Neuroscience in classrooms

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Engagement, Pratiques prometteuses

BrainReach/Mission Cerveau

La pratique des neurosciences à l’école

Cet article présente un projet pédagogique interactif visant l’enseignement des sciences, et plus particulièrement l’étude du cerveau, dans de nombreuses régions du Québec, incluant le Nord. On y discute aussi l’impact des neurosciences sur l’apprentissage et sur les problèmes de société.

DEMANDEZ À UN ENFANT de dessiner un scientifique et observez le résultat. Beaucoup représentent alors un personnage ressemblant à Einstein, décoiffé, vêtu d’une blouse blanche, mélangeant des solutions chimiques bouillonnantes et colorées. Cette représentation peut être bousculée lorsqu’un scientifique loin de ce stéréotype, vient en classe et rend les sciences tangibles et accessibles pour les jeunes esprits. Des échanges individualisés entre les scientifiques et le grand public permettent de franchir les barrières qui existent entre les deux mondes, et de contourner le fait que les médias soient les seuls à relayer ces informations. Au lieu d’être quelque chose que « d’autres personnes font », elles deviennent quelque chose « avec laquelle je peux interagir ». Voilà l’histoire d’un programme de cycle supérieur de Montréal qui crée des liens avec les enfants de la province de Québec.

Les débuts

Mission Cerveau a été lancé en 2011 par la Dre Joséphine Nalbantoglu, alors directrice du Programme intégré de Neurosciences à l’Université McGill (voir la section « Ressources » pour des liens vers ce programme et d’autres indiqués dans le texte). Ian Mahar, un étudiant de cycle supérieur, présentateur et coordinateur lors du lancement du programme se souvient : « Joséphine nous a réunis et nous a demandé si quelqu’un serait intéressé par le lancement de cette initiative, Mission Cerveau. Plusieurs d’entre nous ont répondu positivement. À ce moment-là, nous n’imaginions pas comment cela évoluerait, mais je suis sûr que nous aurions été surpris de savoir où nous nous rendions. »

Grâce à Mission Cerveau, les éducateurs bénévoles de cycles supérieurs se rendent dans des écoles dans le Grand Montréal, pour mener des séances de sciences pratiques et interactives à propos du cerveau. Un élément clé de Mission Cerveau est que le même étudiant revient dans la même classe plusieurs fois au cours de l’année. Un lien fort se crée alors entre les étudiants et les élèves dont la curiosité et la confiance augmentent au fur et à mesure des rencontres. Selon Jenea Bin, une autre coordinatrice des débuts de Mission Cerveau : « Nous avions décidé de cibler les écoles des quartiers défavorisés de Montréal, car certains élèves n’ont pas toujours accès aux moyens éducatifs scientifiques. Au niveau du secondaire, ces écoles ont également un plus grand taux de décrochage. »

Un autre élément propre à Mission Cerveau, et présent depuis ses débuts, est le développement d’un programme s’accordant avec les récentes recherches sur l’apprentissage — puisqu’après tout, nous sommes dans un programme de neurosciences! Chaque présentation comporte des activités interactives afin que les élèves puissent utiliser le matériel et non pas seulement l’observer. Nous aidons les élèves à observer différentes cellules du cerveau grâce aux microscopes, à toucher un vrai cerveau, à enregistrer des signaux électriques musculaires, et à comprendre la perception sensorielle grâce à des lunettes à prisme. Avant et après chaque séance, le contenu est résumé et revu avec les élèves afin d’améliorer la rétention des apprentissages. Le programme initial a été développé en un an, puis chaque année il a été amélioré, consolidé, et mis à jour en fonction des développements de la recherche en neurosciences, un domaine dont les connaissances évoluent tous les jours.

Mission Cerveau Nord a été développé en 2013-2014 afin d’atteindre les enfants du nord du Québec. « Une partie de ma famille habite dans une petite communauté sur les iles Baffin, appelée Cape Dorset », explique Emily Coffey, qui a bâti les fondations de cette nouvelle initiative. « Dans ces petites communautés du nord, beaucoup d’enfants ont encore moins accès aux sciences. Ils ne peuvent pas se rendre dans des musées, et pourraient ne jamais rencontrer de scientifique. » Il a fallu réimaginer Mission Cerveau, et créer des guides numériques pour les enseignants et des vidéos expliquant les concepts et activités pratiques puisque nous ne pouvions nous rendre sur place en personne.

Retour sur expérience

« J’ai tout de suite accroché, dès la première présentation; je voulais présenter dans le plus de classes possible », se souvient Ian. Lui et plusieurs bénévoles lui ayant succédé étaient motivés de faire découvrir les recherches les plus innovantes possible, de cultiver l’envie d’apprendre chez les élèves, et de défaire certains mythes des neurosciences (utilise-t-on seulement 10 % de notre cerveau? Non!).

Aujourd’hui, des parents nous demandent de venir dans les écoles de leurs enfants. Cela nous touche, et nous sommes impressionnés de voir les parents qui proposent de faire le lien entre le programme et l’école — toujours avec l’aide et le dévouement de l’enseignant évidemment. Le temps d’enseignement est limité, et les enseignants ont un programme à tenir. Pour que le programme soit bénéfique, et que les heures soient utilisées efficacement, nous avons adapté notre programme au programme officiel québécois; et nous communiquons également les sujets de prédilection des séances aux élèves. Par exemple, ces derniers doivent apprendre la méthode scientifique et sa terminologie associée. Sur notre séance sur les cellules du cerveau, nous demandons aux étudiants de formuler une hypothèse sur la forme d’un neurone et de la dessiner. Ensuite, les élèves observent de vraies cellules du cerveau et notent leurs observations, puis ils dessinent ce qu’ils observent, de la même manière que les grands scientifiques avant eux, qui furent les premiers à observer ces cellules étonnantes.

Les sessions de Mission Cerveau, sont aussi utiles pour informer les élèves sur les neurosciences et certains problèmes de société. Par exemple, dans le programme du secondaire, une séance entière est dédiée aux mécanismes de dépendance et aux drogues, et à l’école primaire, on aborde la question du sommeil, de l’attention, des émotions et de la mémoire.

Une fois qu’un lien fort est créé, on atteint une situation où tous les acteurs du projet sont gagnants — les enseignants enrichissent leurs séances de science, les enfants développent des relations avec des personnes qui font actuellement des recherches en neurosciences, et les étudiants en neurosciences acquièrent des compétences cruciales en communication et présentations et se rapprochent du grand public. « Les enfants sont toujours impatients, et excités de savoir que les présentateurs de Mission Cerveau arrivent », selon les enseignants. Ben Gold, un présentateur du programme pendant quatre ans, a remarqué qu’il avait beaucoup appris sur les neurosciences en révisant les bases, en réfléchissant à la perspective d’un enfant et en travaillant avec d’autres bénévoles qui ont d’autres domaines d’expertise que le sien. Une autre bénévole, Cindy Hovington, a été tellement inspirée par son expérience qu’elle a fondé Le Neurone Curieux, un programme dédié à l’application des connaissances à destination du grand public.

Défis

Au fur et à mesure de la croissance de l’organisation, nous avons dû structurer et systématiser notre programme. C’est un défi pour les étudiants en neurosciences, qui sont habitués à un travail plus isolé au sein de leur laboratoire, et qui contribuent bénévolement au projet. Cela revient à se jeter dans le grand bain de la gestion de projet.

Nous avons formé des sous-comités de 10 personnes pour les écoles primaires, secondaires et celles du Nord. Certains gèrent le recrutement des écoles et l’attribution des écoles, d’autres ont travaillé sur le contenu et la traduction en français. D’autres encore, prennent en charge la logistique et la distribution du matériel pour les activités interactives qui ont lieu toutes les semaines. Nous utilisons des outils numériques : Google Drive, Wikispaces, Slack, etc.

Mais, dans tous les cas, les étudiants font vivre ce projet grâce à leur enthousiasme et leur énergie, et le soutien des administrateurs du programme. En plus du soutien structurel du Programme intégré de Neurosciences, nous nous sommes associés au CRBLM (Centre de recherche sur le cerveau, le langage et la musique) pour des fonds supplémentaires, encore plus de bénévoles et la possibilité de présenter les ateliers ponctuellement pour 24 heures de Science. Depuis peu, des stagiaires de l’école de gestion John Molson de l’Université Concordia nous aident à construire un réseau professionnel et à lever des fonds.

Kelly Smart, la directrice actuelle de Mission Cerveau Nord, s’occupe en outre des interactions interculturelles et d’établir des relations professionnelles à distance. « Notre approche est de collaborer dès qu’on le peut. Nous contactons des associations qui détiennent déjà les expertises dont nous avons besoin, et nous essayons de nous joindre à eux et d’apprendre. Cela requiert d’être persévérant, d’être à l’écoute, et de s’adapter continuellement », explique Kelly.

Enfin, comme pour toute association bénévole, les financements posent problème. Mission Cerveau n’a pas de modèle de financement complètement pérenne. Pour la plupart, nous avons fonctionné grâce aux dons de matériel et des bureaux temporaires. Cependant, nous avons reçu des aides précieuses, comme une bourse Telus, et récemment une campagne de financement participatif qui nous a permis d’amasser 12 000 $! Ces fonds vont nous permettre de mieux prévoir dans le futur, et d’investir dans des éléments structurels clés tels qu’un site internet, et nous permettre d’envoyer des bénévoles de Mission Cerveau Nord dans des communautés autochtones pour des camps scientifiques.

Implication des écoles

Nous continuons de développer et améliorer notre programme en fonction du retour que nous recevons des bénévoles et des enseignants, mais la mesure la plus fidèle de notre succès est le taux de réinscription des écoles. Cette année, nous avons envoyé 100 étudiants dans plus de 30 écoles du grand Montréal et dans 3 communautés du nord. Sous l’impulsion de Marisa Cressati, la coordinatrice du secondaire, nous avons observé une augmentation du nombre d’écoles secondaires et de classes non traditionnelles, telles que des coopératives d’école à la maison, ou de classes spécialisées pour les enfants à besoins particuliers. Nous espérons inspirer d’autres programmes universitaires, en particulier dans une époque où certains médias rendent trouble la différence entre les « bonnes » et les « mauvaises » sciences. Donner un visage à la science peut changer la manière d’interagir avec elle, quel que soit notre âge.

 

Ressources

Mission Cerveau : Rejoignez-nous sur les réseaux sociaux! Facebook : @BrainReachMissionCerveau ou Twitter : @BrainReach

Ou suivez le blogue MissionCerveau Nord (en anglais)

Integrated Program in Neuroscience (en anglais)

Curious Neuron (en anglais)

24 Heures de Science

 


Photo : gracieuseté d’Anastasia Sares

N.D.L.R. Cet article a paru en version anglaise dans le magazine Éducation Canada de septembre 2018 (Vol.58 No.3).

Traduction par Laureline Arnaud, publié dans le magazine Éducation de décembre 2018.

Apprenez-en plus sur

Anastasia_Sares

Anastasia Sares

PhD candidate at McGill University; president of BrainReach Elementary 2017-18

Anastasia Sares is President of BrainReach Elementary (2017-2018); her research involves how we process music and language in our brains. She came to Montreal from Denver, Colorado to pursue neuroscience, but also enjoys creative writing, music-making, and the occasional Dungeons and Dragons game.

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