Au nom de l’Ontario Principals’ Council
La majorité des initiatives en éducation commencent par l’introduction d’un nouveau mot. Il suffit de penser à « bien-être » ou « bienêtre », à « équité » ou à « réconciliation ». Chaque terme est un phare qui illumine de nouvelles couches de complexité en éducation, révèle d’autres besoins des élèves ou exigences du système, motive des objectifs plus porteurs et ouvre la voie à de meilleures pratiques d’enseignement et de leadership.
Or, à mesure que chaque mot est incorporé au jargon quotidien de l’éducation, sa lueur particulière commence à faiblir. Son pouvoir et son potentiel d’innovation pâlissent. Les termes qui incitaient auparavant les membres de la communauté éducative à élargir la portée et la profondeur de leur réflexion pédagogique sont utilisés si fréquemment – et parfois si nonchalamment – qu’ils perdent de leur sens. Ironiquement, les mots supposés attirer notre attention, susciter un sentiment d’urgence ou nous sensibiliser à la complexité de l’expérience humaine risquent souvent de devenir un nouveau mot à la mode parmi tant d’autres.
Le mot « traumatisme1 » fait incontestablement partie de ces mots. Ayant fait son apparition dans le milieu de l’éducation il y a moins de vingt ans, ce terme – de même que les expressions composées qui en découlent – est maintenant entré dans la langue courante. Dans le contexte de la pandémie, l’idée que les écoles, loin d’être uniquement des lieux d’apprentissage, devraient aussi être des lieux de « guérison », a gagné en popularité dans le milieu.
Mais où en sommes-nous lorsqu’il s’agit de venir réellement en aide aux élèves ayant vécu des traumatismes? Où se situent les membres du personnel scolaire par rapport à leur compréhension des traumatismes et à leur capacité d’aborder les complications fréquentes des traumatismes en classe? L’Ontario Principals’ Council (OPC) a récemment mené un sondage en ligne et une étude qualitative auprès de directions d’école de la province pour mieux comprendre cette question. En tout, 652 personnes (directions et directions adjointes) représentant des écoles élémentaires et secondaires de 25 conseils scolaires publics de langue anglaise des quatre coins de la province y ont répondu. Le rapport complet (disponible seulement en anglais) peut être consulté à l’adresse
www.principals.ca/RPR.
On a d’abord demandé aux directions d’école d’estimer le pourcentage d’élèves touchés par des traumatismes dans leurs écoles, avant et après la pandémie. Près du tiers estimaient que 10 % ou moins de leurs élèves avaient vécu des traumatismes avant la pandémie. Toutefois, ce taux augmentait de manière significative lorsqu’on leur demandait de tenir compte du contexte pandémique. Près du quart des personnes participantes croyait que de 20 à 30 % de leurs élèves avaient vécu un traumatisme. Le nombre de directions d’école qui croyaient que de 30 à 50 % de leurs élèves avaient vécu un traumatisme doublait avec le contexte pandémique.
Lorsqu’on leur demandait d’évaluer, sur une échelle de 1 à 10 (où 1 correspond à une incidence faible et 10 à une incidence élevée), l’incidence négative des traumatismes sur le rendement scolaire, les personnes participantes étaient majoritairement d’avis que les traumatismes nuisaient aux résultats et influençaient le comportement et d’autres éléments comme l’assiduité et l’attitude générale face à l’école (voir la figure 1). Ainsi, plus du quart des directions d’école ont évalué l’incidence des traumatismes sur les résultats scolaires à 10/10. Plus du tiers ont évalué l’incidence des traumatismes sur le comportement à 10/10, et plus du quart ont évalué l’incidence des traumatismes sur l’assiduité ou l’attitude générale à 10/10.
Figure 1 : Globalement, quelle est selon vous l’incidence des traumatismes sur les résultats scolaires, le comportement et d’autres éléments comme l’assiduité et l’attitude des élèves face à l’école?
Vu la prévalence des traumatismes, les directions d’école ont indiqué qu’une portion importante du temps d’enseignement est consacrée à la gestion des problèmes découlant des traumatismes des élèves. Par exemple, la moitié des personnes répondantes ont estimé que leur personnel consacrait de 10 à 30 % de son temps d’enseignement à régler ce type de problèmes. Et une personne sur dix estimait que de 40 à 60 % du temps d’enseignement était consacré à ces problèmes.
Les traumatismes des élèves ont aussi une incidence sur les membres du personnel scolaire. Par exemple, sur une échelle de 1 à 10 (où 1 correspond à une incidence faible et 10 à une incidence élevée), 80 % des directions d’école ont évalué à 7/10 ou plus l’incidence négative sur leur bienêtre de la gestion des problèmes découlant des traumatismes. Le tiers des personnes répondantes a évalué l’incidence à 9/10 ou plus. Les directions d’école ont également indiqué avoir ressenti l’incidence de la gestion des traumatismes des élèves sur leur propre bienêtre. Près des trois quarts des personnes participantes ont évalué cette incidence à 7/10 ou plus. Et près d’une personne sur cinq l’a évaluée à 10/10 (voir la figure 2).
Figure 2 : Dans quelle mesure la gestion des traumatismes des élèves a-t-elle une incidence négative sur le bienêtre de votre personnel ou sur votre propre bien-être?
Préoccupés par la prévalence des traumatismes chez les élèves et par leur incidence sur les résultats scolaires, les directions d’école étaient fortement en faveur de l’adoption d’une approche sensible aux traumatismes dans le milieu de l’éducation, plus de la moitié évaluant cette nécessité à 10/10, tandis que près de 85 % la chiffrent à 8/10 ou plus.
Les directions d’école avaient toutefois tendance à évaluer la capacité actuelle de leur établissement à soutenir les élèves victimes de traumatismes comme « modérée ». Sur une échelle de 1 à 10, où 1 correspondait à « faible » et 10 à « excellente », près d’une personne sur dix a accordé une note égale ou inférieure à 2. Moins de 2 % des personnes répondantes ont accordé le score de 9/10 ou plus. Un peu plus de la moitié a évalué la capacité de leur établissement à 5/10 ou moins.
Vu leur difficulté à répondre efficacement aux traumatismes des élèves, on a demandé aux directions d’école d’indiquer quels étaient les obstacles auxquels se heurtait le personnel dans la mise en œuvre efficace d’une approche tenant compte des traumatismes.
L’obstacle le plus courant, cité par 86 % des personnes répondantes, était le stress et l’épuisement du personnel scolaire, suivi de près par le manque de formation, le manque de temps et la pression liée au curriculum (voir la figure 3).
Figure 3 : Y a-t-il des éléments qui nuisent à la capacité de votre personnel à adopter une approche sensible aux traumatismes? (Vous pouvez cocher plus d’une réponse.)
Les directions d’école ont également été confrontées à des obstacles importants dans la mise en œuvre d’une approche sensible aux traumatismes. L’obstacle le plus fréquemment cité (par les trois quarts des personnes répondantes) était les exigences simultanées des autres tâches administratives. Les deux tiers des directions d’école ont cité le stress et l’épuisement professionnel, suivi de près par le manque de temps. Et la moitié ont mentionné le manque de formation, suivi du manque de soutien par le système.
Les entrevues ont clairement démontré que les directions d’école et leur personnel considèrent les traumatismes des élèves comme une priorité. Toutefois, il est aussi évident que la majorité des membres du personnel scolaire peinent à réagir efficacement aux traumatismes. Elles et ils veulent s’améliorer, mais sont déjà épuisés par les demandes existantes et accablés à l’idée d’assumer plus de responsabilités, particulièrement pour quelque chose qu’elles et ils estiment souvent hors de leur champ d’expertise.
Parfois, lorsqu’il y a beaucoup de problèmes liés aux traumatismes, aux comportements des élèves, à l’anxiété et au stress du personnel, cela met beaucoup de pression sur l’administration. Je commence à ressentir de l’épuisement, tout comme mes collègues à qui je parle de la situation.
J’ai de plus en plus de difficulté à démontrer le niveau d’empathie et de patience que je trouve nécessaire auprès du personnel et des élèves. J’en ai « assez » si on peut dire. Cette fatigue accablante a une grande incidence sur le niveau de résilience dont je peux faire preuve, à la fin de la semaine, pour résoudre efficacement les problèmes. J’essaie de gérer les effets cumulatifs des traumatismes – comme un grand nombre de mes collègues. Pour être honnête, il y a trop de choses qui entrent en jeu dans notre rôle de leader. Nous ne sommes PAS des spécialistes de la santé et des traumatismes, et le conseil scolaire n’a pas non plus de connaissances à ce sujet. Les membres ignorent comment soutenir les personnes en première ligne. Les écoles battent de l’aile, et le moral aussi. Laissez-nous faire notre travail à l’abri de toutes ces autres exigences imprévues qui touchent les écoles! Je suis extrêmement sensible au lien entre les traumatismes (ou les traumatismes perçus) et le comportement des élèves. J’ai conscience que mon expertise dans l’identification des traumatismes et la gestion des comportements qui en découlent est limitée au quotidien. Or, en tentant de répondre chaque jour aux besoins des élèves, nous avons tissé, nous les membres du personnel, des liens solides dans notre établissement. |
Les traumatismes des enfants sont avant tout une violation fondamentale de la sécurité de leurs relations avec des adultes. Par conséquent, la sécurité peut uniquement être restaurée par les relations avec les adultes. Malgré tout, bien que la guérison doive se faire par les adultes, elle est rarement facile ou évidente, surtout en classe.
Il est souvent éprouvant de venir en aide aux élèves ayant vécu des traumatismes. L’expérience de chaque élève est unique et les traumatismes peuvent les toucher de manières différentes et complexes. Certains peuvent présenter des comportements d’opposition, tandis que d’autres seront trop obéissants ou feront complètement preuve de manque d’intérêt. Les élèves ont souvent besoin de beaucoup de temps et de soutien, les progrès sont lents et les solutions sont le fruit d’essais-erreurs. Il faut tester les limites, tant personnelles que systémiques, remettre en question ses croyances fondamentales et s’attendre à ce que ses émotions personnelles soient chamboulées.
Les membres du personnel scolaire ont un rôle important à jouer pour aider les élèves à surmonter les répercussions des traumatismes. Mais pour tenir efficacement compte des traumatismes, il faut plus que simplement ajouter des approches sensibles aux traumatismes à leur charge de travail. Si cela implique l’adoption d’outils pratiques en classe, il faut aussi élargir la notion de bienêtre pour tenir compte des multiples sources de pression avec lesquelles elles et ils doivent déjà composer. Il faut mettre en place des changements systémiques pour alléger quelque peu la pression et renforcer les structures organisationnelles afin de favoriser le bienêtre du personnel scolaire. Cela comprend la création d’environnements de travail où elles et ils se sentent à l’aise de se montrer vulnérables et de parler de leurs réussites et de leurs échecs à l’abri du jugement. Il faut arrêter de simplement rappeler à ces personnes de prendre soin d’elles et prendre des engagements organisationnels en faveur du soutien mutuel. Il faut s’assurer que le personnel ne se sente pas isolé en classe. Mais surtout, il faut se rappeler que de toutes les « stratégies » d’enseignement, celle qui importe le plus est de s’assurer que les membres du personnel ont ce dont ils ont besoin pour faire leur travail.
[1] Traumatisme : Un traumatisme psychique est une réaction émotive persistante qui fait souvent suite à un évènement extrêmement éprouvant de la vie. Le fait de vivre un évènement traumatisant peut compromettre le sentiment de sécurité et le sentiment d’identité ainsi que la capacité à réguler les émotions et à s’orienter dans ses rapports avec les autres. Longtemps après avoir vécu un évènement traumatisant, la personne ressent fréquemment une peur intense accompagnée d’un sentiment de honte ou d’impuissance. (The Centre for Addiction and Mental Health)
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Très cher coronavirus,
Je parie que toi-même tu t’étonnes de tous les chambardements que tu as causés, et que tu causes encore, dans les systèmes d’éducation du monde entier.
Ton estime personnelle doit se trouver à son sommet considérant la prolifération de nouvelles politiques de santé publique, les consignes sanitaires, les commandes de matériel de prévention et tout le brouhaha de la vaccination des élèves, du personnel scolaire, des parents.
Lorsque tu t’es manifesté, aurais-tu pensé, ne serait-ce qu’un instant, que tu aurais autant de répercussions? Au Canada, tu t’es propagé à un moment où l’école était déjà ébranlée par un manque de motivation notable des élèves, par un personnel scolaire fatigué, par des départs à la retraite en masse. Des pénuries de suppléants se pointaient déjà à l’horizon, allant parfois jusqu’à annuler les si précieuses journées de formation pour un personnel appelé à composer avec des besoins qui se complexifiaient de jour en jour. Et toi, COVID-19, tu as choisi ce moment-là pour t’installer!
Jamais avions-nous assisté à une telle créativité lexicale avec un nouvel arrivant : couvre-visage, coude-à-coude, écouvillons, immunité collective, délestage, asymptomatique, cas confirmés par liens épidémiologiques, comorbidité et combien d’autres encore. Le domaine scolaire a hérité de sa bonne part de néologismes d’occasion : contagiosité, distanciation, groupes-bulles, auto-isolement, doses de rappel, apprentissage en mode synchrone et asynchrone, en présentiel, partage d’écran, salle virtuelle, cotravail à domicile…
Ce numéro d’avril montre que malgré cet éboulis de nouveaux termes auxquels les jeunes ont été exposés, les élèves les plus faibles au primaire accuseraient vraisemblablement d’importants retards en lecture, tandis que les plus forts ne se seraient pas trop laissés ébranler par tes humeurs pandémiques (Côté, Haeck, Larose et coll.), (p. 18).
Dans le domaine de l’évaluation, la recherche déplore le manque de données prépandémiques pour donner plus de validité à leurs études. Tout un paradoxe, car la période prépandémique souffrait selon certains d’un surplus d’évaluations! Qu’évaluait-on au juste pour que maintenant, il nous manque des données pour se comparer à avant?
Deslandes Martineau, Charland et coll. (p. 32) ont recueilli les perceptions du personnel scolaire quant aux effets que tu as eus sur les élèves. Verdict général : ta propagation aurait eu plus d’effets sur les compétences disciplinaires (math, français, sciences…) au primaire et davantage d’effets sur les habiletés scolaires (attention, organisation, résolution de problèmes) au secondaire.
Les élèves francophones auraient subi de façon mitigée les effets de ton invasion. (p. 10). Il est connu qu’en contexte minoritaire francophone au pays, l’école joue souvent le rôle compensatoire pour l’absence de services, de possibilités et de modèles langagiers en langue française. Selon Dalley, en fermant les écoles à répétition au point d’en altérer les systèmes de soutien nécessaires au perfectionnement d’une langue, tu aurais, entre autres, marqué des points contre l’apprentissage du français.
Et que dire des ravages que tu as faits sur le personnel enseignant? Trudel et Sokal (p. 14) les décline en cinq catégories allant de la mobilisation à l’inefficacité. Vraiment, COVID-19, tu aurais pu passer ton chemin.
Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
Ces quelques dernières années, plus de 90 % des élèves du monde entier ont subi les contrecoups des fermetures d’écoles engendrées par la pandémie de COVID-19. Cette situation, qui a créé une crise mondiale en éducation, nous rappelle à quelle vitesse les droits acquis peuvent être supprimés. Pour répondre à cette situation et pour aider les pays à atteindre les enfants et les jeunes vulnérables, l’UNESCO, l’agence des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, a lancé la Coalition mondiale pour l’éducation.
Au Canada, ces trois dernières années, les fermetures d’écoles ont touché quelque 5,7 millions d’élèves du primaire et du secondaire. Selon Statistique Canada, cette situation a eu d’importantes conséquences sur le succès scolaire, la santé mentale et physique, et le statut socioéconomique des enfants. Du point de vue de l’inclusion et de la diversité, la COVID-19 a été particulièrement dommageable dans certaines populations surreprésentées parmi les groupes vulnérables.
La Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) a réagi en réunissant des ressources éducatives en ligne gratuites et accessibles pour les partager avec les enseignantes et enseignants, les élèves et les parents de partout au pays. La CCUNESCO a aussi collaboré avec le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) pour appuyer le travail de collecte de données de l’UNESCO sur les conséquences de la pandémie sur l’éducation. Enfin, la CCUNESCO a récemment créé un groupe de travail où des expertes et des experts discutent des multiples répercussions de la pandémie dans les provinces et territoires.
Comme la plupart le savent, au Canada, l’éducation est une compétence provinciale et territoriale. Il est donc de la plus haute importance que nous discutions ensemble des leçons apprises et des occasions saisies durant la pandémie. Les innovations appliquées dans une région doivent être diffusées et soulignées à l’échelle du pays. Il importe aussi de discuter des difficultés persistantes rencontrées. Nous espérons poursuivre les échanges et la collaboration avec toutes les parties prenantes du milieu de l’éducation canadien. Nous devons travailler ensemble pour créer un avenir inclusif, accessible et durable pour l’éducation.
Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
French:
EFFETS DE LA COVID-19 EN ÉDUCATION
Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sont importantes dans le milieu de l’éducation. À l’échelle internationale, plus de 1,6 milliard d’enfants et de jeunes, soit 91,3 % de la population d’âge scolaire du monde, ont vu leur école fermer, et ce, dans 188 pays. Un bon nombre de systèmes scolaires, d’enseignant(e)s et de parents se sont retrouvés dans cette situation sans la planification ou les technologies nécessaires pour que tout se passe bien.
Pour répondre à cette situation, l’UNESCO a lancé la Coalition mondiale pour l’éducation afin d’aider les pays à rejoindre les enfants et les jeunes vulnérables. Elle assure aussi le suivi des fermetures d’écoles, met au point des solutions d’apprentissage à distance et des recommandations et offre d’autres formes de soutien.
Au Canada, la Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) a lancé un groupe de travail d’experts pour explorer les divers impacts de la pandémie par province et territoire. Cette édition spéciale explore ce que nous avons appris jusqu’à présent, trois ans après la déclaration d’une pandémie.
Dans ces circonstances, les actions professionnelles administratives et pédagogiques conscientes – le savoir agir- que ce soit pour assurer un leadeurship réfléchi et stimulant susceptible de rendre plus attrayant le choix d’étudier ou d’enseigner dans les écoles de langue française ou le bienêtre et l’épanouissement de tous les élèves et du personnel scolaire sont plus déterminantes que jamais.
Bien que les statistiques varient d’une province à l’autre, les écoles du Canada ont été fermées en moyenne pendant un total de 51 semaines durant la pandémie – ce qui place le pays dans la tranche la plus élevée à l’échelle mondiale quant aux fermetures d’écoles (UNESCO, s.d.). Il n’est donc pas étonnant que les décideurs provinciaux au Canada continuent d’être préoccupés par les impacts négatifs à court et à long terme des perturbations attribuables à ces fermetures sur l’apprentissage des élèves et se concentrent sur l’amélioration de la réussite dans les matières classiques comme la lecture, l’écriture, les mathématiques et la science. Selon le discours politique et médiatique dominant, les élèves ont pris du retard et doivent faire du « rattrapage » dans ces matières de base. La recherche internationale laisse certainement entendre que cette préoccupation est légitime et que l’apprentissage a été considérablement perturbé durant la pandémie.
Perte d’apprentissage au Canada et à l’étranger
Des chercheurs de plusieurs pays commencent à documenter les pertes d’apprentissage ayant touché la population étudiante en raison de la fermeture des écoles, du passage à l’apprentissage en ligne et hybride ainsi que des autres impacts associés aux vagues successives de la pandémie. Bien que les études sur le sujet soient relativement peu nombreuses, quelques nations occidentales comme les Pays-Bas (Engzell et coll., 2021), l’Allemagne (Depping et coll., 2021), la Belgique (Maldonato et De Witte, 2021) et les États-Unis (Bailey et coll., 2021) laissent entendre que l’apprentissage a essentiellement été mis sur pause pendant la pandémie. Ces études donnent également à penser que la pandémie a exacerbé des inégalités existantes, car les apprenants ayant un faible statut socioéconomique accusent un retard encore plus important par rapport à leurs pairs plus fortunés. Dans l’ensemble, la littérature émergente donne à penser que l’apprentissage et la résilience scolaires des apprenants dans le monde entier ont été particulièrement menacés durant la pandémie (Volante et Klinger, 2022a).
Malheureusement, la recherche dans le domaine de l’évaluation à large échelle au Canada, qui sert à élaborer des mesures fiables et comparables de la réussite des apprenants et des évaluations dans tout le système, a été particulièrement restreinte durant la pandémie. En fait, l’administration des évaluations aux niveaux international, national et provincial a été touchée, bon nombre d’entre elles ayant été annulées au cours des premières vagues de la pandémie. De plus, les programmes d’évaluation qui sont allés de l’avant ont présenté des taux élevés de non-participation, ce qui a eu un effet sur les plans d’échantillonnage. Ces défis ont rendu difficile la comparaison de la réussite des élèves dans les différentes provinces. En outre, les études déjà publiées sont propres à des contextes géographiques particuliers, comme Toronto (Conseil scolaire de district de Toronto, 2021), ou présentent des pertes anticipées extrapolées d’une étude sur l’apprentissage estival (Aurini et Davies, 2021). Collectivement, les études accessibles au Canada n’ont pas été en mesure de quantifier, avec un certain degré de certitude, l’impact de la pandémie sur la réussite des apprenants.
Néanmoins, les systèmes d’éducation canadiens, y compris les établissements d’enseignement supérieur, font état d’importantes lacunes sur le plan de l’apprentissage des jeunes à l’école, ce qui donne à penser que les pertes d’apprentissage ont touché les élèves de la maternelle à la 12e année et au-delà. Des organismes internationaux comme l’Organisation de coopération et du développement économiques (OCDE) (2020) et l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (2022) ont également révélé que les apprenants ayant un statut socioéconomique plus faible et leurs familles n’ont pas pu obtenir les ressources nécessaires pour réussir dans un environnement en ligne ou hybride dans le contexte de la crise générée par la pandémie. Ces défis sont également bien documentés dans les reportages des médias grand public au Canada et sont pris en compte dans les interventions stratégiques mises en œuvre par divers gouvernements provinciaux pour essayer de soutenir nos groupes d’apprenants les plus vulnérables. Cependant, le succès relatif de ces efforts et interventions n’a pas été mesuré.
Tendances sur le plan des politiques au Canada
Une de nos récentes études offre une analyse pancanadienne de l’élaboration, entre janvier 2020 et décembre 2021, de politiques en matière d’éducation spécifiquement liées à la résilience scolaire dans la foulée des premières vagues de la pandémie. Sans surprise, nos observations portent à croire qu’on a consacré davantage d’attention aux enjeux scolaires – plus précisément, les résultats d’apprentissage dans des domaines cognitifs – alors qu’un nombre relativement modeste de politiques et ressources visaient à favoriser la santé mentale et le bienêtre physique en général (Volante et coll., 2022c). Notre analyse laisse aussi entrevoir un manque de différenciation généralisé en ce qui a trait aux politiques touchant l’allocation des ressources et des mesures de soutien spécifiques au sein des instances provinciales responsables de l’éducation pour aider les apprenants à risque. Nous avançons que, sans une telle différenciation, les ressources élaborées ne seront pas pleinement mises à profit et ne parviendront assurément pas à enrayer la croissance des inégalités entre les apprenants à statut socioéconomique faible et ceux à statut socioéconomique élevé, inégalités qui ont été amplifiées par la pandémie.
Dans l’ensemble, notre étude sur les politiques fait également ressortir l’importance de revoir ce que font les systèmes d’éducation provinciaux pour obtenir des résultats positifs pour les élèves et de quelle façon ces résultats peuvent être « mesurés » et évalués. Bien que les autorités provinciales responsables des évaluations aient déjà entrepris d’importants travaux à cet égard, les mesures d’évaluation à large échelle ne fournissent actuellement pas un portrait multidimensionnel du développement des apprenants. À l’inverse, les mesures de réussite internationales comme celles administrées par l’OCDE ou l’Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire comportent des questionnaires de base visant à dégager les facteurs à l’échelle de l’apprenant, de l’école et du système qui peuvent être liés aux résultats scolaires. Par exemple, ces mesures internationales incluent de plus en plus des facteurs et résultats qui pourraient être classés dans la catégorie des compétences non cognitives, ce qui attire l’attention sur l’importance des résultats sur le plan non cognitif et du bienêtre mental et physique.
Remettre en question le discours dominant
Il serait difficile de trouver un groupe d’intervenants du domaine de l’éducation qui ne reconnaît pas l’importance de la réussite dans les matières traditionnelles comme la lecture, l’écriture, les mathématiques et la science. Toutefois, la pandémie a montré que la réussite dans les domaines cognitifs traditionnels brosse un portrait nécessaire, mais incomplet, des défis urgents que doivent surmonter les jeunes du Canada. Comme l’ont mentionné Volante, Klinger et Barrett (2021) dans un article précédemment paru dans la revue Éducation Canada, les enfants canadiens font l’objet de tendances inquiétantes en matière de santé mentale et de bienêtre en général. De la même façon, la promotion de compétences non cognitives, comme un état d’esprit évolutif, représente un cadre de plus en plus important d’attributs clés qui contribuent à la résilience des apprenants, des établissements scolaires et des systèmes d’éducation en général (Volante et Klinger, 2022b).
Ainsi, les décideurs provinciaux font face à un important dilemme. Ils doivent élaborer une vision exhaustive de l’apprentissage et du bienêtre des apprenants qui met l’accent sur les compétences cognitives (c.-à-d., réussite en lecture, écriture, mathématiques et science) et non cognitives (c.-à-d. habitudes d’apprentissage, croyances personnelles, état d’esprit évolutif) et le bienêtre en général, face aux idéologies historiques et politiques dominantes tournées presque exclusivement vers une réforme de l’éducation fondée sur des normes. En fait, les changements fondés sur des normes et la réussite dans les trois matières de base (lecture, écriture, arithmétique) orientent en grande partie les programmes de réforme d’envergure dans la majorité du monde occidental depuis plus d’un demi-siècle (Volante et coll., 2022d). Malgré les préoccupations qui ont été soulevées et les éléments de preuve qui ont été dégagés à propos de l’impact de la pandémie, chaque province et territoire au Canada continue d’adhérer à un modèle de réforme axé sur des normes qui établit une hiérarchie des matières et des résultats liés à la réussite. L’importance des autres facteurs et résultats critiques peut être reconnue, mais ceux-ci reçoivent très peu d’attention formelle, et peu d’efforts sont consacrés à tirer profit de l’information recueillie lors d’évaluations internationales qui comportent désormais de telles mesures.
Repenser la réforme à vaste échelle
On a souvent écrit que l’adversité est un catalyseur de la croissance et du changement. Il est évident que les dernières années ont généré la plus intense adversité à laquelle feront face bon nombre d’apprenants, de familles et d’enseignants au cours de leur vie. Plutôt que de revenir au statu quo qui met de l’avant un ensemble étroit de résultats liés à la réussite, la présente ère de notre histoire collective offre une occasion de revoir nos approches concernant la réforme de l’éducation à vaste échelle pour mettre en place une reconnaissance plus nuancée des compétences et attributs requis pour surmonter les défis que nous réserve l’avenir. Bien sûr, tout apprenant, parent ou enseignant vous dira que la pandémie a entraîné des pertes allant au-delà du contenu scolaire. Pour comprendre la complexité multidimensionnelle de cette « perte » et y répondre, nous avons besoin d’une nouvelle conception de ce à quoi ressemble une éducation de qualité dans un monde post-COVID. Faute de quoi, les élèves pourront sans doute rattraper leur retard scolaire mais, en contrepartie, ils risquent d’être à la traîne sur le plan des compétences non cognitives dont ils ont besoin pour leur réussite future. Il est maintenant temps de chercher des moyens de lier les évaluations et les enquêtes à l’échelle provinciale, territoriale, nationale et internationale afin d’obtenir les données dont nous avons besoin pour examiner la complexité de l’apprentissage qui soutient l’enfant dans son ensemble.
Cette étude est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH).
Aurini, J. et Davies, S. (2020). « COVID-19 school closures and educational achievement gaps in Canada: Lessons from Ontario summer learning research », Canadian Review of Sociology, 58(2), 165-185. doi.org/10.1111/cars.12334
Bailey, D. H., Duncan, G. J., Murnane R. J. et Yeung N. A. (2021). « Achievement gaps in the wake of COVID-19 », Educational Researcher, 50(5), 266-275. doi.org/10.3102%2F0013189X211011237
Depping, D., Lücken, M.et coll. (2021). « KompetenzständeHamburger Schülerinnen vor und während der Corona-Pandemie [Autres mesures des compétences des élèves à Hambourg durant la pandémie de coronavirus] », DDS – Die Deutsche Schule, Beiheft, 17, 51-79. www.pedocs.de/volltexte/2021/21514/pdf/DDS_Beiheft_17_2021_Depping_et_al_Kompetenzstaende_Hamburger.pdf
Engzell, P., Frey, A. et Verhagen, M. D. (2021). « Learning loss due to school closures during the COVID-19 pandemic », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 118(17), 1-7.
www.pnas.org/content/pnas/118/17/e2022376118.full.pdf
Maldonato, J. E. et C. De Witte, C. (2021). « The effect of school closures on standardised student test outcomes », British Educational Research Journal, 18(1), 49-94. doi.org/10.1002/berj.3754
Organisation de coopération et de développement économiques. (2020). The impact of COVID-19 on student equity and inclusion: supporting vulnerable students during school closures and school re-openings. Éditions OCDE. https://oecd.org/education/strength-through-diversity/OECD%20COVID-19%20Brief%20Vulnerable%20Students.pdf
UNESCO. (s.d.). Dashboards on the Global Monitoring of School Closures Caused by the COVID-19 Pandemic. https://covid19.uis.unesco.org/global-monitoring-school-closures-covid19
Volante, L. et Klinger, D. A.(2022a). « PISA, global reference societies, and policy borrowing: The promises and pitfalls of academic resilience », Policy Futures in Education. https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/14782103211069002
Volante, L. et Klinger, D. A. Assessing non-cognitive skills to promote equity and academic resilience (exposé), Advancing Assessment and Evaluation Virtual Conference. (2022b, 27-28 janvier). https://aaec2022.netlify.app/_main.pdf
Volante, L., Klinger, D. A. et Barrett, J. (2021). « Academic resilience in a post-COVID world: a multi-level approach to capacity building », Éducation Canada, 61(3), 32-34.
Volante, L., Lara, C., Klinger, D. A. et Siegel, M. (2022c). « Academic resilience during the COVID-19 pandemic: a triarchic analysis of education policy developments across Canada », Revue canadienne de l’éducation, 45(4), 1112-1140.
Volante, L., S. Schnepf et D. A. Klinger (éd.). Cross-national achievement surveys for monitoring educational outcomes: policies, practices, and political reforms within the European Union, Office des publications de l’Union européenne, 2022d. https://data.europa.eu/doi/10.2760/406165
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
« Des problèmes constants de dotation, un personnel laissé sans soutien quotidien pour endosser la reprise postpandémique, des annulations quotidiennes d’autobus, des familles qui n’ont pas l’aide des services sociaux et ne savent pas se retrouver dans les méandres du système. On met l’accent sur le « rattrapage » alors que d’énormes enjeux structurels posent encore des défis de taille. L’idée prédominante veut que nous soyons de retour à la normale, mais tous les jours amènent des défis pour le personnel et les familles. Le tout exerce une pression incroyable sur les gestionnaires et le personnel qui demeurent à leur poste et finit par épuiser des membres du personnel essentiel. Étant donné les problèmes prédominants de main-d’œuvre et la possibilité de grève, on se demande combien de temps le système pourra encore tenir. » – La direction d’une école primaire du Nord de l’Ontario.
Le début de l’année scolaire 2022-2023 a été le plus normal qu’aient connu les élèves, les familles et les éducateurs depuis septembre 2019. Mais comment se portent vraiment les écoles, les éducateurs et les élèves? Trois ans après le début de la pandémie, les nouvelles constatations du sondage annuel réalisé par l’organisme People for Education dans les écoles ontariennes fournissent de précieuses indications. Le présent article se penchera surtout sur les données recueillies par ce sondage1,auquel ont répondu 1 044 directions représentant la totalité des 72 conseils scolaires d’écoles publiques de la province.
Quand les écoles ont fermé en mars 2020, les défis surgissaient les uns à la suite des autres. Un important corpus de recherche documente à présent combien le passage constant de la fermeture des écoles, au distanciel, au système hybride, puis au présentiel a déclenché une réaction en chaîne d’enjeux multiples pour les familles qui devaient faire du dépannage technologique, jongler avec le distanciel et le travail et tous ceux et celles qui tâchaient de s’y retrouver dans les changements apportés aux protocoles de santé et de sécurité. Personne n’ayant encore jamais vécu de pandémie mondiale, il était normal de fixer notre attention sur la logistique de la COVID-19 : le suivi des nombreux cas positifs, les outils de dépistage, la distanciation sociale, le masque obligatoire en quittant la maison, ou non. Et pendant ce temps, notre santé et notre bienêtre s’effritaient sous l’effet de l’anxiété, de l’isolement, de la dépression, pour ne nommer que ceux-là (Vaillancourt et coll., 2021).
Le premier sondage de cet organisme mené après l’arrivée de la COVID-19 a immédiatement dévoilé le fardeau qu’avait fait peser la pandémie, surtout sur le bienêtre des directions d’écoles. Plus de la moitié des 1 173 répondants de l’année scolaire 2021-2021 étaient en désaccord ou entièrement en désaccord que leur niveau de stress leur semblait gérable (People for Education, 2021b). La même constatation est survenue lors de l’année scolaire suivante, celle de 2021-2022, tout comme ont transparu leurs inquiétudes au sujet de la santé et du bienêtre du personnel et des élèves (People for Education, 2022). Les directions avaient alors des perceptions mitigées sur l’accessibilité de ressources scolaires pour soutenir la santé mentale et le bienêtre du personnel et des élèves :
Cependant, quand on leur a demandé, en octobre 2022, d’indiquer le niveau de soutien dont elles avaient besoin de la part des conseils scolaires et du ministère de l’Éducation pour se remettre de la COVID-19, la grande majorité des écoles (91 %) signalaient qu’elles avaient besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien à la santé mentale et au bienêtre, alors que près de la moitié (46 %) signalaient avoir besoin de beaucoup de soutien.
Au début de la pandémie, les écoles se concentraient surtout sur la sécurité liée à la COVID-19 et sur la logistique de l’enseignement à distance. Après trois ans de pandémie, la santé mentale et le bienêtre sont devenus les grandes priorités. De nombreuses directions nous ont fait part des défis particuliers qu’elles devaient relever au cours de la présente année scolaire.
« Les enfants sont excités d’être de retour à l’école et l’énergie fuse de partout. Cela dit, plusieurs enfants n’ont jamais connu l’école avant la COVID-19 et ont besoin de soutien quant aux attentes fondamentales sur le comportement à adopter à l’école. Nous remarquons de grands défis d’autodiscipline au primaire, de l’anxiété et la peur de venir à l’école au premier cycle du secondaire, et beaucoup de jurons, de langage inapproprié ou à caractère sexuel chez les élèves du secondaire intermédiaire. Les élèves de tous les niveaux ont des difficultés à résoudre des conflits. » – La direction d’une école primaire du Grand Toronto.
« Les besoins des jeunes ont augmenté considérablement en raison de la COVID-19 : en matière d’autodiscipline, de littératie, de numératie, de bienêtre mental. Les répercussions de la pandémie ont entraîné un plus grand nombre de défis chez les élèves. Nous nous y attaquons du mieux que nous pouvons avec les ressources dont nous disposons. Les ressources humaines sont la ressource la plus importante. » – La direction d’une école primaire du Grand Toronto
Même si la santé mentale et le bienêtre ont été signalés comme les domaines où les écoles ont davantage besoin de soutien, la dotation du personnel s’est aussi dégagée comme un enjeu prédominant. Cette constatation n’a rien d’étonnant, puisque :
« Le fait de soutenir les besoins croissants en santé mentale chez les enfants, sans disposer de plus de ressources, stresse le personnel et fait augmenter l’absentéisme. Et le manque de personnel substitut (surtout chez les assistants en éducation et les éducateurs de la petite enfance) a un effet boule de neige sur la situation. » – La direction d’une école primaire, Sud-Ouest de l’Ontario.
Au cours des trois dernières années, on a régulièrement fait ressortir l’insuffisance de personnel (People for Education, 2021a, 2022). Au début de 2022, une vague du variant Omicron très transmissible a déclenché une enquête sur les absences de personnel dans bon nombre de conseils scolaires, qui a révélé que le nombre de postes vacants quotidiens dans l’enseignement connaissait, en moyenne, une hausse graduelle (Teotonio et Rushowy, 2022). Les conseils scolaires ont eu recours à diverses stratégies pour compenser les pénuries de personnel, comme retirer le plafond de jours de travail imposé aux enseignants retraités, permettre aux stagiaires en enseignement de travailler, attribuer aux enseignants du temps de classe pendant leur temps de planification et réaffecter les directions au travail en classe.
Il y a eu, cependant, un prix à payer pour ces tactiques de survie, celui de la santé mentale et du bienêtre du personnel et des élèves. Quand on lui a demandé si elle composait avec les défis, jusqu’à maintenant, au cours de l’année scolaire, la direction d’une école primaire du Nord de l’Ontario a écrit :
« Les gens tombent en épuisement beaucoup plus rapidement depuis la COVID-19, en partie en raison des pénuries de personnel. Les besoins des élèves en matière d’apprentissage et de santé mentale ont été exacerbés après la pandémie. La pénurie de personnel a une répercussion sur le triage quotidien des besoins des enfants en raison de la maladie et du manque de personnel suppléant. On s’attend à ce que ce soit une année parfaitement normale, sans donner aux éducateurs le répit salutaire dont ils ont besoin avant de replonger et de donner tout ce qu’ils ont. »
La constatation selon laquelle 91 % des écoles de l’Ontario ont besoin d’un certain soutien, ou de plus de soutien sur le plan de la santé mentale et de bienêtre est étroitement liée à la constatation voulant que 82 % des écoles ontariennes ont signalé avoir besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien en matière de personnel de soutien. Après tout, l’une des premières façons de s’occuper de la santé mentale et du bienêtre est de disposer de plus de personnel spécialisé dans le domaine. Comme l’expliquait la direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario, « On a besoin d’intervenants en santé mentale à temps plein dans les écoles pour qu’ils soient sur place et disponibles pour soutenir les besoins des élèves et des familles de façon QUOTIDIENNE et pour aider les membres du personnel qui doivent se battre avec des dynamiques de classe qui éclatent en raison de problèmes de santé mentale. »
Quoique 78 % des écoles ont déclaré avoir besoin d’un certain soutien ou de plus de soutien pour le personnel enseignant, seulement 19 % ont signalé avoir besoin de beaucoup de soutien, ce qui est nettement inférieur aux 35 % des écoles qui ont exprimé avoir besoin de beaucoup de soutien pour le personnel de soutien (soit les assistants en éducation, les administrateurs, les gardiens d’école, etc.) (voir la figure 2). Cette constatation est importante, étant donné les moyens de pression et les négociations syndicales des travailleurs de l’éducation survenus récemment dans la province (McKenzie-Sutter, 2022). Même s’il y a une réelle pénurie d’enseignants, on assiste actuellement à une demande encore plus forte pour des travailleurs de soutien en éducation. Comme le décrivait la direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario, « Les pénuries de personnel mènent actuellement à une crise en éducation. Le gouvernement doit avoir comme priorité de résoudre ces pénuries chez tous les groupes d’employés. »
Si l’on se tourne vers le reste de l’année scolaire 2022-2023, il est essentiel de songer aux actions qui seront nécessaires pour répondre aux besoins des écoles publiques de l’Ontario. Voici quelques idées mises de l’avant par les directions d’école :
Les trois années de pandémie ont mis en évidence à quel point la santé mentale et le bienêtre sont importants, tout autant que l’immense rôle que l’école joue dans nos vies. Si l’école publique est à la base de notre société et renferme la solution à plusieurs de ses problèmes actuels, il est essentiel que nous tirions des leçons des défis qui sont survenus ces dernières années et que nous fixions les bonnes priorités en préparant un avenir plus heureux, plus sain et plus optimiste.
« Un plan de reprise pour une pandémie mondiale, oui… Je crois que c’est l’occasion de repenser certains aspects de l’école publique. Ce pourrait être une occasion extraordinaire. » – La direction d’une école primaire du Sud-Ouest de l’Ontario
Mckenzie-Sutter, H. « What you need to know about the Ontario education workers’ strike », Global News, 4 novembre 2022. https://globalnews.ca/news/9253376/ontario-cupe-education-worker-strike-explained
People For Education. (2021a), « Challenges and innovations: 2021-20 annual report on Ontario schools ». https ://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2021/10/2020-21-AOSS-Final-Report-Published-110721.pdf
People For Education. (2021b), « Ontario principals’ challenges and well-being: Annual Ontario School Survey 2021 ». https://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2021/02/People-for-Educations-report-on-Ontario-Principals-Challenges-and-Wellbeing-AOSS2021.pdf
People For Education. (2022), « A perfect storm of stress: Ontario’s publicly funded schools in year two of the COVID-19 pandemic ». https://peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2022/05/People-for-Education_A-Perfect-Storm-of-Stress_May-2022.pdf
Teotonio, I. et Rushowy, K. « ‘Really severe challenges’: Ontario school boards struggle with unprecedented staff absences », The Toronto Star, 7 février 2022. www.thestar.com/news/gta/2022/02/07/really-severe-challenges-ontario-school-boards-struggle-with-unprecedented-staff-absences.html
Vaillancourt, T., Szatmari, P., et al. « The impact of COVID-19 on the mental health of Canadian children and youth », FACETS, 6 (1), 1628–1648. doi.org/10.1139/FACETS-2021-0078
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
1 Ce sondage de 2022-2023 est le 26e réalisé dans les écoles primaires de l’Ontario et le 23e mené dans les écoles secondaires de la province.
Il faut changer de question et passer de
« quel est le problème et comment peut-on le régler? »
à « qu’est-ce qui est possible ici et à qui cela tient-il à cœur? »
pour que toute l’énergie change.
M. Wheatley (2008)
En 2020, les directions générales scolaires du Québec doivent relever de nombreux défis, dont la pénurie de personnel breveté et la décroissance des effectifs. Accompagnées de deux universitaires, elles s’engagent dans une recherche-action pour mettre à jour leur agir professionnel compétent et conscient, c’est-à-dire leur vision du contexte d’exercice de leur profession, leurs présupposés au regard du leadership et leurs intentions et actions prioritaires pour actualiser un leadership fort au cœur de cette complexité. Cet article rend compte :
1) des préoccupations à l’origine de leur projet;
2) de leurs objectifs prioritaires;
3) des actions qu’elles ont mises en œuvre et
4) des résultats et retombées déjà perceptibles de leurs efforts.
En conclusion, l’article propose aux leaders de l’éducation un questionnement inspiré de cette recherche-action pour définir, développer et consolider leur propre agir professionnel, individuel et collectif afin de relever les défis actuels en éducation.
La pénurie de personnel breveté et la décroissance des effectifs ne sont que quelques exemples d’enjeux qui caractérisent aujourd’hui le contexte d’exercice des directions générales scolaires responsables de fédérer des services éducatifs de qualité sur le territoire d’un centre de services ou d’une commission scolaire. Selon les régions du Québec, elles vivent aussi l’hypercroissance des clientèles et de nombreux défis opérationnels de gestion (p. ex., pandémie, qualité des infrastructures). Elles doivent également composer avec des élèves aux caractéristiques et aux préalables de plus en plus diversifiés, une évolution importante des technologies numériques et des attentes sociales et parentales élevées envers le système scolaire. À l’hiver 2020 vient s’ajouter à ce portrait une transformation/évolution de la gouvernance scolaire au Québec. Celle-ci redéfinit les mandats et les responsabilités du ministère de l’Éducation, de la Fédération des centres de services scolaires, des centres de services scolaires, des commissions scolaires et des établissements scolaires et elle modifie les rôles spécifiques des directions générales francophones et anglophones et leur façon d’exercer, ensemble et respectivement, leur pouvoir en éducation (Gouvernement du Québec, 2020). À ce moment-là, les directions générales sont soucieuses de faire reconnaître leur rôle de premiers dirigeants alors qu’elles sont parmi les rares acteurs de l’éducation au Québec à ne pas avoir de cadre de référence décrivant leur agir professionnel.
Dans ce contexte, à l’été 2020, l’Association des directions générales scolaires du Québec (ADGSQ) fait le choix de mandater son Comité de perfectionnement et de développement professionnel (CPDP), en collaboration avec deux universitaires de l’Université de Sherbrooke, pour vivre une recherche-action dont les objectifs sont 1) d’élaborer un premier cadre de référence décrivant l’agir professionnel de ses membres et 2) d’amorcer l’actualisation du réseau de leurs activités de développement professionnel en cohérence avec ce cadre de référence. Les directions générales scolaires veulent ainsi se donner une première vision, partagée et novatrice, de ce qu’elles croient et aspirent à être et à faire ensemble, en priorité, pour influencer la concrétisation de la mission de l’école québécoise. Sur la base d’une telle vision du leadership à exercer, elles veulent orienter leur développement professionnel en tant que pilier d’actions concertées et porteuses, individuelles et collectives, au cœur d’un renouvellement important des membres de leur association professionnelle.
Une recherche-action est fondamentalement une action de recherche et d’éducation de praticiens-chercheurs volontaires qui veulent simultanément soutenir une transformation significative pour s’éduquer, éduquer et contribuer à la production de savoirs professionnels (Guay et Gagnon, 2021). Entre août 2020 et juin 2022, les directions générales membres du Comité de perfectionnement et de développement professionnel (CPDP), représentantes de toutes les régions du Québec et des différentes activités de développement professionnel vécues par les directions générales scolaires, se réunissent cinq jours par année pour agir, apprendre et chercher ensemble. Elles partagent d’abord leur vision de leur situation actuelle et codéfinissent les objectifs prioritaires de la recherche-action puis recensent et analysent des expériences professionnelles emblématiques source de fierté et de difficultés dans leurs milieux respectifs. Également, elles définissent et analysent leurs projets individuels de développement professionnel. Ces deux opérations permettent de mettre à jour un prototype de l’agir professionnel compétent et conscient des directions générales scolaires, c’est-à-dire les actions qu’elles perçoivent les plus susceptibles d’influencer la transformation significative de leurs organisations en fonction d’intentions et de présupposés explicites ajustés à leur contexte actuel. Lors de rencontres régionales et collectives, les membres du CPDP mobilisent l’ensemble des directions générales scolaires du Québec dans des échanges sur ce prototype de leur agir professionnel. Au fil de ces travaux, le CPDP s’assure que les réflexions et les choix des membres de l’ADGSQ sont mis en écho à d’autres cadres de référence canadiens et internationaux sur le leadership des directions générales de centres de services et de commissions scolaires et éclairés par de récentes synthèses de recherches sur l’effet district1.
La recherche-action permet la création d’un cadre de référence intitulé Le leadership des directions générales scolaires (ADGSQ, Guay et Gagnon, 2022), lequel rend explicite l’agir professionnel compétent et conscient collectif des directions générales scolaires du Québec, c’est-à-dire leurs présupposés au regard du leadership, la lecture de leur contexte d’exercice et leurs intentions et actions à prioriser, individuellement et collectivement, pour concrétiser ces intentions. Le tableau 1 résume les questions ayant balisé la mise à jour de cet agir professionnel et les réponses concertées à ces questions des directions générales scolaires du Québec.
À ce jour, le processus de création du Cadre de référence a permis l’actualisation du Microprogramme d’insertion à la direction générale de centres de services et de commissions scolaires (PIDIGECSS) de l’Université de Sherbrooke comme en témoigne un récent article d’Éducation Canada (Guay et Gagnon, 2022). Au printemps 2022, les directions générales scolaires du Québec l’ont également utilisé pour effectuer une analyse de leurs besoins prioritaires de développement professionnel pour l’année scolaire 2022-2023. Par exemple, la thématique du Congrès de l’ADGSQ de mai 2023 a été établie en adéquation avec cette analyse. À l’automne 2022, une entente pour la mise en œuvre d’une phase 2 de la recherche-action est aussi entérinée entre l’ADGSQ et l’Université de Sherbrooke, laquelle a comme objectifs de permettre aux directions générales de/d’ : 1) consolider leur compréhension partagée du leadership tel que décrit dans le cadre de référence; 2) mettre en œuvre concrètement ce leadership dans le développement du réseau de leurs activités de développement professionnel dont leurs rencontres régionales; 3) évaluer les retombées de cette mise en œuvre sur leur développement professionnel individuel et collectif.
Dans le cadre d’un numéro thématique sur l’importance de repenser les agirs professionnels au cœur des nombreux défis actuels en éducation, dont la pénurie de personnel breveté et la décroissance des effectifs, cet article se voulait une inspiration pour inciter les leaders en éducation, dont les directions d’établissements, les enseignants ou les professionnels, à définir, développer et consolider, eux aussi, leur propre agir professionnel, individuel et collectif, pour espérer relever ensemble de tels défis actuels en éducation. En guise de conclusion, en écho à la recherche-action menée par les directions générales scolaires du Québec, un cadre de questionnement est ainsi proposé au tableau 2. Il veut soutenir la réflexion individuelle et/ou collective de leaders conscients que des présupposés explicites, une lecture attentive du contexte d’exercice et des intentions et des actions prioritaires ciblées sont désormais névralgiques pour espérer œuvrer ensemble avec rigueur, efficacité, sens et bienêtre, au cœur de la complexité moderne.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2023
ADGSQ, Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2022). Le leadership des directions générales scolaires: Un cadre de référence pour le définir, le développer et le consolider ensemble. https://adgsq.ca/adgsq/cadre-de-reference-sur-le-leadership-des-directions-generales-scolaires/
Gouvernement du Québec. (2020). Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires. www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2020C1F.PDF
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2022). Et les directions générales scolaires, comment les former à agir avec compétence et conscience au cœur de la complexité actuelle? Éducation Canada https:// edcan.ca/articles/les-directions-generales-scolaires-comment-les-former/?lang=fr
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2021). La recherche-action. Dans I. Bourgeois (dir.), Recherche sociale. De la problématique à la collecte de données (7e édition, pp. 415-440). Presses de l’Université du Québec.
Guay, M-H. et Gagnon B. (2019). Esquisse d’une théorie constructiviste-développementale du leadership en éducation. Actes du symposium L’influence des chefs d’établissement d’enseignement : Activité, pouvoir et développement tenu dans le cadre du colloque international de l’Actualité de la recherche en éducation et formation (AREF) 2019. Bordeaux, France, p. 62-72. https://aref2019.sciencesconf.org/resource/page/id/20
Leithwood, K., Sun, J. et McCullough. (2019). How School Districts Influence Student Achievement. Journal of Educational Administration, 57(5), 519-539.
McCauley, C. D., Drath, W. H., Palus, C. J., O’Connor, P. M. G. et Baker, B. A. (2006). The Use of Constructive-Development Theory to Advance the Understanding of Leadership. The Leadership Quarterly, 17, 634-653.
Rooke, D. et W. R. Torbert. (2016). Les 7 logiques d’action des leaders. Harvard Business Review France, Hors-série, 76-90.
1 Effet du collectif constitué de la direction générale, du conseil d’administration (ou du conseil des commissaires), des services et des directions d’établissements pour fédérer des actions cohérentes et significatives à la réussite éducative sur le territoire d’un centre de services (ou d’une commission scolaire) (inspiré de Leithwood, Sun et Mc Cullough, 2019).
Parler d’une vision du succès de l’élève pour l’après-pandémie semble prématuré, même si la communauté planétaire marque le deuxième anniversaire de cette crise sanitaire sans pareille. Cela dit, cet article donne la parole aux membres des équipes de direction d’école, car le succès des élèves repose en grande partie entre les mains des personnes qui ont la lourde responsabilité de coconstruire cette vision du succès des apprenants qui fréquentent nos écoles. Depuis la pandémie, les professionnels de l’éducation n’ont pas eu beaucoup de temps à réfléchir à la notion du succès, car la gestion de cette crise sanitaire les a placés dans un mode de survie. C’est à peine s’ils gardent la tête hors de l’eau. Qu’importe, ils n’ont pas perdu l’essentiel : l’élève, ses apprentissages, sa santé et son bienêtre demeurent au cœur de leur quotidien.
La recherche le confirme : après le personnel enseignant, c’est l’équipe de direction d’école qui a le plus d’influence sur la réussite des élèves (Leithwood, 2012; Leithwood, Seashore Louis, Anderson et Wahlstrom, 2004; Waters, Marzano et McNulty, 2003). Cela est d’autant plus vrai dans un contexte sociétal complètement bouleversé comme c’est le cas depuis le début de la pandémie de la COVID-19.
Cet article présente les résultats d’une étude qui a pris naissance dans un contexte de crise sanitaire mondiale. Elle porte sur l’incidence de la pandémie sur les pratiques de gestion, sur la santé et sur le bienêtre des équipes de direction. Elle cherche à établir un lien entre les efforts des équipes de direction et le succès des élèves.
En mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) déclarait que l’éclosion de COVID-19 était devenue une pandémie. C’est alors que les autorités dans plus de 190 pays à l’échelle mondiale ont fermé leurs écoles touchant plus de 1,6 milliard d’élèves du primaire au secondaire (Bryant, Chen, Dorn et Hall, 2020). « Horaires de cours déraillés; fermeture de jeu; réorganisation des cohortes d’élèves; sentiments d’insécurité face à l’inconnu : le grand dérangement » (Rocque et Côté, 2021, p. 13)! Onze mois plus tard, en février 2021, la situation sanitaire demeurait aussi précaire et l’impact de la pandémie sur le système scolaire se poursuivait. Le graphique « PORTRAIT COVID-19 : ALBERTA ET MANITOBA » illustre le nombre de cas dans chacune des provinces au moment de la collecte des données : la ligne bleue dentelée indique le nombre de cas en Alberta et la rouge, au Manitoba. Les deux crochets noirs (*) indiquent la période de la collecte. Il était impossible de savoir que les cas dans les deux provinces seraient à leur plus bas à ce moment-là. Qu’importe, les vagues à la hausse se sont manifestées immédiatement après et, malheureusement avec l’arrivée des variants, la tendance est demeurée à la hausse. C’est dans ce contexte que l’équipe de recherche1, en collaboration avec le Conseil scolaire Centre-Nord (CSCN – Alberta) et la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM – Manitoba), a mené son étude dont les principaux objectifs visaient 1) à recueillir l’opinion des équipes de direction d’école du CSCN et de la DSFM sur la pandémie et ses effets sur la gestion de l’école et 2) à examiner le niveau de santé et de bienêtre de ces équipes durant la crise sanitaire.
Au total, 63/70 personnes, provenant des équipes de direction du CSCN (n=31) et de la DSFM (n=32), ont participé à l’enquête, donnant un taux de participation de 90 %. Un questionnaire2 portant sur la gestion, la santé et le bienêtre a été envoyé aux participants à la mi-février 2021. Suite à la collecte des données, des analyses ont été réalisées à l’aide d’un logiciel3 qui a signalé les résultats statiquement significatifs (p ≤ 0,10). Le Comité d’éthique de la recherche de l’Université de Saint-Boniface a donné son approbation à l’équipe pour la réalisation de l’étude.
Soucieux de vouloir apporter un éclairage susceptible d’alimenter la réflexion sur la façon dont l’équipe de direction contribue à l’épanouissement des élèves en contexte de pandémie, les auteurs ont choisi de présenter les résultats de l’étude en portant une attention particulière à ces trois questions :
Les élèves réussissent mieux dans les écoles où les équipes de direction accordent une priorité à l’enseignement et à l’apprentissage (Archambault, Garon, Harnois et Ouellet, 2011; Huber et Muijs, 2010). Les pratiques de gestion pédagogiques de l’équipe de direction qui touchent le personnel, et par conséquent qui peuvent être associées à la réussite et à la persévérance des élèves, sont nombreuses dans l’étude :
Parmi cette liste, nous avons retenu les six pratiques qui ont fait l’objet d’un fort consensus parmi tous les répondants à la suite de cette question : « En comparaison à votre situation avant la pandémie de COVID-19 (avant mars 2020), évaluez combien votre temps consacré aux différentes fonctions de gestion a changé (diminué/augmenté) ». Les résultats peuvent être regroupés en deux catégories : a) la gestion des lieux, des espaces et du temps et b) la gestion des relations humaines (figure 1).
Figure 1. Fonctions de gestion pédagogiques et % de répondants qui affirme qu’elles ont augmenté/beaucoup augmenté
* (a) : gestion des lieux, des espaces et du temps; (b) : gestion des relations humaines
Collerette, Pelletier et Turcotte (2013) affirment que l’équipe de direction d’école qui « met beaucoup d’énergie à instaurer un milieu de vie agréable pour les élèves [et qui] fait le nécessaire pour instaurer un environnement calme, ordonné et sécuritaire » (p. 12) contribue à soutenir les enseignants dans leur enseignement et les élèves dans leur apprentissage. En raison des conditions sanitaires changeantes, les répondants de l’étude ont reconnu avoir consacré plus de temps à s’occuper de la sécurité, de la gestion des espaces et de la préparation/révision des horaires, et ce, presque au quotidien.
Fullan (2014; 2021), Leithwood (2013) et Dupuis (2004) ont tous étudié les conseils scolaires performants et les écoles efficaces. La qualité des relations humaines entre la direction et le personnel enseignant est fortement associée à la réussite des élèves. Presque la totalité des répondants (97 %) qui ont participé à l’étude a reconnu qu’en situation de crise, il faut « Préserver le bienêtre du personnel ». « Les encourager » et « les motiver », deux autres fonctions de gestion des relations humaines ont aussi augmenté à 90 % et plus durant la pandémie. Développer des relations de travail saines, ouvertes, chaleureuses et productives à l’intérieur des écoles dans des circonstances exceptionnelles ne peuvent faire autrement qu’appuyer les enseignants qui se soucient de l’apprentissage de leurs élèves.
L’étude s’intéresse à la perception des membres des équipes de direction d’école des deux autorités scolaires sur leur bienêtre et leur santé mentale en effectuant leur travail durant une crise sanitaire. Il est pertinent de s’y arrêter, car la recherche l’affirme depuis longtemps : les conséquences du stress, d’une mauvaise santé et d’un haut niveau d’anxiété qui perdure mènent à un éventuel épuisement émotionnel, à une déshumanisation des relations interpersonnelles et à une diminution du sentiment d’accomplissement (Poirel, 2009). Selon la durée de ce mauvais état de santé, « [c]ette spirale de détérioration du rendement aurait comme conséquence une perte de productivité pouvant conduire à la dépression nerveuse (Shirom, 2003, cité dans Poirel, 2009).
Face à une montagne de données, nous avons dû effectuer des choix judicieux. C’est pourquoi nous présentons les réponses statistiquement significatives en fonction des années d’expérience des membres des équipes de direction pour illustrer leur bienêtre et leur santé mentale. Le tableau 1 nous présente les figures portant sur six différents indicateurs de bienêtre et de santé :
Chaque indicateur nous aide à brosser un portrait global des répondants. Les résultats démontrent que pour l’ensemble des indicateurs, à l’exception de la description de l’état de santé (figure 6), les membres des équipes de direction ayant moins d’expérience font moins bonne figure que ceux ayant plus d’expérience. Le niveau d’estime de soi (figure 7) est tout de même favorable chez les deux groupes (70 % et 89 %), cependant, chez les répondants ayant moins d’expérience, 13 % sont « incertain » et 17 % sont « en désaccord » avec l’affirmation : « j’ai une haute estime de soi ».
Tableau 1. Portrait global du bienêtre et de la santé mentale en fonctions des années d’expérience (données statistiquement significatives)
Figure 2. Résultats en % en fonction des années d’expérience : ne jamais avoir assez de temps pour faire le travail au quotidien | Figure 3. Résultats en % en fonction des années d’expérience : je suis la plupart du temps détendu |
Figure 4. Résultats en % en fonction des années d’expérience : j’ai beaucoup d’énergie | Figure 5. Résultats en % en fonction des années d’expérience : j’ai un bon équilibre famille/travail |
Figure 6. Résultats en % en fonction des années d’expérience : décrivez votre état de santé | Figure 7. Résultats en % en fonction des années d’expérience : j’ai une haute estime de soi |
Le dernier indicateur retenu est celui de la présence de l’anxiété et de sa fréquence dans la vie des participants (figure 8). Nous constatons que 80 % des membres des équipes de direction d’école éprouvent de l’anxiété durant la pandémie, cependant, seuls 18 % affirment qu’elle se manifeste « la plupart du temps ou toujours ».
À la lecture des résultats présentés, nous voyons que la pandémie a eu une incidence sur : 1) le temps consacré aux pratiques de gestion pédagogiques et administratives; 2) le bienêtre et la santé mentale et 3) la présence de l’anxiété dans la vie des membres des équipes de direction des autorités scolaires de l’Alberta et du Manitoba. Malgré le fait que 80 % des répondants affirment vivre dans l’anxiété, 97 % d’entre eux consacrent plus de temps à « préserver le bienêtre de leur personnel » et 90+ % à « encourager/motiver les enseignants » durant cette crise sanitaire. Ces pratiques de gestion axées sur la qualité des relations interpersonnelles entre l’équipe de direction et le personnel enseignant contribuent sûrement à maintenir un environnement qui permettait le maintien d’un certain engagement de la part des élèves, et ce, à l’intérieur d’une organisation qui a subi d’importantes transformations de fond en comble depuis l’arrivée de COVID-19.
Cette tranche de l’article propose quelques éléments pratico-pratiques. D’abord, les répondants ont reconnu l’importance de gérer leur stress afin de maintenir une gestion de leur établissement, et un accompagnement des gens qui les fréquentent, en contexte de pandémie. La figure 10 illustre ces différentes façons. L’activité physique et la méditation/pleine conscience se trouvent au haut de la liste tandis que la thérapie individuelle/de groupe et l’automédicamentation s’y retrouvent au bas.
Figure 10. Résultats en % : façons de gérer le stress (ordre décroissant)
Le tableau 3 présente différents aspects de gestion des pratiques pédagogiques et de bienêtre, tant pour les enseignants que pour les membres des équipes de direction, ainsi que des actions prises pour les illustrer. La communication se voulait fréquente, accueillante et favorisant une approche consultative. La gestion se voulait simplifiée, malgré la complexité des exigences, collaborative, rassurante et stratégique selon les priorités. La technologie servait d’outil d’appui et les répondants se souciaient de leur bienêtre ainsi que de celui du personnel en cherchant un équilibre à leur vie.
Tableau 3. Aspects de gestion des pratiques pédagogiques/bienêtre et actions
Aspects | Actions concrètes |
COMMUNICATION |
|
STRATÉGIES DE GESTION |
|
TECHNOLOGIE |
|
BIENÊTRE |
|
La pandémie de la COVID-19 aura fait bien des victimes humaines, regrettablement. Mais que fera-t-elle des structures et des organisations, telles que le système d’éducation et la redéfinition du succès des élèves qui les fréquentent? Cet article cherchait à démontrer l’incidence de cette crise sanitaire sur les membres des équipes de direction qui soutiennent les responsables de l’enseignement. En adaptant leurs pratiques de gestion pédagogiques aux nouvelles réalités et en se préoccupant du bienêtre de leur personnel, les autorités scolaires ont donné de nouvelles formes à l’enseignement et à l’apprentissage. L’expérience des équipes de direction de ces autorités scolaires offrira-t-elle un éclairage partiel sur les nouveaux défis à relever quand viendra le véritable « après pandémie »? C’est alors qu’il sera possible de s’ajuster et de répondre aux attentes qui se pointeront à l’horizon pour nos élèves et les membres du personnel de nos écoles.
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2022
1 Jules Rocque, chercheur et Cynthia Côté, assistante de recherche.
2 Questionnaires adaptés de Derogatis (1987) et St-Germain (2011).
3 Statistical Package for the Social Sciences (SPSS, version 27).
4 Anxiété : une émotion désagréable qui combine des symptômes physiques (battement accéléré du cœur, difficulté respiratoire, sueurs, tremblements, étourdissements, mains moites, muscles tendus) et des pensées anxieuses (inquiétudes, ruminations, obsessions, doutes, craintes). Adaptation de la définition de l’Association des médecins psychiatres du Québec (https://ampq.org).
Archambault, J., Garon, R., Harnois, L, et Ouellet, G. (2011). Diriger une école en milieu défavorisé : Ce qui ressort des écrits scientifiques et professionnels (mise à jour du document 2006). Université de Montréal et Programme de soutien à l’école montréalaise (MELS), 17 p.
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Collerette, P., Pelletier, D. et Turcotte, G. (2013). Recueil de pratiques des directions d’écoles secondaires favorisant la réussite des élèves. Recueil de pratiques. Université du Québec en Outaouais.
Derogatis, L. R. (1987). The Derogatis Stress Profile (DSP) : quantification of psychological stress. Dans G. A. Fava et T. N. Wise (dir.), Advances in Psychosomatic Medicine : Vol. 17. Research Paradigms in Psychosomatic Medicine (30-54). Karger.
Dupuis, P. (2004). L’administration de l’éducation : quelles compétences? Éducation et francophonie, 32(2), 133-157.
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St-Germain, M. (2011). Le leadership et la gestion du temps. Dans J. Rocque (dir.), La direction d’école et le leadership pédagogique en milieu francophone minoritaire – considérations théoriques pour une pratique éclairée (p. 219-256). Presses universitaires de Saint-Boniface.
Les effets de la pandémie de COVID-19 montrent à quel point les écoles jouent un rôle fondamental dans la santé et le bien-être des élèves et du personnel. Il est plus que jamais évident qu’une approche coordonnée à tous les niveaux du système d’éducation est nécessaire pour s’attaquer aux questions de santé mentale, de sécurité et d’appartenance dans les écoles. L’approche globale de la santé en milieu scolaire est de plus en plus reconnue par les conseils scolaires au Canada pour promouvoir le bien-être des élèves, du personnel enseignant et d’autres membres de la communauté scolaire.
Accroître le savoir, la compréhension et les compétences de la communauté scolaire au moyen d’occasions d’apprentissage formel et informel :
Établir des politiques, des lignes directrices et des façons de faire qui :
Travailler en collaboration avec :
Lorsqu’on adopte une approche globale de la santé en milieu scolaire, ce sont des communautés scolaires entières qui peuvent profiter d’un bien-être amélioré, de lieux éducatifs plus sains et de meilleurs résultats d’apprentissage pour les élèves. La recherche montre cependant que les écoles doivent investir du temps et des ressources dans la création d’un milieu propice à la santé qui soutient le bien-être des élèves et du personnel. Bien que cela puisse sembler être une tâche colossale, toutes les parties prenantes – dirigeants scolaires, collègues, parents et membres de la communauté – peuvent apporter leur petite contribution pour susciter un changement. Comme première étape importante, nous devons continuer de nous sensibiliser et de sensibiliser les autres à l’approche globale de la santé en milieu scolaire et à ses avantages.
Qui peut encore douter que la pandémie de la COVID-19 aura des effets durables sur le monde de l’éducation? Quant à savoir quels seront précisément les effets, nous pouvons spéculer. Nous savons cependant que le virage numérique est entamé irrémédiablement avec ses bons et ses moins bons côtés. Et, dans ces conditions, l’acte d’enseigner et l’acte d’apprendre changent de facto.
Reculons un instant à l’été 2020 et transportons-nous au Nouveau-Brunswick. Les familles du Nouveau-Brunswick ont reçu le message qu’il sera obligatoire pour tous les élèves du secondaire d’avoir en main un terminal (ordinateur portable ou tablette électronique) capable de se connecter à une plateforme numérique permettant l’enseignement et le travail à distance.
L’utilisation du numérique a été surtout utile pour permettre aux élèves d’assister à leurs cours à partir de la maison une journée sur deux. Dans de nombreux cours où c’était possible, le numérique a aussi permis (et permet toujours) de limiter l’utilisation du papier. Ces deux utilisations n’exploitent que très timidement le potentiel du numérique. Essentiellement, il semble que ces utilisations tentent d’imiter un mode d’enseignement-apprentissage plutôt traditionnel où il s’agit surtout de transmettre des connaissances.
J’espère que nous ne sommes pas en train de perdre une belle occasion de transformer la vie scolaire afin d’opérer, une fois pour toute, un virage qui accorde toute la place à l’actualisation de l’élève. Je m’explique.
À travers toutes les transformations des derniers millénaires, il me semble qu’un élément demeure invariable : l’éducation consiste à prendre l’apprenant où il est afin de l’accompagner dans son développement. Les moyens ont changé au fil des époques. En quelque sorte, les finalités aussi. Concernant les moyens, on peut penser qu’il y a eu un avant et un après l’invention de l’écriture, même chose pour l’imprimerie et maintenant le numérique. Concernant les finalités, le vivre ensemble, le développement de soi et la préparation au travail ont pris et prennent différentes formes sous l’influence des grandes idées sociales, politiques, religieuses, scientifiques et ainsi de suite.
Concrètement, l’éducation véritable a toujours été celle capable de bien lire la personne de l’apprenant dans ses besoins d’actualisation. Elle est aussi celle en mesure de tracer le bon chemin menant à cette actualisation par le biais d’activités d’apprentissage adaptées aux besoins de la personne en cheminement. Enfin, éduquer, c’est faire en sorte que la personne apprenante devienne autonome, c’est-à-dire qu’elle sera en mesure de cheminer par et pour elle-même vers son actualisation.
Jusqu’à tout récemment, le rôle de l’école consistait d’abord et presque exclusivement à favoriser l’accès aux savoirs. Bien des pédagogues viendront mettre à jour les méthodes favorisant cet accès alors que celui-ci était beaucoup synonyme de transmission.
Il y a un peu plus d’un siècle, le pédagogue américain John Dewey donne en quelque sorte un sens renouvelé à cette idée de favoriser l’accès aux savoirs. S’appuyant sur les progrès du monde de la science, il entrevoit que la scolarisation de son temps – au tournant du XIXe et du XXe siècle – doit s’inspirer de la méthode scientifique (Dewey, 1963). Ainsi, l’éducation consiste à favoriser la croissance de l’apprenant par le biais d’une recherche continue de sens à travers des expériences authentiques d’apprentissage.
Fort de l’héritage de Dewey, le siècle dernier verra naître de nombreuses méthodes, d’approches, de stratégies et de techniques pédagogiques axées sur l’action en s’inscrivant notamment dans les courants cognitivistes, constructivistes et socioconstructivistes. L’idée d’accès au savoir consiste toujours en ce désir que les masses puissent l’acquérir, mais le souci de la pédagogie est porté désormais vers les moyens de le faire. Se développeront les pédagogies expérientielles, coopératives, par projets, par problèmes, par études de cas, par compétences, entrepreneuriales, à la citoyenneté, relatives à l’environnement, aux droits de la personne, de la conscientisation et de l’engagement, actualisante et la liste continue.
De tout temps, la transmission directe des savoirs a souvent été critiquée. On retrouve les traces de cette critique chez les Grecs de l’Antiquité, notamment au livre VII de la République de Platon (Platon et Leroux, 2004). Je dirais cependant que depuis le passage d’Internet au domaine public en 1993 et surtout au cours des 10 dernières années, le monde de l’éducation est engagé dans une profonde transformation qui peut difficilement être comparée à aucune autre époque du point de vue de la rapidité des changements.
Puisque la connaissance exigeait jusqu’à récemment de se déplacer dans les bibliothèques pour fouiller dans les livres afin d’y accéder, l’école avait ce rôle implicite de transmettre même si les grandes et les grands pédagogues appelaient le plus souvent possible à ne pas s’en contenter. Mais puisque les jeunes d’aujourd’hui ont un accès direct et instantané au savoir et que l’intelligence artificielle devient de plus en plus efficace pour aider à résoudre des problèmes, la simple transmission en salle de classe est rébarbative pour les élèves. La pandémie de la COVID-19, on l’entend souvent dans nombre de situations, exacerbe cette transformation.
Quelles seront les conséquences de la pandémie sur le rôle de l’école? Que devient l’enseignement? Que doivent apprendre les élèves?
Commençons par la question la plus importante : Que doivent apprendre les élèves? Les savoirs sont là, certes, mais encore faut-il savoir qu’ils existent. Encore faut-il reconnaitre qu’ils existent parmi une multitude de savoirs et d’idées qui se présentent sous la forme de savoirs alors qu’ils n’en sont pas. Et ça aussi, la pandémie de la COVID-19 l’a illustré à de multiples occasions. Surinformation, désinformation, théories et idées alternatives s’ajoutent à la publicité, à la rhétorique de vendeurs de rêves et aux personnes bien intentionnées qui prétendent posséder une interprétation juste, mais alternative de la réalité.
Que doivent apprendre les élèves? Ils doivent apprendre à naviguer dans cette jungle d’idées diverses. Et comme c’était pertinent aux époques de Socrate, de Rousseau et de Dewey, c’est par le recours à la pensée critique que se fait cette navigation. Cette capacité de l’esprit, comme le définit le philosophe Matthew Lipman, facilite les jugements parce qu’elle s’appuie sur des critères, tient compte du contexte qui, forcément, appelle à l’auto-rectification (Lipman, 2006).
La pensée critique et les habiletés et attitudes qu’elle mobilise ne se développe pas seules ni sans l’accompagnement d’une personne qui en maîtrise les rudiments. Lorsqu’on y a recours habilement, la pensée critique permet d’accéder à ce que Kant nommait la mentalité élargie (Arendt, 1972). La mentalité élargie fait en sorte que chaque personne est capable de se comprendre soi-même parce que cette pensée collective fait en sorte que nous pouvons nous comprendre entre nous. Ce n’est pas rien.
Bien que la pensée critique puisse être générique, elle peut aussi être particulière à un domaine spécifique de la connaissance. Un jugement mathématique procède d’un raisonnement différent de celui scientifique, littéraire, artistique ou philosophique bien qu’ils soient tous complémentaires pour penser le monde. Ainsi, le savoir disciplinaire n’est pas une fin en soi.
C’est comme remplir son panier d’épicerie, passer à la caisse, mais partir chez soi sans ses achats. L’essentiel n’a pas été fait. Ainsi, lorsqu’on donne des ressources aux élèves, il faut passer à l’intégration des savoirs à travers des situations d’intégrations à la fois complexes et contextualisées (Roegiers, 2010). Par exemple, les élèves sont en mesure de mettre en place des mesures favorisant la protection de l’écosystème en mobilisant ce qu’ils ont appris en classe. Ou encore, les élèves expriment leur opposition en mobilisant les principes d’une communication efficace appris en classe.
Ce qui nous donne la réponse à la question du rôle de l’école.
Pour continuer à être un lieu privilégié après la pandémie, l’école doit plus que jamais poursuivre sa transformation et miser sur la recherche de sens. L’école doit se métamorphoser en une grande communauté de recherche où sont mobilisés les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être et les savoir-devenir dans la quête de sens afin d’y voir plus clair dans ce qui se produit à l’intérieur de chacun de nous, ce qui se produit dans nos relations avec les autres et dans notre relation avec le monde (Ferrer & Allard, 2002). S’éloigner de cette quête de sens et prétendre éduquer n’est qu’une illusion. Aussi vite apprise pour le test, aussi vite oubliée si la connaissance n’est pas mobilisée dans une situation concrète où se manifeste le sens.
Il existe plusieurs approches pédagogiques pour y arriver. J’en présenterai deux différentes qui se situent aux antipodes d’un continuum pratico-pratique – philosophique.
Je considère que le pédagogue et philosophe Dewey est en quelque sorte le père de ce continuum. Il prônait la création d’une communauté de recherche dès la fin du XIXe siècle. D’un côté, il a influencé les approches plus actives comme la pédagogie par projets (Kilpatrick, 2018), l’apprentissage expérientiel (Kolb, 1984) et la pédagogie centrée sur les besoins réels (Prensky, 2016).
Prensky soutient que la prochaine génération n’a plus à aller à l’école pour se préparer à la vie en s’engageant dans des projets qui ressemblent à ceux qu’elle devra entreprendre une fois sortie de l’école. Elle doit dès maintenant résoudre les problèmes et défis actuels. Son site web montre d’ailleurs une liste impressionnante d’initiatives menées par les jeunes de partout dans le monde qui montre qu’ils sont capables de participer au projet collectif de faire un monde meilleur.
Passant de la création de prothèses à l’élimination du plastique à la cafétéria de l’école en passant par des ballons de soccer qui captent l’énergie cinétique, Prensky nous rappelle la puissance de la pédagogie qui part d’abord de situations concrètes pour ensuite introduire des savoirs plus théoriques selon les besoins exigés par la situation.
Dans les années 1970, le philosophe américain Matthew Lipman créait le programme de philosophie pour enfants aujourd’hui présent sur tous les continents. Ce programme consiste à installer au sein de la classe, de la maternelle (et même avant) au secondaire (et même après), une communauté de recherche philosophique où il est question non d’apprendre les pensées des philosophes, mais plutôt de s’engager dans un dialogue philosophique en quête de sens. À partir d’une amorce qui peut prendre la forme d’un texte, d’un objet, d’un événement, d’une œuvre d’art, etc., les élèves s’engagent avec l’animatrice ou l’animateur dans une discussion où il est question de faire ressortir le sens à partir des différents points de vue qu’ont les élèves.
Peut-on aimer les animaux et les manger quand même? Est-on plus libre avec des règles ou sans? Peut-on inverser une phrase qui débute par « tous » ou « aucun » et conserver le même sens? Y a-t-il plus d’une vérité? Comment sait-on si ce que l’on croit est vrai? Quels sont les critères pour déterminer ce qui constitue une belle personne? Voilà quelques exemples de questions au cœur des communautés de recherche philosophique mise de l’avant dans le programme de philosophie pour enfants/ados.
Les approches de Prensky et de Lipman ont en commun qu’ils sont complémentaires aux différents cours scolaires. Que ce soit en mathématiques, en sciences, en sciences humaines, en langues ou dans les arts, la possibilité de philosopher à partir des enjeux que mettent en lumière ces disciplines est le moment de mobiliser ces savoirs et les habiletés/attitudes de la pensée critique.
En terminant, le fait de s’engager dans une recherche de sens, que ce soit à partir des idées ou à partir de l’action, en cherchant une sincère intercompréhension humaine, c’est un pas vers un environnement à même de favoriser l’actualisation de chacune et de chacun.
Photo: Adobe Stock
Arendt, H. (1972). La crise de la culture : Huit exercices de pensée politique. Gallimard.
Dewey, J. (1963). Experience and education. Collier Books.
Ferrer, C. et Allard, R. (2002). La pédagogie de la conscientisation et de l’engagement : Pour une éducation à la citoyenneté démocratique dans une perspective planétaire : deuxième partie. Éducation et francophonie, 30(2), 96‑134. https://doi.org/10.7202/1079528ar
Gagnon, M. (2005). Guide pratique pour l’animation d’une communauté de recherche philosophique. Les Presses de l’Université Laval.
Kilpatrick—The Project Method (1918). (s. d.). Consulté 24 novembre 2021, http://www.educationengland.org.uk/documents/kilpatrick1918/index.html
Kolb, D. A. (1984). Experiential learning : Experience as the source of learning and development. Prentice-Hall.
Lipman, M. (2006). À l’école de la pensée : Enseigner une pensée holistique (2e éd.). De Boeck Université.
Platon et Leroux, G. (2004). La république (2e éd. corr.). Flammarion.
Prensky, M. (2016). Education to better their world : Unleashing the power of 21st-century kids. Teachers College Press.
Roegiers, X. (2010). La pédagogie de l’intégration : Des systèmes d’éducation et de formation au cœur de nos sociétés (1re éd.). De Boeck Université.
Le nouveau format d’Éducation Canada offre des outils et des occasions au monde de l’éducation pour répondre à de grandes questions mises de l’avant par une pandémie qui a bouleversé le quotidien de toutes et tous, et certainement le système éducatif. Des questions simples, mais complexes invitant diverses perspectives à se confronter seront abordées dans cette expérience d’apprentissage multiplateforme. La première grande question que nous explorons est :
Comment enseigner dans un Canada (post) pandémique?
Éducation Canada, portée par voicEd Radio, résonnera dans divers bureaux, salles de formation, et salles de classe pour alimenter de nécessaires discussions et pour présenter du matériel utile et axé sur la recherche, susceptible de soutenir le changement dans un monde scolaire postpandémique.
Pour approfondir davantage vos connaissances, lisez les articles détaillés sur les sujets émergents.
L’humilité culturelle : pour cheminer vers une école post-pandémique plus culturellement sûre et inclusive par Hélène Devarennes, Auteure jeunesse et Professeure, Université de Moncton
L’école plus que jamais à la recherche de sens par Mathieu Lang, Professeur agrégé à la Faculté des sciences de l’éducation, Université de Moncton
Réguler ses émotions exige que l’on puisse les reconnaître et les nommer lorsqu’elles se manifestent (p. ex. la joie, l’excitation, la frustration, la colère), et que l’on comprenne leurs effets sur notre corps, nos pensées, notre comportement et nos expressions. Il nous faut aussi savoir ce qui nous amène à nous sentir ainsi et disposer de stratégies pour mieux composer avec elles. La recherche démontre que la régulation des émotions est une compétence qui peut être enseignée et se développer au fil de notre vie.
Il est important d’aider les apprenants à prendre conscience de leurs émotions et à les nommer. Vous pouvez par exemple les aider à reconnaître les émotions de personnages dans des livres et à les relier à leur expérience personnelle à l’aide de questions telles : « Comment se sent le personnage? Pourquoi se sent-il ainsi d’après toi? Que pourrait-il faire pour se sentir autrement? Et toi, que ferais-tu? »
Il est utile d’enseigner un large éventail de stratégies de régulation émotionnelle telles que la respiration consciente, la relaxation musculaire progressive, la pensée positive et la réévaluation positive (c.-à-d. recadrer une perspective négative à l’égard d’une chose pour la rendre positive). Commencez par enseigner des stratégies accessibles sur le coup (comme la respiration consciente) et que les élèves connaissent déjà. Expliquez en quoi consiste la stratégie, et pourquoi, comment et quand elle peut être utilisée.
Mettez les stratégies en pratique lorsque les élèves sont calmes plutôt que sous le coup d’une émotion. Lorsque les jeunes sont plus réactifs sur le plan émotionnel, il leur est difficile de penser de manière rationnelle. Dans une classe, cela peut vouloir dire d’intégrer chaque jour quelques minutes de pleine conscience durant l’heure du cercle ou de la réunion de classe. Cette pratique aide les élèves à se familiariser avec la stratégie et permet l’établissement de voies neurales qui rendront les stratégies plus accessibles au besoin.
Intégrez le soutien à la régulation émotionnelle au quotidien (p. ex., en cas de conflit, vous pouvez aider les apprenants à mettre en pratique les stratégies enseignées). Vous pourriez aussi fournir aux élèves des espaces où ils pourront se réfugier pour retrouver leur calme au besoin. Il est important pour les enfants et les adolescents de pouvoir choisir et d’utiliser les stratégies avec lesquelles ils se sentent à l’aise et qui répondront le mieux à leurs besoins.
Il est important d’être attentif à la façon dont nos comportements donnent des directives implicites et influencent le développement des compétences des élèves. Il pourrait être utile que les adultes décrivent certains des processus de régulation afin que les enfants puissent voir et entendre comment réguler les émotions. En situation difficile, il est aussi essentiel que les adultes utilisent eux-mêmes ces stratégies pour rester calmes afin d’aider les autres à réagir efficacement à la situation.
Les parents et le personnel enseignant jouent un rôle essentiel pour soutenir les élèves et leur enseigner les compétences et les stratégies nécessaires pour réguler leurs émotions. La recherche a démontré que lorsque les élèves sont en mesure de bien réguler leurs émotions, ils ont tendance à ressentir une amélioration de leur santé et de leur bienêtre, à faire preuve d’une plus grande résilience sur le plan affectif (c.-à-d. bien réagir aux situations stressantes), à avoir des interactions plus positives avec leurs camarades et à réussir mieux à l’école et à la maison.
*Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
La Trousse de discussion Éducation Canada représente un avantage exclusif destiné au personnel des organisations membres du Réseau ÉdCan (commissions scolaires, facultés d’éducation, sociétés commerciales, organismes sans but lucratif). La trousse transforme la recherche présentée dans les articles de notre magazine Éducation Canada en guides d’autoréflexion et de discussion de groupe pratique destinés au personnel scolaire. Par le partage des tendances actuelles et émergentes dans le domaine de l’éducation, la trousse invite les participants à questionner, repenser et améliorer leurs pratiques professionnelles.
Que vous soyez un assistant pédagogique, un enseignant, un directeur d’école ou un surintendant, nous vous encourageons à investir dans votre apprentissage continu et celui de votre équipe grâce à ces ressources de développement professionnel faciles à utiliser et abordables qui favorisent la pensée critique et stimulent le développement de stratégies pratiques pour des contextes scolaires uniques.
La Trousse de discussion Enseigner avec les objectifs de développement durable de l’ONU s’inspire de l’édition printemps du magazine Éducation Canada 2021 – disponible en format feuilletable et en ligne. Cette trousse met en lumière comment les objectifs de développement durable offrent une pertinence transversale et des occasions d’apprentissage inestimables aux élèves de découvrir leur rôle crucial dans la résolution de problèmes locaux, régionaux et mondiaux. Les enseignants sont invités à explorer comment ils peuvent inciter les élèves à devenir des citoyens du monde actifs qui abordent les problèmes mondiaux réels avec espoir et autonomie.
Cette trousse contient trois guides d’autoréflexion et de discussion de groupe – disponible en anglais et en français – couvrant des sujets allant de la création d’une liste de choses à faire pour aider les éducateurs du primaire au secondaire à prendre des mesures sur les ODD en classe ; adopter une approche scolaire globale pour enseigner les ODD et faire de votre culture scolaire le catalyseur du changement ; et l’utilisation de l’éducation en plein air comme moyen de sensibiliser les élèves et de leur faire apprécier la biodiversité.
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Les élèves possédant une culture numérique savent comment se servir d’un ordinateur et de l’Internet pour trouver, lire, organiser et analyser l’information d’un œil critique, créer du contenu numérique (p. ex., infographies, blogues, vidéos) à diverses fins et avec diverses applications, et participer de façon éthique à des plateformes, sur les réseaux sociaux et autres en empruntant des formes variées (texte, image, son, mot-clic). Enseignants et parents jouent un rôle crucial pour amener les jeunes à peaufiner leurs habiletés numériques et les pratiques sociales qui leur permettront de devenir des lecteurs, rédacteurs et participants avisés dans un univers complexe où les technologies numériques transforment notre façon de penser, de comprendre et d’interagir.
Lorsque les enfants apprennent à reconnaître, à décoder et à écrire les lettres de l’alphabet, ils peuvent aussi apprendre à reconnaître et à taper des lettres sur un clavier, utiliser des applications numériques pour écouter et utiliser les fonctions des livres numérisés, enregistrer et partager leurs idées sur une application audio et se servir de plateformes de codage par blocs (p. ex., SCRATCH) pour concevoir des commandes que lit l’ordinateur. Les jeunes enfants ont besoin de possibilités d’apprentissage adaptées à leur développement afin de comprendre et d’utiliser toutes les technologies qui façonneront la mise en application de leurs compétences tout au long de leur vie.
La collaboration créative implique de dépasser la simple consommation d’information numérique, puisque les élèves doivent négocier et résoudre des problèmes complexes à l’aide d’un éventail d’outils numériques. Par exemple, la cocréation d’une vidéo numérique sur un thème à portée sociale peut nécessiter l’utilisation de plateformes infonuagiques de rédaction pour la scénarisation par images, de caméras numériques pour l’enregistrement, de pratiques de gestion des données pour organiser les fichiers, de logiciels de montage numériques et de plateformes de partage de vidéos, moyennant des autorisations selon le niveau de confidentialité requis. Grâce à la collaboration et à l’examen par les pairs, les élèves apprennent les rudiments de la création, de l’édition et de la diffusion de leurs œuvres à titre de participants actifs à un ensemble de cultures en réseau.
Lorsqu’ils cherchent de l’information sur Internet, les élèves qui adoptent une approche d’évaluation et consultent différentes sources afin de comparer les faits, arguments et perspectives (technique appelée lecture latérale) ont en général une compréhension plus juste des thèmes abordés. Pour intégrer cette approche, les élèves doivent avoir des occasions de soupeser la fiabilité des sources d’information à l’aide d’indicateurs (contexte, identité et qualifications de l’auteur, point de vue, données sur le financement, type de texte, modalité, recours à des déclencheurs émotionnels, mode de circulation de l’information sur les réseaux sociaux, possibilité de vérifier cette information). De plus, il est bénéfique pour les élèves d’avoir à justifier leur classement de fiabilité lors d’un débat avec leurs pairs et lorsque leurs parents et leurs enseignants démontrent des méthodes d’évaluation critique en pensant à voix haute lorsqu’ils jugent l’information.
La lecture et l’écriture exigent un enseignement explicite durant des années avec de nombreux types de textes à diverses fins de communication, et il en va de même pour la littératie numérique. On peut penser que les enfants ont une maîtrise innée des technologies numériques, mais la recherche a dissipé ce mythe. Même les jeunes adultes très instruits qui ont grandi avec l’Internet ne sont pas immunisés contre les fausses nouvelles et ne savent pas nécessairement comment résoudre des problèmes complexes à l’aide d’un ordinateur. Étant donné l’importance des réseaux virtuels mondiaux dans presque tous les aspects de notre vie, il est essentiel de privilégier l’enseignement d’habiletés numériques à tous les niveaux d’études et dans toutes les matières pour que les élèves apprennent en bas âge des techniques fondamentales de lecture, de composition et de participation numériques.
Les élèves et le personnel du primaire et du secondaire qui font partie de la communauté BIPOC (Noirs, Autochtones et personnes de couleur) ont un niveau inférieur de bien-être. Pourtant, l’intérêt grandissant à l’égard des démarches de mieux-être comme la pleine conscience, l’apprentissage socio-émotionnel, les pratiques tenant compte des traumatismes et l’autorégulation peuvent causer du tort aux élèves et aux éducateurs racisés et mener à une appropriation culturelle (c.-à-d., adoption de certains aspects d’une culture qui ne font pas partie de la nôtre). Ces démarches de mieux-être négligent souvent les expériences et points de vue uniques des élèves et du personnel de la communauté BIPOC.
Le bien-être est systémique. Quand on aborde le bien-être comme une expérience individuelle, on ne tient pas compte des effets néfastes du racisme systémique, de la suprématie blanche et du colonialisme, qui créent des milieux peu accueillants, discriminatoires et risqués pour les élèves de la communauté BIPOC. Cette approche ne tient pas les différents systèmes responsables d’avoir créé et perpétué des préjudices qui pourraient prendre les formes suivantes :
1) Il n’y a pas d’approche universelle. L’identité – comme la race, le genre, la sexualité, les habiletés, la classe sociale et la foi – doit être au cœur même des démarches de mieux-être.
2) Évitez d’adopter une approche qui attribue à l’individu la source et la solution à son bien-être et adoptez plutôt une approche systémique. Cela signifie d’identifier et d’ébranler les structures et les politiques qui ont des effets disproportionnés sur l’accès à des ressources, les possibilités et les résultats des élèves et du personnel racisés.
3) Tissez des liens significatifs avec les élèves, employés, familles et communautés pour comprendre leur expérience des préjudices institutionnels (p. ex., placement dans un pensionnat indien).
4) Intégrer de nombreuses interprétations et approches du bien-être qui valorisent les besoins physiques, sociaux, affectifs, cognitifs et spirituels des enfants et du personnel.
En omettant de reconnaître la profondeur et l’ampleur du racisme systémique, nous concentrons notre attention sur les symptômes et non sur les causes fondamentales de la réussite et du bien-être. Nous nous attendons à ce que les élèves et les employés surmontent individuellement les nombreux obstacles structurels qui leur barrent la route. Les écoles qui adoptent une approche systémique s’attardent plutôt à cerner et à modifier les façons dont les préjugés contre les Noirs et les Autochtones et d’autres formes de racisme se répercutent sur le bien-être des élèves et du personnel. Chaque élève et chaque éducateur méritent de se sentir en sécurité, appréciés et membres à part entière de leur école.
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En 2015, les 193 pays faisant partie des Nations Unies, des scientifiques et des leaders politiques ont convenu de collaborer pour réaliser les objectifs de développement durable d’ici 2030. Les ODD se composent de 17 objectifs qui visent à instaurer la paix et la prospérité aux quatre coins du monde en s’attaquant à des questions urgentes comme les changements climatiques, la qualité de l’éducation et la pauvreté. Si on ne s’attaque pas à ces questions, elles auront probablement des conséquences dévastatrices sur la population et notre planète. Par exemple, on s’attend à ce que les changements climatiques entraînent, de notre vivant, des défis mondiaux qu’aucun pays ne pourra régler à lui seul. Comme une proportion d’environ 42 % de la population est âgée de moins de 25 ans, les enfants et les jeunes sont les plus susceptibles de subir les répercussions de ces problèmes. L’école est donc un endroit idéal pour se familiariser avec les ODD.
Lorsque vous planifiez les activités et discussions en classe, intégrez un seul ou quelques ODD pour commencer. De plus, les ODD sont jumelés à des « cibles mondiales » qui les rendent plus faciles à aborder.
Les enjeux mondiaux soulèvent souvent l’intérêt des élèves, et les ODD leur offrent un moyen de devenir des citoyens du monde dynamiques. Profitez de l’occasion pour vous informer sur les passions de vos élèves et prévoyez des activités, des projets et des discussions qui vont dans ce sens.
Les ODD peuvent enrichir le programme scolaire en renseignant les élèves sur les enjeux mondiaux et en présentant les points de vue de personnes vivant à l’étranger, qui sont rarement abordés dans les programmes d’études nationaux. Les enseignants ont accès à de nombreuses ressources où ils pourront puiser du contenu pour enseigner différents thèmes liés aux ODD.
Il existe des programmes qui vous permettent de collaborer avec d’autres classes de votre région ou d’autres pays afin de monter des projets qui abordent les enjeux mondiaux. Cela donne aux élèves une belle occasion d’acquérir des connaissances auprès d’élèves ayant une perspective différente et de constater les répercussions de leurs actions sur d’autres personnes, même à l’autre bout du monde.
Dans un univers de plus en plus interconnecté où les décisions locales et régionales peuvent avoir un impact sur les économies, les politiques et les sociétés de toute la planète, il est d’autant plus important pour les pays de trouver des moyens de coopérer pour remédier aux problèmes qui nous affectent tous. L’enseignement des ODD offre de précieuses occasions d’apprentissage et encourage les élèves à explorer leur rôle dans la résolution des problèmes locaux, régionaux et mondiaux. Les enfants et les jeunes d’aujourd’hui sont les électeurs et les leaders de demain; il faut donc leur permettre d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour prendre des décisions éclairées dans un monde de plus en plus complexe. Les ODD fournissent un cadre idéal pour y parvenir.
Étant donné la complexité sans cesse croissante du paysage financier (remboursement de dettes, hypothèque, marge de crédit, épargne-retraite), les enfants et les adolescents doivent posséder un vaste éventail de compétences et de connaissances pour prendre des décisions financières éclairées qui leur serviront toute leur vie. L’école est le lieu par excellence pour renforcer les compétences financières des élèves à l’aide entre autres de leçons pratiques. D’après les études, l’éducation financière semble améliorer la confiance financière et favoriser les comportements positifs, tels que l’épargne et les placements, qui permettent d’avoir le contrôle de ses finances et la liberté de faire des choix pour profiter de la vie.
Les compétences financières sont un sujet complexe, mais en l’abordant tôt avec les enfants, on peut les aider à comprendre la valeur de l’argent. On peut par exemple leur demander ce qu’ils achèteraient s’ils économisaient leur argent plutôt que de le dépenser en jouets ou en gâteries. Des expressions imagées du style « L’argent ne pousse pas dans les arbres, mais en le mettant à la banque il peut pousser comme un arbre » sont une bonne façon d’aborder l’argent avec les jeunes enfants.
L’apprentissage par la pratique et la rétroaction, surtout la rétroaction négative, donne de meilleurs résultats que l’apprentissage tiré d’un livre. Vous pouvez, par exemple, créer de fausses cartes de crédit ou un portefeuille de placements factice dont les élèves suivront l’évolution. Les parents peuvent aussi impliquer leurs enfants dans le suivi des dépenses et des comptes, ce qui peut leur donner de bonnes habitudes financières.
L’éducation financière peut facilement être intégrée à des matières déjà au programme comme les mathématiques et les sciences sociales. Les jeux vidéo et les applications peuvent rendre l’expérience plus interactive pour les jeunes et leur permettre d’apprendre comment prendre de bonnes décisions, de recevoir une rétroaction et de comprendre les conséquences de leurs choix (positifs et négatifs).
Les élèves devront sous peu prendre leurs propres décisions financières. Les deux dernières années du secondaire sont un bon moment pour aborder entre autres les cartes de débit, les comptes à payer, les dettes, le budget et l’épargne. C’est aussi le temps d’approfondir les discussions et d’aborder les tabous sociaux et culturels autour de l’argent qui nous empêchent souvent d’aborder le sujet (p. ex., les croyances selon lesquelles ces discussions nous rendent vulnérables et nous exposent au jugement). En encourageant l’ouverture, vous favorisez une meilleure confiance dans les décisions financières.
Le renforcement des connaissances financières chez les élèves est non seulement essentiel à la compréhension de leurs finances personnelles, mais aussi à leur futur rôle dans l’économie locale et mondiale en tant que consommateurs, employés et employeurs. Les enseignants et les parents ont un rôle important à jouer pour munir les élèves du savoir et des compétences nécessaires à la prise de saines décisions financières. L’établissement d’objectifs simples, adaptés à l’âge des enfants et axés sur la valeur de l’argent, l’importance d’un budget et de l’épargne ainsi que sur l’évaluation des conséquences des décisions financières, préparent les élèves à devenir des adultes confiants sur le plan financier.
Child and Youth Finance International: https://childfinanceinternational.org/
Financial Literacy in Canada: https://www.canada.ca/en/financial-consumer-agency/programs/financial-literacy.html
Global Financial Literacy Excellence Centre: https://gflec.org/
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Le Centre de services scolaire Marguerite Bourgeoys (CSSMB) est situé dans l’ouest de la ville de Montréal. Avec plus de 100 écoles et établissements, il s’agit du 2e plus important centre de services scolaire (CSS) au Québec. Notre territoire est divisé en sept réseaux. Chacun de ces regroupements accueille une ou deux écoles secondaires et leurs écoles primaires nourricières. Cette structure assure la cohérence des interventions auprès des clientèles vivant dans des secteurs relativement homogènes. Les cadres et les pédagogues des deux niveaux entretiennent des liens étroits, lesquels facilitent le passage des élèves du primaire au secondaire. Un exemple parmi d’autres dans le cadre de l’activité Amène ton parent au théâtre, des élèves du primaire, accompagnés de leur mère ou de leur père, sont invités à une activité sur la prévention de l’intimidation présentée par des élèves du secondaire.
Le CSSMB compte par ailleurs sur l’éclairage d’une petite équipe de statisticiennes qui suivent de près des centaines d’indicateurs, notamment ceux liés aux 17 cibles inscrites au Plan d’engagement vers la réussite (PEVR). Cette information est précieuse puisqu’elle nous permet d’identifier rapidement les zones de vulnérabilité scolaires et sociales de notre clientèle et d’y réagir.
Les activités réalisées dans les 102 établissements du CSSMB recoupent plusieurs des 17 objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations Unies. Dans le cadre de cet article, nous insistons particulièrement sur le quatrième objectif : Accès à une éducation de qualité.
Au Québec, la clientèle scolaire a beaucoup changé au cours des dernières décennies, particulièrement à Montréal. Dans les écoles primaires et secondaires du CSSMB, plus de 80 % des élèves sont issus de l’immigration de première ou de deuxième génération. Cette diversité génère différents défis au regard de l’organisation des services éducatifs. Par exemple, en ce qui a trait aux nouveaux arrivants, bon nombre ne maîtrisent pas le français à leur arrivée, leur nouvelle langue de scolarisation et de socialisation. À titre d’exemple, au cours de l’année scolaire 2019-2020, 4 500 élèves fréquentaient des classes d’accueil, une structure dont l’objectif est de soutenir l’apprentissage du français en plus de l’intégration scolaire et sociale des jeunes non francophones.
Dans l’espoir d’offrir une éducation de qualité à tous (ODD 4), notamment à des jeunes aux bagages culturels et aux parcours de vie diversifiés, il faut repenser la façon de donner accès aux services éducatifs. La démarche demande une réflexion de fond, des outils adaptés et, ultimement, une révision des pratiques. Nous avons relevé le défi puisque nous avons atteint le meilleur taux de diplomation et de qualification des CSS québécois. Pas mal pour un Centre où les élèves parlent plus de 150 langues maternelles différentes !
Afin de bien orchestrer les actions de tous les experts qui interviennent auprès des élèves, nous nous sommes dotés de référentiels et de cadres de référence qui définissent le rôle de chacun. Ceux-ci sont inspirés de la recherche dans différents domaines afin d’intégrer et d’appliquer les meilleures pratiques. En 2015, nous avons publié le référentiel Vivre-ensemble en français. Celui-ci « présente les principes directeurs qui s’inscrivent dans l’apprentissage du vivre-ensemble en français, il clarifie certains concepts importants et fournit des outils pour mieux orienter les actions » (CSMB, 2015, p.9) en lien avec la prise en compte de la diversité à l’école, un aspect indissociable de l’accès à une éducation de qualité pour tous.
La somme de nos référentiels et cadres de référence permet de mettre en œuvre une vision commune de ce que doit être une organisation qui soutient le parcours scolaire de l’ensemble de ses élèves, soit notre objectif principal. Ces outils instaurent une culture de responsabilisation et de collaboration entre les intervenants qui travaillent à soutenir la réussite de tous. Ainsi, l’enseignement et le suivi des apprenants ne reposent pas sur les épaules d’une seule personne.
Par ailleurs, certains de nos référentiels s’inspirent du modèle d’intervention en paliers. Cette approche, aussi connue sous l’appellation « Réponse à l’intervention » (RAI), s’organise autour de la prévention des difficultés et d’un système d’identification et de soutien à la réussite pour tous les élèves (Bissonnette et al., 2020).
La réussite éducative englobe la réussite scolaire. Elle va ainsi au-delà de la diplomation et de la qualification en tenant compte de l’atteinte du plein potentiel de la personne dans ses dimensions intellectuelles, affectives, sociales et physiques. Elle vise l’apprentissage de valeurs, d’attitudes et de responsabilités qui formeront des citoyens responsables, prêts à jouer un rôle actif dans la société (Gouvernement du Québec, 2017).
Comme il a été souligné plus haut, la diversité ethnoculturelle et linguistique est omniprésente chez nos élèves ; notre personnel reflète également cette diversité de plus en plus. Assurément enrichissante, cette réalité soulève différents enjeux au quotidien. C’est pourquoi le Centre d’intervention pédagogique en contexte de diversité (cipcd.ca) a été créé en 2012, s’inscrivant d’abord dans l’orientation « Vivre ensemble en français » de notre Plan stratégique 2014-2018, puis dans l’orientation « Assurer un milieu de vie inclusif et accueillant, ouvert sur le monde et l’avenir » du PEVR 2018-2022. La création du CIPCD constitue une initiative novatrice puisque nous sommes le seul CSS à avoir notre propre centre de recherche appliquée affilié à différents partenaires.
Le CIPCD est composé de six groupes de travail ayant un champ d’action respectif s’intéressant aux enjeux de la diversité ethnoculturelle et linguistique en contexte scolaire. Un chercheur universitaire et un conseiller pédagogique ou un cadre du CSSMB sont assignés à chacun de ces groupes qui poursuivent trois mandats principaux : la recherche, le transfert de connaissances scientifiques ainsi que la formation.
Champ d’action 1 : L’enseignement du français en milieu pluriethnique et plurilingue
Depuis 2012, différents projets ont été conduits afin de répondre aux enjeux du CSSMB en matière de diversité. Le groupe 1 a été créé en raison de la grande diversité linguistique parmi nos effectifs scolaires. En effet, pour plus de 60 % des élèves inscrits au primaire et au secondaire, le français n’est pas la langue maternelle. Ce groupe de travail oriente ses activités autour de la problématique générale de l’adaptation des pratiques pédagogiques dans le champ de l’enseignement du français à des apprenants bilingues et plurilingues pour qui le français est la langue seconde, voire la langue tierce.
En 2015, le chantier VII de formation continue Intervenir en milieu pluriethnique et plurilingue auprès de jeunes enfants du préscolaire et des services de garde a été amorcé. Cette initiative a permis, entre autres, de sensibiliser et de former des membres de notre personnel scolaire à l’importance de tenir compte des différentes langues parlées par les élèves (ex. : Festival « Pluri-Pluri »). Ce chantier a modifié nos perceptions en matière de prise en compte des langues d’origine et de pratiques inclusives à cet égard.
Champ d’action 2 : La réussite scolaire et les relations école-famille-communauté
Comme nous l’avons souligné plus haut, plus de 80 % de nos élèves sont issus de l’immigration de 1re ou de 2e génération. Pour différentes raisons liées à leur parcours migratoire ou à celui de leurs parents, ces derniers peuvent vivre un cumul de vulnérabilités sociales ou scolaires. Le groupe de travail 2 concentre ses activités autour d’une double problématique : la réussite scolaire d’une part et les relations école-famille-communauté de l’autre.
Au cours des dernières années, le groupe a conduit différentes activités. Plusieurs chercheurs associés au CIPCD ont mené une étude intitulée L’impact du climat interculturel des établissements sur la réussite éducative des élèves issus de l’immigration. Cette étude visait notamment à évaluer l’état du climat interculturel dans plusieurs écoles multiethniques québécoises (dont deux au CSSMB) ainsi que l’exploration de l’impact de ce climat sur la réussite éducative des élèves issus de l’immigration. Ultimement, il s’agira d’élaborer un outil diagnostique permettant aux directions d’évaluer le climat interculturel de leur établissement, un aspect indispensable à considérer pour soutenir la réussite éducative des élèves issus de l’immigration.
Champ d’action 3 : Les populations immigrantes vulnérables et l’intervention psychosociale en milieu scolaire
À leur arrivée dans le système scolaire québécois, les élèves immigrants récents amènent avec eux un bagage parfois constitué de deuils et de traumatismes. Le groupe de travail 3 s’intéresse à leur bien-être psychologique et à la réussite scolaire, plus particulièrement à ceux qui sont en souffrance psychologique.
Au cours de l’année scolaire 2016-2017, un projet de recherche-action a permis de mieux comprendre les parcours d’intégration sociale et scolaire de jeunes réfugiés syriens. Des groupes de parole ont été formés dans des classes d’accueil afin de soutenir le développement du bien-être et du sentiment d’appartenance chez ces élèves. À l’issue du projet, un guide qui s’adresse à l’ensemble des praticiens scolaires, Mener des groupes de parole en contexte scolaire (2017), a été publié. À l’heure actuelle, des professionnels de plusieurs de nos écoles le déploient et soutiennent la tenue de tels groupes afin que des élèves puissent s’exprimer sur différents thèmes tels que la mort ou la violence. Ils visent à soutenir le bien-être psychologique des jeunes à l’école et, conséquemment, leur réussite éducative.
Champ d’action 4 : l’éducation inclusive et le rapprochement interculturel
Le groupe 4 a été créé parce que la diversité qui caractérise notre CSS suscite des enjeux au niveau des relations interpersonnelles. Ses travaux se concentrent sur l’actualisation du vivre-ensemble en milieu scolaire, notamment en explicitant les fondements de la perspective inclusive. Il s’intéresse également aux activités dites de rapprochement interculturel et se propose de documenter leur impact.
En 2015, ce groupe de travail a élaboré un guide pédagogique qui offre des pistes au personnel scolaire qui souhaite Aborder les sujets sensibles avec les élèves. Cet outil pratique peut être employé au quotidien pour discuter de thèmes, en lien ou non avec la diversité, qui suscitent des malaises ou des débats parfois houleux en contexte scolaire.
Champ d’action 5 : L’intégration socioprofessionnelle du personnel issu de l’immigration récente et les relations de travail en milieu pluriethnique
De plus en plus de membres du personnel du CSSMB ont été formés ailleurs qu’au Québec, une réalité qui soulève des enjeux à l’égard de l’intégration socioprofessionnelle et du climat scolaire. Au cours des dernières années, des enseignants ont suivi une formation de « pairs mentors » pour soutenir l’accueil de collègues formés hors Québec, puis des directions d’école ont été invitées à une séance de sensibilisation sur cette thématique. Des enseignants formés à l’étranger ont également participé à des entretiens de groupe pour comprendre davantage leur parcours (défis, leviers). Enfin, les travaux ont favorisé la publication d’un guide à l’intention des directions d’établissement pour Faciliter l’intégration socioprofessionnelle du personnel enseignant formé à l’étranger (2019).
Groupe d’action 6 : Les jeunes et les adultes issus de l’immigration en formation professionnelle
La diversité ethnoculturelle et linguistique est aussi de plus en plus présente en formation professionnelle (FP) et soulève différents enjeux propres à ce secteur d’enseignement. Outre l’étude des trajectoires d’élèves issus de minorités ethnoculturelles en FP, les membres de ce groupe s’intéressent aux difficultés vécues par ces élèves dans l’acquisition de compétence et dans l’intégration au marché du travail. Au cours des dernières années, ce groupe a encadré la réalisation de projets qui ont permis de mieux comprendre la réalité que vivent des jeunes issus de l’immigration et de revoir leurs pratiques d’accompagnement au niveau de l’intégration, par exemple dans les milieux de stage.
***
En quelques décennies, la composition de nos salles de classe s’est métamorphosée. Les Bertrand, Roberge et Lauzon côtoient maintenant les Traoré, Chang et Hernandez, notamment en raison de la Charte de la langue française en vertu de laquelle la majorité des élèves nouveaux arrivants sont tenus de s’inscrire dans les écoles francophones. Ces derniers viennent de partout dans le monde. À leur arrivée, bon nombre passent une ou deux années dans une classe d’accueil où ils découvrent la langue de Félix Leclerc, avant de se joindre à une classe ordinaire où ils connaîtront le succès.
Nous nous sommes donné les moyens d’y arriver, notamment en multipliant les alliances avec des milieux universitaires qui trouvent chez nous un vaste champ d’expérimentation et qui, en retour, partagent leur savoir. Les résultats sont éloquents : au terme de l’année scolaire 2019-2020, le taux de réussite et de qualification de nos élèves dépasse par 10 points celui de l’ensemble des CSS francophones du Québec. Il semble raisonnable de penser que nous fassions bien les choses !
Photo : Adobe Stock
Lisez les autres articles de ce numéro
Bissonnette, S., Bouchard, C., St-Georges, N., Gauthier, C. et Bocquillon, M. (2020). Un modèle de réponse à l’intervention (RàI) comportementale : le soutien au comportement positif (SCP). Enfance en difficulté, 7, 129–150.
Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (2015). Référentiel d’accompagnement Vivre-ensemble en français. Montréal (Québec) : Service des ressources éducatives.
https://www.csmb.qc.ca/~/media/Files/PDF/CSMB/veef/Referentiel_Vivre-ensemble.ashx
Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (2018). Plan d’engagement vers la réussite 2018-2022. Montréal (Québec) : https://www.csmb.qc.ca/fr-CA/csmb/pevr.aspx
Festival « Pluri-Pluri » à l’école Terre-des-jeunes :
https://www.elodil.umontreal.ca/videos/presentation/video/eveil-aux-langues-et-aux-cultures-a-lecole-ter/
Gouvernement du Québec. (2017). Politique de la réussite éducative : Le plaisir d’apprendre, la chance de réussir. Québec (Québec) : ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/politiques_orientations/politique_reussite_educative_10juillet_F_1.pdf
Hirsch, S., Audet, G., et Turcotte, M. (2015). Aborder les sujets sensibles avec les élèves — Guide pédagogique. Montréal (Québec) : Centre d’intervention pédagogique en contexte de diversité de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys. https://cipcd.ca/wp-content/uploads/2014/04/CSMB_-Guide_sujets-sensibles_final.-1.pdf
Amène ton parent au théâtre :
https://www.mfa.gouv.qc.ca/fr/intimidation/prix/Pages/Ecoles-secondaires-Saint-Georges-Saint-Laurent-2018.aspx
Morrissette, J. (2019). Faciliter l’intégration socioprofessionnelle du personnel enseignant formé à l’étranger. Guide à l’intention des directions d’établissement. Montréal (Québec) : Centre d’intervention pédagogique en contexte de diversité de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys.
https://cipcd.ca/wp-content/uploads/2014/04/GuideFaciliterInte%CC%81gration_VF_HauteRe%CC%81so_190708_pagesSimples.pdf
Papazian-Zohrabian, G., Lemire, V., Mamprin, C., Turpin-Samson, A. et Aoun, R. (2017). Mener des groupes de parole en contexte scolaire. Guide pour les enseignants et les professionnels. Montréal (Québec) : Centre d’intervention pédagogique en contexte de diversité de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys et Université de Montréal.
https://cipcd.ca/wp-content/uploads/2014/04/Mener-des-groupes-de-parole-en-contexte-scolaire-Guide-pour-les-enseignants-et-les-professionnels.pdf
Dans son petit village de Bades, près de la Méditerranée, Fatima sait que les plastiques rejetés sur la plage finissent parfois dans l’estomac des poulets qu’elle apprête pour sa famille. L’enseignante du projet « Ressacs sans plastiques » (Rahmani, Pruneau et coll., soumis) lui a aussi appris que plusieurs animaux marins ingurgitent ces plastiques et en deviennent malades. Ainsi, Fatima, membre d’une coopérative artisanale locale, cherche et cherche des solutions à ce problème. Le défi est grand car sa coopérative a décidé de créer des produits faits de plastiques usagés qui, en plus, seraient commercialisables. Fatima a pensé à rembourrer des jouets avec des retailles de plastique. Elle publie son premier prototype d’oiseau-jouet sur le groupe Facebook du projet « Ressacs » pour obtenir une rapide évaluation du produit. Pour fabriquer son prototype, Fatima s’est inspirée d’une de ses amies qui avait rembourré des bijoux en tissu avec des sacs plastiques.
D’autres femmes ont fabriqué des sacs réutilisables pour emballer les produits de la coopérative. Des assiettes en plastique recouvertes de tissu et de broderies ont aussi été proposées comme solutions. Enfin, à plusieurs reprises, la coopérative a soulagé la plage des déchets plastiques provenant du village, de la rivière et des courants marins. La résolution du problème des plastiques, toujours en opération à Bades, sera terminée quand les prototypes de remplacement et de réutilisation des plastiques auront été évalués et améliorés pour répondre au défi posé par les Femmes Bades : Comment pourrait-on diminuer les plastiques sur notre plage tout en inventant de nouveaux produits commercialisables?
La démarche de résolution de problèmes, vécue dans le projet « Ressacs sans plastiques » avec de jeunes artisanes, se nomme la pensée design. Cette démarche, proposée en 2006 par IDEO, une firme d’innovation en Californie, est une façon créative et collaborative de travailler durant laquelle les solutions sont nombreuses, l’expérimentation arrive rapidement et les besoins des usagers sont pris en compte. Initialement employée pour créer des produits commerciaux, la pensée design est aujourd’hui mise à profit par des organisations (IDEO.org et d.school, aux États-Unis) et à l’école (Design for Change, en Inde), pour inventer des solutions qui améliorent la qualité de vie et l’environnement. Appliquée en sciences, en sciences humaines ou en éducation à l’environnement, la pensée design offre des occasions d’analyser des problèmes locaux et de leur trouver des solutions qui s’arriment avec les objectifs du développement durable (UNESCO, 1995) : créer des communautés durables (objectif 11), combattre le changement climatique (objectif 13), protéger les écosystèmes terrestres (objectif 15), etc. De plus, grâce à la pertinence et à la richesse de son processus, la pensée design appuie l’acquisition de plusieurs compétences globales : pensée critique, résolution de problèmes, innovation, créativité, etc.
À titre d’exemple, de jeunes élèves affiliés à l’organisation Design for Change, ont inventé, à partir de matériaux recyclés, des avions téléguidés qui transportent et laissent tomber des graines pour reverdir les terrains voisins de leur école. D’autres élèves, aussi inspirés par Design for Change, ont installé une rampe d’accès pour permettre aux élèves vivant avec un handicap d’accéder à l’autobus scolaire au lieu de faire appel aux transports adaptés, afin que ces derniers puissent participer aux sorties éducatives. Ils ont aussi aidé les élèves marginalisés à se faire des amis dans l’autobus. La philosophie de Design for Change est soutenue par le concept de « Je peux le faire! ».
La pensée design chemine selon des étapes déterminées mais non linéaires où s’entrecroisent des actions de va-et-vient (itération), avec l’ultime intention d’apporter un changement transformateur. Les étapes que nous présentons ici (voir figure 1) sont inspirées principalement de Brown (2009) et de Scheer, Noweski et coll. 2012).
La pensée design est une approche itérative, centrée sur les besoins des usagers, tout en étant concrète et flexible quant aux essais et erreurs. L’approche mise sur l’empathie et l’optimisme des utilisateurs. Divergent puis convergent, le processus est centré sur les besoins humains. La pensée design n’est pas linéaire puisque l’attention des solutionneurs circule entre l’espace-problème et l’espace-solution, alors que l’empathie pour les besoins des usagers s’accroit et que la solution gagnante se raffine. Comparativement à une approche d’investigation scientifique traditionnelle, la pensée design s’intéresse tant au problème qu’aux solutions. Dans l’espace-problème, on accorde une grande importance à la définition du problème selon le vécu et la situation des usagers. L’équipe des solutionneurs investit beaucoup de temps à observer la situation-problème et les comportements des usagers in situ. L’approfondissement et la construction des connaissances au sujet du problème sont essentiels à l’efficacité du processus. Dans l’espace-solution, les solutionneurs cherchent une multitude de pistes possibles en élaborant des plans et en façonnant des prototypes. Les prototypes, réalisés rapidement, sans chercher la perfection, agissent comme des « terrains de jeux » pour discuter et apprendre à propos de certaines solutions. Ainsi, le problème et les solutions co-évoluent en constante interaction.
La pensée design a été récemment présentée comme une démarche pédagogique motivante et efficace pour résoudre des problèmes locaux avec les élèves du primaire et du secondaire. En réponse à des défis écologiques locaux réels, les élèves profitant de cette démarche pourraient être invités à inventer ou à planifier :
En mettant à profit la pensée design, les enseignants participeraient, avec leurs élèves, à la poursuite des Objectifs du Développement Durable (ODD), tels que définis par les Nations Unies en 2015. Ces objectifs comprennent 17 domaines d’action visant, par exemple, à maintenir la vie (humaine et non humaine), à mettre fin à la pauvreté et à atteindre la justice sociale. Dans le cas de l’exemple du projet « Ressacs sans plastiques », présenté en introduction, le travail des artisanes s’est concentré principalement sur l’Objectif 14 : Conserver et exploiter de manière durable les océans, les mers et les ressources marines. Dans les exemples de problèmes à résoudre proposés ci-haut pour les élèves du primaire et du secondaire, les ODD touchés seraient, entre autres, les objectifs 2 (santé), 6 (qualité de l’eau), 11 (villes résilientes et saines), 12 (comportements soucieux de l’environnement), 13 (changements climatiques) et 15 (écosystèmes terrestres).
La nature du développement durable, sa signification et les actions assurant sa réalisation commencent à émerger. Parmi les initiatives émergentes de durabilité, notons l’alimentation lente (Petrini, 2006), le design de conservation (Arendt, 2010), le Smart Growth (Duany et coll., 2010), les villes écologiques (Register, 2016) et la restauration de la biodiversité (El Jai et Pruneau, 2015). Les praticiens de l’alimentation lente prennent le temps de partager une nourriture locale « propre », avec des personnes de leur communauté. En design de conservation, les planificateurs urbains, en développant un nouveau quartier, répertorient initialement sur le site les trésors naturels et culturels, puis concentrent les bâtiments à l’extérieur des lieux abritant ces trésors. Les tenants du Smart Growth et des villes écologiques emploient diverses techniques pour réutiliser l’eau de pluie, ralentir le trafic automobile, densifier les zones habitées ou favoriser l’accès universel à des parcs. Les mesures de restauration de la biodiversité sont quant à elles variées : passages fauniques, murs végétaux, toits verts, haies de biodiversité, écogites pour insectes, batraciens et petits mammifères. À travers ces initiatives de durabilité, les systèmes, les structures et les pratiques sont modifiés par rapport au passé, dans le but ultime de régénérer les systèmes naturels qui assurent la vie des humains et des autres êtres vivants.
La pensée design permet aux élèves de contribuer à ce mouvement vers la durabilité, avec leurs idées personnelles, en collaboration avec leur classe. La nature complexe des problèmes à résoudre en environnement s’accorde bien avec la pensée design. Cette démarche d’investigation se solde par des solutions plus adéquates, car elle invite les élèves à définir des problèmes complexes sous divers angles (sociaux, scientifiques et environnementaux), leur permettant d’élargir l’espace-problème avant de chercher des solutions. Selon nos essais sur le terrain, la pensée design détient le pouvoir de favoriser le travail collaboratif des élèves, tout en développant leur intérêt pour la problématique étudiée et en renforçant leurs compétences de haut niveau : créativité, empathie, pensée critique et résolution de problèmes (Pruneau et coll. 2019). Le processus itératif de la pensée design convie les apprenants à s’interroger, à chercher de l’information, à collaborer avec leurs pairs et avec la communauté, à proposer des idées concrètes, à tester et modéliser des solutions, tout en tenant compte des besoins des usagers. C’est à travers ce processus dynamique que se développent leurs compétences de durabilité.
En outre, si les solutions découlant de la pensée design se concrétisent, les apprenants développent une confiance en leurs capacités d’action. D’autres bénéfices en éducation, surtout pour le travail d’équipe, ont été mentionnés par des organisations spécialisées dans ce domaine : des discussions enrichies par la participation d’une diversité de solutionneurs, une communication améliorée, une compréhension partagée du vocabulaire utilisé et une plus grande cohésion (Pruneau et coll., 2019).
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Photos fournies par le groupe d’auteurs
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Arendt, R. (2010). Envisioning better communities. Seeing more options, making wiser choices. New York : Routledge.
Brown, T. (2009). Change by design: How design thinking transforms organizations and inspires innovation. New York : Harper Collins.
Duany, A. Speck, J. et Lydon, M. (2010). The Smart Growth manual. New York : Mc-Graw-Hill.
El Jai, B. et Pruneau, D. (2015). Favoriser la restauration de la biodiversité en milieu urbain : les facteurs de réussite dans le cadre de quatre projets de restauration. VertigO, 15(3).
Petrini, C. (2006). Slow Food, manifeste pour le goût et la biodiversité. Paris : Yves Michel.
Pruneau, D. (Dir.). (2019). La pensée design pour le développement durable. Applications de la démarche en milieux scolaire, académique et communautaire. Moncton, NB : Université de Moncton, Groupe Littoral et vie. Disponible gratuitement en ligne, en français et en anglais : https://competi.ca/ et : https://lel.crires.ulaval.ca/categorie/guidesoutils-pedagogiques.
Rahmani, Z., Pruneau, D. et Khattabi, A. (soumis). La pensée design et Facebook comme outils pédagogiques pour accompagner des femmes dans la résolution d’un problème de pollution plastique au Maroc. VertigO.
Register, R. (2016). World rescue: An economics built on what we build. Oakland, California : Ecocity Builders.
Scheer, A., Noweski, C. et Meinel, C. (2012). Transforming constructivist learning into action: Design thinking in education. Design and Technology Education: An International Journal, 17(3).
1 Abdellatif Khattabi, Zakia Rahmani, Michel Léger, Boutaina El Jai, Liliane Dionne, Vincent Richard, Viktor Freiman, Natacha Louis, Anne-Marie Laroche et Maroua Mahjoub
Selon des données récentes de l’Ontario, plus du tiers des élèves de la 7e année à la fin du secondaire déclarent éprouver une détresse psychologique allant de modérée à grave, et ce pourcentage ne cesse d’augmenter. Malgré cela, 39 % des élèves déclarent confier rarement, sinon jamais, à leurs parents leurs problèmes ou sentiments. Cela n’est pas surprenant, sachant qu’à l’adolescence, les jeunes recherchent davantage le soutien de leurs amis que celui de leurs parents. Pourtant, ceux-ci jouent un rôle prépondérant dans le bien-être de leur enfant.
Les parents ont tendance à vouloir donner des conseils à leur enfant ou à régler ses problèmes émotionnels. Ils doivent plutôt écouter ce qu’il/elle leur dit, essayer de comprendre son point de vue et valider ses sentiments, sans toutefois cautionner des comportements malsains ou préjudiciables. Par exemple, plutôt que d’ignorer son irritation (p. ex., « Il n’y a pas de quoi t’énerver parce que tu n’as pas ton téléphone »), les parents peuvent la valider (p. ex. « Je sais que tu es fâché de ne pas avoir ton téléphone »).
Enfants et parents ont une vie bien remplie, ce qui signifie qu’ils manquent de temps pour passer des moments de qualité ensemble.. Trouver le temps pour renforcer les connections et avoir des interactions positives (p. ex., lors des repas en famille ou les trajets en voiture) est alors essentiel au bien-être. Concentrez-vous sur ces moments pour avoir des conversations et des rétroactions positives, et évitez la critique, qui risque d’avoir des effets négatifs sur l’estime de soi et l’humeur.
Les parents doivent savoir où se trouve leur enfant et connaître ses amis, car il est reconnu que cela le/la protège contre bon nombre de comportements à risque (p. ex., consommation d’alcool ou de drogues).
Il est prouvé qu’un style parental strict favorise un développement sain. Cela implique à la fois des exigences élevées (p. ex., fixer des limites aux comportements de leur enfant) et beaucoup d’écoute (p. ex., une attention chaleureuse et sensible). Lorsqu’ils imposent des limites, il est important que les parents expliquent leur raisons plutôt que d’utiliser le ton de la punition (p. ex., « Fais ce que je te dis…, sinon…. ») ou d’user de leur pouvoir (p. ex., « Pourquoi? Parce que. »).
Dès leur plus jeune âge, les enfants apprennent à s’adapter aux événements en observant leurs parents. La meilleure façon pour les parents d’enseigner à leur enfant ou adolescent à gérer le stress, à surmonter les échecs et à prendre soin de leur santé mentale consiste à leur en donner l’exemple.
La recherche montre que la qualité d’une relation parent-enfant peut avoir un impact significatif – positif ou négatif – sur la santé mentale et le bien-être de l’enfant. Bien que les enfants d’école intermédiaire ou secondaire aient plus tendance à rechercher l’aide de leurs groupe d’amis, il est important que les parents continuent de soutenir et de promouvoir le bien-être de leur enfant en fixant des limites saines, en donnant l’exemple de bonnes stratégies d’adaptation et en ayant des conversations ouvertes qui valident les sentiments de leur enfant.
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