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Apprentissage autochtone, Enseignement, Évaluation, Politique, Programmes

Contexte actuel des Premières Nations

L'échec des systèmes coloniaux dans les communautés des Premières Nations

Compte tenu de la désinformation qui se fait au sujet de la réalité des écoles et du système scolaire des Premières Nations, il convient de qualifier de futile le débat public sur les correctifs destinés à remédier à l’éducation des Premières Nations. Puisque l’on ne tient pas compte de ses contextes particuliers sous-jacents, ses « échecs » servent souvent à renforcer la mentalité coloniale et à valider davantage le racisme systématique ancré dans les institutions canadiennes.

En vertu de la politique fédérale actuelle, les Premières Nations sont tenues d’offrir des programmes « comparables » et « transférables » à ceux de la province. Ainsi, dans la plupart des communautés des Premières Nations, le modèle pédagogique actuel est guidé par les systèmes et programmes d’études en vigueur dans la province, avec tout ce que cela comporte : le manque de contrôle véritable des Premières Nations sur l’éducation des Premières Nations, en raison de l’imposition de normes provinciales par le gouvernement fédéral, et l’absence des langues et des cultures des Premières Nations, dont l’inclusion revêt une importance primordiale. On demande aux écoles des Premières Nations de produire des résultats comparables aux résultats provinciaux (réussite scolaire, taux d’obtention de diplôme, etc.), tout en assurant la conception et la prestation de programmes axés sur les langues et la culture des Premières Nations, et ce, malgré des politiques de financement fédérales qui sont désuètes et discriminatoires. Pour les systèmes éducatifs des Premières Nations, cette réalité pose des défis particuliers qui ne sont pas reconnus par les décideurs politiques fédéraux et provinciaux. 

Les Premières Nations attachent une grande valeur à leur langue et à leur culture, car elles sont essentielles à leur identité et indispensables pour surmonter les effets cumulatifs du colonialisme. Étant donné les normes et structures provinciales actuelles qui sont imposées à de nombreuses écoles des Premières Nations, des mesures d’adaptation doivent souvent être prises par ces dernières pour accorder à la langue et à la culture la place qui leur revient. Des journées d’enseignement plus longues, moins de temps consacré aux autres matières et la formation du personnel ne sont que quelques exemples des efforts qui doivent être déployés à l’échelle locale. Faute de fonds fédéraux suffisants affectés aux langues et à la culture des Premières Nations, la plupart des communautés doivent faire des choix difficiles devant les coûts accrus associés à ces programmes.

Un examen honnête et méthodique des effets cumulatifs de mauvaises politiques de financement (absence de fonds affectés aux bibliothèques scolaires, plafond de 2 % appliqué au financement, etc.) permet d’établir que les échecs des systèmes actuels ne devraient pas être exclusivement ou principalement attribuables aux Premières Nations. Bien qu’il ne s’agisse certainement pas uniquement d’une question de financement, le manque de fonds adéquats, l’absence de mécanisme moderne et le plafond de 2 % ont posé des défis exponentiels (incapacité de verser un salaire équitable aux enseignants et au personnel, état lamentable des infrastructures, manque de locaux propices à l’éducation, matériel pédagogique de piètre qualité, etc.) qui ont des répercussions négatives sur la réussite des élèves. Tandis que certains font valoir que des programmes fédéraux ciblés, tel le Programme de réussite scolaire des étudiants des Premières Nations, fournissent des crédits supplémentaires pour favoriser l’atteinte des normes provinciales, ce financement est imprévisible et subordonné à une compétition annuelle en vue de l’attribution d’une enveloppe budgétaire fermée.

Alors que la responsabilité de la réussite des élèves repose entièrement sur les communautés des Premières Nations, l’exclusion systématique des Premières Nations d’une participation significative à la conception des systèmes provinciaux et le défaut systématique du gouvernement fédéral de fournir un financement équitable sont des points souvent négligés dans le discours sur la responsabilité (ou le manque de responsabilité) des Premières Nations en matière d’éducation.

Le gouvernement fédéral interprète généralement sa responsabilité constitutionnelle à l’égard de l’éducation des Premières Nations de façon restrictive et rétrograde. Il a officiellement pris position en faveur du contrôle par les Premières Nations de l’éducation des Premières Nations. Par contre, sa notion de « contrôle » se limite à l’administration locale de systèmes comparables à ceux de la province, soutenus par un financement inadéquat. Les efforts récents investis dans l’adoption de projets de loi sur l’éducation des Premières Nations révèlent une nette distinction entre le point de vue des décideurs politiques fédéraux et la situation qui prévaut au sein des communautés des Premières Nations. La solution proposée au « problème indien » actuel dans le domaine de l’éducation consiste à assurer par voie législative le maintien du statu quo (c’est-à-dire la compétence et les normes provinciales et les modèles de gouvernance occidentaux, p. ex., des commissions scolaires), en accordant toutefois une légère augmentation du financement garanti (sans tenir compte des besoins). Rien n’indique que le statu quo fonctionne, ni pour les élèves qui fréquentent une école de bande ni pour les élèves des Premières Nations qui fréquentent une école provinciale. Force est de constater que le statu quo a laissé pour compte des générations d’élèves des Premières Nations. Il est donc impératif de mettre sur pied des systèmes qui contribuent à bâtir l’estime de soi, à former des identités autochtones fortes et, ultimement, à assurer la réussite scolaire.

Le gouvernement fédéral ne tient pas les systèmes provinciaux responsables des élèves des Premières Nations pour lesquels ils reçoivent des fonds fédéraux (qui dépassent les frais de scolarité reçus par les communautés des Premières Nations pour les élèves des réserves). Comparativement aux écoles des Premières Nations, les écoles provinciales sont bien financées et sont dotées de services de soutien de deuxième niveau bien établis. Pourtant, dans l’ensemble, elles n’arrivent pas à faire en sorte que les élèves des Premières Nations qui fréquentent leurs écoles affichent un taux de réussite comparable au reste de la province. Étonnamment, vu la publicité récente entourant l’éducation des Premières Nations, les taux de réussite des élèves des Premières Nations dans les écoles provinciales sont souvent comparables à ceux affichés par les élèves des Premières Nations qui fréquentent une école de bande, ou pires.

La solution? Pour commencer, le Canada pourrait renoncer à son approche paternaliste infructueuse au profit d’un contrôle réel de l’éducation des Premières Nations par les Premières Nations. Cette notion de contrôle désigne la compétence et la capacité des Premières Nations de déterminer, de concevoir et de gérer leurs systèmes éducatifs et comprend la prestation, par des organismes régionaux des Premières Nations, de programmes d’aide adaptés, porteurs d’initiatives et axés sur la culture. Ce contrôle est également tributaire de la volonté du Canada d’honorer sa responsabilité de fiduciaire et de financer de façon prévisible et durable des services de premier et de deuxième niveaux en fonction des besoins.

Les Premières Nations disposent de solutions prometteuses pour relever les défis auxquels elles font face; nous savons ce qui fonctionne pour nous. De nombreux exemples de systèmes autochtones reconnaissent la réalité propre aux élèves des Premières Nations et assurent leur réussite scolaire grâce à des programmes éducatifs fondés sur la culture et la langue (la recherche démontre clairement l’existence d’un lien incontestable entre une identité positive et du succès dans le domaine de l’apprentissage tout au long de la vie). En tant que détenteurs de droits et spécialistes de leur éducation, les Premières Nations doivent se faire les architectes, les bâtisseurs et les décideurs de leurs systèmes, idéalement par des efforts délibérés, conjugués et déployés à une échelle régionale. Ces systèmes, fondés sur les valeurs et les processus culturels des Premières Nations, doivent être conçus de façon à préparer les élèves sur le plan spirituel, scolaire et social à assumer leur rôle de citoyens du monde. Toute autre attitude ne fera que perpétuer les échecs systématiques actuels et entacher la réputation du Canada.

Photo incluse avec permission du Saskatchewan School Boards Association

Première publication dans Éducation Canada, juin 2014


RECAP – Under current federal policy, the First Nations are required to provide programs that are comparable and transferable to provincial programs. But since they are responsible for the success of their students, they are demanding more equitable funding from the federal government. Compared to First Nations schools, provincial schools are well funded and equipped with quality support services. Yet they fail to obtain a success rate comparable to students in the rest of the province. Surprisingly, the success rate of First Nations students in provincial schools are often comparable to those achieved by the students in on-reserve schools, or worse. With promising solutions to meet these numerous challenges, First Nations leaders are demanding programs based on their cultural values and practices that are designed to prepare students spiritually, academically and socially to assume their role as citizens of the world.

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Treena Metallic

Treena Metallic détient un baccalauréat en sciences politiques ainsi qu’un baccalauréat en éducation. Elle complète actuellement un certificat en gestion des ressources humaines, microprogramme en management public. Actuellement analyste en recherche et développement, elle a accès à l’éducation de 22 collectivités des Premières Nations représentant 8 différentes nations.

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