Un groupe de parents milite pour la révision en profondeur du projet éducatif des écoles de la région. Les ressources financières se raréfient et des choix doivent être faits dans la répartition des ressources offertes aux élèves en difficulté de plusieurs écoles primaires. Les actes d’intimidation se multiplient dans les classes de plusieurs établissements d’une métropole. Au Canada, au regard de tels enjeux, ce sont les directions générales scolaires qui ont la responsabilité de fédérer des actions cohérentes et significatives pour la réussite éducative sur un territoire regroupant plusieurs établissements et centres d’éducation. L’effet de ce mandat, concrétisé en collaboration avec le conseil d’administration (ou conseil des commissaires) et les directions d’établissements, de centres et de services, est connu sous l’appellation Effet district (District Effect) dont l’apport à la réussite est démontré par la recherche (Leithwood et al., 2019).
Au Québec, les directions générales scolaires associent de tels enjeux à certaines tendances actuelles qui ont des répercussions tangibles sur le contexte d’exercice de leurs fonctions, c’est-à-dire :
Pour œuvrer au cœur de cette complexité actuelle, ces directions générales scolaires, premières personnes dirigeantes des soixante-douze (72) centres de services scolaires ou commissions scolaires au Québec, doivent faire preuve d’un solide leadership alors que près de 80 % d’entre elles occupent leur fonction depuis moins de cinq ans. Comment l’Université contribue-t-elle au développement d’un tel leadership des directions générales scolaires? Comment y envisager le développement du leadership? Comment enseigner et évaluer pour assurer le développement du leadership des premiers dirigeants en éducation?
Le présent article apporte des réponses à ces questions. Précisément, il rend compte des actions coordonnées par deux professeures-chercheures du Département de gestion de l’éducation et de la formation de l’Université de Sherbrooke pour actualiser, entre 2018 et 2022, le Programme d’insertion à la direction générale de centres de services et de commissions scolaires, dit PIDIGECSS, offert depuis 1992 au sein de cette institution d’enseignement.
Traditionnellement, en contexte universitaire, la création ou l’actualisation d’un programme de formation est envisagée comme un processus largement administratif délégué à certaines parties prenantes internes à un département ou à une faculté. En 2019, lorsque le processus d’actualisation du PIDIGECSS est amorcé, inspirées des travaux de Orr et al., (2010) et Oulton (2018), nous choisissons plutôt de l’envisager en tant que processus d’accompagnement et de collaboration avec et pour les ressources professorales qui y participent et des directions générales exerçant ou ayant exercé la profession. Nous collaborons ainsi avec l’Association des directions générales scolaires du Québec (ADGSQ) qui a pour mandats 1) de promouvoir le statut et le développement professionnel de ses 172 membres et 2) de contribuer au développement de l’éducation publique au Québec. Nos échanges révèlent que les directions générales scolaires sont parmi les rares acteurs de l’éducation au Québec à ne pas avoir de cadre de référence décrivant leur agir professionnel. De 2020 à 2022, nous accompagnons ainsi une recherche-action avec et pour le Comité de perfectionnement et de développement professionnel (CPDP) de l’ADGSQ. Précisément, nous collaborons avec une quinzaine de membres de cette association, représentants de chacune des régions du Québec, pour élaborer un cadre de référence décrivant le leadership contemporain des directions générales scolaires du Québec (ADGSQ et al. 2022)1. Les résultats de cette recherche-action deviennent un ancrage hautement significatif pour l’actualisation du PIDIGECSS auquel collaborent également l’équipe des ressources professorales qui y enseignent. Ces dernières réfléchissent ensemble à leur conception de l’apprentissage, de l’enseignement et de la pratique professionnelle des directions générales. Elles mettent à plat et en relation le réservoir des ressources à développer chez les étudiants et discutent de leur apport respectif et complémentaire au développement progressif du leadership des directions générales. À partir de 2022, le PIDIGECSS, auparavant un programme de 2e cycle universitaire, devient un programme de 3e cycle pour s’ajuster aux préalables des étudiants et aux exigences désormais accentuées et explicites de la profession, telles que mises à jour avec et pour les directions générales et leurs formateurs.
Traditionnellement, en contexte universitaire, le développement des étudiants, comme celui des leaders en général, est envisagé en tant que développement de connaissances ou de compétences. À l’Université de Sherbrooke, laquelle offre de nombreux programmes à visée professionnalisante, le Service de soutien à la formation (SSF) accompagne le développement curriculaire des programmes selon une approche par compétences enchâssées dans un parcours de professionnalisation. Au PIDIGECSS, inspirées de cette approche curriculaire et des théories constructivistes-développementales du leadership (McCauley et al., 2006), le développement des directions générales est envisagé en tant qu’agir professionnel compétent et conscient, c’est-à-dire en tant que capacité à mettre en œuvre les actions efficientes les plus susceptibles d’influencer la transformation significative d’une organisation en fonction d’intentions et de présupposés conscients et explicites ajustés au contexte. Au PIDIGECSS, programme échelonné sur quatre ans, le profil de sortie suivant, en cohérence avec le Cadre de référence national (ADGSQ et al. 2022), est désormais celui qui guide les enseignements :
Au terme du programme, la personne étudiante sera en mesure de piloter le développement cohérent des unités interdépendantes d’un centre de services ou d’une commission scolaire avec des parties prenantes internes et externes, sur les plans régional et national, sur la base d’intentions, d’actions et de présupposés conscients ajustés au contexte, pour que l’organisation, considérée apprenante, assure sa mission au regard de la réussite éducative.
Des cibles de formation intermédiaires pour chaque année balisent le développement professionnel des directions générales en insertion professionnelle. Elles mettent en lumière un souci de les outiller à œuvrer, en conscience, au cœur de situations professionnelles de plus en plus complexes sur la base d’un réservoir de savoirs de plus en plus vaste.
Traditionnellement, en milieu universitaire, l’enseignement était largement ancré dans la transmission de savoirs théoriques, c’est-à-dire de savoirs descriptifs issus d’une activité de compréhension d’un objet donné, lesquels permettent d’en décrire et d’en expliquer les propriétés, les lois et les régularités. Désormais, au PIDIGECSS, parce que l’on envisage le développement du leadership comme le développement d’un agir professionnel compétent et conscient, des dispositifs de développement professionnel à visée professionnalisante sont privilégiés (Orr, 2007; Mumford et Wallace, 2019). Ils ont en commun :
De tels dispositifs à visée professionnalisante valorisent les savoirs professionnels des directions générales, complémentaires aux savoirs théoriques, et en permettent la formalisation. Les directions générales peuvent ainsi mettre à jour et partager leur COMMENT, c’est-à-dire leurs savoirs prescriptifs issus de la transformation finalisée d’une situation professionnelle donnée sur la base de présupposés explicites. Ces savoirs professionnels sont précieux pour inspirer la transformation d’autres situations de ce type sur la base de présupposés semblables (Guay et Gagnon, 2021).
Désormais, au PIDIGECSS, l’évaluation des apprentissages est inscrite au cœur de situations professionnelles authentiques et intégratrices, qui font appel à la mobilisation d’un ensemble de ressources à mobiliser en filigrane d’un projet de développement professionnel. Dans cet esprit, dès l’an un du PIDIGECSS, la personne étudiante amorce la mise en relation de ces ressources par la structuration de son modèle de leadership, c’est-à-dire la représentation schématique et simplifiée de la façon dont elle conçoit son agir professionnel compétent et conscient, c’est-à-dire les actions prioritaires qu’elle veut et peut poser dans un contexte donnée inspirées d’intentions et de présupposés explicites (Guay et Gagnon, 2022). Son projet de développement devient l’ancrage de la mobilisation des ressources sous-jacentes à son modèle de leadership au regard duquel sa pratique réflexive est orientée. En ce sens, l’évaluation a un caractère itératif et progressif.
Au cœur d’un numéro thématique sur l’actualisation des programmes de formation des élèves, du personnel enseignant et des leaders scolaires, notre article se voulait une réponse à la question Comment développer le leadership des directions générales scolaires œuvrant au cœur de la complexité actuelle? De notre point de vue d’universitaires, nous avons à incarner le leadership contemporain que ces leaders de haut niveaux disent eux-mêmes avoir à déployer désormais. Concrètement, cela signifie d’abord de collaborer avec les directions générales et leurs formateurs pour définir et actualiser une vision stratégique de ce qu’elles veulent être, faire et apprendre en priorité, laquelle vision se doit d’être ancrée dans de solides savoirs théoriques et professionnels sur le leadership. Ensuite, nous avons à assurer une planification stratégique des enseignements et des évaluations ancrés dans cette vision audacieuse et contemporaine du leadership. Enfin, nous avons à communiquer ces efforts à toutes les parties prenantes internes et externes impliquées dans l’actualisation de cette vision du leadership, ce à quoi le présent article voulait d’ailleurs contribuer. En somme, en contexte universitaire, nous avons à exercer un leadership scolaire contemporain, c’est-à-dire un leadership profondément développemental, collaboratif, visionnaire, stratégique et dialogique, pour inspirer un tel leadership scolaire névralgique à l’adaptation de l’école au monde d’aujourd’hui et de demain.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2022
1 La nature, les finalités, la méthodologie et les effets de cette recherche-action seront détaillés dans un autre article d’Éducation Canada à paraître en 2023.
ADGSQ, Guay et Gagnon (2022, mai). Le leadership des directions générales scolaires: Un cadre de référence pour le définir, le développer et le consolider ensemble. https://adgsq.ca/adgsq/cadre-de-reference-sur-le-leadership-des-directions-generales-scolaires/
Guay, M.-H. et Gagnon B. (2022, juin). Accompagner les leaders dans la modélisation de leur leadership pour l’exercer avec compétence et conscience en contexte d’insertion professionnelle, de formation continue ou de recherche-action. [Communication orale]. 8e édition des Rencontres Montpellier-Sherbrooke. Montpellier, France.
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2021). La recherche-action. Dans I. Bourgeois (dir.), Recherche sociale. De la problématique à la collecte de données (7e édition, pp. 415-440). Presses de l’Université du Québec.
Leithwood, K., Sun, J. et McCullought. (2019). How School Districts Influence Student Achievement. Journal of Educational Administration, 57(5), 519-539.
McCauley, C. D., Drath, W. H., Palus, C. J., O’Connor, P. M. G. et Baker, B. A. (2006). The Use of Constructive-Development Theory to Advance the Understanding of Leadership. The Leadership Quarterly, 17, 634-653.
Ministère de l’Éducation. (2020). Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires Gouvernement du Québec. www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2020C1F.PDF
Mumford, M. et Wallace, L. E. (2019). The Contemporary Superintendent: (R)Evolutionary Leadership in an Era of Reform. IAP.
Orr, M. (2007). Learning Advanced Leadership. Educational Management Administration & Leadership, 35(3), 327-347.
Orr, M., King, C. et Lapointe, M. (2010). Districts Developing Leaders: Lessons on Consumer Actions and Program Approaches from Eight Urban Districts. EDC & The Wallace Foundation.
Oulton, C. (2018). Leadership Learning through University & School Authority Partnerships in Alberta. Alberta: College of Alberta School Superintendents (CASS).
Qui peut encore douter que la pandémie de la COVID-19 aura des effets durables sur le monde de l’éducation? Quant à savoir quels seront précisément les effets, nous pouvons spéculer. Nous savons cependant que le virage numérique est entamé irrémédiablement avec ses bons et ses moins bons côtés. Et, dans ces conditions, l’acte d’enseigner et l’acte d’apprendre changent de facto.
Reculons un instant à l’été 2020 et transportons-nous au Nouveau-Brunswick. Les familles du Nouveau-Brunswick ont reçu le message qu’il sera obligatoire pour tous les élèves du secondaire d’avoir en main un terminal (ordinateur portable ou tablette électronique) capable de se connecter à une plateforme numérique permettant l’enseignement et le travail à distance.
L’utilisation du numérique a été surtout utile pour permettre aux élèves d’assister à leurs cours à partir de la maison une journée sur deux. Dans de nombreux cours où c’était possible, le numérique a aussi permis (et permet toujours) de limiter l’utilisation du papier. Ces deux utilisations n’exploitent que très timidement le potentiel du numérique. Essentiellement, il semble que ces utilisations tentent d’imiter un mode d’enseignement-apprentissage plutôt traditionnel où il s’agit surtout de transmettre des connaissances.
J’espère que nous ne sommes pas en train de perdre une belle occasion de transformer la vie scolaire afin d’opérer, une fois pour toute, un virage qui accorde toute la place à l’actualisation de l’élève. Je m’explique.
À travers toutes les transformations des derniers millénaires, il me semble qu’un élément demeure invariable : l’éducation consiste à prendre l’apprenant où il est afin de l’accompagner dans son développement. Les moyens ont changé au fil des époques. En quelque sorte, les finalités aussi. Concernant les moyens, on peut penser qu’il y a eu un avant et un après l’invention de l’écriture, même chose pour l’imprimerie et maintenant le numérique. Concernant les finalités, le vivre ensemble, le développement de soi et la préparation au travail ont pris et prennent différentes formes sous l’influence des grandes idées sociales, politiques, religieuses, scientifiques et ainsi de suite.
Concrètement, l’éducation véritable a toujours été celle capable de bien lire la personne de l’apprenant dans ses besoins d’actualisation. Elle est aussi celle en mesure de tracer le bon chemin menant à cette actualisation par le biais d’activités d’apprentissage adaptées aux besoins de la personne en cheminement. Enfin, éduquer, c’est faire en sorte que la personne apprenante devienne autonome, c’est-à-dire qu’elle sera en mesure de cheminer par et pour elle-même vers son actualisation.
Jusqu’à tout récemment, le rôle de l’école consistait d’abord et presque exclusivement à favoriser l’accès aux savoirs. Bien des pédagogues viendront mettre à jour les méthodes favorisant cet accès alors que celui-ci était beaucoup synonyme de transmission.
Il y a un peu plus d’un siècle, le pédagogue américain John Dewey donne en quelque sorte un sens renouvelé à cette idée de favoriser l’accès aux savoirs. S’appuyant sur les progrès du monde de la science, il entrevoit que la scolarisation de son temps – au tournant du XIXe et du XXe siècle – doit s’inspirer de la méthode scientifique (Dewey, 1963). Ainsi, l’éducation consiste à favoriser la croissance de l’apprenant par le biais d’une recherche continue de sens à travers des expériences authentiques d’apprentissage.
Fort de l’héritage de Dewey, le siècle dernier verra naître de nombreuses méthodes, d’approches, de stratégies et de techniques pédagogiques axées sur l’action en s’inscrivant notamment dans les courants cognitivistes, constructivistes et socioconstructivistes. L’idée d’accès au savoir consiste toujours en ce désir que les masses puissent l’acquérir, mais le souci de la pédagogie est porté désormais vers les moyens de le faire. Se développeront les pédagogies expérientielles, coopératives, par projets, par problèmes, par études de cas, par compétences, entrepreneuriales, à la citoyenneté, relatives à l’environnement, aux droits de la personne, de la conscientisation et de l’engagement, actualisante et la liste continue.
De tout temps, la transmission directe des savoirs a souvent été critiquée. On retrouve les traces de cette critique chez les Grecs de l’Antiquité, notamment au livre VII de la République de Platon (Platon et Leroux, 2004). Je dirais cependant que depuis le passage d’Internet au domaine public en 1993 et surtout au cours des 10 dernières années, le monde de l’éducation est engagé dans une profonde transformation qui peut difficilement être comparée à aucune autre époque du point de vue de la rapidité des changements.
Puisque la connaissance exigeait jusqu’à récemment de se déplacer dans les bibliothèques pour fouiller dans les livres afin d’y accéder, l’école avait ce rôle implicite de transmettre même si les grandes et les grands pédagogues appelaient le plus souvent possible à ne pas s’en contenter. Mais puisque les jeunes d’aujourd’hui ont un accès direct et instantané au savoir et que l’intelligence artificielle devient de plus en plus efficace pour aider à résoudre des problèmes, la simple transmission en salle de classe est rébarbative pour les élèves. La pandémie de la COVID-19, on l’entend souvent dans nombre de situations, exacerbe cette transformation.
Quelles seront les conséquences de la pandémie sur le rôle de l’école? Que devient l’enseignement? Que doivent apprendre les élèves?
Commençons par la question la plus importante : Que doivent apprendre les élèves? Les savoirs sont là, certes, mais encore faut-il savoir qu’ils existent. Encore faut-il reconnaitre qu’ils existent parmi une multitude de savoirs et d’idées qui se présentent sous la forme de savoirs alors qu’ils n’en sont pas. Et ça aussi, la pandémie de la COVID-19 l’a illustré à de multiples occasions. Surinformation, désinformation, théories et idées alternatives s’ajoutent à la publicité, à la rhétorique de vendeurs de rêves et aux personnes bien intentionnées qui prétendent posséder une interprétation juste, mais alternative de la réalité.
Que doivent apprendre les élèves? Ils doivent apprendre à naviguer dans cette jungle d’idées diverses. Et comme c’était pertinent aux époques de Socrate, de Rousseau et de Dewey, c’est par le recours à la pensée critique que se fait cette navigation. Cette capacité de l’esprit, comme le définit le philosophe Matthew Lipman, facilite les jugements parce qu’elle s’appuie sur des critères, tient compte du contexte qui, forcément, appelle à l’auto-rectification (Lipman, 2006).
La pensée critique et les habiletés et attitudes qu’elle mobilise ne se développe pas seules ni sans l’accompagnement d’une personne qui en maîtrise les rudiments. Lorsqu’on y a recours habilement, la pensée critique permet d’accéder à ce que Kant nommait la mentalité élargie (Arendt, 1972). La mentalité élargie fait en sorte que chaque personne est capable de se comprendre soi-même parce que cette pensée collective fait en sorte que nous pouvons nous comprendre entre nous. Ce n’est pas rien.
Bien que la pensée critique puisse être générique, elle peut aussi être particulière à un domaine spécifique de la connaissance. Un jugement mathématique procède d’un raisonnement différent de celui scientifique, littéraire, artistique ou philosophique bien qu’ils soient tous complémentaires pour penser le monde. Ainsi, le savoir disciplinaire n’est pas une fin en soi.
C’est comme remplir son panier d’épicerie, passer à la caisse, mais partir chez soi sans ses achats. L’essentiel n’a pas été fait. Ainsi, lorsqu’on donne des ressources aux élèves, il faut passer à l’intégration des savoirs à travers des situations d’intégrations à la fois complexes et contextualisées (Roegiers, 2010). Par exemple, les élèves sont en mesure de mettre en place des mesures favorisant la protection de l’écosystème en mobilisant ce qu’ils ont appris en classe. Ou encore, les élèves expriment leur opposition en mobilisant les principes d’une communication efficace appris en classe.
Ce qui nous donne la réponse à la question du rôle de l’école.
Pour continuer à être un lieu privilégié après la pandémie, l’école doit plus que jamais poursuivre sa transformation et miser sur la recherche de sens. L’école doit se métamorphoser en une grande communauté de recherche où sont mobilisés les savoirs, les savoir-faire, les savoir-être et les savoir-devenir dans la quête de sens afin d’y voir plus clair dans ce qui se produit à l’intérieur de chacun de nous, ce qui se produit dans nos relations avec les autres et dans notre relation avec le monde (Ferrer & Allard, 2002). S’éloigner de cette quête de sens et prétendre éduquer n’est qu’une illusion. Aussi vite apprise pour le test, aussi vite oubliée si la connaissance n’est pas mobilisée dans une situation concrète où se manifeste le sens.
Il existe plusieurs approches pédagogiques pour y arriver. J’en présenterai deux différentes qui se situent aux antipodes d’un continuum pratico-pratique – philosophique.
Je considère que le pédagogue et philosophe Dewey est en quelque sorte le père de ce continuum. Il prônait la création d’une communauté de recherche dès la fin du XIXe siècle. D’un côté, il a influencé les approches plus actives comme la pédagogie par projets (Kilpatrick, 2018), l’apprentissage expérientiel (Kolb, 1984) et la pédagogie centrée sur les besoins réels (Prensky, 2016).
Prensky soutient que la prochaine génération n’a plus à aller à l’école pour se préparer à la vie en s’engageant dans des projets qui ressemblent à ceux qu’elle devra entreprendre une fois sortie de l’école. Elle doit dès maintenant résoudre les problèmes et défis actuels. Son site web montre d’ailleurs une liste impressionnante d’initiatives menées par les jeunes de partout dans le monde qui montre qu’ils sont capables de participer au projet collectif de faire un monde meilleur.
Passant de la création de prothèses à l’élimination du plastique à la cafétéria de l’école en passant par des ballons de soccer qui captent l’énergie cinétique, Prensky nous rappelle la puissance de la pédagogie qui part d’abord de situations concrètes pour ensuite introduire des savoirs plus théoriques selon les besoins exigés par la situation.
Dans les années 1970, le philosophe américain Matthew Lipman créait le programme de philosophie pour enfants aujourd’hui présent sur tous les continents. Ce programme consiste à installer au sein de la classe, de la maternelle (et même avant) au secondaire (et même après), une communauté de recherche philosophique où il est question non d’apprendre les pensées des philosophes, mais plutôt de s’engager dans un dialogue philosophique en quête de sens. À partir d’une amorce qui peut prendre la forme d’un texte, d’un objet, d’un événement, d’une œuvre d’art, etc., les élèves s’engagent avec l’animatrice ou l’animateur dans une discussion où il est question de faire ressortir le sens à partir des différents points de vue qu’ont les élèves.
Peut-on aimer les animaux et les manger quand même? Est-on plus libre avec des règles ou sans? Peut-on inverser une phrase qui débute par « tous » ou « aucun » et conserver le même sens? Y a-t-il plus d’une vérité? Comment sait-on si ce que l’on croit est vrai? Quels sont les critères pour déterminer ce qui constitue une belle personne? Voilà quelques exemples de questions au cœur des communautés de recherche philosophique mise de l’avant dans le programme de philosophie pour enfants/ados.
Les approches de Prensky et de Lipman ont en commun qu’ils sont complémentaires aux différents cours scolaires. Que ce soit en mathématiques, en sciences, en sciences humaines, en langues ou dans les arts, la possibilité de philosopher à partir des enjeux que mettent en lumière ces disciplines est le moment de mobiliser ces savoirs et les habiletés/attitudes de la pensée critique.
En terminant, le fait de s’engager dans une recherche de sens, que ce soit à partir des idées ou à partir de l’action, en cherchant une sincère intercompréhension humaine, c’est un pas vers un environnement à même de favoriser l’actualisation de chacune et de chacun.
Photo: Adobe Stock
Arendt, H. (1972). La crise de la culture : Huit exercices de pensée politique. Gallimard.
Dewey, J. (1963). Experience and education. Collier Books.
Ferrer, C. et Allard, R. (2002). La pédagogie de la conscientisation et de l’engagement : Pour une éducation à la citoyenneté démocratique dans une perspective planétaire : deuxième partie. Éducation et francophonie, 30(2), 96‑134. https://doi.org/10.7202/1079528ar
Gagnon, M. (2005). Guide pratique pour l’animation d’une communauté de recherche philosophique. Les Presses de l’Université Laval.
Kilpatrick—The Project Method (1918). (s. d.). Consulté 24 novembre 2021, http://www.educationengland.org.uk/documents/kilpatrick1918/index.html
Kolb, D. A. (1984). Experiential learning : Experience as the source of learning and development. Prentice-Hall.
Lipman, M. (2006). À l’école de la pensée : Enseigner une pensée holistique (2e éd.). De Boeck Université.
Platon et Leroux, G. (2004). La république (2e éd. corr.). Flammarion.
Prensky, M. (2016). Education to better their world : Unleashing the power of 21st-century kids. Teachers College Press.
Roegiers, X. (2010). La pédagogie de l’intégration : Des systèmes d’éducation et de formation au cœur de nos sociétés (1re éd.). De Boeck Université.
En 2015, les 193 pays faisant partie des Nations Unies, des scientifiques et des leaders politiques ont convenu de collaborer pour réaliser les objectifs de développement durable d’ici 2030. Les ODD se composent de 17 objectifs qui visent à instaurer la paix et la prospérité aux quatre coins du monde en s’attaquant à des questions urgentes comme les changements climatiques, la qualité de l’éducation et la pauvreté. Si on ne s’attaque pas à ces questions, elles auront probablement des conséquences dévastatrices sur la population et notre planète. Par exemple, on s’attend à ce que les changements climatiques entraînent, de notre vivant, des défis mondiaux qu’aucun pays ne pourra régler à lui seul. Comme une proportion d’environ 42 % de la population est âgée de moins de 25 ans, les enfants et les jeunes sont les plus susceptibles de subir les répercussions de ces problèmes. L’école est donc un endroit idéal pour se familiariser avec les ODD.
Lorsque vous planifiez les activités et discussions en classe, intégrez un seul ou quelques ODD pour commencer. De plus, les ODD sont jumelés à des « cibles mondiales » qui les rendent plus faciles à aborder.
Les enjeux mondiaux soulèvent souvent l’intérêt des élèves, et les ODD leur offrent un moyen de devenir des citoyens du monde dynamiques. Profitez de l’occasion pour vous informer sur les passions de vos élèves et prévoyez des activités, des projets et des discussions qui vont dans ce sens.
Les ODD peuvent enrichir le programme scolaire en renseignant les élèves sur les enjeux mondiaux et en présentant les points de vue de personnes vivant à l’étranger, qui sont rarement abordés dans les programmes d’études nationaux. Les enseignants ont accès à de nombreuses ressources où ils pourront puiser du contenu pour enseigner différents thèmes liés aux ODD.
Il existe des programmes qui vous permettent de collaborer avec d’autres classes de votre région ou d’autres pays afin de monter des projets qui abordent les enjeux mondiaux. Cela donne aux élèves une belle occasion d’acquérir des connaissances auprès d’élèves ayant une perspective différente et de constater les répercussions de leurs actions sur d’autres personnes, même à l’autre bout du monde.
Dans un univers de plus en plus interconnecté où les décisions locales et régionales peuvent avoir un impact sur les économies, les politiques et les sociétés de toute la planète, il est d’autant plus important pour les pays de trouver des moyens de coopérer pour remédier aux problèmes qui nous affectent tous. L’enseignement des ODD offre de précieuses occasions d’apprentissage et encourage les élèves à explorer leur rôle dans la résolution des problèmes locaux, régionaux et mondiaux. Les enfants et les jeunes d’aujourd’hui sont les électeurs et les leaders de demain; il faut donc leur permettre d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour prendre des décisions éclairées dans un monde de plus en plus complexe. Les ODD fournissent un cadre idéal pour y parvenir.
Éco-anxiété, sentiment d’impuissance, pessimisme face à l’avenir, individualisme… Alors que l’humanité traverse de sombres tempêtes, plusieurs s’inquiètent du moral des jeunes et doutent de leurs capacités à exercer leur pouvoir citoyen. Oxfam-Québec rencontre des milliers de jeunes chaque année et constate plutôt que leurs actions citoyennes se déploient sur les fronts de la justice climatique, économique et de genre, avec espoir et ingéniosité.
Depuis plus de quarante-cinq ans, notre organisation est présente dans le milieu scolaire pour encourager l’engagement citoyen jeunesse afin de construire un monde juste et durable. Une prémisse : les jeunes possèdent un pouvoir citoyen et il est indispensable de les traiter à la hauteur de ce qu’ils sont – des agents de changement – et de ce qu’ils font – poser des gestes de solidarité pour combattre les inégalités.
Aujourd’hui, pour définir les actions éducatives d’Oxfam-Québec, on parle d’éducation à la citoyenneté mondiale, une démarche éducative qui accompagne les jeunes dans leur cheminement comme citoyennes et citoyens du monde, responsables et solidaires. Ce continuum pédagogique vise à informer les jeunes, à les mobiliser, à leur permettre d’influencer les lieux de pouvoir et à valoriser leurs actions. Les jeunes s’insèrent dans cette démarche par des ateliers offerts dans leur classe : par le biais de la Marche Monde grâce à laquelle plusieurs expérimentent leur première expérience d’action collective; en s’investissant dans des projets de longue haleine comme des collectes de fonds pour appuyer des projets de développement durable; ou encore en participant à des actions d’influence proposées dans le cadre de campagnes de mobilisation.
Toutes ces activités répondent à des éléments du Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ), tant au niveau de sa mission, des domaines généraux de formation, des compétences à développer que de la progression des apprentissages. Oxfam est même citée comme repère culturel dans le cursus scolaire, soit dans le thème de la disparité de la richesse du cours Monde contemporain de 5e secondaire. Dans tous les cas, nous indiquons clairement dans ses ressources à quels éléments du Programme celles-ci répondent. Beaucoup d’enseignantes et d’enseignants, mais aussi de personnels non-enseignants dont les animatrices et animateurs de vie spirituelle et communautaire, utilisent ces ressources en classe ou en parascolaire. Compte tenu de leurs mandats prenants et des horaires chargés, les membres du personnel scolaire apprécient l’appui de notre équipe qui leur propose des séquences pédagogiques qui répondent à leurs besoins. Pour utiliser ces ressources, tous les renseignements se trouvent sur le site d’Oxfam-Québec, sous la rubrique « Ressources pour les milieux scolaires ».
L’éducation que nous proposons est transformatrice et émancipatrice. Elle permet en particulier aux jeunes filles ainsi qu’aux jeunes issus de minorités d’avoir une voix et d’être entendues dans leur lutte contre les injustices. C’est avec des jeunes mobilisés qui exercent leur citoyenneté mondiale, capables de résoudre des problèmes et solidaires de leurs pairs aux quatre coins du globe qu’un monde juste et sans pauvreté se construit.
En accord avec les orientations de l’UNESCO, la confédération Oxfam considère que les Objectifs de développement durable (ODD) établis par les Nations Unies sont les priorités à mettre au cœur de l’éducation à la citoyenneté mondiale. Dans les paragraphes qui suivent, quatre séquences pédagogiques sont présentées, répondant chacune à un ODD. Ces activités ont été adaptées afin de rester accessibles en temps de pandémie, notamment grâce aux outils de communications en ligne et aux ressources interactives numériques.
L’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles, l’ODD numéro 5, est au cœur de notre action : construire un monde juste est impossible si la moitié de l’humanité ne peut s’épanouir dans le respect de ses droits.
Prenons par exemple la campagne « Les tâches ménagères et le travail de soin. Ça compte! » qui dans un premier temps informe les jeunes de l’inégale répartition du travail ménager entre les sexes, notamment grâce au rapport intitulé Celles qui comptent. Un atelier gratuit, « Libres de choisir », amène les élèves du secondaire à prendre connaissance des droits sexuels – qui émanent des droits humains – et à réfléchir aux impacts du non-respect de ces droits, en tenant compte du contexte social et culturel. Le nom de cet atelier, impliquant la question de la liberté de choix, n’est pas anodin : les inégalités de choix vécues par des adolescentes partout dans le monde ont des conséquences importantes sur leurs parcours de vie. Au Québec aussi, les jeunes doivent faire des choix au regard de leurs droits sexuels. Les jeunes ainsi sensibilisés par cet atelier sont invités à appuyer un projet entrepris en République démocratique du Congo, intitulé Mères et enfants en santé qui vise à améliorer la santé des femmes des adolescentes et des jeunes enfants. Pour les jeunes plus âgés, tout un parcours de mobilisation est prévu, intitulé C’est pour elles aussi, renforçant leurs capacités à mobiliser à leur tour leur entourage et à diffuser des messages positifs par le biais d’actions concertées, de plans d’action numériques et par la rencontre de personnes élues.
« Ma participation à la formation d’Oxfam-Québec « C’est pour elles aussi » m’a permis de comprendre que ma voix est valide et que j’ai le droit de la faire entendre. Les réseaux sociaux sont des alliés de taille pour sensibiliser la population et faire évoluer les discours. […] L’équipe a su me transmettre les notions théoriques entourant le cyberactivisme et me donner le courage nécessaire pour utiliser ma voix! Cela m’a même permis de démarrer mon propre projet de plateforme ressources-inspirations sur Instagram (@lesensduchaos) en réponse à la détresse psychologique générée par le confinement.
Laurence C. Germain, participante au projet « C’est pour elles aussi » d’Oxfam-Québec
L’urgence de prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions, l’ODD numéro 13, occupe une place importante dans le travail d’éducation d’Oxfam. Cet enjeu recoupe toutes les questions d’inégalités dans le monde : inégalités historiques, socioéconomiques, et inégalités de genre.
La campagne dédiée à ce sujet s’intitule « Climat de justice ». Tout comme le contenu de l’atelier gratuit offert aux jeunes de 12 à 30 ans, la campagne souligne les injustices liées à la crise climatique, comme l’impact démesuré de cette dernière sur les populations les moins responsables des émissions de carbone. Parce que l’indignation peut être un moteur d’action, les jeunes impliqués pourront ensuite participer à la 50e Marche Monde sur la justice climatique. Cette Marche constitue le point culminant d’une année d’actions, et pour valoriser celles-ci, l’équipe d’Oxfam-Québec lance aux jeunes qui s’y préparent plusieurs défis, qui vont de la réalisation d’un clip vidéo à des prises de parole dans les médias. Les jeunes peuvent aussi dès la rentrée scolaire organiser une action symbolique et solidaire nommée « Debout pour le climat » dans leur établissement afin de signifier aux décideuses et décideurs leur engagement en faveur de la justice climatique.
« À toutes celles et ceux qui disent qu’on ne peut pas accomplir quoi que ce soit, regardez-nous, 6 000 jeunes qui marchent pour le monde! Moi, ça me rend vraiment fière de voir ça! Une place pour nous dans le fond ça veut dire que peu importe notre âge, notre genre, notre couleur, ou notre religion on a le droit à nos voix. »
Estelle Lafrance, 17 ans, membre du Siège jeunesse Oxfam-Québec, participante et porte-parole de la Marche Monde
Bien entendu, le premier ODD, Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde, sous-tend tous les autres. Il importe de parler d’économie avec les jeunes et de déconstruire les dogmes qui font obstruction à une réelle compréhension des solutions envisageables pour que tout le monde puisse vivre dignement sur cette planète.
Dans ce cadre, un atelier gratuit est offert aux jeunes sur un nouveau modèle économique créé par Oxfam. « L’économie du beigne »tourne le dos à l’obsession de la croissance infinie à tout prix pour proposer que l’économie cible le bien-être de toutes et de tous – en tenant compte d’une série d’indicateurs sociaux à respecter et des limites terrestres à ne pas dépasser. Ce nouveau modèle est déjà appliqué par plusieurs villes à travers le monde : Bruxelles (Belgique), Amsterdam (Hollande), mais aussi Nanaimo au Canada. Cet atelier fait partie de la campagne « Taxer la richesse : aplanir les inégalités ». Les jeunes sont invités à signer la pétition qui interpelle directement le gouvernement canadien afin de rebâtir une économie juste qui s’attaque aux inégalités. En prévision des élections municipales à venir, les jeunes pourront interpeller les candidats sur leur intérêt éventuel à appliquer le modèle du beigne à l’économie de leur ville. Une belle manière de s’initier à la vie politique!
Le modèle économique du beigne renvoie à l’ODD numéro 8 : Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous.
Un projet novateur d’Oxfam-Québec permet depuis près de 15 ans de transmettre aux plus jeunes les valeurs d’innovation, de créativité et de durabilité prônées par le Conseil des ministres de l’Éducation au Canada (CMEC) : il s’agit de Magasin du Monde. L’idée est d’implanter dans les établissements d’enseignement des entreprises d’économie sociale vouées au commerce équitable. Les jeunes qui intègrent le Magasin siègent sur un conseil d’administration et se partagent les tâches : études de marché, gestion d’inventaire et des ventes, actions d’éducation dans le milieu, communications internes et externes… Il ne s’agit pas de ventes ordinaires, puisque les produits vendus sont issus du commerce équitable, et qu’une part des profits servira à soutenir un projet de développement durable. Dans certains cas, c’est toute la communauté locale qui prend part au projet et évolue grâce à celui-ci, les marchés agricoles et les agences de tourisme locales s’impliquant aussi dans la promotion de ces Magasins hors norme.
« Le travail que nous avons accompli au sein du comité Mont-Saint-Hilaire Ville équitable alimente mon envie d’influencer le monde dans lequel je vis. Il est la preuve que lorsqu’on y travaille, tout est possible! »
Émile Chapdelaine, membre fondateur du Magasin du Monde à l’école Ozias-Leduc, membre de l’Observatoire jeunesse d’Oxfam-Québec et membre du comité ayant permis à la ville Saint-Hilaire d’obtenir la désignation de ville « Équitable ».
Les recherches et les évaluations portant sur la participation à ces activités dites parfois « d’engagement civique » révèlent de nombreux bénéfices pour les jeunes eux-mêmes. Les jeunes interrogés ont une meilleure estime d’eux-mêmes et un plus grand sens des responsabilités. On remarque chez eux une augmentation d’attitudes sociales positives et une diminution des conduites à risque. Ceci s’explique notamment par un plus grand sentiment d’appartenance à leur école et par une amélioration des résultats scolaires.
Une évaluation externe d’impact (Sogemap), réalisée l’an passé, a confirmé cet effet positif de l’engagement citoyen de la jeunesse. Le document affirme ainsi que la programmation en éducation à la citoyenneté mondiale d’Oxfam-Québec permet de développer chez les jeunes une prise de conscience des problèmes mondiaux, mais aussi un esprit ouvert et engagé, ainsi qu’une plus grande capacité à défendre des arguments. Sans surprise, les jeunes ayant participé à ces activités maintiennent un engagement citoyen à l’âge adulte.
À la lecture de ces éléments, on comprend combien l’exercice de la citoyenneté par les jeunes est indispensable pour soutenir la vie démocratique et l’atteinte des Objectifs de développement durable. En 2017, le Fonds des Nations unies pour la population soutenait déjà que sans des mesures courageuses visant à permettre aux 60 millions de filles du monde entier de mener une vie digne, on ne réussirait pas à atteindre les ODD. En cette période de pandémie, les jeunes traversent avec le reste du monde des crises sans précédent qui menacent directement leur présent et leur futur. Donner à la jeunesse des moyens concrets de surmonter cette épreuve et la soutenir dans la création d’une société plus durable et inclusive en collaboration avec le monde enseignant, c’est le pari que fait Oxfam-Québec.
Ressources pour l’ODD 5 :
Ressources pour l’ODD 13 :
Ressources pour l’ODD 1 :
Ressources pour l’ODD 8 :
Photos : La Boîte 7
Lisez les autres articles de ce numéro
Caron, C., La citoyenneté des adolescents du 21e siècle dans une perspective de justice sociale : pourquoi et comment ?, mai 2018. https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2018-n80-lsp03532/1044109ar/
Gingras et al., Étude sur les obstacles à la mise en place d’activités d’engagement civique en milieu scolaire au Québec, automne 2018. https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/3177
Philippe, F. Projet de recherche Réussir : 15 constats révélateurs sur l’impact des activités d’engagement civique chez les jeunes de niveau secondaire au Québec, décembre 2019. https://www.elaborer.org/pdf/R3.pdf
Fonds des Nations unies : état mondial de la population 2017
https://www.unfpa.org/fr/swop-2017
Nous avons devant nous une occasion unique d’inspirer et de mobiliser nos élèves afin qu’ils s’attaquent aux enjeux les plus préoccupants du monde actuel, tels que les définissent les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies. Les ODD fournissent aux pédagogues un canevas exceptionnel pour l’intégration dans leurs programmes d’études des enjeux planétaires nécessitant une expertise et des solutions collectives. Dans cet article, je partage mon expérience de l’intégration des ODD dans l’un de mes cours pour aider les élèves à réaliser leur mission de vie et leur objectif de carrière. Bien que l’exemple que je donne ait été utilisé dans un contexte postsecondaire comme cadre de référence à la formation au cheminement de carrière, mon intention est de vous inciter à réfléchir à la manière dont vous pourriez incorporer une approche similaire pour aider vos élèves de la maternelle au secondaire V (douzième année) à s’imprégner de ces sujets essentiels et à les relier à leurs propres aspirations professionnelles.
Je donne un cours de transition postuniversitaire à l’Université Fraser Valley et à l’Université polytechnique Kwantlen, en Colombie-Britannique. Ce cours vise principalement à bien préparer les étudiants à poursuivre leur parcours professionnel après l’obtention de leur diplôme d’études postsecondaires. J’ai choisi d’utiliser les ODD comme cadre de référence pour aider mes étudiants à réfléchir à trois questions ambitieuses qui peuvent évoquer des valeurs personnelles et leur sens du devoir :
Plutôt que de consacrer un unique cours magistral à toutes ces questions, j’ai choisi de les intégrer à degrés divers dans des missions et des activités échelonnées tout au long de l’année. J’ai notamment choisi de les structurer sous forme de « devoirs renouvelables » en mesure d’apporter une plus-value et d’avoir un impact au-delà du cours, par opposition aux « devoirs jetables » que les étudiants mettent de côté une fois terminés.
L’effet a été immédiat; le contenu les a captivés et ils se sont plongés dans leurs devoirs et activités. Comme l’a fait remarquer une étudiante :
« Ce cours [et les composantes des ODD] m’a permis de me concentrer davantage sur mon rêve d’être plus qu’une enseignante… de faire en sorte que les enfants reçoivent plus qu’une éducation de qualité… [qu’ils] ne soient pas privés de nourriture, [qu’ils] aient accès à de l’eau potable, [qu’ils] soient en bonne santé (mentalement, physiquement et émotionnellement), [qu’ils] soient égaux et qu’ils acquièrent les compétences nécessaires pour s’épanouir dans leur communauté. »
De nombreux étudiants se sont par ailleurs retrouvés dans le commentaire de l’une de leurs camarades sur l’introduction des ODD dans le système de la maternelle au secondaire V :
« J’ai trouvé surprenant que les ODD… (ou leurs prédécesseurs, les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) n’aient pas été introduits plus tôt dans mon cursus, voire même lorsque j’étais à l’école primaire et secondaire! Les connaître plus tôt m’aurait aidée à mieux rapprocher ce que je veux apprendre des façons d’aider ma communauté. »
Je suis d’accord avec cette étudiante pour dire qu’il est possible et nécessaire d’aborder les ODD à un plus jeune âge. J’ai décrit ci-dessous trois devoirs qui ont particulièrement plu à mes étudiants, ainsi que des idées pour les adapter à l’environnement de la maternelle au secondaire V :
Recherche professionnelle
Dans le cours, il est proposé aux étudiants de rechercher des informations sur le marché du travail en lien avec leurs aspirations professionnelles, au moyen de moteurs de recherche comme la Classification nationale des professions du gouvernement du Canada (à l’échelon national) et le WorkBC’s Labour Market Information Office (à l’échelon provincial). Quelles sont les compétences, les études et l’expérience requises pour accéder à cette profession? Quelles pourraient être leurs perspectives de carrière aux niveaux national et provincial? Après avoir effectué cette recherche, les étudiants sont invités à déterminer lesquels des 17 ODD leur profession ou spécialisation pourrait cibler et de quelle façon elle pourrait le faire.
Pertinence pour les élèves de la maternelle au secondaire V : Ce devoir et les activités associées sont probablement adaptés aux élèves de la fin du secondaire, car ils les aident à développer leurs compétences en matière de recherche et leur esprit critique. Les étudiants peuvent également profiter de l’occasion pour découvrir différents types de travail— tant en ce qui a trait aux emplois rémunérés qu’au bénévolat ou autres services non rémunérés—qui appuient directement un ou plusieurs ODD ou qui ont des liens avec ceux-ci et, ce faisant, comprennent davantage à quel point les professions peuvent être diverses et variées.
Entretiens d’information
Dans le cadre du projet d’entretiens d’information, les étudiants s’entretiennent avec trois personnes qui, selon eux, peuvent leur donner un aperçu du type de travail qu’ils envisagent. Ils réfléchissent ensuite à ces conversations. L’une des questions intégrées au projet les invite à la réflexion en leur demandant d’une part d’examiner les thèmes communs qui sont ressortis de leurs conversations, et d’autre part de déterminer comment, à leurs yeux, ces thèmes et ces personnes sont porteurs de perspectives nouvelles sur les ODD.
Pertinence pour les élèves de la maternelle au secondaire V : Il est possible d’adapter ce devoir à un niveau scolaire bien précis : les enseignants peuvent fournir une liste de questions à poser aux élèves les plus jeunes et autonomiser les élèves les plus âgés en les encourageant à générer leurs propres questions. Ce travail peut être comparable à une activité professionnelle dans le cadre de laquelle les enseignants invitent des conférenciers à venir en classe pour parler de leur profession, ce qui donne lieu à un entretien d’information de groupe où tous les élèves peuvent poser des questions. Un élève intéressé par le métier d’électricien peut ainsi interviewer une électricienne et apprendre qu’elle soutient, explicitement ou sans s’en douter, le 11e ODD : Villes et communautés durables, en s’approvisionnant localement et en utilisant des matériaux locaux sur ses chantiers, ainsi que le 5e ODD : Égalité entre les sexes, par son travail de défense des intérêts des femmes au sein de son association professionnelle. Si un lien évident n’est pas immédiatement établi, l’élève et le professionnel peuvent engager une conversation sur la manière dont une personne travaillant dans la profession pourrait éventuellement aligner son travail sur l’un des ODD. Une possibilité d’enseignement à double sens voit alors le jour, où l’élève peut à son tour éduquer le professionnel sur les ODD.
Lettre de mission
Les étudiants rédigent leur lettre de mission et l’ajoutent à leur portfolio électronique. Lors du processus de rédaction, ils se posent les questions suivantes : Quel travail souhaitent-ils accomplir? Pour qui effectuent-ils ce travail? Et dans quelle mesure les ODD sont-ils davantage susceptibles d’être atteints grâce à leur travail? La dernière question leur permet encore une fois de s’inspirer des ODD, de discuter de l’objectif suprême et de mettre ce dernier en parallèle avec leur profession et leur travail idéaux.
Pertinence pour les élèves de la maternelle au secondaire V : Les enseignants peuvent adapter la portée de ce projet en fonction du niveau scolaire des élèves afin qu’ils identifient ce qu’ils peuvent faire dans leur propre vie pour aider à faire progresser un ou plusieurs des ODD; une sorte de charte. Ce projet peut également s’aligner sur un projet de recherche sur la manière dont on peut avoir un impact spécifique dans sa communauté locale (école ou quartier).
Les ODD peuvent servir de cadre de référence pour la formation au cheminement de carrière. À terme, les élèves génèrent ainsi des idées sur les professions qu’ils aimeraient exercer. L’utilisation des ODD des Nations unies comme cadre de référence les aide à élargir leurs aspirations professionnelles actuelles en leur posant la question suivante : « À quel des ODD pensez-vous pouvoir contribuer en travaillant dans le secteur de votre choix, et comment? » Ce faisant, ils peuvent inscrire leurs aspirations professionnelles dans le cadre d’un but plus large, lequel peut également être un facteur de motivation pour la réalisation des devoirs et lors de l’évaluation des options au-delà du secondaire. En outre, les ODD peuvent aider les élèves qui ne sont pas sûrs de leurs objectifs professionnels à répondre à la question suivante : « Quelle est la cause qui me passionne et comment puis-je contribuer à cette cause, que ce soit par le biais d’un travail rémunéré ou du bénévolat? »
J’aimerais donner quelques conseils aux pédagogues qui souhaitent intégrer les ODD dans leur programme d’études afin d’améliorer le cheminement de carrière de leurs élèves :
Dans le cas de mes étudiants, la réponse a été très positive. Des étudiants et des diplômés m’ont dit qu’ils intégraient les ODD dans leurs demandes d’emploi et d’études supérieures, et qu’ils les mentionnaient même lors des entretiens d’embauche et d’admission.
Cette citation d’une étudiante révèle l’impact apparemment déterminant qu’a eu l’intégration des ODD dans mon programme d’études :
« Une chose que j’ai apprise sur moi-même par rapport aux ODD des Nations Unies est qu’il n’est pas facile d’atteindre ces objectifs tout de suite, et que cela prend du temps… La façon dont je traite les autres et les actions que j’entreprends reposent toujours sur la paix et la justice, car tout le monde devrait être traité de la même façon et devrait pouvoir avoir droit à une deuxième chance pour apprendre de ses erreurs. »
Photo: Adobe Stock
Lisez les autres articles de ce numéro
Commission canadienne pour l’UNESCO (2020). Trousse pour les enseignant.e.s : Réseau des écoles de l’UNESCO au Canada. UNESCO.
https://fr.ccunesco.ca/-/media/Files/Unesco/Resources/2020/04/TrousseEnseignantsEcolesUNESCO.pdf
Saskatchewan Council for International Cooperation (2021). Online global citizenship education resources.
www.saskcic.org/education_resources_collection
Les 17 objectifs de développement durable, aussi connus sous le nom d’ODD ou d’objectifs mondiaux, indiquent la voie à suivre pour assurer un avenir juste et viable pour tous. En 2015, pas moins de 193 gouvernements autour du monde se sont engagés à poursuivre ces objectifs dans leurs pays, afin de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 (Programme 2030). Au cours de la prochaine décennie, ces États continueront de mobiliser des efforts pour éliminer la pauvreté, lutter contre les inégalités et les changements climatiques. Ces nouveaux objectifs interreliés succèdent aux objectifs du Millénaire pour le développement, tout en intégrant de nouveaux domaines prioritaires comme les changements climatiques, les inégalités économiques, l’innovation, la consommation responsable ainsi que la paix et la justice.
Les ODD ont un rôle primordial à jouer dans les classes d’aujourd’hui. En tant que feuille de route pour un monde meilleur, ces objectifs mondiaux peuvent favoriser l’engagement des élèves et orienter les plans de cours. La Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) aide les élèves et le personnel enseignant à les intégrer dans les salles de classe, par l’intermédiaire du Réseau des écoles de l’UNESCO, un réseau mondial d’écoles qui contribue à la réalisation du Programme 2030. Voici quelques exemples d’initiatives liées aux ODD que des écoles du réseau ont entrepris un peu partout au Canada.
À l’école Elm Creek, un établissement communautaire du Manitoba qui accueille des élèves de la maternelle à la 12e année, le comité UNESCO composé d’élèves et encadré par des enseignants a lancé un projet visant à mieux faire connaître les ODD et à favoriser leur réalisation. La Plus grande leçon du monde, amorcée en 2015 dans le but de sensibiliser les enfants de tous les pays à ces objectifs mondiaux, a été présentée à toute l’école dans le cadre d’une assemblée spéciale. Lors de cette assemblée des groupes d’élèves de différents niveaux ont été formés. L’équipe UNESCO a rassemblé diverses ressources imprimées et numériques, puis a assigné à chacun de ces groupes un ou deux objectifs à explorer. Ce travail de recherche a conduit l’ensemble de l’école à travailler ensemble pour mettre en œuvre des projets d’action qui pourraient répondre aux ODD. Voici quelques initiatives qui sont toujours en cours :
En 2020, la CCUNESCO et le Centre mondial du pluralisme ont lancé une formation en ligne pour le personnel enseignant intitulée « Parler de racisme dans la classe » en réponse à l’injustice raciale présente au Canada et dans les écoles. Plus de 1 000 enseignants ont montré leur intérêt, et plus de 500 ont suivi la formation en ligne : il était manifeste que le personnel enseignant et les administrateurs scolaires désiraient vivement être équipés et soutenus pour mener ces discussions et explorer la notion de racisme systémique dans les écoles.
Afin que se poursuive cette conversation importante avec les élèves, la CCUNESCO a fait équipe avec TakingITGlobal et le Centre pour l’éducation mondiale pour organiser une visioconférence, intitulée « #BlackLivesMatter in Canadian Schools », présentée en direct dans les écoles à travers le pays. Les deux conférencières étaient des élèves de l’école secondaire David Suzuki, située à Brampton, en Ontario. Membres de United Souls, un groupe de leadership d’étudiants noirs ayant pour idéal commun la promotion de l’excellence noire, elles ont parlé du racisme qu’elles ont elles-mêmes subi et de ce qu’on peut faire pour lutter contre le racisme systémique dans nos systèmes scolaires.
Pour favoriser la santé et le bien-être dans leur communauté, des élèves de l’école secondaire F. H. Collins à Whitehorse, au Yukon, ont préparé des trousses pour les personnes dans le besoin cet hiver. Ils ont acheté des chauffe-bras et des mitaines ainsi que des produits d’hygiène personnelle et du chocolat en vue d’une distribution locale. Les élèves ont aimé travailler ensemble pour propager l’esprit des Fêtes et poursuivre l’ODD 3 (Bonne santé et bien-être).
La lutte contre les changements climatiques est un incontournable du développement durable, qui, au fond, permet aux populations de profiter des ressources naturelles sans jamais les épuiser et sans priver les générations futures. Par exemple, il est essentiel de réduire les émissions de carbone pour respecter les limites de l’environnement, au même titre qu’il faut adopter des pratiques responsables en matière d’emballage, de traitement des déchets et de gestion des océans. Les mesures d’atténuation des changements climatiques sont un des piliers du développement durable. Il devient de plus en plus urgent de préserver nos écosystèmes et notre héritage naturel et culturel, et de protéger la Terre des effets dévastateurs des incendies, des inondations, des tempêtes violentes, et autres phénomènes météorologiques extrêmes.
À la Bruce Peninsula District School, une école ontarienne en région rurale, les élèves et le personnel ont mis sur pied un programme complet de lutte contre les changements climatiques comprenant astuces et défis mensuels. Toute l’école, de la maternelle à la 12e année, devait ainsi relever dix défis durant l’année scolaire. Ceux-ci cadraient avec ce que les élèves apprenaient en classe et mettaient à contribution les parents et la population. Pour que tout le monde garde le cap, l’école tenait une feuille de pointage sur les mesures climatiques et a fait élire un élève par classe pour vérifier que les mesures étaient bel et bien mises en œuvre.
À l’école secondaire Cavelier-De LaSalle, au Québec, la réduction des déchets est prise au sérieux. Après avoir installé un composteur industriel, l’école a composté 176 kg de déchets en 2017, et 200 kg en 2018. Elle a également réduit ses déchets de plastique durant l’année scolaire 2017-2018 en vendant des gourdes, que l’on peut remplir aux fontaines de l’école.
Afin de garantir la paix, la justice et des institutions efficaces au Canada, les droits des peuples autochtones doivent être respectés. Pour la Commission de vérité et réconciliation du Canada, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones constitue le cadre devant guider la réconciliation à tous les niveaux et dans tous les secteurs de la société canadienne. Le Réseau des écoles de l’UNESCO appuie les initiatives qui favorisent la réconciliation entre les peuples autochtones et non autochtones du Canada dans le cadre des programmes de l’UNESCO. Pour faciliter les discussions sur la réconciliation en classe, la CCUNESCO a fait équipe avec le Wapikoni, un organisme qui aide les jeunes Autochtones par le biais du cinéma et de la musique à développer leurs compétences artistiques, techniques, sociales et professionnelles, et à diffuser leurs films pour sensibiliser le public aux enjeux des communautés autochtones. Le résultat de cette collaboration : un guide pédagogique conçu pour encourager le personnel enseignant au secondaire à parler des enjeux actuels et de la diversité des cultures autochtones du Canada.
À l’école secondaire Allison Bernard Memorial, située sur le territoire de la Première Nation d’Eskasoni, en Nouvelle-Écosse, on utilise la musique et la technologie pour aider les élèves à se rapprocher, à partager et à célébrer leur identité culturelle. À titre d’exemple, des élèves ont créé une version musicale du célèbre poème I Lost My Talk, de Rita Joe. « La réconciliation par l’art, voilà l’idée au cœur du projet », explique l’enseignant Carter Chiasson. S’ajoute à cela la création d’une application visant à revitaliser la langue mi’kmaq.
Imaginez plus de 11 500 écoles dans 182 pays qui interagissent et apprennent les unes des autres, et où les élèves réfléchissent à des enjeux mondiaux comme la paix, la lutte contre les changements climatiques, les droits de la personne, la diversité culturelle et le développement durable tout en mettant en œuvre des changements positifs dans leurs communautés. Voici en quoi consiste le Réseau des écoles de l’UNESCO. Créé en 1953, le Réseau met en relation des écoles du monde entier afin de promouvoir l’enseignement de qualité pour tous dans une optique de paix et de développement. Il y a plus de cent écoles membres au Canada.
Les écoles canadiennes associées à l’UNESCO ont un rôle particulièrement important à jouer dans l’atteinte des ODD. Une trousse a récemment été créée pour le personnel enseignant et les élèves qui aimeraient mettre en application les valeurs de l’UNESCO dans leurs écoles. Bien que toutes les écoles aient accès aux ressources et aux publications éducatives de l’UNESCO et de la CCUNESCO, les écoles membres ont l’occasion d’apprendre les unes des autres dans le but commun de s’attaquer aux défis locaux et mondiaux liés aux ODD, pour ainsi bâtir un avenir meilleur et viable pour tous. Voici l’occasion de vous renseigner sur les ODD, de tisser des liens avec les écoles canadiennes et dans le monde, et de rejoindre le mouvement!
Photos : CCUNESCO
Lisez les autres articles de ce numéro
Commission canadienne pour l’UNESCO (12 janvier 2021). https://fr.ccunesco.ca
La plus grande leçon du monde (12 janvier 2021). https://worldslargestlesson.globalgoals.org/fr
« Parler de racisme dans la classe : Webinaire et ressources pour le personnel enseignant sur le racisme anti-Noir » (12 janvier 2021). https://www.pluralism.ca/fr/parler-racisme/
« Guide pédagogique Wapikoni : Introduction à la diversité des cultures autochtones du Canada » (12 janvier 2021).
http://www.wapikoni.ca/a-propos/services-offerts/guide-pedagogique-wapikoni
« Projet national de chanson inspirée de Rita Joe : Gentle Warrior » (12 janvier 2021).
https://nac-cna.ca/fr/ritajoesong/gentle-warrior
Réseau des écoles de l’UNESCO (12 janvier 2021).
https://fr.ccunesco.ca/nos-reseaux/reseau-des-ecoles-de-l-unesco
Commission canadienne pour l’UNESCO, « Trousse pour les enseignant.e.s : Réseau des écoles de l’UNESCO au Canada » (mars 2020).
https://fr.ccunesco.ca/-/media/Files/Unesco/Resources/2020/04/TrousseEnseignantsEcolesUNESCO.pdf
Image : Nations Unies
La durabilité donne un sens à l’éducation1.
L’IDÉE d’une éducation au développement durable n’est pas entièrement nouvelle. J’ai commencé à la découvrir en 2008, au hasard par une simple demande. Un groupe d’élèves avait besoin d’un conseiller ou d’une conseillère sur place pour participer à Spread The Net de Plan International Canada. Mise sur pied par Rick Mercer et Belinda Stronach, cette initiative conviviale de financement destinée aux établissements d’enseignement de la maternelle à l’âge de 20 ans vise à mobiliser les communautés dans le cadre de projets de développement international. En tant qu’enseignante en sciences, j’étais consciente que même si la malaria avait été éradiquée au Canada depuis plus de 60 ans (depuis plus de 70 ans aujourd’hui), qu’elle continuait de poser un défi pour certains autres pays dans le monde. De plus, en raison des changements aux systèmes climatiques mondiaux, on estimait à l’époque qu’il était encore possible, pour le Canada, d’être confronté de nouveau à la malaria.
Quelques mois plus tard, j’ai su que l’initiative Spread the Net s’inscrivait dans le cadre de l’un des huit objectifs du Millénaire pour le développement (2000-2015) des Nations Unies. Spread the Net a donc été ma porte d’entrée vers l’éducation au développement durable (ÉDD) et m’a permis de découvrir le travail accompli par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) en matière d’éducation dans le monde. À la suite de cette expérience, la philosophie sur laquelle s’appuyait « la raison pour laquelle j’enseigne » s’est élargie pour passer des attentes liées au curriculum d’une matière en particulier à une perspective d’ensemble beaucoup plus large : comment les élèves vont-ils utiliser cette information pour composer avec les complexités du monde actuel et de l’avenir?
Le 15 septembre 2015, lors de l’assemblée générale des Nations Unies, les dirigeants mondiaux ont adopté à l’unanimité Transformer notre monde : le programme de développement durable à l’horizon 2030, un nouvel ensemble d’objectifs graduels et universels, visant à changer le monde et à favoriser le développement mondial. Le nouveau cadre des Nations Unies, qui avait préséance sur les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) a été élaboré pour que les nations puissent continuer de réinventer et de façonner l’avenir, avec toutefois une différence importante – ce cadre était d’envergure mondiale et avait été élaboré de façon à ce que toutes les nations puissent planifier, agir et mesurer leurs progrès sur une période de 15 ans. Par la suite, 17 objectifs de développement durable et 169 cibles ont été élaborés à partir des observations de gens du monde entier, afin que ces objectifs représentent bien les besoins de la population mondiale. Voilà pourquoi avec le temps, ce cadre a été désigné dans le milieu de l’éducation, sous le nom d’objectifs de développement durable, ou ODD.
Fondé sur le principe voulant qu’on ne doive « laisser personne derrière », le nouveau plan de travail insiste sur l’approche globale pour l’atteinte du développement durable pour tous. Les 17 objectifs de développement durable sont interdépendants et indivisibles.
Le plan de travail pour 2030 est un programme ambitieux, où l’éducation est mentionnée à 28 reprises dans six de ses objectifs (soit les objectifs 1, 3, 5, 8, 12 et 13), en plus du quatrième objectif, celui d’une éducation de qualité. L’éducation y est désignée à la fois comme un outil et un moteur de développement des capacités pour l’atteinte des ODD.
Les ODD offrent aussi un nouveau modèle stimulant pour les systèmes d’éducation, à partir duquel structurer l’enseignement par le biais des 17 thèmes transversaux qui touchent toutes les sociétés, tous les niveaux scolaires et toutes les matières. Le fait d’utiliser les 17 ODD comme optique d’enseignement permet de présenter le contenu d’une matière dans un contexte pertinent et d’aider les élèves à transposer les notions apprises à l’échelle locale, dans des conditions globales et des événements d’actualité.
Selon moi, l’attrait que présente ce cadre tient à la nature interdépendante et interreliée de ses objectifs. À première vue, l’affiche qui présente les ODD, avec ses 17 tuiles de couleurs vives harmonieusement disposées pour former un rectangle, paraît bien simple. Mais ce n’est pas le cas. Aucune de ces tuiles ne peut être prise isolément! Après avoir retourné chaque tuile et exploré chaque indicateur (pour la mesure des progrès) et chaque liaison tangentielle, j’ai réalisé qu’ensemble, ces 17 tuiles représentaient les défis et possibilités de la vie, et pourraient faire l’objet de recherche et de discussions de nature et d’envergure variables, que ce soit sur les plans individuel, communautaire, régional, national, continental ou mondial. J’avais découvert des moyens concrets et souples de faire participer activement les apprenants à la pensée critique et à la pratique des systèmes.
Pensons par exemple aux sciences, qui sont mon champ d’expertise. Dans ce domaine, le cadre devient un puissant outil que les apprenants peuvent utiliser pour comprendre les phénomènes naturels et sociaux dans leur communauté. Ces phénomènes, habituellement répartis subtilement à travers diverses matières, sont présentés dans les ODD avec toutes les magnifiques complexités et nuances qu’elles supposent dans notre monde bien concret. Les apprenants doivent mettre à contribution leurs connaissances (tirées de domaines autres que les sciences), leurs aptitudes et leurs attitudes – y compris les compétences globales pancanadiennes2 – pour définir les problèmes locaux et les solutions concrètes qui s’y rattachent. Puisque les ODD permettent d’enclencher une démarche de définition des problèmes, les solutions qui se présenteront peuvent avoir une application globale.
Les ODD positionnent les connaissances liées à une matière en particulier sous leur forme réelle : elles sont complexes, comportent plusieurs facettes et plusieurs volets. Lorsque les apprenants appliquent les connaissances propres à une matière à un contexte ancré dans les réalités de leur milieu, ils deviennent capables d’explorer, d’analyser et d’interagir avec leur environnement, tant naturel qu’humain, et de renforcer leurs habiletés (compétences globales) qui leur permettront de s’attaquer à des problèmes complexes qui touchent leur communauté ou qui la toucheront à l’avenir.
En acceptant de collaborer à cette publication, je savais que le récit que je partagerais ne traiterait pas uniquement de ma propre histoire. Cette collaboration m’offrait l’occasion de diffuser le savoir entourant les ODD. J’ai choisi d’accorder de la place à d’autres voix qui voulaient se faire entendre et j’ai lancé un appel pour obtenir des collaborateurs, par la voie d’un court sondage publié sur la plateforme collaborative Slack, afin de recruter des enseignants ambassadeurs des ODD. Les réponses n’ont pas tardé à arriver – de la Grèce, du Canada, du Liban, du Nigéria, du Royaume-Uni, des États-Unis, des Émirats arabes unis et de la France – une communauté mondiale, unie par la conviction que l’éducation peut transformer le monde. Des éducateurs officiels ou non, d’anciens enseignants et un administrateur ont répondu à mon appel.
Ma première question traitait des avantages d’être membre d’une communauté mondiale de spécialistes (ambassadeurs de l’enseignement des ODD). Voici quelques réponses parmi celles que j’ai reçues :
« Partager des pratiques exemplaires avec les autres. Réseauter avec des gens aux vues similaires de partout dans le monde. Apprendre d’une communauté mondiale, pour aider à préparer les élèves à penser localement et à agir globalement. » – Anita Singh, enseignante dans une ferme-école, Émirats arabes unis.
« … collaborer avec d’autres éducateurs à des idées pour enseigner les ODD. » – Doreen N. Myrie, enseignante et éducatrice, États-Unis.
« Les principaux avantages sont la création de partenariats visant à accroître notre efficacité de mise en œuvre. Ces partenariats prendront diverses formes, notamment le partage de ressources, d’expertise, d’affiliation et de soutien de toutes sortes. » – Jinan Karameh, directrice d’école, Liban.
« L’accès à des praticiens qui partagent nos vues, ont la même vision et, en fin de compte, qui poursuivent le même objectif. Partager les initiatives en cours et se tenir au courant des possibilités de développement des apprentissages. » – Tim Black, ex-enseignant, France.
En lisant ces commentaires, un proverbe m’est venu à l’esprit : « Si tu veux aller vite, marche seul. Mais si tu veux aller loin, marche avec d’autres ». Grâce à la collaboration mondiale et au partenariat que permet le programme TeachSDGs, une communauté d’ambassadeurs de l’enseignement des ODD, ma voix, mon travail et ma contribution à l’éducation profitent à un nombre de personnes bien plus grand que celui que je vois dans les faits, et chaque occasion de collaborer permet de donner plus de portée aux mesures qui favorisent les pratiques souhaitables en éducation.
Pour favoriser la participation des élèves, les enseignants doivent comprendre l’objectif de l’apprentissage – le pourquoi, dans sa forme collective – pour eux-mêmes comme pour les élèves. Que ce soit dans le domaine des sciences sociales, des arts, des sciences ou des mathématiques, les enseignants doivent considérer les aspects suivants :
Les 17 objectifs de développement durable offrent aux enseignants tout un éventail de moyens d’enseigner aux élèves les complexités du monde par le biais de contextes locaux. Les recherches sur l’éducation au développement durable appuient cette approche pour l’amélioration de l’estime de soi des élèves, pour les aider à forger leur personnalité, leur capacité d’empathie et leur autonomie. Encadrer l’apprentissage à l’échelle de la communauté offre aussi aux élèves la possibilité d’appliquer ces connaissances à des contextes réels. De plus, les pédagogies d’éducation au développement durable (ÉDD) encouragent les enseignants à envisager des approches plus centrées sur l’apprenant et à permettre aux élèves de prendre eux-mêmes en charge leur apprentissage. L’école doit maintenant accorder la priorité au développement de compétences pour la durabilité3 qui favorisent une action participative des élèves grâce à des correspondances établies entre les programmes de cours et les perspectives que présentent les 17 objectifs et les 169 cibles.
Depuis mon initiation à l’ÉDD, mon rôle en éducation est passé de celui d’enseignante en salle de classe à conceptrice de curriculums à l’échelle ministérielle. En vue de démontrer la capacité des ODD à engendrer des retombées positives en éducation, je m’en remets encore une fois à la communauté d’éducateurs de TeachSDGs. Je leur ai demandé de faire part de leurs réflexions sur la façon de présenter les matières par le biais des nombreuses perspectives des ODD des Nations Unies pour autonomiser les apprenants. Voici quelques réponses :
« Lorsque vous transposez les objectifs de développement durable à l’échelle locale, et que les élèves peuvent faire des liens entre ce que vous enseignez et ce dont vous discutez en classe et leur propre existence et expérience de vie, la combinaison est très forte. Quoi de mieux que d’éveiller une passion chez un élève afin qu’il travaille à instaurer un changement positif dans le monde? » – Mahfuza Rahman, enseignante hybride (programme Digital Lead Learner), Canada.
« Les apprenants, par l’entremise de l’enseignement des ODD, prennent conscience de la nécessité d’apporter des solutions inclusives (ne laisser personne derrière) et de développer leur pensée critique, leur capacité d’innovation et leur créativité pour tenter d’aider notre planète pour l’avenir. » – Stavroula Skiada, enseignante (co-enseignement intégré), Grèce.
« Encourager la réflexion plus large. Aider les élèves à devenir des citoyens du monde peut les inciter à agir pour devenir des agents de changement sur le plan planétaire. » – Kirsten Thompson, ex-enseignante, Royaume-Uni.
« Les apprenants sont outillés pour résoudre des problèmes et pour utiliser leur voix afin d’enseigner aux autres à amorcer le changement et à changer la donne dans les enjeux qui comptent pour eux. Ils sont outillés pour apprendre des autres cultures et pour comprendre la valeur que cet apprentissage représente. » – Lynn Thomas, enseignante (littérature anglaise), Canada.
« Les élèves perçoivent et expérimentent le monde en tant qu’écosystème interdépendant et sont en mesure de reconnaître, de créer et de prendre leur place. » – Julia Fliss, enseignante (arts d’expression anglaise), États-Unis.
Kristen Thompson résume la question avec pertinence en réfléchissant à la façon de présenter la matière dans les nombreuses perspectives liées aux ODD : « cela concrétise l’éducation pour les élèves en se concentrant sur des enjeux qui correspondent au monde réel. »
À l’heure actuelle, l’intégration des objectifs de développement durable à notre pratique d’enseignement pose de nombreux défis – les lacunes en matière de communication au sein des ministères et des districts et commissions scolaires, les priorités et les intérêts concurrents au sein des réseaux publics d’éducation et le manque de possibilités de perfectionnement professionnel pour les enseignants intéressés par les questions touchant les ODD n’en sont que quelques-uns. Or, difficile ne veut pas dire impossible. La mobilisation du savoir, le partage des ressources et le soutien à la formation professionnelle sont des moteurs importants pour réorienter l’éducation.
Depuis la mise en place des objectifs de développement durable, une somme considérable de ressources a été créée par les tenants de l’ÉDD et élaborée par des enseignants en appui aux travaux réalisés à l’échelle régionale, nationale et internationale. Les écoles qui placent les objectifs de développement durable au centre de leur approche pédagogique font partie d’un grand tout. Il existe de nombreuses « rampes d’accès » pour les enseignants, à titre individuel, et pour permettre aux communautés scolaires de s’impliquer.
Vous vous demandez comment commencer à intégrer les objectifs de développement durable à l’enseignement et favoriser une mentalité axée sur la viabilité pour l’apprentissage dans les communautés scolaires? Voici quelques suggestions pour y parvenir :
Ma découverte de l’éducation au développement durable et des 17 objectifs m’a amenée à implanter une approche plus globale à ma pratique et a servi de fenêtre sur le monde en ouvrant ma communauté professionnelle à des lieux et à des personnes que jamais je n’aurais pu imaginer! Les histoires à succès dans le secteur de l’éducation (ou leur diffusion, à tout le moins) sont habituellement assez rares et j’espère qu’en partageant la mienne, les lecteurs comprendront les nombreux moyens par lesquels les objectifs de développement durable peuvent offrir aux apprenants – tant les enseignants que les élèves – des voies d’accès vers des apprentissages communautaires constructifs, qui ont une pertinence mondiale. En 2021, l’éducation est… mondialolocale!
L’information sur les ODD des Nations Unies et sur leur influence positive sur l’enseignement et l’apprentissage est particulièrement nécessaire, surtout maintenant. En septembre 2020, on soulignait le premier tiers du plan d’action sur 15 ans et on lançait Décennie d’action : un appel pour accélérer la mise en œuvre de solutions durables face aux défis majeurs auquel le monde sera confronté d’ici 2030. Le compte à rebours est commencé. Continuons de bien travailler pour faire de notre monde un lieu plus sécuritaire, plus juste et plus équitable pour tous, grâce à l’éducation.
Cet article est traduit de la version originale anglaise. Certaines ressources sont également disponibles en français; veuillez consulter les sites Web.
Vidéo : UNESCO: The Lab of Ideas, the Lab for Change!
Manifeste pour enseigner les ODD : https://drive.google.com/file/d/1CUlNQpAd4YfwC8QjC1MK8qNQV3lUr67U/view
Voici les ressources que je consulte fréquemment :
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Lisez les autres articles de ce numéro
1 Source : G. Connelly, ancien directeur du Toronto Board of Education. Education for sustainable development is designed to raise students’ awareness of and encourage them to become actively engaged in working for a sustainable society.
2 Présentée par le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) en 2016 : https://allison-gonzalez-5bxg.squarespace.com/comptences-globales-du-cmec
3 Les compétences transversales pour la durabilité font appel à des mécanismes et à une réflexion prospective, à la compétence normative, à la compétence stratégique, à la pensée critique, à la collaboration, à la résolution intégrée de problèmes et aux connaissances sur les phénomènes planétaires.
4 L’audit du curriculum consiste à examiner les cours offerts afin de préciser quelles unités ou matières intègrent des notions de durabilité et de les intégrer aux 17 objectifs (et les 169 cibles).
Ce texte illustre par de multiples exemples en quoi la situation pandémique touche l’enseignement et l’apprentissage du français en contexte minoritaire. Mme Boutouchent y aborde une pratique qui a redonné la voix à des étudiants intimidés par la distance. Mme Fournier parle des changements apportés à ses pratiques auprès de ses jeunes élèves.
S’il y a un point important que l’on répète sans cesse tout au long de la formation initiale du personnel enseignant, c’est bien celui relatif à l’importance de la relation interpersonnelle. Une relation virtuelle, à distance, en synchrone ou en différé, avec ou sans artifices de réalité augmentée est certainement différente, surtout pour ceux et celles qui commencent leur première année à l’université en français langue seconde en milieu majoritairement anglophone. En ce temps de pandémie, la distanciation physique est un geste d’amour et d’attention envers soi et les autres, mais lorsqu’elle s’ajoute à l’isolement linguistique, elle augmente le stress ressenti. C’est du moins ce que mes apprenants m’ont dit dès le premier jour de la rentrée. Bien qu’ils soient tous habitués aux technologies, ils espéraient vivre leur première expérience universitaire sur le campus, se faire des amis francophones de tous les horizons et planifier passer leur deuxième année à l’Université Laval à Québec l’année prochaine. J’aime leur répéter que ce rêve n’est que remis à plus tard mais je sais qu’ils le vivent différemment.
Je suis professeure au programme du baccalauréat en éducation française de l’Université de Regina (Saskatchewan), où la langue est fortement minoritaire. Non seulement la province se caractérise par ses vastes prairies, mais en plus, la communauté fransaskoise y est dispersée, si bien que les évènements francophones rassembleurs n’étaient déjà pas très nombreux avant la pandémie. Notre programme est unique à bien des égards. Non seulement il est le seul programme de formation des maîtres en français de la province, mais il réunit particulièrement les francophones et les francophiles d’ici et d’ailleurs qui se destinent à l’enseignement dans nos écoles fransaskoises et d’immersion française et y apprennent dès lors à collaborer (Boutouchent, 2016).
Quatre semaines après le début des cours, j’ai sollicité la rétroaction et les impressions de mes étudiants quant au déroulement du cours à distance. Après plusieurs minutes d’attente, j’ai fini par leur demander de se renommer en s’attribuant le nombre 1, et au lieu d’intervenir oralement, d’exprimer leurs idées par messagerie (clavardage). Devenus ainsi quasi anonymes, ils n’ont pas hésité à offrir leurs commentaires et leurs suggestions. Sur vingt-neuf participants, j’ai compté pas moins de dix-sept commentaires liés au stress linguistique. Plusieurs affirmaient qu’il leur était difficile de s’exprimer en français, y compris avec leurs collègues qu’ils rencontrent pourtant dans plusieurs autres classes. Plus de la moitié ont dit ne pas avoir utilisé leurs compétences langagières depuis le début de cette pandémie. La question suivante s’est alors imposée.
L’an dernier, nous avons tous été surpris par cette pandémie. Les écoles ont dû finir l’année scolaire à la hâte et à distance comme partout ailleurs. Dans une province où le français se parle surtout entre les murs de l’école et des classes, il va sans dire que les moments et les espaces privilégiés pour les interactions interpersonnelles, spontanées ou non, les échanges et les pratiques langagières ainsi que l’apprentissage du français langue seconde, ont cédé le pas à l’importance de finir l’enseignement des contenus disciplinaires. Les interactions virtuelles sont difficiles, surtout avec les jeunes qui vivent dans un environnement familial majoritairement anglophone. Plusieurs d’entre eux se sentent fortement isolés chez eux, parce qu’ils passent leurs journées à étudier en français sans pour autant pouvoir l’exercer ou l’utiliser, ni même se faire aider dans leurs apprentissages.
Ils se sentent, comme certains l’ont souligné, doublement isolés en comptant l’isolement dû à la pandémie. Ils se sentent isolés au sein du foyer mais aussi de leurs amis et de leur environnement scolaire ou universitaire, qui demeurait jusqu’ici l’espace unique de socialisation et d’interaction interpersonnelle en français langue minoritaire. D’autres qui ont des frères et des sœurs scolarisés en immersion française limitent leurs interactions à aider les plus jeunes à effectuer leurs travaux scolaires. Ils s’inquiètent aussi pour eux car à leurs dires, suivre les cours en ligne ne favorise pas l’interaction en soi. « Si les écoles ferment, les élèves en immersion qui ne parlent pas français à la maison risquent de perdre leurs acquis par manque de pratique. Il est plus difficile de poser des questions quand on a moins d’occasions de parler le français », expliquent-ils. Les communications interpersonnelles, par le biais de différents moyens technologiques avec les amis et la parenté, se déroulent souvent en anglais, soit pour exprimer rapidement ce que l’on a à dire ou bien parce que la communication implique des membres de la famille qui ne s’expriment pas en français. De par leur propre expérience, ma classe observe que « c’est déjà difficile d’apprendre la langue française à l’école, mais c’est encore plus difficile de l’apprendre en ligne. Dans les classes en présentiel, nous sommes entourés par les personnes qui parlent le français; à la maison, la plupart d’entre nous sommes les seuls qui le parlent ». Plus récemment, notre classe a discuté du contexte sociolinguistique des langues officielles dans lequel nous vivons et les enjeux liés au français minoritaire. Ces futurs enseignants pensent que la situation présente amplifie certains défis.
Une des premières observations soulevées est qu’« il y a encore moins de rencontres sociales, alors la communauté francophone en souffre un petit peu ». Celle-ci étant dispersée dans toute la province, il était déjà difficile de profiter des évènements socioculturels que les communautés fransaskoises du nord et du sud ont pris l’habitude de célébrer. Avec cette pandémie, la plupart des célébrations culturelles ont été annulées, y compris les évènements socioculturels occasionnels comme la Semaine de films francophones offerte par la bibliothèque municipale, ou bien ceux des organisations communautaires fransaskoises telles que la Société historique, l’Association Jeunesse Fransaskoise (AJF) et bien d’autres encore auxquelles les écoles participent de mieux en mieux. Les évènements virtuellement offerts par certaines institutions francophones demeurent peu attrayants. « C’est encore regarder le français et non pas vivre en français » témoigne un des apprenants. Un autre défi soulevé par ce groupe de futurs enseignants est celui relatif à la difficulté d’enseigner. « La situation de la COVID-19 n’aide pas les élèves qui ne sont plus capables de s’entretenir entre eux en français à cause des masques mais aussi parce qu’il n’y a plus l’obligation de parler en français ». Non seulement l’apprentissage du français langue seconde n’est plus une priorité, mais le défi que les tout-petits vivent est réel. Le vécu d’une classe de prématernelle est bien révélateur.
Jusqu’au 12 mars 2020, mes petits en prématernelle partageaient leurs idées et apprenaient de nouveaux mots en français en faisant du « buddy-reading » avec leurs partenaires de lecture de première année. Quatre jours plus tard, tout a basculé. L’apprentissage via la plateforme Zoom n’a pas été facile. L’enseignement que je faisais presque exclusivement en français en salle de classe est très vite devenu bilingue puis presque entièrement en anglais. J’ai dû soutenir mes élèves et leurs parents dans la langue de Shakespeare. La pandémie a complètement changé ma façon d’enseigner mes classes de prématernelle et de maternelle. J’ai modifié mes stratégies d’enseignement et le matériel pédagogique pour remplacer les objets que les élèves manipulent habituellement, et j’ai changé l’organisation physique de ma classe. Le changement le plus déplorable se situe au niveau de la performance des élèves. Ceux de la prématernelle de l’an dernier qui sont en maternelle maintenant ont dû reprendre leur apprentissage du français comme si cela était la toute première fois. Tout le travail que nous avions accompli et le vocabulaire que nous avions acquis avant la pandémie avaient été oubliés en quelques mois. Notre vie de classe n’est plus la même et la relation bâtie avec mes élèves est différente. À cause des précautions et des mesures de sécurité en place, les jeunes élèves ont moins de plaisir à apprendre. Non seulement les interactions entre eux ont beaucoup diminué mais en plus, ils ne peuvent plus partager leurs jeux, s’asseoir en cercle sur le tapis pour discuter de sujets divers, ni clairement entendre ma voix et ma prononciation des mots en français. À cause du masque, ma communication non verbale ne peut plus soutenir la compréhension et l’apprentissage de nouveaux mots. Mes petits éprouvent plus de difficultés à lire les émotions étant donné qu’ils ne voient que les yeux et non le reste des visages. Notre relation et interaction avec nos partenaires communautaires de Gravelbourg a aussi changé. Désormais, nous ne pouvons pas nous rendre au bureau de poste où l’on pourrait utiliser notre français pour envoyer notre lettre au Père Noël. La situation actuelle prive mes élèves qui apprennent le français en milieu minoritaire de bien plus que de jouer avec leurs amis. Il nous faut espérer que cette situation ne dure pas pour que nos élèves ne perdent pas leurs acquis et ne se découragent pas du fait que leur apprentissage soit ainsi ralenti.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Boutouchent, F. (2016). Le passage du milieu francophone minoritaire au milieu francophone majoritaire : Étude de l’expérience des enseignants en formation pour comprendre l’influence du milieu sur le développement professionnel. Revue Canadienne de linguistique appliquée (RCLA/ CJAL), 19(1), 84-108.
Jack Dupuis a défendu les couleurs du Canada au Mondial des métiers en Russie en 2019. Il s’est mesuré aux meilleurs candidats dans son champ d’études lors d’épreuves chronométrées; il peut maintenant se targuer de faire partie de l’élite de la mécanique de machinerie lourde, après avoir remporté la médaille d’argent à cette compétition de haut niveau. « Les Olympiades ont changé ma vision du Diplôme d’études professionnelles (DEP). […] C’est une expérience qui développe la fibre entrepreneuriale et ouvre de nouvelles perspectives », considère le jeune homme de 22 ans, devenu récemment enseignant au Centre de formation en mécanique de véhicules lourds de Lévis (CFMVL) où il a lui-même obtenu son diplôme.
L’histoire de Jack Dupuis, si elle brille singulièrement par les succès remportés, représente le parcours des milliers de jeunes étudiants québécois qui sont passés par les olympiades. Événement pédagogique et compétitif, politique et économique? Pour les enseignants, c’est une nouvelle façon d’enseigner et d’intéresser les étudiants. Entre théorie et pratique, les olympiades concrétisent des mois d’enseignement en deux jours de compétitions. Pour les établissements de formation professionnelle et technique, c’est une porte ouverte pour la mise en valeur des disciplines enseignées et un véhicule de promotion pour attirer de nouveaux étudiants dans les centres de formation et les cégeps. Mieux, les olympiades sont une pratique intégrée annuellement dans la vie communautaire des établissements de formation. Enfin, pour le milieu économique et politique, ces jeunes représentent le futur de la main-d’œuvre du Québec.
Il faudra bientôt remplacer une génération de gens de métier. Avec la pénurie de main-d’œuvre spécialisée qui s’accentue, dans un contexte démographique de quasi-plein emploi qui laisse présager un recul de la diplomation, la promotion et la valorisation de la formation professionnelle et technique demeurent d’une actualité criante. En 1992, année où ont été implantées des compétitions de métiers au Québec, l’objectif premier était de proposer des modèles de réussite positifs pour contrer les préjugés face à la FPT. « Dans la deuxième moitié du xxe siècle, la majorité des pays industrialisés ont connu des pénuries de main-d’œuvre compétente », explique Jean-Rock Gaudreault, directeur général de Compétences Québec, l’organisme qui chapeaute les Olympiades des métiers. On cherchait des moyens originaux de promotion. Ces premières compétitions connaissent un véritable succès. Le Québec découvre ensuite que l’Ontario organise, depuis peu, elle aussi, des compétitions similaires et s’allie à sa province voisine pour lancer Skills/Compétences Canada. « Dès le départ, la mise en commun du système de formation canadien-anglais avec celui du Québec, totalement différent, est un défi de taille qui perdure encore aujourd’hui », indique M. Gaudreault. « On ne peut pas imaginer deux approches plus différentes en matière de formation à l’intérieur d’un même pays. Concilier ces systèmes est d’emblée un tour de force. » À cela s’ajoute aussi le défi d’organiser les compétitions.
L’aventure des Olympiades ne serait pas possible sans l’appui des établissements de formation ni sans le dévouement des enseignants. Entraîner un jeune a un coût. Il faut compter les frais de salaires pour libérer les enseignants sans compter le matériel, l’embauche de spécialistes, etc. Vincent Bolduc, enseignant en mécanique au Centre de formation professionnelle de Coaticook (CRIFA) s’investit dans les Olympiades depuis 2008, car c’est pour lui comme une grande bouffée d’optimisme dans sa pédagogie : « Les élèves motivés me donnent de l’énergie, et ils ont un formidable effet d’entraînement sur les autres élèves. » Selon Jozée Dulude, enseignante à l’École des métiers des Faubourgs-de-Montréal et doyenne des expertes québécoises, les Olympiades ont de nombreuses retombées positives pour les écoles de formation : « Pour performer avec nos élèves, nous devons nous perfectionner constamment et adopter de nouvelles approches dans nos métiers respectifs. Ma façon d’enseigner n’est pas celle que j’ai apprise ni celle que je proposais il y a dix ans. Je suis convaincue que les Olympiades ont fait de moi une meilleure enseignante. » Autre avantage constaté par Mme Dulude : les entreprises mettent à la disposition des candidats des équipements à la fine pointe des avancées technologiques; les centres de formation sont les premiers à profiter de cette constante mise à niveau. « Le principal obstacle auquel nous faisons face est un manque de reconnaissance médiatique, déplore-t-elle. Je crois que nos activités, positives et rassembleuses, devraient obtenir plus d’échos. »
Le réseau de formation de travailleurs spécialisés du Québec accueille chaque année près de 170 000 personnes dans 174 centres de formation professionnelle et 48 Cégeps. Collectivement, cela représente un investissement près de 1,5 milliard de dollars et près de 300 programmes de formation professionnelle ou technique. Malheureusement, les opportunités de formations qu’offre la formation professionnelle et technique demeurent méconnues, constate Albert Fanna, anciennement de chez Festo, entreprise commercialisant des systèmes d’automatisation et vice-président de Compétences Québec : « Le système d’éducation répond adéquatement aux besoins sans cesse croissants du marché du travail, mais les candidats manquent à l’appel. C’est là qu’interviennent les Olympiades. En valorisant l’excellence. En faisant connaître les attraits de ces parcours de formation. Il y a une émulation qui est bénéfique pour tous. D’ailleurs, de nombreux juges proviennent de l’industrie, et plusieurs entreprises profitent de l’événement pour recruter de futurs employés. » La directrice adjointe à l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe Isabelle Ménard considère que la bataille de l’image n’est jamais gagnée pour valoriser la formation professionnelle : « Il faut que la formation professionnelle devienne un premier choix, pas un choix de rechange. À ce titre, les Olympiades apparaissent comme une belle vitrine, notamment sur les réseaux sociaux, afin de changer l’image de la FP qui ne correspond pas à la réalité éducative et économique d’une société moderne. À travers des modèles de réussite, les Olympiades prouvent qu’il est possible de faire de grandes choses en FP. »
Les Olympiades suscitent d’ailleurs des initiatives qui ouvrent les portes de FPT aux plus jeunes en milieu scolaire. Les groupes scolaires du primaire et du secondaire sont invités à prendre part à de nombreuses activités interactives comme le rallye Touche-à-tout. Sur le modèle de compétitions amicales rappelant le concept des olympiades, Compétences Québec organise aussi depuis 2017 le Défi des recrues, un concours d’activités de sensibilisation aux métiers spécialisés visant à intéresser les élèves du secondaire aux formations professionnelles offertes dans leur région.
Le Québec a mis en œuvre des réformes majeures pour faire du réseau de la FPT l’un des plus performants au monde. Son approche par compétences est reconnue internationalement et de nombreux pays émergents s’en inspirent pour répondre adéquatement à leurs besoins en main-d’œuvre qualifiée. « Les Olympiades ont adopté le modèle de compétition de World Skills axé sur l’excellence, plutôt que sur un modèle valorisant la participation du plus grand nombre comme aux États-Unis, explique Jean-Rock Gaudreault, de Compétences Québec. Notre souci premier est d’intégrer les métiers du futur tout en poursuivant nos efforts de valorisation des métiers manuels en pénurie. Nous faisons également une belle place aux femmes qui intègrent des formations dans des métiers traditionnellement masculins et nous avons à cœur de parler directement aux plus jeunes, afin qu’ils envisagent la FP, et aux nouveaux arrivants. » Concrètement, Compétences Québec multiplie les initiatives de valorisation avec des plateformes comme Trouvetonmétier.com, portail d’informations généralistes sur les métiers spécialisés au Québec et les formations professionnelles et techniques ou le projet Les Pionnières de la compétence, une série de portraits de femmes dans des secteurs non traditionnels.
Selon Jean-Rock Gaudreault, les Olympiades des métiers et des technologies sont arrivées à maturité : « Nous sommes devenus le plus grand événement dédié à l’éducation au Québec et 95 % des enseignants considèrent les Olympiades comme un moyen de promotion efficace pour les métiers. » De nombreux ministères du gouvernement provincial et fédéral contribuent au rayonnement de ses activités. Les Centres de formation et les enseignants entraîneurs ont acquis une solide expertise des compétitions au niveau canadien et international. « Nos jeunes candidats ont en moyenne 21 ans. Lorsqu’ils se qualifient pour participer aux compétitions canadiennes, c’est pour la majorité d’entre eux, une première expérience en dehors du Québec. Les jeunes constituent notre source de motivation. Notre mission demeure de leur offrir des occasions d’échanges et des expériences enrichissantes au même titre que les concours et échanges qui sont offerts aux jeunes qui prennent la voie de l’université. »
En ce dimanche matin, plusieurs bénévoles et employés de Compétences Québec se sont donné rendez-vous à l’École nationale d’aérotechnique (ÉNA) où Laurie Breton réalise une séance d’entraînement en maintenance d’aéronefs devant public lors d’une journée portes ouvertes. La jeune femme de 21 ans en est à sa deuxième participation aux Olympiades canadiennes.
Portée par ses heures d’entraînement, elle représente la quintessence même des olympiades. Une pratique intégrée au cœur des établissements de formation qui offre aux étudiants la possibilité de se dépasser tant sur le plan des compétences que sur le plan humain. « C’est une expérience qui m’a fait grandir. Je suis vraiment compétitive et toute l’aventure est pour moi source de plaisir. Je veux aller au Mondial. Quelle fierté ce serait d’aller prouver de quoi nous sommes capables, ici! » résume-t-elle.
* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
Le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE), situé à Ottawa, est reconnu pour la transformation de l’expérience d’apprentissage, l’excellence, la bienveillance de ses écoles catholiques et la synergie avec la communauté. Avec plus de 25 500 élèves fréquentant 44 écoles élémentaires, 13 écoles secondaires et une école pour adultes, le CECCE est le plus grand réseau canadien d’écoles de langue française à l’extérieur du Québec.
Pour le CECCE, l’objectif est simple : offrir aux élèves des occasions d’apprentissage qui se traduisent en perspectives d’emplois réelles et abondantes. Motivé par cet objectif, et conscient du contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans les métiers spécialisés, le CECCE redouble ses efforts afin d’encourager les élèves à considérer de nouveaux choix de carrière enrichissants. Comment y arriver? Le CECCE se démarque par son désir d’offrir aux enfants des activités et des programmes leur permettant de se familiariser avec les métiers spécialisés et de découvrir ainsi de nouveaux intérêts et qui sait, de futures passions.
Dès la 6e année, les élèves du CECCE ont l’occasion de participer à des activités telles que la Journée d’exploration de carrière (JEC), des salons de carrières liées aux métiers spécialisés, des compétitions en robotique ainsi que des visites d’entreprises. Lors de ces activités, des ateliers pratiques permettent à ces derniers d’en apprendre davantage sur des carrières touchant les domaines de la plomberie, les circuits électriques, la maçonnerie, l’électricité industrielle, la fabrication, etc.
Tout au long de leur parcours au secondaire, les élèves du CECCE ont la chance de suivre des cours pour découvrir plus de 200 métiers spécialisés. Afin de préparer les élèves au marché du travail de demain, ces cours comprennent non seulement une initiation aux métiers traditionnels, mais visent aussi à les outiller pour faire face aux changements technologiques qui affectent ces métiers, tels que l’intelligence artificielle, l’automatisation et l’arrivée des outils numériques.
En plus des cours, à compter de la 11e année, de nombreuses options sont proposées aux élèves intéressés par les métiers spécialisés. En voici deux :
Ce programme vise à faciliter la transition entre l’école et le travail tout en permettant aux élèves d’explorer un métier en 11e ou 12e année. Ces élèves du palier secondaire ont l’occasion d’être des apprentis et de devenir certifiés dans un métier spécialisé. Pendant le semestre, l’élève inscrit à un PAJO suit la composante théorique du niveau 1 de base de la formation en apprentissage dans le domaine de son choix sur le campus du collège communautaire. L’élève complète son horaire avec une expérience en éducation coopérative chez un employeur.
Dans la région d’Ottawa, l’élève en 11e ou en 12e année inscrit dans l’une des écoles du CECCE peut participer pendant un semestre à l’un des 15 programmes FOCUS, dont quelques-uns sont directement liés à un métier spécialisé. Ayant comme but de permettre à l’élève de vivre une expérience immersive dans un domaine d’intérêt, la salle de classe des programmes FOCUS est souvent en milieu communautaire (p. ex., chantier de construction, hôpital, cuisine de restaurant, salon de coiffure). Ces programmes permettent à chaque élève d’accumuler des crédits envers l’obtention de son diplôme, de l’expérience pratique et des certifications dans son domaine d’apprentissage. La participation des partenaires communautaires est primordiale afin d’offrir aux élèves une expérience d’apprentissage authentique. Par le fait même, les employeurs ont la chance de contribuer à former la relève de demain.
De plus, pour les élèves de la 9e à la 12e année, le CECCE complète son offre avec le Centre professionnel et technique Minto, une école secondaire qui se veut un centre d’excellence en innovation avec un volet d’enseignement entièrement dédié aux métiers spécialisés. Le plus récent cours offert est le sport électronique (esport), soit un domaine de l’industrie en pleine expansion. C’est la première école francophone de l’Ontario à offrir un cours crédité en esport.
Finalement, l’ensemble des activités et des programmes offerts aux élèves du CECCE cherchent à susciter l’engagement envers les études dans un métier spécialisé, la soif d’apprendre et le désir de maîtriser des compétences essentielles au succès d’aujourd’hui et de demain.
Photo : Gracieusé de l’auteur Nathalie
Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
Devant l’explosion des façons et des lieux pour apprendre, la reconnaissance des acquis est aujourd’hui un enjeu des plus importants. Que ça soit pour l’étudiante, le travailleur ou la cliente qui fait l’acquisition de nouvelles connaissances dans une optique de formation initiale, de formation continue ou simplement par intérêt personnel, une question demeure : à la fin de la formation reçue, quelle reconnaissance recevra-t-elle ou recevra-t-il et quelle en sera la crédibilité?
Autrefois réservé aux institutions d’enseignement, l’accès à l’apprentissage s’est démocratisé autant dans la nature de l’offre numérique que par les différentes instances susceptibles d’offrir de la formation de tout acabit. Les diplômes décernés par les instances gouvernementales à la fin des études secondaires, collégiales ou universitaires demeurent une référence reconnue, laissant présager un parcours rigoureux aux attentes précises. Mais d’autres parcours, tout aussi rigoureux, méritent aussi une forme de reconnaissance, car ces parcours contribuent aussi au renforcement des compétences professionnelles des apprenants et bien souvent, dans un mode de livraison plus flexible et ouverte que les formations dites traditionnelles1.
C’est dans ce contexte que l’avènement des badges numériques permet à l’apprenant d’avoir un portfolio professionnel qui décrit des réalisations et qui donne une meilleure illustration des apprentissages et des compétences acquis. Ces badges ne se substituent pas aux diplômes et certificats plus classiques, mais viennent plutôt les complémenter.
Selon Geoffroi Garon, un badge numérique est « une représentation visuelle en ligne utilisée pour motiver les apprenants et reconnaître les apprentissages ou valider et certifier des compétences en situation d’apprentissage formel, informel ou non formel2. »
En d’autres termes, un badge numérique est une image en ligne, à laquelle sont associées des données soumises par l’apprenant (textes, blogue, vidéo, etc.) et qui répond à des critères d’obtention spécifiques. Une fois le badge décerné par l’organisme émetteur, ce badge est unique pour chaque apprenant et permet à son récipiendaire de l’afficher, avec ses données associées, dans un portfolio de développement professionnel.
Comparativement à une approche scolaire classique, le badge numérique montre beaucoup de flexibilité et de souplesse pour s’adapter aux nouvelles réalités. Il permet de valoriser une plus grande diversité d’apprentissages et de compétences, notamment au sujet de compétences dites transversales ou globales comme; la communication, la collaboration et la créativité. Bien qu’on les identifie comme des compétences incontournables pour le 21e siècle, ces dernières sont parfois difficiles à évaluer. Le badge numérique, qui inclut des artéfacts numériques soumis par l’apprenant en fonction des critères exigés, est un moyen de mettre en lumière ces compétences manifestées par l’apprenant.
Les métadonnées associées au badge permettent d’y inclure des preuves et des traces des réalisations de l’apprenant. Importable dans un portfolio professionnel, cette reconnaissance des acquis devient ainsi un curriculum vitae vivant et évocateur, affichable aux yeux de l’observateur (appréciateur) si l’apprenant (récipiendaire) le souhaite. On valorise ainsi les accomplissements et on reconnaît des niveaux de compétences atteints. Au fait, le badge numérique permet de générer de la confiance au sein d’un écosystème d’apprentissage.
Figure 1 : Écosystème
Source de l’image3
De plus en plus, on assiste à des dispositifs mis de l’avant par l’octroyeur où les échanges sont source de reconnaissance et de valorisation pour chaque apprenant. C’est le cas du travail des responsables de la rétroaction, notamment dans les formations du CADRE21; chaque soumission pour un badge numérique est lue et commentée directement à l’apprenant par un responsable qui offre ses commentaires qui sont de nature utile, spécifique et bienveillante (ou « USB » comme le qualifie l’équipe du CADRE21). La valorisation des apprentissages s’en trouve amplifiée.
En éducation, en matière de développement professionnel, l’appréciateur d’un badge numérique peut être la direction d’école, un ordre professionnel, un conseil scolaire ou la communauté en général. Là où la formation continue est valorisée et soutenue, cet affichage favorise la reconnaissance du personnel éducatif et contribue à augmenter le sentiment d’efficacité professionnelle.
Les badges numériques, en plus de leur fonction de reconnaissance d’apprentissages formels ou informels, renferment des aspects de valeur, de confiance et de crédibilité. Comme indiqué au début de cet article, ils complémentent les diplômes et les certifications tout en donnant une résolution plus précise sur les apprentissages acquis. Les compétences professionnelles de l’apprenant sont ainsi alignées avec les exigences de plus en plus complexes du monde d’aujourd’hui et de demain.
Illustration : Gracieusé CADRE21
Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
« Quel métier souhaites-tu exercer quand tu seras adulte? » LA grande question! LA question piège que la parenté pose aux jeunes au souper du jour de l’An, entre un vœu de « succès dans tes études » et une dernière tournée de tarte aux pommes. Cela dit, la pression que subissent les jeunes pour identifier leur voie professionnelle rapidement et efficacement est forte. Les adolescents sont généralement amenés à se prononcer entre 15 à 17 ans sur leur intention professionnelle. Avec les moyens et les ressources à leur disposition, ils tentent de cerner ce qui leur apparaît être l’orientation la plus pertinente pour eux.
Les critères qui déterminent ce qui est une « orientation pertinente » peuvent toutefois différer entre les jeunes et les adultes. Aux yeux de l’adulte, le projet du jeune peut comporter des failles. Mais faire un choix pertinent, réaliste, rationnel, bien documenté et adapté à ses aptitudes n’est pas simple. De fait, un jeune peut avoir une vision idéalisée du métier qu’il envisage; il peut avoir un objectif irréaliste qui s’accorde plus ou moins bien avec ses capacités; il peut opter pour un cheminement qui ne reflète pas l’orientation souhaitée. Pourtant, ce choix peut lui permettre de progresser, de se développer et de cheminer vers la vie adulte, et surtout, ce choix est susceptible d’avoir du sens pour le jeune malgré les failles qu’y observent les adultes1 2.
Pour imager les choses, comparons les projets professionnels des jeunes à du gruyère : il y a bien là un fond de fromage, mais il est plein de trous. Devant un jeune en processus d’orientation, la question à se poser alors, en tant qu’adulte bienveillant, mais parfois oppressant, est celui-ci : « est-ce qu’un fromage à trous demeure un fromage valable? » Autrement dit, si le projet du jeune comporte des failles aux yeux des adultes, peut-il tout de même constituer une intention d’avenir valable? Porteuse de sens? Qui mobilise l’élève sur ses apprentissages? Certainement3!
La différence entre un projet bien ferme et une aspiration (un projet à trous) peut se situer à différents endroits. Notamment, l’aspiration qu’un jeune porte peut avoir tout de même du sens dans l’optique où il lui permet de se mobiliser vers un but à atteindre. S’il change d’orientation en cours de route, cette première aspiration aura contribué positivement au développement du jeune. Autrement dit, elle l’aura fait cheminer.
Une enquête sur les caractéristiques et les besoins des élèves de FP réalisée en 2019 au Québec auprès de 2 680 élèves nous a permis de répondre, entre autres choses, à des questions concernant les raisons qui poussent les jeunes à s’inscrire dans ce secteur de formation4. Pourquoi se diriger vers cette voie de diplomation, souvent perçue au Québec comme la voie de la dernière chance pour les élèves en difficulté? Plus spécifiquement, pour quelles raisons les jeunes de moins de 21 ans s’inscrivent-ils en formation professionnelle menant à un métier spécialisé?
L’enquête a eu lieu dans les régions de l’Estrie, du Saguenay et du Lac-St-Jean. Pour l’ensemble des répondants, l’âge varie entre 15 et 61 ans. Parmi les répondants, les élèves de moins de 21 ans forment le groupe démographique le plus important, soit 1 134 élèves (42,3 % de l’échantillon). Parmi ces jeunes, 87,7 % étaient inscrits en formation générale (secondaire ou adulte) avant d’entreprendre leurs études professionnelles.
Par ailleurs, alors que la FP est constituée de 21 secteurs d’activité, les jeunes de moins de 21 ans ayant répondu au sondage se concentrent principalement dans trois d’entre eux où ils représentent plus de la moitié des répondants, soit 1) en entretien d’équipement motorisé (60,1 %); 2) en soins esthétiques (56 %); 3) en métallurgie (54,4 %).
Les données recueillies dans cette étude mettent en évidence le fait que pour la plupart des jeunes répondants, le programme auquel ils se sont inscrits constitue leur premier choix. Ces données s’éloignent du portrait plus sombre dressé jusqu’à maintenant des élèves de FP, réputés pour s’y trouver par défaut ou par « incapacité » à poursuivre des études avancées. De façon plus précise, les élèves ont été questionnés sur les raisons à la base du choix de leur programme d’études professionnelles. Les prochaines lignes rendent compte de ces raisons.
La Figure 1 présente le pourcentage de réponses des élèves au regard des raisons qui les ont amenés à leur choix de programme d’études. Puisqu’ils peuvent avoir répondu oui à plus d’une raison dans le sondage, le total dépasse 100 %.
Mais que disent ces données des aspirations et des projets professionnels? Les jeunes inscrits en FP y sont-ils par dépit, par hasard, par défaut? Les raisons ayant motivé leur choix fournissent-elles des indices d’élèves en bonne posture, porteurs d’un projet ou d’une aspiration permettant de se mobiliser sur leurs études, ou non? En fait, ces statistiques signalent quelque chose de très intéressant. En effet, plusieurs des jeunes de 15 à 21 ans interrogés semblent non seulement savoir pourquoi ils s’inscrivent dans une formation professionnelle, mais ils annoncent le faire parce qu’ils se connaissent bien et qu’ils connaissent aussi les débouchés du programme choisi.
Le marché de l’emploi est également en transformation et les débouchés des métiers spécialisés sont plus attrayants.
Les trois quarts des élèves de moins de 21 ans ont dit avoir choisi leur programme d’étude parce qu’il conduit au métier qu’ils veulent exercer dans la vie. Ensuite, deux autres raisons rejoignent pratiquement la moitié des jeunes : c’est parce que le programme correspond à leurs forces, leurs qualités et leurs aptitudes et qu’ils aiment le côté manuel du métier qu’ils exerceront qu’ils l’ont choisi. Puis, 42 % des jeunes élèves ont indiqué que le choix du programme était en lien avec une satisfaction personnelle, une curiosité et la soif de nouvelles connaissances.
On peut donc considérer que de nombreux jeunes de moins de 21 ans inscrits en FP s’y trouvent pour de « bonnes raisons », du moins, pour des raisons qui sont en lien avec qui ils sont et ce qu’ils veulent faire comme métier. Ces motifs sont susceptibles de faciliter la mobilisation des élèves sur l’apprentissage et leur permettre de cheminer progressivement malgré les obstacles.
En contrepartie, pour certains jeunes, les raisons qui les ont poussés à s’inscrire dans leur programme d’études professionnelles signalent qu’il y a surtout des trous dans leur fromage. Ces élèves sont possiblement porteurs d’une aspiration professionnelle. Certaines de ces aspirations, bien que moins solides, peuvent être porteuses de sens pour les élèves, mais dans d’autres cas, elles sont plutôt le symptôme d’une indécision professionnelle ou de difficultés personnelles.
Ainsi, 19 % des jeunes de moins de 21 ans sont inscrits en FP parce qu’ils n’avaient pas envie ou ne pouvaient pas faire des études au cégep ou à l’université. Certains pourraient avoir envisagé ou tenté d’entreprendre des études postsecondaires sans mener le projet à terme. Puis, dans le cas de 10 % des élèves de moins de 21 ans, c’est une personne de l’entourage qui a fait des démarches pour les inscrire en FP ou les a incités à le faire. Le choix de programme ne semble donc pas provenir initialement des élèves, du moins, pas complètement, ce qui est susceptible de compliquer la mobilisation sur l’apprentissage. D’autres jeunes (7 %) se sont inscrits en considérant que n’importe quel programme faisait l’affaire. Cette raison témoigne de l’absence de projet professionnel défini, cependant, ces élèves se maintiennent en formation et poursuivent leur progression. Quelques élèves (5 % des jeunes) disent que c’est pour suivre leurs amis qu’ils se sont inscrits en FP. Dans leur cas également, se note une impression de choix par défaut et peu réfléchi ou du moins d’un choix éloigné d’un projet professionnel. Enfin, à peine 3 % des élèves annoncent s’être inscrits à un programme en attendant de pouvoir accéder à un autre programme de formation.
Ainsi, même si certains jeunes inscrits en FP présentent un portrait plus sombre en termes de choix professionnel, leur situation demeure peu fréquente si elle est comparée à l’ensemble des répondants du même âge. Ces contextes plus éloignés du projet ou des aspirations porteuses de sens ne concernent en effet que moins d’un élève sur cinq.
En somme, quatre élèves sur cinq de moins de 21 ans inscrits en FP y sont pour des raisons qui témoignent de l’actualisation d’une aspiration ou d’un projet professionnel liée à une connaissance de soi et des métiers sur lesquels déboucheront leurs études. Nous sommes donc loin du portrait négatif souvent brossé au sujet de la formation professionnelle et des personnes qui s’y inscrivent. Ces jeunes ne se sentent pas, pour la grande majorité, dans une impasse, mais en route vers la réussite et l’exercice du métier qu’ils ont choisi. Certes, un certain nombre d’élèves ont une posture plus incertaine face à leur choix de programme et de carrière, mais ils sont nettement moins nombreux que ce qui s’observait il y a quelques années. La réputation de voie de la dernière chance qu’a longtemps portée la formation professionnelle semble ainsi être de moins en moins méritée. Cette situation est probablement liée au fait que le paysage du marché de l’emploi est également en transformation et que les débouchés des métiers spécialisés sont plus attrayants. Ainsi, dans le processus d’orientation professionnelle des jeunes, les parents et les enseignants gagneraient à soutenir leur exploration des métiers spécialisés ; ils risquent en effet de rencontrer des oreilles bien attentives.
Photo : Gracieusé de les auteurs Chantale Beacher et Stéphanie Breton
Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
1 Beaucher, C. et Dumas, I. (2008). Les intentions d’avenir d’adolescents de cinquième secondaire : aspirations ou projets professionnels? Carriérologie, 11(3-4).
2 Beaucher, C. (2004). La nature du rapport au Savoir d’adolescents de cinquième secondaire au regard des aspirations ou projet professionnels. Thèse de doctorat non publiée en sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal. Montréal : UQAM.
3 Beaucher, C. (2004). La nature du rapport au Savoir d’adolescents de cinquième secondaire.
4 Beaucher, C. (2004). La nature du rapport au Savoir d’adolescents de cinquième secondaire.
Le facteur E3, à travers le programme d’École communautaire entrepreneuriale consciente (ÉCEC) propose une vision globale de l’enseignement par l’entrepreneuriat.
Qui n’a pas souhaité déposer son enfant à l’école en toute quiétude, en espérant que chaque jour il y sera heureux? Qu’il y vivrait des moments de joie, de découverte et de bonheur; qu’il reviendrait à la maison avec le sourire; qu’il dirait souvent « maman, j’ai hâte d’aller à l’école », et qu’il voudrait même s’y rendre un jour de fermeture; qu’il affirmerait fièrement : « j’aime mon école », ou encore très joyeusement : « tu sais, papa, mon école c’est la meilleure »?
Depuis quelques années, diverses études ont montré un phénomène préoccupant, soit le manque de bonheur au travail et les conséquences néfastes sur l’engagement des personnes envers leur profession — tous les métiers confondus. En découlent un manque d’assiduité, une perte importante d’intérêt de même qu’un déficit de productivité et d’efficience au sein des organisations. Il est facile de supposer des pertes économiques pouvant s’avérer désastreuses pour les entreprises.
À l’école, un taux élevé d’épuisement émotionnel des enseignants est constaté. Une situation faisant anticiper des impacts dommageables sur les jeunes — par exemple : apprentissages insuffisants, taux de décrochage inquiétant, etc. En somme, pour nombre de personnes au travail, leur emploi ne génère pas d’enthousiasme, encore moins d’émerveillement et, bien sûr, ne leur procure pas suffisamment de plaisir. Comment alors réussir un virage marquant qui engendrerait un regain d’intérêt, voire d’engagement d’une large majorité de personnes envers leur travail, leur école, leurs apprentissages? Les élèves de nos écoles d’aujourd’hui seront les employés, les dirigeants et les entrepreneurs de demain. N’est-il pas souhaitable qu’ils deviennent des personnes engagées envers les projets personnels et professionnels qu’ils entreprendront tout au long de leur vie? Leur bien-être, dès maintenant, est une urgence.
Vivre ensemble du Bonheur à l’école est fondamental, car pour apprendre optimalement il faut aimer son enseignant, son école, sa vie, s’aimer soi-même. Certains experts affirment que trois facteurs influent sur la propension au bonheur :
Il y en a d’autres, en particulier le besoin profond de s’accomplir. L’École communautaire entrepreneuriale consciente (ECEC)1, un projet éducatif d’ensemble, est conçue de manière à stimuler en continu la créativité afin que des situations éducatives et pédagogiques puissent régénérer régulièrement de l’« Enthousiasme », de l’« Émerveillement » et susciter l’« Engagement » autant chez les jeunes que chez les éducateurs, parents et partenaires.
« L’enseignant est la clé de voûte d’une telle expérience pédagogique et des transformations qui en résultent, quelle qu’en soit l’école. »
Concrètement, l’ECEC est une conception charpentée de 21 composantes structurantes qui maillent l’école à sa communauté autour d’une pédagogie qui active la curiosité et fait découvrir des passions. Elle est porteuse d’une philosophie et d’une pédagogie, auxquelles se rattache le Facteur E³, et mettant le jeune en action de la maternelle jusqu’à la fin de son parcours scolaire dans des projets variés.
Par exemple, liée à l’environnement, fut imaginée en maternelle la mise sur pied de la microentreprise « Mini-ferme inc. »; en sciences naturelles (5e et 6e année du primaire), le projet horticole « Brico fleurs inc. » fut expérimenté; au début du secondaire, en littératie (Français), le projet entrepreneurial culturel « Nuit de la poésie » a pu prendre forme. Ici, il s’agit de poèmes d’enfants portant sur un événement de leur vie personnelle, souvent touchants, lus devant public. Chacun d’eux illustre son poème au moyen d’un dessin ou d’une peinture qui est numérisé et présenté sur un grand écran pendant la lecture de l’enfant, et parfois accompagné de musique. À d’autres occasions, il y a eu la création d’une mini maison d’édition à l’école, au primaire et au secondaire. Cette similitude entrepreneuriale adaptée au contexte scolaire prendra diverses appellations, dont celui de « Petite plume » et de « Crayon magique inc. » par exemple.
Une pédagogie qui, dans l’ensemble, facilite l’intégration des matières et qui autorise le jeune à s’exprimer, à sortir des sentiers battus et à innover à l’école pour qu’il se motive et s’engage envers ses apprentissages.
L’approche, selon les projets choisis, a l’avantage de pouvoir être mise en place dans quelconque classe ou, même, d’être vécue à l’extérieur de la classe ailleurs dans l’école voire dans des espaces situés sur le terrain de l’établissement d’enseignement, dans la communauté ou dans la nature. L’enseignant est la clé de voûte d’une telle expérience pédagogique et des transformations qui en résultent, quelle qu’en soit l’école.
Chaque fois que les jeunes s’enthousiasment ou vivent des moments d’émerveillement à l’école, cela leur donne de l’énergie, les dynamise et les pousse au dépassement de soi. Les défis ou les insuccès temporaires les invitent à réessayer, à persévérer, ainsi ils s’entraînent à manifester une plus grande résilience face aux difficultés de la vie et à exprimer et à expérimenter leur leadership. On peut imaginer qu’ils auront davantage envie de relever ces défis, qu’ils ne se laisseront pas décourager dès le premier ou le second obstacle, et qu’ils seront capables de rebondir malgré les échecs.
« Les éducateurs expérimentent un environnement éducatif perçu comme avantageux, notamment parce qu’ils y constatent des jeunes plus heureux et engagés. »
Le facteur E³ fait vivre aux jeunes un fort sentiment de satisfaction tout en leur procurant du plaisir à venir apprendre à l’école. Comme autre valeur ajoutée, mentionnons qu’ils apprennent dans une ECEC à se faire confiance, à se débrouiller, à innover, puis à devenir plus ingénieux et à développer une pensée projective. C’est l’espoir qu’ils en viennent à démontrer un engagement plus soutenu envers leurs apprentissages. Une sorte de motivation à la puissance 1 000. Pour les éducateurs, c’est l’idée qu’ils expérimentent un environnement éducatif perçu comme avantageux, notamment parce qu’ils y constatent des jeunes plus heureux et engagés, les motivant ainsi à s’investir envers une philosophie et une pédagogie qui régénèrent en continu le facteur E³.
L’expérimentation du bonheur en salle de classe et à l’école sur une base régulière permet de croire à un effet bénéfique sur le développement de la santé globale2 et sur l’acquisition d’une culture entrepreneuriale consciente3 de l’élève. Le facteur E³ agit pour une plus forte propension au bonheur favorable aux jeunes, aux éducateurs et aux partenaires qui soutiennent le projet éducatif d’ensemble qu’est l’École communautaire entrepreneuriale consciente.
Des remerciements chaleureux à Annie Martel, directrice adjointe par intérim, École secondaire Pierre-de-Lestage, CS des Samares et à Patrick Pierard, directeur de l’Organisation internationale des écoles communautaires entrepreneuriales conscientes (OIECEC).
Illustration : Diana Pham et Adobe Stock
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2019
1 Levesque, R., Reid, J., Pierard, P. & St-Amant Ringuette, A. (2015). L’ÉCOLE COMMUNAUTAIRE ENTREPRENEURIALE CONSCIENTE : Un modèle écosystémique au service de la jeunesse québécoise. Québec, Secrétariat à la Jeunesse. https://idee.education/wp-content/uploads/2016/05/Un-modele-ecosystemique-au-service-de-la-jeunesse-quebecoise.pdf
2 Voir étude de l’Université de Moncton réalisée auprès de nombreux jeunes dans les écoles communautaires entrepreneuriales francophones du Nouveau-Brunswick : https://idee.education/fr/(page accueil : déroulé vers le bas)
3 See article Ecosystem ” Education – Enterprise – State ” for a Sustainable Environment https://schoolbranch.com/ecosystem-education-business-state-for-a-viable-environment/
Cet article présente un programme de formation bilingue pour nouveaux enseignants en Ontario. Ce programme tient compte des changements sociaux et démographiques (immigration, ère numérique) dans l’élaboration de leurs divers programmes. Les participants peuvent aussi choisir des formations libres selon leurs besoins et ont accès à des services d’aide par les pairs. Les formateurs reçoivent, de plus, une formation spécialisée liée aux compétences interculturelles requises dans un tel milieu.
Les collèges d’arts et de technologie appliqués de l’Ontario adoptent une approche pratique pour la majorité des formations professionnelles offertes dans leurs établissements d’enseignement postsecondaire. Ils s’appuient sur les compétences d’experts dans leur domaine respectif bien que ceux-ci soient peu ou non formés pour enseigner. Or, pour qui exerce ce métier, une compréhension aussi, sinon plus, importante de ce qu’il implique est exigée, soit, ses moyens d’évaluation, ses modes d’apprentissage et d’enseignement ainsi que la garantie d’une cohérence pédagogique entre les résultats d’apprentissage et son évaluation tout en s’assurant de la « validité et de la crédibilité du jugement professionnel entre ce qui est évalué et ce qui devait être appris »1. Les résultats de recherches de Guibert2 et ceux de St-Pierre et Ménard3 soulignent les défis rencontrés par les nouveaux enseignants et la complexité de l’activité professionnelle, notamment les dimensions pédagogiques, administratives, matérielles, intellectuelles et relationnelles.
Le site ÉtudesUniversitaires.ca collige l’offre de différents programmes proposés à travers les établissements postsecondaires canadiens visant l’obtention de certificats et de diplômes spécialisés collégial ou universitaire de 1er, 2e et 3e cycle universitaire. Le Canada étant bilingue, ces formations sont données soit en anglais ou en français selon la langue officielle utilisée et mise de l’avant par les établissements d’enseignement. Bien que la formation pédagogique demeure facultative pour l’embauche de formateurs au postsecondaire4, plusieurs établissements postsecondaires offrent aux nouveaux enseignants sur leur campus des formations d’appoint et d’accompagnement.
Quelles que soient les générations des cohortes étudiantes qui arrivent sur les campus, le personnel enseignant des collèges a également besoin de formation professionnelle pour garder ses connaissances à jour. Plus particulièrement au cours des dernières années, la participation continue d’étudiants immigrants et leurs différences culturelles ont eu un impact sur les modes d’apprentissage ; de plus, les générations d’étudiants branchés en permanence au numérique ont mené à la transformation de la formation des enseignants. Ces facteurs ont exigé en conséquence des mises à jour constantes des approches et des outils pédagogiques. La formation pour enseigner au collégial tente ainsi d’être mieux adaptée aux différents pédagogues des secteurs d’enseignement.
Cet article expose, à partir d’expérience pratique, un point de vue professionnel de l’intérieur afin de rendre compte de l’accompagnement en place dans un collège francophone minoritaire de la région de l’Est de l’Ontario, le Collège La Cité. Des détails présentant les différents programmes d’insertion professionnelle pour le personnel permanent ou contractuel ainsi que des formations de mise à jour des connaissances professionnelles seront d’abord exposés. Ensuite, nous fournirons des précisions sur l’expérience d’un formateur exerçant son métier auprès d’une clientèle pluriethnique dans un contexte de mise à jour des connaissances et de formation sur mesure.
Selon Guibert5, la phase d’insertion professionnelle assure un meilleur rendement professionnel des enseignants en début de carrière. Par ailleurs, ce même auteur explique que le rôle des pairs, d’une part, et celui des chefs d’établissement, d’autre part, demeurent un sujet souvent interrogé dans les travaux de recherche effectués auprès du développement professionnel des enseignants.
De 2000 à 2015, au Collège la Cité, le Programme de formation initiale en pédagogie et andragogie inscrit sur deux ans a permis d’accueillir et d’initier 151 nouveaux enseignants permanents à la culture de l’établissement postsecondaire et à la création d’un meilleur réseau d’échanges entre les collègues enseignants, tous secteurs confondus. Depuis 2016-2017, le Programme d’accueil et d’intégration pour le personnel scolaire, présenté en deux volets, a remplacé le précédent programme. Il vise un accompagnement similaire dans un format plus court6. Ce nouveau programme de deux semestres commence dès l’entrée du nouveau personnel scolaire dans leur emploi. Le premier volet dédié à l’intégration permet au nouvel employé de mieux cerner son environnement de travail et de comprendre les processus d’évaluation d’un enseignant durant sa carrière au Collège La Cité. Le deuxième volet vise la formation et emprunte le Processus de relation formelle d’accompagnement (PRFA). Ce dernier propose un partenariat dynamique d’apprentissage entre un nouvel enseignant et un membre accompagnateur du corps enseignant ayant plus de trois ans d’expérience dans cette institution. Ainsi, une trentaine d’heures de rencontre et de partage s’étend sur une année. Tandis que le nouvel enseignant voit ses heures de formation consignées sur sa charge de travail négocié chaque semestre, l’enseignant accompagnateur agit à titre bénévole et reçoit la reconnaissance d’être considéré comme mentor dont l’expérience pédagogique est validée et valorisée.
Les enseignants à forfait reçoivent également, au début de leur emploi, une formation de base leur permettant de comprendre l’essentiel de la culture d’apprentissage et de collaboration de l’établissement. Ils profitent d’une formation intitulée Pour un bon départ qui se déroule, en général, sur une journée durant laquelle sont abordés les services et les ressources pédagogiques de l’établissement offerts sur le portail des employés. L’approche pédagogique utilisée pour favoriser l’environnement d’apprentissage et la culture de collaboration pédagogique en place pour faciliter l’entraide y sont également explorées. Malgré la brièveté de cette formation, les enseignants contractuels réussissent à relever les défis rencontrés en classe ainsi que ceux soulevés en conséquence de l’utilisation des ressources technologiques inévitables en cette ère numérique.
Durant l’année scolaire, particulièrement en mai et juin, dans le cadre de sa programmation de type Atrium sous forme de colloque, le Collège La Cité offre diverses formations libres où chacun sélectionne celles qui conviennent à ses besoins. Des experts en ressources de toutes sortes collaborent au perfectionnement de l’ensemble du personnel scolaire, du personnel de soutien et du personnel administratif. Quelle que soit la formation, chacun peut y trouver son compte.
De septembre 2017 à janvier 2018, par exemple, le personnel scolaire a bénéficié d’une formation incluse dans leur charge de travail sur les compétences interculturelles afin de mieux saisir l’impact de la culture sur les manières de penser, de voir, de dire et de faire. Outre les discussions sur les obstacles rencontrés en salle de classe, le personnel scolaire a aussi été en mesure d’explorer le processus d’intégration scolaire et sociale des étudiants immigrants7 et des étudiants autochtones. Bien que certains aient trouvé la formation plus ou moins nécessaire, plusieurs ont été satisfaits et ont pu être sensibilisés sur ces compétences interculturelles.
Par ailleurs, le Collège La Cité a mis en place Innovacité, un service d’aide par les pairs pour les pairs pour tous les enseignants. Des services d’appui pédagogique et numérique sont disponibles tous les jours de la semaine et mettent en valeur les connaissances et les compétences du personnel sur le campus. Ces services sont offerts sur place, par téléphone ou en appui direct en classe ou à distance grâce aux membres du personnel scolaire et de soutien ayant développé des expertises variées, tant dans la rédaction d’examens que dans l’utilisation des meilleures pratiques pédagogiques et technologiques en classe. D’autres membres du personnel des ressources humaines, des ressources informatiques et du développement pédagogique fournissent sur place des réponses aux questions du personnel et de l’appui dans leur domaine respectif.
La Cité des affaires, secteur entrepreneurial du Collège La Cité, offre plusieurs programmes de formation taillés sur mesure desservant une clientèle diverse telle que les organismes gouvernementaux, les entreprises privées, les adultes et les nouveaux arrivants. Pour donner ces formations, elle fait appel à des professionnels ayant de l’expérience inhérente au domaine. Dans les programmes pour les nouveaux arrivants qui désirent intégrer le marché de travail canadien par exemple, le Collège La Cité recrute des formateurs qui non seulement connaissent la matière, mais qui ont été de plus en contact avec les cultures et les réalités d’autres pays. Cependant, ces experts ne bénéficient pas de formation pour mieux performer auprès de la clientèle qu’ils accompagnent. Ils comptent sur l’appui bénévole et aléatoire d’autres membres du personnel pour arriver à comprendre la culture de l’établissement. Or, il existe un fossé important entre connaitre la matière et enseigner la matière. Dans un tel environnement, il n’est pas surprenant de constater un manque de cohérence dans l’approche pédagogique des formateurs. C’est le cas de Kamal, pseudonyme donné à un membre du personnel ayant accepté de témoigner de son expérience dans ce secteur.
« À mon arrivée, j’ai été bien reçu et mon travail m’a été expliqué. Ensuite, tout le monde s’est montré disponible pour m’accompagner. Malheureusement, je n’ai pas eu droit à un mentor désigné, mais la sympathie des gens m’a été bénéfique. Il serait souhaitable que les intervenants en classe obtiennent d’abord une formation les outillant à répondre efficacement à la clientèle. Déjà, ce fut une bonne chose d’être recruté en tenant compte de mes expériences, mais il serait encore plus intéressant d’être formé avant d’intégrer les salles de classe. » (Kamal)
En conclusion, bien que les formations officielles pour l’enseignement au postsecondaire soient disponibles dans les établissements d’études supérieures canadiennes, d’autres formations peuvent être mises en place par l’administration d’un établissement d’enseignement. La présence de ces programmes exprime l’importance de former le personnel enseignant, quelle que soit sa catégorie, et le souci de l’administration de l’établissement à contribuer à une meilleure insertion professionnelle du personnel scolaire. Cependant, malgré que le collège en question présente plusieurs programmes internes d’insertion, de formation et d’accompagnement du personnel scolaire de différentes catégories, il semble que tous les enseignants ne bénéficient pas des mêmes offres d’encadrement. La nature du milieu, par ailleurs, demande de rester à l’affut des améliorations possibles en regard des développements des nouvelles approches pédagogiques et des clientèles à desservir, telles celles provenant de l’immigration et de la mobilité internationale.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, mars 2019
1 Howe, R. (2017). Le tableau d’analyse et de cohérence : pour assurer la cohérence pédagogique entre les objectifs d’apprentissage et l’évaluation des apprentissages. Centre de documentation collégiale. Consulté le 18 aout de https://eduq.info/xmlui/handle/11515/35708
2 Guibert, P. (2017). L’accueil des nouveaux enseignants dans les collèges et les lycées français, Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 74 Consulté le 20 aout 2018 de http://journals.openedition.org/ries/5824 ; DOI : 10.4000/ries.5824
3 Ménard, L. et St-Pierre, L. (dir.) (2014). Se former à la pédagogie de l’enseignement supérieur. Montréal (Qc) : Association québécoise de pédagogie collégiale.
4 St-Pierre, L. (2018). College teaching today. Pédagogie collégiale, 31 (5), 4-10.
5 Guibert, P. (2017). L’accueil des nouveaux enseignants dans les collèges et les lycées français, Revue internationale d’éducation de Sèvres [En ligne], 74 Consulté le 20 aout 2018 de http://journals.openedition.org/ries/5824 ; DOI : 10.4000/ries.5824
6 Collège La Cité (2017). Programme d’accueil et d’intégration pour le personnel scolaire.
7 Proulx, L. (2017). L’expérience étudiante d’immigrants de première génération à travers leur processus d’intégration réussie au collégial francophone en Ontario. Thèse de doctorat. Université d’Ottawa.
Cet article précise avant tout les défis que représente ce que signifie vraiment l’évolution du concept de citoyenneté à l’ère numérique. L’auteur explique comment les enseignants doivent respecter l’autonomie de l’ensemble de leurs élèves tout en les appuyant à des développer un agir responsable, une éthique appropriée, leur esprit critique ainsi que les connaissances et compétences requises en faisant progresser leurs stratégies pédagogiques réflexives liées à une nouvelle littératie numérique et même médiatique multimodale.
Parler de citoyenneté numérique laisse entendre qu’il y aurait deux citoyennetés, l’une numérique, l’autre pas. Or, chaque individu n’est toujours qu’une seule et même personne. Être citoyen, en 2018, c’est nécessairement exercer ce rôle en prenant en compte le numérique, qu’on y soit acteur ou non. L’école n’a donc d’autre choix que de former des hommes et des femmes qui sauront relever les défis de cette ère numérique.
Au cours des 10 dernières années, le concept de citoyenneté numérique a connu un gain de popularité. Dans le milieu scolaire, de plus en plus d’acteurs se sont mobilisés en vue d’éduquer les élèves à un agir responsable spécifiquement dans les environnements numériques. Plusieurs travaux ont été menés pour tenter de cerner les aspects de la vie numérique à traiter afin de proposer des pistes d’action pour former de bons citoyens numériques. On cherche à développer un agir responsable en fonction de ce qui semble souhaitable ou acceptable aux yeux de la société ou d’un groupe en particulier. On parle aussi de bons gestes, d’agir positif, de bien se comporter, de civisme, de respect, de sens critique, etc. HabiloMédias la définit ainsi :
« La citoyenneté numérique s’inspire largement du civisme au sens traditionnel du terme, tout en insistant sur l’importance de comprendre et d’utiliser intelligemment les médias numériques afin de pouvoir participer activement à la vie de notre société moderne1. »
Cependant, l’adoption de bons comportements ne semble pas suffisante pour faire face à de nouvelles réalités. Même si l’on est soi-même inactif dans l’espace numérique, l’omniprésence de ces technologies nécessite qu’on ait une compréhension minimale de leur fonctionnement et de leurs impacts sur nos vies. Le traçage, le profilage et les algorithmes, par exemple, sont des termes que tout le monde a entendus, mais peu seraient capables d’expliquer leurs mécanismes, leur fonctionnement et leurs retombées au quotidien. Le récent scandale Facebook avec la firme Cambrige Analytica2 a clairement fait la démonstration que le simple fait de bien se comporter dans les médias sociaux fût insuffisant pour prévenir ou empêcher ce qui a mené à ce scandale. Bon nombre de personnes peineraient à expliquer simplement la nature de ce problème. Cela met en évidence la nécessité d’aller au-delà de la recherche de comportements dits bons.
Quelques-uns de ces constats ont amené le chercheur Normand Landry de la TELUQ, l’université à distance affiliée à l’Université du Québec, à faire évoluer le discours vers le concept de citoyenneté à l’ère du numérique3.
Le développement de la citoyenneté ramène à des savoirs plus globaux. Il s’agit de se demander de quoi a besoin le citoyen d’aujourd’hui et celui de demain. Dans cette ère numérique, quelles sont les compétences incontournables? Avant toute chose, il serait utile de mieux circonscrire le concept de citoyenneté lui-même. À l’ère numérique, il semble nécessaire de même le redéfinir.
Le concept trouve son origine dans la Grèce antique. Bien que l’on souhaitât alors redonner le pouvoir au peuple, dans les faits, ce n’est que 10 % de la population qui jouissait du droit de parole et de la participation aux décisions collectives. À l’époque des révolutions française et anglaise, il a évolué pour se rapprocher du sens de nationalité. Ce n’est toutefois qu’au 20esiècle que ce droit a aussi été reconnu aux femmes. Plus récemment, l’UNESCO a fait l’exercice de définir le concept de citoyenneté mondiale4 qu’elle décrivait ainsi en 2015 :
« La citoyenneté mondiale fait référence à un sentiment d’appartenance à une grande communauté et à une humanité commune. Elle met l’accent sur l’interdépendance politique, économique, sociale et culturelle, et sur l’interconnexion entre le local, le national et le mondial5. »
Développer une citoyenneté à l’ère numérique pourrait certainement trouver davantage de points d’ancrage dans ce concept.
Bien qu’elle semble offrir de plus grandes possibilités, l’expression de cette citoyenneté est aussi confrontée à de nombreux défis. L’espace numérique fournit une quantité titanesque d’information. Les capacités du cerveau humain sont nettement insuffisantes pour traiter une telle masse de données, aussi appelées mégadonnées. C’est pourquoi nous faisons appel à des algorithmes pour faciliter ce traitement. Notre rapport à la connaissance est donc largement conditionné par des algorithmes qui font office de filtres, permettant à l’humain de trier et d’accéder au contenu pertinent pour lui. Cette pertinence est de plus en plus mise en cause. Comment est-elle définie? Qui en a le contrôle? Qui d’entre nous est capable de savoir comment fonctionnent ces algorithmes? Quel pouvoir avons-nous sur eux? De quelle façon nos sociétés encadrent-elles leur développement? La formation offerte dans nos établissements scolaires développe-t-elle de futurs citoyens en mesure de relever de tels défis?
À l’heure actuelle, l’élaboration des algorithmes, le recoupement des mégadonnées et l’établissement des règles qui les régissent sont largement initiés et encadrés par des entreprises privées6. Plus encore, les grands joueurs du Web développent des algorithmes qui ont plusieurs effets régulateurs sur nos vies. Plusieurs entreprises se servent de ces ressources pour, à leur tour, développer des algorithmes régulateurs. Prenons l’exemple des assureurs automobiles qui promettent des réductions de primes sur la base de données recueillies à l’aide d’applications qui observent le comportement routier de leurs utilisateurs. Cela opère une forme de régulation des comportements.
Bref, de plus en plus, nos comportements sont directement ou indirectement influencés par des algorithmes. On pourrait presque conclure que ce sont davantage des intérêts privés qui régissent la société que la société qui régit ces intérêts privés. Une question se pose alors, avons-nous collectivement les compétences pour renverser cette vapeur? Une fois de plus, des questions entourant la formation de base refont surface. Cette fois-ci, ce sont aussi des questions d’ordre éthique.
Lorsqu’il est question de baliser les comportements humains, ce sont davantage des capacités à réfléchir, à prendre de la distance face à ces problématiques, à prendre en compte les normes, les valeurs et les points de vue qui sont utiles. Face à de nouvelles situations, il est possible que les réponses habituelles ne soient pas les meilleures solutions, c’est pourquoi l’apprentissage de comportements souhaitables a besoin d’être contextualisé et relativisé. Cela développe la capacité de l’apprenant à mettre en œuvre une démarche de réflexion éthique plutôt que de simplement donner une réponse automatisée. Au Québec, les programmes d’Éthique et culture religieuse (ECR) et de Monde contemporain du Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) proposent le développement de compétences en ce sens. Il serait donc utile de mobiliser ces compétences et de les contextualiser au regard des défis de l’ère du numérique.
À propos de la réflexion éthique. Le programme d’ECR propose cette définition :
L’éthique consiste en une réflexion critique sur la signification des conduites ainsi que sur les valeurs et les normes que se donnent les membres d’une société ou d’un groupe pour guider et réguler leurs actions. Cette réflexion éthique, qui permet le développement du sens moral de la personne, est indispensable pour faire des choix judicieux7.
On note ici une distanciation par rapport à une approche normalisante ou moralisante. Ce choix délibéré effectué dans l’élaboration de ce programme vise donc le développement de la pensée critique comme gage à la capacité d’effectuer des choix responsables tout au long de la vie.
La démarche proposée aux élèves en ECR pourrait être illustrée par le schéma suivant :
Pour permettre une telle réflexion sur ces enjeux, il est aussi nécessaire de développer une certaine compréhension du numérique, de ses connaissances de base, de son fonctionnement, de sa culture, de ses codes et de ses modalités.
Une piste que plusieurs chercheurs empruntent est celle du développement d’une littératie au sens large. On en trouve différentes déclinaisons telles la littératie numérique et la littératie médiatique multimodale.
Capacité d’une personne, d’un milieu et d’une communauté à comprendre et à communiquer de l’information par le langage sur différents supports pour participer activement à la société dans différents contextes8.
Ensemble de compétences indispensables à tout citoyen désireux de participer pleinement à la vie en société, à l’ère du numérique. Les compétences en littératie numérique sont réparties en trois grandes catégories ou concepts majeurs, soit : utiliser, comprendre et créer9.
La littératie est la capacité d’une personne à mobiliser adéquatement, en contexte communicationnel synchrone ou asynchrone, les ressources et les compétences sémiotiques modales (ex : mode linguistique seul) et multimodales (ex : combinaison des modes linguistique, visuel et sonore) les plus appropriées à la situation et au support de communication (traditionnel et/ou numérique), à l’occasion de la réception (décryptage, compréhension, interprétation et évaluation) et/ou de la production (élaboration, création, diffusion) de tout type de message10.
La littératie relève donc du domaine du langage, et promeut le développement de capacités à communiquer, à s’exprimer, à interpréter, à comprendre, à maîtriser, à utiliser ces différents codes et modalités en fonction du contexte et des intentions pour exercer pleinement son rôle de citoyen. Plusieurs habiletés ou capacités qu’on y décrit trouvent leurs échos dans le PFEQ au travers des compétences disciplinaires et transversales et des domaines généraux de formation. Il y aurait peut-être lieu de les revaloriser à la lumière de ces constats et de les actualiser au regard des défis qu’amène l’ère numérique.
Toutes ces connaissances ont toutefois aussi besoin d’être jumelées à des aptitudes humaines nécessaires à la vie en commun. Bien connaître le fonctionnement du numérique, saisir ses codes et son langage, savoir utiliser les ressources numériques de manière efficace, être en mesure d’imaginer des règles permettant un meilleur encadrement sont des aptitudes certes fort utiles. Toutefois, elles prennent une tout autre perspective lorsqu’elles sont empreintes d’écoute, mobilisées avec empathie, préoccupées par le bien commun, engagées à répondre aux besoins des plus vulnérables, aptes à prendre en compte une diversité de points de vue et exprimées avec clarté et respect.
Parlant des plus vulnérables, le développement d’une citoyenneté à l’ère numérique implique également d’aborder avec les apprenants des principes d’équité, de justice et d’égalité des chances. Une société inclusive cherche à prévoir une place et une participation active des personnes ayant des limitations ou des difficultés de tous ordres. En contexte scolaire, s’intéresser aux élèves les plus vulnérables qu’on désigne comme HDAA pourrait offrir un tel contexte. Amener les élèves à prendre conscience que le numérique peut, selon son usage ou la difficulté d’accès à son usage, devenir un facteur d’inclusion ou d’exclusion. Contextualiser l’accès aux technologies et aux aides technologiques pour les élèves ayant de faibles capacités en lecture et en écriture facilite leur intégration. Développer avec les élèves des approches qui réduisent la vulnérabilité de certains à l’égard de la réflexion critique et des pratiques à risque leur fournit des occasions de vivre une participation active et autonome11.
Pour trouver des solutions à des défis émergents, les approches pédagogiques gagneraient à stimuler la créativité et l’innovation des apprenants.
Développer des compétences visant une réelle autonomisation (empowerment, capacitation) des apprenants exige une posture professionnelle le permettant. Si l’on souhaite développer cette autonomie, il est utile de se garder d’inculquer ses propres valeurs, ses normes et ses repères aux élèves en adoptant une posture la plus neutre possible au plan moral. Utiliser une approche réflexive par le questionnement, par la compréhension des mécanismes impliqués, par le partage des perceptions et des points de vue, par l’identification des enjeux ou par la recherche de solutions sont des stratégies qui le permettent. L’enseignant a la nécessité d’être au clair avec deux de ses rôles qui peuvent parfois entrer en contradiction soit celui de figure d’autorité et de gardien des valeurs communes d’une part et celui de pédagogue de l’autre. La chercheuse Stéphanie Gravel12 propose le concept de distance critique qui vise à nuancer le concept d’impartialité qui pourrait s’avérer illusoire dans une certaine mesure. De son côté, en parlant de la posture à adopter au regard du phénomène des fausses nouvelles, le sociologue français Louis Quéré propose de passer d’une culture de la suspicion à « une culture de l’enquête et qu’elle contribue à former à l’attitude et aux dispositions qu’elle implique13. » Il serait utile de s’inspirer de ces deux approches pour élaborer des ressources permettant le développement d’une citoyenneté à l’ère numérique.
Par ailleurs, pour développer la capacité à trouver ou imaginer des solutions nouvelles à des défis émergents, les approches pédagogiques gagneraient à stimuler la créativité et l’innovation des apprenants. Cela peut se faire en les plaçant face à des problèmes complexes, en favorisant la collaboration, la libre circulation des idées et des points de vue ou toutes autres stratégies pédagogiques qui les amèneraient à innover.
Pour développer une citoyenneté pleine et entière à l’ère numérique, il y a nécessité de mobiliser un ensemble d’acteurs. On ne peut confier cette responsabilité qu’aux enthousiastes du numérique; la tâche serait trop colossale et pourrait donner à croire qu’elle est affaire de spécialistes ou de passionnés de la chose. Toutefois, comme le dit le dicton, ce qui est l’affaire de tous, n’est l’affaire de personne. En confiant aux dirigeants de nos établissements le leadership de cette responsabilité, cela permettrait de contourner cette problématique. Pour assurer le succès d’une telle démarche, ceux-ci ont toutefois besoin d’être accompagnés, formés et outillés.
Pour aller plus loin, consultez le rapport Développer la citoyenneté à l’ère du numérique — Portrait de la situation au Québec et recommandations.
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Première publication dans Éducation Canada, décembre 2018
1 HabiloMédias, Centre canadien d’éducation aux médias et de littératie numérique, Les fondements de la littératie numérique, consulté le 27 avril 2018.
2 Tout ce que vous devez savoir sur le scandale Facebook-Cambridge Analytica, article publié sur le site de Radio-Canada le 19 mars 2018, consulté le 29 avril 2018.
3 Réflexion issue d’un comité de travail sur l’identité numérique à la Commission scolaire de Laval à l’hiver 2017. Lire aussi : Landry, Normand et Letellier Anne-Sophie et coll. L’éducation aux médias à l’ère numérique, Les Presses de l’Université de Montréal, 2016.
4 Éducation à la citoyenneté mondiale – Préparer les apprenants aux défis du XXIe siècle, UNESCO, 2015, consulté le 19 avril 2018.
5 Éducation à la citoyenneté mondiale – Thèmes et objectifs d’apprentissage, UNESCO, 2015, consulté le 19 avril 2018.
6 Isabelle Paré, La main invisible des algorithmes, premier article du dossier Le pouvoir du code sur le développement des algorithmes paru dans Le Devoir le 18 février 2018, consulté le 29 avril 2018.
7 Éthique et culture religieuse, Programme du premier et du deuxième cycle du secondaire, Ministère de l’Éducation du Québec, 2008, p.1.
8 Lacelle, N.(UQAM), Lafontaine, L. (UQO), Moreau, A.C, (UQO). Un réseau propose une définition de la littératie. Réseau québecois de recherche et de transfert en littératie. Repéré le 27 avril 2018 à www.ctreq.qc.ca/un-reseau-propose-une-definition-de-la-litteratie/
9 Habilo Médias, Les fondements de la littératie numérique, consulté le 29 avril 2018.
10 Lacelle, Lebrun et Boutin, 2015, consulté sur le site du groupe de recherche en Littératie Médiatique Multimodale le 27 avril 2018.
11 Merci à Jean Chouinard du service national du RÉCIT en adaptation scolaire pour son apport à ce paragraphe.
12 L’impartialité et le programme d’Éthique et culture religieuse. La mise en pratique de l’impartialité professionnelle d’enseignants du secondaire et ses défis pédagogiques, Stéphanie Gravel, 2017.
13 Quéré, Louis, Conférence Confiance et vérité prononcée à l’UQÀM le 28 juin 2018 dans le cadre de l’école d’été S’informer dans un monde de fausses informations : produire et interpréter des contenus dans le nouvel écosystème informationnel.
Avant même de s’apprêter à une mission de formation des nouveaux enseignants, il est essentiel d’être au clair sur la finalité de l’enseignement, sur l’être que nous avons à former et sur la manière de le faire. Pour cela, il est essentiel de s’arrêter sur le concept « d’intention ». Cet article présente ce concept dans le cadre de la formation d’un enseignant d’éducation physique.
S’interroger sur la question de la formation des enseignants semble intimement lié, voire indissociable d’une réflexion philosophique sur l’éducation. Nous pensons qu’avant même de s’apprêter à une mission de formation, il est essentiel d’être au clair sur la finalité de l’enseignement, sur l’être que nous avons à former et sur la manière de le faire. Pour cela, il nous semble intéressant de nous arrêter sur le concept « d’intention ». Anscombe1 fait le lien entre action et intention pour situer ce concept en disant qu’« en gros, l’intention d’un homme, c’est son action ». Carfantan2 précise que l’intention est comme « une flèche dirigée du sujet vers l’objet ». L’intention d’une personne serait donc personnelle puisqu’elle part du sujet et il serait possible de la repérer par l’analyse des actions de cette même personne. Pour aller plus loin, nous pensons qu’en fonction de l’intention avec laquelle nous nous engageons en tant que formateurs, les méthodes utilisées et les conséquences sur l’apprenant peuvent être diamétralement différentes. Pour prendre un exemple concret dans le domaine de l’éducation physique et sportive (EPS) à l’école, l’enseignant d’une classe, qui se situe en position de formateur, peut avoir comme intention de faire courir vite ou longtemps ses élèves. En fonction de cette intention, les charges d’entraînement, qui sont à associer aux moyens mobilisés, seront différentes. Lors de la course de vitesse, l’enseignant d’EPS insistera beaucoup sur la technique de course, tandis que dans le cas de la course longue, il recherchera davantage le développement de la capacité aérobie par du travail intermittent, en référence aux procédés d’entraînement aérobie présentés par Bosquet3 et des séances où l’apprenant court longtemps. Si dans le cas de la course de vitesse, les contenus appris sont plutôt techniques, dans le cas de la course longue, même s’ils ne sont pas exclusifs, les contenus portent davantage sur un maintien de l’allure de course, sur la capacité à trouver un rythme respiratoire régulier par exemple. Nous voyons ici qu’il semble important de connaître l’intention qui nous motive afin d’en percevoir les conséquences pratiques.
Il nous semble que se préoccuper des intentions de l’apprenant peut être intéressant, car selon nous, elles semblent être le reflet de son système de valeurs et témoigner d’une étape d’un cheminement personnel et professionnel. S’appuyer sur les intentions de l’apprenant, c’est en quelque sorte, prendre en compte son identité profonde, sur ce qu’il est au fond de lui-même. Il nous paraît judicieux de respecter les intentions de l’apprenant, car dans le cas contraire, l’intervention du formateur risque de ne pas faire sens chez lui. Les informations qu’il va lui donner risquent de « rebondir » sur lui, car, formateur et apprenant ayant deux intentions différentes, la communication risque d’être difficile du fait d’une incompréhension de l’un envers l’autre et inversement. Il risque d’apparaître un « formatage » de l’apprenant et moins une « formation » de celui-ci. Si nous pensons que le formatage consiste à « tirer » l’apprenant vers des exigences et à le « recadrer » lorsqu’il s’en éloigne, une formation par les intentions insiste davantage sur la fonction de guidage du formateur qui va accompagner l’apprenant dans son cheminement personnel et professionnel. Dans les deux cas apparaît une volonté de réduire l’écart qu’il y a entre un niveau initial et des exigences professionnelles et institutionnelles. Cependant, l’approche de la formation est bien différente; si dans le cas du formatage, elle est davantage axée sur le savoir, dans le cas d’une formation basée sur les intentions, elle est plutôt basée sur l’apprenant. D’ailleurs, certains auteurs encouragent l’action de former et moins de formater en se préoccupant véritablement de l’apprenant, à l’image des propos de Claparède4 qui affirmait qu’« apprendre ce n’est pas accumuler des connaissances, mais exercer son intelligence et acquérir des méthodes de pensée », de Prost5 qui, en 1985, nous a dit que « les savoirs ne se transmettent pas, ils se construisent et chacun le fait pour son compte, à sa façon, et suivant son propre rythme » et de Meirieu6, qui se positionne au niveau du rôle du formateur en précisant que « le travail de l’enseignant n’est pas d’enseigner, c’est de permettre d’apprendre ».
Pour expliciter ces propos, nous allons nous situer dans le cadre de la formation d’enseignant stagiaire (ES) au cours de leur première année d’enseignement, puisque le rôle du maître de stage (MS) est important pour les ES, car Brau-Anthony et Mieusset7 précisent que « les recensions de Chaliès, Cartaux, Escalié et al.8 et de Moussay, Étienne et Méard9 sur le tutorat en formation initiale d’enseignants montrent le rôle fondamental joué par les MS dans le développement des compétences pour enseigner ». Pour Brau-Anthony et Mieusset (op cité), « accompagner des ES nécessite d’être capable de faire face à de multiples tâches telles que l’observation du stagiaire quand il fait cours, la conduite de l’entretien post-leçon, l’évaluation… Ces actes professionnels renvoient plus largement à ce que Maubant10 appelle l’accompagnement réflexif ». Selon nous, l’un des actes professionnels dont devrait faire preuve le formateur consisterait à être capable d’identifier les intentions de l’ES afin de les prendre en compte pour les faire évoluer ou les changer.
Nous pensons que ce guidage par les intentions peut s’envisager en plusieurs étapes. La première consiste à mettre en relation l’intention que précise l’ES et les moyens mis en place pour l’opérationnaliser, car s’il y a incohérence entre intention et moyens, alors le formateur veillera à rétablir une certaine cohérence, sans quoi, il sera difficile pour l’ES de percevoir les réelles conséquences de l’intention qu’il suggère. En seconde étape, le formateur identifie si l’intention organisatrice de l’ES est positive pour la classe et correspond à une source d’apprentissages chez les élèves. Si tel est le cas, il s’agit pour le formateur dans un dernier temps, de faire évoluer l’ES quant à cette intention en lui proposant des moyens concrets de sorte que son intervention soit encore plus efficace et ce, jusqu’à qu’il ressente le besoin de changer d’intention, du fait des limites de celle-ci, toujours dans le dessein de faire progresser ses élèves. Si toutefois l’ES maintien son intention, qui montre ses limites, alors le formateur peut proposer à l’ES de s’appuyer sur une autre intention qui entraînerait des conséquences différentes et peut-être plus positives sur les apprentissages des élèves.
Tout d’abord, arrêtons-nous sur la relation entre l’intention de l’ES et les moyens qu’il utilise pour l’opérationnaliser. Le formateur pour aider l’ES à formuler son intention, propose de répondre à la question suivante : « qu’attends-tu de la leçon que tu vas animer? » Cette question contraint le futur enseignant à se positionner sur ce qui va l’organiser tout au long de la séance.
En début de carrière, souvent, les ES sont préoccupés par la gestion de la classe. Ainsi, en guise d’un exemple, nous pourrions répondre à ce souci en leur suggérant de « cadrer la classe ». Si telle est l’intention de l’enseignant, alors il devra mettre en place des moyens concrets pour y arriver. Il a la possibilité de cadrer sa classe sur la forme et sur le fond. Au niveau d’une gestion de la classe sur la forme, nous pouvons mettre en lumière la gestion du temps par des périodes d’apprentissage déterminées dans le temps. En ce qui concerne une gestion de la classe sur le fond, nous pouvons mettre en exergue l’idée de proposer des problèmes ou des situations qui captiveraient les élèves au point où ces derniers voudraient vraiment s’impliquer dans celles-ci.
Dans le cas où l’ES serait en difficulté pour gérer le temps du fait, par exemple, qu’il soit occupé par l’intervention au sein d’un groupe d’élèves, ou encore, que ses propositions de situations d’apprentissage ne soient pas suffisamment attrayantes pour les élèves, il y aurait un écart entre ce qu’il organise (ou son intention) et ce qu’il fait.
Le rôle du formateur est donc de rétablir une certaine cohérence entre ce qui anime l’ES et les moyens qu’il met en place. Ensemble, formateur et ES reviennent sur les difficultés qui sont apparues au cours de la leçon, relatives à l’intention initiale, et le formateur apporte des possibilités de remédiations. Par exemple, dans le cas d’un cadrage de la classe sur la forme, l’ES voulant bien gérer son temps s’est vu « dépassé » et pris par le temps du fait d’une intervention trop longue auprès de certains élèves en difficulté. L’intervention de l’ES était en incohérence avec son intention initiale. Le formateur peut ainsi, lors du retour sur la leçon avec l’ES, lui proposer comme solution éventuelle, de ne plus donner de conseils peu de temps avant la fin du temps alloué à l’exercice et de placer les élèves en autonomie à ce moment-là; ceci pour faire l’objet d’une règle qui serait transmise aux élèves. Ainsi, l’ES pourra respecter les temps d’apprentissage prévu initialement et être en cohérence avec son intention.
« S’appuyer sur les intentions de l’apprenant, c’est en quelque sorte, prendre en compte son identité profonde, sur ce qu’il est au fond de lui-même. »
Une fois une cohérence mise en place entre l’intention de l’ES et les façons de la faire vivre, le formateur identifie ensuite si cette intention est positive pour les élèves, c’est-à-dire, si celle-ci est porteuse d’investissement et de progrès chez ces derniers. Si tel est le cas, alors le formateur accompagne l’ES en lui proposant d’autres moyens qui viennent accentuer son intention afin d’encourager celle-ci, qui semble source de progrès chez les élèves. Par exemple, au sein d’une leçon d’EPS, l’ES, organisé par son intention de cadrer sa classe, peut animer une leçon de demi-fond en proposant une alternance des rôles de coureur et d’observateur. Un élève court, un élève l’observe pendant cinq minutes, puis cinq minutes de pause sont laissées et les élèves inversent les rôles jusqu’à que chacun d’eux court quinze minutes, soit trois courses de cinq minutes. Les élèves sachant exactement ce qu’ils ont à faire et n’étant pas dans le flou du fait d’une organisation rigoureuse de la séance, entrent bien dans l’activité. Pour aller plus loin dans l’intention de cadrer la classe de l’ES, le formateur peut lui proposer de demander aux futurs observateurs de prévenir les futurs coureurs trente secondes avant le début de la course afin d’être sûr de commencer au signal de départ. Cependant, il est possible que les élèves, du fait d’un temps limité de course, ne soient pas en mesure d’exprimer tout leur potentiel, ce qui peut freiner la progression des élèves. Ainsi, une démotivation à plus ou moins long terme peut apparaître et freiner voire empêcher des apprentissages chez les élèves.
Ainsi, dans un dernier temps, il s’agira donc, pour le formateur, d’aider l’ES à changer d’intention pour maintenir une dynamique au sein de la classe, soit une source d’implication et de progrès, grâce à l’identification des limites du choix d’une intention. Nous pensons que chaque intention a des effets différents. Ainsi, dans le cas de la leçon de demi-fond, le formateur peut inviter l’ES à passer d’une intention plutôt « fermée » qui se manifeste par une organisation rigoureuse de la séance à une intention plutôt « ouverte » où les élèves auraient, dans le fonctionnement mis en place par l’ES, plus de marge de liberté et où ils seraient davantage en mesure d’exprimer leur potentiel. Pour cela, il peut proposer, par exemple, de placer les élèves par équipe de trois et de les laisser courir durant quinze minutes. Seul un des trois élèves a la possibilité de s’arrêter le temps qu’il veut dans une zone nommée « gare » délimitée à l’extérieur de la piste de course. Les élèves d’une équipe ayant un maillot de la même couleur, il est très facile de savoir si l’un de ses coéquipiers est dans la gare ou non. Le formateur, en proposant une intention différente, favorise des comportements différents chez les élèves et participe de ce fait, à faire évoluer l’expérience de l’ES. Toutefois, il est difficile de changer d’intention, car celle-ci renvoie à notre fonctionnement et à nos repères. Pour l’ES, il s’agira d’effectuer un réel travail sur soi pour accepter de changer ses habitudes et d’adopter un regard différent sur le déroulement de sa leçon, sur les élèves, sur sa pratique.
Pour résumer notre position, nous pensons que la formation des enseignants, et notamment celle des ES, peut être appréhendée sous l’angle des intentions. En prenant appui sur celles-ci, nous suggérons le fait que l’enseignement est davantage teinté d’humanisme puisque les formateurs se préoccupent en premier lieu des apprenants, via l’analyse de leur(s) intention(s), avant de se poser la question du/des savoir(s) qu’il serait judicieux de permettre d’apprendre à ces derniers. La démarche d’enseignement présentée se différencie, d’une part, d’une démarche axée sur une transmission descendante du/des savoir(s), en suivant, par exemple, les cours magistraux et, d’autre part, d’une démarche où le formateur se préoccupe prioritairement du contenu à apprendre. Dans cette approche par les intentions, plutôt que s’efforcer de rapprocher l’apprenant des exigences, le formateur tente de conduire l’apprenant vers la connaissance dont il a besoin en partant de ce qui l’organise, de ses intentions.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2018
1 Anscombe, G. L’intention. Paris : Gallimard, Collection Bibliothèque de Philosophie, 2002.
2 Carfantan, S. Cinq leçons sur la perception. Philosophie et spiritualité. CreateSpace Independent Publishing Platform. 2014.
3 Assadi, H. Réponses physiologiques au cours d’exercices intermittents en course à pied. (Université de Bourgogne : Dissertation doctorale). 2012.
4 Claparède, E. Psychologie de l’enfant et pédagogie expérimentale (1905). Paris : Éditions L’Harmattan. 2017.
5 Prost, A. Éloge des pédagogues. Paris : Éditions du Seuil. 1985.
6 Meirieu, Philippe et col. Le plaisir d’apprendre. Paris : Éditions Autrement, 2014.
7 Brau-Antony, S., & Mieusset, C. « Accompagner les enseignants stagiaires : une activité sans véritables repères professionnels ». Recherche et formation, 72, 27-40 (2013)
8 Chaliès, S., Cartaut, S., Escalié, G., & Durand, M. « L’utilité du tutorat pour de jeunes enseignants : la preuve par 20 ans d’expérience ». Recherche et formation, 61, 85-129. (2009)
9 Moussay, S., Étienne, R., & Méard, J. « Le tutorat en formation initiale des enseignants : orientations récentes et perspectives méthodologiques ». Revue française de pédagogie, 1, 59-69. (2009)
10 Maubant, P. « Sens et usages de l’analyse des pratiques d’enseignement : entre conseil et accompagnement réflexif des enseignants en formation ». L’évaluation-conseil en éducation et formation, 18. (2007)
Tous les enseignants, et particulièrement les nouveaux, se doivent de prioriser le développement de leurs compétences culturelles afin de mieux répondre, et cela avec authenticité, aux attentes de la diversité représentée par leurs élèves.
Cet article poursuit la réflexion amorcée au sujet de l’éducation au service de la réconciliation, thème de l’édition du printemps 2018 de ce magazine. Il offre des pistes fort pertinentes pour la formation des nouveaux enseignants.
Depuis quelques décennies, les théories en gestion de la diversité culturelle sont devenues omniprésentes, et les pratiques, un passe-partout pour les organisations afin de faire bonne figure socialement et politiquement, en plus d’apparaître comme « responsables » et éthiques. Cependant, certaines le font sans que l’individu qui crée cette diversité, qui arrive avec son bagage intellectuel, social, professionnel, avec sa personnalité, ses capacités et ses compétences, soit au centre des préoccupations et des discussions.
L’organisation scolaire, soit l’un des pôles d’entrée principaux des individus d’origines culturelles très diversifiés, veut offrir un enseignement adéquat à ses élèves ou étudiants et doit, avec peu d’outils, composer quotidiennement avec les obstacles liés à cette diversité. Comment entrer positivement en contact avec des jeunes, des adolescents ou de jeunes adultes qui arrivent de loin? Comment adapter sa pédagogie? Comment tirer le meilleur d’eux et s’assurer qu’ils s’accomplissent? Comment en faire un apprentissage pour tous?
Ces préoccupations, peu banales, semblent pouvoir expliquer une partie de ce phénomène récent en éducation : la recherche du développement des compétences culturelles qui permettent de mieux composer avec différentes cultures dans la salle de classe.
La diversité culturelle se construit et évolue en fonction de contextes politique, social, économique, voire intellectuel. Les visions changent et des pratiques variées et novatrices apparaissent. Certaines visent davantage l’adaptation de l’école et de la classe, leur flexibilité et leur capacité de tirer le maximum chez des élèves qui ont un potentiel complexe à définir, compte tenu de la difficulté communicationnelle.
La réalité, pourtant, présente des symptômes d’une maladie courante dans les écoles : l’« incompétence culturelle ». Le savoir-faire requis semble apparemment peu répandu.
Ainsi, en réponse aux questions offertes en titre, de nombreux obstacles au développement de cette compétence chez les enseignants au Québec et au Canada et plusieurs carences ou besoins à satisfaire se présentent. Cependant, ce n’est pas une mission impossible! Ces obstacles sont visibles, identifiables, voire quantifiables : absence de diversité culturelle dans les régions du Québec; concentration dans la grande région de Montréal; carences dans certains programmes de formation initiale des enseignants; l’offre « optionnelle » de cours en développement des compétences culturelles dans les différents programmes en enseignement, en adaptation, en orientation ou en gestion scolaires. Quand commencerait-on à détenir une ou des compétences culturelles? Dans quelle mesure ces compétences seraient-elles universelles? Comment peut-on acquérir des compétences culturelles? Quelles sont-elles? Qu’est-ce que cela implique?
Selon les résultats d’une recherche postdoctorale en management interculturel1, des années d’expérience auprès de diverses cultures et de rencontres avec des individus qui possédaient visiblement ces compétences, je propose aujourd’hui certaines bases sur lesquelles asseoir la définition de la compétence culturelle. Elle reposerait sur la capacité des individus à s’adapter à la culture de l’autre tout en gardant l’équilibre avec la sienne. Elle résiderait aussi dans la capacité de communiquer de façon à comprendre l’autre grâce à différents langages (langue maternelle, langages verbal, gestuel ou autres), permettant ainsi un climat adéquat et sécurisant pour les deux. L’anticipation des comportements de l’autre devient ainsi possible et certainement désirée pour un climat de classe qui favorise l’apprentissage.
« Ce qui vient de l’Autre doit être accepté comme étant tout aussi recevable, satisfaisant, efficace, voire valable, que ce qui vient de soi, de sa propre culture, de sa famille, voire de ses gènes. »
Selon ces recherches2, la compétence culturelle devient alors la capacité d’un individu à s’adapter à un autre individu qui vient d’ailleurs ou à d’autres cultures étrangères et variées, et ce, grâce à différentes aptitudes, capacités ou connaissances. Cette compétence serait souhaitable autant chez celui qui accueille un étranger dans son environnement (l’accueil d’enfants autochtones dans sa classe) que chez celui qui se retrouve dans un environnement qui propose un cadre et des références différents (l’enseignante ou l’enseignant, par exemple, qui travaillent au sein d’une communauté autochtone dans le nord du Québec ou dans le Grand Nord). L’encadré 1 propose quelques exemples développés dans le cadre d’une recherche3 au sein de communautés autochtones éloignées, dans laquelle un des objectifs visait la meilleure compréhension des relations au travail entre Autochtones et Allochtones.
Pour développer la compétence culturelle, le contact avec l’autre est nécessaire. L’apprentissage par la lecture, malgré les bénéfices qui peuvent en être retirés sur le plan théorique, ne correspond peut-être pas aux critères d’enseignement de la compétence culturelle. Les cultures seraient trop « fluides », avec des critères changeants, puisqu’évoluant très rapidement, dans un monde où ces cultures s’effritent et dans lequel la singularité culturelle devient plus rare et la singularité individuelle et sociale, quasi une norme. Dans le cas des cultures autochtones, ce commentaire s’avère particulièrement pertinent, en raison notamment du caractère très évolutif et changeant des caractéristiques des individus et des communautés dans le temps; perpétuelle transformation, d’où proviendrait, en partie, leur instabilité. Nous avons demandé à ces individus — autochtones — de vivre et d’intégrer en quelques dizaines d’années ce qui nous a pris plus d’un centenaire à acquérir par apprentissages lents et par étapes (périodes agricole, industrielle et postindustrielle, organisation en société complexe, bouleversement technologique, mondialisation, etc.). L’intégration de ces changements pour des communautés qui ont vécu en isolation pendant que le monde tournait à une plus grande vitesse est exigeante et complexe. Par ailleurs, cette intégration pourrait rendre perplexes des individus qui rechercheraient leur identité dans un passé « oublié » ou « enseveli » par d’autres (les colonisateurs, notamment) et un présent encore inabordable, puisque comportant des éléments difficiles à intégrer ou à « conscientiser » par la majorité.
La reconnaissance des différences majeures entre les groupes culturels qui se rencontrent constituerait un des premiers pas vers l’acquisition de la compétence culturelle. Il s’agit, malgré le fardeau d’un biais culturel inévitable, d’éliminer de l’esprit les informations non avérées, stéréotypées ou autres, afin d’éviter qu’elles affectent la capacité de jugement.
Moins cette reconnaissance progresse, moins les probabilités d’obtenir des résultats à long terme sont envisageables, c’est-à-dire des relations harmonieuses ou des interactions positives répétées dans le temps qui mènent ultimement à une bonne collaboration entre les intervenants.
Cet apprentissage des différences observées avec l’autre favoriserait la compréhension plus profonde, plus essentielle, de l’autre. L’appréciation de ces différences et le début d’un processus d’acceptation des caractéristiques de l’autre constitueraient l’un des éléments fondateurs de la compétence culturelle4. On doit être conscient de cette petite voix qui s’exprime très discrètement dans l’esprit et qui suggère subtilement que l’autre a tort. Par ailleurs, nos mœurs, habitudes ou façons de vivre ou de travailler seront habituellement perçues comme étant nécessairement les bonnes, les meilleures, et ce, sans hésitation, presque inconsciemment. En effet, elles proviennent de notre « soi » intime, profond et certainement fondamental et elles sont pratiquées depuis toujours. Ce sentiment légitime et sûrement bien documenté par des collègues psychologues est plus fort que soi; toutefois, ce qui vient de l’autre doit être accepté comme étant tout aussi recevable, satisfaisant, efficace, voire valable, que ce qui vient de soi, de sa propre culture, de sa famille, voire de ses gènes. Le conflit personnel qui en résulte doit être géré. Le processus de reconnaissance et d’acceptation de ce phénomène demande du courage et, pour certaines personnes, il ne commencera ou ne se terminera jamais.
Pour terminer, je partage un outil pratique (voir encadré 2) qui peut servir lors de la mise en relation ou la communication professionnelle, personnelle ou avec un représentant d’une autre culture. L’outil a été créé pour un contexte particulier et pour un groupe très hétérogène en matière de cultures. Dans ce cadre, les notes dépassent la compétence culturelle de l’enseignant envers son groupe d’élèves qui proviennent de différentes cultures. D’une part, il s’adresse à l’enseignant ou à tout autre spécialiste, dont le gestionnaire scolaire, afin de les accompagner dans l’établissement de relations saines et véritables avec leurs collègues d’une autre culture. D’autre part, il vise ces mêmes fonctions, mais dans le contexte où la personne vit hors de son milieu habituel, dans une école loin de son vécu et de sa culture, afin, notamment, de l’aider à s’intégrer.
En conclusion, toutes les pratiques, applications de principes ou idées ici proposées afin de développer ses compétences culturelles semblent partager un point commun : l’authenticité. En effet, il apparait judicieux et salutaire d’être soi-même et d’agir de manière cohérente avec ses valeurs et ses choix, comme avec ses décisions professionnelles.
Bon bain culturel!
Photo : Gracieuseté de l’auteure émilie Deschênes
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2018
1 Deschênes, É. (inédit). L’insertion socioprofessionnelle des Autochtones sur le marché de l’emploi au nord du 49e parallèle : une réalité mal comprise. Rapport de recherche de postdoctorat en management interculturel. HEC Montréal.
2 Ces recherches comprennent une recherche postdoctorale (voir note 1) auprès d’Autochtones canadiens et une autre plus récente (et inédite). Cette dernière porte sur des Autochtones du Mali qui considèrent à nouveau la formation professionnelle ou technique, mais pour qui la « distance » culturelle entre eux (provenant de régions éloignées, ne parlant que leurs langues natales, etc.) et leurs enseignants peut sembler trop grande pour commencer ou poursuivre un programme. La difficulté de vivre avec l’incompréhension des messages, de même que l’image de soi que cette difficulté impose à l’individu (incapacité ou incompétence personnelle, notamment, mais pas exclusivement), sont trop peu supportables pour ce faire. En effet, ces enseignants auront probablement suivi une formation postcoloniale héritée du système français, qui privilégie fortement l’enseignement magistral, et, en fin de compte, qui n’auront que peu favorisé l’interaction avec chacun de ces individus.
3 Idem, notes 1.
4 Idem, note 1.
5 Les aptitudes, capacités ou connaissances qui facilitent l’adaptation de l’individu peuvent être différentes d’un lieu à l’autre, d’un contexte à l’autre. Dans cet exemple, la recherche concerne les perceptions de 70 personnes qui travaillent dans une organisation où deux cultures dominent (des Autochtones et des Allochtones, deux groupes très homogènes). Lorsqu’elles se rencontrent, les personnes des deux cultures n’ont d’autres choix que de développer des compétences culturelles reconnues si elles veulent survivre dans l’organisation (en matière d’opérations et de gestion) (voir note 1 pour la référence).
6 Ces exemples sont tirés de données qui proviennent d’un rapport de recherche en management interculturel : Deschênes, É. (inédit). L’insertion socioprofessionnelle des Autochtones sur le marché de l’emploi local. Rapport de recherche de postdoctorat en management interculturel. HEC Montréal.
La recherche confirme que les jeunes en bonne santé font de meilleurs élèves. On utilise l’enseignement d’une « éducation physique de qualité » pour décrire des programmes adaptés à l’âge, au niveau de compétence, à la culture et aux besoins uniques de l’élève. L’éducation physique de qualité comprend quatre-vingt-dix minutes d’activité physique par semaine, et vise à favoriser le bien-être et la réussite scolaire des élèves. Cependant, les heures d’instruction consacrées aux programmes d’éducation physique dans le monde entier ont été écourtées au profit d’autres matières (notamment les mathématiques, les sciences pures, les sciences sociales et les langues) dans l’espoir de hausser le rendement scolaire, et ce, même si plusieurs études ont montré un lien significatif entre l’activité physique et la réussite scolaire. La recherche démontre également que l’éducation physique n’exerce aucun effet négatif sur la réussite des élèves et qu’elle offre au contraire les avantages physiques, sociaux, émotionnels et cognitifs suivants :
Une éducation physique de qualité aide les élèves à comprendre le rôle de l’exercice dans l’adoption d’un mode de vie sain et actif et dans l’acquisition de compétences leur permettant de participer à une grande variété d’activités physiques.
Elle offre aux élèves la possibilité d’entrer en relation avec autrui et d’acquérir d’autres compétences, comme la communication, la tolérance, la confiance, l’empathie et le respect. Elle leur enseigne, en outre, d’utiles compétences d’équipe, comme la collaboration, le leadership, la solidarité et le sens des responsabilités. Les élèves qui font du sport ou d’autres activités physiques vivent un éventail d’émotions et apprennent à mieux faire face à des situations stressantes, difficiles ou douloureuses.
Elle peut améliorer la santé mentale en combattant notamment le stress, l’anxiété et la dépression. De plus, l’activité physique de qualité enseigne aux élèves à gérer leurs émotions, et augmente leur estime de soi.
Les recherches tendent de démontrer que l’augmentation du flux sanguin produit par l’activité physique pourrait stimuler le cerveau et la performance mentale. De plus, l’activité physique hausse le niveau d’énergie et favorise la concentration en classe.
Par conséquent, retrancher des heures d’éducation physique de qualité pour les ajouter à l’enseignement des matières de base est contre-productif, compte tenu des avantages positifs de l’exercice physique sur la santé et la réussite scolaire.
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Le thème choisi pour ce numéro du magazine Éducation Canada trouve écho chez Kativik Ilisarniliriniq1, la commission scolaire du Nunavik. Intimement lié à nos activités courantes, l’objectif d’offrir des services et des programmes éducatifs autochtones aux apprenants inuits anime notre organisme à tous les niveaux, depuis ses représentants élus jusqu’aux experts en pédagogie, en passant par les enseignants et les administrateurs scolaires.
Kativik Ilisarniliriniq a été créée en 1975, en vertu d’une entente sur le règlement de revendications territoriales connue sous le nom de Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ). Cette entente, négociée après qu’un important projet hydroélectrique dans le secteur de la baie James a fait face à l’opposition des Inuits du Nunavik, des Cris de la baie James et d’autres groupes d’Autochtones, est un traité protégé en vertu de la Constitution du Canada.
À cet égard, la commission scolaire incarne le droit des Inuits à gérer leur propre système d’éducation. De fait, en vertu de la CBJNQ, Kativik Ilisarniliriniq peut se prévaloir de pouvoirs uniques pour élaborer des programmes d’études destinés à permettre aux élèves inuits de conserver leur langue, leur culture et leur identité. Offrir aux élèves un apprentissage fondé sur les valeurs, la culture, la langue, l’histoire, la vision du monde et les approches pédagogiques inuites est par conséquent au cœur de notre mission et de notre vision.
Notre organisme envisage d’ailleurs l’éducation dans une perspective holistique. Les services que nous offrons, tout comme les programmes éducatifs que nous élaborons, puisent leur source dans le concept inuit d’Inuguiniq, processus éducatif visant un développement global de l’être humain par le biais d’une intégration directe à l’environnement et à la communauté. Cela se reflète d’ailleurs clairement dans le plan stratégique de la commission scolaire pour 2016–2023.
Lorsqu’on les applique aux activités d’élaboration de programmes éducatifs, ces principes fondamentaux ont permis à la commission scolaire d’innover en repensant son cadre d’élaboration des programmes. Plutôt que de chercher à intégrer du contenu autochtone à des programmes provinciaux existants, nous avons fait appel à une perspective inuite pour intégrer le programme d’éducation du Québec (ainsi que d’autres approches éducatives mondiales ou eurocentriques) à un cadre reposant sur la vision du monde, la pédagogie et les valeurs inuites.
Le cadre curriculaire ainsi obtenu s’appuie sur le patrimoine inuit, notamment : des connaissances accumulées depuis des milliers d’années en environnement et en architecture, des communautés durables, ainsi qu’une culture et une langue sophistiquées. Présentée récemment lors de l’Inuit Education Summit, congrès organisé par l’International Circumpolar Council (ICC), cette approche a reçu un solide appui des représentants inuits des pays membres de l’ICC.
Un cadre curriculaire fondé sur le patrimoine inuit s’harmonise parfaitement aux recommandations de la Commission de vérité et réconciliation. Je crois d’ailleurs qu’il offre au ministère de l’Éducation du Québec une occasion unique de faire preuve de leadership en collaborant étroitement avec Kativik Ilisarniliriniq pour mettre en œuvre ces recommandations en matière d’éducation.
De manière concrète, notamment en science et technologie, le cadre curriculaire qui repose sur le patrimoine inuit a pavé la voie à l’élaboration d’un programme de science environnementale inuite. Fondé sur la culture inuite et la connaissance du territoire, ce programme vise à enseigner les compétences conceptuelles et techniques qui permettront aux jeunes du Nunavik de répondre aux attentes (voire de les dépasser) des programmes de science et de technologie du premier et du deuxième cycle du ministère de l’Éducation du Québec tout en se conformant aux exigences en matière de progression de l’apprentissage en science et technologie.
Comme l’illustre la Figure 1, le programme articule l’apprentissage autour des saisons, les unités liant les différentes leçons à la faune, la flore et l’environnement arctiques. Le programme fait actuellement l’objet d’analyses aux fins d’accréditation par le ministère de l’Éducation.
À mesure que la commission scolaire poursuit ses efforts pour « autochtoniser » ou « inuitiser » ses services et ses programmes éducatifs, elle doit pouvoir compter sur le soutien essentiel du ministère de l’Éducation du Québec. Le mouvement Idle No More (« Finie l’apathie »), les travaux et les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation ainsi que l’attention accrue des médias portée aux questions autochtones depuis les dernières élections fédérales ont permis d’accroître la sensibilisation générale à la nécessité de faire les choses différemment afin que la réconciliation devienne réalité.
Dans sa version actuelle, le système canadien d’éducation publique n’offre pas aux apprenants autochtones, comme aux apprenants non autochtones, des connaissances étendues « au sujet de l’histoire et des séquelles des pensionnats indiens, des traités et des droits des Autochtones, ainsi que des contributions historiques et contemporaines des peuples autochtones à la société canadienne. » 2
La situation varie d’une province à l’autre, mais le Québec n’est pas exempt de ce que la directrice générale du Conseil en éducation des Premières Nations, Lise Bastien, décrit comme une « ignorance systémique » 3. Cette ignorance renforce d’ailleurs la profonde colonisation d’où notre système éducatif et notre mentalité doivent se sortir.
Il s’agit d’une question d’importance qui a des conséquences directes sur la commission scolaire et sur les défis qu’elle est appelée à relever au moment de demander l’accréditation des programmes éducatifs fondés sur le patrimoine inuit. Le fait est que la population non autochtone est peu sensibilisée aux droits des Inuits garantis par la CBJNQ, et malheureusement, elle ne comprend pas plus ces droits ou ne saisit la situation actuelle du peuple inuit. Les responsables gouvernementaux et les employés du ministère avec lesquels nous sommes appelés à travailler ne font d’ailleurs pas exception à cette règle. À cet égard, il faut noter que le récent rétablissement du dialogue entre Kativik Ilisarniliriniq et le ministère de l’Éducation du Québec contribue aussi à accroître la sensibilisation envers l’éducation autochtone et constitue en lui-même un élément propice à la réconciliation.
En ce qui concerne l’élaboration des programmes, la population du Nunavik est peu nombreuse et les experts inuits en éducation se font plutôt rares. Pour ce qui est des experts non autochtones au Canada, quelques-uns seulement sont familiarisés avec la vision du monde et les méthodes pédagogiques des Inuits et des Autochtones. Ce sont là des défis dont il faut tenir compte à titre d’employeur pour être en mesure d’offrir des conditions de travail concurrentielles à ces experts, qui sont très recherchés.
Comme indiqué plus haut, le système d’éducation du Québec n’offre pas aux apprenants des connaissances étendues au sujet des contributions historiques et contemporaines des peuples autochtones. Comme la commission scolaire doit répondre aux besoins des élèves et des apprenants inuits, sa priorité a depuis toujours été de combler ces lacunes.
Un programme sur l’histoire du Nunavik est en cours de préparation en collaboration avec l’Institut culturel Avataq. Ce programme regroupe les secteurs réguliers et d’éducation des adultes de la commission scolaire et propose 12 modules qui porteront sur la période s’échelonnant de 1600 à 2016.
Le lancement du nouveau programme sur l’histoire du Québec en 2017 n’a fait que renforcer la détermination de la commission scolaire à élaborer son propre programme. Même s’il s’agit d’un pas dans la bonne direction, ce nouveau programme offre peu de contenu sur les Inuits du Québec. En fait, il ne répond pas adéquatement aux souhaits des jeunes du Nunavik qui veulent en savoir plus sur leur histoire et leur identité en tant qu’Inuits.
Il est en outre tout aussi important de reconnaître que le contenu éducatif autochtone (tout comme l’absence d’un tel contenu) proposé par le système d’éducation public aux Canadiens non autochtones continuera d’avoir des répercussions énormes sur les Inuits du Nunavik. La commission scolaire (tout comme d’autres organismes du Nunavik) bénéficierait d’un système d’éducation provinciale proposant un contenu éducatif autochtone et inuit accru. Cela aurait un effet positif sur l’effectif si les professionnels que nous recruterons à l’avenir en dehors du Nunavik possédaient d’office des connaissances sur les peuples autochtones du Canada ainsi qu’une compréhension supérieure du contexte et des communautés arctiques au sein desquelles ils seront appelés à travailler.
Nunavik Sivunitsavut est inspiré du projet à succès, Nunavut Sivuniksavut, mis en œuvre il y a déjà 30 ans à Ottawa. Hébergé à l’institut culturel Avataq de Montréal, le projet propose une expérience de niveau collégial d’un an aux adultes qui détiennent un diplôme d’études secondaires. Les cours que suivent les étudiants, tout comme les connaissances et les compétences qu’ils acquièrent, sont ancrés dans la culture, la langue et l’identité inuites.
Les étudiants obtiennent d’ailleurs des crédits du Collège John Abbott (notre partenaire en matière d’accréditation) pour chaque cours réussi, et ces crédits sont valables pour l’admission à tout programme universitaire ou collégial du Québec. Six enseignants, dont deux sont des Inuits originaires du Nunavik, forment actuellement l’équipe de Nunavik Sivunitsavut. Des experts inuits ou du Nunavik sont aussi souvent invités en classe; nous remercions d’ailleurs chaleureusement tous ceux et celles qui ont généreusement accepté de partager leur savoir avec les étudiants.
Nunavik Sivunitsavut accroît le nombre d’options à la disposition des jeunes du Nunavik souhaitant poursuivre leurs études au niveau collégial au Québec. Comme le montre d’ailleurs la première cohorte, le projet semble en bonne voie d’exercer un effet positif sur la persévérance scolaire au niveau postsecondaire. Nous espérons que ce projet augmentera le nombre de Nunavimmiuts4 accédant à une éducation de niveau collégial ou universitaire, de sorte qu’un plus grand nombre d’Inuits puissent profiter des possibilités de nature professionnelle et économique qui leur sont offertes au Nunavik.
Le Nunavik est un vaste territoire et les jeunes des différentes communautés y ont de nombreuses occasions de se rencontrer pour échanger entre eux. Grâce à Nunavik Sivunitsavut, les étudiants ont la possibilité de partager une solide expérience en matière d’apprentissage, de laquelle peut émerger un sens commun de l’identité inuite. Il y a fort à parier que les étudiants de la même cohorte auront l’occasion de se revoir dans des rôles ou des postes de professionnels. À cet égard, Nunavik Sivunitsavut peut aussi favoriser l’établissement de futurs partenariats et collaborations dans la région.
Assurer la transmission des valeurs, de la culture et de la langue inuites pose tout un défi dans un système où le personnel inuit ne représente que 51,49 % de l’effectif. La commission scolaire emploie actuellement 462 enseignants, dont 36,4 % (soit 168 personnes) sont inuits; parmi ceux-ci, 40 % détiennent un brevet d’enseignement délivré par le ministère de l’Éducation du Québec.
Pour améliorer l’accès à la profession d’éducateur, Kativik Ilisarniliriniq offre des programmes de certification des enseignants ainsi que des programmes de perfectionnement professionnel aux enseignants inuits, aux stagiaires en enseignement inuits et aux administrateurs scolaires inuits.
Ces programmes sont mis en œuvre en partenariat avec l’université McGill. Tous les cours sont donnés en inuktitut par des enseignants inuits qui collaborent avec des consultants de McGill. Depuis 1978, 182 enseignants inuits ont obtenu leur diplôme dans le cadre de ce programme, qui contribue à améliorer la compétence pédagogique des enseignants du Nunavik et continue de jouer un rôle d’importance à cet égard.
Les recommandations de la Commission de vérité et réconciliation sont précieuses à divers égards. En effet, elles soutiennent Kativik Ilisarniliriniq dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par la Convention de la Baie-James et du Nord-du-Québec et valident l’approche qui caractérise notre travail en matière de développement des programmes.
Ce rapide tour d’horizon ne permet pas seulement de prendre la mesure des défis auxquels fait face le système d’éducation du Nunavik. Il met également en évidence les opportunités qui s’offrent actuellement à nous (de même qu’à nos interlocuteurs au sein du ministère de l’Éducation) et qui sauront nous permettent recentrer la conversation sur les besoins de nos communautés en matière d’éducation. À cet égard, et comme discuté ici, de nombreuses initiatives sont déjà bien engagées!
Photo : Marie-Andrée Delisle-Alaku/Kativik Ilisarniliriniq
Première publication dans Éducation Canada, juin 2018
1 Kativik Ilisarniliriniq signifie, en inuktitut, la commission scolaire Kativik.
2 Principe de réconciliation numéro 10. Voir : Commission de vérité et conciliation ; Commission de vérité et de réconciliation du Canada : Ce que nous avons retenu. Ottawa : 2015.
3 L’expression « ignorance systémique », inventée par Lise Bastien, directrice générale du Conseil en éducation des Premières Nations, a été largement utilisée pour décrire le manque général de connaissances dont font preuve les Canadiens non autochtones à l’égard de la langue, de la culture, de la situation actuelle et de l’identité des Autochtones. Mme Bastien a utilisé l’expression pour la première fois au moment où elle plaidait pour l’intégration de contenu sur les peuples autochtones dans le matériel et les programmes pédagogiques de la province ainsi que pour l’inclusion de contenu élaboré selon une perspective autochtone. Voir : Jessica Nadeau. « Plaidoyer pour une présence accrue de la culture autochtone ». Le Devoir, 29 novembre 2016 ; accès à l’article le 25 février 2018 à l’adresse : www.ledevoir.com/societe/education/485852/consultations-sur-l-education-les-communautes-autochtones-demandent-une-plus-grande-representation-dans-le-programme
4 Le terme Nunavimmiut désigne les résidents du Nunavik. Présentement, les Inuits représentent environ 85 % de la population du Nunavik. (Statistiques Canada. « Feuillet d’information du Nunavik ». 29 mars 2016. www.statcan.gc.ca/pub/89-656-x/89-656-x2016016-fra.htm)
Ce rapport d’étude de cas fournit des exemples pratiques sur la façon dont l’Academy of Indigenous Studies (Académie des études autochtones) a établi des relations durables avec les communautés autochtones locales. Elle démontre comment les cours provinciaux proposés peuvent être utilisés pour créer des cours crédités destinés aux étudiants autochtones et non autochtones qui souhaitent étudier les cultures autochtones tout au long de leurs parcours scolaires.
Développé à Kelowna en Colombie-Britannique, ce modèle d’apprentissage communautaire permet aux éducateurs non autochtones de découvrir comment ils peuvent greffer leurs élèves à un réseau d’enseignants, de défenseurs et de communautés autochtones afin de réduire le taux de décrochage des élèves autochtones, et ce, tout en immergeant leurs élèves non autochtones du savoir traditionnel.
Les éducateurs non autochtones travaillant dans des écoles secondaires en milieu urbain peuvent utiliser ce rapport par étapes afin de créer leurs propres programmes de consultation et de collaboration avec leurs communautés autochtones locales.
Nous vous proposons également une série de vidéos présentant les témoignages d’élèves et d’enseignants pour qui la culture est une médecine offrant aux élèves un sentiment de fierté et un souhait de réussir.
À noter : Ce rapport est conforme à la nouvelle orthographe. Le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but d’alléger le texte.