Pensée design - université

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Communauté scolaire, Durabilité

Solutions par la pensée design pour favoriser la santé et le bien-être

Aménager l’environnement extérieur des universités

D’avril à juillet 2018, un groupe de futurs enseignants, finissants d’un programme d’enseignement, s’est approprié le processus de pensée design (design thinking). Leur défi consistait à trouver des solutions d’aménagement d’un campus universitaire pour contribuer à la santé et au bien-être des étudiants internationaux. La pensée design, une démarche d’ingénierie, se définit comme une résolution de problème créative faisant appel aux pensées inductive, déductive et abductive (imaginer). Durant la démarche, les participants à la démarche s’immergent dans l’environnement du défi pour tenter de le comprendre selon la perspective des usagers1.

Voici les étapes que suivent les participants :

1) Observation-inspiration

Ils enquêtent auprès des usagers pour comprendre le problème. Ils observent ces personnes au quotidien et les questionnent pour saisir leurs besoins.

2) Synthèse 

Ils cherchent à éclairer le problème et le définir à plusieurs reprises. La version finale est définie schématiquement ou visuellement.

3) Idéation et prototypage 

Ils formulent plusieurs solutions au problème pour les mettre à l’épreuve; des prototypes des meilleures solutions sont construits.

4) Essais

Ils évaluent le potentiel des meilleurs prototypes appuyés par l’opinion des usagers ou d’experts, en vue d’évaluer et de raffiner les prototypes.

5) Communication

Ils font connaître la solution finale.

Les sept finissants en enseignement se sont rencontrés six fois, pour des rencontres d’une durée de quatre à six heures chacune. Deux personnes étaient chargées d’animer le processus de pensée design. Comme chercheure et observatrice, j’ai participé à toutes les rencontres et eu accès aux enregistrements audio des rencontres. Au terme du processus, les participants ont proposé d’aménager sur le campus universitaire un parc dont le nom serait Meegwetch (qui signifie merci en Anishinaabe); il comporte diverses composantes pouvant contribuer à la santé et au bien-être des étudiants vivant sur le campus.

Les solutions de la pensée design

Pour les participants, les éléments de design apportés dans le parc constituent des solutions afin d’améliorer le bien-être des étudiants internationaux qui vivent à l’année sur le campus. Suite à l’analyse des thèmes et du discours entourant ces solutions, il a été possible d’identifier les cinq thèmes suivants :

1) Le besoin de référents culturels et de sentiment d’appartenance

Les solutions proposées indiquent que les étudiants auraient besoin pour leur bien-être de référents culturels. En effet, les échanges réfèrent à maintes reprises à la nécessité pour les étudiants internationaux de se sentir chez soit sur le site de l’université. Parmi les propositions d’aménagement figure celle d’une Place des Nations, où les drapeaux des pays d’origine des étudiants seraient représentés. Le processus de pensée design a permis d’entrevoir des solutions visant une appropriation culturelle par le rapprochement entre étudiants internationaux et canadiens. En fait, ce rapprochement serait un gage de bien-être psychologique chez les étudiants internationaux évoluant sur les campus universitaires2. Les solutions prévoient l’aménagement d’aires de socialisation par l’installation de bancs sous des abris-solaires. Ces aires permettraient aux étudiants de se rencontrer, de discuter entre eux, de se faire des amis; bref ces solutions touchent le sentiment d’appartenance par l’aménagement de zones de socialisation et de partage entre communautés culturelles.

 

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2) L’indigénisation du campus 

Avec le Parc Meegwetch, l’installation d’un jardin autochtone fait partie des solutions dégagées pour aider tous les étudiants à se sentir bien sur le campus. Des panneaux éducatifs sur les végétaux aident à mieux comprendre la culture autochtone. L’amélioration du campus passerait donc par l’indigénisation de l’espace et par une connexion avec la Terre autochtone ancestrale. L’indigénisation par l’aménagement et le verdissement « autochtone » pourrait se faire par l’installation d’un sous-bois de plantes nourricières et indigènes ou d’une roue de la médecine. Il pourrait également s’agir de planter un potager. Il serait important pour les jeunes des Premières Nations qui vivent en ville d’établir une relation étroite avec la nature. L’inclusion pour l’indigénisation au sein des universités nécessiterait que des espaces naturels soient dédiés sur les campus pour cette reconnaissance naturelle et spirituelle des savoirs autochtones. En ayant accès au jardin autochtone, les jeunes issus de l’international, mais certainement aussi les étudiants autochtones et non-autochtones canadiens, profiteraient d’un espace de guérison, de communication et de connexion avec le milieu naturel. Des études démontrent qu’un accès à la Terre en milieu urbain est un gage de santé et de bien-être surtout pour les jeunes Autochtones3.

3) Le verdissement et l’amélioration de la beauté du campus

Beaucoup de solutions présentes sur la maquette ont trait à l’embellissement du milieu par la création d’espaces de contemplation pour les étudiants : fleurs, arbustes, arbres, espaces gazonnés, sentiers de verdure, bassins avec fontaines. Les étudiants internationaux interrogés par les participants ont mentionné que le campus manquait d’espaces verts et fleuris. Le campus universitaire visé par l’expérience de pensée design pourrait intégrer beaucoup plus d’espaces naturels et être aménagé avec des aires d’embellissement (plantes et arbustes en pot facilement amovibles durant la saison hivernale; œuvres d’art avec protection hivernale, tableaux avec plexiglass, etc.). Plusieurs études corroborent cette idée que de passer du temps en nature diminue le stress4. On parle même d’une « pilule nature ». Le taux de cortisol d’une personne qui séjournerait dans un milieu naturel pourrait baisser de 21 % pour chaque heure passée dans la nature. Ces espaces naturels auraient pour effet d’augmenter la surface foliaire du campus le rendant plus vert par le fait même.

4) L’aménagement d’aires d’apprentissage à l’extérieur

Certaines solutions évoquées réfèrent à l’installation de zones d’étude et d’enseignement en plein-air. Les aires de socialisation et de détente pourraient être aménagées pour que certaines sections seraient réservées pour l’étude à l’extérieur durant la belle saison, ce qui serait une manière agréable de varier les temps d’étude. La classe extérieure serait un lieu polyvalent incluant une excellente sonorisation pour proposer à la fois des cours mais aussi des concerts ou des prestations culturelles et artistiques, entre les mois d’avril et novembre.

5) L’installation d’espaces de détente

Plusieurs solutions de design réfèrent à la pratique de sports et de jeux ludiques et de société. L’aménagement de balançoires et de jeux d’eau pour adultes est aussi intéressant en ce sens. Le potentiel du sport et des activités physiques pour contrer les effets néfastes du stress est très documenté. Selon des recherches, la pratique d’une activité physique aurait plusieurs effets bénéfiques chez les jeunes : facteurs de protection contre les maladies (diabète, conditions cardiovasculaires, obésité), contribution au développement psychomoteur, balance des humeurs et diminution de l’anxiété. De plus, elle serait associée à de meilleures performances cognitives et à une personnalité moins perfectionniste5. L’aménagement d’espaces de jeux, de détente et de sports permettraient aux jeunes de socialiser, en plus de faire une activité physique, ce qui contribuerait doublement à leur santé et bien-être.

Conclusion

Suivant un processus de pensée design, des finissants d’un programme en enseignement ont proposé des solutions pour aménager l’extérieur d’un campus universitaire aux fins d’amélioration de la santé et du bien-être d’étudiants internationaux. Ces solutions incluant le discours des participants ont été analysées par thématiques. Cinq thèmes ressortent de l’analyse pour favoriser la santé et le bien-être des étudiants internationaux :

  • L’intégration de référents culturels dans le paysage (p. ex. drapeaux des nations), et d’espaces de socialisation pour permettre aux étudiants de se connecter avec les communautés culturelles canadiennes et de développer leur sentiment d’appartenance;
  • L’aménagement de lieux autochtones, comme des jardins de plantes indigènes, pour faciliter la connexion à la Terre ancestrale et aux valeurs autochtones;
  • Le verdissement et l’embellissement du campus par l’installation de parterres fleuris pour fournir la « pilule nature » dont les étudiants ont besoin;
  • L’aménagement d’espaces extérieurs pour l’étude et l’enseignement pour permettre aux étudiants d’être dehors le plus souvent possible durant la belle saison.
  • L’installation de zones de loisir et de sport pour chasser le stress, loin des écrans et des média sociaux.

Ce qui est censé être bon pour les étudiants internationaux le serait sans doute tout autant pour les autres étudiants, ainsi que pour la communauté universitaire toute entière.

 

Photo : iStock

Première publication dans Éducation Canada, mars 2020


Notes

1 Pruneau, D. et collaborateurs (2019). La pensée design pour le développement durable : application de la démarche en milieux scolaire, académique et communautaire. Moncton, Canada : Groupe de recherche Littoral et vie. Récupéré de https://competi.ca/

2 Yang Pi-Ju, R. et Noels, K. A. (2013). The possible selves of international students and their cross-cultural adjustment in Canada. International Journal of Psychology, 48(3), 316-323.

3 Big-Canoe, K. et Richmond, C.A. (2014). Anishinabe youth perceptions about community health: toward environmental repossession. Health Place, 26, 127–135.

4 Kondo, M.C., Jacoby, S.F. et South, E.C. (2018). Does spending time outdoors reduce stress? A review of real-time stress response to outdoor environments. Health & Place, 51, 136-150. DOI : 10.1016/j.healthplace.2018.03.001

5 Gonzalez-Hernandez, J., Gómez-López, M.,  Alarcón-García, A., Muñoz-Villena, A.J. (2019). Perfectionism and stress control in adolescents: Differences and relations according to the intensity of sports practice. Journal of Human Sport & Exercise, 14(1), 195-206.

Hunter, M. R., Brenda W. Gillespie, B.W., Yu-Pu Chen, S. (2019). Urban nature experiences reduce stress in the context of daily life based on salivary biomarkers. Frontiers in Psychology, 10, 722. DOI: 10.3389/fpsyg.2019.00722

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Liliane Dionne, Ph. D.

Professeure chercheure, Faculté d'éducation, Université d'Ottawa

Liliane Dionne, Ph.D., est professeure à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa. Elle mène actuellement un projet de recherche sur les pratiques exemplaires en sciences et technolo...

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Diane Pruneau

Professeure, Université de Moncton

Diane Pruneau est professeure titulaire, associée la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Moncton. Ses programmes de recherche ont porté sur l’éducation aux villes durables, l’éducation aux changements climatiques et sur le développement de compétences de durabilité.

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