Après la pandémie, le beau temps reviendra
Le bienêtre des directions d’établissement scolaire
Les directions d’établissement scolaire doivent préparer le retour des élèves. Ce retour amène avec lui divers sentiments tels le stress, l’anxiété et l’inquiétude. Loin d’une rentrée scolaire habituelle, celle-ci est exigeante et marquée par l’insécurité. Bien que la première responsabilité des directions est de veiller à la santé des élèves et du personnel scolaire, il est primordial qu’elles prennent en considération leur propre bienêtre afin de pouvoir affronter ce changement venu bouleverser leurs tâches quotidiennes, leurs relations avec l’équipe-école et leurs priorités.
Le contexte des directions d’établissement scolaire
La profession de direction d’établissement scolaire est de plus en plus stressante1. Bien que diverses formations et programmes d’accompagnement ont été mis en place pour favoriser leur insertion professionnelle et les maintenir en poste, 69% des directions d’établissement scolaire au Québec ont remis en question leur choix professionnel au cours de leurs premières années en poste2 et certaines ont même pensé abandonner3. En Ontario4, 83 % des directions d’établissements francophones primaires et secondaires ont indiqué avoir vécu des situations émotionnelles difficiles dans leur milieu du travail. Ceci dit, si leur contexte habituel est complexe, une situation de pandémie rehausse-t-elle le défi ?
Bienêtre et pandémie
Dans les prochains mois, la vision et la mission des directions d’établissement scolaire ne seront plus les mêmes. Leur bienêtre mérite d’être pris en considération en ce temps de pandémie. Les directions d’établissement scolaire constituent la pierre angulaire d’une école à succès. Afin de cerner les facteurs permettant d’expliquer leur efficacité, une étude5 a été menée auprès de 352 directions et directions-adjointes d’écoles primaires et secondaires au Québec. Trois caractéristiques favorisant le bienêtre sont retenues :
1. Le mentorat : Demander de l’aide
La première caractéristique concerne la recherche de soutien, par exemple, un mentor avec qui échanger sur cette nouvelle expérience. En cherchant conseil auprès d’une autre direction d’école ou auprès du centre de services éducatifs, la direction reçoit du renforcement qui rehausse sa confiance en ses décisions et en ses capacités de gestion. Le mentorat contribue à la persévérance dans le travail et au maintien du bienêtre émotionnel, cognitif, et social6, surtout dans une situation de pandémie.
2. Les compétences émotionnelles : Écouter ses émotions et celles des autres
La deuxième caractéristique permet une prise de conscience des directions et directions-adjointes de leurs émotions et de celles des membres de leur équipe. Cette caractéristique, si présente en temps de pandémie, peut se manifester par le stress, la peur, l’angoisse, etc. Face à leurs émotions négatives qui peuvent empêcher les directions d’avancer dans leurs tâches et de contribuer à un climat anxiogène, elles doivent pouvoir détecter, comprendre, exprimer et réguler leurs émotions et permettre aux membres de leur équipe de le faire également. En tant que leader de leur établissement, les directions doivent être capables de créer une relation émotionnelle authentique avec les membres de leur équipe afin de les amener à transcender leurs besoins individuels au profit d’objectifs communs7. Cette relation se manifeste par une écoute active et empathique du personnel scolaire, par une ouverture à accueillir les émotions négatives des autres et à les comprendre.
3. Le leadership transformationnel : Inspirer
Le troisième élément consiste à exercer un leadership positif qui motive et mobilise. Le leadership étant la capacité à coacher et à conduire une équipe vers un but commun8, ceci n’est pas facile en temps de pandémie puisque la direction doit changer sa façon d’analyser le fonctionnement de l’établissement. Dans ce cas, l’exercice d’un leadership charismatique suscitant l’enthousiasme chez l’équipe devient essentiel. Ce style de leadership reconnu par le leadership transformationnel9 permet aux directions d’avoir des comportements positifs tels que l’entraide et l’altruisme.
Promouvoir le bienêtre en temps de pandémie
Selon la stratégie ontarienne10 pour le bienêtre en milieu scolaire, le « bienêtre est l’image positive de soi, l’état d’esprit et le sentiment d’appartenance ressentis lorsque ses besoins d’ordre cognitif, émotionnel, social et physique sont satisfaits ». Afin de favoriser une rentrée positive, les directions d’établissements scolaires sont appelées à mettre en place diverses stratégies permettant le maintien de leur bienêtre, de celui des enseignants et des élèves. Voici quelques exemples :
1. Apprendre
Au niveau cognitif, la pandémie apporte de nouvelles connaissances. Plusieurs recherches ont été effectuées à ce niveau. Puisque la stimulation intellectuelle maintient le cerveau en bonne santé et déclenche un sentiment d’accomplissement11, il est opportun de proposer un travail de collaboration avec les collègues et avec les élèves pour en apprendre davantage sur la COVID-19, par exemple, organiser une journée de recherche sur la pandémie pour présenter des communications ou créer des affiches.
2. Méditer
Au niveau émotionnel, une pandémie suscite le stress et l’angoisse. Pour cette raison, il sera intéressant de miser sur des pratiques favorisant la gestion des émotions négatives. La méditation est l’une des pratiques qui améliore l’humeur et diminue le stress12. Intégrer une telle pratique au programme (10 minutes par jour) aidera la direction, les enseignants et les élèves à conserver leur calme dans des situations difficiles.
3. Aider
Au niveau social, il est prouvé qu’aider les autres est bénéfique au bienêtre13. Malgré la distanciation physique imposée par la pandémie, envoyer une lettre à des grands-parents, un dessin à une tante ou contribuer à un projet communautaire permet à l’équipe-école de tisser des liens et de préserver les relations avec son entourage.
5. Bouger
Au niveau physique, commencer la journée d’école avec la danse, de la Zumba, une marche ou n’importe quel type de sport est bon pour le corps et l’esprit. Plusieurs recherches indiquent que l’exercice physique peut être un moyen de gestion efficace des pensées et des émotions négatives14.
Conclusion
En attendant que la pandémie soit derrière nous et en cherchant des solutions et des stratégies pour garantir une rentrée scolaire réussie et sécuritaire pour tous, misons sur la santé et le bienêtre des directions d’établissement scolaire. Une direction qui se sent soutenue, consciente de ses émotions et de celles d’autrui et exerçant un leadership inspirant saura comment profiter de tout ce changement pour relever de nouveaux défis et rendre cette situation de pandémie bénéfique. Les enfants ont besoin non seulement d’un milieu qui offre des mesures de protection et d’hygiène contre la COVID-19, mais également de voir dans leur direction d’école un modèle de résilience et de créativité qui les mènera à croire qu’après la pandémie, le beau temps reviendra.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
Notes
1 Poirel, E., et Yvon, F., « School principal’s emotional coping process », Canadian Journal of Education 37, nº 3 (2014) : 1-23, https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/1041
2 Bernatchez, J., « La formation des directions d’établissement scolaire au Québec : apprendre à développer un savoir-agir complexe », Télescope 17, nº 3 (2011) : 158-175, http://telescope.enap.ca/Telescope/docs/Index/Vol_17_no_3/Telv17n3_bernatchez.pdf
3 Gravelle, F., « Être dirigeant scolaire à l’heure d’une gouvernance axée sur les résultats au Québec… situation qui peut épuiser…. », La recherche en éducation 13 (2015) : 5-20.
4 Pollock, K., « Directeurs en santé, écoles en santé : Soutenir le bien-être des directeurs », Éducation Canada (2017), https://www.edcan.ca/articles/healthy-principals-healthy-schools/?lang=fr
5 Hadchiti, R., Frenette, E, Dussault, M. et Loye, A., « Le mentorat, les compétences émotionnelles et le leadership transformationnel : trois composantes de la réussite d’une direction d’établissement scolaire », Revue Enseignement et recherche en administration de l’éducation (soumis pour publication).
6 Remoussenard, C. et Ansiau, D., « Bien-être émotionnel au travail et changement organisationnel. Le cas Essilor », Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé 15-1 (2013), http://journals.openedition.org/pistes/3337
7 Rinfret, N., « Leadership ». Dans Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration publique, dir. L. Côté et J.-F. Savard (2012).
8 Meyer, C. et Kirby, J., « Leadership in the age of transparency », Harvard Business Review 88, nº 4 (2010) : 38-46, https://hbr.org/2010/04/the-big-idea-leadership-in-the-age-of-transparency
9 Bass, B. M., « From transactional to transformational leadership: Learning to share the vision », Organizational dynamics 18, nº 3 (1990) : 19-31.
10 Ministère de l’Éducation de l’Ontario (2016).
11 Lau, N. S., « Cultivation of mindfulness: Promoting holistic learning and wellbeing in education ». Dans International Handbook of Education for Spirituality, Care and Wellbeing 3, éd. de Souza M., Francis L.J., O’Higgins-Norman J., Scott D. (Springer, Dordrecht, 2009 : 715-737).
12 Moulinet, I., Touron, E. et Chételat, G., « La méditation dans le vieillissement : impact sur le bien-être, la cognition et le cerveau de la personne âgée », Revue de neuropsychologie 10, nº 4 (2018) : 304-312.
13 Oarga, C., Stavrova, O. et Fetchenhauer, D., « When and why is helping others good for well‐being? The role of belief in reciprocity and conformity to society’s expectations », European Journal of Social Psychology 45, nº 2 (2015) : 242-254.
14 Lane, N. D., Lin, M., Mohammod, M., Yang, X., Lu, H., Cardone, G. et Choudhury, T., « BeWell: Sensing sleep, physical activities and social interactions to promote wellbeing », Mobile Networks and Applications 19, nº 3, 2014 : 345-359.