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Enseignement, Leadership, Politique

Que signifient les concepts d’empowerment, de leadership et de gouvernance?

De la gouvernance au leadership des directions d’école

L’efficacité d’un gestionnaire scolaire tient à sa capacité d’exercer de l’influence dans son école. C’est un acteur-clé dans une telle bureaucratie professionnelle. Travailler, coopérer et s’affirmer dans un groupe ou une organisation supposent une interaction sociale et nécessite l’établissement de liens d’interdépendance, des relations d’échanges de ressources et de réciprocité, signes de l’autonomie et de la dépendance des individus. Ainsi, pour exister, pour intervenir comme acteur dans son travail, il faut s’affirmer, travailler avec d’autres et coopérer. Cette coopération fait nécessairement intervenir un jeu de pouvoir. Même si vous avez une conception totalement altruiste d’autrui et que vous vous consacrez à une action humanitaire, la simple question d’efficacité de votre action et de l’organisation avec d’autres personnes fera intervenir la question du pouvoir1.

Une compétence de gestion importante dans tout poste d’autorité est l’exercice du pouvoir. Pas de pouvoir, pas de leadership. Le pouvoir, c’est un potentiel d’action, c’est la capacité d’agir. Le pouvoir reflète, génère et suscite une motivation à comprendre et à maîtriser l’environnement, à exercer son libre-arbitre pour accroître son autonomie et influencer son destin2. Il s’agit donc d’influencer l’autre. La difficulté à percevoir l’influence sociale se révèle un indice de l’efficacité d’une direction d’école. Qu’elle procède de la persuasion à la séduction, l’influence sociale tend à modifier les croyances, les attitudes et les comportements des individus définis, en vue de satisfaire des intérêts communs et particuliers. L’exercice de l’influence dans une organisation peut se faire de façon formelle ou informelle. De façon formelle, elle est liée à la notion d’autorité et vise la réalisation des objectifs organisationnels. De façon informelle, elle est liée à la notion de leadership et vise la satisfaction des besoins des subordonnés. Une direction d’école efficace se doit de bien maîtriser les ficelles du pouvoir. Quand on entre en poste, on nous donne un pouvoir formel lié à l’autorité et visant à amener les membres de notre école à atteindre des objectifs d’efficacité. Par contre, notre leadership ne nous est pas donné et on doit le développer dans notre agir par nos compétences personnelles (informel).

Pas de pouvoir personnel
Pas de LEADERSHIP

Depuis presque cent ans, le concept de leadership demeure un sujet abondamment traité selon Krasikova, Green et Le Breton3. Il existe beaucoup de textes qui sont plus des recettes sur l’exercice du leadership qu’une compréhension de ce rôle en tant qu’outil du pouvoir. En effet, plusieurs textes sur cette problématique ressemblent à la quête de la pierre philosophale et les autres se concentrent généralement sur les comportements positifs ou les comportements désirables en matière de leadership. Un constat depuis quelques années : il faut éviter le leadership tyrannique que nous verrons un peu plus loin dans le texte. Néanmoins, malgré cette polémique, les études contemporaines tendent de plus en plus à définir le leadership comme  « un processus consistant à influencer les objectifs de travail et les stratégies d’un groupe ou d’une organisation; à influencer les acteurs d’une organisation à implanter des stratégies et à atteindre les objectifs; à influencer le fonctionnement et l’identité d’un groupe et, finalement, à influencer la culture d’une organisation4». Le leadership est beaucoup plus un processus qu’un stéréotype individuel et il dépend beaucoup des compétences et des traits de personnalité du leader. La variable principale qui se dégage de cette définition est celle de l’influence et du pouvoir.

GOUVERNANCE : système d’influence et de normes de comportement

D’ailleurs l’influence s’inscrit dans la gouvernance organisationnelle qui consiste en un système mis en place par la direction en matière d’autorité, d’influence et de normes de comportement des membres d’une organisation.

Ainsi, comment une direction d’école s’y prend-t-elle pour influencer ses enseignants? Il n’y a pas de leadership idéal, comme l’ont pensé longtemps plusieurs auteurs, c’est plutôt la capacité de s’adapter aux situations qui déterminent l’efficacité du leadership et l’utilisation de comportements qui ne sont pas nuisibles au bien-être de ses employés (leadership tyrannique).

Une position d’autorité ne fait pas nécessairement un leader d’une direction d’école. Une direction d’école qui se comporte en leader se distingue par sa vision organisationnelle et éducationnelle, l’utilisation de son intuition dans la gestion de son école et son rôle de meneur de changement.

EMPOWERMENT : processus de motivation intrinsèque par lequel un employé en vient à donner son plein rendement au travail dans une organisation

L’empowerment qui est un processus d’habilitation et un bon outil de leadership consiste à donner plus de pouvoir aux enseignants sur leur travail et de participer activement, ouvertement et sans crainte à la vision et à la culture de son école par un processus de discussion interactif. C’est un processus de motivation intrinsèque par lequel un employé en vient à donner son plein rendement au travail dans une organisation. Le leader qui veut développer « l’empowerment » dans son organisation doit utiliser quatre leviers :

  1. Une vision stratégique claire;
  2. Un climat de travail ouvert et favorisant le travail d’équipe;
  3. Un milieu de travail où la discipline et le contrôle sont importants;
  4. Un milieu supportant et sécuritaire.

Cette redistribution du pouvoir est liée à la mise en place d’un mode de prise de décision participatif et est vue comme la marque d’un vrai leadership.

Depuis quelques années on ne parle plus de leadership idéal mais plutôt de leadership toxique, voire tyrannique. Ce type de leadership peut se définir5, comme un ensemble de comportements volontaires de la part du gestionnaire visant à porter préjudice, à faire du mal, à nuire et à affecter émotionnellement les subordonnés. Le leadership tyrannique a un effet significatif sur la santé psychologique des subordonnés. Les organisations scolaires doivent se préoccuper de cette situation et se questionner sur leurs politiques de sélection des directions en essayant de dépister les personnalités à risque (surtout les narcissiques) et en offrant du soutien et du coaching aux directions actuelles qui ont tendance à utiliser de tels comportements.

Finalement, pour utiliser de l’empowerment, il faut que les directions d’école perçoivent que le climat de travail de leur école et celui de leur commission scolaire permettent l’utilisation d’une telle stratégie de motivation.

 

Recap: In this article, the author defines the concepts of governance, leadership and empowerment. He notes that leadership has been one of the most studied concepts for nearly 100 years in the field of general or school administration. It is clear, however, that there is still no ideal leadership model. Leaders have the skills and personality traits needed to satisfy the personal needs of subordinates while at the same time respecting and being supported by the achievement of the school’s effectiveness goals. Leaders are also capable of empowering their teachers by giving them more authority over their work and enabling them to participate actively, openly and safely in their school’s vision and culture through a process of interactive discussion.

 

 

 


Photo: iStock

Première publication dans Éducation Canada, mars 2016

 

1 Morin, E.M., Aubé, C. (1996). Montréal : Chenelière Éducation. 

2 Labrie, S. (2000). Étude exploratoire du rôle politique du groupe informel en milieu de travail. Université de Montréal: Thèse de doctorat inédite en Sciences de l’Éducation. 

3 Krasikova, D., Green, S. G., & LeBreton, J. (2013). Destructive leadership: a theoretical review, integration and future research agenda. Journal of Management, 39, 1308-1338.

4 Yukl, G., Van Flett, D. D. (1992). Theory and research on leadership in organizations, dans Dunette, M. D & Hough, L (Eds). Handbook of industrial and organizational psychology, pp. 147-197.

5 Brunet, L., Morin, D., Alderson, M., Cacciatore, G., Savoie, A., Boudrias, J-S., & Nelson, K. (2015). L’incidence du leadership destructeur sur les attitudes et le comportement au travail.Humain et Organisation, 1, 1, 25-30.

Apprenez-en plus sur

Luc Brunet

Luc Brunet Ph.D., est professeur titulaire au département de psychologie de l’Université de Montréal. Spécialisé, entre autres, dans l’évaluation des compétences des gestionnaires scolaires, il est fréquemment interviewé par les journaux, la radio et la télévision sur des sujets qui concernent la psychologie au travail.

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