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Communauté scolaire, Programmes

Former des gagnants

Les Olympiades québécoises des métiers et des technologies

Jack Dupuis a défendu les couleurs du Canada au Mondial des métiers en Russie en 2019. Il s’est mesuré aux meilleurs candidats dans son champ d’études lors d’épreuves chronométrées; il peut maintenant se targuer de faire partie de l’élite de la mécanique de machinerie lourde, après avoir remporté la médaille d’argent à cette compétition de haut niveau. « Les Olympiades ont changé ma vision du Diplôme d’études professionnelles (DEP). […] C’est une expérience qui développe la fibre entrepreneuriale et ouvre de nouvelles perspectives », considère le jeune homme de 22 ans, devenu récemment enseignant au Centre de formation en mécanique de véhicules lourds de Lévis (CFMVL) où il a lui-même obtenu son diplôme.

L’histoire de Jack Dupuis, si elle brille singulièrement par les succès remportés, représente le parcours des milliers de jeunes étudiants québécois qui sont passés par les olympiades. Événement pédagogique et compétitif, politique et économique? Pour les enseignants, c’est une nouvelle façon d’enseigner et d’intéresser les étudiants. Entre théorie et pratique, les olympiades concrétisent des mois d’enseignement en deux jours de compétitions. Pour les établissements de formation professionnelle et technique, c’est une porte ouverte pour la mise en valeur des disciplines enseignées et un véhicule de promotion pour attirer de nouveaux étudiants dans les centres de formation et les cégeps. Mieux, les olympiades sont une pratique intégrée annuellement dans la vie communautaire des établissements de formation. Enfin, pour le milieu économique et politique, ces jeunes représentent le futur de la main-d’œuvre du Québec. 

Naissance des Olympiades

Il faudra bientôt remplacer une génération de gens de métier. Avec la pénurie de main-d’œuvre spécialisée qui s’accentue, dans un contexte démographique de quasi-plein emploi qui laisse présager un recul de la diplomation, la promotion et la valorisation de la formation professionnelle et technique demeurent d’une actualité criante. En 1992, année où ont été implantées des compétitions de métiers au Québec, l’objectif premier était de proposer des modèles de réussite positifs pour contrer les préjugés face à la FPT. « Dans la deuxième moitié du xxe siècle, la majorité des pays industrialisés ont connu des pénuries de main-d’œuvre compétente », explique Jean-Rock Gaudreault, directeur général de Compétences Québec, l’organisme qui chapeaute les Olympiades des métiers. On cherchait des moyens originaux de promotion. Ces premières compétitions connaissent un véritable succès. Le Québec découvre ensuite que l’Ontario organise, depuis peu, elle aussi, des compétitions similaires et s’allie à sa province voisine pour lancer Skills/Compétences Canada. « Dès le départ, la mise en commun du système de formation canadien-anglais avec celui du Québec, totalement différent, est un défi de taille qui perdure encore aujourd’hui », indique M. Gaudreault. « On ne peut pas imaginer deux approches plus différentes en matière de formation à l’intérieur d’un même pays. Concilier ces systèmes est d’emblée un tour de force. »  À cela s’ajoute aussi le défi d’organiser les compétitions. 

Un événement rassembleur

L’aventure des Olympiades ne serait pas possible sans l’appui des établissements de formation ni sans le dévouement des enseignants. Entraîner un jeune a un coût. Il faut compter les frais de salaires pour libérer les enseignants sans compter le matériel, l’embauche de spécialistes, etc. Vincent Bolduc, enseignant en mécanique au Centre de formation professionnelle de Coaticook (CRIFA) s’investit dans les Olympiades depuis 2008, car c’est pour lui comme une grande bouffée d’optimisme dans sa pédagogie : « Les élèves motivés me donnent de l’énergie, et ils ont un formidable effet d’entraînement sur les autres élèves. » Selon Jozée Dulude, enseignante à l’École des métiers des Faubourgs-de-Montréal et doyenne des expertes québécoises, les Olympiades ont de nombreuses retombées positives pour les écoles de formation : « Pour performer avec nos élèves, nous devons nous perfectionner constamment et adopter de nouvelles approches dans nos métiers respectifs. Ma façon d’enseigner n’est pas celle que j’ai apprise ni celle que je proposais il y a dix ans. Je suis convaincue que les Olympiades ont fait de moi une meilleure enseignante. » Autre avantage constaté par Mme Dulude : les entreprises mettent à la disposition des candidats des équipements à la fine pointe des avancées technologiques; les centres de formation sont les premiers à profiter de cette constante mise à niveau. « Le principal obstacle auquel nous faisons face est un manque de reconnaissance médiatique, déplore-t-elle. Je crois que nos activités, positives et rassembleuses, devraient obtenir plus d’échos. »

Un modèle prometteur

Le réseau de formation de travailleurs spécialisés du Québec accueille chaque année près de 170 000 personnes dans 174 centres de formation professionnelle et 48 Cégeps. Collectivement, cela représente un investissement près de 1,5 milliard de dollars et près de 300 programmes de formation professionnelle ou technique. Malheureusement, les opportunités de formations qu’offre la formation professionnelle et technique demeurent méconnues, constate Albert Fanna, anciennement de chez Festo, entreprise commercialisant des systèmes d’automatisation et vice-président de Compétences Québec : « Le système d’éducation répond adéquatement aux besoins sans cesse croissants du marché du travail, mais les candidats manquent à l’appel. C’est là qu’interviennent les Olympiades. En valorisant l’excellence. En faisant connaître les attraits de ces parcours de formation. Il y a une émulation qui est bénéfique pour tous. D’ailleurs, de nombreux juges proviennent de l’industrie, et plusieurs entreprises profitent de l’événement pour recruter de futurs employés. » La directrice adjointe à l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe Isabelle Ménard considère que la bataille de l’image n’est jamais gagnée pour valoriser la formation professionnelle : « Il faut que la formation professionnelle devienne un premier choix, pas un choix de rechange. À ce titre, les Olympiades apparaissent comme une belle vitrine, notamment sur les réseaux sociaux, afin de changer l’image de la FP qui ne correspond pas à la réalité éducative et économique d’une société moderne. À travers des modèles de réussite, les Olympiades prouvent qu’il est possible de faire de grandes choses en FP. »

Les Olympiades suscitent d’ailleurs des initiatives qui ouvrent les portes de FPT aux plus jeunes en milieu scolaire. Les groupes scolaires du primaire et du secondaire sont invités à prendre part à de nombreuses activités interactives comme le rallye Touche-à-tout. Sur le modèle de compétitions amicales rappelant le concept des olympiades, Compétences Québec organise aussi depuis 2017 le Défi des recrues, un concours d’activités de sensibilisation aux métiers spécialisés visant à intéresser les élèves du secondaire aux formations professionnelles offertes dans leur région.

Nouvelles technologies, nouveaux contextes

Le Québec a mis en œuvre des réformes majeures pour faire du réseau de la FPT l’un des plus performants au monde. Son approche par compétences est reconnue internationalement et de nombreux pays émergents s’en inspirent pour répondre adéquatement à leurs besoins en main-d’œuvre qualifiée. « Les Olympiades ont adopté le modèle de compétition de World Skills axé sur l’excellence, plutôt que sur un modèle valorisant la participation du plus grand nombre comme aux États-Unis, explique Jean-Rock Gaudreault, de Compétences Québec. Notre souci premier est d’intégrer les métiers du futur tout en poursuivant nos efforts de valorisation des métiers manuels en pénurie. Nous faisons également une belle place aux femmes qui intègrent des formations dans des métiers traditionnellement masculins et nous avons à cœur de parler directement aux plus jeunes, afin qu’ils envisagent la FP, et aux nouveaux arrivants. » Concrètement, Compétences Québec multiplie les initiatives de valorisation avec des plateformes comme Trouvetonmétier.com, portail d’informations généralistes sur les métiers spécialisés au Québec et les formations professionnelles et techniques ou le projet Les Pionnières de la compétence, une série de portraits de femmes dans des secteurs non traditionnels. 

Et l’avenir?

Selon Jean-Rock Gaudreault, les Olympiades des métiers et des technologies sont arrivées à maturité : « Nous sommes devenus le plus grand événement dédié à l’éducation au Québec et 95 % des enseignants considèrent les Olympiades comme un moyen de promotion efficace pour les métiers. » De nombreux ministères du gouvernement provincial et fédéral contribuent au rayonnement de ses activités. Les Centres de formation et les enseignants entraîneurs ont acquis une solide expertise des compétitions au niveau canadien et international. « Nos jeunes candidats ont en moyenne 21 ans. Lorsqu’ils se qualifient pour participer aux compétitions canadiennes, c’est pour la majorité d’entre eux, une première expérience en dehors du Québec. Les jeunes constituent notre source de motivation. Notre mission demeure de leur offrir des occasions d’échanges et des expériences enrichissantes au même titre que les concours et échanges qui sont offerts aux jeunes qui prennent la voie de l’université. » 

En ce dimanche matin, plusieurs bénévoles et employés de Compétences Québec se sont donné rendez-vous à l’École nationale d’aérotechnique (ÉNA) où Laurie Breton réalise une séance d’entraînement en maintenance d’aéronefs devant public lors d’une journée portes ouvertes. La jeune femme de 21 ans en est à sa deuxième participation aux Olympiades canadiennes. 

Portée par ses heures d’entraînement, elle représente la quintessence même des olympiades. Une pratique intégrée au cœur des établissements de formation qui offre aux étudiants la possibilité de se dépasser tant sur le plan des compétences que sur le plan humain. « C’est une expérience qui m’a fait grandir. Je suis vraiment compétitive et toute l’aventure est pour moi source de plaisir. Je veux aller au Mondial. Quelle fierté ce serait d’aller prouver de quoi nous sommes capables, ici! » résume-t-elle. 


* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.

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Chantal Lapointe

Journaliste, à son compte

Chantal Lapointe cumule 20 années d’expérience en tant que chroniqueuse. En parallèle, elle réalise des mandats en gestion de médias sociaux, en publicité et rédaction pour d...

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