Jouer et concevoir des jeux sont considérés comme des moyens intéressants pour les enseignants de la maternelle à la 12ème année afin de soutenir l’apprentissage des élèves. Les parents sont également de plus en plus ouverts aux jeux vidéo et de société comme choix d’activités familiales, comme l’indique un sondage mené en 2018 par l’Association canadienne du logiciel de divertissement, qui révèle que 71 % des parents canadiens jouent à des jeux vidéo avec leurs enfants. L’apprentissage par le jeu implique des situations où les enfants jouent ou conçoivent de jeux, qu’ils soient numériques, physiques ou de table – dans lesquels ils peuvent résoudre des problèmes et acquérir progressivement de nouvelles connaissances et compétences. Il a été démontré que les jeux améliorent la motivation et le développement cognitif des élèves, tels que la mémoire et le raisonnement.
La recherche démontre que l’apprentissage par le jeu améliore les compétences essentielles à la vie quotidienne fondamentales au développement de l’enfant. Surtout, il offre aux élèves une expérience interactive où ils ont la possibilité d’utiliser et de développer de nombreuses différentes compétences cognitives, sociales et physiques. La résolution de problèmes, la pensée critique, l’élaboration de stratégies, la prise de décisions et le travail d’équipe sont quelques-unes des nombreuses compétences que les jeux peuvent fournir.
Clark, D. B., Tanner-Smith, E. E., & Killingsworth, S. S. (2016). Digital games, design, and learning: A Systematic review and meta-analysis. Review of Educational Research, 86(1), 79–122. https://doi.org/10.3102/0034654315582065
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Kim, B. & Bastani, R. (2018). How Inversé merged with Go: (re)designing games as mathematical and cultural practices. In Proceedings of the 5thInternational STEM in Education Conference (pp.166-172). Brisbane, Australia: Queensland University of Technology. https://stem-in-ed2018.com.au/proceedings-2/
Koabel, G. (2017). Simulating the ages of man: Periodization in Civilization V and Europa Universalis IV. The Journal of the Canadian Game Studies Association, 10(17), 60-76. https://journals.sfu.ca/loading/index.php/loading/article/view/192
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Qian, M., & Clark, K. R. (2016). Game-based learning and 21st century skills: A review of recent research. Computers in Human Behavior, 63, 50–58. https://doi.org/10.1016/j.chb.2016.05.023
Zimmerman, E. (2009). Gaming literacy: Game design as a model for literacy in the twenty-first century. The video game theory reader, 2(23-32). http://www.neliufpe.com.br/wp-content/uploads/2014/02/08.pdf
* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
Le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE), situé à Ottawa, est reconnu pour la transformation de l’expérience d’apprentissage, l’excellence, la bienveillance de ses écoles catholiques et la synergie avec la communauté. Avec plus de 25 500 élèves fréquentant 44 écoles élémentaires, 13 écoles secondaires et une école pour adultes, le CECCE est le plus grand réseau canadien d’écoles de langue française à l’extérieur du Québec.
Pour le CECCE, l’objectif est simple : offrir aux élèves des occasions d’apprentissage qui se traduisent en perspectives d’emplois réelles et abondantes. Motivé par cet objectif, et conscient du contexte actuel de pénurie de main-d’œuvre qualifiée dans les métiers spécialisés, le CECCE redouble ses efforts afin d’encourager les élèves à considérer de nouveaux choix de carrière enrichissants. Comment y arriver? Le CECCE se démarque par son désir d’offrir aux enfants des activités et des programmes leur permettant de se familiariser avec les métiers spécialisés et de découvrir ainsi de nouveaux intérêts et qui sait, de futures passions.
Dès la 6e année, les élèves du CECCE ont l’occasion de participer à des activités telles que la Journée d’exploration de carrière (JEC), des salons de carrières liées aux métiers spécialisés, des compétitions en robotique ainsi que des visites d’entreprises. Lors de ces activités, des ateliers pratiques permettent à ces derniers d’en apprendre davantage sur des carrières touchant les domaines de la plomberie, les circuits électriques, la maçonnerie, l’électricité industrielle, la fabrication, etc.
Tout au long de leur parcours au secondaire, les élèves du CECCE ont la chance de suivre des cours pour découvrir plus de 200 métiers spécialisés. Afin de préparer les élèves au marché du travail de demain, ces cours comprennent non seulement une initiation aux métiers traditionnels, mais visent aussi à les outiller pour faire face aux changements technologiques qui affectent ces métiers, tels que l’intelligence artificielle, l’automatisation et l’arrivée des outils numériques.
En plus des cours, à compter de la 11e année, de nombreuses options sont proposées aux élèves intéressés par les métiers spécialisés. En voici deux :
Ce programme vise à faciliter la transition entre l’école et le travail tout en permettant aux élèves d’explorer un métier en 11e ou 12e année. Ces élèves du palier secondaire ont l’occasion d’être des apprentis et de devenir certifiés dans un métier spécialisé. Pendant le semestre, l’élève inscrit à un PAJO suit la composante théorique du niveau 1 de base de la formation en apprentissage dans le domaine de son choix sur le campus du collège communautaire. L’élève complète son horaire avec une expérience en éducation coopérative chez un employeur.
Dans la région d’Ottawa, l’élève en 11e ou en 12e année inscrit dans l’une des écoles du CECCE peut participer pendant un semestre à l’un des 15 programmes FOCUS, dont quelques-uns sont directement liés à un métier spécialisé. Ayant comme but de permettre à l’élève de vivre une expérience immersive dans un domaine d’intérêt, la salle de classe des programmes FOCUS est souvent en milieu communautaire (p. ex., chantier de construction, hôpital, cuisine de restaurant, salon de coiffure). Ces programmes permettent à chaque élève d’accumuler des crédits envers l’obtention de son diplôme, de l’expérience pratique et des certifications dans son domaine d’apprentissage. La participation des partenaires communautaires est primordiale afin d’offrir aux élèves une expérience d’apprentissage authentique. Par le fait même, les employeurs ont la chance de contribuer à former la relève de demain.
De plus, pour les élèves de la 9e à la 12e année, le CECCE complète son offre avec le Centre professionnel et technique Minto, une école secondaire qui se veut un centre d’excellence en innovation avec un volet d’enseignement entièrement dédié aux métiers spécialisés. Le plus récent cours offert est le sport électronique (esport), soit un domaine de l’industrie en pleine expansion. C’est la première école francophone de l’Ontario à offrir un cours crédité en esport.
Finalement, l’ensemble des activités et des programmes offerts aux élèves du CECCE cherchent à susciter l’engagement envers les études dans un métier spécialisé, la soif d’apprendre et le désir de maîtriser des compétences essentielles au succès d’aujourd’hui et de demain.
Photo : Gracieusé de l’auteur Nathalie
Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
Devant l’explosion des façons et des lieux pour apprendre, la reconnaissance des acquis est aujourd’hui un enjeu des plus importants. Que ça soit pour l’étudiante, le travailleur ou la cliente qui fait l’acquisition de nouvelles connaissances dans une optique de formation initiale, de formation continue ou simplement par intérêt personnel, une question demeure : à la fin de la formation reçue, quelle reconnaissance recevra-t-elle ou recevra-t-il et quelle en sera la crédibilité?
Autrefois réservé aux institutions d’enseignement, l’accès à l’apprentissage s’est démocratisé autant dans la nature de l’offre numérique que par les différentes instances susceptibles d’offrir de la formation de tout acabit. Les diplômes décernés par les instances gouvernementales à la fin des études secondaires, collégiales ou universitaires demeurent une référence reconnue, laissant présager un parcours rigoureux aux attentes précises. Mais d’autres parcours, tout aussi rigoureux, méritent aussi une forme de reconnaissance, car ces parcours contribuent aussi au renforcement des compétences professionnelles des apprenants et bien souvent, dans un mode de livraison plus flexible et ouverte que les formations dites traditionnelles1.
C’est dans ce contexte que l’avènement des badges numériques permet à l’apprenant d’avoir un portfolio professionnel qui décrit des réalisations et qui donne une meilleure illustration des apprentissages et des compétences acquis. Ces badges ne se substituent pas aux diplômes et certificats plus classiques, mais viennent plutôt les complémenter.
Selon Geoffroi Garon, un badge numérique est « une représentation visuelle en ligne utilisée pour motiver les apprenants et reconnaître les apprentissages ou valider et certifier des compétences en situation d’apprentissage formel, informel ou non formel2. »
En d’autres termes, un badge numérique est une image en ligne, à laquelle sont associées des données soumises par l’apprenant (textes, blogue, vidéo, etc.) et qui répond à des critères d’obtention spécifiques. Une fois le badge décerné par l’organisme émetteur, ce badge est unique pour chaque apprenant et permet à son récipiendaire de l’afficher, avec ses données associées, dans un portfolio de développement professionnel.
Comparativement à une approche scolaire classique, le badge numérique montre beaucoup de flexibilité et de souplesse pour s’adapter aux nouvelles réalités. Il permet de valoriser une plus grande diversité d’apprentissages et de compétences, notamment au sujet de compétences dites transversales ou globales comme; la communication, la collaboration et la créativité. Bien qu’on les identifie comme des compétences incontournables pour le 21e siècle, ces dernières sont parfois difficiles à évaluer. Le badge numérique, qui inclut des artéfacts numériques soumis par l’apprenant en fonction des critères exigés, est un moyen de mettre en lumière ces compétences manifestées par l’apprenant.
Les métadonnées associées au badge permettent d’y inclure des preuves et des traces des réalisations de l’apprenant. Importable dans un portfolio professionnel, cette reconnaissance des acquis devient ainsi un curriculum vitae vivant et évocateur, affichable aux yeux de l’observateur (appréciateur) si l’apprenant (récipiendaire) le souhaite. On valorise ainsi les accomplissements et on reconnaît des niveaux de compétences atteints. Au fait, le badge numérique permet de générer de la confiance au sein d’un écosystème d’apprentissage.
Figure 1 : Écosystème
Source de l’image3
De plus en plus, on assiste à des dispositifs mis de l’avant par l’octroyeur où les échanges sont source de reconnaissance et de valorisation pour chaque apprenant. C’est le cas du travail des responsables de la rétroaction, notamment dans les formations du CADRE21; chaque soumission pour un badge numérique est lue et commentée directement à l’apprenant par un responsable qui offre ses commentaires qui sont de nature utile, spécifique et bienveillante (ou « USB » comme le qualifie l’équipe du CADRE21). La valorisation des apprentissages s’en trouve amplifiée.
En éducation, en matière de développement professionnel, l’appréciateur d’un badge numérique peut être la direction d’école, un ordre professionnel, un conseil scolaire ou la communauté en général. Là où la formation continue est valorisée et soutenue, cet affichage favorise la reconnaissance du personnel éducatif et contribue à augmenter le sentiment d’efficacité professionnelle.
Les badges numériques, en plus de leur fonction de reconnaissance d’apprentissages formels ou informels, renferment des aspects de valeur, de confiance et de crédibilité. Comme indiqué au début de cet article, ils complémentent les diplômes et les certifications tout en donnant une résolution plus précise sur les apprentissages acquis. Les compétences professionnelles de l’apprenant sont ainsi alignées avec les exigences de plus en plus complexes du monde d’aujourd’hui et de demain.
Illustration : Gracieusé CADRE21
Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
Le facteur E3, à travers le programme d’École communautaire entrepreneuriale consciente (ÉCEC) propose une vision globale de l’enseignement par l’entrepreneuriat.
Qui n’a pas souhaité déposer son enfant à l’école en toute quiétude, en espérant que chaque jour il y sera heureux? Qu’il y vivrait des moments de joie, de découverte et de bonheur; qu’il reviendrait à la maison avec le sourire; qu’il dirait souvent « maman, j’ai hâte d’aller à l’école », et qu’il voudrait même s’y rendre un jour de fermeture; qu’il affirmerait fièrement : « j’aime mon école », ou encore très joyeusement : « tu sais, papa, mon école c’est la meilleure »?
Depuis quelques années, diverses études ont montré un phénomène préoccupant, soit le manque de bonheur au travail et les conséquences néfastes sur l’engagement des personnes envers leur profession — tous les métiers confondus. En découlent un manque d’assiduité, une perte importante d’intérêt de même qu’un déficit de productivité et d’efficience au sein des organisations. Il est facile de supposer des pertes économiques pouvant s’avérer désastreuses pour les entreprises.
À l’école, un taux élevé d’épuisement émotionnel des enseignants est constaté. Une situation faisant anticiper des impacts dommageables sur les jeunes — par exemple : apprentissages insuffisants, taux de décrochage inquiétant, etc. En somme, pour nombre de personnes au travail, leur emploi ne génère pas d’enthousiasme, encore moins d’émerveillement et, bien sûr, ne leur procure pas suffisamment de plaisir. Comment alors réussir un virage marquant qui engendrerait un regain d’intérêt, voire d’engagement d’une large majorité de personnes envers leur travail, leur école, leurs apprentissages? Les élèves de nos écoles d’aujourd’hui seront les employés, les dirigeants et les entrepreneurs de demain. N’est-il pas souhaitable qu’ils deviennent des personnes engagées envers les projets personnels et professionnels qu’ils entreprendront tout au long de leur vie? Leur bien-être, dès maintenant, est une urgence.
Vivre ensemble du Bonheur à l’école est fondamental, car pour apprendre optimalement il faut aimer son enseignant, son école, sa vie, s’aimer soi-même. Certains experts affirment que trois facteurs influent sur la propension au bonheur :
Il y en a d’autres, en particulier le besoin profond de s’accomplir. L’École communautaire entrepreneuriale consciente (ECEC)1, un projet éducatif d’ensemble, est conçue de manière à stimuler en continu la créativité afin que des situations éducatives et pédagogiques puissent régénérer régulièrement de l’« Enthousiasme », de l’« Émerveillement » et susciter l’« Engagement » autant chez les jeunes que chez les éducateurs, parents et partenaires.
« L’enseignant est la clé de voûte d’une telle expérience pédagogique et des transformations qui en résultent, quelle qu’en soit l’école. »
Concrètement, l’ECEC est une conception charpentée de 21 composantes structurantes qui maillent l’école à sa communauté autour d’une pédagogie qui active la curiosité et fait découvrir des passions. Elle est porteuse d’une philosophie et d’une pédagogie, auxquelles se rattache le Facteur E³, et mettant le jeune en action de la maternelle jusqu’à la fin de son parcours scolaire dans des projets variés.
Par exemple, liée à l’environnement, fut imaginée en maternelle la mise sur pied de la microentreprise « Mini-ferme inc. »; en sciences naturelles (5e et 6e année du primaire), le projet horticole « Brico fleurs inc. » fut expérimenté; au début du secondaire, en littératie (Français), le projet entrepreneurial culturel « Nuit de la poésie » a pu prendre forme. Ici, il s’agit de poèmes d’enfants portant sur un événement de leur vie personnelle, souvent touchants, lus devant public. Chacun d’eux illustre son poème au moyen d’un dessin ou d’une peinture qui est numérisé et présenté sur un grand écran pendant la lecture de l’enfant, et parfois accompagné de musique. À d’autres occasions, il y a eu la création d’une mini maison d’édition à l’école, au primaire et au secondaire. Cette similitude entrepreneuriale adaptée au contexte scolaire prendra diverses appellations, dont celui de « Petite plume » et de « Crayon magique inc. » par exemple.
Une pédagogie qui, dans l’ensemble, facilite l’intégration des matières et qui autorise le jeune à s’exprimer, à sortir des sentiers battus et à innover à l’école pour qu’il se motive et s’engage envers ses apprentissages.
L’approche, selon les projets choisis, a l’avantage de pouvoir être mise en place dans quelconque classe ou, même, d’être vécue à l’extérieur de la classe ailleurs dans l’école voire dans des espaces situés sur le terrain de l’établissement d’enseignement, dans la communauté ou dans la nature. L’enseignant est la clé de voûte d’une telle expérience pédagogique et des transformations qui en résultent, quelle qu’en soit l’école.
Chaque fois que les jeunes s’enthousiasment ou vivent des moments d’émerveillement à l’école, cela leur donne de l’énergie, les dynamise et les pousse au dépassement de soi. Les défis ou les insuccès temporaires les invitent à réessayer, à persévérer, ainsi ils s’entraînent à manifester une plus grande résilience face aux difficultés de la vie et à exprimer et à expérimenter leur leadership. On peut imaginer qu’ils auront davantage envie de relever ces défis, qu’ils ne se laisseront pas décourager dès le premier ou le second obstacle, et qu’ils seront capables de rebondir malgré les échecs.
« Les éducateurs expérimentent un environnement éducatif perçu comme avantageux, notamment parce qu’ils y constatent des jeunes plus heureux et engagés. »
Le facteur E³ fait vivre aux jeunes un fort sentiment de satisfaction tout en leur procurant du plaisir à venir apprendre à l’école. Comme autre valeur ajoutée, mentionnons qu’ils apprennent dans une ECEC à se faire confiance, à se débrouiller, à innover, puis à devenir plus ingénieux et à développer une pensée projective. C’est l’espoir qu’ils en viennent à démontrer un engagement plus soutenu envers leurs apprentissages. Une sorte de motivation à la puissance 1 000. Pour les éducateurs, c’est l’idée qu’ils expérimentent un environnement éducatif perçu comme avantageux, notamment parce qu’ils y constatent des jeunes plus heureux et engagés, les motivant ainsi à s’investir envers une philosophie et une pédagogie qui régénèrent en continu le facteur E³.
L’expérimentation du bonheur en salle de classe et à l’école sur une base régulière permet de croire à un effet bénéfique sur le développement de la santé globale2 et sur l’acquisition d’une culture entrepreneuriale consciente3 de l’élève. Le facteur E³ agit pour une plus forte propension au bonheur favorable aux jeunes, aux éducateurs et aux partenaires qui soutiennent le projet éducatif d’ensemble qu’est l’École communautaire entrepreneuriale consciente.
Des remerciements chaleureux à Annie Martel, directrice adjointe par intérim, École secondaire Pierre-de-Lestage, CS des Samares et à Patrick Pierard, directeur de l’Organisation internationale des écoles communautaires entrepreneuriales conscientes (OIECEC).
Illustration : Diana Pham et Adobe Stock
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2019
1 Levesque, R., Reid, J., Pierard, P. & St-Amant Ringuette, A. (2015). L’ÉCOLE COMMUNAUTAIRE ENTREPRENEURIALE CONSCIENTE : Un modèle écosystémique au service de la jeunesse québécoise. Québec, Secrétariat à la Jeunesse. https://idee.education/wp-content/uploads/2016/05/Un-modele-ecosystemique-au-service-de-la-jeunesse-quebecoise.pdf
2 Voir étude de l’Université de Moncton réalisée auprès de nombreux jeunes dans les écoles communautaires entrepreneuriales francophones du Nouveau-Brunswick : https://idee.education/fr/(page accueil : déroulé vers le bas)
3 See article Ecosystem ” Education – Enterprise – State ” for a Sustainable Environment https://schoolbranch.com/ecosystem-education-business-state-for-a-viable-environment/
Le programme «Bonheur à l’école» invite à voir l’éducation de manière différente afin que le bien-être créé influence la réussite des élèves.
Le vrai défi au sein de nombre de milieux éducatifs serait-il, désormais, celui de parvenir à plus de « Bonheur à l’école »1? La situation contraire peut être un frein important à l’apprentissage chez les jeunes et, même, faire dévier l’établissement d’enseignement de sa mission la plus fondamentale : accompagner chaque jeune vers sa réussite scolaire, éducative2 et globale. Une idée qui est loin d’être nouvelle en éducation. Nombreux sont les penseurs depuis le XVIe siècle jusqu’à nos jours, par exemple Érasme, Comenius, Pestalozzi, Bosco, Korczak, Neill et d’autres3, qui évoquèrent les avantages d’une dimension affective voire d’un amour de l’enseignant, tel un père ou une mère, envers ses élèves. De l’enfance à l’âge adulte, les jeunes qui fréquentent nos écoles ont besoin de se sentir aimés, appréciés pour ce qu’ils sont et d’être valorisés sur une base régulière. Nous en sommes témoins au Québec, au Canada et dans le monde. Un plus grand engagement des jeunes envers leurs apprentissages est indissociable, du moins en partie, de l’affection (amour) éprouvée pour leur enseignant. C’est d’ailleurs cela qui fait dire à plusieurs d’entre eux « moi, j’aime mon prof » ou encore « moi, j’aime mon école [aller à l’école] ».
Les écrits déjà vastes sur le sujet, issus d’universitaires, de chercheurs, de philosophes, de spiritualistes, de sociologues, de psychologues, d’enseignants et de l’univers journalistique exposent plusieurs types de bonheur. En éducation, des pistes prometteuses pour parvenir à un plus grand bonheur à l’école existent déjà. Elles portent sur le climat scolaire, la bienveillance, l’empathie, l’approche en entrepreneuriat conscient et son facteur E3 et aussi sur l’éducation à la santé globale. D’autres approches ont vu le jour au cours des dernières années, c’est le cas notamment de la mise en pratique des neurosciences en éducation. Un ensemble d’idées éducatives porteuses et pour lesquelles des réussites variées à diverses étapes du parcours scolaire du jeune sont observées.
« La générosité serait l’une des sources indispensables à la base d’un bonheur durable au cœur d’un milieu de vie. »
Nous pourrions résumer notre conception de « bonheur à l’école » à la notion d’un niveau élevé de bien-être propre à l’environnement humain d’un établissement d’enseignement; et donc, nécessairement, au bien-être qu’expérimente les éducateurs investis à l’épanouissement de leur milieu scolaire et, bien entendu, celui des jeunes. Indéniablement, l’idée du « bonheur à l’école » concerne la santé psychologique et ses équilibres associés liés à un collectif humain engagé envers sa mission éducative et les jeunes. Un engagement marqué par la générosité individuelle et collective, elle-même alimentée par de profondes convictions faisant agir, souvent avec forte détermination et courage, pour le mieux-être des uns et des autres – jeunes, collègues de travail, parents et partenaires. La générosité serait l’une des sources indispensables à la base d’un bonheur durable au cœur d’un milieu de vie. D’ailleurs, beaucoup d’éducateurs ne perçoivent-ils pas leur profession d’enseignant comme leur mission de vie?
« La psychologie positive s’intéresse aux notions de bonheur, de résilience, de bien-être et d’optimisme. »
Parmi ces équilibres liés au bien-être, il y a ceux découlant 1) de la relation de respect et de valorisation des uns envers les autres; 2) de la perception positive des réalisations et progrès de l’équipe ou encore; 3) d’un environnement d’enseignement favorisant sur base régulière une cocréation pédagogique valorisante et satisfaisante. Le défi d’un milieu éducatif réside dans sa capacité à maintenir les équilibres existants ou, le cas échéant, à améliorer les conditions qui les favorisent ou, mieux encore, à carrément les créer. La psychologie positive offre dans cette perspective des solutions ayant fait leurs preuves et porteuses pour les organisations. Elle s’intéresse aux notions de bonheur, de résilience, de bien-être et d’optimisme.
Agir sur les facteurs clés du bien-être d’une équipe de personnes œuvrant dans une école est possible. Il importe toutefois que puisse être cerné l’état de situation authentique autour d’axes fondamentaux que met en lumière depuis plusieurs années une approche humaniste et scientifiquement éprouvée, celle du Cadre du milieu de travail positif (CMTP).4
Une situation en observation dans les écoles communautaires entrepreneuriales du secteur éducatif francophone du Nouveau-Brunswick montre des résultats prometteurs associés à l’approche du CMTP. En effet, c1es résultats préliminaire font voir une corrélation positive entre l’indice de bonheur à l’école élevé et les résultats scolaires aux examens du ministère. D’autres résultats qualitatifs font percevoir que la satisfaction des employés les engage davantage envers les besoins de leurs élèves et la mission de l’école, et qu’une amélioration du climat scolaire conduit à moins d’absentéisme, de roulement du personnel, et autres.
Investir auprès des écoles pour faire croître leur Indice de Bonheur à l’école (IBÉ) ne paraît plus être un faux besoin issu d’un idéaliste rêveur. Cela n’est pas non plus une lubie du psychologisme. De fait, « bien-être » et « engagement » sont interreliés dans nos écoles. Le premier est fondamental pour espérer maximiser le second et inversement. Leur synergie est, à n’en plus douter, favorable à la « réussite » : à l’école, dans la vie et de sa vie et celle de l’émancipation de la personne (dynamiques professionnelle et personnelle). Une relation inter dynamique dont l’équilibre a pour effet de contribuer au bien-être de toutes et tous incluant, celui des équipes de travail. Et c’est ce bien-être qui est directement associé à la notion même de « Bonheur à l’école » ou de « Bonheur au travail » se trouvant au cœur de notre mission en éducation.
Les raisons de s’intéresser au concept de « Bonheur à l’école » sont par ailleurs très diversifiées. Pensons, par exemple, à ce qui réfère aux relations multidimensionnelles : a) entre les élèves; b) entre les élèves et les enseignants; c) entre les enseignants. Dans des écoles de type communautaire, il importe même de considérer la dynamique relationnelle entre le personnel de l’école, les parents, les partenaires de la communauté (village, quartier, ville) et les élèves. S’ajoutent à cela d’autres motivations, dont l’intérêt [le besoin] de faire évoluer le degré d’humanisation de l’école pour qu’elle éduque davantage, plus globalement, et qu’elle conduise ainsi à un plus grand succès scolaire. Des raisons, selon beaucoup d’intervenants en éducation, qui interagissent avec l’apprentissage.
Réussir le projet de l’École de notre temps ne gagnerait-il pas à user de tous les moyens pour voir émerger et se généraliser des lieux de travail et d’éducation plus harmonieux, les libérant de stress inutiles et des lourdeurs psychologiques qu’ils engendrent? Ces contraintes n’ont-elles pas suffisamment démontré qu’elles mènent à des souffrances, à de l’insuccès et à d’innombrables gaspillages humains, organisationnels et financiers? Il y a énormément à faire dans nos établissements d’enseignement. Toutes les énergies d’une école et de sa communauté partenaire doivent être requises pour réussir des projets éducatifs porteurs d’idéaux et d’urgences pour lesquelles il faut éduquer et former (p. ex. santé globale, bien-être, environnement et autres), et tous parfaitement en adéquation aux besoins des jeunes et des communautés d’aujourd’hui. Le Bonheur à l’école ne serait-il pas l’idée d’apprendre à vivre ensemble? L’engagement, la réussite et l’émancipation en dépendent.
Des remerciements chaleureux à Annie Martel, directrice adjointe par intérim, École secondaire Pierre-de-Lestage, CS des Samares et à Patrick Pierard, directeur de l’Organisation internationale des écoles communautaires entrepreneuriales conscientes (OIECEC).
Illustrations : Adobe Stock
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2019
1 Bonheur à l’école (2019). En ligne : www.bonheuralecole.org
2 Magazine Savoir (juin 2016). Quelques définitions sur la réussite scolaire et la réussite éducative. Fédération des commissions scolaires du Québec. En ligne : http://www.magazine-savoir.ca/2016/07/06/quelques-definitions-reussite-scolaire-reussite-educative/
3 Vira, M. (2016). Dimension affective de la relation enseignant-élève avec les adolescents : revue des études longitudinales et perspective de l’attachement. Érudit 20, Revue de psychoéducation, 45(2), 405-430.
4 Laurie, R. (2019). Prospérer et s’épanouir avec le Cadre du milieu de travail positif (CMTP)
Frédérik décrit dans son article la transition difficile qu’il a connue dans son milieu scolaire comme un jeune homme transgenre. Il décrit dans ses propres mots le harcèlement et le peu d’appui qu’il a vécu à l’école et comment le curriculum n’est pas toujours très inclusif. Il lance un appel à l’appui de la part de tout le personnel enseignant pour les élèves LGBTQ2+.
Moi c’est Fred, j’ai 18 ans, je suis une personne dynamique, plutôt artistique et j’ai fait mes études en théâtre au cégep. J’ai commencé à me questionner au sujet de mon identité de genre en 3e secondaire, mais considérant la faible réceptivité au sujet de la chose par mon ancienne copine à l’époque, je n’ai fait mon comingout qu’à la fin de mon 4e secondaire. Je me suis alors tourné vers une enseignante de confiance, qui m’a recommandé de rencontrer l’infirmière de l’école. Celle-ci a répondu à plusieurs de mes questionnements et elle m’a accompagné au début de ma transition pour aller voir des spécialistes afin d’entamer mes démarches. J’ai ensuite vu une psychoéducatrice de l’école, avec qui j’ai discuté de mon désir de demander aux enseignants de m’interpeler par les bons pronoms masculins. Elle semblait assez peu ouverte à cette option et m’a dit qu’elle devait d’abord en discuter avec la directrice. Au début de l’année suivante, en 5e secondaire, j’ai tout de même rencontré chacun de mes enseignants avant les premiers cours pour leur demander s’ils accepteraient d’utiliser le pronom « il » pour me désigner et de m’appeler Fred. Ils ont tous été très réceptifs à cette demande. J’ai toutefois subi de la résistance de certains autres membres du personnel de l’école qui n’acceptaient pas très bien ma nouvelle identité de genre. On s’est parfois opposé à utiliser mon nom et des pronoms masculins, même si ce n’était pas approprié. On m’a même dit qu’on « se donnait le droit de m’appeler ainsi ». On m’a aussi refusé l’accès aux commodités réservées aux garçons, car on craignait la réaction de certains parents.
J’aurais vraiment préféré ne pas être considéré comme un cas problème; c’était bien suffisant d’en être déjà un pour moi-même! Moi qui m’attendais à ce que les adultes réagissent mieux que les élèves… je me trompais. Tout de même, ce n’était pas toujours facile de faire face à la réaction de certains élèves. Je recevais fréquemment des commentaires par la tête. Mais puisque je suis quelqu’un qui prend sa place et qui se fait remarquer, ça n’a été une surprise pour personne que je me présente aux élections du parlement étudiant. Cela a toutefois provoqué un certain montant de harcèlement : je me suis fait insulter pendant les débats et mes pancartes pour les élections ont été vandalisées : on avait remplacé le nom « Frédérik » par mon nom de naissance.
Ma transition a donc été assez difficile à l’école. J’aurais seulement voulu qu’on n’en fasse pas autant de cas et qu’on me laisse vivre en paix, pas qu’on me donne envie de cesser de vivre! J’aurais été heureux d’entendre : « Ah! c’est Fred maintenant? D’accord » au lieu de « Baisse tes pantalons, on va voir ce que tu es vraiment. »
Je crois aussi qu’il y a des lacunes dans les cours d’éducation sexuelle; on parle des ITSS, on parle de comment mettre un condom et ce qu’est une pilule contraceptive, mais pourquoi ne parle-t-on pas aussi au sujet de relations sexuelles sécuritaires pour les hommes gais? Pourquoi ne parle-t-on pas de la possibilité qu’une femme puisse attraper des ITSS avec une autre femme? On ne parle vraiment que de ce qui est hétéronormatif.
Je crois que le personnel scolaire devrait vraiment mettre la priorité sur la sécurité de tous leurs élèves, et non pas seulement se préoccuper de la réaction des parents. Il devrait savoir vers quelles ressources diriger les élèves membres de la communauté LGBTQ2+, puis bien nous appuyer, et non pas nous gérer comme le gros cas lourd de l’année. Apprenons enfin à parler de différences!
Première publication dans Éducation Canada, mai 2019
Photo : Sophie H.-Bienvenue
Annie Côté nous amène à réfléchir dans cet article au sujet de notre questionnement concernant l’approche que doit prendre les enseignants afin d’appuyer les jeunes LGBTQ2+. Elle considère que la seule réponse possible à ce questionnement se retrouve dans une pédagogie ancrée dans la normalité, le respect, l’attention, l’écoute, l’appui, et surtout, la plus grande bienveillance.
Il y a quelque temps, on m’a posé des questions d’entrevue pour cette édition portant sur l’identité de genre. Je les lis et les relis et n’arrive pas à y répondre. Je ne me sens d’ailleurs aucune légitimité pour y répondre. Bien sûr, je connais Jay, Audrey-Maude, Fred, et bien d’autres, mais rien de ma formation, ni initiale ni continue, ne m’a donné de pistes pour les accompagner.
En considérant ces questions, un seul mot me vient en tête : « l’humain ». Étant enseignante, je ne suis qu’une humaine devant des humains. Je n’arrive pas à répondre à ces questions parce que je ne vois pas mes élèves en matière de genre, d’orientation sexuelle ou de pratiques enseignantes. La sexualité appartient à la sphère privée. Point. Il y a cependant des jeunes qui souffrent, qui se questionnent et qui ont besoin de discuter autour de moi. Comme nous tous.
J’ai passé plusieurs jours à lire et relire les questions qui me sont posées et à me demander pourquoi je n’arrive pas à y répondre. Je pense que c’est parce que j’ai l’impression que nous faisons fausse route; enseignons-nous différemment aux jeunes selon leur origine? Selon leur langue? Évidemment non. Nous adaptons parfois les objets d’enseignement, la lecture par exemple, en français du moins, pour que les jeunes s’y retrouvent et s’intéressent davantage aux lectures proposées. Mais enseigner différemment? Non, je ne le fais pas. J’ai de jeunes humains devant moi : mon futur mécanicien, mon futur avocat, mon futur député et l’écrivain qui me feront rêver plus tard, grâce à la magie de ses mots. De jeunes humains qui ont besoin de se découvrir, d’apprendre à se connaitre et à s’aimer et surtout de rêver leur vie pour réaliser ce rêve.
J’ai discuté cette semaine avec Camille, 15 ans, Béatrice, 14 ans et Alice 13 ans : elles trouvent que les adultes sont bien compliqués de se poser des questions sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle des élèves. Elles disent également que ce sont des questions qui importent peu, car peu importe qu’une personne soit transgenre ou queer, cette personne demeure un être humain et c’est la seule chose qui doit compter. Cette discussion m’amène à penser au contretransfert, ce concept de la psychanalyse (. Appliqué à l’éducation, je pourrais écrire que nous voyons les jeunes à travers nos propres expériences, notre propre vision du monde. Si je ne connais pas, ne comprends pas l’homosexualité ou les questions relatives à l’identité de genre ou si ma culture ou ma religion sont catégoriques et négatives à ce sujet, il est possible que je me sente mal à l’aise face aux jeunes qui se posent des questions à ce sujet. Mal à l’aise, réfractaire, en déni ou même en colère. Un humain devant des humains.
Et les cours d’éducation sexuelle? Ils sont évidemment essentiels, et non pas seulement pour arriver à comprendre son corps, mais surtout pour apprendre qu’est-ce qu’une relation amoureuse saine et le respect de soi-même et des autres. Au fond, il est peut-être mal nommé ce cours!
« In locco parentis » : à la place d’un parent. Comme enseignant, intervenant scolaire, directeur, nous agissons à la place des parents; c’est une lourde charge et aussi la plus belle des responsabilités. Pour moi, il s’agit de la plus importante des règles de conduite en éducation : agir avec les élèves comme je voudrais qu’on agisse avec mes enfants. Si une de mes filles était transgenre, est-ce que je l’aimerais moins? Est-ce que je refuserais de l’appeler par le nouveau nom qu’elle souhaite utiliser? Est-ce que je refuserais de l’écouter? Évidemment non. Connaissant l’intolérance du monde en ce qui concerne la différence, j’aurais probablement au départ beaucoup d’inquiétudes pour elle, en sachant que ce n’est pas un choix pour elle, mais bien un état. Mais je ne pourrais jamais l’aimer moins. Ainsi va mon attitude dans la classe : peu importe l’origine, le genre ou la sexualité de mes élèves, tous méritent mon respect, mon attention, mon écoute et mon aide. Et surtout, la plus grande bienveillance.
Première publication dans Éducation Canada, mai 2019
Les difficultés vécues par les commissions scolaires du Québec pour répondre aux besoins actuels d’enseignants, mais également celles anticipées dans l’avenir, inquiètent les acteurs de l’éducation. Les données démographiques tendent à montrer que les besoins d’enseignants vont s’accroitre dans les prochaines années. La situation varie d’une région à l’autre, et certaines sont et seront plus touchées que d’autres par les problématiques liées à l’attraction, au recrutement et à la rétention d’enseignants afin de répondre aux besoins des commissions scolaires. Les auteurs de cet article recommandent comme solution d’avoir recours à l’approche de communauté stratégique, qui semble être un mode de fonctionnement particulièrement novateur et prometteur dans le contexte difficile et complexe de pénurie d’enseignants. Elle contribue à assurer la prise en compte de toutes les dimensions de la profession enseignante dans le plan d’action qu’elle souhaite développer, notamment la formation initiale, le recrutement, les conditions et l’organisation du travail et la valorisation de la profession.
Les difficultés vécues par les commissions scolaires du Québec pour répondre aux besoins actuels d’enseignants, mais également celles anticipées dans l’avenir, inquiètent les acteurs de l’éducation. Les données démographiques tendent à montrer que les besoins d’enseignants vont s’accroitre dans les prochaines années1. La situation varie d’une région à l’autre, et certaines sont et seront plus touchées que d’autres par les problématiques liées à l’attraction, au recrutement et à la rétention d’enseignants afin de répondre aux besoins des commissions scolaires2. C’est le cas des régions de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec, deux régions éloignées où sont observés :
Les pénuries observées ont des impacts majeurs sur les enseignants en poste, les enseignants en formation et les élèves, et celles-ci risquent de s’aggraver si des mesures ne sont pas prises pour faire face à la situation. C’est dans ce contexte qu’est née la communauté stratégique comme moyen privilégié d’unir les forces des différents acteurs gravitant autour de l’école. Son but : travailler en synergie pour transformer la façon d’organiser le travail des enseignants et la formation des maîtres, et ainsi favoriser la valorisation, l’attraction et la rétention des enseignants.
L’idée d’un regroupement d’acteurs au sein d’une communauté stratégique s’inspire d’un projet mené dans le domaine de la santé pour trouver des solutions à une pénurie de main-d’œuvre. La communauté stratégique est définie comme « une structure interorganisationnelle multidisciplinaire formelle à laquelle on confie le mandat d’imaginer et de mettre en place des innovations concernant les services et les produits à offrir3. » Ce type de structure doit être souple, avoir un mandat limité dans le temps, être centrée sur des objectifs concrets, regrouper des leadeurs de chaque organisation et jouir d’une grande liberté de pensée et d’action.
C’est dans cette perspective que, pour la première fois dans le domaine de l’éducation au Québec, nous avons réuni autour d’une table les représentants des différentes organisations touchées par la problématique de pénurie d’enseignants et de suppléants au primaire et au secondaire, notamment des professeurs et des professionnelles des communications et du recrutement de l’université, des conseillers en orientation des deux établissements régionaux d’enseignement collégial, des directeurs du Service des ressources humaines des six commissions scolaires et de la présidence, du conseiller et des directeurs de districts du syndicat régional des enseignants. Une trentaine d’acteurs se sont ainsi regroupés au sein du Groupe régional d’acteurs pour la valorisation des enseignants (GRAVE) de l’Abitibi-Témiscamingue et du Nord-du-Québec4, créé officiellement en février 2018.
Le fonctionnement de la communauté stratégique repose sur une double structure de gouvernance : un comité restreint, qui assure la coordination du travail, et un comité consultatif, qui propose les grandes orientations du projet. Le comité consultatif, composé de représentants de toutes les organisations impliquées, oriente les décisions à prendre quant aux objectifs et aux moyens à prendre pour mener à bien le projet. Les membres se rencontrent en général trois fois par année. De son côté, le comité restreint, extension paritaire du comité consultatif, se rencontre une fois par mois et prend les décisions importantes, après consultation des membres du comité consultatif. Il a pour mandat de mettre en œuvre le projet, de prendre les décisions liées au budget de fonctionnement et aux actions à mener, à la répartition du travail entre les partenaires. Leur mode de décision est basé sur le consensus entre les différents partenaires.
Au départ, la communauté stratégique régionale s’est donné pour mandat de mettre en œuvre un plan d’action stratégique sur la valorisation de la profession enseignante, et ce, en lien avec les enjeux de l’attraction, de la rétention et du recrutement des enseignants et des futurs enseignants.
Une programmation en quatre phases a été établie pour mener ce mandat, soit :
La première année fut consacrée à la mise en œuvre concrète de la collaboration entre les différents acteurs, notamment par l’établissement des règles de fonctionnement du groupe, la définition des besoins de chacun des groupes d’acteurs la planification globale du projet et la réalisation du diagnostic projeté. Ce dernier s’est appuyé sur trois éléments : la collecte de données administratives dans les commissions scolaires, une enquête par questionnaire auprès des enseignants, des directions d’établissement, des étudiants de l’université et du cégep ainsi que du grand public, et une soixantaine d’entrevues avec divers acteurs des commissions scolaires, du syndicat de l’enseignement, de l’université, mais également des enseignants, des étudiants en formation et d’ex-enseignants ayant quitté la profession. Tous les acteurs engagés au sein de la communauté stratégique ont participé aux différentes étapes de la collecte des données.
L’analyse des données est en cours et permettra :
L’année 2019-2020 devrait être consacrée à terminer l’analyse des données, à concevoir et à planifier le plan d’action stratégique, sa mise en œuvre devant débuter l’année suivante.
Réunir au sein d’une même équipe des organisations qui, à priori, ne travaillent pas en concertation comporte son lot de défis, surtout à l’approche des négociations des nouvelles conventions collectives. Pour favoriser la réussite d’une telle démarche, il était essentiel de prendre en considération les enjeux énoncés plus haut et de mettre en place différentes actions pour assurer le bon fonctionnement de la communauté stratégique pour une cohésion accrue au sein du groupe. Les actions suivantes ont été mises en place avec succès :
La recherche de solutions innovantes aux problèmes de pénurie d’enseignants est cruciale dans le contexte éducatif actuel, marqué de manière généralisée au Canada par une rareté de main-d’œuvre et des changements démographiques importants. L’éloignement et certaines particularités du marché de l’emploi dans certaines provinces et régions tendent à rendre les enjeux de pénurie encore plus criants. Actuellement, la recherche de solutions tend à se concentrer sur le court terme et à négliger la mise en commun des expertises. La communauté stratégique semble être un mode de fonctionnement particulièrement novateur et prometteur dans le contexte difficile et complexe de pénurie d’enseignants. Elle contribue à assurer la prise en compte de toutes les dimensions de la profession enseignante dans le plan d’action qu’elle souhaite développer, notamment la formation initiale, le recrutement, les conditions et l’organisation du travail et la valorisation de la profession.
Dans cette optique, nous sommes persuadés que l’expérience que nous menons pourra inspirer les acteurs éducatifs d’autres régions et provinces pour trouver des solutions adaptées aux problèmes de pénurie d’enseignants vécus à leur niveau.
Première publication dans Éducation Canada, mai 2019
Notes
1 MEES. 2018. Prévisions de l’effectif étudiant au préscolaire, au primaire et au secondaire. Prévisions par commission scolaire. Québec : Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/PSG/statistiques_info_decisionnelle/Previsions_CS.pdf
2 Gouvernement du Québec. 2019. État d’équilibre du marché du travail – Diagnostics pour 500 professions. Québec : Ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. www.mtess.gouv.qc.ca/publications/pdf/RA_etat_marche_travail_diagnostic.pdf
3 Roy, M., Audet, M., Archambault, J. et St-Louis, D. 2009. Créer une communauté stratégique pour favoriser le changement : une étude de cas portant sur l’organisation du travail dans le secteur de la santé. Gestion 34(4) : 48‑54. https://doi.org/10.3917/riges.344.0048
Cet article pose une question fondamentale en ce qui concerne les évaluations à grande échelle (ou externes), soit, si elles ont pour but d’évaluer les compétences des élèves ou d’appuyer les pratiques d’évaluation des enseignants. L’auteur propose que ces évaluations doivent assurer une boucle de régulation basée sur le but, le contrôle, la rétroaction et l’action.
Avec l’avènement des nouveaux modes de gouvernance des systèmes éducatifs, l’évaluation des apprentissages des élèves n’est aujourd’hui plus uniquement l’affaire de l’enseignant dans sa classe (évaluation interne), elle est devenue également celle de la politique (évaluation externe). Les évaluations externes des acquis des élèves ne sont pas nouvelles dans le paysage éducatif, servant depuis longtemps à garantir une évaluation plus objective ou égale à des moments charnières du cursus des élèves. Mais aujourd’hui, on leur confère également, voire surtout, le devoir de « réguler » les pratiques des enseignants, sur le terrain.
La littérature scientifique1 montre que les épreuves externes ont des effets importants sur la vie éducative des établissements et sur la profession enseignante. Dans mes recherches2, j’ai notamment eu l’occasion d’interroger l’expérience d’une cinquantaine d’enseignants du primaire issus de différents contextes francophones (au Québec, en Ontario, en Suisse et en Belgique). Des politiques différentes ont été développées dans ces contextes, néanmoins les constats observés sont très semblables3.
Bien que l’évaluation externe ait un impact sur l’ensemble du métier des enseignants, mes recherches ont démontré qu’elle touche particulièrement leurs pratiques d’évaluation des apprentissages des élèves. Elles sont pour eux des indications opérationnelles sur les contenus à évaluer et sur la manière de les évaluer. Pourtant, s’ils souhaitent s’inspirer des contenus et des méthodes des épreuves, les enseignants ne mobilisent généralement que très peu les résultats produits pour faire leur autoévaluation. Aussi, les changements de pratiques opérés sont très souvent instrumentaux, surtout lorsque les résultats des évaluations ont des conséquences importantes pour les élèves, les écoles ou les enseignants. Ils servent alors à faire réussir les élèves aux tests et consistent donc en un enseignement en fonction des tests. Enfin, les tests ne sont pas toujours reconnus comme de bons exemples par les enseignants.
Même si j’ai pu constater les nombreux effets négatifs des évaluations externes dans différents contextes, je reste persuadé que ce genre de dispositif représente une formidable occasion de « faire dialoguer » la classe et le système. Elle peut servir, parmi d’autres moyens, à soutenir les pratiques évaluatives des enseignants. Néanmoins, certaines conditions doivent être réunies. Selon mes différents travaux, il parait nécessaire de travailler sur deux points : faire baisser la pression pour les acteurs de la vie éducative et optimiser les opportunités de formation. Dans cet article, je centre mon propos sur le second point4.
« Bien que l’évaluation externe ait un impact sur l’ensemble du métier des enseignants, mes recherches ont démontré qu’elle touche particulièrement leurs pratiques d’évaluation des apprentissages des élèves. »
Si l’on attend qu’elle soutienne les pratiques des enseignants, l’évaluation externe — comme toute évaluation ! – devrait assurer une « boucle de régulation » (but, contrôle, rétroaction, action) 5.
L’objectif de l’évaluation et les critères de réussite doivent être clairs. Les finalités de l’évaluation externe doivent être communiquées régulièrement aux différents acteurs (directions, enseignants, élèves, parents). J’ai pu constater que les finalités ne sont souvent pas claires pour les enseignants (Qui est évalué ? Pourquoi ?). Souvent, elles ne sont pas communiquées de manière explicite ou pas assez régulièrement. Pour une meilleure appropriation de l’outil, il est également nécessaire que les enseignants soient initiés au processus évaluatif (conception, passation, correction, traitement des données), voire y être impliqués.
L’évaluation doit permettre de constater l’atteinte ou non des objectifs (fournir une mesure fiable et valide). Comme exposé plus haut, les enseignants accordent souvent peu de valeur aux résultats produits à large échelle. Afin d’éviter cette situation, l’évaluation externe doit être exemplaire au niveau méthodologique et scientifique, en lien avec les théories de l’apprentissage, de l’enseignement et de l’évaluation. Elle doit être alignée avec les plans d’études et les moyens d’enseignement, mais aussi avec les pratiques du terrain. Aussi, les résultats devraient permettre aux enseignants d’observer l’évolution des performances de manière longitudinale (comparaison sur plusieurs années), pour éviter, par exemple, d’attribuer les résultats aux caractéristiques d’une seule cohorte d’élèves.
L’évaluation doit fournir de l’information afin de rendre compte de l’écart entre le but et la mesure initiale. Les enseignants devraient avoir accès aux différents résultats de leur classe, de manière détaillée. Une interprétation critériée (par rapport à des critères et non à une norme) et détaillée permet d’observer plus spécifiquement les réussites et les difficultés des élèves. Malheureusement, dans certains cas, les enseignants n’ont accès qu’à un résultat global (une note, un pourcentage de réussite) ou doivent eux-mêmes en faire le détail. Ils devraient être soutenus dans la compréhension et l’analyse des résultats des épreuves externes, par leurs pairs et par des experts (p. ex. des conseillers pédagogiques).
L’évaluation devrait aboutir à des actions afin de réduire l’écart entre le but et la mesure initiale ou afin de redéfinir le but à atteindre. Sur la base des résultats, des pistes didactiques doivent être fournies aux enseignants ou, idéalement, être élaborées avec eux. Ceci est rendu possible s’ils ont l’occasion de travailler en équipe, avec leurs pairs, mais aussi avec le soutien d’experts (p. ex. conseillers pédagogiques). Différentes formes de « modération sociale » sont possibles6. Toutefois, mes diverses expériences montrent qu’il est nécessaire que ces moments de formation soient menés de manière réflexive et professionnalisante pour les enseignants. Ils doivent engager les enseignants à développer leurs propres outils, et non les maintenir dans un état de dépendance ou leur imposer des pratiques. La mise en réseau des établissements est également une piste à poursuivre (au contraire de les mettre en concurrence). Enfin, il parait important que l’impact des dispositifs d’évaluation externe sur le terrain soit évalué régulièrement par leurs promoteurs. De telles procédures sont, à ma connaissance, très rares, voire inexistantes.
Finalement, si l’on souhaite créer, grâce à l’évaluation externe, un véritable « dialogue » entre la classe et le système, certaines questions importantes restent en suspens. Comment l’évaluation des apprentissages des élèves réalisée par les enseignants peut-elle, dans le sens inverse (dans l’idée d’un dialogue multilatéral), contribuer au pilotage du système ? Il me parait en effet primordial de reconnaitre et de faire confiance au jugement professionnel des enseignants. D’autre part, les évaluations à grande échelle pourront-elles contribuer à soutenir les enseignants dans les grands défis des prochaines décennies en matière d’évaluation : évaluation au service de l’apprentissage (assessment for learning), évaluation des compétences ? En définitive, j’ai traité dans cette contribution de l’impact de l’évaluation externe sur les enseignants. Toutefois, le bienfondé de ce genre de dispositif devrait aussi être remis en question en observant son impact sur le vécu et les apprentissages des élèves. En fin de compte, c’est bien leur réussite que tout le monde souhaite. Encore faut-il savoir quel type de réussite ?
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2019
1 Au, W. (2007). High-Stakes Testing and Curricular Control: A Qualitative Metasynthesis. Educational Researcher, 36(5), 258–267.
Mons, N. (2009). Effets théoriques et réels des politiques d’évaluation standardisée. Revue française de pédagogie, 16 (9), 99-140.
Rozenwajn, E., et Dumay, X. (2014). Les effets de l’évaluation externe sur les pratiques enseignantes : une revue de la littérature. Revue française de pédagogie, 189 (4), 105-138.
2 Yerly, G. (2014). Les effets de l’évaluation externe des acquis des élèves sur les pratiques des enseignants. Analyse du regard des enseignants du primaire. Thèse de doctorat en Sciences de l’éducation, Université de Fribourg, Fribourg.
Yerly, G. (2017 a). Évaluation des apprentissages en classe et évaluation à large échelle. Quel est l’impact des épreuves externes sur les pratiques évaluatives des enseignants ? Mesure et Évaluation en éducation, 40 (1), 33-60
Yerly, G. (2017 b). Les raisons du faible usage des résultats d’évaluation externe par les enseignants. Étude croisée dans trois contextes éducatifs. Contextes et Didactiques, 9, 60-71
3 Yerly, G., & Maroy, C. (2017). La gouvernance par les résultats est-elle un mode de régulation de l’école légitime aux yeux des enseignants ? Une enquête qualitative dans 4 systèmes scolaires. Revue française de pédagogie, 198, 93-108.
4 Pour ce qui est de faire baisser la pression, voir Yerly (2014).
5 Allal, L. (2007). Régulations des apprentissages : Orientations conceptuelles pour la recherche et la pratique en éducation. In L. Allal & L. Mottier Lopez (Eds.), Régulations des apprentissages en situation scolaire et en formation (pp. 7-23). Bruxelles : De Boeck.
6 Laveault, D. & Yerly, G. (2017). Modération statistique et modération sociale des résultats scolaires. Approches opposées ou complémentaires ? Mesure et évaluation en éducation, 40 (2), 91-123
Cet article propose une approche pédagogique s’éloignant des pratiques d’enseignements et d’évaluations traditionnelles en classe de langue. L’auteure présente en effet ce qu’elle nomme des projets passions, c’est-à-dire des projets créés et élaborés par les élèves à partir de champs d’intérêt dans le but de développer les compétences du 21e siècle. Elle y présente une approche renouvelée d’accompagnement et d’évaluation individuelle et coopérative des projets des élèves.
On dit souvent qu’il faut repenser l’évaluation et l’école. Effectivement, je crois que l’une est conditionnelle à l’autre. Même mes élèves sont d’accord pour dire que les examens ont des limites. La plupart du temps, ils ne permettent pas de voir si l’élève a réellement appris ce qu’il devait apprendre, mais servent plutôt à mesurer sa capacité à mémoriser le contenu pour une durée déterminée. Je crois que la plupart des enseignants s’entendent pour dire qu’on ne peut évaluer aussi formellement toutes les matières ou divers projets de la même façon. Cependant, la plupart s’entendent aussi pour dire qu’il n’est pas si facile de faire autrement. Devons-nous complètement éliminer les examens pour faire place à une évaluation centrée sur l’élève et sur son cheminement individuel? Je propose ici une option que j’applique en ce moment dans mes cours de langue seconde dans le but de mieux préparer mes élèves à faire face au monde du travail.
Depuis l’an dernier, les projets passions, c’est-à-dire des projets créés et élaborés par les élèves à partir de champs d’intérêt dans le but de développer les compétences du 21e siècle et de travailler avec la communauté, font partie de mes cours de langues. D’ailleurs, cette année, ils en sont le point central, s’ils ne composent pas, en fait, la totalité du cours. J’agis en tant que guide; mon rôle est de soutenir et d’accompagner mes élèves du secondaire dans leur quête de sujets à explorer, dans leur progrès langagier et dans le développement de ces compétences dites du 21e siècle. L’apprentissage dépasse largement les murs de l’école et il y a pour les élèves tout autant d’options à explorer que de moyens de démontrer ce qu’ils ont appris. Selon ce modèle d’apprentissage, il m’est impossible d’évaluer tous les élèves de la même façon et également impossible d’être une experte dans ne serait-ce que la moitié des projets qu’ils ont initiés. Si l’on considère que certains élaborent un journal étudiant portant sur toutes les fêtes et occasions spéciales à notre école alors que d’autres créent des sites Web et des jeux vidéos, il est évident que mes stratégies d’évaluation doivent refléter individuellement ce que les élèves ont projeté dans chacun de leur projet. Mon rôle comme enseignante est avant tout d’aider les élèves à s’améliorer en langue anglaise en leur offrant un bain culturel et langagier. Ils doivent aussi avoir l’occasion d’explorer les sujets qui les passionnent et de développer des habiletés indispensables, peu importe le métier qu’ils choisiront.
Mais comment évaluer équitablement mes élèves et suivre chacun d’eux dans leurs progrès individuels alors qu’ils travaillent sur des projets différents? C’est en vérité bien difficile et certains jours, cela me semble impossible. Tout enseignant doit avoir un excellent sens de l’organisation afin de jongler avec les dates de remises, l’assurance de la remise des travaux de chacun des élèves, une certaine assiduité dans le retour des travaux corrigés, en plus de s’adapter à corriger toutes sortes de travaux différents. Je ne planifie pas réellement les évaluations. Les élèves choisissent ce qu’ils vont présenter et la manière dont ils vont le faire. Je dois suivre ce qu’ils font (ce qui est déjà un très grand défi!) ainsi que m’assurer qu’ils se fixent des objectifs et qu’ils utilisent des outils efficaces pour continuer de s’améliorer en faisant bon usage de la langue.
Il est important de considérer qu’on traite ici seulement de l’évaluation des apprentissages. Travailler ainsi requiert tout un processus de désapprentissage et de mise en pratique avant que la classe soit fonctionnelle et encore, elle ne ressemble en rien à un cours traditionnel. La très grande majorité des élèves ont l’habitude d’entendre leurs enseignants leur imposer quoi faire et comment le faire. Afin de leur apprendre à penser indépendamment et de les inviter à exploiter leur créativité, et non pas seulement produire machinalement des travaux dont la seule motivation est qu’ils doivent être remis à l’enseignant, il est nécessaire de prendre tout le temps qu’il faut pour s’entretenir avec chacun des élèves afin de les aider à préciser quel est leur principal objectif. Une fois que nous avons ensemble clairement établi cet objectif, les compétences et habiletés à développer, la planification du projet ainsi que sa présentation finale deviennent plus évidentes pour l’élève et son enseignante. Et tout au long de l’année scolaire, ce processus doit se répéter pour chaque nouvel apprentissage en s’assurant que de nouvelles approches seront explorées par les élèves afin qu’ils puissent appliquer de la créativité dans leur résolution de problème.
Bien qu’il soit important pour les enseignants d’accorder tout le temps nécessaire avec leurs élèves pour la planification de leurs divers projets d’apprentissage et pour établir clairement tous les critères requis pour la réussite de chaque élève, il me semble évident qu’une approche individualisée, quoiqu’exigeant parfois des efforts herculéens, est le seul moyen de vraiment appuyer nos élèves dans le développement des compétences requises afin qu’ils puissent bien s’adapter aux réalités changeantes du marché du travail qui les attend. À long terme, leur meilleure connaissance de soi, leur capacité à penser indépendamment, le développement de leur esprit critique et de bonnes capacités de résolution de problèmes, leur apprentissage par l’erreur, leur persévérance et leurs habilités communicatives s’amplifieront afin de permettre à ces futurs citoyens d’accomplir efficacement et en collaboration des projets d’envergure.
À ceux et celles qui souhaiteraient adopter cette approche dans leur cours, il faut comprendre que cela requière de la patience, l’engagement nécessaire afin d’être prêt à offrir autant d’efforts que vos élèves, et des révisions quotidiennes afin de mieux aider vos élèves à bien s’adapter à une telle approche pédagogique. Il faut se rappeler que la seule façon pour que cela échoue réellement est d’arrêter d’essayer. Soyez honnête avec les élèves ; dites-leur que vous aussi, vous êtes également en apprentissage. Affirmez-leur que c’est pour eux que vous adoptez cette nouvelle approche parce que le statuquo pédagogique ne leur permettra plus de vraiment être bien prêts à faire face aux exigences d’un monde changeant et d’un avenir incertain.
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2019
L’auteur de cet article présente en détail une approche ainsi que divers scénarios qu’un enseignant d’éducation physique pourrait utiliser afin de respecter des pratiques d’évaluation qui valorisent les compétences et les projets personnels des élèves.
« Quand on ne sait pas où l’on va, tous les chemins mènent à nulle part ». Cette pensée de Henry Kissinger, diplomate, politologue et scientifique, montre bien toute l’importance d’être guidé pour être sûr de prendre une direction identifiée. Si l’on resitue ce point de vue dans le contexte de l’enseignement, le retour des enseignants sur la pratique de leurs élèves apparait comme essentiel pour que ces derniers prennent le chemin qui les mène vers leur réussite.
Cependant, l’enseignant pourra proposer une rétroaction à ses élèves qu’à partir du moment où il aura observé et évalué leur prestation. Il apparait alors la question relative au « quoi évaluer ». Selon nous, ce sont les compétences des élèves qui devraient faire l’objet d’évaluation de la part des enseignants. Les compétences sont appréhendées par Perrenoud1 comme « une capacité d’action efficace face à une famille de situations, qu’on arrive à maitriser parce qu’on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capacité de les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes ». Pour aller plus loin, il affirme qu’il s’agit de « faire face à une situation complexe, de construire une réponse adaptée sans la puiser dans un répertoire de réponses préprogrammées1 ». Pour faire suite à ce point de vue, on s’aperçoit effectivement qu’en développant des compétences, les élèves sont mieux en mesure de s’adapter à une situation complexe, alors que le simple fait d’avoir simplement acquis des savoirs serait insuffisant pour répondre à divers problèmes rencontrés.
Cette capacité d’adaptation que doivent acquérir les élèves semble essentielle pour leur vie professionnelle et personnelle future. En effet, au niveau professionnel, M’Barek2 met en évidence l’importance de cette capacité en affirmant que « l’organisation de l’ère des compétences cherche à donner à l’acteur toute sa capacité d’agir sans retard et au bon moment aux différentes situations rencontrées dans le contexte du travail. C’est un nouveau paradigme qui s’invente aujourd’hui comme déjà le phénomène de la qualité, basé sur la réactivité du moment, l’adaptabilité à toute éventualité et le dépassement de la gestion selon le poste du travail à une gestion dynamique des compétences ». En ce qui concerne le niveau personnel de l’apprenant, Howatt3 fait le lien entre la capacité d’adaptation et la santé. Il précise que « les personnes ayant de faibles capacités d’adaptation courent plus de risques de souffrir de problèmes de santé mentale et de maladies mentales de celles qui en ont des bonnes. Des capacités d’adaptation insuffisantes inhibent l’aptitude à résoudre les problèmes et à prendre des décisions saines et efficaces. » Ces raisons renforcent notre idée selon laquelle il est judicieux que les enseignants évaluent une variété de compétences chez leurs élèves.
D’ailleurs, en France, les plus récents programmes au niveau du collège4 encouragent définitivement l’utilisation de l’évaluation par compétence. En effet, ceux-ci mettent en lumière pour tous les enseignants quelles compétences doivent être développées. Par exemple, au cycle 3 du collège, les enseignants de français doivent permettre à leurs élèves de « comprendre et s’exprimer à l’oral ». En Éducation physique et sportive (EPS), les enseignants sont responsables de faire valider la compétence qui vise à « développer sa motricité et construire un langage du corps » ou celle qui incite à « partager des règles, [à] assumer des rôles et des responsabilités ». Une question émerge alors : Comment les enseignants peuvent-ils évaluer les compétences des élèves, tout en respectant les caractéristiques de ces dernières ?
Afin de concevoir une évaluation qui soit en cohérence avec la logique de compétence, il nous semble essentiel de nous interroger sur les écueils à éviter. Selon nous, l’évaluation des compétences serait dénuée de sens si celles-ci sont observées dans une « situation fermée » pour deux raisons.
Premièrement, nous pensons que si la compétence est exclue du contexte dans lequel elle est susceptible d’apparaitre, l’élève est alors potentiellement en mesure de valider cette compétence, mais cela ne témoigne en rien de sa capacité de l’utiliser en situation réelle. Plus concrètement, en EPS, si l’enseignant, en badminton, place ses élèves dans une situation de partenariat avec un adversaire de même niveau pour évaluer la compétence d’« être capable de varier le placement du volant », alors il manquerait selon nous les deux aspects de la situation réelle suivants, soit « l’adversité » et « l’enjeu » qui contribuent à l’objectif de gagner le match. Lorsque présente, l’adversité peut être porteuse d’émotions, mais si elle est absente, il est alors possible que le stress engendré par l’enjeu, soit de gagner le match, empêche l’élève d’exprimer sa compétence.
Deuxièmement, nous émettons l’hypothèse selon laquelle si l’évaluation de la compétence s’effectue dans le même contexte dans lequel elle a été apprise (même environnement, même horaire, même adversaire), alors les élèves développent des repères liés à ce contexte, ce qui « facilite » alors la validation de la compétence démontrée.
De ce fait, nous suggérons, pour évaluer les compétences des élèves, de les placer dans un contexte d’évaluation réellement différent de celui de l’apprentissage tout en préservant toutefois la complexité de la situation à laquelle l’enseignant confronte l’élève. Plus concrètement en EPS, l’enseignant, au moment d’évaluer ses élèves, pourrait tout d’abord, les convoquer à un horaire différent ; si la leçon d’EPS se déroulait habituellement entre 15 h 30 et 17 h 30, l’évaluation pourrait être réalisée le matin suivant entre 10 h 10 et 11 h 55 par exemple. De plus, il serait intéressant d’évaluer les élèves dans un autre gymnase que celui de l’établissement dans lequel ont été apprises les compétences. Enfin, l’enseignant d’EPS pourrait confronter ses élèves à des élèves d’un autre établissement de même niveau scolaire contre qui ils ne se sont encore jamais confrontés. En réunissant toutes ces conditions d’évaluation, l’enseignant d’EPS efface les repères « de surface » de ses élèves qui sont contraints alors, de s’appuyer uniquement sur leurs compétences pour réussir. C’est en ce sens-là que nous pensons que la proposition que nous faisons pour évaluer les élèves serait davantage révélatrice d’une réelle évaluation des compétences de ces derniers.
Cependant, la contrainte d’emploi du temps permet très difficilement la mise en œuvre de cette proposition. Il s’avère complexe de modifier l’emploi du temps de deux établissements scolaires pour réaliser ce type d’évaluation. Tout d’abord, il serait nécessaire d’intervertir des leçons entre deux disciplines d’enseignement au sein d’un même établissement. Ensuite, il faudrait que le gymnase de l’autre établissement soit disponible. Enfin, il serait nécessaire qu’une classe d’un même niveau scolaire dans cet établissement doive elle aussi avoir vécu un type d’apprentissage similaire.
Malgré ces difficultés, nous pouvons tout de même apporter certaines solutions pour effectuer une évaluation par compétence, sans que celle-ci soit dénuée de sens. Nous allons encore une fois nous appuyer sur l’EPS pour illustrer nos propos et nous envisagerons des solutions relativement à son enseignement au niveau de l’équipe pédagogique EPS.
Les enseignants de l’équipe pédagogique EPS peuvent intégrer une évaluation commune au sein de leur projet pédagogique disciplinaire. En effet, il serait intéressant de prévoir, dans la programmation EPS, que les enseignants proposent les mêmes Activités physiques, sportives et artistiques (APSA) pour un niveau de classe au cours d’un trimestre.
Le niveau de la 6e année nous parait être le plus intéressant parce que les élèves pratiquent généralement deux différentes APSA hebdomadairement par trimestre, sauf dans le cas d’une organisation particulière au sein de l’établissement. Les enseignants pourraient éventuellement enseigner parallèlement des APSA relevant du deuxième et du quatrième « champ d’apprentissage » issus des programmes au niveau du collège, soit respectivement, « s’exprimer devant les autres par une prestation artistique et/ou acrobatique » avec des APSA comme la gymnastique, la danse ou l’acrosport par exemple, et « conduire et maitriser un affrontement collectif ou interindividuel », avec des activités telles que la lutte, le badminton ou le basketball, entre autres. Selon nous, le fait que les élèves réalisent un enchainement d’exercices de gymnastique devant des élèves différents de ceux de leur classe amène une « pression » supplémentaire, qui peut être dépassée si les élèves maitrisent bien leur enchainement en démontrant les compétences qu’ils ont développées au cours de leur séquence d’enseignement.
De la même façon, lorsque les élèves en lutte ou en badminton vont se confronter à des adversaires qu’ils n’ont jamais rencontrés, les enseignants d’EPS contraignent les élèves à s’adapter à de nouveaux comportements de la part de ces adversaires. Concrètement, les enseignants d’EPS pourraient fixer une demi-journée dans l’emploi du temps des élèves, pour les évaluer en EPS. Ainsi, lors de cette évaluation en fin de séquence, c’est en plaçant les élèves dans ce nouveau contexte que les enseignants d’EPS présentent réellement à leurs élèves une situation d’adaptation, selon la définition de compétence.
Toutefois, un aménagement horaire de cet ordre, même ponctuel, n’est pas toujours envisageable au sein de l’établissement. Il sera alors question de trouver des solutions pour que l’évaluation par compétences réalisée par l’enseignant d’EPS au sein de sa classe puisse néanmoins respecter les caractéristiques d’une compétence. Pour cela, rappelons-le, il apparait nécessaire que l’évaluation des compétences des élèves soit effectuée dans des situations complexes où toutes les contraintes de la situation d’évaluation sont préservées, ce qui nécessite alors, une grande adaptation de la part des élèves. Alors, lors d’un cycle de demi-fond (course de moyenne distance) pour une classe de 6e, nous faisons la proposition d’accompagner les élèves tout au long de la séquence en leur permettant de s’autoévaluer au regard des compétences demandées par l’enseignant d’EPS en leur donnant des repères concrets et faciles à manipuler.
Concrètement, l’enseignant d’EPS propose à ses élèves de courir, en groupe, la distance d’un marathon, équivalente donc à 42,195 kilomètres, ou une autre distance type ultrasentier (course à pied en milieu naturel, soit forêt, plaine ou montagne sur très longue distance), qu’il définit préférablement avec ses élèves. Dès le début de ce travail, il choisit le nombre d’élèves dans le groupe, le temps de course et le nombre de séances, en fonction du niveau de pratique et du niveau de classe de ses élèves. Lors des leçons d’EPS, chaque élève du groupe inscrit dans un tableau récapitulatif « leur nombre d’arrêts » et « le temps au tour » réalisés. Le nombre d’arrêts est le critère utilisé pour témoigner de la compétence des élèves à « courir de manière continue » ; quant au critère relatif au temps au tour, il permet aux élèves de juger de leur capacité à « courir à allure régulière ». La relève de ces informations est possible par des élèves observateurs qui regardent leurs pairs et prennent des notes basées sur ces deux critères durant leur course.
Cette organisation de la séquence permet aux élèves d’évaluer de manière systématique leurs compétences. Si les élèves observateurs ne notent pas d’arrêts pendant la course, alors cela signifie que les coureurs sont capables de courir en continu et s’ils mettent le même temps pour réaliser chacun de leur tour, alors cela veut dire qu’ils sont capables de courir à vitesse régulière. Toutefois, les élèves devront tout de même exprimer leurs compétences lors de l’évaluation de fin de séquence.
L’enseignant d’EPS a le souci de « modifier » les repères de ses élèves de sorte qu’ils s’adaptent, afin de respecter le principe de compétence, aux contraintes prévues par la situation d’évaluation et qu’ils démontrent les compétences qu’ils ont acquises au cours de la séquence d’apprentissage. Pour cela, il peut, par exemple, amener sa classe courir sur une autre installation, ou si cette option est impossible, rester sur l’installation initiale, mais demander aux élèves de courir dans le sens inverse de celui qu’ils ont l’habitude de courir. Ainsi, avec une telle organisation pendant et en fin de séquence, l’enseignant d’EPS confronte ses élèves à une situation qui se rapproche le plus possible d’une situation complexe, car celle-ci est globale, c’est-à-dire, que la seule contrainte qui est imposée aux élèves est de courir en respectant le temps imparti. Toutefois, même si cette proposition tente de respecter le principe de compétence, nous pensons qu’évaluer les compétences dans le même contexte que celui de l’apprentissage de celles-ci limite la pertinence de leur évaluation.
En conclusion, nous pouvons dire que placer les compétences et leur évaluation au cœur des préoccupations des enseignants nous semble être essentiel afin que les élèves sachent ce qu’ils sont capables de réaliser ; cela leur permettra de bénéficier d’une meilleure connaissance d’eux-mêmes, ce qui est nécessaire, voire indispensable, afin de construire leur identité.
Cependant, il appert que les compétences acquises n’ont réellement de sens pour les élèves que si elles permettent de répondre à un projet, qui de plus, leur est personnel. Les élèves doivent pouvoir reconnaitre une utilité à leurs compétences, puisqu’elles seront mises au service de l’évolution de leur projet. Ainsi, les enseignants ne pourraient-ils pas mettre leurs propres compétences « au service » des interrogations et des aspirations des élèves dans le cadre de projets proposés par les élèves ou, à défaut, suggérés par les enseignants responsables de les accompagner, de les aider, mais aussi de les guider dans leur cheminement personnel ? Nous souhaitons émettre l’idée de créer une école qui permettrait aux élèves de choisir les compétences à développer par le biais de projets où les disciplines seraient éclatées. Les enseignants seraient ainsi considérés comme des personnes-ressources favorisant l’évolution cumulative des projets de leurs élèves. Dans un tel contexte, nous pouvons nous interroger sur la pertinence d’évaluer des compétences, qui seraient, finalement, validées automatiquement dès lors où le projet de l’élève évolue.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, mars 2019
1 Perrenoud, P. (1997). Construire des compétences dès l’école. Pratiques et enjeux pédagogiques. Paris : ESF éditeur.
2 M’barek, E. le développement des compétences et la mobilité professionnelle. Une, 32(138), 170.
3 Howatt, W. (2017). Développement des capacités d’adaptation et de la résilience des employés : Une bonne affaire pour les organisations.
4 Programmes d’enseignement du collège, BO spécial n° 11 du 26 novembre 2015
Cet article présente le point de vue d’enseignant expérimenté sur l’usage de divers outils numériques. On y présente diverses stratégies pédagogiques touchant la recherche, la littératie, le travail collaboratif et l’évaluation.
Enseignant de français depuis 15 ans, Sylvain Bérubé a aussi enseigné de nombreuses autres matières. Très impliqué dans l’intégration du numérique aux apprentissages, il a développé une expertise en ce domaine et fait, entre autres, partie du comité organisateur du colloque Clair, au Nouveau-Brunswick, depuis ses débuts en 2010. Sylvain est également musicien professionnel depuis toujours, blogueur depuis 2006, et rédacteur pigiste pour diverses organisations en lien avec l’éducation.
S’il est un sujet qui me turlupine depuis un bon moment déjà, c’est l’éducation au numérique dans les écoles. Depuis plus de dix ans, je constate que l’identité numérique est un concept bien réel avec lequel chacun doit, chaque jour, de plus en plus composer. Je crois sincèrement qu’il faut en parler et développer des savoirs concernant ce sujet. Évidemment, je suis loin d’être le seul à réfléchir à la question, et c’est tant mieux, car cette facette de notre identité est de plus en plus présente, puisqu’on se définit partiellement par elle : le numérique fait partie de notre vie et de notre identité.
Avec le temps, nous sommes à même de faire quelques constats à propos du numérique et de l’abondance d’informations de toutes sortes qu’il suscite. L’information et l’opinion se confondent comme jamais auparavant. Il pleut des chroniqueurs de tous acabits, certains établissant des liens pertinents avec de vraies informations, d’autres créant des liens douteux avec diverses rumeurs ou autres fausses nouvelles. Plusieurs se retrouvent aussi entre les deux camps, peinant parfois, ou même souvent, à distinguer le vrai du faux. Tout ceci est sans compter chaque personne qui peut désormais s’exprimer haut et fort, avec ou sans discernement, sur cette place publique que sont devenus les réseaux sociaux, en partageant toutes sortes d’éléments d’information, certains étant des faits vérifiables et d’autres, de prétendues nouvelles… On retrouve aussi les vidéos qui font rire et d’autres qui font réfléchir, et cela, selon nos habitudes et ce que les algorithmes nous donnent à « consommer » par la suite.
En considérant tous ces changements, diverses initiatives naissent à gauche et à droite, afin de sensibiliser nos élèves à ces diverses réalités. J’écris « réalités », car tout cela est bien réel, même si cela se produit souvent dans un monde dit virtuel. Ce sont des gens bien réels qui tapent sur leur clavier, et les répercussions de leurs propos sont bien réelles, elles aussi.
Pour aider les élèves à prendre conscience de la réalité du monde numérique, j’ai vu des intervenants, policiers-éducateurs ou autres, présenter des conférences afin de sensibiliser les jeunes aux dangers d’Internet. Ils y partagent beaucoup d’informations pertinentes et utiles, mais souvent présentées sous un angle n’offrant que très rarement les aspects positifs que peuvent offrir les réseaux sociaux.
Afin d’outiller nos élèves, une équipe de l’Université Laval propose des méthodes de recherche, s’adressant d’abord aux élèves du primaire, puis, plus récemment, à ceux dusecondaire. On y aborde la formulation d’une question de recherche, la validation des sources, l’évaluation de leur crédibilité, etc. On y retrouve beaucoup d’informations, des capsules vidéos, et autres ressources. De bons outils à mettre entre les mains des enseignants… et des élèves ! (Pour plus de resources)
Chaque année, de nouvelles ressources pédagogiques apparaissent, permettant aux élèves de s’approprier les réseaux sociaux et d’en faire un usage intelligent. Je pense ici à des activités de grammaire en utilisant Instagram, aux concours de twittérature (littérature en 140, et maintenant 280 caractères, sur Twitter), et à bien d’autres.
Certains enseignants, dont je suis, invitent leurs élèves à réaliser un blogue qui, en y incorporant divers textes, comptes rendus et autres réflexions, constitue, alors, un portfolio numérique. On leur apprend ce qu’on appelle le savoir-publier, tout en leur permettant de pratiquer leur écriture.
Parallèlement, d’autres outils sont parfois utilisés en milieu scolaire sur un réseau en circuit fermé et sécurisé. Certains sont purement une transposition numérique de cahiers d’exercices papier. On n’y retrouve, à mon humble avis, aucune valeur ajoutée. D’autres offrent un environnement imitant certains réseaux sociaux, mais se retrouvant sur une plateforme sécurisée, afin d’offrir une meilleure sécurité pour un jeune public. Cela représente une bonne occasion, surtout pour les plus jeunes, de s’entrainer afin de mieux naviguer dans le monde numérique. Sans compter les laboratoires créatifs qui commencent à apparaitre ici et là…
Relativement à tout cela, il est important de se questionner au sujet de la meilleure façon d’assurer une cohérence parmi une multitude d’outils fort différents. Nous devons aussi faire en sorte que tous ces changements ne soient pas perçus par les enseignants comme une corvée supplémentaire et du surplus à ajouter à leurs tâches d’enseignement déjà considérables. Il s’agit plutôt pour eux de développer eux-mêmes, ainsi que chez leurs élèves, l’état d’esprit pertinent requis et la juste disposition à adopter. Il est alors évident qu’il devient nécessaire d’aider nos élèves à développer les compétences indispensables afin de s’adapter sainement au numérique. En effet, nos élèves doivent apprendre à naviguer dans une mer d’informations qui comprennent des faits, des opinions, de vraies et fausses nouvelles, les avis de tout un chacun, des rumeurs, ainsi que des manipulations, volontaires ou non, de certaines personnes influentes. On pourrait ajouter ici la publicité ciblée que l’on reçoit à partir des traces qu’on « veut » bien laisser lors de nos pérégrinations sur Internet.
Comme enseignant de français, la mission que je perçois, c’est primordialement d’aider mes élèves à développer les compétences requises en lecture, car seule la lecture intelligente, attentive et consciente, qui fait appel à diverses compétences informationnelles de discernement et d’analyse, permettra à nos élèves d’éviter de tomber dans divers pièges et de profiter pleinement de cette manne d’informations qui est désormais devenue beaucoup plus accessible qu’autrefois, situation dont certains profitent malheureusement pour polluer l’atmosphère numérique.
Cette connectivité, qui engendre la collaboration, il faut arriver à mieux l’intégrer à l’évaluation, mais en la remaniant afin de la rendre vraiment pertinente.
Comme enseignant dans le sens global, il devient pour moi de plus en plus évident que le carcan actuel dans lequel évolue tout ce que je considère comme « évaluation des apprentissages » devra être fortement remanié. Je ne propose pas ici une transposition numérique de la façon traditionnelle d’évaluer en ne faisant que changer l’outil utilisé. Actuellement, certaines expériences tentent de faire cela dans un environnement sécurisé, en débranchant l’outil numérique bien que, depuis son apparition, l’outil numérique ne fonctionne à son plein potentiel que lorsque les participants travaillent en collaboration sur des tâches quand ils sont connectés. C’est justement cette connectivité, qui engendre la collaboration qu’il faudra arriver à mieux intégrer à l’évaluation, mais en la remaniant de fond en comble afin de la rendre vraiment pertinente. Mais ça, c’est un tout autre dossier, fort gigantesque, qu’il faudra avoir le courage d’aborder plus tôt que tard.
Qui plus est, tout ce qui concerne les équipements numériques devra aussi être rapidement reconsidéré, et cela avec discernement et un « gros bon sens ». Les écoles privées peuvent demander aux parents d’acheter un outil technologique pour leur enfant. Toutefois, les écoles publiques n’ont, en principe, pas le droit d’exiger ce genre de contribution. On a qu’à penser à la saga du recours collectif survenue récemment au Québec, recours mené par un groupe de parents, et d’avocats, à propos du « petit » matériel scolaire, et à tout ce que cela a impliqué comme questionnements et réajustements dans les commissions scolaires et écoles du Québec pour la rentrée 2018. (Voir à ce sujet les sites suivant : Économies et cie et ministère de l’Éducation). Alors, que faire pour la majorité des élèves qui fréquentent l’école publique ? Le BYOD (Bring your own device) ou AVAN (apportez votre appareil numérique) ? Il y aura forcément des élèves qui n’auront pas les moyens d’acheter leur propre appareil. Le leur fournir (grâce au PAN, au Québec, le Plan d’action pour le numérique) pourrait être une solution moins onéreuse que de fournir un appareil à l’ensemble des élèves. L’autre bémol que certains voient au BYOD/AVAN est le fait que la flotte d’appareil n’est alors plus uniforme ; mais est-ce que cette uniformité est vraiment nécessaire ? Pour les techniciens en informatique, elle l’est. Pour les enseignants qui veulent conserver une approche traditionnelle centrée sur l’enseignant qui gère tout, elle l’est aussi. Selon moi, le rôle de l’enseignant est avant tout d’exercer ses compétences pédagogiques. L’uniformité du parc d’appareil n’est pas nécessaire si on utilise des outils d’apprentissage multiplateformes. Mais il faut être prêt à composer avec des situations qui ne seront forcément pas linéaires, ni toujours tranquilles ou paisibles. Bref, on n’a pas fini de parler de ce sujet-là non plus.
En conclusion, je dirais que quiconque arrive à vivre dans ce monde complexe aux multiples réalités (et fictions !), et aussi à le comprendre, pourra parvenir à avoir, tout d’abord, du pouvoir sur sa propre vie et il saura de plus comment influencer autrui, au lieu de simplement subir ce qu’on lui dira de penser. Développer un esprit critique et le pouvoir de penser par soi-même est devenu essentiel au 21e siècle, même si cela a toujours été un idéal à atteindre à toutes les époques. C’est tout simplement devenu encore plus primordial aujourd’hui, alors que la démocratie est parfois mise à dure épreuve dans nos sociétés.
Photo : Gracieuseté de l’auteur Sylvain Bérubé
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2018
Cet article présente un projet pédagogique interactif visant l’enseignement des sciences, et plus particulièrement l’étude du cerveau, dans de nombreuses régions du Québec, incluant le Nord. On y discute aussi l’impact des neurosciences sur l’apprentissage et sur les problèmes de société.
DEMANDEZ À UN ENFANT de dessiner un scientifique et observez le résultat. Beaucoup représentent alors un personnage ressemblant à Einstein, décoiffé, vêtu d’une blouse blanche, mélangeant des solutions chimiques bouillonnantes et colorées. Cette représentation peut être bousculée lorsqu’un scientifique loin de ce stéréotype, vient en classe et rend les sciences tangibles et accessibles pour les jeunes esprits. Des échanges individualisés entre les scientifiques et le grand public permettent de franchir les barrières qui existent entre les deux mondes, et de contourner le fait que les médias soient les seuls à relayer ces informations. Au lieu d’être quelque chose que « d’autres personnes font », elles deviennent quelque chose « avec laquelle je peux interagir ». Voilà l’histoire d’un programme de cycle supérieur de Montréal qui crée des liens avec les enfants de la province de Québec.
Mission Cerveau a été lancé en 2011 par la Dre Joséphine Nalbantoglu, alors directrice du Programme intégré de Neurosciences à l’Université McGill (voir la section « Ressources » pour des liens vers ce programme et d’autres indiqués dans le texte). Ian Mahar, un étudiant de cycle supérieur, présentateur et coordinateur lors du lancement du programme se souvient : « Joséphine nous a réunis et nous a demandé si quelqu’un serait intéressé par le lancement de cette initiative, Mission Cerveau. Plusieurs d’entre nous ont répondu positivement. À ce moment-là, nous n’imaginions pas comment cela évoluerait, mais je suis sûr que nous aurions été surpris de savoir où nous nous rendions. »
Grâce à Mission Cerveau, les éducateurs bénévoles de cycles supérieurs se rendent dans des écoles dans le Grand Montréal, pour mener des séances de sciences pratiques et interactives à propos du cerveau. Un élément clé de Mission Cerveau est que le même étudiant revient dans la même classe plusieurs fois au cours de l’année. Un lien fort se crée alors entre les étudiants et les élèves dont la curiosité et la confiance augmentent au fur et à mesure des rencontres. Selon Jenea Bin, une autre coordinatrice des débuts de Mission Cerveau : « Nous avions décidé de cibler les écoles des quartiers défavorisés de Montréal, car certains élèves n’ont pas toujours accès aux moyens éducatifs scientifiques. Au niveau du secondaire, ces écoles ont également un plus grand taux de décrochage. »
Un autre élément propre à Mission Cerveau, et présent depuis ses débuts, est le développement d’un programme s’accordant avec les récentes recherches sur l’apprentissage — puisqu’après tout, nous sommes dans un programme de neurosciences! Chaque présentation comporte des activités interactives afin que les élèves puissent utiliser le matériel et non pas seulement l’observer. Nous aidons les élèves à observer différentes cellules du cerveau grâce aux microscopes, à toucher un vrai cerveau, à enregistrer des signaux électriques musculaires, et à comprendre la perception sensorielle grâce à des lunettes à prisme. Avant et après chaque séance, le contenu est résumé et revu avec les élèves afin d’améliorer la rétention des apprentissages. Le programme initial a été développé en un an, puis chaque année il a été amélioré, consolidé, et mis à jour en fonction des développements de la recherche en neurosciences, un domaine dont les connaissances évoluent tous les jours.
Mission Cerveau Nord a été développé en 2013-2014 afin d’atteindre les enfants du nord du Québec. « Une partie de ma famille habite dans une petite communauté sur les iles Baffin, appelée Cape Dorset », explique Emily Coffey, qui a bâti les fondations de cette nouvelle initiative. « Dans ces petites communautés du nord, beaucoup d’enfants ont encore moins accès aux sciences. Ils ne peuvent pas se rendre dans des musées, et pourraient ne jamais rencontrer de scientifique. » Il a fallu réimaginer Mission Cerveau, et créer des guides numériques pour les enseignants et des vidéos expliquant les concepts et activités pratiques puisque nous ne pouvions nous rendre sur place en personne.
« J’ai tout de suite accroché, dès la première présentation; je voulais présenter dans le plus de classes possible », se souvient Ian. Lui et plusieurs bénévoles lui ayant succédé étaient motivés de faire découvrir les recherches les plus innovantes possible, de cultiver l’envie d’apprendre chez les élèves, et de défaire certains mythes des neurosciences (utilise-t-on seulement 10 % de notre cerveau? Non!).
Aujourd’hui, des parents nous demandent de venir dans les écoles de leurs enfants. Cela nous touche, et nous sommes impressionnés de voir les parents qui proposent de faire le lien entre le programme et l’école — toujours avec l’aide et le dévouement de l’enseignant évidemment. Le temps d’enseignement est limité, et les enseignants ont un programme à tenir. Pour que le programme soit bénéfique, et que les heures soient utilisées efficacement, nous avons adapté notre programme au programme officiel québécois; et nous communiquons également les sujets de prédilection des séances aux élèves. Par exemple, ces derniers doivent apprendre la méthode scientifique et sa terminologie associée. Sur notre séance sur les cellules du cerveau, nous demandons aux étudiants de formuler une hypothèse sur la forme d’un neurone et de la dessiner. Ensuite, les élèves observent de vraies cellules du cerveau et notent leurs observations, puis ils dessinent ce qu’ils observent, de la même manière que les grands scientifiques avant eux, qui furent les premiers à observer ces cellules étonnantes.
Les sessions de Mission Cerveau, sont aussi utiles pour informer les élèves sur les neurosciences et certains problèmes de société. Par exemple, dans le programme du secondaire, une séance entière est dédiée aux mécanismes de dépendance et aux drogues, et à l’école primaire, on aborde la question du sommeil, de l’attention, des émotions et de la mémoire.
Une fois qu’un lien fort est créé, on atteint une situation où tous les acteurs du projet sont gagnants — les enseignants enrichissent leurs séances de science, les enfants développent des relations avec des personnes qui font actuellement des recherches en neurosciences, et les étudiants en neurosciences acquièrent des compétences cruciales en communication et présentations et se rapprochent du grand public. « Les enfants sont toujours impatients, et excités de savoir que les présentateurs de Mission Cerveau arrivent », selon les enseignants. Ben Gold, un présentateur du programme pendant quatre ans, a remarqué qu’il avait beaucoup appris sur les neurosciences en révisant les bases, en réfléchissant à la perspective d’un enfant et en travaillant avec d’autres bénévoles qui ont d’autres domaines d’expertise que le sien. Une autre bénévole, Cindy Hovington, a été tellement inspirée par son expérience qu’elle a fondé Le Neurone Curieux, un programme dédié à l’application des connaissances à destination du grand public.
Au fur et à mesure de la croissance de l’organisation, nous avons dû structurer et systématiser notre programme. C’est un défi pour les étudiants en neurosciences, qui sont habitués à un travail plus isolé au sein de leur laboratoire, et qui contribuent bénévolement au projet. Cela revient à se jeter dans le grand bain de la gestion de projet.
Nous avons formé des sous-comités de 10 personnes pour les écoles primaires, secondaires et celles du Nord. Certains gèrent le recrutement des écoles et l’attribution des écoles, d’autres ont travaillé sur le contenu et la traduction en français. D’autres encore, prennent en charge la logistique et la distribution du matériel pour les activités interactives qui ont lieu toutes les semaines. Nous utilisons des outils numériques : Google Drive, Wikispaces, Slack, etc.
Mais, dans tous les cas, les étudiants font vivre ce projet grâce à leur enthousiasme et leur énergie, et le soutien des administrateurs du programme. En plus du soutien structurel du Programme intégré de Neurosciences, nous nous sommes associés au CRBLM (Centre de recherche sur le cerveau, le langage et la musique) pour des fonds supplémentaires, encore plus de bénévoles et la possibilité de présenter les ateliers ponctuellement pour 24 heures de Science. Depuis peu, des stagiaires de l’école de gestion John Molson de l’Université Concordia nous aident à construire un réseau professionnel et à lever des fonds.
Kelly Smart, la directrice actuelle de Mission Cerveau Nord, s’occupe en outre des interactions interculturelles et d’établir des relations professionnelles à distance. « Notre approche est de collaborer dès qu’on le peut. Nous contactons des associations qui détiennent déjà les expertises dont nous avons besoin, et nous essayons de nous joindre à eux et d’apprendre. Cela requiert d’être persévérant, d’être à l’écoute, et de s’adapter continuellement », explique Kelly.
Enfin, comme pour toute association bénévole, les financements posent problème. Mission Cerveau n’a pas de modèle de financement complètement pérenne. Pour la plupart, nous avons fonctionné grâce aux dons de matériel et des bureaux temporaires. Cependant, nous avons reçu des aides précieuses, comme une bourse Telus, et récemment une campagne de financement participatif qui nous a permis d’amasser 12 000 $! Ces fonds vont nous permettre de mieux prévoir dans le futur, et d’investir dans des éléments structurels clés tels qu’un site internet, et nous permettre d’envoyer des bénévoles de Mission Cerveau Nord dans des communautés autochtones pour des camps scientifiques.
Nous continuons de développer et améliorer notre programme en fonction du retour que nous recevons des bénévoles et des enseignants, mais la mesure la plus fidèle de notre succès est le taux de réinscription des écoles. Cette année, nous avons envoyé 100 étudiants dans plus de 30 écoles du grand Montréal et dans 3 communautés du nord. Sous l’impulsion de Marisa Cressati, la coordinatrice du secondaire, nous avons observé une augmentation du nombre d’écoles secondaires et de classes non traditionnelles, telles que des coopératives d’école à la maison, ou de classes spécialisées pour les enfants à besoins particuliers. Nous espérons inspirer d’autres programmes universitaires, en particulier dans une époque où certains médias rendent trouble la différence entre les « bonnes » et les « mauvaises » sciences. Donner un visage à la science peut changer la manière d’interagir avec elle, quel que soit notre âge.
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Integrated Program in Neuroscience (en anglais)
Curious Neuron (en anglais)
Photo : gracieuseté d’Anastasia Sares
N.D.L.R. Cet article a paru en version anglaise dans le magazine Éducation Canada de septembre 2018 (Vol.58 No.3).
Traduction par Laureline Arnaud, publié dans le magazine Éducation de décembre 2018.
Sans aucun doute, il est impératif de discuter de vérité et de réconciliation dans toutes les salles de classe de chaque collectivité et établissement d’enseignement au Canada. Ma façon traditionnelle mi’kmaq de concevoir le monde m’amène à croire fermement que ces discussions doivent commencer par des échanges d’expériences, ceux-ci étant le fondement de toute relation. Je crois aussi passionnément que ces échanges doivent être continus et prendre place dans un parcours reconnu de coapprentissage dans lequel nous, les peuples autochtones et les nouveaux arrivants dans nos terres autochtones, cherchons à apprendre ensemble, à apprendre les uns des autres et à tirer profit des forces, en fait, du meilleur, de nos façons de savoir, de faire et d’être.
J’ai mis de l’avant, il y a de nombreuses années, le principe d’Etuaptmumk, ou « Voir avec deux yeux », comme principe de coapprentissage. Ce principe nous aide à comprendre que le fait d’être disposé à tenir compte d’au moins deux points de vue est beaucoup plus susceptible de produire un résultat satisfaisant, quelle que soit la situation. Comme tel, Etuaptmumk/« Voir avec deux yeux » peut être compris comme le don de perspectives multiples, cher au peuple Mi’kmaq et probablement à la plupart des peuples autochtones. Notre monde actuel offre de nombreux domaines où ce principe, ce don, est extrêmement pertinent, notamment ceux de l’éducation, de la santé et de l’environnement. J’ai souvent décrit ce principe comme suit :
« Je, vous et nous avons besoin d’apprendre à voir d’un œil, avec ce qu’il y a de meilleur dans les savoirs et les modes de connaissance autochtones… et d’apprendre à voir de l’autre œil, avec ce qu’il y a de meilleur dans les savoirs et modes de connaissance conventionnels (occidentaux ou eurocentriques)… mais surtout, je, vous et nous devons apprendre à voir avec ces deux yeux ensemble, pour le bien commun. »
D’après mon expérience, nombreux sont les gens partout au Canada qui souhaitent réunir les modes de connaissance des peuples autochtones et ceux des nouveaux arrivants. Des approches et des noms différents sont employés pour désigner cet exercice, et Etuaptmumk/« Voir avec deux yeux », n’en est qu’un parmi bien d’autres. Cela dit, cet exercice n’en est pas plus facile pour autant. J’insiste toujours pourtant sur le fait que le processus de coapprentissage est essentiel si l’on veut développer et entretenir une compréhension et des capacités collectives et collaboratives. Sinon, cet exercice peut trop facilement glisser vers une approche paresseuse, purement formelle, où Etuaptmumk/« Voir avec deux yeux » et d’autres efforts similaires deviennent rapidement un jargon banalisé, romancé, récupéré ou utilisé comme « mécanisme » dont les connaissances sont simplement assemblées, et d’où le coapprentissage Etuaptmumk/« Voir avec deux yeux » est absent. C’est pourquoi nous avons besoin d’un coapprentissage continu dans nos salles de classe. Mais nous devons aussi agir selon la reconnaissance qu’il existe de nombreux milieux d’apprentissage informels dans l’ensemble de nos collectivités et de la société… et que le coapprentissage doit se faire dans ces milieux aussi bien que dans le cadre scolaire. Je crois par conséquent que ce besoin éducationnel est vaste et profond.
J’ai bien hâte de lire ce numéro spécial de la revue Éducation Canada. Nous devons raconter nos expériences et apprendre à écouter des récits autres que les nôtres… nos savoirs résident dans nos expériences.
L’pa ma’ pun tluow ta’n tettuji nuta’q sku’tminenow Ketlewo’qn aq Apiksiktuaqn msit wutaniminal aq msit ta’n te’sikl kina’matnuo’kuo’ml ta’n telki’k u’t Kanata. Ta’n ni’n tel nestm koqoey, amujpa tela’sik wlu wsitqamu’kminu. Amujpa etlewistu’ti’k aq wesku’tmu’k ta’n wejitaik mita ta’n tujiw etlewistu’ti’kw melkiknowatu’k ta’n teli-mawqatmu’ti’k u’t wsitaqmu. Paqsipki-tlamsitm ta’n tettuji nuta’q u’t tla’siktn ke’sk pemitaikl msit wutawtiminal. Nutaik toqi- kina’masultinew mawi kwilmu’kl ikjijitaqnminal aq kinu’tmasultinew ta’n koqoey maw-kelu’kl e’tasiw ala’tu’kl, muskajewe’l. Mu ajkine’nuk ta’n tettuji pilui-kina’masulti’k, ta’n tel-lukuti’k aq ta’n telo’lti’k – mawikwaik amujpa nike’ – l’nu’k aq ak’lasie’wk.
Sa’qiji’jk na nike’wesku’tm aq kekkina’muey ta’n ni’n telo’tm wela’sik tel-kina’masultimk kiskuk. Telui’tmap “Etuaptmumk.” Akklasie’wiktuk telui’tasik – “Two-Eyed Seeing.” Etuaptmin na koqoey, toqa’tu’nl ikjijitaqnn. Mnaqij akkaptmin u’t tel kina’masimk, nmitisk aq wetuo’tisk me’aji wl’a’sik toqa’tumk ikjijitaqnn l’nue’l aq aklasie’we’l. Na nekmowey wjit Etuaptmumk teliksua’tasik kutey iknmakumkl ta’n tujiw tel-kina’masimk l’nuimk. Nestmu’k, mita sa’q ki’s tel’ukuti’k aq kesite’tmu’k.
Kiskuk u’t eymu’ti’k u’t wsitqamu pukwelkl etekl koqoe’l ta’n kisi we’wmu’k Etuaptmumk. Kisi we’wmu’k wjit kinamasuti, t’an teli-tajiko’lti’k, aq ta’n te’li klo’tmu’k u’t wsitqamu. Kaqisk teluey amujpa ewe’wmin newte’jk pukik meknimin ta’n mawi-knaql lnueye’l ikjijitaqnn ta’n nenminn aq ta’n mawi-wla’sital wjit ki’l, ni’n, aq kinuk, tujiw kekknu’tmasin ewe’wmin piluey pukik ta’n te’sik nenmin ikjijitaqn akla’siewey koqoey kelu’k ta’n tel-nmitu’tij. Tujiw weswa’tu’nl ikjijitaqnn aq toqwa’tu’nl – Etuaptmumk msit kowey, mawa’tu’nl aq aji wlaptikemk kwilimimk mawi-kelu’k wjit msit wen. Ta’n ni’n telaptm koqoey aq ta’n tel nenm, pukwelk wen ewe’wk Etuaptmumk msit Kanata aq se’k u’t wsitqamu. Pukwelk wen wetnu’kwalsit kisi toqa’tun l’nuey aq akklasie’wey klaman wla’sitow aq klu’ktitow. Jel ap pilu’wi’tmi’tij ta’n tujiw wejitu’tij, katu newte’jk na pasik ni’n telo’tm etek – Etuaptmumk. Katu ap mu-ajjkine’nuk mita l’pa ma’ pun tluow ta’n tel nuta’q mawa’tunew aq toqa’tnow ikjijitaqnminal pemitaik kekknamasutimk klaman ml’kiknowatisnuk mawa’tu’kl ta’n te’sikl iknmatimkewe’l ala’tukl aq ta’n te’sikl me’ kisi kina’masultitesnuk.
Mu ml’kuktmuk u’t nike’, aq attikineta’wk toqa’tunew, aq e’tasiw kepmite’mukl kjijitaqnn lnu’eyl aq akklasie’we’l, na mnaqnatew aq ewliksu’a’tasiktitew koqoey maliaptmu’k. Na ni’n nekmowey ketlamsitm aq kejitu nuta’q u’t toqa’tasin kkjijitaqnn kina’matmuo’kuo’ml, katu elt nuta’q kepmite’tminow te’sik kisi kina’masimk wutaniminal aq msit u’t wsitqamu. Nuta’q elt tuwa’lanew kwijimuk ta’nik kekknamu’kik mita asa newte’ te’sik kisi kina’masultitaq kwijimuk aq malikwuo’mk. Ta’n tel-nemutu ni’n, kenek me’ eltaik kekkna’masulti’kl toqwa’tumk u’t kkjijitaqnn, pukwelk me’nuta’q pana’tunew. Nenaqite’tm u’t wi’katikn: Kina’masuti Kanata: Nuta’q kin’ua’tatultinew a’tukwaqniminal aq kina’masultinew ejiksitmu’kl atukwaqnn se’k wejiaql – kkjijitaqnminu mimajik atukwaqnnminal.
(Pensées de l’aîné Albert Marshall, transcrites en Mi’kmaq par Carol Anne Johnson)
Première publication dans Éducation Canada, juin 2018
Les étudiants en formation des maîtres sont-ils bien préparés à jouer un rôle aussi complexe que celui qui les attend à leur sortie de l’université? Les recherches actuelles sur l’insertion professionnelle des enseignants nous laissent perplexes à cet égard, alors qu’elles font état d’un phénomène d’abandon important et croissant au fil des années. Ici comme ailleurs, les enseignants développent un répertoire de compétences professionnelles pendant leur formation initiale. Pourtant, plusieurs d’entre eux affirment ne pas se sentir prêts à faire face aux exigences de la profession, et exprimeraient rapidement l’intention de l’abandonner, parfois même au cours de la première année d’exercice. Létourneau évalue qu’approximativement 50 % des enseignants québécois quittent la profession au cours des cinq premières années, avec un taux d’abandon moyen oscillant entre 25 % et 30 % au terme de la première année1. Ces chiffres sont similaires à ceux relevés dans d’autres provinces canadiennes2, dans différents pays européens et aux États-Unis. Dans ce dernier, Ingersoll a observé un phénomène de « portes tournantes » (revolving door). Selon Canisius Kamanzi, Barroso Da Costa et Ndinga, ce dernier phénomène ne serait pas le fruit d’une « action fortuite » et serait attribuable à un processus de « désengagement professionnel » au cours duquel les nouveaux enseignants développent l’intention d’abandonner la profession. Comment expliquer ce processus et, surtout, comment intervenir pour l’endiguer? Nous en proposerons d’abord une définition, pour identifier ensuite les facteurs explicatifs qui permettront d’établir des pistes d’intervention.
Selon Canisius Kamanzi, Barroso Da Costa et Ndinga, l’abandon serait l’aboutissement d’un processus de désengagement progressif, ponctué par le développement d’attitudes négatives envers la profession, ainsi que par la perte graduelle d’une motivation à offrir des services éducatifs de qualité aux élèves. Au cours de ce processus, les enseignants voient leurs ressources motivationnelles se détériorer : ils pourraient être tentés d’adopter des comportements d’évitement et de renoncement (absentéisme/présentéisme), d’afficher des cognitions (diminution de la qualité et du degré des efforts intellectuels) et des affects (investissement émotif) négatifs. Ceux évaluant l’option de l’abandon effectif de la profession pourraient par ailleurs être inspirés par un désir de se soustraire au stress et aux frustrations qui ont pendant trop longtemps miné leur quotidien.
Ainsi, c’est à juste titre que le désengagement des enseignants préoccupe les politiciens, administrateurs et chercheurs du domaine de l’éducation. Il a d’ailleurs été estimé que 22,4% des enseignants canadiens considéraient en avoir assez d’enseigner et que 23,5% songeraient souvent ou très souvent à changer de profession3. Au Québec, ce serait environ 43% des jeunes enseignants qui affirment avoir déjà songé sérieusement d’abandonner la profession, selon Gingras et Mukamurera. L’expression de cette intention ne conduit pas nécessairement à l’abandon effectif, même s’il y avait un fort lien de causalité4. En outre, les comportements associés au désengagement sont distincts de ceux relatifs à l’intention d’abandonner. Toutefois, ces processus demeurent causalement reliés : le processus de désengagement précède toujours l’intention d’abandonner. Pour court-circuiter cette relation causale, il faut intervenir sur les facteurs de protection de l’engagement professionnel.
L’engagement professionnel est un état psychologique d’ordre motivationnel correspondant à la relation d’attachement qu’un individu éprouve à l’égard d’un métier et des pratiques lui étant associées5. Cet attachement est à la fois distinct et relatif à celui relatif à un employeur ou à une organisation professionnelle. Selon les psychologues du travail, plusieurs facteurs définissent cette relation d’attachement, notamment le sentiment d’efficacité personnelle enseignant (SEPE) et le stress. D’un point de vue motivationnel, cette relation influencerait la nature des buts que les individus se fixent, ainsi que l’intensité et la persistance des efforts qu’ils déploient à cette fin dans le cours de leurs activités laborieuses. En principe, plus l’engagement professionnel est élevé, plus les individus auraient des attentes élevées et des buts ambitieux, s’engageraient activement dans les tâches, en retireraient un degré de satisfaction élevé et développeraient, in fine, une relation d’attachement à l’égard de leur profession en ce qui concerne les attitudes et les intentions6.
Dans cette dynamique motivationnelle, deux facteurs intrinsèques se dégageraient à cause de leur rôle médiateur au regard des autres facteurs motivationnels et de leur impact sur la qualité des expériences professionnelles et les performances effectives. Le premier concerne l’engagement dans les tâches, qui est défini comme un état psychologique d’épanouissement ponctué par le dévouement et l’investissement personnel. Selon Li, Wang, Gao et You, il y aurait une relation dynamique entre ce facteur, la qualité des expériences professionnelles, la satisfaction personnelle retirée de celles-ci et l’attachement à l’organisation professionnelle7. Simbula et Guglielmi démontrent ainsi que l’engagement dans les tâches aurait une valeur prédictive au regard de la satisfaction professionnelle. Toutefois, les recherches rendent compte d’enseignants débordés, exprimant un manque de contrôle et un état d’épuisement dans un contexte passablement difficile, où leurs tâches se complexifient. Selon Chong et Low, le désengagement des enseignants serait principalement causé par le faible niveau de satisfaction qu’ils retirent de l’acte d’enseigner et des tâches relatives à celui-ci.
Le deuxième facteur est le SEPE, tiré de la théorie sociocognitive de Bandura. Celui-ci fait référence à la confiance qu’a un individu en sa capacité de réaliser une tâche ou d’atteindre un objectif. Un SEPE plus fort se traduira par des objectifs personnels plus ambitieux et un engagement plus élevé dans leur réalisation. Comme l’indiquait récemment Nancy Gaudreau dans les pages de la présente revue, le SEPE module l’intensité des émotions et affecte ainsi l’interprétation des situations professionnelles et des interventions à entreprendre. Les enseignants ayant un SEPE élevé présenteraient une humeur davantage enthousiaste et percevraient davantage les situations difficiles comme des opportunités d’apprentissage8. En outre, ils seraient mieux disposés à collaborer et à adapter leurs interventions aux besoins de leurs élèves, ainsi qu’à expérimenter de nouvelles pratiques pédagogiques. Le SEPE assurerait également une fonction médiatrice au regard du stress, l’impression de contrôle qu’il génère contribuant à diminuer ce dernier. Les recherches sur l’insertion professionnelle donnent à penser que le SEPE ne serait pas élevé chez les jeunes enseignants. Elles attribuent ainsi le désengagement professionnel au sentiment d’incompétence qui tend à s’accroître au cours des premières années d’exercice. En outre, ce phénomène compromettrait la fonction médiatrice du SEPE au regard du stress qui, dès lors, tend à accentuer ce sentiment d’incompétence et à générer des émotions négatives (déception et frustration). Il importe donc d’intervenir rapidement à l’égard de ces deux facteurs, dont l’impact sur l’intention d’abandonner la profession est démontré.
Comment prévenir ce phénomène? Certes, les programmes d’insertion professionnelle – procédant à l’aide de groupes de soutien, de réseaux d’entraide et de mentorat – peuvent contribuer à l’endiguer. Nous faisons néanmoins l’hypothèse que des interventions ciblées au cours de la formation initiale, et principalement lors des stages, pourraient en accroître les effets. Ces derniers sont l’occasion pour les stagiaires de s’engager dans les tâches enseignantes et de mettre à l’épreuve leur SEPE. Les expériences anxiogènes rencontrées en stage sont susceptibles de compromettre ce dernier, et le préserver se présente donc comme une préoccupation constante des formateurs universitaires. Gaudreau propose à cet égard cinq types d’intervention favorables au développement du SEPE9; des interventions qui, par ailleurs, rejoignent les facteurs établis par Bandura :
Un autre moyen d’intervenir plus efficacement sur ces deux facteurs serait également d’améliorer les programmes de formation à l’enseignement. Dans cette perspective, nous abordons une autre question soulevée par ce numéro spécial : Les cours universitaires constituent-ils des référentiels convaincants pour les nouveaux enseignants, leur permettant de vivre harmonieusement leur insertion professionnelle? À l’heure actuelle, il semblerait que des progrès soient encore à réaliser. Nous en identifions deux au regard de nos facteurs :
Certes, il n’est pas certain que les interventions et les changements que nous proposons contribuent à rehausser les compétences professionnelles des nouveaux enseignants. Néanmoins, ils feraient probablement en sorte que ces derniers les « sentent » davantage. Dans un contexte de désengagement professionnel, où le plaisir même d’enseigner serait en train de s’effriter, ne serait-il pas temps pour les formateurs universitaires de s’attarder à cette question : nos enseignants en formation ont-ils l’impression, malgré les difficultés, de s’engager dans le plus beau métier du monde?
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2018
1 Létourneau, E. (2014). Démographie et insertion professionnelle : une étude sur le personnel enseignant des commissions scolaires du Québec. Communication présentée lors du colloque de l’ACFAS, La démographie de demain : innovations, intersections et collaborations, Montréal, 14 mai. Repéré à www.ciqss.org/presentation/demographie-et-insertion-professionnelle-une-etude-sur-le-personnel-enseignant-des
2 Kamanzi, P.C., Barroso Da Costa, C. et Ndinga, P. (2017). Désengagement professionnel des enseignants canadiens : de la vocation à la désillusion. Une analyse à partir d’une modélisation par équations structurelles. McGill Journal of Education, 52(1), 115-134.
3 Kamanzi, P. C., Lessard, C., Riopel, M.C., Blais, J. G., Larose, F., Wright, A. et Bourque, J. (2008). Les enseignants et les enseignantes du Canada : contexte, profil et travail. Montréal, Université de Montréal, CRIFPE.
4 Klassen, R.M. et Chiu, M.M. (2011). The Occupational commitment and intention to quit of practicing and pre-service teachers: Influence of self-efficacy, job stress, and teaching context. Contemporary Educational Psychology, 36(2), 114-129.
5 Meyer, J. P. et Herscovitch, L. (2001). Commitment in the workplace: Toward a general model. Human Resource Management Review, 11(3), 299-326.
6 Simbula, S. et Guglielmi, D. (2013). I am engaged, I feel good, and I go the extra-mile: Reciprocal relationships between work engagement and consequences. Journal of Work and Organizational Psychology, 29(3), 117-125.
7 Li, M., Wang, Z., Gao, J. et You, X. (2015). Proactive personality and job satisfaction: The Mediating Effects of self-efficacy and work engagement in teachers. Current Psychology, 36(1), 48-55.
8 Tschannen-Moran, M. et Woolfolk Hoy, A. (2001). Teacher Efficacy: Capturing an elusive construct. Teaching and Teacher Education, 17(7), 783-805.
9 Gaudreau, N. (2013). Soutenir la mise en œuvre de nouvelles pratiques éducatives par l’accompagnement des enseignants et le développement de leur sentiment d’efficacité personnelle. Dans J. Pharand et M. Doucet (dir.), En éducation, quand les émotions s’en mêlent! Enseignement, apprentissage et accompagnement (p.174-197). Québec, QC : Presses de l’Université du Québec.
10 Doudin, P.A., Curchod-Ruedi, D. et Meylan, N. (2013). Développer les compétences métaémotionnelles des enseignants : quelle formation? Dans J. Pharand et M. Doucet (dir.), En éducation, quand les émotions s’en mêlent! Enseignement, apprentissage et accompagnement (p. 97-115). Québec, QC : Presses de l’Université du Québec.
Un « ping » est un signal sonore nous avertissant que quelque chose d’intéressant ou d’inconnu se manifeste autour de nous. Souvent, on doit investiguer pour comprendre davantage. Cela peut nous mener vers de nouvelles découvertes ou systèmes – soit vers un changement de taille. C’est ainsi que j’envisage la technologie et l’apprentissage. Dans cet article, je veux faire état de récents développements en Ontario et au Québec. Il ne s’agit que de quelques exemples parmi d’autres de notre initiative d’apprentissage en profondeur (Deep learning) à laquelle adhèrent plus de 1 000 écoles dans 7 pays, incluant plusieurs au Canada. Il faut dire que de nombreux changements sont présentement en cours et qu’ils ne sont que les balbutiements d’un changement encore beaucoup plus grand qui sera conduit par les leaders du système d’éducation (même si des forces externes s’avèrent indispensables pour parfaire la transformation du système). Quoi qu’il en soit, il est clair qu’un profond changement à l’échelle du système d’éducation va s’opérer au cours de la prochaine décennie et que le Canada en sera le chef de file.
Deux « ping », résonnant de façon différente, devraient nous interpeller : l’ennui et l’enthousiasme. Nous savons que la scolarisation traditionnelle a pour effet de « désengager » les élèves. Pour bien saisir cette problématique, posons-nous la question suivante : Est-il possible pour un élève d’obtenir de bonnes notes et un diplôme de fins d’études, sans pour autant être en mesure de se débrouiller dans la vie? Sans compter ceux qui décrochent ou sont complètement désintéressés de l’école. Un autre « ping » – celui qui offre le plus d’espoir – serait l’apprentissage en profondeur où la technologie, la pédagogie et de nouvelles cultures innovantes peuvent interagir afin de produire un apprentissage individuel et collectif dépassant les limites de tout ce que nous avons vu jusqu’ici. Ce changement fondamental est précisément le propos de mon article.
Bien que ce changement n’en soit qu’à ses débuts, il faut s’attendre à ce qu’il s’accélère de façon fulgurante. Il transforme radicalement les attentes d’apprentissage (en développant les compétences globales); il transforme la pédagogie (en mettant l’accent sur des sujets pertinents pour l’individu et la collectivité); et il transforme le contexte (centré sur l’apprentissage). En fait, cela change le fondement épistémologique de l’apprentissage ainsi que la raison d’être de l’homme dans l’univers. Le changement de taille dont il est question fait du pédagogue Paulo Freire un prophète. En effet, il y a 50 ans, celui-ci disait que le rôle de l’éducation était « de toucher et de transformer le monde [afin de créer] de nouvelles possibilités de vie toujours plus riche, tant sur le plan individuel que collectif » [Traduction libre].
Rappelons que l’apprentissage en profondeur se veut un apprentissage durable et non uniquement une acquisition du savoir.
Ce changement potentiellement radical en éducation pourrait être qualifié de « mouvement social de grande envergure ». Nous avons capté les débuts de ce mouvement (les trois premières années) dans un ouvrage intitulé « Deep learning : Engage the world Change the world »1. De façon plus informelle, j’aimerais présenter l’évolution de ce mouvement dont trois exemples proviennent de conseils scolaires de l’Ontario et un autre du Québec. Certaines de ces initiatives ne sont pas encore très avancées, mais cela progresse. Rappelons que l’apprentissage en profondeur se veut un apprentissage durable et non uniquement une acquisition du savoir.
Diagramme 1 (de l’OCSB)
L’OCSB compte 84 écoles et 41 000 élèves. L’OCSB s’est joint à notre initiative d’apprentissage en profondeur il y a trois ans et a immédiatement élaboré un programme de changement à l’échelle du système. Le déploiement s’est d’abord fait dans 7 écoles, puis 21 écoles et enfin dans toutes les écoles. Dans cet article, je ne pourrai vous décrire les multiples voies de communication et d’engagement ayant caractérisé le changement. Toutefois, la mise en œuvre fut participative et à l’échelle du conseil. Le diagramme 1 montre l’essentiel du modèle, semblable à celui figurant dans notre ouvrage publié en 2018, mais je me sers ici de la version de I’OCSB.
Voici un exemple de la stratégie : « Chaque mois, le conseil scolaire adopte un thème commun, partagé aux rencontres du personnel des écoles. Au cours des 10 mois de l’année, chaque école explore l’ensemble des quatre éléments et des six compétences globales ». De nombreuses idées chevauchantes sont mises en valeur et supportées par les interactions et l’usage de dispositifs numériques. Le conseil scolaire continue d’enregistrer des niveaux de réussite supérieurs à ceux de la province (même si on ne dispose pas encore de mesures pour les résultats des élèves en matière de compétences globales).
Diagramme 2 (Vision stratégique du CECCE)
Le CECCE est un conseil scolaire de l’Ontario qui compte 55 écoles et enregistre d’excellents niveaux de réussite depuis plusieurs années. Ce conseil a déployé plusieurs initiatives pour développer les apprentissages en profondeur dont le perfectionnement des enseignants leaders, le renouvellement de sa vision et mission pour engager les élèves et transformer leur expérience d’apprentissage, et l’actualisation du profil de sortie de l’élève qui comprend les six compétences globales. Dans l’une des initiatives, le CECCE a développé un outil de mesure en pensée critique et a interprété son impact. En tenant compte de la mentalité de croissance de ses dirigeants et de son personnel enseignant, le CECCE a évoqué les constats suivants :
En s’efforçant de créer des contextes d’apprentissage en profondeur, le CECCE soutient les pratiques professionnelles qui transforment l’apprentissage.
Les stratégies de coaching du CECCE auprès du personnel visent le développement de nouvelles pédagogies émergentes, des aménagements d’environnements et d’espaces d’apprentissage et une intégration de la technologie au service de l’apprentissage, du leadership et du bien-être de l’élève.
Glashan est une école publique intermédiaire pour les élèves de 7e et 8e années. En 2014, l’école a commencé à se pencher sur les 6 C. Jim Tayler, directeur de l’école, a décrit ainsi les premières étapes de l’évolution :
« Durant les deux premières années du projet, plusieurs enseignants se sont mis à intégrer les 6 C dans le cadre de leur pratique d’enseignement. Mais le projet est devenu beaucoup plus vaste. Plusieurs enseignants ont compris l’importance de modéliser les 6 C. Certains enseignants en sont venus à voir que les 6 C sont un levier important pour appuyer le curriculum et ses contenus. Ainsi, des élèves et des enseignants ont analysé certains romans et courts récits pour voir dans quelle mesure les personnages manifestaient les 6 C. Les enseignants se sont aussi penchés sur l’habileté de personnages historiques à manifester les 6 C. Beaucoup d’entre eux ont commencé à faire des liens entre les 6 C et le bulletin provincial, au niveau des habitudes de travail et des habiletés d’apprentissage.
L’utilisation des 6 C a pris de l’ampleur lorsqu’ils sont devenus les critères fondamentaux d’une demande de participation pour le premier voyage international de l’école en Chine, pour des élèves de 8eannée. Ceux-ci ont dû soumettre des évidences sur comment les 6 C se traduisaient à l’école, à la maison et dans la communauté. Les élèves ont donné libre cours à leur créativité et depuis, nous avons reçu de remarquables demandes de participation » [Traduction libre].
Les commissions scolaires au Québec et les conseils scolaires d’autres provinces ont eu peu d’occasions de collaborer par le passé en raison des différences linguistiques. Toutefois, le « ping » des changements de taille s’est fait entendre et les membres de la Direction générale des commissions scolaires, avec le soutien de la Fondation Chagnon, m’ont demandé en 2014 de les aider à actualiser « le leadership par le milieu » qui place les commissions scolaires au centre d’une stratégie de changement systémique axée sur le développement individuel et collectif en tant qu’agents transformateurs. C’est un important changement et 56 des quelque 70 commissions scolaires y ont souscrit.
Le projet « CAR : Collaborer Apprendre Réussir » est fondé sur les principes suivants :
La Fondation Chagnon s’est engagée à financer l’initiative au moins jusqu’en 2022. Certaines commissions scolaires adoptent maintenant les 6 C et l’apprentissage en profondeur. Le mouvement CAR est très fort à l’échelle du système et ne fera que s’amplifier au cours des quatre prochaines années. Le soutien de la fondation a permis la traduction de deux de nos ouvrages : « Le leadership moteur : comprendre les rouages du changement en éducation » et « Deep Learning: Engage the world Change the world » (en voie de traduction).
Ce bref article ne permet pas de capter tous les changements qui émergent à travers le Canada. D’ailleurs, des indicateurs concernant les valeurs et cultures des Premières nations, des Métis et des Inuits s’harmonisent parfaitement avec la compréhension d’un apprentissage en interaction continue avec l’univers et ses habitants.
La force du haut de la pyramide – aspect traditionnel de la scolarisation – n’est plus le point central pour effectuer des changements. Avec l’arrivée du nouveau mouvement, il faut tirer le bas vers le haut à l’aide de divers facteurs : de nouveaux agents imprégnés des 6 C, une technologie effrénée, une pédagogie radicalement différente et des collaborations professionnelles omniprésentes suscitant un changement de taille en éducation. Pour moi, cela représente une occasion en or pour diriger la transformation des écoles de l’intérieur!
Il vaut mieux se joindre au mouvement en tant qu’apprenant et créateur que d’être emporté par une vague déferlante de changement. Ne manquez pas le « ping »!
Cette traduction a été réalisée par Eugénie Congi, Surintendante du CECCE.
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2018
1 Fullan, M., Quinn, J. & McEachen, J. Deep learning: Engage the world Change the world. Thousand Oaks, CA.Corwin Press (2018).
La liberté de choix d’une école permet aux parents de décider d’envoyer leur enfant dans toute école, indépendamment de leur lieu de résidence. Les recherches révèlent que les familles, peu importe leur origine ethnique, leur niveau de revenu ou leur statut socio-économique, prennent toutes en compte des facteurs communs dans le choix d’une école. Ces facteurs comprennent l’excellence des résultats scolaires, l’offre de programmes et d’activités parascolaires, la compétence des enseignants*, le nombre d’élèves par classe et la disponibilité d’un service de garde. Cependant, les parents de milieux socio-économiques défavorisés ont tendance à faire d’un environnement sécuritaire leur principale préoccupation, tandis que les parents de statut socio-économique plus élevé ont tendance à privilégier les valeurs prônées par l’école. Bien que les enfants soient souvent affectés aux écoles publiques en fonction de leur lieu de résidence, cette différence de priorités reflète la diversité des besoins, intérêts et attentes des élèves et des parents au moment de choisir une école.
Tout permet de croire que la liberté de choix risque d’augmenter les inégalités entre les écoles, de réduire la diversité et de porter encore davantage préjudice aux élèves issus de milieux socio-économiques défavorisés. Les parents de tels milieux ayant généralement moins accès à l’information et aux ressources disponibles, il peut être difficile pour eux de prendre des décisions éclairées quant au choix d’une école. Par conséquent, le maintien de l’équité devrait être pris en considération dans toute initiative visant l’offre d’une liberté de choix de l’école afin de compenser tout obstacle lié au revenu ou à d’autres facteurs.
* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
Burke, L. (2014). « The value of parental choice in education: A look at the research. » Repéré à : http://www.heritage.org/education/report/the-value-parental-choice-education-look-the-research
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Raty, H., Kasanen, K. et Laine, N. (2009). « Parents’ participation in their child’s schooling. » Scandinavian Journal of Education Research, 53(3), p. 277–293.
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Glatter, R., Woods, P. A. et Bagley, C. (1997). « Diversity, differentiation and hierarchy: School choice and parental preferences. » Dans R. Glatter, P. A. Woods et C. Bagley (dir.), Choice and diversity of schooling: Perspectives and prospects (p. 7–28). London, UK : Routledge.
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Tannenbaum, M. D. (1995). « Vouchers. » Dans M. D. Tannenbaum (dir.), Concepts and issues in school choice (p. 7–15). New York, NY : The Edwin Mellen Press.
Teske, P., Fitzpatrick, J. et Kaplan, G. (2007). Opening doors: How low-income parents search for the right school. Washington, DC : Daniel J. Evans.
Willms, J. D. et Echols, F. H. (1993). « The Scottish experience of parental school choice. » Dans E. Rasell et R. Rothstein, R. (dir.), School choice: Examining the evidence (p. 49–68). Washington, DC : Economic Policy Institute.
À mon avis, c’est la place qu’on y offre aux parents!
Certes, on fait la publicité de l’assemblée générale annuelle des parents dans chacune des écoles. La convocation mentionne la tenue d’élection des parents au sein du conseil d’établissement, mais beaucoup plus rarement celle du représentant au comité de parents… Pourtant!
Ce comité mystérieux, genre de secte de la participation parentale, est le seul à n’être formé que de parents d’une même commission scolaire.
Les parents ainsi représentés par la Fédération des comités de parents du Québec prennent des positions nationales au Québec, pour ensuite être transmises au niveau politique. L’influence de cette instance décisionnelle n’est plus à démontrer! C’est ainsi que le Protecteur de l’élève ou le canevas unique de plan d’interventions pour les élèves ont été obtenus du gouvernement! Pas banal n’est-ce pas?
Le comité de parents est obligatoirement consulté sur certains sujets, comme le calendrier scolaire ou le plan de répartition des ressources. Il peut aussi donner son avis sur n’importe quel sujet, en tout temps!
Le comité de parents est un lieu privilégié d’échanges de solutions entre les parents de chacune des écoles. Méconnu, cet aspect revêt une grande importance : inutile de réinventer la roue, un parent voisin a peut-être déjà une solution à partager.
Bref, la mission du comité de parents est de transmettre les besoins et demandes des parents. Depuis 2016, les représentants du comité de parents au conseil des commissions scolaires ont le droit de vote, pouvant ainsi influencer et faire pencher la balance … Il n’y a pas à dire, les comités de parents sont importants dans la structure décisionnelle de nos établissements d’enseignement!
Photo : Anne-Sophie Hudon-Bienvenue
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2017
Il n’existe aucune recette sur l’art d’être parent. Pourtant, il s’agit parfois du rôle le plus important d’une vie : l’influence que nous exerçons auprès de nos enfants dans l’éducation et les valeurs transmises contribue de façon significative à façonner leur personnalité. C’est la raison pour laquelle la voie des parents est fondamentale en éducation. Chaque parent souhaite lancer ce cri du cœur au personnel de l’école : « Aide-moi à t’aider. Je connais mon enfant mieux que quiconque! ».
Le parent constitue le meilleur partenaire de l’école. C’est un allié. Savoir communiquer avec les parents est donc une compétence incontournable en milieu scolaire, comme en témoigne l’enseignante Karine Mackay. Pour sa part, Marie-Andrée Pelletier se questionne sur la préparation des futurs enseignants qui ont à faire face à « un spectre assez large de réactions possibles lorsqu’il communique avec les parents à propos de sujets délicats ». De leur côté, certains parents peuvent parfois trouver intimidant d’être en présence de spécialistes de l’éducation, notamment lors des plans d’intervention d’élèves à besoins particuliers. Comme le précise Jocelyne Chevrier, pour le parent, cette rencontre risque d’être empreinte d’émotion et de questionnement; elle propose donc tant aux enseignants qu’aux parents une façon de bien s’y préparer.
Indiscutablement, la voie des parents doit être prise en compte dans toutes les instances consultatives ou décisionnelles, qu’il s’agisse de l’école ou de la commission scolaire.
Dans une époque où le numérique est de plus en plus présent en contexte éducatif, les parents souhaitent être informés des avancées de la recherche. Je vous invite tous à prendre connaissance de l’article de Thierry Karsenti et Julien Bugmann concernant la présence des robots humanoïdes à l’école. De nombreuses initiatives novatrices se vivent actuellement tant au primaire qu’au secondaire afin de bien préparer les jeunes à ce nouvel univers du numérique qui les fascine tant! Il ne s’agit pas uniquement des élèves du régulier, mais également de ceux qui éprouvent des difficultés d’apprentissage ou ont le spectre de l’autisme. Ces expériences remportent un véritable succès auprès d’eux, car c’est dans ce nouvel univers du numérique qu’ils évolueront au quotidien, dans un avenir pas si lointain… Après tout, on n’arrête pas le progrès!
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Transmettez vos lettres ou propositions d’articles à redaction@edcan.ca.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2017
Être enseignante aujourd’hui n’est pas une tâche facile! Je m’appelle Karine et je suis une enseignante passionnée depuis maintenant 13 ans. J’enseigne la première année en immersion française dans un milieu multiculturel, riche par sa diversité.
Si au début de ma carrière, je trouvais difficile d’enseigner à des enfants de première année, aujourd’hui je ne souhaiterais pas enseigner un autre niveau. Je m’émerveille de les voir apprendre, progresser et relever de nouveaux défis tout au long de l’année scolaire.
Adepte du travail d’équipe, j’invite les parents à venir visiter la classe, à apporter les effets scolaires et à compléter un premier travail avec leur enfant et ce avant le début officiel de l’année scolaire. Je prends une photo de la famille et je leur dis qu’à partir de maintenant, nous sommes tous ensemble en première année. L’implication des parents, je l’invite, je la reçois et je l’apprécie grandement! À mon avis, la synergie parents-enfants-enseignants est bénéfique au développement scolaire de nos enfants.
Motiver l’enfant au succès se doit d’être un but commun, tant celui du professeur que du parent. En tant que parent, je suis convaincue que maintenir une bonne communication entre parents, enseignants et enfants, ainsi que promouvoir un bon esprit d’équipe sont des pierres angulaires au succès scolaire de nos enfants. Madame Karine, l’enseignante de première année dans la classe de ma fille, nous considère ses partenaires et nous encourage à prendre une part active dans l’éducation de nos enfants. Je me suis souvent portée volontaire dans sa classe lors des ateliers. Animer les ateliers seul peut être plus exigeant pour un professeur et la participation d’un parent permet d’assurer que les besoins particuliers de chaque enfant soient rencontrés. Au-delà des ateliers, j’ai participé aux sorties scolaires et j’ai souvent été témoin de parents faisant la lecture aux enfants. Je crois fermement que la participation et le soutien des parents nous permettent de rester informés mais aussi partenaires dans le développement académique de nos enfants. En promouvant la communication, Madame Karine développe un très bon rapport avec les parents de sa classe. Nous nous sentons toujours bienvenus dans sa classe. Class dojo est un excellent moyen de communiquer quotidiennement avec nous et de solliciter notre implication et notre sentiment d’appartenance. L’affichage de photos, les demandes d’assistance ou simplement la transmission d’informations, nous permet de demeurer au fait des événements dans la classe de nos enfants. Si certains enseignants communiquent avec les parents lorsque les évènements l’exigent, Madame Karine est proactive, elle nous informe aussi des événements positifs et des progrès de nos enfants.
– Kimberly Heron, parent
Certains vous diront que c’est un couteau à double tranchant car certains parents ou professeurs pourraient interpréter différemment le rôle de chacun. D’où l’importance d’une communication claire et précise dès le début de l’année, énonçant tant nos buts que nos attentes.
Afin de garder nos communications actives, efficaces et ponctuelles, j’invite les parents à s’inscrire au site Class dojo. Permettez-moi une parenthèse ici pour vous dire que j’utilisais Facebook au début mais certains parents étaient réticents à l’utiliser d’où Class dojo, une véritable découverte! Cette dernière fonctionne un peu comme les messages textes sur les cellulaires via l’internet. Si vous ne connaissez pas cette application, vous pouvez visiter le site classdojo.com. Je l’utilise depuis quelques années déjà et je puis vous assurer que je l’apprécie beaucoup; les parents de mes élèves vous diraient sûrement la même chose. Nos communications y sont respectueuses, brèves et efficaces. Ce site a aussi un système d’émulation qui peut être utilisé conjointement avec les parents. Lorsque vous donnez ou enlevez un point à l’enfant, le parent reçoit un bref message. Bien sûr, j’explique aux parents que ce qui se passe à l’école est adressé à l’école. Toutefois, le parent informé pourra en discuter avec son enfant, le guider ou le complimenter, selon le cas.
L’année passée, ma fille était en première année et c’était vraiment difficile pour elle. Elle avait beaucoup de difficultés durant l’année. Je ne comprenais pas trop pourquoi et ce qui se passait avec elle. Mais à force de parler avec Mme Karine, son professeure, j’ai compris les difficultés de ma fille. Grâce à l’application Class Dojo, Mme Karine nous répondait rapidement que ce soit tôt le matin ou tard le soir. Elle prenait même le temps de m’expliquer les choses en personne lorsque j’avais besoin d’aide. Mme Karine nous donnait des trucs sur comment utiliser des situations de tous les jours pour aider notre fille. Je peux avouer que ce n’est pas toujours évident, mais j’ai apprécié avoir la chance de pouvoir travailler en équipe avec Mme Karine.
– Geneviève Rémy, mère de famille
Une activité qui me tient à cœur est la visite de parents, d’un grand frère, d’une grande sœur ou de grand-parents. Ils viennent faire la lecture d’un album aux enfants. La joie que cette visite apporte aux enfants est inouïe. Les parents sont aussi régulièrement invités à participer à divers ateliers, activités ou sorties scolaires. Je m’estime choyée par la grande disponibilité de mes parents.
En retour, j’essaie aussi de leur offrir ma propre disponibilité lors des rencontres de remise des bulletins certes, mais aussi lors de nos communications quotidiennes via Class dojo, lors des activités scolaires et lors de rencontres ponctuelles dictées par les besoins de l’enfant.
Je travaille de concert avec la direction, mes collègues et les parents de mes enfants à qui j’espère offrir le meilleur de moi-même. Je ne prétends pas détenir la solution miracle et je connais bien les défis que nous avons tous à relever; j’aime mon travail et je crois fermement que c’est ensemble que nous y arriverons, pour le bien de nos enfants, la génération future.
Chaque enfant est unique. Il arrive, comme nous, avec ses forces et ses faiblesses et il en revient à nous tous de l’aider à progresser vers le succès, vers demain.
Photo : Gracieuseté de l’auteur Karine Mackay
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2017