D’avril à juillet 2018, un groupe de futurs enseignants, finissants d’un programme d’enseignement, s’est approprié le processus de pensée design (design thinking). Leur défi consistait à trouver des solutions d’aménagement d’un campus universitaire pour contribuer à la santé et au bien-être des étudiants internationaux. La pensée design, une démarche d’ingénierie, se définit comme une résolution de problème créative faisant appel aux pensées inductive, déductive et abductive (imaginer). Durant la démarche, les participants à la démarche s’immergent dans l’environnement du défi pour tenter de le comprendre selon la perspective des usagers1.
Ils enquêtent auprès des usagers pour comprendre le problème. Ils observent ces personnes au quotidien et les questionnent pour saisir leurs besoins.
Ils cherchent à éclairer le problème et le définir à plusieurs reprises. La version finale est définie schématiquement ou visuellement.
Ils formulent plusieurs solutions au problème pour les mettre à l’épreuve; des prototypes des meilleures solutions sont construits.
Ils évaluent le potentiel des meilleurs prototypes appuyés par l’opinion des usagers ou d’experts, en vue d’évaluer et de raffiner les prototypes.
Ils font connaître la solution finale.
Les sept finissants en enseignement se sont rencontrés six fois, pour des rencontres d’une durée de quatre à six heures chacune. Deux personnes étaient chargées d’animer le processus de pensée design. Comme chercheure et observatrice, j’ai participé à toutes les rencontres et eu accès aux enregistrements audio des rencontres. Au terme du processus, les participants ont proposé d’aménager sur le campus universitaire un parc dont le nom serait Meegwetch (qui signifie merci en Anishinaabe); il comporte diverses composantes pouvant contribuer à la santé et au bien-être des étudiants vivant sur le campus.
Pour les participants, les éléments de design apportés dans le parc constituent des solutions afin d’améliorer le bien-être des étudiants internationaux qui vivent à l’année sur le campus. Suite à l’analyse des thèmes et du discours entourant ces solutions, il a été possible d’identifier les cinq thèmes suivants :
Les solutions proposées indiquent que les étudiants auraient besoin pour leur bien-être de référents culturels. En effet, les échanges réfèrent à maintes reprises à la nécessité pour les étudiants internationaux de se sentir chez soit sur le site de l’université. Parmi les propositions d’aménagement figure celle d’une Place des Nations, où les drapeaux des pays d’origine des étudiants seraient représentés. Le processus de pensée design a permis d’entrevoir des solutions visant une appropriation culturelle par le rapprochement entre étudiants internationaux et canadiens. En fait, ce rapprochement serait un gage de bien-être psychologique chez les étudiants internationaux évoluant sur les campus universitaires2. Les solutions prévoient l’aménagement d’aires de socialisation par l’installation de bancs sous des abris-solaires. Ces aires permettraient aux étudiants de se rencontrer, de discuter entre eux, de se faire des amis; bref ces solutions touchent le sentiment d’appartenance par l’aménagement de zones de socialisation et de partage entre communautés culturelles.
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Avec le Parc Meegwetch, l’installation d’un jardin autochtone fait partie des solutions dégagées pour aider tous les étudiants à se sentir bien sur le campus. Des panneaux éducatifs sur les végétaux aident à mieux comprendre la culture autochtone. L’amélioration du campus passerait donc par l’indigénisation de l’espace et par une connexion avec la Terre autochtone ancestrale. L’indigénisation par l’aménagement et le verdissement « autochtone » pourrait se faire par l’installation d’un sous-bois de plantes nourricières et indigènes ou d’une roue de la médecine. Il pourrait également s’agir de planter un potager. Il serait important pour les jeunes des Premières Nations qui vivent en ville d’établir une relation étroite avec la nature. L’inclusion pour l’indigénisation au sein des universités nécessiterait que des espaces naturels soient dédiés sur les campus pour cette reconnaissance naturelle et spirituelle des savoirs autochtones. En ayant accès au jardin autochtone, les jeunes issus de l’international, mais certainement aussi les étudiants autochtones et non-autochtones canadiens, profiteraient d’un espace de guérison, de communication et de connexion avec le milieu naturel. Des études démontrent qu’un accès à la Terre en milieu urbain est un gage de santé et de bien-être surtout pour les jeunes Autochtones3.
Beaucoup de solutions présentes sur la maquette ont trait à l’embellissement du milieu par la création d’espaces de contemplation pour les étudiants : fleurs, arbustes, arbres, espaces gazonnés, sentiers de verdure, bassins avec fontaines. Les étudiants internationaux interrogés par les participants ont mentionné que le campus manquait d’espaces verts et fleuris. Le campus universitaire visé par l’expérience de pensée design pourrait intégrer beaucoup plus d’espaces naturels et être aménagé avec des aires d’embellissement (plantes et arbustes en pot facilement amovibles durant la saison hivernale; œuvres d’art avec protection hivernale, tableaux avec plexiglass, etc.). Plusieurs études corroborent cette idée que de passer du temps en nature diminue le stress4. On parle même d’une « pilule nature ». Le taux de cortisol d’une personne qui séjournerait dans un milieu naturel pourrait baisser de 21 % pour chaque heure passée dans la nature. Ces espaces naturels auraient pour effet d’augmenter la surface foliaire du campus le rendant plus vert par le fait même.
Certaines solutions évoquées réfèrent à l’installation de zones d’étude et d’enseignement en plein-air. Les aires de socialisation et de détente pourraient être aménagées pour que certaines sections seraient réservées pour l’étude à l’extérieur durant la belle saison, ce qui serait une manière agréable de varier les temps d’étude. La classe extérieure serait un lieu polyvalent incluant une excellente sonorisation pour proposer à la fois des cours mais aussi des concerts ou des prestations culturelles et artistiques, entre les mois d’avril et novembre.
Plusieurs solutions de design réfèrent à la pratique de sports et de jeux ludiques et de société. L’aménagement de balançoires et de jeux d’eau pour adultes est aussi intéressant en ce sens. Le potentiel du sport et des activités physiques pour contrer les effets néfastes du stress est très documenté. Selon des recherches, la pratique d’une activité physique aurait plusieurs effets bénéfiques chez les jeunes : facteurs de protection contre les maladies (diabète, conditions cardiovasculaires, obésité), contribution au développement psychomoteur, balance des humeurs et diminution de l’anxiété. De plus, elle serait associée à de meilleures performances cognitives et à une personnalité moins perfectionniste5. L’aménagement d’espaces de jeux, de détente et de sports permettraient aux jeunes de socialiser, en plus de faire une activité physique, ce qui contribuerait doublement à leur santé et bien-être.
Suivant un processus de pensée design, des finissants d’un programme en enseignement ont proposé des solutions pour aménager l’extérieur d’un campus universitaire aux fins d’amélioration de la santé et du bien-être d’étudiants internationaux. Ces solutions incluant le discours des participants ont été analysées par thématiques. Cinq thèmes ressortent de l’analyse pour favoriser la santé et le bien-être des étudiants internationaux :
Ce qui est censé être bon pour les étudiants internationaux le serait sans doute tout autant pour les autres étudiants, ainsi que pour la communauté universitaire toute entière.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, mars 2020
Notes
1 Pruneau, D. et collaborateurs (2019). La pensée design pour le développement durable : application de la démarche en milieux scolaire, académique et communautaire. Moncton, Canada : Groupe de recherche Littoral et vie. Récupéré de https://competi.ca/
2 Yang Pi-Ju, R. et Noels, K. A. (2013). The possible selves of international students and their cross-cultural adjustment in Canada. International Journal of Psychology, 48(3), 316-323.
3 Big-Canoe, K. et Richmond, C.A. (2014). Anishinabe youth perceptions about community health: toward environmental repossession. Health Place, 26, 127–135.
4 Kondo, M.C., Jacoby, S.F. et South, E.C. (2018). Does spending time outdoors reduce stress? A review of real-time stress response to outdoor environments. Health & Place, 51, 136-150. DOI : 10.1016/j.healthplace.2018.03.001
5 Gonzalez-Hernandez, J., Gómez-López, M., Alarcón-García, A., Muñoz-Villena, A.J. (2019). Perfectionism and stress control in adolescents: Differences and relations according to the intensity of sports practice. Journal of Human Sport & Exercise, 14(1), 195-206.
Hunter, M. R., Brenda W. Gillespie, B.W., Yu-Pu Chen, S. (2019). Urban nature experiences reduce stress in the context of daily life based on salivary biomarkers. Frontiers in Psychology, 10, 722. DOI: 10.3389/fpsyg.2019.00722
Le facteur E3, à travers le programme d’École communautaire entrepreneuriale consciente (ÉCEC) propose une vision globale de l’enseignement par l’entrepreneuriat.
Qui n’a pas souhaité déposer son enfant à l’école en toute quiétude, en espérant que chaque jour il y sera heureux? Qu’il y vivrait des moments de joie, de découverte et de bonheur; qu’il reviendrait à la maison avec le sourire; qu’il dirait souvent « maman, j’ai hâte d’aller à l’école », et qu’il voudrait même s’y rendre un jour de fermeture; qu’il affirmerait fièrement : « j’aime mon école », ou encore très joyeusement : « tu sais, papa, mon école c’est la meilleure »?
Depuis quelques années, diverses études ont montré un phénomène préoccupant, soit le manque de bonheur au travail et les conséquences néfastes sur l’engagement des personnes envers leur profession — tous les métiers confondus. En découlent un manque d’assiduité, une perte importante d’intérêt de même qu’un déficit de productivité et d’efficience au sein des organisations. Il est facile de supposer des pertes économiques pouvant s’avérer désastreuses pour les entreprises.
À l’école, un taux élevé d’épuisement émotionnel des enseignants est constaté. Une situation faisant anticiper des impacts dommageables sur les jeunes — par exemple : apprentissages insuffisants, taux de décrochage inquiétant, etc. En somme, pour nombre de personnes au travail, leur emploi ne génère pas d’enthousiasme, encore moins d’émerveillement et, bien sûr, ne leur procure pas suffisamment de plaisir. Comment alors réussir un virage marquant qui engendrerait un regain d’intérêt, voire d’engagement d’une large majorité de personnes envers leur travail, leur école, leurs apprentissages? Les élèves de nos écoles d’aujourd’hui seront les employés, les dirigeants et les entrepreneurs de demain. N’est-il pas souhaitable qu’ils deviennent des personnes engagées envers les projets personnels et professionnels qu’ils entreprendront tout au long de leur vie? Leur bien-être, dès maintenant, est une urgence.
Vivre ensemble du Bonheur à l’école est fondamental, car pour apprendre optimalement il faut aimer son enseignant, son école, sa vie, s’aimer soi-même. Certains experts affirment que trois facteurs influent sur la propension au bonheur :
Il y en a d’autres, en particulier le besoin profond de s’accomplir. L’École communautaire entrepreneuriale consciente (ECEC)1, un projet éducatif d’ensemble, est conçue de manière à stimuler en continu la créativité afin que des situations éducatives et pédagogiques puissent régénérer régulièrement de l’« Enthousiasme », de l’« Émerveillement » et susciter l’« Engagement » autant chez les jeunes que chez les éducateurs, parents et partenaires.
« L’enseignant est la clé de voûte d’une telle expérience pédagogique et des transformations qui en résultent, quelle qu’en soit l’école. »
Concrètement, l’ECEC est une conception charpentée de 21 composantes structurantes qui maillent l’école à sa communauté autour d’une pédagogie qui active la curiosité et fait découvrir des passions. Elle est porteuse d’une philosophie et d’une pédagogie, auxquelles se rattache le Facteur E³, et mettant le jeune en action de la maternelle jusqu’à la fin de son parcours scolaire dans des projets variés.
Par exemple, liée à l’environnement, fut imaginée en maternelle la mise sur pied de la microentreprise « Mini-ferme inc. »; en sciences naturelles (5e et 6e année du primaire), le projet horticole « Brico fleurs inc. » fut expérimenté; au début du secondaire, en littératie (Français), le projet entrepreneurial culturel « Nuit de la poésie » a pu prendre forme. Ici, il s’agit de poèmes d’enfants portant sur un événement de leur vie personnelle, souvent touchants, lus devant public. Chacun d’eux illustre son poème au moyen d’un dessin ou d’une peinture qui est numérisé et présenté sur un grand écran pendant la lecture de l’enfant, et parfois accompagné de musique. À d’autres occasions, il y a eu la création d’une mini maison d’édition à l’école, au primaire et au secondaire. Cette similitude entrepreneuriale adaptée au contexte scolaire prendra diverses appellations, dont celui de « Petite plume » et de « Crayon magique inc. » par exemple.
Une pédagogie qui, dans l’ensemble, facilite l’intégration des matières et qui autorise le jeune à s’exprimer, à sortir des sentiers battus et à innover à l’école pour qu’il se motive et s’engage envers ses apprentissages.
L’approche, selon les projets choisis, a l’avantage de pouvoir être mise en place dans quelconque classe ou, même, d’être vécue à l’extérieur de la classe ailleurs dans l’école voire dans des espaces situés sur le terrain de l’établissement d’enseignement, dans la communauté ou dans la nature. L’enseignant est la clé de voûte d’une telle expérience pédagogique et des transformations qui en résultent, quelle qu’en soit l’école.
Chaque fois que les jeunes s’enthousiasment ou vivent des moments d’émerveillement à l’école, cela leur donne de l’énergie, les dynamise et les pousse au dépassement de soi. Les défis ou les insuccès temporaires les invitent à réessayer, à persévérer, ainsi ils s’entraînent à manifester une plus grande résilience face aux difficultés de la vie et à exprimer et à expérimenter leur leadership. On peut imaginer qu’ils auront davantage envie de relever ces défis, qu’ils ne se laisseront pas décourager dès le premier ou le second obstacle, et qu’ils seront capables de rebondir malgré les échecs.
« Les éducateurs expérimentent un environnement éducatif perçu comme avantageux, notamment parce qu’ils y constatent des jeunes plus heureux et engagés. »
Le facteur E³ fait vivre aux jeunes un fort sentiment de satisfaction tout en leur procurant du plaisir à venir apprendre à l’école. Comme autre valeur ajoutée, mentionnons qu’ils apprennent dans une ECEC à se faire confiance, à se débrouiller, à innover, puis à devenir plus ingénieux et à développer une pensée projective. C’est l’espoir qu’ils en viennent à démontrer un engagement plus soutenu envers leurs apprentissages. Une sorte de motivation à la puissance 1 000. Pour les éducateurs, c’est l’idée qu’ils expérimentent un environnement éducatif perçu comme avantageux, notamment parce qu’ils y constatent des jeunes plus heureux et engagés, les motivant ainsi à s’investir envers une philosophie et une pédagogie qui régénèrent en continu le facteur E³.
L’expérimentation du bonheur en salle de classe et à l’école sur une base régulière permet de croire à un effet bénéfique sur le développement de la santé globale2 et sur l’acquisition d’une culture entrepreneuriale consciente3 de l’élève. Le facteur E³ agit pour une plus forte propension au bonheur favorable aux jeunes, aux éducateurs et aux partenaires qui soutiennent le projet éducatif d’ensemble qu’est l’École communautaire entrepreneuriale consciente.
Des remerciements chaleureux à Annie Martel, directrice adjointe par intérim, École secondaire Pierre-de-Lestage, CS des Samares et à Patrick Pierard, directeur de l’Organisation internationale des écoles communautaires entrepreneuriales conscientes (OIECEC).
Illustration : Diana Pham et Adobe Stock
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2019
1 Levesque, R., Reid, J., Pierard, P. & St-Amant Ringuette, A. (2015). L’ÉCOLE COMMUNAUTAIRE ENTREPRENEURIALE CONSCIENTE : Un modèle écosystémique au service de la jeunesse québécoise. Québec, Secrétariat à la Jeunesse. https://idee.education/wp-content/uploads/2016/05/Un-modele-ecosystemique-au-service-de-la-jeunesse-quebecoise.pdf
2 Voir étude de l’Université de Moncton réalisée auprès de nombreux jeunes dans les écoles communautaires entrepreneuriales francophones du Nouveau-Brunswick : https://idee.education/fr/(page accueil : déroulé vers le bas)
3 See article Ecosystem ” Education – Enterprise – State ” for a Sustainable Environment https://schoolbranch.com/ecosystem-education-business-state-for-a-viable-environment/
Le Cadre de milieu de travail positif est une approche qui propose d’optimiser le bien-être, l’engagement et la performance dans le milieu scolaire.
À qui n’a-t-on jamais demandé de faire plus avec moins? « Faire de plus en plus avec de moins en moins jusqu’à ce qu’on puisse tout faire avec rien » est une idée introduite par R. Buckminster Fuller en 1938 pour décrire des situations où la technologie pourrait être utilisée. Aujourd’hui, l’expression « faire plus avec moins » est couramment utilisée lorsque les organisations, y compris les écoles, s’efforcent de réduire leurs coûts opérationnels et d’accroître leur efficacité dans le contexte d’une réduction des ressources humaines et financières, mais sans réduction équivalente des responsabilités et des attentes pour le travail à exécuter.
De toute évidence, cette logique a ses limites. Les enseignants ne sont pas des robots et la pression supplémentaire exercée sur eux pour en faire plus avec moins entraîne souvent, malheureusement, des pratiques malsaines et envenime les relations interpersonnelles. Cela mène à des environnements scolaires toxiques où l’absentéisme, le décrochage professionnel, les problèmes de santé mentale et l’épuisement professionnel sont monnaie courante.
Conséquemment, plusieurs programmes ayant pour but d’identifier ces problèmes et d’intervenir pour les résoudre ont vu le jour. Or, l’état de bien-être psychologique d’une personne n’est pas seulement influencé par la présence ou l’absence de problèmes, mais aussi par les forces présentes chez elle et dans son environnement social lesquelles contribuent à son développement positif.
Peu d’initiatives se concentrent sur l’amélioration des forces existantes dans les environnements scolaires. Le Cadre du milieu de travail positif (CMTP), une approche canadienne qui optimise le bien-être, l’engagement et la performance, est un excellent exemple d’une telle initiative.
Le CMTP est composé de trois domaines distincts, mais interdépendants : le mieux-être, la résilience et le leadership positif. Entièrement fondé sur la recherche, chaque domaine élucide des pratiques individuelles et collectives menant à des environnements scolaires caractérisés par des niveaux élevés de bien-être, d’engagement et de réussite personnelle.
Figure 1: Le cadre du milieu de travail positif (CMTP)
Le domaine du mieux-être comprend trois sous-domaines : l’appartenance, la compétence et l’autonomie. Ces « besoins » renvoient aux éléments de la théorie de l’autodétermination qui sont à la base du CMTP.
L’appartenance représente le sens de connexion entre collègues. Accueillir nos collègues de travail et échanger avec eux sont des pratiques d’appartenance qui permettent de combler ce besoin.
La compétence fait référence au sens de valeur que nous avons pour nous-mêmes et pour l’école. Ce besoin est satisfait lorsque nous reconnaissons et utilisons nos forces.
Combler notre besoin d’autonomie est aussi nécessaire à la création d’un milieu scolaire où il fait bon vivre. Ce besoin est comblé lorsque nous avons une voix, des possibilités et des opportunités de collaborer entre collègues.
Afin de créer un environnement scolaire psychologique sûr où tous peuvent prospérer, être heureux et ainsi être à leur meilleur, il importe d’agir intentionnellement pour combler nos besoins d’appartenance, de compétence et d’autonomie ainsi que ceux de nos collègues. Lorsque nous y arrivons, nous éprouvons un plus grand sentiment de bien-être personnel et une plus grande motivation, deux conditions essentielles pour être à notre meilleur. La mise en œuvre du CMTP est une première étape importante dans l’optimisation d’un tel climat scolaire.
La résilience a été définie comme étant la capacité de s’adapter et d’obtenir des résultats positifs malgré des conditions difficiles, la capacité de persister face à l’adversité, de rebondir lorsque des problèmes sont rencontrés, de mettre à profit efficacement les systèmes de soutien et d’utiliser à bon escient les ressources disponibles. L’American Psychological Association précise que la résilience n’est pas une habileté immuable qu’on possède ou non, mais plutôt des comportements, des pensées et des actions que tout le monde peut apprendre et développer.
Le CMTP s’appuie sur ce dernier point et étend le concept de la résilience individuelle au plan collectif. Le domaine de la résilience est composé de cinq sous-domaines, « atouts », que toute équipe peut développer : relationnel, professionnel, attitude optimiste, intelligence émotionnelle et adaptation.
L’atout relationnel renforce nos réseaux sociaux de soutien. Les équipes qui démontrent de l’empathie et de la sympathie envers leurs membres lors de moments difficiles font preuve d’excellents atouts relationnels.
L’atout professionnel renforce la confiance, les habiletés et les compétences en résolution de problèmes. Identifier les forces de nos collègues, pouvoir compter sur leur disponibilité et cibler des occasions d’apprentissages collectifs témoignent d’une équipe qui possède de forts atouts professionnels.
L’atout d’attitude optimiste est mis à profit lorsqu’une équipe fait face à des situations ou défis importants difficiles. Les fondements de la psychologie positive sont à la base de cet atout.
Les pratiques de l’atout d’intelligence émotionnelle consistent à comprendre nos propres émotions et celles des autres et à assurer une communication positive en période de stress.
L’atout d’adaptation se témoigne par des pratiques qui permettent à une équipe de s’adapter en douceur face à des situations en évolution et parfois imprévisibles. Cet atout est caractérisé par la mise en œuvre collaborative de plans proactifs.
Les équipes aptes à mettre en œuvre des pratiques concernant les sous-domaines de la résilience sont bien positionnées pour faire face à des situations stressantes et difficiles tout en apprenant et s’épanouissant.
Le leadership positif est conforme aux écrits de Kim Cameron. Ce domaine contient cinq sous-domaines : vertus de leadership positif, communication positive, connaissances et compétences motivationnelles, compétences énergisantes et tâches opérationnelles.
« Le domaine du mieux-être comprend trois sous-domaines : l’appartenance, la compétence et l’autonomie. »
Les personnes ayant de fortes vertus de leadership positif incitent la compassion au sein d’une équipe, pardonnent les erreurs et encouragent les expressions de gratitude.
Une communication positive se produit quand un langage de soutien honnête, congruent, descriptif, spécifique, réflexif et affirmatif remplace un langage négatif et critique tout en priorisant la résolution de problème.
Les connaissances et compétences motivationnelles font référence à la connaissance qu’a un leader au sujet des forces et des intérêts du personnel et à sa capacité de mobiliser celui-ci à les utiliser régulièrement. Ces qualités sont évidentes lorsqu’il existe une vision commune et un investissement personnel de la part de tous ceux impliqués dans la réussite de l’école.
Les compétences énergisantes d’un leader permettent au personnel de rester énergique et enthousiaste face à ses tâches.
Ce leader écoute et comprend les gens, il est pleinement engagé dans des conversations. De plus, il valorise et promeut les contributions et réalisations des autres et respecte ses engagements.
Un leader qui excelle dans les tâches opérationnelles est en mesure de clarifier les rôles et attentes du personnel et lui offre des opportunités de perfectionnement professionnel.
Dans l’ensemble, l’utilisation des pratiques de leadership positif améliore l’efficacité organisationnelle et mène à des environnements psychologiques sûrs où chacun peut s’épanouir et être à son meilleur.
Le CMTP est utilisé avec succès partout au Canada. Une équipe interne de « formateurs CMTP » reçoit deux formations annuelles et les ressources nécessaires pour faciliter la mise en œuvre du CMTP dans leur école. Cette approche a l’avantage d’habiliter chaque école à installer les pratiques du CMTP sans créer une dépendance envers des consultants externes.
Les pratiques du mieux-être sont d’abord introduites et servent de fondements afin de poursuivre avec les pratiques de la résilience et de leadership positif. Deux questionnaires validés accompagnent le CMTP; l’Inventaire du mieux-être et de la résilience (IMER) et l’Inventaire du leadership positif (ILP). Ces questionnaires fournissent un profil objectif de l’environnement scolaire de chaque école et plus de 150 stratégies pouvant être adaptées à leur réalité.
Les écoles ont aussi accès à une plateforme électronique où se trouvent de nombreuses ressources telles des suggestions d’activités individuelles et collectives, des vidéos, des livres électroniques et plus.
Par ailleurs, plusieurs écoles utilisent le CMTP et ses ressources lors d’activités d’orientation des nouveaux employés, dans des programmes de formation des directions d’école et lors d’activités de perfectionnement professionnel.
À une époque où nous devons faire plus avec moins, pourquoi ne pas nous assurer de réussir, prospérer et s’épanouir en mettant en œuvre le Cadre du milieu de travail positif?
Listen to “Le Cadre du milieu de travail positif (CMTP) Avec Robert Laurie” on Spreaker.
Illustration : Diana Pham and Adobe Stock
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2019
Dans une école secondaire pluriethnique de Montréal, un projet de recherche a été mené afin de faciliter des rencontres entre des élèves d’une classe d’accueil et ceux d’une classe régulière. Cela a permis à tous ces élèves de vivre une expérience unique où l’intégration linguistique, scolaire et sociale s’est réalisée de façon très harmonieuse.
Faciliter l’intégration des élèves issus de l’immigration constitue un défi pour l’ensemble de l’équipe-école, défi d’autant plus grand lorsque ces élèves ne maîtrisent pas la langue d’enseignement. Les enseignants, souvent aux premières loges de l’accueil et de l’insertion des nouveaux arrivants à l’école, sont-ils outillés pour relever ce défi? Que peuvent-ils mettre en œuvre afin d’aider ces élèves à vivre une intégration linguistique, scolaire et sociale harmonieuse?
Des rencontres interculturelles entre élèves nouvellement arrivés en apprentissage de la langue d’enseignement et élèves fréquentant déjà l’école peuvent représenter une initiative gagnante dans différents milieux, et selon diverses modalités. Dans le cadre d’un projet de recherche, nous avons organisé des rencontres entre des élèves d’une classe d’accueil et ceux d’une classe du régulier d’une école secondaire de Montréal située en milieu pluriethnique. En 2018-2019, cet établissement comptait des élèves nés dans plus de 60 pays, et le français était la langue maternelle de seulement 27,2 % d’entre eux.
La classe d’accueil vise à préparer les élèves nouvellement arrivés à intégrer une classe du régulier; cette période de transition peut durer de quelques mois à quelques années, selon plusieurs facteurs (ex. le niveau de scolarité de l’élève dans son pays d’origine, son rythme d’apprentissage du français, etc.). Le modèle de classe d’accueil fermée, dans lequel les élèves nouvellement arrivés suivent la plupart de leurs cours ensemble et avec le même enseignant, prévaut au Québec, surtout dans les milieux urbains, où un nombre important d’immigrants s’installent chaque année.
Si la classe d’accueil fermée permet de faire vivre aux élèves une intégration progressive à l’école, elle apporte également son lot de défis, notamment en lien avec le manque d’opportunités pour entrer en contact avec les élèves du régulier. Souvent isolés des élèves des autres classes dans le cadre de leur apprentissage et de leur utilisation du français1, les élèves de l’accueil n’ont pas toujours beaucoup d’interactions avec les élèves du régulier, alors même que cette classe doit les préparer à intégrer le régulier. Il semble nécessaire, dans ce contexte, de privilégier des pratiques faisant la promotion de la diversité et de l’inclusion2.
Par des rencontres interculturelles, les enseignants peuvent contribuer à créer un environnement permettant les échanges entre les élèves issus de différentes cultures, et favorisant la découverte de l’Autre. Dans le cadre du projet que l’équipe de recherche a mené, les élèves des deux groupes (28 élèves de première secondaire et 14 élèves de l’accueil âgés de 12 à 17 ans), accompagnés de leur enseignante de français et de leur enseignant d’accueil, ont pu par exemple participer à des activités en petits groupes pour discuter de leur bagage linguistique et culturel ainsi que de leur expérience scolaire. Ils ont aussi pris part à des activités ludiques en grand groupe, notamment à un concours de mimes et à l’improvisation de saynètes mettant en lumière les défis vécus par les élèves nouvellement arrivés à l’école.
Lors de ces rencontres, les élèves de la classe d’accueil ont surtout apprécié avoir des interactions significatives avec des élèves du régulier. À ce sujet, un élève a d’ailleurs indiqué : « C’est la première fois que je parle avec des élèves du régulier longtemps ». Ces interactions ont aussi contribué à l’apprentissage de nouveaux mots, de nouvelles expressions : les élèves de l’accueil ont aimé discuter avec des élèves qui maîtrisent mieux le français qu’eux : « Parce qu’on a parlé français tout le temps et ils sont forts ». De plus, ces quelques rencontres ont permis aux élèves de l’accueil de se familiariser avec le secteur régulier, de mieux comprendre comment fonctionne le régulier : « J’ai aimé parce que […] j’ai demandé des questions sur la classe du régulier ».
La rétroaction recueillie met aussi en lumière le fait que les élèves de l’accueil étaient surpris par la diversité du bagage linguistique et culturel des élèves du régulier; les rencontres étaient ainsi des occasions d’échanges entre porteurs de langues et de cultures différentes.
De leur côté, les élèves du régulier ont pu mieux connaître les élèves de l’accueil et créer des liens avec eux. Ils ont réalisé que ces élèves parlaient souvent plusieurs langues et avaient des expériences de vie très diversifiées, mais, surtout, qu’ils étaient des adolescents comme eux, avec des intérêts communs (ex. sport, musique). Ils ont aussi mis en œuvre des stratégies pour les aider à mieux comprendre lors des interactions, notamment en parlant plus lentement, en répétant ou en utilisant des mots simples.
Pour les enseignants, l’organisation de rencontres interculturelles demande de la planification, de la collaboration et de la flexibilité : il faut prendre le temps de discuter avec un collègue, de planifier des activités motivantes et pertinentes pour les deux groupes d’élèves qui s’insèrent dans les objectifs des programmes d’études. Il est souhaitable que les enseignants préparent leurs élèves à la rencontre, et qu’ils fassent ensuite un retour avec eux sur ce qu’ils ont vécu. Pour notre part, les élèves des deux groupes remplissaient une fiche de rétroaction après chaque rencontre, indiquant notamment les points forts et les points faibles de la rencontre. À la toute fin des rencontres, ils ont aussi eu l’occasion de partager, en petits groupes, leurs impressions sur l’ensemble du projet.
En proposant à leurs élèves des espaces de rencontres interculturelles pour mieux connaître l’Autre, il est aussi important que les enseignants démontrent eux-mêmes des attitudes d’ouverture et d’empathie. Également, puisque le défi de l’intégration des élèves nouvellement arrivés concerne l’ensemble des acteurs de l’école, le soutien de la direction est primordial dans la réalisation de rencontres interculturelles, une initiative prometteuse à explorer.
Photo : Productions Cinta, Webdocumentaire réalisé par Jacinthe Moffatt
Description de la photo : Anne-Geneviève Lalongo, directrice, entourée d’élèves de l’école de La Visitation (CSDM)
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Notes
1 Allen, D. (2006). Who’s in and who’s out? Language and the integration of new immigrant youth in Quebec. International Journal of Inclusive Education, 10(2-3), 251–263.
2 Steinbach, M. (2010). Quand je sors d’accueil : Linguistic integration of immigrant adolescents in Quebec secondary schools. Language, Culture and Curriculum, 23(2), 95–107.
Pour bon nombre de personnes, l’immigration est LA solution à la problématique de la pénurie de main-d’œuvre au Québec. Il est vrai que l’immigration joue un grand rôle, mais il faut voir beaucoup plus grand, notamment la diplomation et la qualification de nos élèves, dans nos écoles et nos centres.
Dans la région de la Chaudière-Appalaches, nous affichons actuellement un taux de chômage à 3,3 %1, soit le taux le plus bas au Canada. Avec une population active en baisse depuis 2011 et sachant que ce phénomène se poursuivra jusqu’en 2030, nous n’avons pas le choix de faire tous les efforts nécessaires pour s’assurer de la réussite de l’immigration dans notre région, plus précisément en Beauce et dans les Etchemins.
Mais comment réussir l’immigration en milieu rural? Agir avec bienveillance dans l’accompagnement. Au-delà de l’argent, de l’emploi ou de l’augmentation de notre clientèle étudiante, nos citoyens internationaux recherchent un lien affectif avec les gens et leur nouveau milieu. Ayant peu de cellules immigrantes dans notre région, le défi n’est pas uniquement sur l’attraction, mais également sur la rétention, d’où l’importance accordée à l’accompagnement.
Pour nous, à la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin (CSBE), il est important de développer une approche diversifiée en tenant compte de différentes réalités :
• Recrutement d’élèves internationaux;
• Accompagnement des entreprises qui recrutent des travailleurs internationaux;
• Demandes de francisation directement dans nos centres de formation générale aux adultes (FGA).
Le recrutement d’élèves internationaux à notre commission scolaire a pris forme à l’aube des années 2000. Au tout début, nous ne visions qu’à augmenter notre clientèle étudiante afin de maintenir nos groupes dans nos centres de formation professionnelle. Cela a été une première erreur de notre part. Un mauvais arrimage entre les besoins des entreprises, le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI), le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (MEES), Éducation internationale, Services Québec et notre communauté, nous a fait réaliser l’importance de ne négliger aucune de ces sphères.
Ayant appris de nos erreurs antérieures, l’une de nos belles réalisations a sûrement été notre programme Viens te souder au Québec, où plus de 65 % des élèves ont pris la décision de demeurer en Beauce pour y travailler. De plus, il est à souligner que 92 % de l’ensemble de nos élèves internationaux obtiennent leur diplôme en formation professionnelle. L’accompagnement de proximité porte ses fruits et les Carrefours jeunesse-emploi nous aident énormément.
Par ailleurs, plusieurs de nos entreprises de la région font elles-mêmes du recrutement de travailleurs internationaux. Notre accompagnement se réalise en francisation et en formation continue, tout en essayant de favoriser une formation qualifiante. Au-delà des travailleurs, nous accompagnons également leurs familles dans cette belle aventure. À titre d’exemple, nous avons réuni les travailleurs avec les membres de leur famille dans une même classe pour offrir de la francisation, faute d’avoir assez de travailleurs, d’élèves jeunes et adultes pour former des groupes séparément.
Également, le visage de nos centres FGA a changé considérablement au cours des dernières années. Nos demandes en francisation ont plus que quadruplé en quatre ans. Pour une région comme la nôtre, c’est un bond prodigieux. Malgré le fait que ce soit un heureux problème, la gestion de cette croissance est un défi au quotidien, tant à l’interne qu’à l’externe de notre commission scolaire.
Enfin, un moyen qui a été porteur pour nous afin de bien sensibiliser notre communauté a été de favoriser les échanges ou voyages internationaux avec nos élèves ou notre personnel. Cette ouverture face à la diversité culturelle est essentielle pour la réussite de l’immigration, car, avant tout, c’est un geste de cœur.
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Notes
1 IMT en ligne, Services Québec, juin 2019
Une cible annuelle de 8 000 à 10 000 nouveaux arrivants d’expression française dans les communautés francophones canadiennes engendre inévitablement une hétérogénéité tant sur le plan culturel qu’identitaire et linguistique. L’auteur fait alors ressortir la fragilité de ces écoles devenues les seuls agents de maintien et d’épanouissement de la communauté devant lutter pour leur survie et agir contre l’assimilation dans ce milieu.
L’inscription de l’article 23, en 1982, dans la Charte canadienne des droits et libertés a accordé aux parents des minorités linguistiques francophones, le droit à la gestion des écoles homogènes francophones. Les travaux de Rodrigue Landry et ses collaborateurs1 concernant les minorités linguistiques au Canada ont démontré, durant plusieurs décennies, la fragilité de ces écoles qui sont devenues les seuls agents de maintien et d’épanouissement de la communauté devant lutter pour leur survie et agir contre l’assimilation dans ce milieu.
Devant la diminution considérable de l’effectif de ces écoles, Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) dans son Plan stratégique pour favoriser l’immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire, prévoyait jusqu’en 2020 une cible annuelle de 8 000 à 10 000 nouveaux arrivants d’expression française dans les communautés francophones. De cette augmentation, il en résulte une hétérogénéité, et ce, autant sur le plan culturel qu’identitaire et linguistique.
Au Nouveau-Brunswick, Yamina Bouchamma2 a mené une étude par entrevues (N=50) auprès d’acteurs scolaires et communautaires sur les défis reliés à l’intégration des jeunes issus de l’immigration. Il s’agit entre autres des défis reliés à la francisation, au manque de préparation des acteurs scolaires, des élèves de la société d’accueil et des jeunes issus de l’immigration à vivre dans la diversité, au manque de lien école/famille, au décalage culturel, au manque des ressources humaines et financières.
Les enseignants ont fait état de leurs besoins en formation sur :
Plusieurs enseignants ont instauré des pratiques gagnantes au sein de la classe. Dans ce contexte, les parents disent, entre autres, apprécier les invitations pour faire connaître leur pays, mais mentionnent le possible danger de basculer dans une vision folklorique.
La diversité ethnoculturelle constitue une réalité quotidienne depuis plusieurs décennies dans les écoles primaires et secondaires de la grande métropole (Montréal), mais elle est devenue de plus en plus présente dans les régions.
Une étude menée auprès d’acteurs scolaires par entrevue (N=52) au Québec, hors Montréal, a mis en évidence les nombreux et complexes défis qui se posent à l’école dans le processus d’intégration des jeunes issus de l’immigration (JII) et a fait état des solutions et des pratiques exemplaires en matière de francisation, de socialisation et de scolarisation que les écoles ont mises en place3.
En fait, trois facteurs peuvent expliquer ces grands défis :
Les enseignants ont fait état, dans certains cas, de croyances erronées ayant trait à la différenciation (ignorer les différences), l’équité/égalité, la négation de l’existence d’une quelconque forme de discrimination directe, indirecte ou systémique, de situations où existent des confusions de rôles et le fait de ne pas se sentir responsables de l’intégration de ces JII. Ces constats ont suscité un questionnement sur la formation initiale et continue du personnel enseignant et non enseignant.
Bref, si le besoin en main-d’œuvre en dehors des grands centres a amené des familles immigrantes à s’établir en région, il reste que ces choix n’ont pas toujours été accompagnés d’une préparation adéquate du terrain pour ces nouveaux arrivants qui voient donc la scolarité de leurs enfants compromises.
Les directions reconnaissent que leur personnel enseignant ne dispose pas des compétences requises pour accompagner les JII. Dans l’optique de son rôle d’accompagnateur, la direction d’école doit trouver des alternatives à leur formation, et ce, en amenant l’équipe-école à mettre sur pied des communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) qui mettent l’accent sur l’apprentissage, la collaboration, le dialogue et l’auto-évaluation de ses propres pratiques. Ces espaces de travail servent à la fois d’endroit où ils peuvent pratiquer efficacement leur profession auprès d’une clientèle multiethnique, mais aussi d’espace où ils peuvent mutuellement s’offrir une forme de supervision pédagogique par les pairs. Le processus d’intégration des JII ne peut se réaliser qu’avec un personnel enseignant et non enseignant qui possède les compétences requises en matière de diversité.
Le système doit répondre aux besoins de ces JII et ce, en adoptant une vision et une perspective communes. Il est important d’assurer un cadre institutionnel à la francisation des nouveaux arrivants et d’entamer une réflexion sur la diversité et l’immigration. Pourtant, ces décisions se font toujours attendre. Il va sans dire que la situation nécessite, en plus d’une vision commune et de la mobilisation d’importantes ressources humaines et matérielles, la conception et l’utilisation d’outils appropriés destinés à différents acteurs (directions d’école, enseignants, élèves et parents de la société d’accueil, élèves et parents immigrants, etc.). L’école est amenée à communiquer et à établir des liens avec son milieu, et particulièrement avec les familles nouvellement arrivées dans la communauté. La formation initiale des directions comme celle des enseignants doit se baser sur des profils de compétences mis à jour en tenant compte des défis actuels de la société.
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Photo : Productions Cinta, Webdocumentaire réalisé par Jacinthe Moffatt
Description de la photo : Guylaine Cool, Directrice de l’école Simone-Monet (CSDM) en discussion avec un parent d’élèves.
Notes
1 Landry, R., & Allard, R. (1996). Vitalité ethnolinguistique. Une perspective dans l’étude de la francophonie canadienne. In J. Erfurt (dir.). De la polyphonie à la symphonie. Méthodes, théories et faits de la recherche pluridisciplinaire sur le français au Canada. (p. 61-87) Leipzig : Leipziger Universitätsverlag.
Landry, R., & Allard, R. (1997). L’exogamie et le maintien de deux langues et de deux cultures : le rôle de la francité familio-scolaire. Revue des sciences de l’éducation, 23(3), 561-592.
2 Bouchamma, Y. (2009). L’intervention interculturelle en milieu scolaire, édition de la francophonie, Lévis.
3 Bouchamma, Y. (2015). L’école et l’immigration – Défis et pratiques gagnantes, Éditions de la francophonie, Lévis.
Constatant la méconnaissance de la part du personnel scolaire de la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique qui caractérise leur milieu, les auteures présentent un outil qu’elles ont développé afin de soutenir le développement de pratiques plus inclusives et contextuellement appropriées, faisant ainsi ressortir les spécificités régionales.
Bien que la pertinence de prendre en compte la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique à l’école québécoise soit de plus en plus affirmée, tant sur les plans de la recherche que des politiques éducatives, un hiatus entre la région métropolitaine de Montréal et les autres contextes régionaux s’observe sur plusieurs plans. En effet, les caractéristiques géographiques, historiques et socioéconomiques des différentes régions québécoises font en sorte que ces dernières ont plus ou moins été marquées par la présence d’Autochtones, de la minorité anglophone ou encore des populations issues de l’immigration. On constate, par exemple, que les effectifs des élèves issus de l’immigration (ÉII) varient énormément entre les régions québécoises tant au niveau quantitatif qu’au niveau des catégories d’immigration. Les élèves issus de l’immigration de première génération et ceux provenant de familles réfugiées sont proportionnellement plus nombreux à fréquenter les écoles à l’extérieur de Montréal. Il s’ensuit que les défis quant à la mise en œuvre de pratiques scolaires visant à prendre en compte la diversité varient aussi entre les différentes régions du Québec, que ce soit au niveau de l’intégration linguistique, scolaire et sociale des élèves issus de l’immigration que de l’éducation interculturelle1.
C’est pour répondre à ces défis spécifiques que l’outil Des clés pour mieux comprendre la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique en milieu scolaire : fiches régionales2 a été développé. En partant du constat de la méconnaissance de la part du personnel scolaire de la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique qui caractérise leur milieu, cet outil vise à rendre les spécificités régionales à cet égard plus visibles afin de soutenir le développement des pratiques plus inclusives et contextuellement appropriées. L’outil regroupe des fiches représentatives de chacune des régions administratives du Québec (accessibles en ligne) composées de quatre parties :
Si ces fiches permettent avant tout d’informer les acteurs scolaires sur la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique qui caractérise leur milieu de travail et de vie tout en contribuant à soutenir la réussite éducative des élèves issus de groupes minorisés, elles peuvent aussi servir à intégrer et à valoriser cette diversité au sein des pratiques d’enseignement en devenant un outil pédagogique d’éducation interculturelle.
D’une part, en présentant les caractéristiques des élèves appartenant à des groupes minorisés qui fréquentent leurs écoles et les services qui leurs sont offerts (4e partie), les fiches permettent aux acteurs scolaires d’adapter leurs pratiques à ces derniers et à leurs familles, contribuant ainsi au volet d’intégration de la Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle. Les fiches peuvent rendre, par exemple, la réalité plurilingue d’un milieu visible, conviant alors le personnel enseignant à mettre en œuvre des activités qui valorisent les différentes langues présentes dans le répertoire linguistique des élèves. De la même manière, en démontrant que même dans les régions plus éloignées, les ÉII se concentrent dans certains milieux urbains ou semi-urbains, elles explicitent une réalité que le personnel constate souvent, mais qui demeure peu connue. Par les pratiques innovantes qui y sont consignées, dont les exemples de collaboration entre l’école, les familles immigrantes et les organismes communautaires, les fiches sont susceptibles d’accroître l’engagement et la coresponsabilité de tous les acteurs à l’égard des élèves issus de groupes minorisés.
D’autre part, en contextualisant cette diversité sur les plans historique et démographique, de même qu’en décrivant le traitement médiatique de cette diversité, les fiches contribuent au volet d’éducation interculturelle, par le renforcement de la présence de contenus liés à la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique dans l’ensemble des disciplines scolaires. Par exemple, la 2e peut servir de support pédagogique pour des activités en classe, en abordant notamment les défis rencontrés par les immigrants qui s’installent dans la région en question, dont les discriminations et les préjugés dont ils peuvent être victimes, de même que leurs contributions à la vie économique, culturelle et sociale. Le portrait historique, quant à lui, contribue à démystifier l’idée que la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique est uniquement liée à l’immigration récente en invitant les élèves à considérer de multiples expériences qui font partie de l’histoire du Québec.
Enfin, en suivant un même modèle, les fiches de 17 régions du Québec permettent de constater des spécificités régionales de même que des réalités communes. Elles permettent de soutenir les enseignants et autres acteurs scolaires en :
Le personnel scolaire sera ainsi amené à non seulement mieux comprendre son propre milieu, mais aussi à se départir de ses a priori sur la présence, plus ou moins visible, de la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique qui caractérise le Québec d’aujourd’hui.
Illustration : gracieusete de UQTR
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Notes
1 De Koninck, Z. et Armand, F. (2012). Entre métropole et régions, un même raisonnement peut-il soutenir un choix de modèles de services différent pour l’intégration des élèves allophones? Diversité urbaine, 12(1), 69-85.
Steinbach, M. (2015). Les défis de l’intégration sociale des jeunes immigrants à l’extérieur de la métropole québécoise.Diversité urbaine, 15 (1), 69-85.
Vatz Laaroussi, M., et Steinbach, M. (2010). Des pratiques interculturelles dans les écoles des régions du Québec : un modèle à inventer. Recherches en éducation, 9, 43-55.
2 Le projet est co-dirigé par C. Borri-Anadon et S.Hirsch, avec l’appui financier de la Direction d’intégration linguistique et d’éducation interculturelle (DILEI) du Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec.
Les auteures illustrent les principaux changements qui ont marqué la mise en œuvre des deux finalités de la Politique québécoise d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle. Elles soulignent l’importance et la pertinence de former les enseignants à développer une compétence interculturelle et inclusive.
Au Québec, comme dans d’autres sociétés, la prise en compte de la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse suscite des défis complexes ainsi que de nombreuses controverses. C’est maintenant 28 % des élèves québécois qui sont issus de l’immigration, de première (nés à l’étranger) ou de deuxième génération (dont au moins un des parents est né à l’étranger). Bien que talonnée par les banlieues, l’île de Montréal continue à en recevoir la majorité, alors que dans d’autres régions, cette présence jusqu’à tout récemment plutôt marginale, connaît une croissance constante. L’expertise développée par les enseignants pour prendre en compte cette diversité est à géométrie variable, tout comme la formation initiale à cet égard1.
Au Québec, la Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle2 et son évaluation récente3 qui en a confirmé la pertinence, mettent de l’avant l’importance de former le personnel scolaire, notamment les enseignants, à « relever les défis éducatifs liés, d’une part, à la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse des effectifs et, d’autre part, à la nécessaire socialisation commune de l’ensemble des élèves4. » Plus récemment, ces deux volets de la Politique ont structuré la formalisation d’une « compétence interculturelle et inclusive » à l’intention des enseignants, cette compétence poursuivant deux finalités :
1. Préparer tous les apprenants à mieux vivre ensemble dans une société pluraliste et à développer un monde plus juste et égalitaire;
2. Adopter des pratiques d’équité qui tiennent compte des expériences et réalités ethnoculturelles, religieuses, linguistiques et migratoires des apprenants, particulièrement celles des groupes minorisés5. »
Dans ce bref article, nous souhaitons illustrer les principaux changements qui ont marqué la mise en œuvre de ces deux finalités afin de contribuer à la réflexion sur ce que signifie enseigner dans une société plurielle.
Concernant le premier volet « Intégration » de la Politique, celui-ci était initialement centré sur les élèves « immigrants », ciblant plus particulièrement les élèves « nouvellement arrivés », « d’implantation récente », « allophones » ou encore « non francophones ».
L’intégration y est définie comme « le besoin d’apprendre et de maîtriser à la fois le français — langue d’enseignement et langue commune de la vie publique — pour réussir ses apprentissages scolaires (intégration linguistique et scolaire) et les codes sociaux pour établir, avec l’ensemble de ses camarades, des relations significatives qui transcendent les barrières linguistiques et culturelles et pour participer à la vie collective (intégration sociale)6. »
Les diverses modalités de mise en œuvre de la Politique instaurées depuis son adoption permettent de mettre en lumière les principales transformations relatives à ce volet.
Concernant le deuxième volet « Éducation interculturelle », la Politique insistait particulièrement sur trois enjeux : la représentation de la diversité ethnoculturelle du personnel scolaire, la formation et le perfectionnement de ce dernier ainsi que la transformation pluraliste du curriculum formel et réel.
Au Québec, l’éducation interculturelle y est définie comme « le savoir vivre ensemble dans une société francophone, démocratique et pluraliste » et concerne « tous les élèves du système scolaire, qu’ils soient nés au Québec ou non, francophones, anglophones ou autochtones8. »
L’évolution des modalités de mise en œuvre de l’éducation interculturelle9 témoigne de transformations quant à la manière de concevoir et de déployer celles-ci.
L’ensemble de ces transformations reflète aussi un renforcement de l’articulation entre le volet d’intégration et celui d’éducation interculturelle. Puisqu’il est maintenant reconnu que les deux sont complémentaires, l’éducation interculturelle permet en quelque sorte d’identifier et d’agir sur les obstacles et les situations de discrimination vécues par les élèves concernés par le volet d’intégration. Dans la foulée de ces transformations et afin de soutenir le développement de compétences interculturelles et inclusives chez le personnel scolaire pour apprendre à enseigner dans une société plurielle, différents outils pédagogiques ont été développés. Les autres articles composant ce dossier thématique en font état.
Photo : Productions Cinta, Webdocumentaire réalisé par Jacinthe Moffatt
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Notes
1 Mc Andrew, M., Balde, A., Bakhshaei, M., Tardif-Grenier, K. et al. (2015). La réussite éducative des élèves issus de l’immigration : bilan d’une décennie de recherches et d’interventions au Québec. Montréal : Presses de l’Université de Montréal.
2 Ministère de l’Éducation (1998). Une école d’avenir : La politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle. Québec : Gouvernement du Québec.
3 Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2014). Rapport d’évaluation. La politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle. Québec : Gouvernement du Québec.
4 Voir note 2, p. 32-33.
5 Potvin, M., Borri-Anadon, C., Larochelle-Audet, J., Armand, F. et al. (2015). Rapport sur la prise en compte de la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique dans les orientations et compétences professionnelles en formation à l’enseignement. Montréal : Observatoire sur la formation à la diversité et l’équité.
6 Voir note 2, p. 1.
7 Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (2017). Soutien au milieu scolaire 2017-2018. Intégration et réussite des élèves issus de l’immigration et éducation interculturelle. Québec : Gouvernement du Québec.
8 Voir note 5, p. 23-24.
9 Voir note 7, p. 13.
Lorsqu’il est question d’aborder des thèmes sensibles en classe, les enseignants doivent relever de nombreux défis. C’est dans cette optique que les auteures ont développé une démarche générale de discussion entre enseignants et élèves pouvant s’adapter à différents contextes, thèmes et niveaux scolaires.
Le défi de l’enseignement, ce que nous appelons « thèmes sensibles » dans les classes est abordé par plusieurs auteurs. Certains parlent de « questions socialement vives1 » et mettent l’accent sur le débat qu’évoquent ces thématiques dans la société, parmi les experts et dans la classe. L’éducation à l’environnement est souvent reconnue comme l’une d’elles. D’autres parlent plutôt des « controverses sociotechniques2 » qui, bien qu’elles puissent être controversées en classe, jouissent d’un consensus parmi les experts. Le faux débat autour des vaccins qui causeraient l’autisme serait l’exemple par excellence : résolu depuis longtemps pour les scientifiques, puisque cette thèse a été démontrée fausse, et même mensongère, et réfutée par la revue qui l’a publiée au départ, ce savoir est régulièrement contesté par le public. D’autres encore expliquent la sensibilité de certains thèmes par leur traitement de la vie « politique3 », dans le sens des manières de vivre ensemble en société (et non pas d’une politique partisane).
En parlant des « thèmes sensibles », nous voulons placer de l’avant les défis rencontrés par les enseignants en classe en dégageant quatre caractéristiques communes à tous ces thèmes :
C’est donc la complexité de ces thèmes qui devient un défi considérable, puisque leur traitement en classe nécessite une bonne maîtrise des connaissances à enseigner.
Ainsi, tous les thèmes peuvent devenir sensibles, selon le milieu scolaire dans lequel on œuvre : plus le milieu est pluriel, plus le niveau d’incertitude est élevé. Mais plus le milieu semble homogène, moins on est préparé à un éventuel débat.
Malgré ces nombreux défis, nous considérons que cet enseignement est d’une grande richesse. En engageant les élèves dans un apprentissage significatif pour eux, ce traitement des thèmes sensibles les amène à développer les compétences visées par les différents programmes et les motiver à approfondir leurs connaissances théoriques. Cet enseignement propose un environnement contrôlé et respectueux dans lequel les élèves sont accompagnés pour exprimer des points de vue élaborés et argumentés sur le thème étudié. C’est ainsi qu’ils expérimentent une nouvelle manière de s’engager dans un débat sur la place publique, différente de celle observée de plus en plus dans les médias sociaux.
C’est dans cette optique que nous avons élaboré le guide Aborder les sujets sensibles à l’école4, réclamé par une commission scolaire pour leur personnel dans le contexte post-attentat de Charlie Hebdo. Le guide propose une démarche générale qui peut s’adapter à différents contextes, thèmes et niveaux scolaires. Elle s’organise autour de quatre étapes :
1. La réflexion;
2. La préparation;
3. L’animation;
4. Le retour.
La première étape est en effet de décider d’aborder un thème sensible et de s’assurer que le contexte soit propice pour le faire. Il est légitime de se questionner sur le moment opportun, le contexte adapté ou le cours approprié pour le faire. Une fois qu’on a décidé d’aborder le thème sensible, se préparer en s’informant notamment sur les différents points de vue possibles ou explications acceptables, permettra de mieux gérer l’incertitude face aux réactions potentielles des élèves. L’animation devrait adopter des pratiques didactiques qui assureront un environnement respectueux et propice au dialogue et à l’apprentissage, mais on ne peut faire l’économie d’un moment de retour qui a comme objectif de rappeler les buts recherchés par cet enseignement. En effet, certains élèves risquent de retenir des éléments qui, pour l’enseignant, étaient secondaires ou même problématiques : un petit rappel à la fin assure qu’en partant de la classe, ils poursuivront la réflexion de manière constructive.
Le guide Comprendre pour mieux agir. La radicalisation menant à la violence chez les jeunes5 propose un autre exemple, plus spécifique, sur la manière d’aborder un thème sensible très particulier : la radicalisation. Destiné à l’ensemble du personnel scolaire, il poursuit deux objectifs : informer sur la radicalisation menant à la violence, en sensibilisant aux multiples aspects du phénomène et présenter des pistes d’action et des outils concrets pour prévenir la radicalisation violente.
Partant de l’idée qu’il n’existe pas une, mais des radicalisations, que ce soit d’extrême-droite, d’extrême-gauche, religieuses, nationalistes, le guide présente les facteurs de risque qui augmentent le risque de radicalisation violente et les facteurs de protection sur lesquels les acteurs scolaires peuvent miser. En effet, le rôle de l’école et du personnel scolaire dans la prévention de la radicalisation violente consiste à :
• Consolider les facteurs de protection (la capacité de s’ouvrir à la différence, la résilience, la compréhension solide de la/des religion[s], un réseau social stable…);
• Atténuer les facteurs de risque (la discrimination, l’intimidation, le sentiment de désaffiliation sociale et de non-reconnaissance, la marginalisation…);
• Mettre en œuvre des initiatives favorisant un climat scolaire positif.
Diverses pistes d’action sont proposées, par exemple : organiser des activités de sensibilisation interculturelle auprès des élèves; favoriser les initiatives qui reflètent et valorisent la diversité des héritages culturels des élèves; former les jeunes à l’analyse critique des médias, notamment des médias sociaux ou encore miser sur des initiatives permettant aux jeunes de développer un sentiment d’appartenance envers l’école et la société. Chacune des pistes d’action est accompagnée de différentes ressources pour soutenir leur mise en œuvre.
Le personnel scolaire peut évidemment adapter les démarches proposées dans ces guides à leurs contextes respectifs : la diversité ethnoculturelle du milieu, l’âge des élèves, la matière enseignée, etc. Leur objectif principal est de rendre ces thèmes légitimes et pertinents dans le cadre des apprentissages offerts par l’école.
Téléchargez notre trousse de discussion, Aborder les thèmes sensibles en classe : par où commencer? au www.edcan.ca/LaTrousse
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Notes
1 Legardez, A., & Simonneaux, L. (2006). L’école à l’épreuve de l’actualité. Enseigner les questions vives. Issy-les -Moulineaux: esf éditeur.
2 Groleau, A., & Pouliot, C. (2015). Éducation aux sciences et relations de pouvoir dans les controverses sociotechniques. Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education, 15(2), 117-135. doi:10.1080/14926156.2014.999959
3 Hess, D. E., & Mcavoy, P. (2015). The Political Classroom. Evidence and Ethnics in Demoncratic Education. New York: Routledge.
4 Hirsch, S., Audet, G., & Turcotte, M. (2015). Aborder les sujets sensibles avec les élèves. Guide pédagogique. Montréal: Centre d’intervention pédagogique en contexte de diversité et la Commission scholaire Marguerite-Bourgeoys.
Nous péférons désormais parler des « thèmes sensibles ». http://www.ciped.ca/wp-content/uploads/2014/04/CSMB_-Guide_sujet-sensibles_final..pdf
5 Audet, G., Fleury, R. et Rousseau, C. (2018). Comprendre pour mieux agir : la radicalisation menant à la violence chez les jeunes. Guide à l’intention du personnel scolaire. SHERPA et Direction des services d’accueil et d’éducation interculturelle du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. https://bit.ly/33fCogJ
En se basant sur les recherches de plusieurs historiens qui s’intéressent aux communautés culturelles, les auteures souhaitent fournir aux enseignants des balises pédagogiques et des repères historiques. C’est dans cette perspective qu’elles proposent de nouveaux guides de soutien à l’enseignement des programmes d’Histoire et éducation à la citoyenneté et d’Éthique et culture religieuse.
Le programme de formation de l’école québécoise intègre une approche pluraliste à la Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle (MEQ, 1998). Depuis son renouvellement en 2001, il accorde une place croissante à la diversité ethnique, culturelle et religieuse, tant dans les contenus à enseigner que dans l’approche à adopter pour les aborder en classe. Les programmes disciplinaires d’Histoire et éducation à la citoyenneté et d’Éthique et culture religieuse sont particulièrement concernés. On insiste entre autres sur la pluralité de la société québécoise, sur la contribution de ce pluralisme à sa richesse et sur les enjeux qu’elle soulève.
Cet enseignement représente un défi important pour le personnel enseignant. La prise en compte de la pluralité des expériences demande un effort particulièrement important de décentration afin d’accueillir des perspectives sur le passé qui diffèrent de celle de la culture dominante. Cette dernière est d’ailleurs encore au cœur des programmes d’histoire du Québec et du Canada du primaire et, encore plus, du secondaire. D’ailleurs, l’enseignement de l’histoire du Québec et du Canada est centré sur une trame narrative construite autour d’événements majeurs de l’histoire politique. Ainsi, les groupes minoritaires ayant moins accès aux leviers d’action politique sont ainsi quasi absents des prescriptions officielles1. Les enseignants qui souhaitent aborder ces trajectoires sont donc dépourvus de matériel.
En Éthique et culture religieuse, le défi est d’une autre nature. Le programme se construit autour d’une reconnaissance de la pluralité de la société québécoise et propose de partir de l’environnement des élèves pour en parler. Or, tous les milieux scolaires ne représentent pas la même diversité. De plus, parler de diversité mène parfois à dresser des traits généraux qui peuvent tomber dans les pièges du folklorisme, de l’essentialisme et de l’exotisme. Par exemple en parlant des Juifs de Montréal, on a tendance à parler plutôt des Hassidim, ces communautés très visibles parce qu’elles vivent en plein centre-ville et se démarquent par leur habillement. Pourtant, celles-ci sont très minoritaires parmi les Juifs du Québec. De la même manière, on a tendance à penser aux femmes voilées lorsqu’on parle de l’islam, mais elles seraient, elles aussi, minoritaires parmi les femmes musulmanes au Québec.
En nous basant sur les recherches de plusieurs historiens qui s’intéressent aux communautés culturelles du Québec – sur les Juifs (Anctil, Ringuette, Robinson, etc.), les Noirs (Bessière, Gay, Williams, Winks, etc.), les divers groupes anglophones (Grace, Little, Rudin, etc.), pour ne nommer que ceux-là – nous proposons d’enseigner l’histoire du Québec en se penchant différemment sur les enjeux contemporains de la société québécoise et en prenant le point de vue de ceux qui jusqu’à maintenant ont été relégués au second plan. Ces Québécois juifs, noirs, chinois, grecs, irlandais ont vécu le passé collectif d’une manière particulière, parfois simplement en raison de leur différence culturelle.
Les guides de soutien à l’enseignement de l’histoire des Noirs2, de la communauté juive3 et des communautés arabes et musulmanes du Québec4 visent tous à fournir aux enseignants des balises pédagogiques et des repères historiques, afin de faciliter l’intégration de ces contenus. Ils peuvent être utilisés tant pour l’enseignement au primaire qu’au secondaire et au collégial par des enseignants qui ont à aborder des questions entourant la présence de minorités ethniques, culturelles et religieuses au Québec. Ils leur fournissent des outils et des références qui les aideront à traiter de ces « histoires » du Québec dans leurs cours et à emprunter une démarche délibérative avec leurs élèves. Ils proposent en même temps aux élèves de découvrir la pluralité des points de vue, des mémoires et des expériences de l’ensemble des groupes sociaux ayant contribué à bâtir la société québécoise. Ils pourront ainsi discuter de diverses interprétations possibles des événements historiques composant le passé québécois et de mieux comprendre le pluralisme au sein de cette société. Cet enseignement propose ainsi de faire place à la diversité au sein de la société québécoise et de rendre visible la diversité qui existe au sein même de ces communautés minoritaires, trop souvent considérées comme uniques et unifiées, occultant ainsi leur richesse interne.
Les guides donnent aussi une voix à ces communautés et aux acteurs qui racontent leur expérience au sein de celles-ci. En effet, comme les élèves dans différents milieux scolaires n’ont souvent que très peu de contacts directs avec certaines communautés minoritaires qui sont encore concentrées dans la métropole et les autres centres urbains, ils connaissent peu de modèles issus de ces communautés. Ces guides tentent ainsi de dépasser le défi important de l’enseignement interculturel et inclusif qui, trop souvent, se limite à un enseignement sur la diversité5.
Faire place aux expériences des minorités dans l’enseignement permet de développer des compétences visées par les programmes scolaires. Cet enseignement est l’occasion parfaite pour comparer l’histoire du Québec et du Canada et l’histoire mondiale, de voir les liens qui unissent le Québec, le Canada et l’histoire d’autres pays, en faisant l’histoire de ces pays d’où sont venus ces femmes et ces hommes en quête d’une vie meilleure. Il est aussi l’occasion de discuter de questions difficiles liées au racisme et à la discrimination dont a fait preuve la société québécoise, mais aussi de donner la chance aux élèves de s’outiller pour réfléchir à ces questions difficiles.
Enfin, prendre en compte les expériences et les perspectives historiques des minorités permet de faire exister ces communautés dans l’imaginaire collectif en montrant les points de contact, les rapports de pouvoirs en jeu, les débats et les luttes qu’ont eu à mener ces différents acteurs pour améliorer leurs conditions de vie. Cette prise de conscience, en plus d’encourager l’empathie entre les citoyens, contribue à élargir le spectre des idées et des solutions à l’égard d’enjeux du présent et de l’avenir. C’est une contribution à la consolidation du vivre-ensemble dans une société pluraliste.
Illustration : Guides conçus et rédigés par Sabrina Moisan (Université de Sherbrooke) en collaboration avec Silvane Hirsch (UQTR), avec le soutien de la Direction des services d’accueil et d’éducation interculturelle, ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Notes
1 Éthier, M.-A., & Lefrançois, D. (2017). Quel sens de l’histoire ? Analyse critique du nouveau programme d’Histoire du Québec et du Canada. Montréal: Éditions M.
Moisan, S., & Hirsch, S. (2016). Enseigner l’histoire des Noirs au Québec. Montréal: Direction des services d’accueil et d’éducation interculturelle. Ministère de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
2 Tous les guides peuvent être consultés et téléchargés gratuitement ici : https://bit.ly/2YKKoCT
3 Hirsch, S., & Moisan, S. (2018). Enseigner l’histoire de la communauté juive du Québec. Guide de soutien pédagogique. Montréal: Direction des services d’accueil et d’éducation interculturelle. Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
4 Moisan, S., & Hirsch, S. (à paraitre). Histoire des communautés arabes et musulmanes au Québec. Guide de soutien pédagogique. Montréal: Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur.
5 Borri-Anadon, C., Boisvert, M., & Gonçalves, G. (2018). Conclusion. In C. Borri-Anadon, G. Gonçalves, S. Hirsch, & J. d. P. Queiroz (Eds.), La formation des éducateurs en contexte de diversité : une perspective comparative Québec-Brésil (pp. 244-250). Blue Mounds, Wisconsin: Deep University press.
La diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique en éducation : théorie et pratique est un ouvrage novateur portant sur la diversité spécifique au contexte éducatif québécois. Il a été réalisé sous la direction de Maryse Potvin, Marie-Odile Magnan et Julie Larochelle-Audet, professeures et sociologues en éducation, et il rassemble une trentaine de collaborateurs (professeurs, universitaires et leaders sociaux) issus de domaines variés tels que la sociologie, le droit, la didactique, la psychopédagogie et la politique.
On y retrouve 23 articles autour de six grandes parties thématiques : le visage de la diversité dans le contexte québécois, les concepts et fondements (par exemple, en ce qui a trait aux processus migratoires, aux rapports ethniques et aux accommodements raisonnables) servant à définir et éclairer toute question ou notion relative à la diversité, le développement des compétences du personnel en matière de diversité, la prise en compte des réalités et des besoins des élèves issus des minorités dans les pratiques scolaires, ainsi que les interactions scolaires et les relations école-famille-communauté.
Il est principalement destiné aux enseignants ainsi qu’aux futurs enseignants intéressés par les enjeux relatifs à l’équité et à la diversité en milieu scolaire. Il se veut avant tout un ouvrage de référence; son but premier n’est pas de défendre des arguments scientifiques. Il s’agit d’un outil didactique qui permet d’explorer et expliciter les notions essentielles à une compréhension approfondie des enjeux relatifs à la diversité. Il propose des pistes d’intervention et de réflexion pertinentes sur une variété de sujets, notamment par la présence d’activités et de questions d’approfondissement en fin de chapitre.
Cet ouvrage amène le lecteur à approfondir ses connaissances et ses réflexions personnelles par rapport aux enjeux soulevés par la diversité grandissante en milieu scolaire au Québec. Il représente un outil riche et efficace pour le développement de pratiques pédagogiques inclusives et équitables en milieu scolaire.
Sous la direction de Maryse Potvin, Marie-Odile Magnan et Julie Larochelle-Audet
ISBN : 9782923989693
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Dans leur pratique professionnelle, les enseignants risquent d’être confrontés à de nombreuses difficultés quand vient le temps d’adapter leur enseignement aux élèves porteurs de handicaps. En se basant sur son expérience d’enseignant, l’auteur présente sa vision d’empathie face à la difficulté d’inclusion de ces élèves en classe.
« Nul Homme qui aime son pays ne peut l’aider à progresser
s’il ose négliger le moindre de ses compatriotes ».
Gandhi
Les propos de Gandhi, personnage célèbre d’origine indienne, ayant défendu tout au long de sa vie, des valeurs humanistes, mettent explicitement en avant le fait que chacun des « hommes » mérite que l’on s’intéresse à lui. Cette position nous semble avoir un écho particulier dans les corps de métier où « l’humain » est au cœur des préoccupations des professionnels, comme c’est le cas pour les enseignants qui doivent répondre adéquatement aux besoins individuels des élèves, notamment ceux touchés par un ou plusieurs handicap(s).
Dans leur pratique professionnelle, les enseignants risquent d’être confrontés à de nombreuses difficultés quand vient le temps d’adapter leur enseignement aux élèves porteurs de handicap(s), ce qui peut faire obstacle à l’efficacité de leur mission. Dans ce cadre-là, les enseignants sont susceptibles de se poser certaines questions :
Ma position face à la difficulté d’inclusion des élèves porteurs de handicap(s) au sein d’une classe est que l’enseignant doit faire preuve « d’empathie » avec eux en adoptant une vision de l’intérieur, laissant entrevoir une réelle volonté de s’intéresser aux élèves et de les prendre en compte dans leur intégralité.
Toutefois, précisons ce que j’entends par vision de l’intérieur. Pour l’enseignant, celle-ci consisterait à « essayer » de se mettre dans la même situation que l’élève pour mieux comprendre son fonctionnement, ses difficultés, ses freins, ses points d’appui, ses limites, tout cela dans le but de réguler sa pratique. C’est comme si l’enseignant « entrait » dans la sphère privée de l’élève, d’une certaine manière dans son intimité, contrairement à une vision de l’extérieur où l’enseignant réagirait à ce qu’il perçoit de l’élève avec une certaine distance sur la situation. La vision de l’intérieur s’appuie sur des ressentis et laisse place à une certaine subjectivité, alors qu’avec la vision extérieure qui est davantage objective, l’enseignant relève des informations plus facilement identifiables.
Cependant, je crois qu’un regard plus objectif sur la prestation de l’élève ne garantit en rien une intervention adaptée et pertinente de l’enseignant auprès de celui-ci. Au contraire, j’émets l’hypothèse qu’en adoptant une vision de l’intérieur, l’enseignant est beaucoup plus près de l’élève, accédant ainsi à des informations qui lui permettent de comprendre davantage ses besoins et donc de les prendre en compte pour y répondre. Je pense qu’en ayant une vision de l’intérieur, l’enseignant peut alors faire preuve d’empathie, ce qui lui permettra de palier plus facilement les besoins individuels de l’élève porteur de handicap(s). Toutefois, comment les enseignants s’y prennent-ils pour faire preuve d’empathie? En quoi consiste plus exactement le fait de faire preuve d’empathie?
Si « fonctionner à l’empathie » peut sembler facile à comprendre, il est en revanche plus difficile de l’appréhender avec exactitude, de dire en quoi consiste réellement cette approche de l’humain. Dans son système éducatif, le Danemark est le seul pays au monde où les élèves, à raison d’une heure par semaine, bénéficient de leçon d’empathie, et ce, depuis la loi sur l’éducation de 19931. Concrètement, lors des leçons d’empathie, « les élèves sont invités à communiquer, écouter et échanger entre eux. À titre d’exemples, trouver une solution commune à un problème ou alors partager un gâteau qu’ils ont fait ensemble2. » En France, au sein de l’école primaire Henri Wallon dans la commune de Trappes, on s’appuie sur une approche humaniste où la bienveillance et l’empathie3 sont des points d’ancrage importants aux fondements de l’enseignement dispensé. Si l’empathie est définie comme la « faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent4 », ces deux exemples démontrent qu’il n’y a pas véritablement de démarche spécifique proposée aux élèves pour apprendre à percevoir ce que les autres peuvent ressentir.
Je propose donc une démarche qui viserait à aider les enseignants à faire preuve d’empathie avec leurs élèves porteurs de handicap(s), afin d’être en mesure de répondre le mieux possible à leurs besoins. C’est en quelque sorte une proposition visant à « didactiser » la notion d’empathie. Cette « didactisation » de l’empathie peut être envisagée en trois étapes.
Afin d’illustrer mes propos, prenons un exemple pour un élève atteint de cécité, dans le cadre d’une activité physique qu’est l’acrosport. Cette activité consiste à réaliser des pyramides par groupe de deux élèves ou plus. Plus précisément, pour démontrer en quoi le fait de faire preuve d’empathie peut aider les enseignants à répondre aux besoins des élèves en situation de handicap, choisissons comme pyramide un « duo en compensation de masse » où les élèves sont l’un en face de l’autre. Ils se tiennent par les bras, juste en dessous des épaules et, sans bouger les pieds (qui sont face à face) à quelques centimètres les uns des autres, font glisser leurs mains jusqu’à qu’ils se tiennent par les avant-bras. La pyramide une fois terminée ressemble à un « A » à l’envers.
Pour reprendre les différentes étapes que l’on a expliquées précédemment, l’enseignant essaie tout d’abord de s’imaginer réaliser cette pyramide. Dans cette perspective, il essaie de ressentir les sensations qu’il serait susceptible d’éprouver si lui-même était atteint de cécité. Ce ressenti est présenté sous forme d’appréhensions telles :
Ensuite, il s’agit d’observer la prestation de l’élève et déterminer des hypothèses explicatives de ce comportement. L’enseignant observe par exemple que l’élève, dans cette situation de création d’une pyramide, éprouve des difficultés à aller vers l’arrière. Lorsque son partenaire fait glisser ses mains pour construire la pyramide, l’élève atteint de cécité va timidement les faire glisser, lâchant finalement de peu son partenaire. Il se crée alors inéluctablement un décalage entre les deux acrobates. Après avoir analysé la situation avec une vision de l’intérieur, nous pourrions émettre différentes hypothèses telles que :
L’hypothèse retenue étant d’ordre affectif, le conseil à donner à l’élève devrait être de nature à le rassurer. Par exemple, l’enseignant pourrait demander à un autre élève de se placer derrière lui et de mettre ses mains dans son dos afin de diminuer sa peur d’aller vers l’arrière : l’élève atteint de cécité sentirait ainsi un contact physique qui le rassurerait quant à une éventuelle chute arrière, dans le cas où il lâcherait son partenaire; l’enseignant lui dirait alors ceci : « Descends doucement tes mains en ressentant en permanence celle de ton partenaire. »
C’est donc en adoptant une nécessaire vision de l’intérieur avec un regard humaniste sur la personne que l’enseignant saura répondre au besoin affectif de l’élève atteint de cécité ou de tout autre handicap, dans le dessein qu’il progresse et qu’il soit intégré dans le groupe dans lequel il se trouve. Cette approche prenant en compte les ressentis des élèves et valorisant « l’humain » supplante l’intervention didactique reposant sur le savoir. Cela nous apparaît essentiel lorsque nous sommes chargés de nous occuper d’autres personnes, notamment les plus vulnérables. Il semble illogique et incohérent de ne pas s’interroger sur la personne qu’est l’élève pour essayer de « l’élever au-dessus de sa condition pour qu’il voie l’horizon », précise Guillot5. C’est particulièrement le cas pour les personnes porteuses de handicap(s) nécessitant une plus grande attention eu égard à leurs difficultés. Toutefois, cette prise en compte des besoins des personnes par le biais d’une démarche empathique, peut aussi être envisagée pour les personnes n’étant pas touchées par un handicap. Et si cette approche humaniste est valable pour les enseignants, elle pourrait l’être aussi pour les infirmiers, les travailleurs sociaux, les éducateurs à l’enfance, les éducateurs spécialisés… Bref, tous les corps de métier où l’humain est en jeu et est l’enjeu.
Je terminerai avec une autre pensée de Gandhi, ou plutôt une question qu’il soulève, lorsqu’il nous interpelle sur les manières de faire grandir nos pairs, en disant : « La véritable éducation consiste à tirer le meilleur de soi-même. Quel meilleur livre peut-il exister que le livre de l’humanité? »
Photos : Gracieuseté de Julien Contu
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Notes
1Folketingstidende 1992-93 – L 270 : Proposition de loi sur la Folkeskole. Loi n ° 509 du 30 juin 1993.
2 https://positivr.fr/danemark-ecole-cours-empathie-enfant/
3 Ecole primaire Henri Wallon à Trappes https://www.youtube.com/watch?v=dLTsXJTBOqU
4 Dictionnaire Larousse https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/empathie/28880
5 Guillot, G. (2000). Quelles valeurs pour l’école du XXIe siècle ?. Editions L’Harmattan.
Grâce à une recherche-action en partenariat avec la Commission scolaire de Montréal, les auteures expliquent comment bien former et outiller les directions d’école à déployer des pratiques d’équité et d’inclusion en contexte de diversité ethnoculturelle. Elles proposent un modèle de développement de cette compétence ainsi qu’un webdocumentaire contenant des témoignages de directions d’école.
Les recherches menées dans plusieurs pays ont soulevé le rôle important des directions d’établissement sur la réussite éducative de tous les élèves, notamment en milieu pluriethnique1, et l’importance de développer un leadership d’équité et d’inclusion en contexte de diversité2.
Pourtant, la formation des directions d’école sur le leadership à développer en milieu pluriethnique et défavorisé s’avère lacunaire au Québec et dans de nombreux pays3. En référence à ces constats, nous nous sommes posé la question suivante :
Comment former et outiller les directions d’école à déployer des pratiques d’équité et d’inclusion en contexte de diversité ethnoculturelle?
Nous avons mené une recherche-action en partenariat avec la Commission scolaire de Montréal (CSDM) afin de coconstruire une formation sur le leadership en milieu pluriethnique avec des directrices d’école au primaire ainsi qu’avec des conseillers pédagogiques et des cadres des services éducatifs4. Le projet s’est déroulé sur trois ans5.
En collaboration avec les chercheures de l’équipe, les directrices ont créé et suggéré d’ajouter une compétence liée à l’équité et à l’inclusion dans le référentiel de compétences des directions de la CSDM. Elles ont libellé la compétence comme suit :
Favoriser et mettre en œuvre avec les acteurs de la communauté éducative des pratiques et un environnement éducatif inclusifs et équitables, exempts de discrimination pour toutes et tous.
Également, un webdocumentaire intitulé En route vers l’équité a émané de ce travail de réflexion sur la compétence et ses composantes afin d’exemplifier, par des récits vidéo, des pratiques concrètes.
Le webdocumentaire a été structuré autour d’un modèle de compétence québécois, construit en parallèle par le Groupe de travail sur les compétences et la formation des directions en matière d’équité et de diversité de l’Observatoire sur la Formation à la Diversité et l’Équité5. Ce modèle est composé d’une vision de la direction qui chapeaute la compétence et ses quatre composantes.
Dans le webdocumentaire, on peut visionner le témoignage de la directrice de l’école Bienville qui incarne cette vision6. Elle nous indique que favoriser la réussite éducative de tous ses élèves constitue une priorité qui guide l’ensemble de ses actions quotidiennes. Adapté de Les compétences des directions en matière d’équité et de diversité : pistes pour les cadres de référence et la formation, Larochelle-Audet et al., 2018.
Dans la composante 1, visant à développer un agir professionnel intègre et critique, on peut également visionner les récits de directrices de deux écoles : La Visitation et Simonne-Monet. Elles nous racontent que leur principal défi est d’adopter une posture réflexive et proactive quant aux enjeux relatifs à la diversité. Elles soulèvent l’importance :
Dans la composante 2, relative à un environnement éducatif favorisant l’action face aux inégalités, injustices et exclusions, les directrices nous racontent l’importance :
Dans la composante 3, visant principalement des pratiques éducatives et pédagogiques équitables, les directrices proposent :
Dans la composante 4, dans laquelle on prône la mise en place d’une culture scolaire inclusive des multiples points de vue et des apports des personnes de groupes minorisés, les directrices suggèrent des initiatives pour rapprocher l’école et les familles. Elles soulignent l’importance :
Nous espérons que ce modèle de compétence ainsi que son exemplification dans le webdocumentaire pourra inspirer les directions d’écoles, mais aussi les formateurs en milieu universitaire, les formateurs responsables de la formation continue dans les commissions scolaires ainsi que les associations de directions. Le modèle de compétence pourra être utilisé dans une optique de bonification de la formation des directions et des référentiels de compétences des commissions scolaires et du ministère de l’Éducation au Québec, dans d’autres provinces ou d’autres pays.
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Photo : Productions Cinta, Webdocumentaire réalisé par Jacinthe Moffatt
[Description] Deux photos de Catheline Bien-Aimé, directrice, discutant avec un élève de l’école Bienville (CSDM)
Notes
1 KHALIFA, M. A., GOODEN, M. A. et DAVIS, J. E. (2016). Culturally responsive school leadership: A synthesis of the literature. Review of Educational Research, 86(4), 1272-1311.
2 SHIELDS, C. (2015). From paradigm wars to transformative leadership. Can Educational Administration Foster Socially Just Schools?, The Solo Journal: Educational Foundations and Social Justice Education, 1(1), 1-22.
3 BORRI-ANADON, C., POTVIN, M., LONGPRÉ, T., PEREIRA BRAGA, L. ET ORANGE, V. (2018). La formation du personnel scolaire sur la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique dans les universités québécoises : portrait quantitatif de l’offre de cours de deuxième cycle en éducation. Rapport de recherche. Repéré à https://bit.ly/31pRJJF
4 Nous tenons à remercier toutes les personnes ayant participé à cette recherche-action : 1) les directrices Catheline Bien-Aimé, Guylaine Cool, Katia Fornara, Anne-Geneviève Ialongo, Annick Houle; 2) les conseillers pédagogiques Réginald Fleury, Aline Léveillé, Sonia Robitaille; 3) les cadres des services éducatifs Danielle Roberge, Line St-Pierre; 4) les chercheures Françoise Armand, Justine Gosselin-Gagné, Julie Larochelle-Audet et Luciana Pereira Braga.
5. Pour obtenir davantage d’informations relatives à cette recherche-action, voir l’article suivant : MAGNAN, M.-O., GOSSELIN-GAGNÉ, J., CHARRETTE, J. et J. LAROCHELLE-AUDET (2018). Gestionnaires et diversité ethnoculturelle en milieu scolaire : une recherche-action/formation en contexte montréalais, Éducation et francophonie, 46(2), 125-145. Repéré à https://bit.ly/2OD9Daj
LAROCHELLE-AUDET, J., MAGNAN, M.-O., POTVIN, M. et DORE, E. (2018). Les compétences des directions en matière d’équité et de diversité : pistes pour les cadres de référence et la formation [Rapport soumis à la direction des services d’accueil et d’éducation interculturelle du ministère de l’Education et de l’Enseignement Supérieur]. Repéré à https://bit.ly/2ZA0xMR
Les Centres de formation professionnelle du Québec (CFP) offrent des formations de courte durée qui sont axées sur l’apprentissage d’un métier et qui privilégient l’enseignement de compétences en lien direct avec le marché du travail. Or, le nombre d’élèves ayant des besoins particuliers est en forte augmentation dans le réseau scolaire québécois et bon nombre d’entre eux accèdent désormais à la formation professionnelle1. Ce secteur d’activités doit donc se doter d’outils pour soutenir ces élèves dans leur démarche d’apprentissage et appuyer les personnes qui interviennent auprès d’eux1. C’est dans cette perspective que les services complémentaires d’un CFP situé dans le bas St-Laurent, le Pavillon-de-l’Avenir à Rivière-du-Loup, ont proposé aux enseignants du programme cuisine d’implanter diverses interventions liées au système le Soutien au comportement positif (SCP).
Dans cet article, nous décrivons, au départ, quelques défis auxquels était confrontée cette équipe d’enseignants. Par la suite, nous présentons des interventions tirées du système SCP qui ont été proposées aux enseignants par l’équipe des services complémentaires afin de faire face aux défis identifiés. Nous terminons en rapportant quelques commentaires obtenus auprès des services complémentaires et des enseignants qui ont vécu cette expérience innovante en formation professionnelle (FP).
Les adultes qui fréquentent les CFP représentent une clientèle étudiante très hétérogène. En effet, on retrouve dans ces centres des personnes qui retournent aux études pour obtenir une qualification leur permettant d’exercer un métier, et ce, après avoir généralement occupé quelques emplois sur le marché du travail. On y retrouve également de plus en plus d’étudiants ayant vécu des difficultés, au secteur de la formation générale des jeunes, qui désirent également apprendre un métier. Or, enseigner dans un tel contexte amène de nombreux défis comme l’indique l’enquête d’Hamelin réalisée, en 2014, auprès d’enseignants ouvrant en FP : « Considérant l’hétérogénéité et le parcours antérieur de leurs élèves, plus d’un n’hésite pas à utiliser le terme psychologue pour décrire leur travail. L’aspect humain semble prendre beaucoup de place dans la tâche enseignante en FP. Trois extraits tirés du questionnaire expriment bien cette perception :
« Souvent, les adultes plus enthousiasmés et convaincus de leur choix entrent en conflit avec les élèves adolescents en découverte de leur personnalité. »
Hamelin2 indique également : « en FP les troubles comportementaux ou d’absentéisme se révèlent les principaux motifs d’exclusion. » Ces défis sont semblables à ceux auxquels a été confrontée l’équipe enseignante du programme cuisine du CPF Pavillon-de-l’Avenir situé à Rivière-Du-Loup (absences à la hausse, retards nombreux, langage irrespectueux, etc.). Pour faire face à ces problématiques, l’équipe des services complémentaires a proposé aux enseignants concernés d’implanter dans leur salle de classe diverses interventions tirées du système SCP.
Le SCP, une traduction de Positive Behavioral Interventions and Supports (PBIS), est un système qui restructure la gestion des comportements en utilisant un ensemble de pratiques et de stratégies éducatives afin d’une part, prévenir et gérer efficacement les écarts de conduite des élèves et d’autre part, établir et maintenir un environnement favorisant l’enseignement et l’apprentissage3. Ce système de gestion des comportements, développé aux États-Unis il y a plus de vingt-cinq ans, est bien implanté dans les écoles primaires et secondaires, et ce, un peu partout dans le monde. Le SCP/PBIS a montré des effets positifs sur la réduction de l’indiscipline dans de nombreuses études3,4. Toutefois, son implantation dans les établissements scolaires desservant un public adulte est peu fréquente.
Dans le cadre de la présente expérimentation, le personnel des services complémentaires a accompagné les enseignants du programme cuisine dans l’implantation d’interventions préventives proposées par le SCP auprès de deux groupes d’étudiants, l’un terminant le programme et l’autre le débutant. Les interventions préventives favorisent auprès des étudiants l’adoption des comportements désirés. Dans cette expérimentation, les interventions préventives mises en œuvre sont les suivantes :
Tableau 1. Matrice des comportements attendus
Malgré la mise en œuvre de ces interventions préventives, certains étudiants manifesteront des écarts de conduite nécessitant le recours à des interventions correctives. Les interventions correctives proposées par le SCP et mises en place lors de cette expérimentation sont les suivantes :
Il importe de souligner que l’efficacité des interventions préventives et correctives utilisées dans cette expérimentation repose essentiellement sur la prise en compte des conditions spécifiques suivantes :
Nous avons rencontré, en février 2019, les enseignants et les services complémentaires concernés par l’expérimentation du SCP afin de recueillir leurs commentaires sur cette innovation en FP. Voici quelques commentaires obtenus auprès de ces personnes.
Tel que nous l’avons mentionné, l’enseignement en formation professionnelle présente des défis importants étant donné l’hétérogénéité des étudiants qui fréquentent ces établissements scolaires. Les troubles du comportement et l’absentéisme sont les motifs pour lesquels il y a le plus d’exclusions dans ce type d’établissement2. Pour faire face à ces problématiques, l’équipe des services complémentaires du CFP le Pavillon-de-l’Avenir a proposé aux enseignants du programme cuisine d’implanter diverses interventions issues du système SCP. Nous tenons à rappeler que le SCP est rarement implanté auprès d’étudiants adultes, car plusieurs enseignants à ce niveau d’enseignement considèrent, à tort, notamment que l’enseignement explicite des comportements et le recours aux renforcements sont des interventions à utiliser plutôt avec des enfants.
Or, l’expérimentation réalisée dans ce CFP montre les effets positifs liés aux interventions issues du SCP et c’est pourquoi nous tenons à souligner le caractère innovateur de cette initiative et le courage du personnel enseignant et de l’équipe des services complémentaires qui ont réalisé ce projet.
Grâce au travail du personnel de ce centre, les étudiants du programme cuisine apprennent les comportements attendus d’un bon cuisinier, c’est-à-dire qu’il est respectueux, responsable et fier de son travail!
Cet article a été rédigé en collaboration avec Caroline Marie Chouinard, conseillère pédagogique et Jean-Denis Guignard, orthopédagogue. Ceux-ci interviennent au sein des services complémentaires du CFP le Pavillon-de-l’Avenir à Rivière-Du-Loup. De plus, ils sont responsables de l’expérimentation SCP auprès des enseignants du programme cuisine.
Références
1. Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (2017). Lignes directrices pour assurer la cohérence des actions entreprises au regard de la démarche d’accompagnement de l’élève ayant des besoins particuliers. Formation professionnelle. Québec : Gouvernement du Québec. Repéré à URL http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/dpse/formation_professionnelle/Lignes-directrices-besoins-particuliers_FP.pdf
2. Hamelin, P. (2014). Réalisation du portrait global, authentique et pratique de la formation professionnelle actuelle et récente au Québec. Mémoire inédit. Université du Québec à Montréal.
3. Bissonnette, S., Gauthier, C., Castonguay, M. (2016). L’enseignement explicite des comportements. Pour une gestion efficace des élèves en classe et dans l’école. Montréal : Chenelière Éducation.
4. Strunk, E., & Rossi, M. (2016). A Meta-Analysis on the Effectiveness of PBIS in Reducing Maladaptive Behaviors. University Presentation Showcase Event. 14. Repéré à URL https://encompass.eku.edu/swps/2016/graduate/14
[Extrait de l’article original rédigé en anglais : traduction libre par le Réseau ÉdCan]
Le bien-être des enseignants est essentiel à l’éducation, au comportement et à la santé mentale des jeunes. Les enseignants qui se débrouillent bien sont capables d’établir et de maintenir des relations positives, de dispenser un programme d’enseignement attrayant et de contribuer à une culture de soutien. Les directions d’école avisées qui veulent que tous les élèves s’épanouissent trouveront des moyens de chérir leurs enseignants au sein d’un cadre scolaire visant le bien-être. Lorsque le bien-être est au cœur des valeurs et des pratiques de l’école, un cycle vertueux s’ensuit : un meilleur état mental et une résilience accrue, l’engagement des élèves, les résultats scolaires et le comportement pro-social1.
Une quantité limitée de stress peut être stimulante, susciter les réponses créatives et améliorer la concentration. Le stress continu chronique, en revanche, est littéralement toxique. Il peut affaiblir le système immunitaire et provoquer une hypertension artérielle, de la fatigue, une dépression, de l’anxiété et même des maladies cardiaques. Au fil du temps, il entraîne une dégradation de l’hippocampe, la partie du cerveau la plus active de la mémoire.
Les étudiants dont le comportement est plus demandant rencontrent souvent des difficultés. Ces jeunes à risque ont besoin dans leur vie d’adultes capables de maintenir la qualité relationnelle qui renforce la résilience2. Les professionnels de l’enseignement sont généralement des personnes bienveillantes, désireuses de faire une telle différence, mais quand ils sont débordés, leurs réponses peuvent devenir auto-protectrices, avec peu de compréhension et d’empathie. La vie scolaire des élèves vulnérables devient alors un miroir de ce qui se passe pour eux ailleurs, sapant à la fois l’apprentissage et la santé mentale.
Enseigner peut être une activité stressante, mais également significative, stimulante et enrichissante. En visant ces deniers, nous devons soit réduire la demande ou soit augmenter les ressources. Plutôt que de consacrer une énergie précieuse sur des choses impossibles à changer, tel que les antécédents scolaires des étudiants ou les directives du gouvernement, faisons preuve de créativité en ce qui concerne les possibilités.
Alors, que signifie bien réussir et que peuvent mettre les écoles en place pour que cela se produise? Le bien-être scolaire global ne constitue pas un ensemble de programmes, mais « comment les choses se passent ici. » Une culture caractérisée par un capital social élevé et par la créativité profite à tous. Ainsi, plutôt que de simplement rappeler aux enseignants de se prendre en main, nous explorons ici les valeurs, les priorités et les innovations de l’ensemble de l’école qui placent le bien-être au centre de nos préoccupations.
L’affiche disponible gratuitement plus haut présente ainsi les quatre éléments sur lesquels nous pouvons travailler afin de créer une culture qui favorise le bien-être du personnel à l’école, soit le bien-être physique, cognitif, émotionnel et social.
Consultez la version complète de l’article en anglais seulement.
Photo : Rob Newell, courtesy West Vancouver Schools
Publié pour la première fois dans Éducation Canada, septembre 2017
Notes
1 T. Noble, H. McGrath, S. Roffey, and L. Rowling, A Scoping Study on Student Well-being (Canberra, ACT: Department of Education, Employment & Workplace Relations, 2008).
2 S. Roffey, “Ordinary Magic Needs Ordinary Magicians: The power and practice of positive relationships for building youth resilience and well-being,” Kognition & Paedagogik 103 (2017): 38-57.
En 2004, à la suite de son 37e Congrès, la Centrale des syndicats du Québec (CSQ) convoquait plusieurs acteurs des réseaux de l’éducation afin de faire le point sur le dossier de l’homophobie. Moins de deux ans plus tard, deux tables nationales de lutte contre l’homophobie étaient mises sur pied, une pour le réseau scolaire et une pour le réseau collégial.
Au fil des années, constatant que les enjeux concernant les jeunes LGBTQ+ étaient très semblables peu importe l’ordre d’enseignement, l’idée de fusionner les deux tables en une seule et même entité fait son chemin.
C’est ainsi qu’est née, en 2014, la Table nationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie des réseaux de l’éducation.
La Table nationale regroupe maintenant plus d’une trentaine d’organismes et d’acteurs issus des milieux de l’éducation : ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, organisations syndicales représentant le personnel enseignant, professionnel et de soutien, organisations patronales, associations de directions et de cadres, comités de parents et associations étudiantes des réseaux collégial et universitaire. On compte aussi le ministère de la Justice du Québec au sein de la Table.
La Table nationale s’est donné pour mission de favoriser la concertation entre les différents partenaires des réseaux de l’éducation. Elle voit à favoriser une meilleure compréhension des réalités des jeunes et des personnes issues de la diversité sexuelle (personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles, etc.), de la pluralité des genres (personnes trans et non binaires) et de l’intersexuation (personnes intersexes1 et de la bispiritualité2). Elle tend à promouvoir des valeurs de respect, d’inclusion et d’acceptation.
De plus, elle fait la promotion de comportements contribuant à prévenir et à contrer les phénomènes d’intimidation, de violence, d’hétérosexisme3, de cissexisme4, de cyberintimidation, d’homophobie et de transphobie vécus par les jeunes et par le personnel en milieux scolaire, collégial et universitaire.
La Table nationale cible plusieurs objectifs, dont celui de sensibiliser l’ensemble des personnes du milieu de l’éducation à la présence et à l’accueil de la diversité sexuelle, de la pluralité des genres et de l’intersexuation, afin de lutter contre l’homophobie et la transphobie, puis contre leurs effets négatifs sur les jeunes et sur les membres du personnel.
Pour ce faire, elle invite tous les acteurs des milieux de l’éducation à poser des actions concrètes, notamment en incluant les réalités de la diversité sexuelle, de la pluralité des genres et de l’intersexuation ainsi que la problématique de l’homophobie et de la transphobie dans les préoccupations éducatives, tout au long du cheminement scolaire, collégial et universitaire des jeunes et des étudiants.
Elle agit aussi à titre consultatif auprès des autorités compétentes de différents ministères5 et du Bureau de lutte contre l’homophobie, par exemple.
Finalement, la Table veut faire connaitre les ressources disponibles en lien avec les différentes réalités vécues par les personnes de la diversité sexuelle, de la pluralité des genres et de l’intersexuation, notamment les recherches, les outils de promotion des bonnes pratiques, de prévention et d’intervention, les guides pédagogiques, les organismes communautaires d’aide aux personnes issues de ces différentes communautés, etc.
La Table a identifié divers moyens d’action afin de remplir sa mission. Elle invite les établissements d’enseignement des commissions scolaires, les établissements d’enseignement privés, les cégeps et les universités à tout mettre en œuvre pour créer et maintenir un environnement sûr et sécuritaire pour tous dans le but de lutter contre les préjugés, l’intimidation, la violence, l’homophobie et la transphobie.
Afin d’appuyer les établissements, elle leur fournit du matériel (affiches, dépliants, autocollants, etc.) pour l’organisation d’activités de sensibilisation sur les réalités des personnes issues des communautés LGBTQ+.
Elle souhaite aussi amener les établissements scolaires, collégiaux et universitaires à organiser des activités pour souligner la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie, qui se tient le 17 mai de chaque année.
Elle invite également les organismes membres de la Table nationale à planifier des formations qui sont offertes par diverses organisations comme l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), la Coalition des familles LGBT ou Enfants transgenres Canada.
La Table collabore enfin à des projets de recherche en permettant aux chercheurs de consulter le personnel et les jeunes des établissements d’enseignement de tous les ordres. À titre d’exemple, elle est partenaire du projet de recherche partenariale Savoirs sur l’inclusion et l’exclusion des personnes LGBTQ (SAVIE-LGBTQ) de la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’UQAM.
La Table6 a organisé quatre colloques depuis sa création et elle produit de nombreux documents tels que des guides pour outiller le personnel. Le guide Mesures d’ouverture et de soutien envers les jeunes trans et les jeunes non binaires, destiné aux établissements d’enseignement, en est un bon exemple. D’ailleurs, un tout nouveau guide de soutien et d’inclusion des personnes trans et des personnes non binaires en milieu de travail, destiné aux employeurs et aux syndicats, sera disponible sous peu.
L’existence même de la Table et les actions entreprises par celle-ci sont la preuve indéniable que la concertation et le travail d’équipe constituent la clé du succès en matière de lutte à l’homophobie et la transphobie.
Illustration : Table nationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie des réseaux de l’éducation
Première publication dans Éducation Canada, juin 2019
1 Les personnes intersexes ont une somme de caractéristiques liées au sexe (chromosomiques, gonadiques, hormonales ou génitales), et ce, souvent dès la naissance, qui ne correspondent pas aux définitions médicales binaires des corps masculins ou féminins. Ces personnes sont pathologisées par la médecine et sont souvent soumises dès le plus jeune âge à des interventions non consenties, irréversibles et non cruciales au maintien de leur santé, visant à conformer leur corps aux modèles féminin ou masculin typiques. On les appelait autrefois hermaphrodites. Ce terme est maintenant souvent considéré comme péjoratif par les personnes concernées.
2 Terme englobant les identités gaies, lesbiennes, bisexuelles, trans et non binaires. Le terme a été adopté par les autochtones lors d’un rassemblement au début des années 1990.
3 Hétérosexisme : présomption que chaque personne est hétérosexuelle. L’hétérosexisme contribue à occulter les orientations sexuelles différentes de l’hétérosexualité et à affirmer qu’elle est la seule orientation qui soit valable.
4 Cissexisme : présomption que chaque personne est cisgenre. Le cissexisme contribue à occulter les autres identités de genre et à affirmer la seule binarité des genres comme étant valable.
5 Ministère de la Justice (2009). Politique québécoise de lutte contre l’homophobie. Gouvernement du Québec. Repéré le 10 avril 2019 à www.justice.gouv.qc.ca/fileadmin/user_upload/contenu/documents/Fr__francais_/centredoc/publications/ministere/politiques/homophobie.pdf. Ministère de la Famille (2015). Ensemble contre l’intimidation, une responsabilité partagée. Gouvernement du Québec. Repéré à mfa.gouv.qc.ca/fr/publication/documents/plan-action-intimidation-2015.pdf.
6 Pour en savoir davantage sur la Table nationale, nous vous invitons à parcourir son site Web.
Alors que le suicide est un important problème de santé publique, les éducateurs et les décideurs politiques s’intéressent de plus en plus à la prévention dans les écoles pour tenter de réduire le nombre de décès par suicide des jeunes. Même s’il n’existe pas de preuves scientifiques solides de l’efficacité et de l’innocuité des programmes de prévention du suicide à l’école, ceux-ci sont devenus une source fructueuse de revenus pour certains organismes et entreprises.
La recherche ne permet pas de déterminer ce qui empêche le suicide auprès des jeunes. La première étude à démontrer des résultats positifs de ces programmes a été publiée en février 2019, mais portait sur les jeunes patients d’un hôpital psychiatrique et non sur des élèves en général. De plus, certains programmes en milieu scolaire soi-disant efficaces sont en réalité nuisibles. Par exemple, une étude a montré que le programme Signs of Suicide (SOS) avait causé une augmentation des tentatives de suicide parmi les participants. Quant au programme SafeTALK, s’il a permis aux participants d’améliorer leur confiance en soi auto-déclarée à parler de suicide, la moitié d’entre eux ont par la suite été sélectionnés pour évaluation professionnelle. Une récente étude canadienne a également permis d’établir un lien entre l’augmentation de l’utilisation de programmes de prévention du suicide et celle du taux de suicide chez les très jeunes filles.
Au mieux, la plupart des études évaluent les connaissances auto-déclarées des élèves sur le suicide et la confiance en soi à parler du suicide, ou fait état des tentatives de suicide ou d’idéation suicidaires auto-déclarées. Aucune de ces mesures ne peut déterminer l’efficacité d’un programme à prévenir le suicide.
Le suicide chez les jeunes est un sujet chargé d’émotivité qui exige une action réfléchie, rationnelle et appuyée par la recherche. Alors que les écoles sont parfois prises entre le désir d’agir et le marketing sophistiqué de programmes qui tirent parti de cette intention, le personnel scolaire doit faire preuve d’esprit critique dans l’application éventuelle d’intervention de prévention du suicide.
Statistique Canada : Les taux de suicide : un aperçu
TeenMentalHealth.org:
Knightsmith P. Youth suicide prevention research needs a shake-up: lives depend on it. 2018. Repéré à https://www.nationalelfservice.net/mental-health/suicide/youth-suicide-prevention-research-needs-a-shake-up-lives-depend-on-it/
Kutcher S., Wei Y. The vexing challenge of suicide prevention: a research informed perspective on a recent systematic review. 2016. Repéré à https://www.nationalelfservice.net/mental-health/suicide/vexing-challenge-suicide-prevention-research-informed-perspective-recent-systematic-review/
King CA., Arango A., Kramer A., et., al. Association of the Youth-Nominated Support Team Intervention for Suicidal Adolescents With 11- to 14-Year Mortality Outcomes. Secondary Analysis of a Randomized Clinical Trial. JAMA Psychiatry. 2019. doi:10.1001/jamapsychiatry.2018.4358
Schilling EA, Lawless M, Buchanan L, et al. Signs of Suicide shows promise as a middle school suicide prevention program. Suicide Life Threat Behav. 2014; 44(6): 653-67.
Bailey E, et al. Universal Suicide Prevention in Young People: An evaluation of the safeTALK Program in Australian High Schools. Crisis. 2017; 38(5), 300-308.
Kutcher S., et al. School-and Community-Based Youth Suicide Prevention Interventions: Hot Idea, Hot Air, or Sham? The Canadian Journal of Psychiatry. (2016): 1-7.
À noter : Cette fiche est conforme à la nouvelle orthographe. Le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but d’alléger le texte.
La prévention du suicide est un sujet chargé d’émotivité, et les parents, collectivités ou médias sont prompts à nous presser de « faire quelque chose » lorsque survient un suicide. Les formations en prévention ne font pas partie du programme pédagogique habituel, et lorsqu’un évènement de nature suicidaire survient, les directions scolaires, les décideurs politiques et les politiciens doivent :
Ces quatre approches ont de meilleures chances de prévenir le suicide des élèves que celles qu’offrent actuellement des programmes de prévention habilement commercialisés.
Les dirigeants d’établissements scolaires doivent faire les choses qu’ils savent être efficaces pour prévenir le suicide, éviter celles qu’ils savent ne pas être efficaces ou dont ils ne sont pas certains ou qui pourraient même causer plus de tort que de bien. « Agir » et « bien agir » sont parfois des choses bien différentes.
Réseau ÉdCan :
TeenMentalHealth.org:
Knightsmith P. Youth suicide prevention research needs a shake-up: lives depend on it. 2018. Repéré à https://www.nationalelfservice.net/mental-health/suicide/youth-suicide-prevention-research-needs-a-shake-up-lives-depend-on-it/
Kutcher S., Wei Y. The vexing challenge of suicide prevention: a research informed perspective on a recent systematic review. 2016. Repéré à https://www.nationalelfservice.net/mental-health/suicide/vexing-challenge-suicide-prevention-research-informed-perspective-recent-systematic-review/
King CA., Arango A., Kramer A., et., al. Association of the Youth-Nominated Support Team Intervention for Suicidal Adolescents With 11- to 14-Year Mortality Outcomes. Secondary Analysis of a Randomized Clinical Trial. JAMA Psychiatry. 2019. doi:10.1001/jamapsychiatry.2018.4358
Schilling EA, Lawless M, Buchanan L, et al. Signs of Suicide shows promise as a middle school suicide prevention program. Suicide Life Threat Behav. 2014; 44(6): 653-67.
Bailey E, et al. Universal Suicide Prevention in Young People: An evaluation of the safeTALK Program in Australian High Schools. Crisis. 2017; 38(5), 300-308.
Kutcher S., et al. School-and Community-Based Youth Suicide Prevention Interventions: Hot Idea, Hot Air, or Sham? The Canadian Journal of Psychiatry. (2016): 1-7.
À noter : Cette fiche est conforme à la nouvelle orthographe. Le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but d’alléger le texte.
Cet article propose une approche pédagogique s’éloignant des pratiques d’enseignements et d’évaluations traditionnelles en classe de langue. L’auteure présente en effet ce qu’elle nomme des projets passions, c’est-à-dire des projets créés et élaborés par les élèves à partir de champs d’intérêt dans le but de développer les compétences du 21e siècle. Elle y présente une approche renouvelée d’accompagnement et d’évaluation individuelle et coopérative des projets des élèves.
On dit souvent qu’il faut repenser l’évaluation et l’école. Effectivement, je crois que l’une est conditionnelle à l’autre. Même mes élèves sont d’accord pour dire que les examens ont des limites. La plupart du temps, ils ne permettent pas de voir si l’élève a réellement appris ce qu’il devait apprendre, mais servent plutôt à mesurer sa capacité à mémoriser le contenu pour une durée déterminée. Je crois que la plupart des enseignants s’entendent pour dire qu’on ne peut évaluer aussi formellement toutes les matières ou divers projets de la même façon. Cependant, la plupart s’entendent aussi pour dire qu’il n’est pas si facile de faire autrement. Devons-nous complètement éliminer les examens pour faire place à une évaluation centrée sur l’élève et sur son cheminement individuel? Je propose ici une option que j’applique en ce moment dans mes cours de langue seconde dans le but de mieux préparer mes élèves à faire face au monde du travail.
Depuis l’an dernier, les projets passions, c’est-à-dire des projets créés et élaborés par les élèves à partir de champs d’intérêt dans le but de développer les compétences du 21e siècle et de travailler avec la communauté, font partie de mes cours de langues. D’ailleurs, cette année, ils en sont le point central, s’ils ne composent pas, en fait, la totalité du cours. J’agis en tant que guide; mon rôle est de soutenir et d’accompagner mes élèves du secondaire dans leur quête de sujets à explorer, dans leur progrès langagier et dans le développement de ces compétences dites du 21e siècle. L’apprentissage dépasse largement les murs de l’école et il y a pour les élèves tout autant d’options à explorer que de moyens de démontrer ce qu’ils ont appris. Selon ce modèle d’apprentissage, il m’est impossible d’évaluer tous les élèves de la même façon et également impossible d’être une experte dans ne serait-ce que la moitié des projets qu’ils ont initiés. Si l’on considère que certains élaborent un journal étudiant portant sur toutes les fêtes et occasions spéciales à notre école alors que d’autres créent des sites Web et des jeux vidéos, il est évident que mes stratégies d’évaluation doivent refléter individuellement ce que les élèves ont projeté dans chacun de leur projet. Mon rôle comme enseignante est avant tout d’aider les élèves à s’améliorer en langue anglaise en leur offrant un bain culturel et langagier. Ils doivent aussi avoir l’occasion d’explorer les sujets qui les passionnent et de développer des habiletés indispensables, peu importe le métier qu’ils choisiront.
Mais comment évaluer équitablement mes élèves et suivre chacun d’eux dans leurs progrès individuels alors qu’ils travaillent sur des projets différents? C’est en vérité bien difficile et certains jours, cela me semble impossible. Tout enseignant doit avoir un excellent sens de l’organisation afin de jongler avec les dates de remises, l’assurance de la remise des travaux de chacun des élèves, une certaine assiduité dans le retour des travaux corrigés, en plus de s’adapter à corriger toutes sortes de travaux différents. Je ne planifie pas réellement les évaluations. Les élèves choisissent ce qu’ils vont présenter et la manière dont ils vont le faire. Je dois suivre ce qu’ils font (ce qui est déjà un très grand défi!) ainsi que m’assurer qu’ils se fixent des objectifs et qu’ils utilisent des outils efficaces pour continuer de s’améliorer en faisant bon usage de la langue.
Il est important de considérer qu’on traite ici seulement de l’évaluation des apprentissages. Travailler ainsi requiert tout un processus de désapprentissage et de mise en pratique avant que la classe soit fonctionnelle et encore, elle ne ressemble en rien à un cours traditionnel. La très grande majorité des élèves ont l’habitude d’entendre leurs enseignants leur imposer quoi faire et comment le faire. Afin de leur apprendre à penser indépendamment et de les inviter à exploiter leur créativité, et non pas seulement produire machinalement des travaux dont la seule motivation est qu’ils doivent être remis à l’enseignant, il est nécessaire de prendre tout le temps qu’il faut pour s’entretenir avec chacun des élèves afin de les aider à préciser quel est leur principal objectif. Une fois que nous avons ensemble clairement établi cet objectif, les compétences et habiletés à développer, la planification du projet ainsi que sa présentation finale deviennent plus évidentes pour l’élève et son enseignante. Et tout au long de l’année scolaire, ce processus doit se répéter pour chaque nouvel apprentissage en s’assurant que de nouvelles approches seront explorées par les élèves afin qu’ils puissent appliquer de la créativité dans leur résolution de problème.
Bien qu’il soit important pour les enseignants d’accorder tout le temps nécessaire avec leurs élèves pour la planification de leurs divers projets d’apprentissage et pour établir clairement tous les critères requis pour la réussite de chaque élève, il me semble évident qu’une approche individualisée, quoiqu’exigeant parfois des efforts herculéens, est le seul moyen de vraiment appuyer nos élèves dans le développement des compétences requises afin qu’ils puissent bien s’adapter aux réalités changeantes du marché du travail qui les attend. À long terme, leur meilleure connaissance de soi, leur capacité à penser indépendamment, le développement de leur esprit critique et de bonnes capacités de résolution de problèmes, leur apprentissage par l’erreur, leur persévérance et leurs habilités communicatives s’amplifieront afin de permettre à ces futurs citoyens d’accomplir efficacement et en collaboration des projets d’envergure.
À ceux et celles qui souhaiteraient adopter cette approche dans leur cours, il faut comprendre que cela requière de la patience, l’engagement nécessaire afin d’être prêt à offrir autant d’efforts que vos élèves, et des révisions quotidiennes afin de mieux aider vos élèves à bien s’adapter à une telle approche pédagogique. Il faut se rappeler que la seule façon pour que cela échoue réellement est d’arrêter d’essayer. Soyez honnête avec les élèves ; dites-leur que vous aussi, vous êtes également en apprentissage. Affirmez-leur que c’est pour eux que vous adoptez cette nouvelle approche parce que le statuquo pédagogique ne leur permettra plus de vraiment être bien prêts à faire face aux exigences d’un monde changeant et d’un avenir incertain.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, mars 2019
Le rapport d’étude de cas du Réseau ÉdCan intitulé Rassembler les communautés pour mieux soutenir nos élèves est un guide de référence destiné aux leaders scolaires et communautaires disposés à augmenter le taux d’alphabétisation, à favoriser la persévérance scolaire et à consolider la collaboration en milieu rural.
Il s’agit d’une histoire trop courante dans les communautés rurales au Canada. Des parents ayant un mauvais rapport avec la lecture et l’écriture. Des revenus de ménage et des taux de chômage qui tombent au-dessous de la moyenne canadienne. Des élèves en difficulté d’apprentissage qui, malgré leurs besoins, n’ont pas accès à des orthophonistes ou à des conseillers pédagogiques. Des écoles qui risquent d’être fermées et des services communautaires ébranlés par le décrochage scolaire des jeunes ou le départ vers la ville de ceux à la recherche d’un avenir plus prospère. Ces tendances peuvent toutefois être renversées grâce à une « approche communautaire écosystémique ». Ce processus par étapes, développé au Québec, mise sur les partenariats école-communauté afin de réduire le taux de décrochage dans les écoles et municipalités rurales et défavorisées.
« Le taux de réussite de nos élèves de quatrième année est passé de 50 % à 98 % en seulement cinq ans », constate Sylvain Tremblay, directeur d’écoles, primaire et secondaire, à Saint-Paul-de-Montminy, Québec. « Au lieu de travailler en silos, nous avons impliqué les parents, enfants, enseignants et partenaires de la communauté pour créer, ensemble, des activités visant à augmenter les capacités de langage des tout-petits et à encourager la réussite scolaire et sociale de nos enfants et jeunes adultes. »
Le guide propose un accompagnement par étapes complet, dont des outils flexibles ayant initialement été développés par le CTREQ, un centre québécois de recherches et de mobilisation de connaissances.
« Les écoles se doivent de collaborer étroitement avec les communautés et les familles dans lesquelles vivent et grandissent leurs élèves », indique Darren Googoo, président du Réseau ÉdCan, une collectivité pancanadienne de leaders en éducation. « Il ne s’agit pas de surcharger les éducateurs déjà trop occupés; au contraire, le but est de rallier les leaders communautaires autour d’un plan d’action qui renforce et met à profit des ressources et des efforts existants. »
Cette initiative bénéficie du généreux soutien financier de State Farm Canada, qui partage l’engagement du Réseau ÉdCan à soutenir les leaders qui transforment le système d’éducation publique au Canada.