l’éducation bi/plurilingue et interculturelle n’est pas chose nouvelle quoique les modèles de prestations des programmes et services favorisés ici exigent un changement de paradigme chez tous les leaders scolaires. Le contact des langues et des cultures étant là pour rester, il ne faut pas ignorer les réalités bi/plurilingues et pluriculturelles, mais plutôt se les approprier et savoir comment conjuguer avec celles-ci à bon escient. À la lumière des arguments avancés dans cet article, la question demeure : les éducateurs d’aujourd’hui pourront-ils être convaincus de l’importance primordiale de former des jeunes citoyens qui deviendront, espérons-le, d’ardents défenseurs de l’éducation bi/plurilingue et interculturelle de demain.
Illustrations: Eliz Ong (iStock)
Première publication dans Éducation Canada, janvier 2014
RECAP – In this article, the author argues that bi/multilingual and intercultural education intended solely for youth from immigrant families prevents all school community members from enriching one another, that the segregation of students receiving specialized programs and services outside the classroom is ill-conceived, and that bi/multilingual and intercultural teaching and learning strategies should be incorporated into the curriculum regardless of the language of instruction. An integrated bi/multilingual and intercultural education is vital to all of society, including French-language minority schools. In light of the arguments put forward, the question remains: Can today’s educators be convinced of the paramount importance of training young citizens whom we hope will become ardent defenders of bi/multilingual and intercultural education in the future?
[1] Dalley, Phyllis. « Choix scolaires de parents rwandais et congolais. » Cahiers franco-ontariens de l’Ouest 21, no 1-2 (2009) : 305-327. DOI : 10.7202/045332ar (Imprimé le 14 février 2013).
[2] Bourdieu, Pierre, et Claude Passeron. La Reproduction – Éléments pour une théorie du système d’enseignement. Paris : Les Éditions du Minuit, 1970.
[3] Coste, Daniel, et Diana-Lee Simon. « The Plurilingual Social Actor. Language, Citizenship And Education. » International Journal of Multilingualism 6, no 2 (2009): 168-185.
[4] LeFerrec, Laurence. « Le Français de scolarisation au carrefour des didactiques du français et des disciplines. » Le Français aujourd’hui 1, no 76 (2012) : 37-47.
[5] Fleuret, Carole. Le rapport à l’écrit : habitus culturel et diversité. Québec : Presses de l›Université du Québec, 2012.
[6] « Gouvernement de l’Ontario – Office des affaires francophones : Données du recensement de 2011 selon la DIF. » Office of Francophone Affairs/l’Office des affaires francophones. www.ofa.gov.on.ca/fr/franco-recensement-2011.html (Imprimé le 14 février 2013).
[7] Grégory, Pierre. « Défis inhérents au recrutement et à la rétention des élèves dans les écoles. » Présentation, La Journée dialogues PAL dans le congrès annuel de l’Association canadienne d’éducation en langue française (ACELF), Ottawa, le 30 septembre 2011.
L’évaluation se vit naturellement au quotidien. Notre vie est parsemée de projets à planifier, de problèmes à résoudre, d’actions à entreprendre. Dans tous ces cas, nous cherchons des pistes, des ressources, nous analysons les pour et les contre pour éventuellement prendre une décision éclairée et satisfaisante. Que ce soit pour l’achat d’une voiture, la planification des vacances d’été, l’engagement dans une union de couple, nous associons toujours le : « je voudrais » à « si je peux » qui renvoie à notre contexte de vie. Même si parfois les décisions sont difficiles à prendre, le processus est pour sa part, limpide et conséquemment naturel.
Alors, comment expliquer que ce processus génère différentes tensions lorsque vient le temps d’évaluer les apprentissages des élèves? Pourquoi le naturel de notre quotidien ne se transfère-t-il pas dans l’action professionnelle? Plusieurs éléments l’expliquent.
Tout d’abord, dans notre quotidien, nous sommes les seuls responsables de notre décision et probablement les plus affectés lorsqu’une mauvaise décision est prise. À titre d’exemple, si j’ai acheté une voiture trop luxueuse pour mes moyens, je devrai tout de même faire en sorte que mes paiements se fassent. Je subis donc le contrecoup de ma décision. Dans un contexte professionnel, l’enseignant évalue les apprentissages d’une autre personne, soit l’élève. Il se doit alors d’être le plus informé possible pour que le jugement n’entraîne pas une décision erronée qui pourrait éventuellement nuire au cheminement de cet élève.
Puis, l’apprentissage est abstrait. Contrairement aux critères à mettre en perspective lors de l’achat de la voiture, l’apprentissage ne se mesure pas en soi. On ne peut effectivement pas l’identifier de manière précise. Seules les manifestations de cet apprentissage seront visibles et observables et ce, en autant que l’élève puisse donner les preuves nécessaires pour faciliter le processus d’évaluation.
Finalement, en salle de classe, les problèmes et les contextes sont multipliés par le fait que tous les élèves sont différents. L’enseignant doit donc non seulement évaluer des apprentissages sensés être réalisés par chacun des élèves du groupe, mais il doit aussi pouvoir analyser en quoi ces apprentissages sont effectifs compte tenu des contextes, des difficultés d’apprentissage et des cas particuliers d’élèves. Cela rend le processus complexe, car il est en quelque sorte « fabriqué » plutôt que « naturel ».
Le processus d’évaluation se vit différemment selon la fonction qu’il préconise. Si l’évaluation est certificative (sommative), elle encourt des décisions d’ordre administratif liées à la note au bulletin et se réalise à partir de traces pour lesquelles un jugement professionnel doit être rendu. Sylvie Fontaine et ses collaborateurs indiquent que le jugement se concrétise lorsque : « …les enseignants désirent savoir comment chacun des élèves a intégré telle ou telle connaissance et quel a été son progrès dans la maîtrise d’une compétence à acquérir1. » Ce jugement implique alors que l’enseignant met différentes informations en relation les unes avec les autres pour mieux expliquer ses décisions. Dans un tel contexte, il prend certes en considération les traces des apprentissages des élèves comme les exercices, travaux, projets. Également, il porte un regard attentif aux derniers résultats obtenus lors d’évaluations formelles, tels des examens ou des projets à long terme. Ainsi, il pourra indiquer un niveau de compétences ou un degré de connaissances en tenant compte de l’ensemble de la situation pour chaque élève.
Un tel processus impliquant un jugement professionnel demande rigueur et planification. Il implique aussi un haut niveau de compétences pour accompagner les élèves en difficulté lors des évaluations formatives. Il s’agit ainsi d’apprendre à décoder les sources des erreurs des élèves; de comprendre leur cheminement parfois fautif, dans la résolution d’un problème par exemple; de l’aider à revoir ses stratégies et à se motiver pour poursuivre ses apprentissages.
Ce travail d’accompagnement se définit de trois manières différentes qui s’articulent autour des moments particulièrement importants. Résumons les propos de Linda Allal et Lucie Mottier Lopez2 sur ces moments de régulation.
La régulation proactive concerne le moment précédant un apprentissage donné. Souvent prévu comme une activité collective à toute la classe, l’enseignant peut vérifier l’état des connaissances ou le niveau de compétences en lien avec un contenu à faire apprendre ultérieurement. Souvent associé à l’évaluation diagnostique, ce moment de régulation permet aussi à l’enseignant de vérifier certaines spécificités relatives à des élèves particuliers dans la classe et ainsi prévoir une planification non seulement centrée sur les apprentissages du groupe d’élèves, mais aussi sur leurs manières d’apprendre et de concevoir la matière et ce, tout en tenant compte de l’hétérogénéité du groupe. À titre d’exemple, un enseignant peut constater qu’une grande partie de ses élèves déteste les mathématiques et conséquemment prévoir des activités qui feront en sorte de les convaincre de la nécessité de mieux appréhender cette discipline.
La régulation interactive se vit au moment de l’apprentissage lorsque vient le temps de répondre aux questions des élèves, de leur permettre de trouver des solutions ou encore de créer l’échange à partir d’un portfolio ou d’un projet en cours d’exécution. Cette pratique, fort répandue d’ailleurs, permet à l’enseignant de mieux cerner les sources des difficultés de chaque élève. Ainsi, le fait de noter ses observations lui permettra de mieux s’outiller lorsque viendra le temps de prendre une décision certificative.
« La régulation facilite l’engagement de l’élève dans ses propres apprentissages et favorise par conséquent le développement de ses compétences. »
Pour sa part, la régulation rétroactive se vit après une activité. Tout enseignant corrige des travaux et des productions, des exercices et devoirs. Toutefois, ce travail de correction ne deviendra régulation rétroactive qu’au moment où l’enseignant posera des questions à l’élève autour des réinvestissements possibles, par écrit ou oralement.
Pour favoriser un réel accompagnement de l’élève dans son processus d’apprentissage, l’accueil et l’ouverture de l’enseignant face aux difficultés des élèves par la création d’un climat de confiance et par la lucidité dont il peut faire preuve pour l’aider à mieux comprendre, sont ainsi essentielles. Cette régulation permet en effet à l’élève d’apprendre à s’autoréguler. Au-delà de l’autoévaluation, l’autorégulation favorise un méta-regard de l’élève sur son résultat, mais surtout sur le processus qui l’a amené à ce résultat. Dit autrement, la régulation constante et réfléchie de l’enseignant amène l’élève à développer un sentiment d’efficacité personnelle puisque ce dernier s’améliore, comprend mieux les raisons d’un échec donné et réussit. La régulation facilite l’engagement de l’élève dans ses propres apprentissages et favorise par conséquent le développement de ses compétences3.
Première publication dans Éducation Canada, juin 2013
RECAP – Assessment is a highly complex process that demands sound judgment and professionalism on the part of teachers. It requires the gathering of information from students and the evaluation of their level of skills development and knowledge acquisition, followed by a fair and informed decision. Beyond the report card marks, assessment can support students in their learning. A process that involves adjustment strategies enables students to better grasp the material, while still generating the accumulation of marks for a fair professional judgment. Adjustment encourages the commitment of students to their own learning and thus fosters the development of their skills.
Depuis plus de 30 ans, d’importants moyens ont été déployés en Suisse romande pour réformer l’école. L’ouvrage collectif de Gilliéron Giroud et Ntamakiliro (2010)1 établit un bilan des réformes entreprises en matière d’évaluation en Suisse romande. Le bilan concerne plus spécialement les cantons de Berne, Genève et Vaud qui ont tenté de promouvoir des pratiques innovantes, étudiées par des centres de recherche. Entre les années 1970 et 2000, ces systèmes scolaires (chaque canton suisse possède sa propre règlementation scolaire) ont cherché à encourager des pratiques d’autoévaluation, une observation formative des progressions d’apprentissage des élèves, la suppression des notes chiffrées au cours des premiers degrés de la scolarité, des évaluations explicitement fondées sur des objectifs et critères précis, des modes plus systématiques et variés de communication aux familles, des portfolios, etc. Bref, une évaluation qui devait être d’abord au service de l’apprentissage des élèves, dans des modalités d’évaluations diversifiées, plus « authentiques », mieux articulées aux évaluations certificatives. Les grandes finalités de ces réformes étaient de lutter contre l’échec scolaire et la sélection précoce; elles visaient une plus grande démocratisation de l’école et de l’accès aux formations.
Qu’en est-il de ces innovations plus de trente ans après leur introduction? Le constat est quasi sans appel : tant de l’intérieur que de l’extérieur de l’école, les obstacles et les résistances ont été nombreux. Un retour à des pratiques d’évaluation plus traditionnelles a été plébiscité. Les raisons principales : lourdeur et manque de praticabilité des démarches innovantes; communication insuffisante entre enseignants, avec les parents, les autorités scolaires; incompréhension des visées des innovations; manque de repères communs et explicites. De plus, l’émergence d’une nouvelle politique de gestion et d’évaluation des systèmes éducatifs par les résultats « accountability » a modifié sensiblement le contexte socio-économique et politique de l’école. Désormais, l’évaluation, qui initialement se situait au sein de la classe, devient un enjeu plus large, à travers notamment les enquêtes internationales et nationales, censées informer le politique, le public, les « usagers » de l’école à propos de la qualité et de l’efficience de cette dernière. Une certaine culture de l’économie et du management devient la référence pour « rationaliser », dans une logique parfois proche de la quantophrénie (à savoir chercher à traduire systématiquement les phénomènes sociaux et humains en indicateurs chiffrés), les pratiques didactiques et socio-pédagogiques. Certes, cette brève analyse est caricaturale : des nuances sont à apporter, notamment par rapport à la complexité des valeurs, parfois contradictoires, recelées par les différentes fonctions de l’évaluation des apprentissages des élèves, des processus de communication et d’implantation des innovations, de l’évolution des attentes de la société, etc.
Cet état des lieux, pour qui a œuvré à promouvoir des pratiques innovantes, pourrait susciter le découragement. Heureusement, des études actuelles tendent à montrer que ces années de réforme ont néanmoins engagé une certaine transformation de la culture pédagogique de l’évaluation auprès des enseignants et dans les établissements scolaires.2
Avec mon équipe de recherche EReD (évaluation, régulation et différenciation des apprentissages en situation scolaire et en formation), en synergie notamment avec des collègues au sein de l’ADMEE (Association canadienne et européenne pour le développement des méthodologies d’évaluation en éducation, réunissant chercheurs, praticiens et décideurs), nous avons pris l’option d’étudier les pratiques d’évaluation dans une approche collaborative3. Ce type de recherche vise à promouvoir le développement professionnel des acteurs de terrain et à la fois la production de connaissances scientifiques sur les pratiques4. L’enjeu est de construire une relation de partenariat entre les autorités scolaires, les chercheurs et les acteurs de terrain (au sens large) par rapport à des problématiques élaborées ensemble : par exemple, soutenir la régulation de l’apprentissage dans des situations complexes; développer chez les élèves des compétences à s’autoévaluer; apprendre à gérer les enjeux de l’évaluation scolaire (réguler, certifier, orienter) qui peuvent créer des tensions, paradoxes, ambivalences; exercer un jugement professionnel éthique afin que toute décision évaluative soit prise au bénéficede l’élève, tant au niveau de la classe, de l’établissement que pour ce qui relève des décisions administratives et politiques. Un but est alors de co-construire une culture partagée de l’évaluation, en termes de normes, pratiques, valeurs communes, mais qui assume aussi la légitimité de certaines différences et qui s’émancipe d’une logique de standardisation. Penser aujourd’hui des pratiques « porteuses » en évaluation demande, de mon point de vue, une transformation du rapport entre recherche, terrain, politique. Les recherches collaboratives, qui ont des visées scientifiques et de professionnalisation, semblent représenter un cadre particulièrement propice à la construction d’une relation de complémentarité et d’interdépendance positive entre les différents partis, tout en devant affronter aussi (voire en faire un objet d’étude à part entière) les rapports de pouvoir et les conflits qui se nouent inévitablement dès qu’il y a des enjeux évaluatifs.
Première publication dans Éducation Canada, juin 2013
RECAP – For more than 30 years, significant measures have been implemented in French-speaking Switzerland to reform the school system. The goals of the reform were to improve graduation rates, eliminate early streaming, and increase democracy and access to education in the school system.
The article describes several elements in the French-speaking Swiss context and concludes with avenues to support – through collaborative research methods, in particular – a constructive relationship between stakeholders in the field, researchers, and school and policy leaders, to rethink innovations in classroom learning assessment.
Charles Fadel partage ses idées à propos d’un curriculum élaboré en fonction des besoins véritables des élèves.
Nous avons donc un programme d’études nouveau. Malgré les difficultés et les moments de brouhaha, l’opération a été menée à son terme. Deux cohortes d’élèves ont du début du primaire à la fin du secondaire suivi un tel programme d’études sans qu’on ait observé les catastrophes annoncées par certains. Ce sont là deux raisons pour se réjouir ou pour se dire : mission accomplie et passons à autre chose.
Penser ainsi serait une erreur. Au contraire, maintenant que les choses sont plus claires, c’est le moment de faire produire à ce programme d’études, surtout au secondaire, tous les effets qu’on peut en attendre pour la formation des élèves. C’est le moment pour que les enseignants, surtout ceux du secondaire, « prennent en main » les contenus qu’ils ont à enseigner et les « mettre à leur main » de façon à ce que les élèves en tirent le meilleur bénéfice qui soit.
« Prendre en main le programme », c’est bien comprendre et maîtriser le contenu des matières qui le constitue
Pourquoi? Il ne faut pas sous-estimer les changements qui ont été portés dans toutes les matières du nouveau programme d’études, à l’exception de l’étude de la langue maternelle, le français. Bien sûr, on fait toujours des mathématiques ou des sciences ou de l’histoire ou de la géographie, mais les deux perspectives qui ont servi à élaborer le contenu des matières du programme nouveau (plus grande importance donnée aux savoirs durables, perspective culturelle plus accentuée cf. article Un programme d’études nouveau) ont changé ces contenus. Comparez les contenus des cours de sciences et d’histoire du primaire de l’ancien programme avec ceux du nouveau, comparez les contenus des cours de sciences ou d’histoire ou de géographie du premier cycle du secondaire de l’ancien programme et ceux du nouveau, comparez les séquences de mathématiques et des sciences du deuxième cycle du secondaire de l’ancien programme et celles du nouveau… je pourrais continuer ainsi et vous verrez bien que ce n’est pas la même chose.
Sans doute, l’enseignant qui enseigne ces matières n’est pas tout à fait perdu. Sans doute, pensent certains, même s’ils n’osent pas le dire, faute de savoirs suffisants par les enseignants eux-mêmes dans ces matières, les manuels y suppléeront. Mais peut-on accepter ce fait? Quelle sera la valeur d’un enseignement où des enseignants n’auraient comme on dit, « qu’une leçon d’avance sur les élèves »? Il n’y a aucune honte à devoir se recycler, à réapprendre ce qu’on connaît mal. Les professeurs de cégep des programmes techniques ont eu affaire à des recyclages autrement douloureux pour faire face aux changements que la révolution numérique a entraînés dans leur enseignement.
Or ce problème de l’appropriation des contenus du nouveau programme d’études a-t-il été pris en main? Pas seulement en donnant des informations ou par une mise à jour superficielle, mais par une formation qui permettrait aux enseignants une appropriation plus assurée de leur matière? Poser la question, c’est connaître la réponse. Mis à part le nouveau cours d’éthique et culture religieuse, à ma connaissance, aucune autre formation structurée portant sur les contenus des matières du nouveau programme d’études n’a été mise sur pied par le ministère. L’a-t-elle été localement? J’en doute. Conséquence, l’enseignement de certaines matières du nouveau programme est déficient ou négligé. C’est, par exemple, presque partout le sort de l’enseignement des sciences au primaire.
Mettre les contenus du programme « à sa main », c’est développer les pratiques enseignantes qui conviennent au but recherché
« Posséder bien sa matière » comme on dit dans le métier, est la condition nécessaire d’un bon enseignement, mais ce n’est pas une condition suffisante. Enseigner, ce n’est pas exposer devant les élèves ce qu’on sait, enseigner c’est faire en sorte que les élèves s’approprient ces contenus. Et c’est pourquoi enseigner c’est nécessairement faire de la pédagogie. Le pédagogue, c’était l’esclave qui conduisait, en le tenant par la main, l’enfant à l’école. On n’enseigne que pour que l’élève apprenne. Cette manière d’enseigner, cette manière de tenir la main, c’est la pédagogie. Or je constate que pendant que le programme d’études s’implantait dans les classes, on a parlé beaucoup de « pédagogie », la réforme du programme d’études elle-même ne serait qu’une réforme « pédagogique » ou même simplement un « renouveau pédagogique ». Mais dans les faits, qu’est-ce qu’il y a eu derrière ces belles formules?
Il y a eu une promotion des méthodes pédagogiques, de méthodes en soi qui s’appliqueraient à toutes les matières. Mais ce n’est pas ainsi que se passent les choses pour l’enseignant dans la classe. Enseigner, c’est convertir le contenu de ce qu’on sait dans des formes pédagogiquement efficaces certes, mais ces formes doivent tenir compte de la matière à enseigner et des difficultés propres pour faire maîtriser cet objet aux élèves. Enseigner l’histoire, ce n’est pas enseigner les mathématiques. Or, tout l’accent a été mis sur la pédagogie en général, alors que les problèmes que doit affronter l’enseignant dans le nouveau programme d’études sont des problèmes d’enseignement de la matière qu’il enseigne, des problèmes de didactique.
Je constate aussi que sous prétexte que le nouveau programme d’études serait un programme selon « l’approche par compétences », se met en place dans les écoles secondaires, une formule d’enseignement qui donne beaucoup de place à la prise en considération des « situations d’apprentissage et d’évaluation » (SAÉ). Faire prendre conscience aux élèves que ce qui est appris à l’école ce sont des productions culturelles (langue, mathématiques, science, technologies, institutions politiques ou sociales, arts…) qui marquent la société où il devra vivre est une chose nécessaire. Mais tout le discours autour d’une telle approche semble dire que l’élève ne pourra utiliser ce qu’il a appris à l’école que si les apprentissages ne présentent que des situations réelles. Or c’est là une erreur de pédagogue sans expérience : croire que le chemin pour atteindre un résultat doit être de même nature que le résultat. L’expérience dit autre chose : si vous voulez que l’élève pense par lui-même, ne vous contentez pas de lui demander ce qu’il pense, faites-lui fréquenter les pensées de ceux qui ont pensé avant nous. À leur contact, il se formera à penser. De même, ce n’est pas en faisant faire à l’élève les apprentissages sur les contenus uniquement dans les situations réelles qu’on arrivera à lui permettre de les maîtriser au point qu’il sera capable de faire les « transferts » de ce qu’il a appris dans les situations réelles.
On touche là un des vrais défis que présente le programme nouveau, celui de l’appropriation par l’élève de savoirs durables qui lui permettront ces « transferts ». Or, la pratique qu’avait introduite la réforme du programme d’études des années 1980 avait généralisé chez les enseignants du secondaire des formes d’enseignement skinnériens. L’objet d’apprentissage que doit maîtriser l’élève est subdivisé en tous petits éléments (objectifs et sous-objectifs). Puis, régulièrement, par des tests objectifs, on mesure si le contenu d’une étape est maîtrisé par l’élève. S’il réussit le test, on continue, sinon on revient en arrière et on recommence. Pendant près de trente ans, c’est cette forme d’enseignement qui a été préconisée. Bien sûr, il y a eu des enseignants qui ont décidé de ne pas s’enfermer dans ce carcan. Mais beaucoup ont suivi le mouvement, d’autant plus que les examens ministériels étaient des tests à « questions fermées » et incitaient à pratiquer la forme d’enseignement qui allait avec cette forme d’évaluation.
On peut enseigner ainsi et les services de formation générale des adultes ont poussé l’organisation de cette forme d’enseignement à sa limite. Il y a encore deux ans, on pouvait l’observer, partout en formation générale des adultes. Enseignement modulaire, progression individuelle de l’élève, autoapprentissage assisté, des élèves de différents niveaux travaillant dans la même classe et, assis à son bureau, un enseignant qui, selon la formule utilisée dans le milieu de la formation générale des adultes, « fait du dépannage bureau ».
Cela a laissé des traces
Or c’est ce même modèle de programme d’études et les instruments qui permettent de réguler les apprentissages réalisés qui ont été massivement utilisés dans l’enseignement des jeunes pendant presque 30 ans, même si on n’a pas été à la limite de l’organisation scolaire que cela suppose. Et cela nécessairement laisse des traces. Dans cette forme d’autoapprentissage de l’élève il n’y a pas d’exposé de l’enseignant, il n’y pas de « travaux » de l’élève (l’étude est son travail) et donc même si l’organisation pour les jeunes ne fut pas celle des adultes, des pratiques qui sont normales dans un tel système se sont diffusées même dans l’enseignement des jeunes. Il y a plusieurs années, un professeur de physique d’une école secondaire de Montréal m’a dit qu’il n’apportait jamais de travaux de ses élèves à corriger chez lui. Et cela en toute bonne conscience. Ce n’était pas un paresseux. Il faisait ce que le système demandait : il n’y avait pas de travaux nécessaires pour que les élèves apprennent ce qui était demandé dans les examens; la correction des tests objectifs à « question fermée » suffisait pour valider leur progression; la réussite de ses élèves aux examens ministériels confirmait la qualité de son enseignement.
Mais que ferait cet enseignant dans la nouvelle situation créée par le nouveau programme d’études? Le connaissant, il aurait certainement changé de pratiques. Je connais une école secondaire de la région de Montréal qui s’est posé une telle question. Le nouveau programme d’études amènera-t-il l’école et les enseignants à des pratiques différentes? Dans cette école secondaire, dès sa création — et les architectes dans l’organisation des espaces avaient tenu compte de ce fait — tous les élèves inscrits suivaient un enseignement modulaire permettant une progression individuelle. Leur présence à l’école n’était pas obligatoire. Les programmes par objectifs et les évaluations par tests à « questions fermées » encadraient la démarche des élèves qui avançaient à leur rythme. Par la suite, constatant le « flânage » des élèves adolescents, l’école rendit leur présence obligatoire, mais dans les classes chaque élève faisait son travail et avançait à son rythme. Puis plus tard, confrontée à des problèmes de demande et d’attraction de sa clientèle naturelle, elle ouvre une section de programme international. Voyant approcher la réforme, les enseignants s’interrogent sur les changements que cela entraînera dans leur école : leur faudra-t-il élaborer sous forme modulaire le nouveau programme pour permettre un enseignement individualisé? Ou bien leur faudra-t-il revenir à l’organisation scolaire habituelle des écoles secondaires? Et dans ce cas quels changements faudra-t-il introduire dans leurs pratiques d’enseignants habitués au « dépannage bureau »? J’ai passé quelques heures dans cet établissement scolaire pour observer ce qui se faisait et ensuite réfléchir avec eux.
Répondre à la dernière question fut pour moi facile. Certains enseignants enseignaient le même type de cours (maths, sciences, français) dans la section du programme modulaire et dans la section du programme international. Ils purent, eux-mêmes, dire la différence, la différence pour les élèves, la différence quant à leur satisfaction professionnelle, mais surtout la différence des pratiques qu’ils utilisaient par rapport à celles du « dépannage-bureau » (mise en situation, exposés, types d’exercices, types de travaux…) et les intentions pédagogiques qu’il y avait derrière ces pratiques. Or à partir du moment où le nouveau programme d’études n’est plus présenté sous l’habillage des programmes à approche skinnérienne et que les enseignants n’ont plus les batteries de tests à « questions fermées » qui leur permettaient de « mener la classe », il faut bien qu’ils développent d’autres pratiques d’enseignement.
Pour que la moisson soit belle
Et c’est ce qu’ils font, parfois isolés, parfois en groupes. Il y a actuellement dans les réseaux des écoles secondaires, encore fragile, encore minoritaire, portée par de jeunes enseignants et quelques conseillers pédagogiques, l’esquisse du développement d’un mouvement professionnel puissant, celui du « praticien réflexif », un mouvement qui vient de ceux qui ne veulent pas seulement se contenter de « suivre le programme » comme on dit, mais qui veulent construire — et parfois le faire, ce sera reconstruire – l’écologie des pratiques qui permettront aux élèves de s’approprier les contenus de ce nouveau programme d’études, tout en développant chez eux certains savoir-faire intellectuels, contenus et savoir-faire dont ils se serviront toute leur vie.
Mais on ne peut pas laisser ces travaux, ces savoirs d’expérience qui se développent ainsi, actuellement, dans l’ombre, dans l’isolement. Il faut que les dispositifs qui avaient été mis en place pour implanter la réforme du curriculum soient revus ou transformés pour s’ajuster à cette nouvelle frontière, celle de la « mise à leur main » par les enseignants des contenus du nouveau programme dans leurs pratiques d’enseignant de français, d’histoire, de sciences, de géographie, de maths, d’art, etc. Pour implanter le programme d’études, on a utilisé une approche verticale. On est parti du haut, on s’est appuyé sur des intermédiaires porteurs du discours, on a informé et parfois organisé des formations. Ce qui maintenant devrait être réalisé est différent. Il faut susciter des manières de faire, les faire connaître, organiser des échanges autour d’elles, proposer des chantiers de travail sur ces questions. Aussi, l’approche à utiliser doit être horizontale, c’est celle de la création et de l’animation des réseaux. Dans la nouvelle phase, c’est sur les associations professionnelles d’enseignants qu’on devrait s’appuyer pour animer un tel réseau de « praticiens réflexifs ». Ces associations existent. 8 000 enseignants sont membres d’une vingtaine d’associations, regroupées au sein du Conseil pédagogique interdisciplinaire du Québec.
Le meilleur curriculum d’études théorique ne fait pas nécessairement le meilleur curriculum réel dans les classes. Une fois le curriculum officiel établi, la différence viendra de ce que les enseignants en feront. Certains pensent que les enseignants sont incapables de déterminer les meilleures pratiques qui permettront d’atteindre les objectifs du curriculum
théorique et qu’il faut donc « formater », « modeler » leur enseignement. Ce n’est pas là mon opinion. Non seulement parce que ce type d’« enseignant applicateur » ne correspond pas à ma conception du rôle de l’enseignant, mais aussi parce que ceux qui pensent ainsi ignorent ce qu’est ce métier, les savoirs d’expérience qu’on y développe et mettent donc en branle des systèmes qui ne s’avèrent au bout du compte ni efficaces ni efficients. Non, les énergies (et l’argent) doivent être mises ailleurs : dans l’organisation, le soutien, l’animation du réseau des « praticiens réflexifs » du nouveau programme d’études.
C’est pourquoi je dis que le meilleur est à venir si…
Première publication dans Éducation Canada, janvier 2013
RECAP – Quebec’s curriculum reform has two fundamental dimensions: the importance attributed to sustainable knowledge and the cultural perspective. Clearly, teachers must comprehend and master subject content but the true challenge is students’ acquisition of sustainable knowledge that will enable them to “transfer” it to real life situations. Once the official curriculum has been established, the difference lies in what teachers do with it. The author laments the fact that, in implementing this reform, the focus has been placed on education in general, whereas the problems that teachers should address in the new curriculum are didactic issues. According to Paul Inchauspé, the best is yet to come if… the preferred approach is that of a powerful professional movement: networks of “reflective practitioners.” In the new phase, professional teachers’ associations should be relied on to lead this type of network and all energy should converge in this direction.