Rencontres interculturelles

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Communauté scolaire, Diversité

Les rencontres interculturelles, une clé pour l’ouverture à l’Autre

Dans une école secondaire pluriethnique de Montréal, un projet de recherche a été mené afin de faciliter des rencontres entre des élèves d’une classe d’accueil et ceux d’une classe régulière. Cela a permis à tous ces élèves de vivre une expérience unique où l’intégration linguistique, scolaire et sociale s’est réalisée de façon très harmonieuse.

Faciliter l’intégration des élèves issus de l’immigration constitue un défi pour l’ensemble de l’équipe-école, défi d’autant plus grand lorsque ces élèves ne maîtrisent pas la langue d’enseignement. Les enseignants, souvent aux premières loges de l’accueil et de l’insertion des nouveaux arrivants à l’école, sont-ils outillés pour relever ce défi? Que peuvent-ils mettre en œuvre afin d’aider ces élèves à vivre une intégration linguistique, scolaire et sociale harmonieuse?

Des rencontres interculturelles entre élèves nouvellement arrivés en apprentissage de la langue d’enseignement et élèves fréquentant déjà l’école peuvent représenter une initiative gagnante dans différents milieux, et selon diverses modalités. Dans le cadre d’un projet de recherche, nous avons organisé des rencontres entre des élèves d’une classe d’accueil et ceux d’une classe du régulier d’une école secondaire de Montréal située en milieu pluriethnique. En 2018-2019, cet établissement comptait des élèves nés dans plus de 60 pays, et le français était la langue maternelle de seulement 27,2 % d’entre eux.

La classe d’accueil vise à préparer les élèves nouvellement arrivés à intégrer une classe du régulier; cette période de transition peut durer de quelques mois à quelques années, selon plusieurs facteurs (ex. le niveau de scolarité de l’élève dans son pays d’origine, son rythme d’apprentissage du français, etc.). Le modèle de classe d’accueil fermée, dans lequel les élèves nouvellement arrivés suivent la plupart de leurs cours ensemble et avec le même enseignant, prévaut au Québec, surtout dans les milieux urbains, où un nombre important d’immigrants s’installent chaque année.

Si la classe d’accueil fermée permet de faire vivre aux élèves une intégration progressive à l’école, elle apporte également son lot de défis, notamment en lien avec le manque d’opportunités pour entrer en contact avec les élèves du régulier. Souvent isolés des élèves des autres classes dans le cadre de leur apprentissage et de leur utilisation du français1, les élèves de l’accueil n’ont pas toujours beaucoup d’interactions avec les élèves du régulier, alors même que cette classe doit les préparer à intégrer le régulier. Il semble nécessaire, dans ce contexte, de privilégier des pratiques faisant la promotion de la diversité et de l’inclusion2.

Par des rencontres interculturelles, les enseignants peuvent contribuer à créer un environnement permettant les échanges entre les élèves issus de différentes cultures, et favorisant la découverte de l’Autre. Dans le cadre du projet que l’équipe de recherche a mené, les élèves des deux groupes (28 élèves de première secondaire et 14 élèves de l’accueil âgés de 12 à 17 ans), accompagnés de leur enseignante de français et de leur enseignant d’accueil, ont pu par exemple participer à des activités en petits groupes pour discuter de leur bagage linguistique et culturel ainsi que de leur expérience scolaire. Ils ont aussi pris part à des activités ludiques en grand groupe, notamment à un concours de mimes et à l’improvisation de saynètes mettant en lumière les défis vécus par les élèves nouvellement arrivés à l’école.

Le point de vue des élèves de l’accueil

Lors de ces rencontres, les élèves de la classe d’accueil ont surtout apprécié avoir des interactions significatives avec des élèves du régulier. À ce sujet, un élève a d’ailleurs indiqué : « C’est la première fois que je parle avec des élèves du régulier longtemps ». Ces interactions ont aussi contribué à l’apprentissage de nouveaux mots, de nouvelles expressions : les élèves de l’accueil ont aimé discuter avec des élèves qui maîtrisent mieux le français qu’eux : « Parce qu’on a parlé français tout le temps et ils sont forts ». De plus, ces quelques rencontres ont permis aux élèves de l’accueil de se familiariser avec le secteur régulier, de mieux comprendre comment fonctionne le régulier : « J’ai aimé parce que […] j’ai demandé des questions sur la classe du régulier ».

La rétroaction recueillie met aussi en lumière le fait que les élèves de l’accueil étaient surpris par la diversité du bagage linguistique et culturel des élèves du régulier; les rencontres étaient ainsi des occasions d’échanges entre porteurs de langues et de cultures différentes.

Le point de vue des élèves du régulier

De leur côté, les élèves du régulier ont pu mieux connaître les élèves de l’accueil et créer des liens avec eux. Ils ont réalisé que ces élèves parlaient souvent plusieurs langues et avaient des expériences de vie très diversifiées, mais, surtout, qu’ils étaient des adolescents comme eux, avec des intérêts communs (ex. sport, musique). Ils ont aussi mis en œuvre des stratégies pour les aider à mieux comprendre lors des interactions, notamment en parlant plus lentement, en répétant ou en utilisant des mots simples.

Conditions gagnantes

Pour les enseignants, l’organisation de rencontres interculturelles demande de la planification, de la collaboration et de la flexibilité : il faut prendre le temps de discuter avec un collègue, de planifier des activités motivantes et pertinentes pour les deux groupes d’élèves qui s’insèrent dans les objectifs des programmes d’études. Il est souhaitable que les enseignants préparent leurs élèves à la rencontre, et qu’ils fassent ensuite un retour avec eux sur ce qu’ils ont vécu. Pour notre part, les élèves des deux groupes remplissaient une fiche de rétroaction après chaque rencontre, indiquant notamment les points forts et les points faibles de la rencontre. À la toute fin des rencontres, ils ont aussi eu l’occasion de partager, en petits groupes, leurs impressions sur l’ensemble du projet.

En proposant à leurs élèves des espaces de rencontres interculturelles pour mieux connaître l’Autre, il est aussi important que les enseignants démontrent eux-mêmes des attitudes d’ouverture et d’empathie. Également, puisque le défi de l’intégration des élèves nouvellement arrivés concerne l’ensemble des acteurs de l’école, le soutien de la direction est primordial dans la réalisation de rencontres interculturelles, une initiative prometteuse à explorer.

 

Photo : Productions Cinta, Webdocumentaire réalisé par Jacinthe Moffatt

Description de la photo : Anne-Geneviève Lalongo, directrice, entourée d’élèves de l’école de La Visitation (CSDM)

Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019


Notes

1 Allen, D. (2006). Who’s in and who’s out? Language and the integration of new immigrant youth in Quebec. International Journal of Inclusive Education, 10(2-3), 251–263.

2 Steinbach, M. (2010). Quand je sors d’accueil : Linguistic integration of immigrant adolescents in Quebec secondary schools. Language, Culture and Curriculum, 23(2), 95–107.

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Valérie Amireault

Valérie Amireault

Professeure-chercheuse, Université du Québec à Montréal

Valérie Amireault, Ph.D., est professeure à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Depuis 2014, elle est membre du Centre de recherche en immi...

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