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Bienêtre, Équité, Recherche

Lettre ouverte à la COVID-19

Très cher coronavirus,

 

Je parie que toi-même tu t’étonnes de tous les chambardements que tu as causés, et que tu causes encore, dans les systèmes d’éducation du monde entier.

Ton estime personnelle doit se trouver à son sommet considérant la prolifération de nouvelles politiques de santé publique, les consignes sanitaires, les commandes de matériel de prévention et tout le brouhaha de la vaccination des élèves, du personnel scolaire, des parents.

Lorsque tu t’es manifesté, aurais-tu pensé, ne serait-ce qu’un instant, que tu aurais autant de répercussions? Au Canada, tu t’es propagé à un moment où l’école était déjà ébranlée par un manque de motivation notable des élèves, par un personnel scolaire fatigué, par des départs à la retraite en masse. Des pénuries de suppléants se pointaient déjà à l’horizon, allant parfois jusqu’à annuler les si précieuses journées de formation pour un personnel appelé à composer avec des besoins qui se complexifiaient de jour en jour. Et toi, COVID-19, tu as choisi ce moment-là pour t’installer!

Jamais avions-nous assisté à une telle créativité lexicale avec un nouvel arrivant : couvre-visage, coude-à-coude, écouvillons, immunité collective, délestage, asymptomatique, cas confirmés par liens épidémiologiques, comorbidité et combien d’autres encore. Le domaine scolaire a hérité de sa bonne part de néologismes d’occasion : contagiosité, distanciation, groupes-bulles, auto-isolement, doses de rappel, apprentissage en mode synchrone et asynchrone, en présentiel, partage d’écran, salle virtuelle, cotravail à domicile…

Ce numéro d’avril montre que malgré cet éboulis de nouveaux termes auxquels les jeunes ont été exposés, les élèves les plus faibles au primaire accuseraient vraisemblablement d’importants retards en lecture, tandis que les plus forts ne se seraient pas trop laissés ébranler par tes humeurs pandémiques (Côté, Haeck, Larose et coll.), (p. 18).

Dans le domaine de l’évaluation, la recherche déplore le manque de données prépandémiques pour donner plus de validité à leurs études. Tout un paradoxe, car la période prépandémique souffrait selon certains d’un surplus d’évaluations! Qu’évaluait-on au juste pour que maintenant, il nous manque des données pour se comparer à avant?

Deslandes Martineau, Charland et coll. (p. 32) ont recueilli les perceptions du personnel scolaire quant aux effets que tu as eus sur les élèves. Verdict général : ta propagation aurait eu plus d’effets sur les compétences disciplinaires (math, français, sciences…) au primaire et davantage d’effets sur les habiletés scolaires (attention, organisation, résolution de problèmes) au secondaire.

Les élèves francophones auraient subi de façon mitigée les effets de ton invasion. (p. 10). Il est connu qu’en contexte minoritaire francophone au pays, l’école joue souvent le rôle compensatoire pour l’absence de services, de possibilités et de modèles langagiers en langue française. Selon Dalley, en fermant les écoles à répétition au point d’en altérer les systèmes de soutien nécessaires au perfectionnement d’une langue, tu aurais, entre autres, marqué des points contre l’apprentissage du français.

Et que dire des ravages que tu as faits sur le personnel enseignant? Trudel et Sokal (p. 14) les décline en cinq catégories allant de la mobilisation à l’inefficacité. Vraiment, COVID-19, tu aurais pu passer ton chemin.

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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023

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Gilberte Godin

Rédactrice francophone, Magazine Éducation Canada

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