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Le présent article, rédigé conjointement par Bien dans mon travail et par les employés d’un regroupement d’écoles publiques de Regina, se penche sur les nombreux liens entre le bien-être et la diversité, l’équité et l’inclusion. Nous commençons par cerner les liens étroits entre la santé et la sécurité psychologiques, l’inclusion et le bien-être en milieu de travail. En nous inspirant de l’expérience des employés d’un regroupement d’écoles publiques de Regina et des connaissances qu’ils ont acquises, nous présentons leur engagement collectif à créer des environnements sécuritaires et équitables, et glanons leurs témoignages sur ce que sont la santé et la sécurité psychologiques – tout comme ce qu’elles ne sont pas. L’établissement de solides fondements pour l’inclusion et la sécurité psychologique sont les pierres angulaires permettant de faire en sorte que les expériences de travail et d’apprentissage soient plus bienveillantes, plus inclusives et, en définitive, plus réussies.
L’un des éléments importants de la sécurité psychologique est la valorisation de la diversité, de l’équité et de l’inclusion. Dans le milieu de l’éducation, nous convenons que la création d’environnements de travail et d’apprentissage inclusifs, accueillants et sécuritaires sur les plans physique et social doit commencer en mettant l’accent sur la santé et la sécurité psychologiques.
La santé psychologique et l’inclusion sont interdépendantes et exigent souvent des efforts conjoints. L’inclusion est reconnue, dans bien des cas, comme étant un facteur de santé et de sécurité psychologiques, et vice-versa. L’ouvrage de Timothy Clark sur les quatre étapes de la sécurité psychologique7 (Four Stages of Psychological Safety) fait de l’inclusion la première étape. De même, les indicateurs de sécurité psychologique en milieu de travail (tels ceux de l’outil « Protégeons la santé mentale au travail ») comprennent souvent l’inclusion.
La sécurité psychologique au travailQuand nous sommes en situation de sécurité psychologique, nous nous sentons à l’aise de prendre des risques interpersonnels, de prendre la parole, d’exprimer ouvertement notre désaccord et de soulever nos préoccupations sans crainte de subir des conséquences négatives. L’inclusion au travailL’inclusion est la mesure dans laquelle les employés sentent qu’ils appartiennent à leur milieu de travail et sont à l’aise de communiquer leurs suggestions et leurs inquiétudes. Cela comprend aussi la capacité d’exercer une influence sur les politiques, procédures et environnements d’apprentissage favorisant l’inclusion. |
Bien dans mon travail appuie les circonscriptions scolaires à l’échelle du pays afin qu’elles adoptent une approche globale et systémique en matière de bien-être en milieu de travail. Notre expérience de collaboration avec ces circonscriptions indique que lorsqu’on commence en se concentrant sur la santé et la sécurité psychologiques, on jette les bases du bien-être en milieu de travail.
Interrogés à propos de ce qui soutient leur bien-être au travail, les employés de tous les niveaux dans le milieu de l’éducation répondent le plus souvent que c’est le sentiment de communauté et d’attachement à leur travail. En tant qu’êtres humains, nous avons un besoin inné de liens sociaux8. Le sentiment d’appartenance et d’inclusion favorise la santé mentale et physique, alors que le sentiment d’exclusion nuit à la santé et au bien-être général. L’effet de l’exclusion sociale sur notre bien-être global peut être plus marqué que celui de risques bien connus tels que le tabagisme et l’inactivité physique9,10.
Le bien-être est un prédicteur reconnu de l’engagement et du rendement des employés, ainsi que de l’apprentissage des élèves. Quand les employés se sentent vraiment bien, ils font leur meilleur travail11. Ils se révèlent des plus créatifs, bienveillants, compatissants, collaboratifs et favorisent un environnement où les étudiants peuvent s’épanouir. À l’inverse, lorsque les employés éprouvent des difficultés et que leur fenêtre de tolérance se rétrécit, ils sont plus portés à devenir dépassés et à adopter des comportements réactifs.
Figure 1: The Build Up. (Source: The Awkward Yeti)
* Traduction en français:
L’accumulation
1er quadrant: traumatisme passé,
2ème quadrant: traumatisme passé, mauvaise nouvelle, pandémie, stress,
3ème quadrant: traumatisme passé, mauvaise nouvelle, pandémie, stress, léger inconvénient,
4ème quadrant: je pense que ta réaction est excessive.
Le cœur et le cerveau
Regina Public Schools, un regroupement d’écoles publiques de Regina, est une grande circonscription scolaire urbaine et diversifiée de la Saskatchewan, qui englobe plus de 26 000 élèves et de 3 000 employés provenant de divers milieux, et dont les 53 écoles desservent des familles provenant de 100 pays différents. Nous croyons que la diversité est une force, ce que reflète notre plan stratégique de 2023-2027, qui donne la priorité à la santé mentale, à un environnement accueillant, inclusif et sécuritaire, ainsi qu’à un soutien indéfectible de la diversité, de l’équité et de l’inclusion.
Deuxième priorité stratégique du regroupement d’écoles publiques de Regina : Un environnement équitable et sécuritaireFournir un environnement inclusif, sécuritaire et accueillant, inspiré de pratiques sensibles aux traumatismes, où l’on s’engage à respecter les principes de la diversité, de l’équité et de l’inclusion. But 2.1 : Améliorer, renforcer et promouvoir la santé et le bien-être mental chez les élèves et le personnel. But 2.2 : Approfondir la conscientisation, la compréhension et l’engagement en matière de diversité, d’équité et d’inclusion. But 2.3 : Créer des milieux de travail et d’apprentissage sécuritaires, inclusifs et responsables. |
Comme nous sommes conscients que tout le personnel du regroupement a un rôle à jouer dans la création d’un environnement sécuritaire et équitable, nos plus récents efforts ont surtout consisté à prioriser la sécurité psychologique et à favoriser une compréhension commune de ce concept parmi tous les membres de notre personnel, allant des techniciens de l’installation principale aux psychologues agréés. Nous avons donc organisé une série de discussions avec l’ensemble du personnel du regroupement et avec des groupes plus restreints d’employés pour définir ce qu’est la sécurité psychologique, comment on en fait précisément l’expérience, et ce qu’elle n’est pas. Certains des points marquants de ces discussions sont relevés ci-dessous.
Notre expérience au sein du regroupement d’écoles publiques de Regina montre que les stratégies efficaces de diversité, d’équité et d’inclusion commencent en mettant l’accent sur l’appartenance et sur l’inclusion. Par exemple, nous continuons de mieux comprendre que l’embauche axée sur la diversité se fonde sur le mérite, en veillant particulièrement à ce que les procédures soient moins empreintes de préjugés fondés sur l’âge, la race, l’identité de genre, la religion, l’orientation sexuelle et d’autres caractéristiques personnelles sans lien avec le rendement au travail. Le maintien de la diversité exige que tous les employés se sentent valorisés et respectés. Commencer par mettre l’accent sur la sécurité psychologique permet aux employés d’être pleinement eux-mêmes au travail (avec leur race, leur ethnicité, leur identité de genre, leur orientation sexuelle, leurs antécédents, leur religion, leur situation familiale et toutes les autres facettes de leur identité), sans être jugés.
Figure 2: Equity, Diversity, Inclusion and Belonging. (Source: DIA Diversity Equity and Inclusion Statement)
* Traduction en français:
Équité, diversité, inclusion et appartenance
Bulle L’inclusion: Les pensées et les idées de tous sont importants.
Bulle L’équité: Un traitement, un accès et des possibilités justes et équitables.
Bulle La diversité: La représentation de multiples identités.
Bulle L’appartenance: Sentiment de communauté. Une organisation qui mobilise tout le potentiel des individus, favorise l’innovation et sait intégrer les points de vue, les croyances et les valeurs.
Chaque facette de l’identité d’une personne (sa race, son identité de genre, son habilité, sa langue) fournit des degrés divers de privilège et de marginalisation, un concept appelé intersectionnalité. Ce terme provient des ouvrages de Kimberlé Crenshaw (Ph. D.) et décrivait à l’origine la discrimination vécue par des femmes noires en raison de leur race et de leur genre12. Kimberlé Crenshaw nous rappelle que les personnes qui sont marginalisées à cause d’une ou de plusieurs dimensions de leur identité sont plus portées à vivre des microagressions, de la discrimination et du harcèlement qui leur posent des défis quand elles évoluent dans des environnements physiques et sociaux.
Pour instaurer la sécurité psychologique dans un milieu de travail, il est important de comprendre que l’identité d’une personne comporte plusieurs facettes et qu’elle ne se concentre pas sur un seul aspect. Quand nous déclarons qu’un espace est inclusif ou psychologiquement sécuritaire, nous devons nous demander : « Pour qui? ». Un espace qu’on croit psychologiquement sécuritaire pour une personne ne l’est pas nécessairement pour tous. Par conséquent, les réalités particulières des expériences que connaît, par exemple, une femme racialisée ou une personne transgenre exigent qu’on se penche intentionnellement sur les dimensions multiples qui composent l’identité, et qu’on mette en place une planification délibérée afin de créer et de soutenir des pratiques d’inclusion.
La création d’équipes de travail inclusives et psychologiquement sécuritaires a des effets significatifs sur les résultats scolaires. La recherche démontre que l’efficacité collective des enseignants est le facteur le plus influant sur la réussite scolaire, d’où l’importance de la collaboration et d’un travail d’équipe efficace dans les écoles13. Non seulement la sécurité psychologique insuffle-t-elle un sentiment d’appartenance et d’inclusion, mais elle a été identifiée comme étant la caractéristique la plus importante des équipes à rendement élevé14. Lorsqu’il y a de plus hauts niveaux de sécurité psychologique, les équipes deviennent plus habiles à exprimer des idées diversifiées et des points de vue anticonformistes, ce qui mène à une meilleure prise de décisions, à une hausse du rendement, et, en définitive, à de meilleurs résultats chez le personnel et les élèves.
Que nous amorcions le processus en adoptant une optique de bien-être en milieu de travail, ou en nous penchant sur les enjeux de la diversité, de l’équité et de l’inclusion, nous constatons qu’une attention particulière portée à la sécurité psychologique et à l’inclusion jette les bases de notre travail. La sécurité psychologique et l’inclusion permettent des conversations cruciales et courageuses sur les privilèges et l’identité, tout en appuyant d’autres buts communs en éducation tels le soutien de la diversité, l’amélioration de l’apprentissage et du bien-être ainsi que la réussite scolaire.
Le diagramme ci-dessous illustre les voies par lesquelles les bases de la sécurité psychologique et de l’inclusion soutiennent la diversité, l’apprentissage et le bien-être, qui, à leur tour, favorisent des résultats positifs chez le personnel et les élèves.
Figure 3: Psychological Safety and Inclusion as the Foundation for Wellbeing, Diversity, Learning – and Improved Outcomes (Adapted from Tom Gehraghty – psychsafety.co.uk)
* Traduction en français: La sécurité psychologique et l’inclusion comme bases du bien-être, de la diversité et de l’apprentissage – pour de meilleurs résultats
Partout au pays, des circonscriptions scolaires telles que le regroupement d’écoles publiques de Regina trouvent des façons de poser des fondements solides pour la sécurité psychologique et l’inclusion. Ce faisant, elles jettent les bases d’expériences de travail et d’apprentissage plus bienveillantes, plus inclusives et, ultimement, couronnées de succès.
Bien dans mon travail et le regroupement d’écoles publiques de Regina s’engagent à apprendre et à découvrir, sur une base continue, les liens entre le bien-être en milieu de travail, la diversité, l’équité et l’inclusion. Si votre école ou votre circonscription scolaire travaille à établir des liens entre la sécurité psychologique et l’inclusion, veuillez communiquer avec Kathleen à klane@edcan.ca.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
1 Dixon-Fyle, S., Dolan, K., Hunt, D.V., & Prince, S. (2020). Diversity Wins. McKinsey. Consulté le 11 janvier 2024 : https://www.mckinsey.com/featured-insights/diversity-and-inclusion/diversity-wins-how-inclusion-matters
2 Duhigg, C. (2016). What Google Learned From Its Quest to Build the Perfect Team. The New York Times Magazine. Consulté le 11 janvier 2024 : https://www.nytimes.com/2016/02/28/magazine/what-google-learned-from-its-quest-to-build-the-perfect-team.html
3 Hamfelt, A. (2019). Social Inclusion: The key determinant of mental wellness. Canadian Mental Health Association – BC Division. Consulté le 11 janvier 2024 : https://bc.cmha.ca/wp-content/uploads/2019/12/POL_BuildingEquitableFoundation_LitReview_8.5x11_2019_12_04.pdf
4 Office of the US Surgeon General. (2022) The US Surgeon General’s Framework for Workplace Mental Health and Wellbeing. Consulté le 11 janvier 2024 : https://www.hhs.gov/sites/default/files/workplace-mental-health-well-being.pdf
5 National Association of Chronic Disease Directors. (2018). Healthy Schools, Healthy Staff, Healthy Students: A Guide to Improving School Employee Wellness. Consulté le 11 janvier 2024 : https://chronicdisease.org/resource/resmgr/school_health/school_employee_wellness/nacdd_schoolemployeewellness.pdf
6 Dix, K., Ahmed, S.K., Carslake, T., Sniedze-Gregory, S., O’Grady, E, & Trevitt, J. (2020). Student health and wellbeing: A systematic review of intervention research examining effective student wellbeing in schools and their academic outcomes. Main report and executive summary. Evidence for Learning. Consulté le 11 décembre 2023 : https://evidenceforlearning.org.au/education-evidence/evidence-reviews/student-health-and-wellbeing
7 Timothy Clark’s Four Stages of Psychological Safety
8 Office of the US Surgeon General. (2022)
9 Hamfelt, A. (2019).
10 World Health Organization. (2023). WHO launches commission to foster social connection. Consulté le 11 janvier 2024 : https://www.who.int/news/item/15-11-2023-who-launches-commission-to-foster-social-connection
11 National Association of Chronic Disease Directors (2018) Healthy Schools, Healthy Staff, Healthy Students
12 Crenshaw, K. (1989). Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics. University of Chicago Legal Forum. Consulté le 11 janvier 2024 : https://chicagounbound.uchicago.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1052&context=uclf
13 Visible Learning. (2018). Collective Teacher Efficacy (CTE) according to John Hattie. Consulté le 11 janvier 2024 : https://visible-learning.org/2018/03/collective-teacher-efficacy-hattie/
14 Duhigg, C. (2016).
Nous avons tous été, à un moment ou à un autre, dans des milieux scolaires où les membres du personnel et les élèves s’épanouissent, apprennent, collaborent et créent des expériences d’apprentissage exceptionnelles. Nous avons aussi tous connu des milieux scolaires où le stress, les conflits interpersonnels et l’épuisement professionnel font partie des conversations à l’heure du midi. Les éducatrices et éducateurs peuvent sentir le fort lien qui existe entre le bien-être du personnel et l’apprentissage des élèves.
Mais ce n’est pas qu’une impression. Une récente méta-analyse révèle qu’il y a une corrélation positive entre le bien-être des enseignants et les relations enseignants-élèves, la qualité de l’enseignement ainsi que les expériences et les résultats des élèves1. Ce n’est pas que le personnel enseignant qui influence la réussite scolaire – tous les membres du personnel ont un rôle à jouer dans le développement des relations avec les élèves et dans la création d’un milieu scolaire stimulant, qui sont tous deux des éléments qui favorisent des résultats positifs pour les élèves2.
AMÉLIORE LA QUALITÉ DE L’ENSEIGNEMENTLes enseignantes et enseignants sont largement considérés comme les personnes au sein de l’école qui ont le plus d’influence sur la réussite, la satisfaction et le rendement des élèves3. Le bien-être du personnel enseignant est étroitement lié à la qualité de l’enseignement4. Selon une étude, le bien-être des enseignants expliquait 8 % de la variation sur le plan du rendement scolaire5. Par expérience, nous savons que c’est quand on sent au meilleur de notre forme qu’on donne le meilleur de nous-mêmes. |
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RENFORCE LES RELATIONS AVEC LES ÉLÈVESIl est bénéfique pour les élèves d’avoir un adulte bienveillant à l’école7. Des relations étroites entre les élèves et leurs enseignants ont une influence positive sur le rendement scolaire8, et le bien-être accru des enseignants améliore ces relations9. Tout adulte faisant partie de la communauté scolaire peut devenir cette personne bienveillante, que ce soit un membre du personnel de soutien ou d’entretien, un chauffeur d’autobus ou un membre de la direction. |
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FAVORISE l’établissement d’un MILIEU SCOLAIRE STIMULANTLe personnel de l’école influence de façon importante le milieu scolaire10,11. Lorsque l’école offre un milieu d’apprentissage sûr et favorable, les élèves peuvent s’épanouir12; l’absence d’un tel environnement nuit au bien-être et à l’apprentissage des élèves. Toutefois, pour créer un environnement scolaire sûr, accueillant et inclusif, comme le prévoient les plans stratégiques des districts scolaires, il faut que le personnel se sente bien. |
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INFLUENCE DIRECTeMENT LE BIEN-ÊTRE DES ÉLÈVESLorsque les enseignants se sentent bien, ils contribuent au bien-être social, émotif, cognitif, spirituel et physique de leurs élèves13. De multiples études ont démontré des liens directs entre le bien-être des enseignants et celui des élèves – y compris un rapport direct entre le niveau de stress des enseignants et les niveaux de cortisol des élèves14. La recherche sur le lien entre l’apprentissage et le bien-être des élèves montre clairement que le bien-être des élèves améliore l’apprentissage15. |
Un personnel qui est en santé et se sent bien crée un environnement scolaire stimulant et entretient des relations bienveillantes avec les élèves. Il fournit un enseignement de qualité qui favorise le bien-être et la réussite des élèves. Le fait de voir les élèves s’épanouir accroît notre sentiment de bien-être – après tout, c’est la principale raison pour laquelle la majorité d’entre nous avons décidé d’œuvrer dans le domaine de l’éducation. Lorsque les élèves s’épanouissent, ils sont aussi plus susceptibles d’adhérer aux normes de comportement et de traiter leurs camarades de classe avec bienveillance et respect, ce qui, à son tour, rend le milieu scolaire plus positif. C’est un cycle vertueux.
Lorsque les élèves ou les membres du personnel éprouvent des difficultés, ce cycle peut se transformer en cycle vicieux. Notre société fait face à de nombreux défis, que ce soit le changement climatique, la polarisation politique, l’inflation et l’insécurité alimentaire ou du logement. Les difficultés auxquelles font face les élèves à la maison peuvent se manifester sous forme de problèmes de santé mentale ou de comportements perturbateurs en classe. Ces éléments peuvent à leur tour avoir une influence sur l’environnement dans la salle de classe et alourdir la charge du personnel de l’école, tant sur le plan émotif que du travail. En outre, le personnel scolaire fait face aux mêmes difficultés que les élèves et leur famille. À mesure que ces facteurs de stress s’accumulent, le bien-être diminue et le personnel est moins en mesure de créer un milieu scolaire sûr et stimulant.
Les éducatrices et éducateurs partout au Canada et dans le monde reconnaissent l’interaction complexe entre le bien-être des élèves et celui du personnel. La recherche démontre que cette interaction peut créer un cycle vertueux où les élèves et les membres du personnel s’épanouissent. Ou elle peut créer un cycle vicieux qui entraîne du stress, de l’anxiété et un mal-être.
Si nous voulons véritablement que nos élèves soient en santé et prêts à apprendre, il est essentiel d’investir dans le bien-être et la culture de notre personnel. Nous voulons tous faire partie d’une école qui favorise la collaboration, le soutien et l’apprentissage. Aidons plus d’écoles à offrir un milieu stimulant en investissant dans leur personnel.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
1 Dreer, B. (2023) On the outcomes of teacher wellbeing: a systematic review of research. Front. Psychol. 14:1205179. doi: 10.3389/fpsyg.2023.1205179
2 McCallum, F. (2021). Teacher and Staff Wellbeing: Understanding the Experiences of School Staff. In M.L. Kern & M.L. Wehmeyer (Eds.) The Palgrave Handbook of Positive Education. (pp. 715-740). Palgrave MacMillan. Retrieved 11 December 2023 from: https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-030-64537-3
3 Hattie, J. (2009). Visible learning: A synthesis of over 800 meta-analyses to achievement. London: Routledge.
4 Mingren, Z., & Shiquan, F. (2018). Rural teacher identity and influencing factors in western China. Chinese Education & Society,51(2), 91–102.
5 Briner, R., & Dewberry, C. (2007). Staff wellbeing is key to school success: A research study into the links between staff wellbeing and school performance. London: Worklife Support.
6 National Association of Chronic Disease Directors. (2018). Healthy School, Healthy Staff, Healthy Students: A Guide to Improving School Employee Wellness. Retrieved 11 December 2023 from: https://chronicdisease.org/resource/resmgr/school_health/school_employee_wellness/nacdd_schoolemployeewellness.pdf
7 American Institutes for Research (n.d.) Understanding the Importance of Creating Positive School Climates to Support Students Facing Adversity and Trauma. School Climate Improvement Resource Package. Retrieved 11 December 2023 from: https://safesupportivelearning.ed.gov/sites/default/files/NCSSLE-Trauma-Adversity-Brief-508.pdf
8 Quin, D. (2017). Longitudinal and Contextual Associations Between Teacher–Student Relationships and Student Engagement: A Systematic Review. Review of Educational Research, 87(2), 345–387.
9 Kelty Mental Health (n.d.). Fostering and Supporting Teacher and Staff Well-being. Retrieved 11 December 2023 from: https://keltymentalhealth.ca/school-professionals/fostering-and-supporting-teacher-and-staff-well-being#:~:text=Teachers%20play%20a%20key%20role,more%20supportive%20teacher%2Dstudent%20relationships.
10 Astor, R.A. and Moore, H. (2021). Positive school climate for school staff? The roles of administrators, staff beliefs, and school organization in high and low resource school districts. Journal of Community Psychology. (https://www.researchgate.net/publication/354451658_Positive_school_climate_for_school_staff_The_roles_of_administrators_staff_beliefs_and_school_organization_in_high_and_low_resource_school_districts
11 Dinsdale,R. (2017). The Role of Leaders in Developing a Positive Culture. BU Journal of Graduate Studies in Education, Volume 9, Issue 1.https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-64537-3_28
12 Lindorff A (2020) The impact of promoting student wellbeing on student academic and non-academic outcomes: An analysis of the evidence. Retrieved 11 December 2023 from: https://oxfordimpact.oup.com/home/wellbeing-impact-study
13 Hattie, J. (2009). Visible learning: A synthesis of over 800 meta-analyses to achievement. London: Routledge.
14 Oberle, E., & Schonert-Reichl, K. A. (2016). Stress contagion in the classroom? The link between classroom teacher burnout and morning cortisol in elementary school students. Social Science & Medicine, 159, 30-37
15 Dix, K, Ahmed, S.K., Carslake, T, Sniedze-Gregory, S, O’Grady, E, & Trevitt, J (2020). Student health and wellbeing: A systematic review of intervention research examining effective student wellbeing in schools and their academic outcomes. Main report and executive summary. Evidence for Learning Retrieved 11 December 2023 from: https://evidenceforlearning.org.au/education-evidence/evidence-reviews/student-health-and-wellbeing
Les personnes œuvrant dans le milieu de l’éducation des niveaux primaire et secondaire jouent un rôle essentiel dans le bien-être et la réussite scolaire des jeunes, mais doivent aussi composer avec des taux élevés de stress et d’épuisement professionnel. Le faible niveau de bien-être mine le moral des membres du personnel de l’éducation et entraîne des défis en matière de dotation. Cette situation a aussi des répercussions négatives sur le bien-être et la réussite des élèves.
Cet article se penche sur la pertinence de l’outil d’évaluation Protégeons la santé mentale au travail (Protégeons la santé mentale) pour améliorer sensiblement le bien-être en milieu de travail dans les conseils scolaires canadiens. Protégeons la santé mentale évalue la santé et la sécurité psychologiques – des facteurs affectant le bien-être en milieu de travail. Les conclusions du sondage peuvent favoriser des échanges constructifs avec le personnel en vue de promouvoir un environnement de travail et d’apprentissage plus favorable et plus sécuritaire sur le plan psychologique.
Plusieurs conseils scolaires souhaitent favoriser le bien-être de leurs effectifs – ils offrent donc des applications de pleine conscience, des cours de yoga gratuits et des trucs pour favoriser le mieux-être, ce qui peut être utile pour certaines personnes. D’autres conseils scolaires réalisent des sondages internes accompagnés d’auto-évaluations du bien-être et demandant des commentaires sur des mesures mises en place.
La première étape nécessaire à des améliorations notables et durables consiste à déterminer les enjeux sous-jacents qui minent le bien-être du personnel. Protégeons la santé mentale traite des enjeux et des conditions de travail influençant le bien-être et permet d’avoir un aperçu des sentiments et des perceptions du personnel de l’éducation et de la façon dont leur environnement de travail influe sur leur bien-être.
Le sondage qui s’appuie sur des éléments probants et porte sur les facteurs de santé et de sécurité psychologiques aide à mettre en relief les aspects du milieu de travail exigeant une attention particulière. Chaque élément du sondage comprend des sous-énoncés aidant à rendre les enjeux plus concrets et fournit des indices pour la mise en œuvre de mesures ciblées. Le facteur Participation et influence, par exemple, comprend des énoncés tels que « Mes suggestions sont prises en compte au travail » ou « Je suis rapidement informé des changements importants au travail ». Si les participant-e-s ont répondu que ces énoncés sont « grandement préoccupants », le conseil scolaire dispose alors un champ d’action concret pour améliorer le bien-être du personnel.
Les conseils scolaires regroupent un large éventail d’employé-e-s. Les défis que rencontre un membre du corps enseignant sont bien différents de ceux d’un concierge. Bien qu’il soit pertinent de savoir que 55 % des membres du personnel ont de la difficulté avec la conciliation travail-vie personnelle, savoir que c’est le cas pour 72 % du personnel enseignant permet aux conseils scolaires de se concentrer sur des solutions adaptées à ce segment de leurs effectifs au lieu de préconiser des solutions génériques.
La segmentation par groupes du personnel des conseils scolaires peut fournir des renseignements plus nuancés sur ce qui se passe sur le terrain. Pour les conseils scolaires, cette segmentation a été extrêmement précieuse, car elle les a aidés à concevoir des stratégies sur mesure pour répondre aux besoins de groupes particuliers. La segmentation fait toutefois en sorte de multiplier le volume des rapports devant être analysés. L’équipe de conseiller-ère-s de Bien dans mon travail a créé des outils et des ressources précis pour aider les conseils scolaires à comprendre les données de leurs rapports Protégeons la santé mentale et à passer à l’action.
Protégeons la santé mentale détermine les secteurs qui se portent bien et les aspects où il est nécessaire d’agir pour améliorer le bien-être au travail. En mettant en relief des enjeux essentiels tels que l’intimidation, le harcèlement ou la discrimination, Protégeons la santé mentale aide les dirigeants à agir rapidement et à éviter les risques pour le personnel et l’organisation. Le sondage évalue des enjeux critiques tels que l’épuisement professionnel, les traumatismes, le stress ou l’inclusion. En englobant ces aspects incontournables, Protégeons la santé mentale aide les conseils scolaires à créer un environnement de travail inclusif, favorisant le bien-être et répondant aux besoins diversifiés du personnel.
Les rapports Protégeons la santé mentale guident aussi les dirigeant-e-s du monde de l’éducation vers des stratégies reposant sur des données probantes pour les aspects précis qui posent problème. Des données performantes et des stratégies fondées sur des éléments probants permettent aux dirigeants de prendre des mesures éclairées et d’amorcer des changements positifs qui amélioreront le bien-être au travail.
Plusieurs conseils scolaires canadiens ont pu constater que Protégeons la santé mentale est indispensable pour améliorer le bien-être dans leur milieu de travail. Cet outil est conforme aux normes d’avant-garde et se penche sur des aspects concrets d’amélioration; ses stratégies fondées sur des données probantes en font un outil essentiel pour comprendre l’état de bien-être qui prévaut au sein d’une organisation. La première étape pour amorcer un changement est de comprendre l’état de bien-être dans le milieu de travail concerné. Protégeons la santé mentale est un excellent moyen d’amorcer cette démarche.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Depuis 2017, la Fondation McConnell soutient les initiatives de bien-être en milieu de travail au sein du système d’enseignement primaire et secondaire par le biais de son initiative WellAhead. Au début de 2020, elle a réuni des leaders d’opinion pour réfléchir à comment apporter des améliorations mesurables au bien-être du personnel scolaire des niveaux primaire et secondaire au Canada. Une équipe de conception¹ a été formée pour développer un concept préliminaire basé sur cette idée. Cette équipe a ensuite demandé aux intervenants de l’éducation de lui fournir leurs commentaires sur le concept et de partager leur expérience.
Les parties prenantes participantes ont généreusement offert leur temps, leur expertise et leurs encouragements, en faisant part des pièges à éviter, les opportunités pour renforcer les approches et les perspectives qui n’ont pas encore été considérées. Leurs commentaires aident à l’élaboration d’approches qui correspondent à leur environnement et reflètent précisément leurs besoins et préférences, lesquels permettront d’obtenir un impact plus percutant.
¹Charlie Naylor, Felicia Ochs, André Rebeiz, Tammy Shubat, Kim Weatherby.
Le principe d’empreinte écologique qui permet de mesurer la pression que l’être humain exerce sur la nature nous est tous familier. Puisque nous comprenons désormais que les émotions sont contagieuses et, parmi elles, le stress, nous devons apprendre à mesurer et à régir notre empreinte émotionnelle dans nos milieux de vie, bien avant de demander aux autres de mieux gérer leurs humeurs. Cette notion fait ici référence à la portée et à l’influence des émotions sur notre environnement.
Le stress est contagieux. Sans le savoir, nous pouvons contaminer nos proches et eux, réciproquement, peuvent nous transmettre inconsciemment leurs tensions. Il s’agit de la résonnance du stress. Celle-ci fait partie des découvertes récentes en neuroscience qui ont prouvé qu’il existe bel et bien des relations humaines toxiques et que nous pouvons influencer ces échanges nuisibles en favorisant le bienêtre et la régulation émotionnelle dans nos divers milieux de vie. Plus le lien est signifiant entre les personnes, plus celles-ci sont vulnérables devant le transfert du stress. Ainsi, plus le personnel enseignant passe du temps avec les jeunes dans un espace éducatif, plus il peut les exposer à leur stress et vice-versa. C’est pourquoi les spécialistes en neuroscience nous invitent à apprendre à gérer notre stress et nos émotions avant même d’essayer de neutraliser ceux de nos proches. D’ailleurs, il a été démontré que lorsque les parents ou les enseignants autorégulent leur anxiété, le stress des enfants chute de moitié. Le bienêtre des adultes a un effet direct sur celui des jeunes et il favorise l’apprentissage. Les liaisons émotionnelles et relationnelles qui unissent une personne à son entourage sont assujetties à ses propres états d’âme. Voilà l’importance de mettre en place des approches et des stratégies qui favoriseront de saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles pour TOUS dans les écoles.
L’adoption d’un mode de vie actif et d’une alimentation saine est un facteur déterminant pour être en bonne santé. Pas étonnant que, depuis notre plus tendre enfance on nous martèle, à grands coups de slogans, qu’il faut manger cinq fruits et légumes par jour et faire trente minutes d’activité physique quotidiennement !
Mais depuis quelques années, des chercheurs abordent de plus en plus cette notion de saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles, concept émergent qui doit désormais être intégré au spectre des saines habitudes de vie telles qu’on les connaît déjà. Ces habitudes saines prennent toute leur importance en situation de crise. Elles auraient également une incidence positive sur la santé globale et la longévité. Selon Robert Waldinger, psychiatre de l’université Harvard et 4e directeur d’étude longitudinale sur la santé et le bonheur chez l’être humain, qui a duré 75 ans, c’est la qualité des relations sociales qui nous rendrait heureux et pourrait même contribuer à nous garder en bonne santé. Être proche de sa famille, de ses amis et de sa communauté serait bon pour nous ; ces connexions sociales contribuent à une vie plus longue et saine. Mais pour favoriser des relations de qualité, nous devons apprendre à mieux gérer nos émotions. Voilà pourquoi nous devons intégrer les saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles dans le spectre des saines habitudes de vie en plus de l’activité physique et de la saine alimentation.
On pourrait même se risquer à dire qu’elles sont plus importantes, puisqu’elles motiveront et guideront nos choix à travers l’ensemble des habitudes de vie et nous permettront d’optimiser notre bonheur et de bonifier notre espérance de vie. Alors, pourquoi ne pas faire la promotion des habitudes de vie émotionnelles et relationnelles durant cette pandémie? Pourquoi tant de campagnes gouvernementales sur des programmes de conditionnement physique et une alimentation saine, mais rien sur ces habitudes-là ? Est-ce une phobie collective qui nous empêche de voir notre monde émotionnel et relationnel, si capital à l’équilibre mental ?
De plus, les habitudes émotionnelles et relationnelles saines ont une influence sur l’ambiance au travail, sur la réussite éducative, sur l’engagement en faveur de la culture, de la communauté et, plus largement, de la société. Elles font la promotion de la diversité inclusive entre les personnes, élément essentiel en ce XXIe siècle qui évolue dans un esprit de mondialisation. Elles favorisent une plus grande harmonie familiale, une meilleure communication intergénérationnelle et permettent la mise en place d’approches collaboratives. Bref, elles ne peuvent qu’être positives.
En contexte de pandémie, au-delà des mesures de santé publique, les autorités doivent mettre en place des stratégies collaboratives pour favoriser la bienveillance au travail, car le bienêtre des enfants à l’école passe par celui du personnel scolaire (Goyette, 2019 ; Oberle et Schonert-Reichl, 2016). Les approches collaboratives, intégrées au curriculum de l’école, doivent prioriser le développement des compétences émotionnelles et relationnelles telles qu’une bonne conscience de soi, une bonne gestion des émotions et une valorisation du sentiment d’efficacité personnelle et collective.
Il est plus que temps de renverser la vapeur et de prendre soin de nous en adoptant de saines habitudes de vie émotionnelles et relationnelles. Voici quelques bienfaits :
En offrant des ressources d’aide psychosociale et émotionnelle aux enseignants, nous construisons des milieux bienveillants, positifs et sécurisants pour les élèves. Nous maintenons ainsi un climat sain qui favorise l’apprentissage. La santé mentale des intervenants scolaires doit devenir la priorité des autorités, car quand on prend soin des adultes on soutient les enfants qui leur sont confiés dans leur développement optimal.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Goyette, Nancy (2019). Le bien-être et la passion en enseignement : un défi incontournable et réalisable pour les enseignants du secondaire, Conférence présentée à la Commission de l’enseignement secondaire du Conseil supérieur de l’éducation, 15 mars 2019.
Oberle, Eva et Kimberly A. Schonert-Reichl (2016). « Stress contagion in the classroom? The link between classroom teacher burnout and morning cortisol in elementary school students », Social Science & Medecine, 159, juin, p. 30-37.
Chaque journée passée en classe avec les élèves amène son lot de défis et de frustrations : les imprévus, les crises, les attentes de tout un chacun, les émotions en ébullition, les dossiers qui s’empilent et les moments de doute et de découragement. Comment garder la tête hors de l’eau et apprivoiser chaque moment avec sérénité, lorsqu’il est si facile de s’y perdre ? Les deux autrices suisses, Katia Lehraus et Françoise Stuckelberger-Grobéty, proposent une démarche simple : la pleine conscience.
Ciblant d’emblée les enseignantes et les enseignants du primaire, Bien dans ma classe au quotidien grâce à la pleine conscience démystifie la pleine conscience pour les personnes débutantes en alliant théorie, pratique et méditations guidées. La première partie de l’ouvrage invite à l’établissement d’un diagnostic de l’environnement. Par le biais de fiches d’exploration personnelle et de questions pointues, on identifie les attentes, les contingences, les valeurs, les automatismes et les responsabilités affectant ou influençant le déroulement d’une journée d’enseignement. Cette section est efficace dans sa portée et sa présentation.
Les autrices enchaînent avec la partie pratique de l’ouvrage, où elles expliquent le concept de pleine conscience (mindfulness, dans le texte) et guident pas à pas l’intégration de cette pratique dans une journée d’enseignement. Au moyen de courtes méditations animées, on apprend à s’ancrer dans le moment présent, à vivre ce moment dans sa globalité et à agir sur celui-ci au lieu d’uniquement y réagir. Le chapitre 8 est révélateur car il aide à séparer les pensées des faits avérés, tout en rappelant qu’on ne peut changer une situation, mais qu’on peut changer notre relation à celle-ci. La technique de la pleine conscience étant plutôt simple, cette deuxième section se révèle répétitive et quelque peu infantilisante.
La pleine conscience permet de développer la confiance en soi et la tolérance aux imprévus en fournissant des outils pour gérer les émotions et les doutes inhérents à l’enseignement. L’ouvrage Bien dans ma classe au quotidien grâce à la pleine conscience révèle sa pertinence par l’introspection qu’il propose et par les techniques qu’il met de l’avant. Il s’adresse toutefois principalement aux débutants : si vous connaissez la pleine conscience, pratiquez le yoga ou maîtrisez la respiration océanique et la marche consciente, cet ouvrage vous laissera sur votre faim. Autrement, il s’avère une porte d’entrée intéressante pour qui souhaite apprendre à porter attention au présent et à vivre pleinement.
Lehraus, K. et Stuckelberger-grobéty, F., Bien dans ma classe au quotidien grâce à la peine conscience (Bruxelles : De Boeck Supérieur, 2019).
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
Les directions d’établissement scolaire doivent préparer le retour des élèves. Ce retour amène avec lui divers sentiments tels le stress, l’anxiété et l’inquiétude. Loin d’une rentrée scolaire habituelle, celle-ci est exigeante et marquée par l’insécurité. Bien que la première responsabilité des directions est de veiller à la santé des élèves et du personnel scolaire, il est primordial qu’elles prennent en considération leur propre bienêtre afin de pouvoir affronter ce changement venu bouleverser leurs tâches quotidiennes, leurs relations avec l’équipe-école et leurs priorités.
Le contexte des directions d’établissement scolaire
La profession de direction d’établissement scolaire est de plus en plus stressante1. Bien que diverses formations et programmes d’accompagnement ont été mis en place pour favoriser leur insertion professionnelle et les maintenir en poste, 69% des directions d’établissement scolaire au Québec ont remis en question leur choix professionnel au cours de leurs premières années en poste2 et certaines ont même pensé abandonner3. En Ontario4, 83 % des directions d’établissements francophones primaires et secondaires ont indiqué avoir vécu des situations émotionnelles difficiles dans leur milieu du travail. Ceci dit, si leur contexte habituel est complexe, une situation de pandémie rehausse-t-elle le défi ?
Bienêtre et pandémie
Dans les prochains mois, la vision et la mission des directions d’établissement scolaire ne seront plus les mêmes. Leur bienêtre mérite d’être pris en considération en ce temps de pandémie. Les directions d’établissement scolaire constituent la pierre angulaire d’une école à succès. Afin de cerner les facteurs permettant d’expliquer leur efficacité, une étude5 a été menée auprès de 352 directions et directions-adjointes d’écoles primaires et secondaires au Québec. Trois caractéristiques favorisant le bienêtre sont retenues :
La première caractéristique concerne la recherche de soutien, par exemple, un mentor avec qui échanger sur cette nouvelle expérience. En cherchant conseil auprès d’une autre direction d’école ou auprès du centre de services éducatifs, la direction reçoit du renforcement qui rehausse sa confiance en ses décisions et en ses capacités de gestion. Le mentorat contribue à la persévérance dans le travail et au maintien du bienêtre émotionnel, cognitif, et social6, surtout dans une situation de pandémie.
La deuxième caractéristique permet une prise de conscience des directions et directions-adjointes de leurs émotions et de celles des membres de leur équipe. Cette caractéristique, si présente en temps de pandémie, peut se manifester par le stress, la peur, l’angoisse, etc. Face à leurs émotions négatives qui peuvent empêcher les directions d’avancer dans leurs tâches et de contribuer à un climat anxiogène, elles doivent pouvoir détecter, comprendre, exprimer et réguler leurs émotions et permettre aux membres de leur équipe de le faire également. En tant que leader de leur établissement, les directions doivent être capables de créer une relation émotionnelle authentique avec les membres de leur équipe afin de les amener à transcender leurs besoins individuels au profit d’objectifs communs7. Cette relation se manifeste par une écoute active et empathique du personnel scolaire, par une ouverture à accueillir les émotions négatives des autres et à les comprendre.
Le troisième élément consiste à exercer un leadership positif qui motive et mobilise. Le leadership étant la capacité à coacher et à conduire une équipe vers un but commun8, ceci n’est pas facile en temps de pandémie puisque la direction doit changer sa façon d’analyser le fonctionnement de l’établissement. Dans ce cas, l’exercice d’un leadership charismatique suscitant l’enthousiasme chez l’équipe devient essentiel. Ce style de leadership reconnu par le leadership transformationnel9 permet aux directions d’avoir des comportements positifs tels que l’entraide et l’altruisme.
Promouvoir le bienêtre en temps de pandémie
Selon la stratégie ontarienne10 pour le bienêtre en milieu scolaire, le « bienêtre est l’image positive de soi, l’état d’esprit et le sentiment d’appartenance ressentis lorsque ses besoins d’ordre cognitif, émotionnel, social et physique sont satisfaits ». Afin de favoriser une rentrée positive, les directions d’établissements scolaires sont appelées à mettre en place diverses stratégies permettant le maintien de leur bienêtre, de celui des enseignants et des élèves. Voici quelques exemples :
Au niveau cognitif, la pandémie apporte de nouvelles connaissances. Plusieurs recherches ont été effectuées à ce niveau. Puisque la stimulation intellectuelle maintient le cerveau en bonne santé et déclenche un sentiment d’accomplissement11, il est opportun de proposer un travail de collaboration avec les collègues et avec les élèves pour en apprendre davantage sur la COVID-19, par exemple, organiser une journée de recherche sur la pandémie pour présenter des communications ou créer des affiches.
Au niveau émotionnel, une pandémie suscite le stress et l’angoisse. Pour cette raison, il sera intéressant de miser sur des pratiques favorisant la gestion des émotions négatives. La méditation est l’une des pratiques qui améliore l’humeur et diminue le stress12. Intégrer une telle pratique au programme (10 minutes par jour) aidera la direction, les enseignants et les élèves à conserver leur calme dans des situations difficiles.
Au niveau social, il est prouvé qu’aider les autres est bénéfique au bienêtre13. Malgré la distanciation physique imposée par la pandémie, envoyer une lettre à des grands-parents, un dessin à une tante ou contribuer à un projet communautaire permet à l’équipe-école de tisser des liens et de préserver les relations avec son entourage.
Au niveau physique, commencer la journée d’école avec la danse, de la Zumba, une marche ou n’importe quel type de sport est bon pour le corps et l’esprit. Plusieurs recherches indiquent que l’exercice physique peut être un moyen de gestion efficace des pensées et des émotions négatives14.
Conclusion
En attendant que la pandémie soit derrière nous et en cherchant des solutions et des stratégies pour garantir une rentrée scolaire réussie et sécuritaire pour tous, misons sur la santé et le bienêtre des directions d’établissement scolaire. Une direction qui se sent soutenue, consciente de ses émotions et de celles d’autrui et exerçant un leadership inspirant saura comment profiter de tout ce changement pour relever de nouveaux défis et rendre cette situation de pandémie bénéfique. Les enfants ont besoin non seulement d’un milieu qui offre des mesures de protection et d’hygiène contre la COVID-19, mais également de voir dans leur direction d’école un modèle de résilience et de créativité qui les mènera à croire qu’après la pandémie, le beau temps reviendra.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Poirel, E., et Yvon, F., « School principal’s emotional coping process », Canadian Journal of Education 37, nº 3 (2014) : 1-23, https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/1041
2 Bernatchez, J., « La formation des directions d’établissement scolaire au Québec : apprendre à développer un savoir-agir complexe », Télescope 17, nº 3 (2011) : 158-175, http://telescope.enap.ca/Telescope/docs/Index/Vol_17_no_3/Telv17n3_bernatchez.pdf
3 Gravelle, F., « Être dirigeant scolaire à l’heure d’une gouvernance axée sur les résultats au Québec… situation qui peut épuiser…. », La recherche en éducation 13 (2015) : 5-20.
4 Pollock, K., « Directeurs en santé, écoles en santé : Soutenir le bien-être des directeurs », Éducation Canada (2017), https://www.edcan.ca/articles/healthy-principals-healthy-schools/?lang=fr
5 Hadchiti, R., Frenette, E, Dussault, M. et Loye, A., « Le mentorat, les compétences émotionnelles et le leadership transformationnel : trois composantes de la réussite d’une direction d’établissement scolaire », Revue Enseignement et recherche en administration de l’éducation (soumis pour publication).
6 Remoussenard, C. et Ansiau, D., « Bien-être émotionnel au travail et changement organisationnel. Le cas Essilor », Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé 15-1 (2013), http://journals.openedition.org/pistes/3337
7 Rinfret, N., « Leadership ». Dans Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration publique, dir. L. Côté et J.-F. Savard (2012).
8 Meyer, C. et Kirby, J., « Leadership in the age of transparency », Harvard Business Review 88, nº 4 (2010) : 38-46, https://hbr.org/2010/04/the-big-idea-leadership-in-the-age-of-transparency
9 Bass, B. M., « From transactional to transformational leadership: Learning to share the vision », Organizational dynamics 18, nº 3 (1990) : 19-31.
10 Ministère de l’Éducation de l’Ontario (2016).
11 Lau, N. S., « Cultivation of mindfulness: Promoting holistic learning and wellbeing in education ». Dans International Handbook of Education for Spirituality, Care and Wellbeing 3, éd. de Souza M., Francis L.J., O’Higgins-Norman J., Scott D. (Springer, Dordrecht, 2009 : 715-737).
12 Moulinet, I., Touron, E. et Chételat, G., « La méditation dans le vieillissement : impact sur le bien-être, la cognition et le cerveau de la personne âgée », Revue de neuropsychologie 10, nº 4 (2018) : 304-312.
13 Oarga, C., Stavrova, O. et Fetchenhauer, D., « When and why is helping others good for well‐being? The role of belief in reciprocity and conformity to society’s expectations », European Journal of Social Psychology 45, nº 2 (2015) : 242-254.
14 Lane, N. D., Lin, M., Mohammod, M., Yang, X., Lu, H., Cardone, G. et Choudhury, T., « BeWell: Sensing sleep, physical activities and social interactions to promote wellbeing », Mobile Networks and Applications 19, nº 3, 2014 : 345-359.
Deux phénomènes sont indéniables dans le milieu scolaire : le stress, qui concerne aussi bien les enseignants que les élèves1, et le décrochage du personnel enseignant, l’un entraînant parfois l’autre, mais pas toujours. D’entrée de jeu, précisons d’abord la nature du stress dans les écoles.
La notion du stress
Étymologiquement parlant, le terme stress vient du latin stringere et signifie « tendu de façon raide, serré »2. Le concept de stress a été défini de différentes manières par plusieurs auteurs. Les théories du stress issues des travaux de Selye3 considèrent le stress comme étant une réponse de l’organisme face à l’agression d’un agent causal interne ou externe dans le but de résister, de s’adapter et de rétablir son équilibre interne.
Pour Lazarus et Folkman4, le stress est le produit d’une transaction entre l’individu et l’environnement, qui est évaluée comme dépassant les ressources et menaçant le bien-être de l’individu. Pour les besoins de cet article, le stress prend le sens d’une réponse psychologique et physiologique d’un enseignant à une situation qui égale ou excède sa capacité d’adaptation. Dans cette définition, il y a lieu de distinguer trois éléments essentiels : le stress (la force exercée), l’objet ou l’agent (l’enseignant) et la déformation subie par l’objet. Un exemple peut bien illustrer notre définition. Le malaise provoqué par la gestion d’une classe où plusieurs élèves ont des troubles de comportement est en soi un stress, une force, une pression exercée sur l’enseignant qui est l’objet du stress. La conséquence, la déformation subie par l’objet (l’enseignant) est l’attitude adoptée face au stress, notamment, l’insatisfaction. La déformation subie est le comportement adopté par l’enseignant à la suite du stress, la nervosité par exemple.
Les facteurs du stress dans le milieu scolaire
Dans une étude5 sur le stress des enseignants du secondaire vis-à-vis de l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement dans leurs classes, l’effet du comportement des élèves sur le processus d’enseignement et la perte de satisfaction par rapport à leur enseignement sont reconnus comme les sources importantes de stress des enseignants. Cette recherche était menée auprès de 231 enseignants du secondaire au Québec. Dans une autre recherche sur les divers facteurs de stress reconnus par les jeunes enseignants du secondaire comme pouvant engendrer l’abandon prématuré de la profession, Rojo et Minier6 ont trouvé que les enseignants font face à des défis de taille qui génèrent du stress pouvant produire de l’insatisfaction, un sentiment d’incompétence et d’inconfort psychologique. Dans cette étude, les répondants sont des enseignants en fonction ayant songé à abandonner la profession et des enseignants ayant quitté leur carrière. Cette recherche a permis de hiérarchiser les défis responsables du stress enseignant en trois ordres :
Cette classification a fait connaître les différentes facettes du stress des enseignants provoqués par la gestion de classe difficile et l’exploration des facteurs stressants chez les enseignants en début de carrière. Il n’existe, à l’état actuel de la connaissance, aucune étude portant sur le stress des enseignants pouvant conduire à l’abandon de leur carrière et sur le stress de ceux qui l’ont réellement abandonnée9.
Les causes externes du stress
Les causes externes du stress sont liées à la profession et non à l’enseignant. Généralement, et ce pour toutes les professions, Delbrouck10 classe les facteurs de stress d’origine externe en six catégories :
En lien spécifique avec la profession enseignante, Rascle et Janot-Bergugnat11 précisent dix facteurs de stress externes :
Les causes internes du stress
Ce sont des déterminants liés à la personnalité des enseignants. Généralement, sur le plan interne et pour toute profession, Doudin et al.12 répertorient six catégories de causes dans lesquelles se retrouvent les facteurs à l’origine du stress :
Spécifiquement pour la profession enseignante, ces auteurs ciblent trois causes caractérisant la profession enseignante, notamment, les tâches lourdes à accepter (exemple : veiller à la sécurité des élèves pour des sorties scolaires avec une classe d’adolescents à problèmes de comportement), les échecs difficiles à accepter (exemple : être sous-évalué par la direction à l’issue d’une année scolaire estimée fructueuse), et les idéaux élevés (exemple : tous les élèves de la classe doivent réussir au test provincial de compétence linguistique avec A+).
Stratégies pour réduire les effets du stress sur l’individu
Pour réduire le stress, l’organisme humain développe le coping strategy13. Ce sont des mécanismes que l’organisme met en branle pour gérer le stress. Greenberg14 présente trois stratégies globales que chaque personne pourrait employer en vue de faire face au stress : gérer le stress, le combattre et le fuir. Il est à noter que les deux premières stratégies sont proactives du fait qu’elles utilisent des stratégies semblables pour composer avec le stress tandis que la troisième stratégie ne cherche qu’à baisser le niveau de tension chez une personne. Côté, Bertrand et Gosselin15 ont classé les stratégies d’adaptation (pour composer avec le stress) en douze catégories :
Le stress et le décrochage enseignant cohabitent à l’école. Même si le premier n’entraîne pas nécessairement le second, les deux sont indéniables dans le milieu scolaire. À travers les lignes précédentes, le but poursuivi était de conscientiser les lecteurs sur l’existence du stress à l’école chez les enseignants et son éventuelle incidence sur la décision de quitter la carrière enseignante. Malgré son existence à l’école, le stress n’a pas fait l’objet de beaucoup de recherches empiriques. Pour cette raison, nous avons brièvement relevé quelques écrits qui ont abordé le sujet, présenté les facteurs ainsi que les stratégies pour lutter contre le stress à l’aide d’exemples puisés dans le milieu scolaire. Les stratégies sont légion. Nous n’avons pas la prétention de les avoir cernées toutes.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Pelletier, M.-A., « La gestion des émotions face aux situations stressantes à l’école: les finissants stagiaires en éducation préscolaire et enseignement primaire se sentent-ils prêts? » Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 201–218.
2 Lassagne, M., Perriard, J., Rozan, A. et Trontin, C., « 1. Le concept de stress professionnel : définitions et évolutions ». Dans L’évaluation économique du stress au travail (Versailles, Éditions Quae, 2012), 9-16.
3 Selye, H., Le stress de la vie (Montréal : Alain Stanké, 1976).
4 Lazarus, R.S. et Folkman, S., Stress, Appraisal, and Coping (New York : Springer Publishing Company, 1984).
5 Massé, L., Bégin, J.-Y., Couture, C., Plouffe-Leboeuf, T., Beaulieu-Lessard, M. et Tremblay, J., « Stress des enseignants envers l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement ». Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 179–200.
6 Rojo, S. et Minier, P., « Les facteurs de stress reconnus comme sources de l’abandon de la profession enseignante au secondaire au Québec », Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 219–240.
7 Pelletier, G., La gouvernance en éducation. Régulation et encadrement dans les politiques éducatives (Bruxelles : De Boeck, 2009).
8 Heutte, J., Les fondements de l’éducation positive. Perspective psychosociale et systémique de l’apprentissage (Paris : Dunod, 2019).
9 Rojo, S. et Minier, P., « Les facteurs de stress reconnus comme sources de l’abandon de la profession enseignante au secondaire au Québec », Éducation et francophonie 43, no 2, 2015 : 219–240.
10 Delbrouck, M., Venara, P., Goulet, F. et Ladouceur, R., Comment traiter le burnout, principes de prise en charge du syndrome d’épuisement professionnel (Bruxelles : Éditions De Boeck, 2011).
11 Janot-Bergugnat, L. et Rascle, N., Le stress des enseignants (Paris : Armand Colin, 2008).
12 Doudin, P.-A., Curchod-Ruedi, D., Lafortune, L. et Lafranchise, N., La santé psychosociale des enseignants et des enseignantes (Québec : Presses de l’Université du Québec, 2011).
13 Folkman, S., Lazarus, R. S., Dunkel-Schetter, C., De Longis, A. et Gruen, R. J., « Dynamics of a stressful encounter: Cognitive appraisal, coping, and encounter outcomes ». Journal of Personality and Social Psychology 50, no 5, 1986 : 992–1003.
14 Greenberg, S. F., Stress and the teaching profession (Paul H. Brookes Publishing Co. : 1984).
15 Côté, L., Bertrand, M. et Gosselin, « Le stress chez les enseignants : une analyse des stresseurs, des stratégies de coping et du processus de lâcher-prise », Psychologie du travail et des organisations 15, no 4, 2010 : 354-379.
Avoir planifié la rentrée scolaire sous l’angle d’un climat bienveillant et sécurisant pourrait faire la différence pour les élèves, mais aussi pour les directions d’établissement et leur personnel, tous ayant été éprouvés par la pandémie qui vient de frapper la planète. Au Québec, le retour à l’école a débuté en mai 2020, mais seulement pour une partie des enfants du primaire des régions moins touchées par la COVID-19. Si la rentrée massive des élèves de septembre 2020 a posé plusieurs défis sur les plans sanitaires, scolaires et organisationnels, il ne faut pas oublier le soutien socioémotionnel dont ils ont besoin pour s’adapter à cette période stressante. Comme la qualité du climat scolaire a largement été associée au bienêtre des élèves et à leur réussite éducative, de même qu’à la satisfaction professionnelle et au bienêtre des enseignants1, c’est sous cet angle que nous abordons la rentrée scolaire. Le cadre d’intervention proposé (Figure 1) vise à soutenir les directions et leur personnel dans la planification, la mise en œuvre et la régulation de leurs actions lors du retour à l’école. Considérant qu’un ensemble de facteurs externes à l’école peut aussi perturber la vie des élèves, des familles et des membres du personnel2, ce cadre d’intervention, fondé sur six facteurs externes à l’école et cinq dimensions du climat scolaire, vise la création d’un climat scolaire bienveillant et sécuritaire3.
Regardez Figure 1. Le cadre d’intervention
1. Six facteurs externes agissant sur le climat scolaire en temps de pandémie
2. Cinq dimensions du climat scolaire pour un retour à l’école réussi en contexte de pandémie
En gardant à l’esprit chacun de ces facteurs d’influence externes à l’école, des clés d’actions sont proposées aux directions et au personnel scolaire pour développer les cinq dimensions du climat scolaire retenues.
Cinq dimensions du climat scolaire et leurs pratiques
3. Clés d’action pour chaque dimension du climat scolaire
Quelques clés d’action sont proposées pour travailler chaque composante du climat scolaire.
C’est à partir des savoirs scientifiques et expérientiels que ces quelques clés d’action ont été élaborées dans le but de soutenir les directions d’établissement et les membres de l’équipe-école dans la planification, la mise en œuvre et la régulation d’actions concertées pour un retour en classe dans un climat scolaire bienveillant et sécuritaire. Il ne faut pas oublier que c’est sur le bienêtre de ces adultes que reposera celui de leurs élèves. Enfin, si ces clés d’action peuvent être applicables dans plusieurs milieux d’enseignement, il faut rappeler que pour donner du sens à ces pratiques, les milieux doivent se les approprier en les adaptant à leur réalité. Que ce soit pour gérer le retour en classe ou pour composer avec une autre catastrophe qui fragiliserait à nouveau le système scolaire (ex. : nouvelle vague de la COVID-19, catastrophes naturelles), un climat scolaire bienveillant et sécurisant pourra contribuer à aider les élèves, comme l’ensemble des adultes de l’école, à mieux s’adapter à ces situations.
Illustration : Diana Pham
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Poulin, R., Beaumont, C., Blaya C., et Frenette, E. (2015). Le climat scolaire : un point central pour expliquer la victimisation et la réussite scolaire, Revue canadienne de l’éducation, 38, 1, 1-23 ; Schonert-Reichl, K. A., Kitil, M. J., et Hanson-Peterson, J. (2017). To reach the students, teach the teachers: A national scan of teacher preparation and social and emotional learning. A report prepared for the Collaborative for Academic, Social, and Emotional Learning (CASEL). Vancouver, B.C.: University of British Columbia.
2 Bronfenbrenner, U. (1979). Basic concepts. Dans U. Bronfenbrenner (dir.), The ecology of human development (p. 3-15). Cambridge, MA: Harvard University Press.
3 Beaumont, C., Morissette, É., Côté, P., et Bergeron, N. (2020). Un climat scolaire bienveillant au service du retour à l’école en contexte de pandémie. Document pédagogique à l’intention du personnel scolaire, Chaire de recherche Bienêtre à l’école et prévention de la violence. [En ligne]. https://www.violence-ecole.ulaval.ca/
4 OECD (2019). Impacts of technology use on children: Exploring literature on the brain, cognition and well-being. [En ligne]. https://www.oecd-ilibrary.org/education/impacts-of-technology-use-on-children_8296464e-en
5 Morissette, É. (avril 2020). Webinaire intitulé : Le leadership après le confinement et la pandémie : répondre aux besoins des élèves et des adultes, assurer l’adaptation lors du retour à l’école. Université de Montréal. [En ligne]. https://catalogue.continuum.umontreal.ca/
6 Papazian-Zohrabian, G. (avril 2020). Traumatismes individuels et collectifs, stratégies de résilience : défis et pistes psychologiques et éducatifs dans le contexte actuel de pandémie. Université de Montréal. [En ligne]. https://www.calendrier.umontreal.ca/detail/880038-traumatismes-individuels-et-collectifs-strategies-de-resilience-en-contexte-de-pandemie
7 Ibid.
8 Lecomte, J. (2006). La résilience après maltraitance, fruit d’une interaction entre l’individu et son environnement social. Les cahiers psychologie politique [En ligne], numéro 8, janvier. [En ligne]. http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=1065
9 Beaumont, C. (2019). Cinq caractéristiques de l’adulte bienveillant à l’école : la méthode C.E.F.E.R. Réseau Périscope. [En ligne]. https://periscope-r.quebec/fr/articles/2019/09/cinq-caracteristiques-de-ladulte-bienveillant-a-lecole-pour-favoriser-la
10 Lecomte, J. (2006).
11 Papazian-Zohrabian, G. (avril 2020).
12 Lecomte, J. (2006).
13 Morissette, É. (avril 2020) ; Beaumont, C., Lavoie, J., et Couture, C. (2011). Les pratiques collaboratives en milieu scolaire : cadre de référence pour soutenir la formation. Document de formation, Faculté des sciences de l’éducation, Université Laval, Québec. [En ligne]. https://crires.ulaval.ca/sites/default/files/guide_sec_nouvelle_version.pdf
En tant que direction d’école, vous avez à gérer plusieurs priorités et l’idée d’en ajouter davantage peut sembler impossible. Toutefois, s’il était possible d’adopter une approche qui favorise à la fois votre santé mentale, celle de votre personnel, et qui par ricochet, profiterait au bienêtre et au succès de vos élèves, l’essayeriez-vous ? Et si l’on vous disait que l’approche proposée n’est pas une solution miracle, mais plutôt une façon d’être et de faire. Est-ce que votre réponse serait la même ? Que votre réponse soit oui ou non, vous êtes invité à explorer la pratique gagnante du Cadre de changement axé sur l’action. Mais d’abord, considérons le défi collectif lié aux troubles mentaux et la raison pour laquelle il importe de s’occuper de la santé mentale de tous en contexte scolaire.
Pourquoi tenir compte de la santé mentale ?
Vous êtes probablement déjà familier avec la statistique qui énonce qu’annuellement au Canada, une personne sur cinq est aux prises avec un trouble mental1. Cependant, saviez-vous que les répercussions sont ressenties non seulement par l’individu, mais aussi par sa famille, sa communauté, son milieu de travail et dans une perspective plus large, par son pays ? En guise d’exemple, l’impact économique de cet enjeu sociétal est estimé à environ 50 milliards de dollars par année, ce qui équivaut à 2 500 milliards de dollars d’ici l’an 20412. Ces montants fulgurants et l’étendue potentielle des effets de cet enjeu démontrent l’ampleur des défis qu’occasionnent les troubles mentaux. Il est donc essentiel de voir à cette situation, mais par où commencer ?
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS)3, la réponse est claire : il faut faire de la prévention et commencer auprès des enfants et des adolescents. L’objectif d’adopter des stratégies préventives auprès des élèves est notamment pour contrecarrer les effets négatifs liés aux problèmes de santé mentale, qui peuvent mener à des difficultés au niveau du rendement scolaire ainsi qu’à des problèmes relationnels et d’assiduité4. Le bémol, cependant, est qu’il est primordial d’être bien soi-même pour enseigner le bienêtre à d’autres5. Or, puisque les directions d’écoles et le personnel scolaire sont les mieux placés pour appuyer les élèves, le but du modèle proposé est d’appuyer la santé mentale positive de ces professionnels en milieu scolaire. Ainsi, le stress étant courant chez le personnel scolaire, partons d’abord du portrait actuel des effets néfastes du stress pour ces professionnels en milieu scolaire.
Les effets néfastes du stress
Puisque les gens sont « influencés par », et « influenceurs de » leurs relations et de leurs environnements6, il est logique que les effets néfastes du stress puissent nuire au style de leadership d’un individu, et ainsi influencer le stress des membres de son équipe. Cet effet de cascade du stress qui se déverse sur d’autres peut avoir lieu tant entre une direction et son équipe qu’entre un enseignant et ses élèves. Ces relations tendues par le stress peuvent accroître l’anxiété, la dépression et l’absentéisme du personnel, et avoir, pour les élèves, un effet sur leurs notes, sur leur satisfaction à l’école et sur leur impression d’être appuyés.
Il y a d’innombrables causes d’un stress élevé chez les gens, et celles-ci varient selon l’individu, son rôle et son contexte. En milieu scolaire, par exemple, les directions ont noté à la fois une augmentation du rythme, de l’intensité et du volume de leur travail et un manque de temps pour l’accomplir. Et ce, malgré une semaine de travail moyenne de 56 heures. L’augmentation du volume et de la complexité de leur charge de travail a aussi eu un impact sur leur productivité, leur équilibre vie-travail, leurs stratégies d’adaptation et leur santé. Le personnel enseignant, quant à lui, se sent dépassé par son volume de travail, par les demandes multiples et accrues de ses élèves et par le manque de temps pour récupérer sur le plan physique et mental. Ceci entraîne une augmentation de son irritabilité, de son anxiété et de son sentiment d’impuissance.
Cependant, en dépit de ces défis, les directions d’écoles restent positives à l’égard de leur travail. D’ailleurs, 91 % croient que leur profession fait une différence significative dans la communauté scolaire et que leur école est un bon endroit où travailler. Ces affirmations suggèrent une satisfaction professionnelle, qui, selon la recherche, constitue un facteur qui favorise le maintien en poste du personnel, augmente l’engagement organisationnel et contribue au succès scolaire des élèves.
Changement durable : les conditions gagnantes
Il est démontré que pour favoriser une satisfaction professionnelle, il importe de mettre l’accent sur un environnement de travail positif qui contribue à réduire le stress lié au travail et à prévenir les troubles mentaux à long terme. Plusieurs conditions sont nécessaires, dont :
Par ailleurs, afin de s’assurer qu’un climat de travail positif soit durable, l’approche doit être écologique (c.-à-d. qu’elle tienne compte de l’individu et de l’organisation) et exhaustive (c.-à-d. qu’elle considère les besoins de formations, de ressources, de structures, de leadership, et d’appui à la mise en œuvre). D’autre part, l’approche proposée doit être malléable afin de tenir compte des particularités de chaque milieu scolaire, car les problèmes qui peuvent perturber l’environnement de travail sont à la fois complexes et variés.
La santé mentale positive à l’école: le Cadre de changement axé sur l’action
Chaque école est différente. Donc, pour adopter des pratiques qui favorisent la santé mentale positive qui va répondre à leurs besoins particuliers, la direction d’école et son équipe doivent aiguiser leurs compétences afin d’identifier quels sont leurs défis; trouver et appliquer des solutions créatives; évaluer leurs efforts, et partager leurs succès.
Le Cadre de changement axé sur l’action (Figure 1) fut conçu pour répondre à ces besoins en :
Spécifiquement, ce cadre théorique inclut des éléments de la recherche-action participative (une approache collborative, qui mise à réduire l’écart entre la recherche et la pratique, où l’engagement des participants dans le processus est nécessaire); du cycle Planifier-Exécuter-Étudier-Agir [PEÉA] (ce cycle propose les actions nécessaires pour mettre en œuvre des solutions informées et éclairées par des données); et du Leadership adaptatif (une approche de leadership reconnue pour engager les gens à résoudre des problèmes complexes). Ces modèles furent intégrés car ils tiennent compte des conditions écologiques, ils sont exhaustifs et ils sont reconnus dans le domaine de l’éducation.
Figure 1. Le cadre de changement axé sur l’action
La Figure 1 conceptualise la manière dont les éléments clés de chaque modèle sont interreliés et se rehaussent l’un l’autre. Spécifiquement, le cercle extérieur représente le Leadership adaptatif où le comportement du leader favorise un environnement qui promeut une culture du changement. Centrale au processus, se trouve la vision vers laquelle l’équipe tend. Celle-ci agit comme l’ancre pour toutes solutions innovatrices proposées. Les flèches représentent, quant à elles, le processus itératif du Cadre. Le cercle interne illustre le cycle PEÉA et les boîtes adjacentes sont des composantes du cadre de recherche-action participative (mise à part la section Agir). Puis, pour simplifier le processus vers un changement durable, chaque quadrant propose une question cible, soit : « Quel est le problème ? », « Quel est le plan ? », « Quelle est l’histoire ? » et « Quelle est la prochaine étape ? ».
Enfin, ce qui lie tous ces concepts est l’approche du Design Thinking (DT). Cette approche, centrée sur la perspective de l’individu aux prises avec le problème identifié fut sélectionnée, car elle exige d’utiliser de la créativité pour résoudre des problèmes complexes. De plus, les processus du DT s’alignent avec les conditions clés qui favorisent la satisfaction professionnelle. Par exemple, la technique DT requiert un travail d’équipe au cours duquel les gens :
Alors que ce processus appuie l’identification et l’adoption de pratiques contextuelles qui favorisent la santé mentale positive au travail, c’est la Cascade d’apprentissage qui assure que cette approche s’intègre à la culture de l’école.
La Cascade d’apprentissage (Figure 2) a deux objectifs : appuyer le changement et bâtir la capacité de l’école à se servir du Cadre avec confiance lorsque le soutien accompagnant sa mise en œuvre n’est plus disponible. Le modèle propose quatre occasions d’apprentissage qui se poursuivent de manière perpétuelle :
D’une part, l’adoption d’une approche collaborative et innovatrice pour trouver des solutions qui répondent aux besoins uniques de chaque école est incontournable. D’autre part, intégrer cette pratique à la culture de l’école favorise la satisfaction professionnelle de la direction et de son équipe. Cependant, bien qu’il y ait plusieurs bienfaits à cette approche, il ne faut pas croire qu’une direction doit dorénavant prendre toutes ses décisions par l’entremise du Cadre.
Quand appliquer le Cadre de changement axé sur l’action?
La valeur du Cadre proposé se manifeste lorsque qu’il y a un problème qui se présente qui est complexe ou qui n’a pas de solution évidente. C’est d’ailleurs pour répondre à des situations difficiles que le modèle de Leadership adaptatif a été retenu. Or, en tant que leader, avant d’appliquer le Cadre, il est important de discerner si le problème auquel on fait face est technique (problème et solution claire) ou adaptatif (problème flou qui requiert une solution innovatrice). Dans le premier scénario, il est possible d’appliquer la solution qui est familière. Cependant, le second scénario nécessite de la collaboration, de l’apprentissage et de l’innovation. C’est dans ce contexte que le Cadre de changement axé sur l’action est mis en pratique.
Appel à l’action
La santé mentale positive au travail est une responsabilité partagée, car les effets du stress touchent tout le monde. Alors qu’il est primordial d’adopter personnellement des stratégies d’adaptation saines, ce n’est pas suffisant. Il y a aussi un réel besoin d’aborder la santé mentale du point de vue professionnel et organisationnel, afin d’avoir un impact sur l’environnement de travail.
Il est encourageant de savoir que le Cadre de changement axé sur l’action présenté dans cet article peut à la fois appuyer la santé mentale positive de tous à l’école et y contribuer. Mais ce changement ne s’effectue pas tout seul. Si cet enjeu est complexe, maintenir le statu quo ne constitue pas une option viable, surtout en contexte de pandémie, où rien n’est comme avant et que la santé mentale est mise à rude épreuve. Il importe d’aller de l’avant et d’engager une conversation avec les collègues pour réfléchir à la santé mentale positive au travail, et ensemble, de trouver des manières pertinentes d’intégrer un processus qui la favorise dans son école.
Illustration : Diana Pham
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Smetanin, P., Stiff, D., Briante, C., Adair, C.E., Ahmad, S., et Khan, M. (2011). The life and economic impact of major mental illnesses in Canada: 2011 to 2041. RiskAnalytica on behalf of the Mental Health Commission of Canada. [En ligne]. https://www.mentalhealthcommission.ca/English
2 Mental Health Commission of Canada. (2013). Making the case for investing in mental health in Canada. [En ligne]. https://www.who.int/mental_health/evidence/en/prevention_of_mental_disorders_sr.pdf
3 World Health Organization. (2004). Prevention of mental disorders. Geneva: World Health Organization. [En ligne]. https://www.who.int/mental_health/evidence/en/prevention_of_mental_disorders_sr.pdf
4 Santor, D., Short, K., et Ferguson, B. (2009) Taking mental health to school: A policy-oriented paper on school-based mental health for Ontario. Report prepared for the Ontario Centre of Excellence for Child and Youth Mental Health. [En ligne]. https://iknow-oce.esolutionsgroup.ca/api/ServiceItem/GetDocument?clientId=A1B5AA8F-88A1-4688-83F8-FF0A5B083EF3&documentId=fbaf55da-f169-4a9c-844a-9ebc7d5abeec ; Short, K., Ferguson, B., et Santor, D. A. (2011). Scanning the practice landscape in school-based mental health. Provincial Centre of Excellence for Child and Youth Mental Health at CHEO. [En ligne]. https://iknow-oce.esolutionsgroup.ca/api/ServiceItem/GetDocument?clientId=A1B5AA8F-88A1-4688-83F8-FF0A5B083EF3&documentId=4da2ac3f-8482-4206-b819-e7cadcae167b ; School Based Mental Health and Substance Abuse [SBMHSA] Consortium. (2013). School mental health in Canada: Report of findings. Report prepared for the Mental Health Commission of Canada. [En ligne]. https://www.mentalhealthcommission.ca/sites/default/files/ChildYouth_School_Based_Mental_Health_Canada_Final_Report_ENG_0.pdf
5 Acton, R., et Glasgow, P. (2015). Teacher wellbeing in neoliberal contexts: A review of the literature. Australian Journal of Teacher Education, 40, 8, 99-114. [En ligne]. https://ro.ecu.edu.au/ajte/vol40/iss8/6/ ; Ontario Principals’ Council. (2017). International symposium white paper: Principal work-life balance and well-being matters. Toronto, ON. ; Roffey, S. (2012). Pupil wellbeing – Teacher wellbeing: Two sides of the same coin? Teacher Wellbeing, 29, 4, 8-17.
6 Bronfenbrenner, U. (1992). Ecological systems theory. Dans R. Vasta (Ed.), Six theories of child development: Revised formulations and current issues (pp. 187-249). London: Jessica Kingsley.
Depuis quelques années, la pénurie d’enseignants dans la plupart des provinces canadiennes est un enjeu considérable pour les milieux scolaires, du préscolaire à l’enseignement au secondaire. D’un océan à l’autre, les autorités scolaires font état des difficultés à recruter des enseignants qualifiés pour combler les besoins en termes de poste au début de l’année, mais également de suppléance à court, à moyen et à long terme.
La demande d’enseignants est influencée, entre autres, par les changements démographiques et les mouvements des enseignants dans le système (entrées et départs de la profession)1. Actuellement, le Canada est en pleine période de croissance démographique, ce qui fait augmenter significativement les effectifs scolaires (nombre d’élèves) et, par ricochet, fait augmenter la demande d’enseignants. Par exemple, l’Ontario a répondu à cette croissance en augmentant les ratios par classe. A contrario, au Québec, la demande explose avec l’ouverture des maternelles à 4 ans. Parallèlement à la demande créée par la pression démographique, les pénuries d’enseignants sont étroitement associées :
Or, les recherches actuelles démontrent que la profession enseignante est de moins en moins attrayante pour les jeunes, qui la perçoivent comme très difficile et mal payée considérant son imposante charge de travail2. La chute des inscriptions dans les programmes universitaires en éducation confirme ce manque d’intérêt à devenir enseignant. Parallèlement, un nombre élevé d’enseignants débutants quittent la profession au cours de leurs premières années d’enseignement3. La profession enseignante évoluant dans un contexte de plus en plus complexe, on peut relever de nombreux facteurs pour expliquer ce manque d’attrait et les difficultés de rétention. Par exemple :
Au Canada, 20 % des enseignants du primaire et du secondaire songent à quitter la profession4 ou souffrent de détresse psychologique liée au travail5. Conséquemment, les différentes difficultés évoquées n’aident en rien à la valorisation de cette profession, dont la diminution du pouvoir d’attraction et engendre un déficit du nombre d’enseignants qualifiés pour combler les besoins.
Les pénuries d’enseignants ont des impacts à plusieurs niveaux sur les acteurs qui gravitent autour de l’école, notamment sur les enseignants et sur les élèves. Dans plusieurs milieux, on a inévitablement recours à l’embauche d’enseignants non qualifiés pour éduquer les enfants et les adolescents6. Le contexte de pénurie d’enseignants produit une rareté de suppléants, ceux-ci étant de moins en moins nombreux et de plus en plus mobilisés pour des remplacements à moyen et à long terme. Parfois, les remplacements de dernières minutes doivent être assumés par la direction de l’école, des membres du personnel de soutien de l’école, ou même de la communauté. Finalement, plusieurs acteurs observent que les conditions de travail et d’exercice de la profession enseignante sont de plus en plus perturbées, tout comme, dans une certaine mesure, les conditions d’enseignement et d’apprentissage des élèves. Face à ce constat, quels sont les effets de cette pénurie d’enseignants quant à leur sentiment de bienêtre et à celui de leurs élèves? Quels moyens pourraient être mis en place pour améliorer la situation?
Impacts sur les enseignants
Le bienêtre des enseignants est étroitement associé à la construction d’un sens qu’ils attribuent à leur profession. Ce sens est alimenté, entre autres, par des éléments liés au bienêtre tels que les émotions positives, le sentiment de compétence, l’engagement professionnel, la passion pour la profession et les relations positives7. Dans plusieurs milieux scolaires, la pénurie d’enseignants engendre diverses conséquences directes ou indirectes sur l’exercice de leur profession au quotidien, ce qui favorise peu leur bienêtre et la construction de sens, que l’on peut associer à diverses dimensions de leur travail, dont l’ampleur de la tâche, les conditions de travail ainsi que la dimension psychologique.
La tâche
La tâche est alourdie par l’accompagnement d’enseignants non qualifiés ou de suppléants à la journée, la mise en place de systèmes de dépannage où les enseignants ont l’obligation de remplacer des collègues absents, et même, la nécessité dans certains milieux de trouver eux-mêmes un suppléant pour s’occuper de leur classe s’ils souhaitent s’absenter pour un ou quelques jours. Ces éléments, qui ne font pas partie de leur tâche initiale, constituent une surcharge considérable qui s’ajoute au lot de travail qu’ils doivent effectuer quotidiennement, ce qui peut générer des émotions négatives.
C’est la raison pour laquelle ils tentent de s’absenter le moins souvent possible, même si cela se fait au détriment de leur santé.
Les conditions de travail
Il devient de plus en plus difficile pour les enseignants expérimentés de se faire remplacer pour entreprendre des projets de formation continue, ou de souscrire à un plan de retraite progressif ou à une année sabbatique. Il est également de plus en plus reconnu que l’accès à un programme d’insertion professionnelle réduit les risques de décrochage des nouveaux enseignants. La pénurie engendre parfois une certaine précipitation dans le recrutement des nouveaux enseignants, ne leur donnant pas toujours accès aux programmes d’insertion professionnelle s’ils existent dans leur réseau professionnel. Une carence dans l’accompagnement en début de carrière peut exacerber le sentiment d’incompétence ressenti par ces derniers, puisqu’on les affecte à des tâches qui relèvent d’une plus grande complexité que leur niveau de compétence.
Sur le plan psychologique, cette pénurie peut exercer à quelques égards une pression sociale sur les enseignants novices et expérimentés quant à leur responsabilité envers les élèves lorsque le manque de suppléants les contraint à travailler même lorsqu’ils n’y sont pas disposés psychologiquement ou physiquement. C’est la raison pour laquelle ils tentent de s’absenter le moins souvent possible, même si cela se fait au détriment de leur santé. Leur engagement professionnel étant pour plusieurs d’entre eux un aspect important lié au sens de leur profession, l’accompagnement de leurs élèves est source considérable de préoccupations.
Impacts sur les élèves
Les résultats d’études convergent de plus en plus pour affirmer qu’un élève qui se sent bien à l’école apprend mieux8. Cependant, de bons apprentissages sont possibles dans un contexte où les élèves ont la possibilité d’être accompagnés par un enseignant avec qui ils établissent un lien de confiance durant l’année scolaire, dans un environnement stable qui favorise un climat de bienêtre. La pénurie d’enseignant compromet malheureusement le bien-être de plusieurs élèves dans certains milieux. En effet, ces dernières années, on dénonce l’absence de titulaires de classe au primaire pour accueillir les élèves à la rentrée scolaire et les nombreux suppléants pouvant se succéder en début d’année ou lors d’une absence prolongée du titulaire, avant que le contrat ne soit attitré à un enseignant stable. Cette instabilité peut affecter le sentiment de bienêtre des élèves et nuire à la construction d’un sentiment de confiance envers l’enseignant. À cet égard, on dénote une hausse de stress et d’anxiété chez certains d’entre eux, ce qui peut nuire à leur réussite éducative.
Comment améliorer la situation ?
Notre réflexion sur la question nous guide vers plusieurs pistes de solutions pour contrer les effets de la pénurie d’enseignants sur leur bienêtre et sur celui de leurs élèves.
Revoir la formation universitaire pour qu’elle puisse permettre l’alternance entre le travail et les études en adaptant les horaires de formation sans engendrer de stress ou de surcharge chez les futurs enseignants. Des étudiants en enseignement assument déjà des heures de suppléance ou des contrats dans les écoles dès le début de leur parcours universitaire. Une collaboration entre les milieux scolaires et l’université pourrait favoriser un accompagnement adapté de ces étudiants pour qu’ils développement adéquatement leurs compétences professionnelles sur le terrain pour ensuite enrichir leurs apprentissages en contexte universitaire.
S’assurer que tous aient accès à des mesures de soutien à l’insertion professionnelle et, lorsque c’est possible, de mieux les encadrer notamment par le biais de programmes de mentorat, mais aussi en leur donnant une tâche qui prend en compte leur niveau de compétence. Présentement, plusieurs milieux ont des attentes disproportionnées envers les enseignants novices que l’on considère comme experts dès leur entrée dans la profession. Ce moyen permettrait de diminuer le sentiment d’incompétence que plusieurs d’entre eux cultivent, ce qui hausserait le développement d’une identité professionnelle positive et les aiderait à persévérer9.
Réviser les mécanismes permettant de répondre aux besoins d’enseignants à court terme et de suppléants afin d’éviter l’instabilité du personnel auprès des élèves, surtout chez les plus jeunes. Éviter la surcharge de travail des enseignants devant eux-mêmes remplacer leurs collègues et assurer le respect des droits des enseignants en cas de maladie, mais également dans l’accès à la formation continue, à des horaires allégés permettant la conciliation travail-famille et aux retraites progressives. Les écoles doivent également prévoir des modalités d’accueil et de soutien aux enseignants non-légalement qualifiés et aux suppléants afin de libérer les enseignants de ces tâches. Renforcer le soutien professionnel et psychologique offert à tous les enseignants, peu importe leur statut professionnel et favoriser leur autonomie professionnelle, ce qui leur permettrait de faire face plus facilement à la complexification de la profession enseignante en contexte de pénurie de main d’œuvre et de favoriser leur bienêtre au travail. Dans cette perspective, la formation initiale et continue des enseignants devrait se pencher davantage sur le développement de compétences psychosociales pour les aider à affronter les défis rencontrés et pour augmenter leur résilience10.
Pour conclure, construire un sens de la profession est un élément primordial qui contribue au bienêtre en enseignement. Pour que les élèves consolident de meilleurs apprentissages dans un milieu où ils se sentent bien, il est important :
Ces démarches contribueront peut-être à valoriser cette profession et par la même occasion, à diminuer les effets de cette pénurie d’enseignants.
Illustration : Diana Pham
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Sirois, G., Dembele, M., et Labé, O. (2017). Le défi enseignant au primaire en Afrique subsaharienne : Une analyse des solutions mises en œuvre pour faire face à la demande (2000-2015). Formation et profession, 25, 2, 6.
2 Kamanzi, P. C., Tardif, M., et Lessard, C. (2015). Les enseignants canadiens à risque de décrochage : portrait général et comparaison entre les régions. Mesure et évaluation en éducation, 38, 1, 57-88.
3 Karsenti, T., et al. (2015). Analyse des facteurs explicatifs et des pistes de solution au phénomène du décrochage chez les nouveaux enseignants, et de son impact sur la réussite scolaire des élèves.
4 Kamanzi, P. C., Barroso da Costa, C., et Ndinga, P. (2017). Désengagement professionnel des enseignants canadiens: de la vocation à la désillusion. Une analyse à partir d’une modélisation par équations structurelles. McGill Journal of Education/Revue des sciences de l’éducation de McGill, 52, 1, 115-134.
5 Houlfort, N., & Sauvé, F. (2010). Santé psychologique des enseignants de la Fédération autonome de l’enseignement. Dans É. n. d. a. publique (dir.). Montréal, Québec.
6 Sirois, G., Niyubahwe, A., et Bergeron, R. (2019). L’union fait la force. La Communauté stratégique : Outil de lutte contre la pénurie d’enseignants. Le Réseau ÉdCan. [En ligne]. https://www.edcan.ca/articles/lunion-fait-la-force/
7 Goyette, N. (2016). Développer le sens du métier pour favoriser le bien-être en formation initiale à l’enseignement. Revue canadienne en éducation, 39, 4, 1-29.
8 Goyette, N., Gagnon, B., Bazinet, J., et Martineau, S. (sous presse). La communauté d’apprentissage au service du développement de l’agir compétent d’enseignantes du primaire en lien avec la psychopédagogie du bien-être. Dans N. Goyette, & S. Martineau (dir.). Le bien-être en enseignement: tensions entre espoir et déceptions. Québec: Presses de l’Université du Québec.
9 Goyette, N., & Martineau, S. (2018). Les défis de la formation initiale des enseignants et le développement d’une identité professionnelle favorisant le bien-être. Phronésis, 7, 2, 4-19.
10 Théorêt, M., et Leroux, M. (2014). Comment améliorer le bien-être et la santé des enseignants? Bruxelles : De Boeck.
L’enseignement aux élèves ayant des besoins particuliers représente un grand défi pour les enseignants. Parmi ces élèves, ceux présentant des difficultés comportementales (PDC) sont reconnus pour être les plus difficiles à intégrer en classe ordinaire. Les défis de l’éducation inclusive des élèves PDC sont intimement liés aux comportements qu’ils manifestent, notamment les comportements d’inattention à la tâche, la faible tolérance à la frustration, les problèmes d’inhibition comportementale et d’autocontrôle, la motivation souvent plus externe qu’interne, les difficultés à suivre les consignes, à répondre aux attentes comportementales d’un groupe-classe conventionnel ou encore à établir des relations positives avec leurs pairs et leurs enseignants. Ces comportements engendrent des répercussions négatives sur le temps d’enseignement et sur le rendement scolaire des autres élèves. Ils représentent un facteur important de désengagement des autres élèves, ce qui peut rendre plus ardue la gestion de classe. Chez les enseignants, les difficultés comportementales des élèves peuvent entraîner à court terme une :
Ces différents aspects peuvent entraîner du stress chez les enseignants. Kyriacou définit le stress de l’enseignant « comme le fait de vivre des émotions négatives et déplaisantes, telles que la colère ou la frustration, qui sont dues à certains aspects de son emploi en tant qu’enseignant et qu’il perçoit comme étant une menace pour son bienêtre ou son estime personnelle ». Il n’est donc pas étonnant que les comportements perturbateurs des élèves apparaissent comme la source de stress la plus importante menant à l’épuisement professionnel des enseignants. De plus, le défi que représente la gestion des comportements difficiles des élèves constitue une des principales raisons pour lesquelles les enseignants choisissent de quitter la profession. L’impact négatif des élèves PDC sur le processus d’enseignement est ce qui préoccupe le plus les enseignants, suivi de la perte de satisfaction au travail1.
Qui sont les enseignants les plus à risque de vivre du stress relié à l’intégration des élèves PDC?
Dans une étude menée auprès de 231 enseignants du secondaire de la province de Québec2, différents facteurs d’influence ont été examinés.
Comment diminuer le stress vécu par les enseignants?
Différentes mesures peuvent être mises en place pour diminuer le stress vécu par les enseignants en lien avec l’intégration scolaire des élèves PDC.
Une première mesure consiste à s’assurer que le nombre d’élèves PDC intégrés dans une même classe respecte la proportion d’élèves posant ces difficultés dans l’école ou dans la population. Aussi, comme le stipulent plusieurs conventions collectives des enseignants au Canada, un élève ayant des besoins particuliers peut avoir une valeur supérieure à 1 (p. ex. équivaloir à deux élèves) et, conséquemment, contribuer à la réduction du nombre total d’élèves dans une classe donnée.
De plus, le défi que réprésente la gestion des comportements difficiles des élèves constitue une des principales raisons pour lesquelles les enseignants choisissent de quitter la profession.
Une deuxième mesure consiste à s’assurer de la participation des enseignants à l’élaboration de plans d’intervention. En effet, plus les enseignants ont été impliqués dans un processus d’élaboration d’un plan d’intervention pour des élèves PDC, moins ils vivent de stress par rapport à l’intégration de ces élèves de façon générale3. Cette diminution du stress pourrait être liée à une meilleure connaissance et à une meilleure compréhension des difficultés comportementales résultant des discussions de cas en équipe multidisciplinaire souvent présentes lors d’un plan d’intervention. En effet, des études révèlent que plus les enseignants comprennent la nature des difficultés des élèves et la fonction de ces comportements, plus leurs attitudes envers ces élèves s’avèrent positives et moins ils vivent de stress à leur enseigner4.
Une troisième mesure consiste à s’assurer que les enseignants possèdent la formation nécessaire concernant la nature des difficultés des élèves et les pratiques fondées sur des données probantes à ce sujet et à les former au besoin. La formation devrait être adaptée aux réalités des écoles et être planifiée par et pour le personnel qui y travaille. En effet, d’une part, il ne suffit pas de dire aux enseignants « quoi faire », mais bien de leur offrir du soutien, des activités, ainsi que des outils pour qu’ils puissent réfléchir à leurs pratiques et aux façons d’exploiter les nouveaux savoirs dans leur contexte spécifique.
Ainsi, une quatrième mesure pourrait comprendre la mise en œuvre de dispositifs d’assistance par des pairs ou par d’autres professionnels pour aider les enseignants à comprendre les comportements problématiques des élèves, à choisir les interventions les plus appropriées à la situation et à les mettre en œuvre. Par exemple, une étude montre que des modalités de soutien qui s’appuient sur un processus de résolution de problème contribuent à diminuer le stress des enseignants5. Dans cette étude, les enseignants étaient accompagnés dans un procédé d’évaluation fonctionnelle des comportements dérangeants de leurs élèves. Une fois la fonction des comportements (motivation ou besoin que tente de satisfaire l’individu en adoptant un comportement) bien identifiée, ils choisissaient des stratégies tenant compte de cette compréhension du comportement et les implantaient dans leur classe. Le fait de mieux comprendre ce qui peut expliquer le comportement de leur élève semblait en soi diminuer le stress de certains enseignants qui réalisaient que les comportements de leur élève ne leur étaient pas personnellement destinés.
Un autre avantage de l’accompagnement des enseignants qui mise sur une meilleure compréhension des fonctions des comportements problématiques est qu’il peut permettre à l’enseignant d’identifier des interventions proactives permettant de prévenir l’apparition de ces comportements, plutôt que d’y réagir. Il est reconnu que les interventions proactives sont plus efficaces dans un processus de gestion de classe que les interventions réactives et qu’elles contribuent à diminuer le stress des enseignants. Leur utilisation a par ailleurs l’avantage de favoriser une relation positive entre l’enseignant et ses élèves, un facteur identifié comme diminuant le stress à enseigner.
Dans la mise en place de telles interventions, une attention particulière pourrait être portée aux enseignants des élèves des premiers niveaux du secondaire ainsi qu’à ceux des milieux ruraux ou défavorisés qui semblent vivre plus de stress que leurs pairs.
Enfin, lorsque les élèves présentent des difficultés particulièrement importantes, le stress des enseignants pourra aussi être atténué s’ils peuvent compter sur le soutien d’éducateurs spécialisés pour intervenir directement en classe auprès des élèves en situation de crise et les aider à maitriser la situation. Ce soutien pourrait être continu (plusieurs heures chaque jour) ou régulier (quelques heures par semaine) selon l’importance des difficultés rencontrées.
Conclusion
Comme pour tous les élèves, la place des élèves PDC est d’abord en classe avec les autres. Par contre, pour que cette expérience soit positive tant pour les élèves que pour les enseignants qui les accueillent, ces derniers ont besoin de formation et de soutien.
Illustration : Diana Pham
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Kyriacou, C. (2001). Teacher stress: Directions for future research. Educational Review, 53, 1, 27-35. [En ligne]. https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00131910120033628
2 Massé, L., Bégin, J.-Y., Couture, C., Plouffe-Leboeuf, T., Beaulieu-Lessard, M., et Tremblay, J. (2015). Stress des enseignants envers l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement. Éducation et francophonie, 43,2, 179-200. [En ligne]. https://www.erudit.org/fr/revues/ef/2015-v43-n2-ef02306/1034491ar/ ; Plouffe-Leboeuf, T., Couture, C., Massé, L., Bégin, J.-Y., et Rousseau, M. (2019). Intégration scolaire d’élèves présentant des difficultés d’ordre comportemental : liens entre attitude des enseignants, stress et qualité de la relation enseignant élève. Revue de psychoéducation, 48,1, 177-199. [En ligne]. https://www.erudit.org/fr/revues/psyedu/2019-v48-n1-psyedu04611/1060011ar/
3 Kyriacou, C. (2001).
4 Massé, L., Couture, C., Bégin, J.-Y., et Levesque, V. (2013). Utilisation du processus d’évaluation fonctionnelle dans un programme d’accompagnement adressé à des enseignants du secondaire. Revue québécoise de psychologie, 34,3, 29-50 ; Massé, L., Couture, C., Levesque, V., et Bégin, J.-Y. (2013). Impact of a school consulting program aimed at helping teachers integrate students with behaviour disorders in secondary school: Actors’ points of view. Emotional and Behavioural Difficulties. 19,3, 327-343. [En ligne]. https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13632752.2013.775719
5 Ibid ; Massé, L., Couture, C., Bégin, J.-Y., Rousseau, M. et Plouffe-Leboeuf, T. (2019). Effets auprès d’enseignants du secondaire d’un modèle de consultation pour soutenir l’intégration scolaire d’élèves présentant des difficultés comportementales. Revue de psychoéducation, 48,1, 89-116. [En ligne]. https://www.erudit.org/fr/revues/psyedu/2019-v48-n1-psyedu04611/1060008ar/
Pistes pratiques
Tout le monde vit chaque jour une forme ou une autre de stress, qu’il soit positif ou négatif. Contrairement à l’anxiété, qui est une émotion, le stress est une façon de réagir, engendrant des émotions.
Comment le stress se vit-il par le personnel dans nos écoles, et pourquoi est-il perpétué ? Étant direction d’école depuis plus de 14 ans maintenant, j’ai ma propre perspective du « comment » et du « quoi » des stresseurs du personnel enseignant. Je constate que ceci varie d’une personne à l’autre. Sa source peut être tant individuelle, par exemple, un défi personnel relié à la santé, contextuelle, par exemple, un malentendu avec un collègue que systémique, par exemple, la mise en œuvre d’une nouvelle politique.
Ma curiosité m’a donc incité à vouloir connaître davantage les stresseurs du personnel scolaire provenant de partout dans le monde. Naturellement, j’ai donc posé la question suivante au personnel scolaire dans les réseaux sociaux: « Quels sont vos deux plus grands stresseurs au travail ? »
Voici quelques réponses que j’ai reçues :
Chose certaine, ces stresseurs engendrent des émotions !
La zone proximale d’influence
Maintenant, allez relire chaque réponse, et cette fois remarquez comment chaque stresseur peut être catégorisé dans l’une de deux zones suivantes : dans notre zone d’influence et hors de notre zone d’influence. Considérons pour un instant la question suivante : qu’arrive-t-il à notre niveau de stress si nous investissons notre énergie à nous préoccuper des stresseurs qui sont à l’extérieur de notre zone proximale d’influence ? Il augmentera sûrement, provoquant des sentiments de frustration, d’inefficacité, de colère, ou même d’incompétence. Voici une représentation graphique du phénomène dans la Figure A :
À l’opposé, je constate selon mon expérience et mes observations que si nous dirigeons notre énergie vers les stresseurs qui sont dans notre zone proximale d’influence, alors notre niveau de stress risque de diminuer, tel que le démontre l’Annexe B :
Réaction au stresseur
Il va sans dire que le domaine de l’éducation est très exigeant et en changement perpétuel, ajoutant donc des facteurs de stress à une liste déjà longue. À travers les années, j’ai observé que les membres du personnel avec la plus grande résilience aux stresseurs sont ceux qui investissent leur énergie à passer rapidement à l’action dans leur zone proximale d’influence. En d’autres mots, ils savent comment réagir (ou ne pas réagir) face aux différents stresseurs selon leur habileté de les catégoriser rapidement, et d’identifier ceux pour lesquels ils peuvent avoir une influence. Selon mes observations, ces personnes peuvent éprouver une réaction émotive sur le coup, mais sont capables de rediriger assez rapidement leur énergie et de se placer en mode solution, comme illustré à la Figure B.
Dans son livre Good To Great, Jim Collins1 explique le Paradox Stockdale : la capacité d’une personne à garder la foi qu’elle finira par réussir, quels que soient les défis, mais en même temps tout en affrontant les aspects les plus difficiles de la réalité, quels qu’ils soient. Et c’est justement le processus illustré à la Figure B, représentant les membres du personnel qui ont développé leur habileté de filtrer le « bruit » et de mettre le focus sur les facteurs sur lesquels ils peuvent avoir le plus grand impact.
… nous avons l’occasion de célébrer les succès, d’échanger sur des solutions à divers défis, d’apprendre à nous connaître et de rire ensemble.
Il importe aux leaders de fournir un accompagnement continu auprès du personnel afin de l’encourager à fonctionner dans sa zone proximale d’influence. Voici deux approches que j’ai adoptées avec le personnel de mes écoles qui se sont avérées fructueuses.
Pendant l’année scolaire, j’invite chaque membre du personnel à des rencontres mensuelles facultatives de coaching. La durée peut varier entre 15 et 30 minutes. Les dates de ces rencontres sont choisies à l’avance, et enregistrées dans nos calendriers. Bref, nous en faisons une priorité. Durant ces rencontres, nous établissons des objectifs de croissance, nous parlons de pédagogie, et de tout autre sujet qui a un impact sur la croissance personnelle et professionnelle. Bref, c’est un temps privilégié durant lequel nous apprenons à nous connaître. Mais ce qui importe encore plus, c’est que nous faisons l’état des lieux de notre bienêtre. Comme leader, ces rencontres me fournissent de l’information primordiale au maintien du bienêtre des membres de mon personnel, et me tiennent à la page d’où ils en sont en termes de pédagogie en classe ou dans les dossiers qu’ils portent durant l’année scolaire. Quelle belle occasion de jaser de zone proximale d’influence !
Au lieu de tenir des rencontres du personnel mensuelles traditionnelles, nous organisons des rencontres de style “SCRUM” aux deux semaines. Les objectifs de ces rencontres : partager des pratiques réussies, se tenir informé, et favoriser l’entraide, l’esprit d’équipe, et une bonne santé mentale. Voici les éléments essentiels de ce type de rencontre:
Ces rencontres ont un grand impact positif sur le climat dans l’école et sur le bienêtre des membres du personnel. Non seulement sommes-nous renseignés sur ce que fait chaque personne dans son rôle respectif, mais nous avons l’occasion de célébrer les succès, d’échanger sur des solutions à divers défis, d’apprendre à nous connaître et de rire ensemble. À la fin de cette rencontre, les gens demeurent pour poursuivre les conversations, et quittent avec un sourire aux lèvres, satisfaits et fiers de savoir qu’ils ont leur place dans l’équipe.
Développer et maintenir un climat positif au travail, ça débute avec soi-même. Chaque personne a le pouvoir de choisir comment elle réagira dans une situation particulière. Cette réaction a une influence positive ou négative sur le climat de l’école et sur son propre bienêtre et sur celui des autres. Faire le choix de fonctionner dans sa zone proximale d’influence, c’est choisir une mentalité de croissance axée vers les solutions.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
C’est jour d’examen de mathématiques pour Éric. Bien qu’il ait étudié suffisamment, il bouge sur sa chaise, se ronge les ongles, regarde l’heure constamment, mais surtout, il relit maintes fois sa copie avant de la rendre à son enseignante.
Marianne a étudié jour et nuit lors du dernier examen de français. Pourtant, elle a obtenu une note de 59 %. Nina, quant à elle, n’a pas eu besoin d’étudier, mais pour elle aussi c’est la catastrophe! Elle a obtenu 99 %.
L’omniprésence de l’évaluation
L’évaluation est partout, dans toutes les sphères de la société. Qu’on aille au restaurant où parfois on nous demande d’accorder une note pour le service et le repas ou encore qu’on lise la critique d’un film, l’évaluation est prégnante. Elle fait partie de notre quotidien et, même les jeunes, avec leur statut d’élève, n’y échappent pas. Parce que l’évaluation des apprentissages est au centre des préoccupations à l’école, il convient de s’intéresser à ce qui peut faire obstacle au bienêtre des élèves pendant la préparation des examens et la passation de ceux-ci :
le stress.
Le stress, c’est quoi au juste?
Pour l’Organisation mondiale de la Santé, le stress peut se manifester chez un individu « dont les ressources et stratégies de gestion personnelles sont dépassées par les exigences qui lui sont posées »1. En milieu scolaire, d’après Ang et Huan, il réfère à « un état chronique chez des élèves qui se sont fixé des objectifs irréalistes ou dont la perception et les attentes de l’entourage dépassent leurs capacités »2. À la fois bon et mauvais, le stress peut avoir un impact sur la santé mentale et physique ou sur le bienêtre des élèves3. Par exemple, lorsqu’il est vécu comme un défi à surmonter, il peut devenir stimulant et inviter au dépassement. Toutefois, tout est une question d’équilibre, car si le stress se prolonge ou est trop élevé, il peut devenir inconfortable et dommageable. C’est pourquoi il importe pour les enseignants de connaitre les causes et les conséquences du « mauvais stress » en situation d’examen, mais surtout les bonnes pratiques à adopter auprès des élèves pour le diminuer.
Causes
Nous partageons ici quelques-unes des origines du stress. Il y a certes l’appréhension d’un examen difficile pour lequel on ne se sent pas à la hauteur, le manque d’étude et les « bourrages de crâne » de dernières minutes qui embrouillent l’esprit et fatiguent le corps. La liste des causes comprend aussi la crainte pour un élève de déplaire à son enseignant ou à ses parents, les attentes trop élevées qu’il perçoit à son égard et la peur du jugement de ses pairs (Combien tu as eu à l’examen?). Enfin, la course aux A+ ou aux 100 %, la volonté d’être toujours le meilleur ou de ne jamais commettre d’erreurs et la peur d’échouer peuvent aussi faire naitre du stress chez les élèves.
Conséquences
Que sait-on des conséquences néfastes du stress? Elles peuvent prendre la forme de désagréments physiques comme des maux de ventre, l’envie d’uriner, des nausées, des battements de cœur accélérés ou des tics nerveux. Le stress en situation d’examen ou à l’approche de ceux-ci peut également causer des trous de mémoire, de l’insomnie, des manquements au niveau de la concentration ou de l’attention, ce qui peut empêcher les élèves de performer à leurs pleines capacités. Ils peuvent aussi se sentir impatients, irrités, paniqués, regarder l’horloge sans cesse, bouger constamment sur leur chaise et vérifier leur copie d’examen plusieurs fois avant de la rendre. De par ses conséquences désagréables pour celui qui le vit, le stress peut au final engendrer un sentiment négatif vis-à-vis des examens ou la phobie de ceux-ci… qui, pourtant, fourmillent dans le parcours scolaire des élèves.
Elles peuvent prendre la forme de désagréments physiques comme des maux de ventre, l’envie d’uriner, des nausées, des battements de coeur accélérés ou des tics nerveux.
Pistes de solution
Les enseignants trouveront utiles les 12 pistes de solution suivantes pour aider les élèves à diminuer leur stress et à mieux vivre les périodes d’examens.
Pistes de réflexion
Les enseignants peuvent-ils, eux aussi, ressentir du stress à l’égard des examens que passent leurs élèves? La réponse à cette question est « oui » et elle peut s’expliquer par différentes raisons comme la peur que les élèves échouent ou réussissent moins bien qu’à l’habitude, la crainte de voir la qualité de leurs enseignements remise en doute par la direction de l’école ou les parents si les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes, la hantise d’être trop sévère ou trop indulgent dans la correction, etc. Voici quelques conseils pour aider à diminuer le stress vécu par les enseignants :
Conclusion
Il convient de se rappeler que bien que le stress que vivent les élèves pourrait paraitre banal ou moins significatif aux yeux de l’adulte, il est important de ne pas le banaliser et de manifester un intérêt réel pour leurs préoccupations.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Mouzé-Amady, M. (2014). Stress chronique : panorama et focus sur de nouveaux indicateurs biologiques et biomécaniques. Références en Santé au Travail, 137, 31-46.
2 Meylan, N., Doudin, P.-A., Curchod-Ruedi, D., Antonietti, J.-P., et Stephan, P. (2015). Stress scolaire, soutien social et burnout à l’adolescence : quelles relations? Éducation et francophonie, 43,2, 135-153.
3 Selye, H. (1936). A Syndrome produced by Diverse Nocuous Agents. Nature, 138, 32.
La pandémie de la COVID-19 aura mis en lumière bien des choses en 2020 et l’école ne fut pas en reste. Anne-Louise Davidson parle de certitudes volant en éclats1, notamment dans un système d’éducation vieux de 200 ans : « On a été dérangés à grande échelle […] Un virus, c’est plus grand qu’une réforme ».
Un énorme quart-de-tour d’urgence a eu lieu, notamment en ce qui a trait à l’enseignement en ligne et à l’appropriation du numérique par une majorité d’enseignants au Canada et ailleurs. Les besoins de formation continue furent manifestes. À titre d’exemple, le nombre d’enseignants suivant les formations du CADRE212 a pratiquement triplé au printemps 2020. En toile de fond, des questions telles que : Comment rejoindre chaque jeune, surtout celui ou celle qui est à risque, et le guider dans ses apprentissages ? Avec quels outils ? Comment donner de la rétroaction et évaluer dans des contextes si différents de l’école traditionnelle ? Quels contenus demeurent essentiels et comment les enseigner ? Comment établir des communautés professionnelles où prime la collaboration, voire la co-élaboration ?
Ces questions sont-elles des sources de stress chez l’équipe-école ou des occasions pour réinventer l’école, ensemble ?
La tolérance à l’ambiguïté
Mettre en chantier une école qui mérite d’être actualisée afin qu’elle soit de son temps peut apporter son lot de stress chez ses acteurs; élèves, parents, enseignants et direction. Elle fait prendre conscience de la complexité énorme de la profession enseignante dont les rôles et la posture professionnelle sont en mode beta perpétuel. Exit les certitudes, on devient confortablement inconfortable comme dirait le consultant Marius Bourgeoys. Retour à la normale ? Plutôt une nouvelle normalité à établir…
Faire l’école autrement nous confronte à plusieurs choses. Le modus vivendi interpelle le sentiment d’efficacité personnelle/professionnelle, le besoin de formation continue, le questionnement face à un référentiel pédagogique dominant et la capacité de mobiliser l’équipe dans une démarche de co-construction. Le modus operandi, lui, interpelle les structures – physiques, organisationnelles, temporelles – en fonction de finalités d’éducation enfin (diront certains) actualisées. Pas une mince tâche mais une noble tâche.
Leadership, leadership, leadership
En filigrane, le leadership des dirigeants et des enseignants est essentiel. Selon le chercheur Emmanuel Poirel3, il y a « un lien significatif entre la maîtrise de l’anxiété exercée par la direction, sa capacité à reconnaître cette émotion chez son personnel et à l’aider à la gérer, et la manifestation de son leadership. » En plus de la joie ou de la satisfaction exprimée par les leaders, ajoutons de bonnes doses de créativité, d’écoute, de confiance mutuelle, de vision partagée, d’humilité, de rigueur intellectuelle, d’outillage et de processus aidants, de monitorage pour guider les actions et beaucoup de bienveillance. Bref, les leaders dans une école sont bien plus que des gestionnaires, ils et elles sont des faiseurs de possibles. Mais comme le masque à oxygène qui est déployé dans un avion, on prend d’abord soin de soi afin de pouvoir mieux accompagner les autres.
Bref, les leaders dans une école sont bien plus que des gestionnaires, ils et elles sont des faiseurs de possibles.
On fait quoi maintenant ?
Pour une année scolaire 2020-2021 atypique, voici quelques pistes à considérer en équipe.
Des questions à se poser4 ensemble au retour du confinement de la COVID-19 pour guider la suite des choses –
Depuis mars 2020, on a vu passer de nombreuses ressources et pistes aidantes pour l’enseignement à distance ou l’hybridation de l’enseignement, devenus pratiquement incontournables maintenant. Elles aideront sûrement tout enseignant qui, force est d’admettre, devra être prêt pour de nouveaux chamboulements affectant l’école. Les besoins de formation continue et d’accompagnement dans le temps restent présents, ce n’est pas un « one shot deal » limité à l’automne 2020.
Melanie Kitchen offre neuf pistes à considérer5 dès la rentrée 2020-2021 dans une perspective de formation à distance ou en mode hybride :
Conclusion
Le défi reste énorme. La géométrie est variable. L’occasion est superbe. L’initiative est avant tout humaine. Au final, c’est une école pleine de SENS aux yeux de ses acteurs, où un fort SENTIMENT D’APPARTENANCE et de BIENVEILLANCE règnent et où l’indicateur ultime demeure la RÉUSSITE GLOBALE de chaque jeune, pour un monde en chamboulement.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Magdaline Boutros. « Les chamboulements éducatifs multiformes de la COVID-19 ». Le Devoir, 6 juillet 2020. [En ligne]. https://www.ledevoir.com/societe/education/581963/recherche-et-innovation-les-chamboulements-multiformes-de-la-covid-19
2 Voir : https://www.cadre21.org/
3 « Gérer ses émotions et celles d’autrui pour augmenter son leadership ». Scientifique en chef. Gouvernement du Québec, 2020. [En ligne]. http://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impacts/gerer-ses-emotions-et-celles-dautrui-pour-augmenter-son-leadership/
4 Manuella. “Rétro 10 semaines d’école à la maison.” Griffo’Notes, 2 juin 2020. [En ligne]. http://griffonotes.com/index.php/2020/06/02/retro-10-semaines-decole-a-la-maison/5/
5 Jennifer Gonzalez. « 9 Ways Online Teaching Should be Different from Face-to-Face ». Cult of Pedagogy, 5 juillet 2020. [En ligne]. https://www.cultofpedagogy.com/9-ways-online-teaching/
Contexte administratif scolaire de l’Ontario
Comme les autres provinces et territoires, l’Ontario est responsable de l’éducation publique de ses résidents. Cependant, l’administration scolaire varie sur le territoire canadien. Par exemple, en Ontario, il y a quatre systèmes d’éducation financés publiquement :
Ces systèmes trouvent leur origine dans la législation qui a façonné le système d’éducation d’aujourd’hui au Canada. Les droits des minorités, y compris les langues et la religion, étaient inscrits dans la législation initiale comme principes gouverneurs. Par conséquent, du côté francophone, les deux systèmes d’éducation de la maternelle à la 12e année qui coexistent aujourd’hui à la suite d’une longue lutte pour un financement et des ressources équitables, ont dans les faits, été traités de manière inégale (pour plus d’information, voir Gidney1, 1999)
En 2018, notre équipe de recherche, soutenue par l’ADFO, a conduit une étude sur la nature changeante du travail des directions d’écoles de langue française. Du fait de l’importance culturelle et linguistique des systèmes publics et catholiques d’éducation de langue française, cette étude exhaustive a exploré ce que font les directions d’écoles publiques et catholiques de langue française et ce qui motive leur action. Cette étude s’est également inspirée de la Politique d’aménagement linguistique (PAL) qui a été créée et mise en œuvre pour améliorer le rôle vital que les écoles de langue française jouent au sein de la communauté minoritaire francophone. Le but de la PAL est d’augmenter la capacité et la responsabilité des écoles de langue française à préserver la langue et la culture françaises, à soutenir les élèves dans l’acquisition de la langue française et à développer de manière durable les communautés francophones. Notre étude s’est également inspirée du rapport de 2017 de l’Institut pour le leadership en éducation de Marie-Josée Berger2. À cet égard, nous avons :
Dans cet article, nous nous sommes concentrés particulièrement sur les défis particuliers auxquels les directions d’écoles francophones font face en Ontario.
L’intensification du travail et les défis dans le contexte francophone public et catholique
À l’intensification du travail (journées plus longues, augmentation du rythme de travail, diminution des ressources, mêmes tâches qu’avant, mais plus de travail et du travail supplémentaires)3 des directions d’école, s’ajoute pour les directions des écoles de langue française le mandat linguistique et culturel qui représente une couche supplémentaire de responsabilité. En plus de l’intensification des tâches et responsabilités que les directions d’écoles de langue française ont en commun avec leurs collègues travaillant dans les écoles de langue anglaise³, les directions d’écoles de langue française doivent « garantir la reproduction linguistique et culturelle, la réussite scolaire, la construction identitaire des élèves et l’épanouissement de la communauté francophone »4. La réalisation de ce mandat pose des défis pour les directions d’écoles de langue française5. Sur 188 directions d’école participantes après le nettoyage des données, 97,9 % travaillent régulièrement au-delà des 40 heures par semaine normales, passant en moyenne 57,5 heures au travail par semaine. Nos résultats montrent que les directions d’écoles ont tendance à passer principalement leur temps dans sept domaines :
Ces sept domaines représentent 63,2 % de toute l’activité reliée au travail à laquelle les directions d’écoles se livrent. En plus des longues heures de travail, les directions d’écoles de langue française font face à de multiples défis au bureau qui se manifestent dans cinq domaines : (a) la santé mentale et le soutien externe, (b) les facteurs de stress reliés au travail, (c) les directives et politiques, (d) le climat communautaire et (e) les enjeux liés à l’enseignement.
À la base de ces défis se trouve le fait que l’augmentation des responsabilités au travail ne s’accompagne pas d’un sens du contrôle, comme l’a observé cette direction d’école :
J’œuvre à titre de direction depuis 20 ans. Durant cette période, la charge de travail d’une direction d’école a presque triplé. En début de carrière, je gérais une école de 420 élèves seule et j’arrivais à compléter mon travail en travaillant de 8 h à 17 h. Actuellement, j’ai une école de 430 avec une direction adjointe. Je travaille de plus longues heures (8 h à 19 h, selon le jour) et je ne réussis plus à gérer tous mes dossiers. En surcroît, je gère des courriels en soirée et en fin de semaine. Parmi les éléments qui ajoutent exponentiellement à notre tâches : – La redevabilité que nous avons face aux parents qui ne se gênent plus pour revendiquer de plus en plus de services personnalisés pour eux ou leurs enfants. – Les attentes des conseils en termes de marketing de l’école, de la mise en place de concentrations ou programmes pour attirer de la clientèle. – Les suivis auprès des employés qui sont mal préparés pour bien répondre aux défis liés à l’enseignement. – Le manque de ressources humaines qualifiées pour assurer la relève lors des congés de maternité, maladie à long terme et à court terme (suppléants pour les différentes catégories de poste : enseignant, enseignant ressource, secrétaire et concierge). Il devient quasi impossible de composer avec les attentes des diverses sources (Conseil scolaire, parents, Conseil d’école, enseignants, organisme communautaire, élèves, ministère de l’Éducation de l’Ontario, …). Constat : Peu de pouvoir et toute la responsabilité!
Les exigences conflictuelles et les défis qui augmentent ont une incidence sur la santé et le bienêtre des directions d’écoles francophones et la façon dont elles perçoivent leur travail. Environ 80 % des directions d’école sondées ont déclaré que leur travail les mettait souvent ou toujours dans des situations émotionnellement épuisantes. Près d’une direction francophone sur trois (30,6 %) est d’accord ou complètement d’accord avec le fait que si elle devait recommencer, elle resterait enseignante ou enseignant plutôt que de devenir direction d’école. Un pourcentage similaire de directions (35 %) est d’accord ou complètement d’accord avec le fait que si elles avaient le choix, elles travailleraient dans un autre secteur ou une autre industrie que l’éducation.
Bien que la PAL soit un outil essentiel pour promouvoir la langue et la culture françaises, les directions d’écoles francophones soulignent que cette politique crée des tâches supplémentaires que les écoles de langue anglaise n’ont pas. Par exemple, une direction d’école a commenté que :
Un grand ajout dans les écoles de langue française relève de cette politique et de ses cinq paliers. La construction identitaire étant un élément qui ne se travaille par du jour au lendemain, elle requiert beaucoup d’interventions de la part de tout le personnel de l’école. Les paliers communautaires et les parents exigent beaucoup de temps, temps qui malheureusement nous manque souvent trop.
Beaucoup de directions d’école ont exprimé leur engagement à créer un environnement linguistique riche et sûr, mais la politique ajoute simplement une tâche supplémentaire à leur rôle et elles n’ont pas toujours le temps ou les ressources adéquates pour la mettre en œuvre. Lorsqu’on lui a demandé ce qui manquait dans la PAL, une direction a résumé de la manière suivante :
École francophone, milieu minoritaire, manque de ressources, ayant droit et non ayant droit et leur accessibilité à l’école de langue française, effectifs de l’école, financement des activités.
Il existe d’autres défis uniques aux contextes des écoles de langue française publiques et catholiques. Par exemple, le personnel n’a pas assez de connaissances ou de compétences pour mettre en œuvre la PAL, et les directions d’écoles ont rapporté avoir souvent (29,8 %) ou toujours (58,5 %) des difficultés à trouver du personnel enseignant suppléant qualifié. Parfois, les besoins de leurs clients ont changé (par ex., les personnes qui considèrent le français comme un outil et non comme un mode de vie), ce qui devrait, selon certains, être tenu en considération dans une mise à jour de la PAL. La PAL met également de la pression sur les directions d’école pour le recrutement et le maintien des effectifs (nombre d’élèves).
Malgré des conditions de travail qui s’intensifient et des défis uniques auxquels font face les directions d’écoles francophones, 79,2 % des directions d’école sondées ont indiqué être satisfaites de leur travail la plupart du temps et 94 % d’entre elles conviennent qu’elles savent comment faire leur travail6.
Conclusion
À grandes responsabilités, grands pouvoirs! Cela ne semble pas être le cas pour les directions d’école francophones qui assument des obligations et responsabilités grandissantes tout en ayant un pouvoir et un contrôle limités. De plus, les politiques ayant pour but d’engendrer des effets positifs viennent sans suffisamment de ressources ou de soutien. Ainsi, leurs conséquences ou effets secondaires peuvent potentiellement surpasser les résultats voulus et causer plus de mal que de bien. Il est urgent d’arrimer les politiques, les rôles et les responsabilités des directions d’école francophones afin de mieux refléter leurs réalités de travail et de répondre à leurs besoins.
Illustration : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Gidney, R. (1999). From Hope to Harris: The reshaping of Ontario’s schools. Toronto, Ontario: University of Toronto Press.
2 Ministère de l’Éducation de l’Ontario. L’aménagement linguistique – Une politique au service des écoles et de la communauté de langue française de l’Ontario, 2004. [En ligne]. http://www.edu.gov.on.ca/fre/document/policy/linguistique/guide/index.html
3 Berger, M. J. (2017). Éducation en langue française de l’Ontario : Regards croisés sur les pratiques de leadership, Toronto, Ontario: l’Institut de leadership en éducation de l’Ontario et le Ministère de l’Éducation de l’Ontario ; Pollock, K., Wang, F. et Hauseman, D. (2014). The changing nature of principals’ work, Final Report for the Ontario Principals’ Council, Toronto, ON, Canada. [En ligne]. OPC Principals’ Report ; Pollock, K., Wang, F. et Hauseman, D. (2017). The changing nature of vice-principals’ work. Final Report. Ontario Principals’ Council, Toronto, ON., Canada. [En ligne]. OPC Vice-Principals’ Report.
4 Gidney, R. (1999).
5 Wang, F. & Pollock, K. (2019). Quels sont les défis particuliers des directions d’écoles francophones hors Québec (DÉFHQ)? EdCan Network. [En ligne]. https://www.edcan.ca/articles/des-directions-decoles-francophones/?lang=fr
6 Wang, F. & Pollock, K. (2019). Le travail des directions d’école au sein des systèmes d’éducation de langue française en Ontario. https://www.edu.uwo.ca/faculty-profiles/docs/other/pollock/pollock-ADFO-Report-Revised-Final.pdf
Joanne était une enseignante de 3e année dans une école rurale en milieu défavorisé. Elle était très consciencieuse et se faisait beaucoup de soucis. Elle craignait de ne pas être à la hauteur, et se préoccupait de l’opinion que ses collègues et son directeur pouvaient avoir d’elle. Elle s’inquiétait également pour chacun de ses élèves et cherchait à les aider à progresser. Toute cette inquiétude l’a amenée à douter d’elle-même, à travailler encore plus fort, puis, avec le temps, à souffrir d’épuisement émotionnel, ce qui a ensuite affecté sa vie familiale et sa santé. Puis, un jour, un nouveau directeur est arrivé et a fait de l’apprentissage socio-affectif (ASA) un objectif primordial pour son école.
Joanne a appris à utiliser un programme d’études fondé sur des données probantes, et les membres du personnel de l’école ont formé un groupe de lecture sur l’ASA. Ils ont ensuite commencé un travail portant sur leur propre conscience socio-affective, ce qui comprenait de courts exercices de méditation de pleine conscience. Ils ont également collaboré afin d’établir une culture plus compatissante et bienveillante dans leur école, pour les enfants et les parents. Joanne a retrouvé sa force intérieure, a cessé graduellement de s’inquiéter et s’est réjouie du nouvel esprit de partenariat qui existait entre les enseignants et les autres membres du personnel. Elle a tissé des liens plus étroits avec ses élèves et leurs parents et, lentement, a retrouvé le plaisir d’enseigner.
Cette histoire illustre bien le pouvoir que la communauté, le leadership et l’introspection peuvent exercer sur le cheminement professionnel d’un enseignant. Ces trois facteurs ont encouragé Joanne et lui ont permis de cultiver ses compétences en enseignement. Au cours des dernières décennies, les recherches ont démontré que les enseignants qui développent et cultivent avec compassion leurs propres compétences socio-affectives sont ceux qui réussissent à créer une atmosphère de classe bienveillante et qui favorisent les compétences de leurs élèves à cet égard. De plus, lorsqu’on encourage les jeunes à utiliser leurs compétences socio-affectives et que l’école cultive de saines relations entre collègues et avec les élèves et leur famille, les apprenants s’intéressent davantage à leurs études et réussissent mieux.
La pandémie accentue l’importance de prendre soin de nous, d’avoir des objectifs réalistes, de cultiver nos liens entre collègues et surtout, avec nos élèves et leurs familles et de réaliser que les relations fiables et bienveillantes sont au cœur de l’apprentissage et du succès.
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
Ayant vécu trente rentrées scolaires dans ma carrière, je peux témoigner du fait qu’elles sont émotivement chargées : le retour au rythme sévère pour le corps : attendre au moment indiqué pour boire, manger ou aller aux toilettes, répondre aux besoins de plusieurs en même temps… Cette année, à tout ce stress habituel s’ajoute un arsenal de nouvelles situations stressantes, gracieuseté de la pandémie. Malgré tout, un certain niveau de fébrilité plane, on a l’impression qu’il est en train de se passer quelque chose d’essentiel.
Comme moi, vous assistez surement à des discussions sur l’école à l’épicerie ou autour du BBQ. Elles finissent souvent par un haussement d’épaules teinté d’angoisse et montrent à quel point la communauté compte sur l’école pour réguler ses propres activités. Est-ce qu’enfin l’opinion publique accordera au personnel scolaire la valeur qui lui revient? Quoi qu’il en soit, une pression importante pèse plus que jamais sur le personnel scolaire. À tel point qu’il devient parfois difficile d’imaginer que cette petite virulente de COVID-19, qui, avec son lot de détresse, transporte aussi un vent de fraicheur en termes d’appui pour le personnel scolaire et ses pratiques.
Comment une situation d’urgence sanitaire peut-elle apporter de la fraicheur? Notre dossier thématique vous offre des analyses reliées aux diverses sources de stress présentes dans le travail du personnel scolaire qui sont exacerbées, cet automne, par la pandémie. Un message est récurrent : le personnel scolaire étant essentiel au bienêtre des élèves, son propre bienêtre doit faire partie des priorités. L’article « Réussir le retour en classe en contexte de pandémie » (p. 44) propose notamment six facteurs pour guider le choix des interventions visant l’amélioration du climat scolaire et s’arrête sur les compétences émotionnelles et sociales des élèves et du personnel. Un autre article : « Les difficultés comportementales en classe », (p. 34) décrit comment réduire le stress du personnel dans des situations difficiles, tandis que : « La santé mentale positive pour tous à l’école » (p. 40) présente un processus concret pour régler des problèmes complexes en assurant la santé mentale positive de chacun.
Le terme « essentiel » répandu par la pandémie avait beaucoup servi pour le renouvellement des programmes d’études, mais n’avait jamais été associé au bienêtre du personnel scolaire. Or, en revoyant des visages d’élèves anxieux ou confiants, on comprend que l’essentiel est d’être là pour eux, de véritablement s’intéresser à ce qu’ils sont et à ce qu’ils aspirent à devenir.
Le personnel scolaire qui rend cela possible est incontestablement essentiel, son bienêtre l’est tout autant!
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
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Notre série de webinaires gratuits est à nouveau disponible pour continuer à fournir au personnel canadien de la primaire au secondaire, des stratégies concrètes pour améliorer le bien-être au travail pendant cette rentrée unique.
Au Canada, le système d’éducation a un rôle clé à jouer dans l’élaboration de stratégies visant à favoriser la santé mentale et le bien-être des élèves et du personnel enseignant. Il est vrai que des programmes indépendants ont aidé le personnel à aborder la question de la santé mentale et du bienêtre. Toutefois, afin d’aborder cette question à plus long terme, il est de plus en plus reconnu que les solutions doivent être mises en oeuvre de manière systémique.
Le présent document s’inspire de discussions qui ont eu lieu lors de deux tables rondes nationales. Il souligne pourquoi et comment les leaders du système de l’éducation, de la maternelle à l’école secondaire, et leurs partenaires, doivent aller plus loin que des interventions et des programmes ponctuels pour adopter une approche qui permettra d’intégrer la santé mentale et le bien-être au coeur même du mandat de l’éducation publique.