Très cher coronavirus,
Je parie que toi-même tu t’étonnes de tous les chambardements que tu as causés, et que tu causes encore, dans les systèmes d’éducation du monde entier.
Ton estime personnelle doit se trouver à son sommet considérant la prolifération de nouvelles politiques de santé publique, les consignes sanitaires, les commandes de matériel de prévention et tout le brouhaha de la vaccination des élèves, du personnel scolaire, des parents.
Lorsque tu t’es manifesté, aurais-tu pensé, ne serait-ce qu’un instant, que tu aurais autant de répercussions? Au Canada, tu t’es propagé à un moment où l’école était déjà ébranlée par un manque de motivation notable des élèves, par un personnel scolaire fatigué, par des départs à la retraite en masse. Des pénuries de suppléants se pointaient déjà à l’horizon, allant parfois jusqu’à annuler les si précieuses journées de formation pour un personnel appelé à composer avec des besoins qui se complexifiaient de jour en jour. Et toi, COVID-19, tu as choisi ce moment-là pour t’installer!
Jamais avions-nous assisté à une telle créativité lexicale avec un nouvel arrivant : couvre-visage, coude-à-coude, écouvillons, immunité collective, délestage, asymptomatique, cas confirmés par liens épidémiologiques, comorbidité et combien d’autres encore. Le domaine scolaire a hérité de sa bonne part de néologismes d’occasion : contagiosité, distanciation, groupes-bulles, auto-isolement, doses de rappel, apprentissage en mode synchrone et asynchrone, en présentiel, partage d’écran, salle virtuelle, cotravail à domicile…
Ce numéro d’avril montre que malgré cet éboulis de nouveaux termes auxquels les jeunes ont été exposés, les élèves les plus faibles au primaire accuseraient vraisemblablement d’importants retards en lecture, tandis que les plus forts ne se seraient pas trop laissés ébranler par tes humeurs pandémiques (Côté, Haeck, Larose et coll.), (p. 18).
Dans le domaine de l’évaluation, la recherche déplore le manque de données prépandémiques pour donner plus de validité à leurs études. Tout un paradoxe, car la période prépandémique souffrait selon certains d’un surplus d’évaluations! Qu’évaluait-on au juste pour que maintenant, il nous manque des données pour se comparer à avant?
Deslandes Martineau, Charland et coll. (p. 32) ont recueilli les perceptions du personnel scolaire quant aux effets que tu as eus sur les élèves. Verdict général : ta propagation aurait eu plus d’effets sur les compétences disciplinaires (math, français, sciences…) au primaire et davantage d’effets sur les habiletés scolaires (attention, organisation, résolution de problèmes) au secondaire.
Les élèves francophones auraient subi de façon mitigée les effets de ton invasion. (p. 10). Il est connu qu’en contexte minoritaire francophone au pays, l’école joue souvent le rôle compensatoire pour l’absence de services, de possibilités et de modèles langagiers en langue française. Selon Dalley, en fermant les écoles à répétition au point d’en altérer les systèmes de soutien nécessaires au perfectionnement d’une langue, tu aurais, entre autres, marqué des points contre l’apprentissage du français.
Et que dire des ravages que tu as faits sur le personnel enseignant? Trudel et Sokal (p. 14) les décline en cinq catégories allant de la mobilisation à l’inefficacité. Vraiment, COVID-19, tu aurais pu passer ton chemin.
Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
Ces quelques dernières années, plus de 90 % des élèves du monde entier ont subi les contrecoups des fermetures d’écoles engendrées par la pandémie de COVID-19. Cette situation, qui a créé une crise mondiale en éducation, nous rappelle à quelle vitesse les droits acquis peuvent être supprimés. Pour répondre à cette situation et pour aider les pays à atteindre les enfants et les jeunes vulnérables, l’UNESCO, l’agence des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, a lancé la Coalition mondiale pour l’éducation.
Au Canada, ces trois dernières années, les fermetures d’écoles ont touché quelque 5,7 millions d’élèves du primaire et du secondaire. Selon Statistique Canada, cette situation a eu d’importantes conséquences sur le succès scolaire, la santé mentale et physique, et le statut socioéconomique des enfants. Du point de vue de l’inclusion et de la diversité, la COVID-19 a été particulièrement dommageable dans certaines populations surreprésentées parmi les groupes vulnérables.
La Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) a réagi en réunissant des ressources éducatives en ligne gratuites et accessibles pour les partager avec les enseignantes et enseignants, les élèves et les parents de partout au pays. La CCUNESCO a aussi collaboré avec le Conseil des ministres de l’Éducation (Canada) pour appuyer le travail de collecte de données de l’UNESCO sur les conséquences de la pandémie sur l’éducation. Enfin, la CCUNESCO a récemment créé un groupe de travail où des expertes et des experts discutent des multiples répercussions de la pandémie dans les provinces et territoires.
Comme la plupart le savent, au Canada, l’éducation est une compétence provinciale et territoriale. Il est donc de la plus haute importance que nous discutions ensemble des leçons apprises et des occasions saisies durant la pandémie. Les innovations appliquées dans une région doivent être diffusées et soulignées à l’échelle du pays. Il importe aussi de discuter des difficultés persistantes rencontrées. Nous espérons poursuivre les échanges et la collaboration avec toutes les parties prenantes du milieu de l’éducation canadien. Nous devons travailler ensemble pour créer un avenir inclusif, accessible et durable pour l’éducation.
Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
French:
EFFETS DE LA COVID-19 EN ÉDUCATION
Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sont importantes dans le milieu de l’éducation. À l’échelle internationale, plus de 1,6 milliard d’enfants et de jeunes, soit 91,3 % de la population d’âge scolaire du monde, ont vu leur école fermer, et ce, dans 188 pays. Un bon nombre de systèmes scolaires, d’enseignant(e)s et de parents se sont retrouvés dans cette situation sans la planification ou les technologies nécessaires pour que tout se passe bien.
Pour répondre à cette situation, l’UNESCO a lancé la Coalition mondiale pour l’éducation afin d’aider les pays à rejoindre les enfants et les jeunes vulnérables. Elle assure aussi le suivi des fermetures d’écoles, met au point des solutions d’apprentissage à distance et des recommandations et offre d’autres formes de soutien.
Au Canada, la Commission canadienne pour l’UNESCO (CCUNESCO) a lancé un groupe de travail d’experts pour explorer les divers impacts de la pandémie par province et territoire. Cette édition spéciale explore ce que nous avons appris jusqu’à présent, trois ans après la déclaration d’une pandémie.
Dans ces circonstances, les actions professionnelles administratives et pédagogiques conscientes – le savoir agir- que ce soit pour assurer un leadeurship réfléchi et stimulant susceptible de rendre plus attrayant le choix d’étudier ou d’enseigner dans les écoles de langue française ou le bienêtre et l’épanouissement de tous les élèves et du personnel scolaire sont plus déterminantes que jamais.
Cet article contient des pronoms inclusifs.
Dans une perspective écologique inspirée de la théorie du développement humain de Bronfenbrenner, la résilience est un processus engagé par des systèmes lorsqu’ils se trouvent en contexte d’adversité (Ungar, 2018). Dans le cadre de cet article, il est question de la résilience d’élèves pendant la pandémie de la COVID-19, et plus particulièrement de la résilience langagière en contexte minoritaire francophone.
Selon le modèle de Ungar (2018), chaque être humain est un système en soi, tout en étant un constituant d’autres systèmes. Ainsi, l’élève est un système en interaction avec d’autres – son école, sa ou ses communautés, sa famille, par exemple. C’est en interaction avec ces systèmes que l’élève se construit, construit son sens du monde et participe à la (re)production des autres systèmes.
La résilience est un processus ayant pour fin le retour du système individuel1 au bienêtre ou encore au mieux-être. La pandémie de la COVID-19 a placé des nations toutes entières en contexte d’adversité sanitaire. Nous avons vu comment elles ont su mobiliser diverses ressources internes (moyens financiers, savoirs, attitudes, capacités) et externes (vaccins, connaissances, alliéEs) au sein d’un réseau de systèmes internationaux.
Dans ce grand branlebas, familles, parents, enfants, élèves, personnel enseignant et directions d’écoles ont pour leur part mobilisé des ressources internes et externes dans un processus de résilience enclenché par la fermeture des établissements scolaires et la création ad hoc d’un espace scolaire virtuel. Nous avons donc été en mesure de confirmer à quel point l’école est non seulement un espace d’apprentissage, mais également un système concomitant des systèmes familiaux et sociaux pour ce qui est de l’encadrement des enfants. Par ailleurs, la place de l’école dans la réduction des inégalités sociales s’est confirmée lors de la plus grande prise en charge de la scolarisation des enfants par les systèmes familiaux. Pensons, d’une part, à la plus faible disponibilité du réseau Internet et d’équipement informatique performants dans les foyers à faible revenu ou situés loin des centres urbains du pays. D’autre part, des familles ayant les ressources internes nécessaires ont créé des « cellules scolaires » et recruté une personne qualifiée en enseignement pour assurer la scolarisation continue de leurs enfants, cela alors que le système scolaire peinait à combler ses besoins en personnel enseignant et que d’autres enfants faisaient un minimum d’heures de classe virtuelle, avec ou sans la supervision ou l’appui d’un adulte à la maison. Cela rappelle la création de groupes de jeux par certains parents afin d’assurer la disponibilité d’un espace de langue française pour leurs enfants d’âge préscolaire en contexte anglodominé, ainsi que la tendance notée par la recherche dans le domaine du choix scolaire : seules certaines familles font un choix actif de l’école de leurs enfants. Ainsi, la mobilisation par un système, ici familial, de ressources internes et externes dépend en grande partie de leurs disponibilités, de leurs accessibilités et de leurs pertinences.
En contexte minoritaire francophone, il importe également de tenir compte de l’accessibilité à la langue française pendant la pandémie, et après. Nous savons déjà que dans les communautés francophones et acadiennes les plus anglodominées, l’école est le seul espace public où la langue française jouit d’un statut officiel plus important que celui de la langue anglaise, bien que cette dernière profite d’un statut social très élevé dans les interactions entre élèves. Cela est le cas par exemple à Halifax (Liboy et Patouma, 2021), à Toronto (Heller, 1994; Heller, 2006) et en Ontario de manière plus générale (Gérin-Lajoie, 2004), au Manitoba (Cormier, 2020) et à Vancouver (Levasseur, 2020). La mise de l’avant du concept de l’école communautaire citoyenne par la FNCSF (Fédération nationale des conseils scolaires francophones) en 2011 et l’identification du rôle sociolinguistique du système d’éducation à titre d’enjeu de taille par l’AEFO (Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens) en 2022 confirment la centralité de l’école pour la résilience langagière communautaire en contexte anglodominé. Au sein de l’école, les élèves trouvent des espaces d’interaction sociale propices à une production et reproduction langagière contextualisée. La fermeture des écoles et des centres communautaires place donc les jeunes en contexte d’adversité langagière.
La pandémie a eu des conséquences importantes pour la santé mentale des adolescentEs (Vaillancourt et al., 2021), notamment en raison de l’isolement social qui a réduit de manière significative les contacts entre pairs. Même lorsque les mesures sanitaires ont été assouplies pour permettre la fréquentation en distanciation sociale, les jeunes en contexte minoritaire peuvent avoir rencontré des difficultés à créer des moments de rencontre avec leurs amiEs francophones, disperséEs sur un territoire dépassant les limites de leur quartier. En effet, bien que certaines communautés francophones ou acadiennes historiques occupent un espace géographique bien défini (la population brayonne de la ville d’Edmundston, acadienne de Pubnico ou franco-ontarienne de Hearst, par exemple), elles sont pour la plupart imbriquées dans une municipalité à majorité anglophone, diminuant ainsi les occasions de se voisiner en français. Dans de telles conditions, il devient nécessaire de faire le choix de mobiliser des ressources internes et externes qui peuvent soutenir la résilience langagière en français.
Des données récoltées en Ontario et à l’Île-du-Prince-Édouard en marge de communications à différents groupes du système scolaire, au Nouveau-Brunswick dans le cadre du volet recherche du Réseau canadien des écoles ludiques et d’une thèse de maitrise en Nouvelle-Écosse permettent de constater que la fermeture des écoles pendant la pandémie de la COVID-19 a eu un effet marquant sur la disponibilité et l’accessibilité de ressources externes et internes pertinentes à la résilience langagière de certains jeunes locuteurices de la langue française. Dans nos conversations le personnel enseignant et des parents en Ontario et à l’Île-du-Prince-Édouard ont dit avoir remarqué une diminution des capacités chez certains enfants et de la motivation chez d’autres à parler français au cours de la pandémie. À l’élémentaire, le personnel enseignant de certains milieux a noté qu’un nombre plus important d’élèves qui n’ont pas fait la garderie en raison de la pandémie est entré à l’école avec peu ou aucune connaissance de la langue française. Le personnel enseignant d’une école, rencontré dans le cadre du colloque annuel de l’ACELF, estime que 70 % des élèves ne parlaient pas français à leur arrivée à l’école en septembre 2022.
Au secondaire, là où les élèves passaient de l’anglais au français lorsqu’un membre du personnel enseignant était à proximité dans les couloirs de l’école, après deux ans de bris dans la coprésence, cet automatisme semblait avoir généralement disparu au retour à l’école en présentiel. Par ailleurs, des enseignantEs ont rapporté que certains élèves refusaient tout bonnement de parler français en salle de classe, même avec le personnel. Une étude de maitrise menée auprès de trois jeunes du secondaire en Nouvelle-Écosse nous informe sur les facteurs qui peuvent avoir contribué à de tels changements et en quoi l’école en présentiel agit à titre de système concomitant en appui au processus de résilience langagière des élèves (Sutherland, 2022).
Trois jeunes en fin d’études secondaire dans des écoles dispersées sur le territoire de la Nouvelle-Écosse ont participé à des conversations narratives individuelles en ligne au cours de la deuxième année de la pandémie de la COVID-19. Malgré des profils socio-langagiers distincts, chacunE2 a témoigné de l’importance de l’école pour leur résilience langagière (Sutherland, 2022). Les ressources qu’iels mobilisent au sein de l’école sont l’accès au français scolaire dans les cours de français, la légitimation de la variété locale du français (l’acadjonne) par certains membres du personnel et les activités parascolaires. L’école de langue française met donc à disposition de ces élèves trois espaces dans lesquels circulent différentes ressources langagières (l’interaction en français scolaire, en acadjonne et le parler des jeunes) et normes de communication en français. Bien que l’acadjonne soit disponible pour deux de ces élèves à la maison – la dernière parlait un français plus près de la norme scolaire avec ses parents –, la pandémie a fortement réduit l’accès quotidien de ces jeunes au français scolaire et aux interactions avec leurs pairs en français.
Lors de la fermeture de leurs écoles, les élèves des écoles de langue française ont eu accès à un nombre réduit de cours. Les cours de français ont été maintenus, mais l’accessibilité au français scolaire s’est néanmoins trouvée réduite, la tendance s’étant déplacée vers un enseignement plus magistral que participatif. Les personnes rencontrées par Sutherland ont relevé la pertinence de l’interaction en classe de français en particulier pour leur accès à la langue scolaire. Considérant que cette variété linguistique était, pour deux d’entre iels, illégitime en milieu familial et communautaire, mais nécessaire à leur légitimité à titre de francophones à l’extérieur de ces milieux, l’interaction en français scolaire s’est avérée une ressource nécessaire à la résilience langagière postsecondaire pour ces élèves.
Par ailleurs, les élèves ont témoigné de l’importance d’un espace où le français est de mise, puisque leur propension à utiliser la langue dominante avec leurs pairs a fait qu’en l’absence d’activités parascolaires organisées par l’école, iels se sont tournées vers les médias sociaux pour communiquer avec leurs amiEs. Or, iels utilisent majoritairement, si non uniquement, l’anglais dans l’espace de socialisation numérique. Pour ces personnes, la fermeture de l’école pendant la pandémie s’est traduite en retrait d’espaces d’interaction sociale pertinents à la production et reproduction langagière contextualisée du/des français.
Or, contrairement à un nombre grandissant de jeunes évoluant en contexte minoritaire, celles rencontrées par Sutherland avaient accès à des ressources en langue française dans leurs familles et dans leurs communautés respectives. Iels comptent également parmi les jeunes qui mobilisent les activités parascolaires de l’école comme ressource pour leur résilience en général et pour leur résilience langagière en particulier. En Ontario, des parents de milieux davantage minorisés, mais qui utilisent le français à la maison et mobilisent des ressources de langue française dans leurs interactions avec leurs enfants, ont remarqué pour leur part que leurs enfants ont parlé et fait la lecture plus fréquemment en français. Cela aurait eu pour conséquence une amélioration de leur vocabulaire en langue française et une capacité améliorée à passer d’une situation de communication translangagière (la mobilisation créative par des plurilingues de l’ensemble de leurs ressources linguistiques pour créer du sens et communiquer un message) à une situation unilingue. La fermeture de l’école aurait-elle éloigné leurs enfants d’un espace de socialisation entre jeunes où le français est peu mobilisé (les couloirs de l’école, par exemple) et ainsi contribué à leur résilience langagière en français?
En contexte minoritaire, la société environnante ne peut assurer aux élèves et à leurs familles un accès soutenu aux ressources langagières et linguistiques distribuées par l’école de langue française. De ce fait, le potentiel de cette dernière à titre de ressource externe pour la résilience langagière des élèves est grand. Dans les conditions actuelles, elle ne peut jouer pleinement ce rôle en contexte de pandémie ou d’apprentissage en ligne. Par ailleurs, certaines données anecdotiques suggèrent qu’elle contribue négativement à la résilience langagière de certains élèves. Il y a donc encore beaucoup à apprendre au sujet de l’interaction entre l’école et les autres systèmes de l’écologie langagière des élèves ainsi que sur l’apport de cette interaction sur la résilience langagière à court et à long terme.
Bronfenbrenner, U. (1979). The Ecology of Human Development: Experiments by Nature and Design. Harvard University Press, Cambridge.
Cormier, G. (2020). Perspectives et définitions scolaires de l’identité linguistique en milieu minoritaire : comment les établissements scolaires de langue française répondent-ils aux besoins des élèves du 21e siècle face aux nombreuses transformations sociales, culturelles et démographiques en cours? Éducation et francophonie, 48(1), 53–72. https://doi.org/10.7202/1070100ar
Gérin-Lajoie, D. (2004). La problématique identitaire et l’école de langue française en Ontario. Francophonies d’Amérique, (18), 171–179. doi.org/10.7202/1005360ar
Heller, M. (1994). Crosswords: Language, education, and ethnicity in French Ontario. Mouton de Gruyter.
Heller, M. (2006). Linguistic minorities and modernity: A sociolinguistic ethnography (2e éd.). Continuum.
Levasseur, C. (2020). Être plurilingues et francophones : représentations et positionnements identitaires d’élèves de francisation à Vancouver. Éducation et francophonie, 48(1), 93–121. doi.org/10.7202/1070102ar
Liboy, M.-G., et Patouma, J. (2021). L’école francophone en milieu minoritaire est-elle apte à intégrer les élèves immigrants et refugies récemment arrives au pays? Canadian Ethnic Studies Journal, 53(2), 23-40.
Sutherland, H. (2022). De l’insécurité linguistique à la résilience linguistique : le rôle de l’école de langue française dans la formation de la résilience linguistique des adolescents [thèse de maîtrise, Université d’Ottawa]. RechercheuO. https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/43860
Vaillancourt, T., Beauchamp, M., Brown, C., Buffone, P., Comeau, J., Davies, S., igueiredo, M., Finn, C., Hargreaves, A., McDougall, P., McNamara, L., Szatmari, P., Waddell, C., Westheimer, J. et Whitley, J. (2021). Les enfants et les écoles pendant la COVID-19 et au-delà : interactions et connexion en saisissant les opportunités. Société royale du Canada. https://rsc-src.ca/sites/default/files/C%26S%20PB_FR.pdf
Ungar, M. (2018). Systemic resilience: Principles and processes for a science of change in contexts of adversity. Ecology and Society, 23(4). doi.org/10.5751/ES-10385-230434
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Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
1 Gauvin -Lepage et Lefebvre (2010) font leurs recherches au niveau de la résilience familiale. Dans ce contexte, les ressources internes appartiennent à la famille et les ressources externes sont situées dans les systèmes qui les entourent.
2 Ces personnes étaient de sexe féminin, mais leur identité de genre n’ayant pas été dévoilée ou discutée lors des conversations narratives, nous privilégions l’écriture neutre avec des accords au féminin lorsqu’il est question d’iels.
Il faut changer de question et passer de
« quel est le problème et comment peut-on le régler? »
à « qu’est-ce qui est possible ici et à qui cela tient-il à cœur? »
pour que toute l’énergie change.
M. Wheatley (2008)
En 2020, les directions générales scolaires du Québec doivent relever de nombreux défis, dont la pénurie de personnel breveté et la décroissance des effectifs. Accompagnées de deux universitaires, elles s’engagent dans une recherche-action pour mettre à jour leur agir professionnel compétent et conscient, c’est-à-dire leur vision du contexte d’exercice de leur profession, leurs présupposés au regard du leadership et leurs intentions et actions prioritaires pour actualiser un leadership fort au cœur de cette complexité. Cet article rend compte :
1) des préoccupations à l’origine de leur projet;
2) de leurs objectifs prioritaires;
3) des actions qu’elles ont mises en œuvre et
4) des résultats et retombées déjà perceptibles de leurs efforts.
En conclusion, l’article propose aux leaders de l’éducation un questionnement inspiré de cette recherche-action pour définir, développer et consolider leur propre agir professionnel, individuel et collectif afin de relever les défis actuels en éducation.
La pénurie de personnel breveté et la décroissance des effectifs ne sont que quelques exemples d’enjeux qui caractérisent aujourd’hui le contexte d’exercice des directions générales scolaires responsables de fédérer des services éducatifs de qualité sur le territoire d’un centre de services ou d’une commission scolaire. Selon les régions du Québec, elles vivent aussi l’hypercroissance des clientèles et de nombreux défis opérationnels de gestion (p. ex., pandémie, qualité des infrastructures). Elles doivent également composer avec des élèves aux caractéristiques et aux préalables de plus en plus diversifiés, une évolution importante des technologies numériques et des attentes sociales et parentales élevées envers le système scolaire. À l’hiver 2020 vient s’ajouter à ce portrait une transformation/évolution de la gouvernance scolaire au Québec. Celle-ci redéfinit les mandats et les responsabilités du ministère de l’Éducation, de la Fédération des centres de services scolaires, des centres de services scolaires, des commissions scolaires et des établissements scolaires et elle modifie les rôles spécifiques des directions générales francophones et anglophones et leur façon d’exercer, ensemble et respectivement, leur pouvoir en éducation (Gouvernement du Québec, 2020). À ce moment-là, les directions générales sont soucieuses de faire reconnaître leur rôle de premiers dirigeants alors qu’elles sont parmi les rares acteurs de l’éducation au Québec à ne pas avoir de cadre de référence décrivant leur agir professionnel.
Dans ce contexte, à l’été 2020, l’Association des directions générales scolaires du Québec (ADGSQ) fait le choix de mandater son Comité de perfectionnement et de développement professionnel (CPDP), en collaboration avec deux universitaires de l’Université de Sherbrooke, pour vivre une recherche-action dont les objectifs sont 1) d’élaborer un premier cadre de référence décrivant l’agir professionnel de ses membres et 2) d’amorcer l’actualisation du réseau de leurs activités de développement professionnel en cohérence avec ce cadre de référence. Les directions générales scolaires veulent ainsi se donner une première vision, partagée et novatrice, de ce qu’elles croient et aspirent à être et à faire ensemble, en priorité, pour influencer la concrétisation de la mission de l’école québécoise. Sur la base d’une telle vision du leadership à exercer, elles veulent orienter leur développement professionnel en tant que pilier d’actions concertées et porteuses, individuelles et collectives, au cœur d’un renouvellement important des membres de leur association professionnelle.
Une recherche-action est fondamentalement une action de recherche et d’éducation de praticiens-chercheurs volontaires qui veulent simultanément soutenir une transformation significative pour s’éduquer, éduquer et contribuer à la production de savoirs professionnels (Guay et Gagnon, 2021). Entre août 2020 et juin 2022, les directions générales membres du Comité de perfectionnement et de développement professionnel (CPDP), représentantes de toutes les régions du Québec et des différentes activités de développement professionnel vécues par les directions générales scolaires, se réunissent cinq jours par année pour agir, apprendre et chercher ensemble. Elles partagent d’abord leur vision de leur situation actuelle et codéfinissent les objectifs prioritaires de la recherche-action puis recensent et analysent des expériences professionnelles emblématiques source de fierté et de difficultés dans leurs milieux respectifs. Également, elles définissent et analysent leurs projets individuels de développement professionnel. Ces deux opérations permettent de mettre à jour un prototype de l’agir professionnel compétent et conscient des directions générales scolaires, c’est-à-dire les actions qu’elles perçoivent les plus susceptibles d’influencer la transformation significative de leurs organisations en fonction d’intentions et de présupposés explicites ajustés à leur contexte actuel. Lors de rencontres régionales et collectives, les membres du CPDP mobilisent l’ensemble des directions générales scolaires du Québec dans des échanges sur ce prototype de leur agir professionnel. Au fil de ces travaux, le CPDP s’assure que les réflexions et les choix des membres de l’ADGSQ sont mis en écho à d’autres cadres de référence canadiens et internationaux sur le leadership des directions générales de centres de services et de commissions scolaires et éclairés par de récentes synthèses de recherches sur l’effet district1.
La recherche-action permet la création d’un cadre de référence intitulé Le leadership des directions générales scolaires (ADGSQ, Guay et Gagnon, 2022), lequel rend explicite l’agir professionnel compétent et conscient collectif des directions générales scolaires du Québec, c’est-à-dire leurs présupposés au regard du leadership, la lecture de leur contexte d’exercice et leurs intentions et actions à prioriser, individuellement et collectivement, pour concrétiser ces intentions. Le tableau 1 résume les questions ayant balisé la mise à jour de cet agir professionnel et les réponses concertées à ces questions des directions générales scolaires du Québec.
À ce jour, le processus de création du Cadre de référence a permis l’actualisation du Microprogramme d’insertion à la direction générale de centres de services et de commissions scolaires (PIDIGECSS) de l’Université de Sherbrooke comme en témoigne un récent article d’Éducation Canada (Guay et Gagnon, 2022). Au printemps 2022, les directions générales scolaires du Québec l’ont également utilisé pour effectuer une analyse de leurs besoins prioritaires de développement professionnel pour l’année scolaire 2022-2023. Par exemple, la thématique du Congrès de l’ADGSQ de mai 2023 a été établie en adéquation avec cette analyse. À l’automne 2022, une entente pour la mise en œuvre d’une phase 2 de la recherche-action est aussi entérinée entre l’ADGSQ et l’Université de Sherbrooke, laquelle a comme objectifs de permettre aux directions générales de/d’ : 1) consolider leur compréhension partagée du leadership tel que décrit dans le cadre de référence; 2) mettre en œuvre concrètement ce leadership dans le développement du réseau de leurs activités de développement professionnel dont leurs rencontres régionales; 3) évaluer les retombées de cette mise en œuvre sur leur développement professionnel individuel et collectif.
Dans le cadre d’un numéro thématique sur l’importance de repenser les agirs professionnels au cœur des nombreux défis actuels en éducation, dont la pénurie de personnel breveté et la décroissance des effectifs, cet article se voulait une inspiration pour inciter les leaders en éducation, dont les directions d’établissements, les enseignants ou les professionnels, à définir, développer et consolider, eux aussi, leur propre agir professionnel, individuel et collectif, pour espérer relever ensemble de tels défis actuels en éducation. En guise de conclusion, en écho à la recherche-action menée par les directions générales scolaires du Québec, un cadre de questionnement est ainsi proposé au tableau 2. Il veut soutenir la réflexion individuelle et/ou collective de leaders conscients que des présupposés explicites, une lecture attentive du contexte d’exercice et des intentions et des actions prioritaires ciblées sont désormais névralgiques pour espérer œuvrer ensemble avec rigueur, efficacité, sens et bienêtre, au cœur de la complexité moderne.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2023
ADGSQ, Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2022). Le leadership des directions générales scolaires: Un cadre de référence pour le définir, le développer et le consolider ensemble. https://adgsq.ca/adgsq/cadre-de-reference-sur-le-leadership-des-directions-generales-scolaires/
Gouvernement du Québec. (2020). Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires. www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2020C1F.PDF
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2022). Et les directions générales scolaires, comment les former à agir avec compétence et conscience au cœur de la complexité actuelle? Éducation Canada https:// edcan.ca/articles/les-directions-generales-scolaires-comment-les-former/?lang=fr
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2021). La recherche-action. Dans I. Bourgeois (dir.), Recherche sociale. De la problématique à la collecte de données (7e édition, pp. 415-440). Presses de l’Université du Québec.
Guay, M-H. et Gagnon B. (2019). Esquisse d’une théorie constructiviste-développementale du leadership en éducation. Actes du symposium L’influence des chefs d’établissement d’enseignement : Activité, pouvoir et développement tenu dans le cadre du colloque international de l’Actualité de la recherche en éducation et formation (AREF) 2019. Bordeaux, France, p. 62-72. https://aref2019.sciencesconf.org/resource/page/id/20
Leithwood, K., Sun, J. et McCullough. (2019). How School Districts Influence Student Achievement. Journal of Educational Administration, 57(5), 519-539.
McCauley, C. D., Drath, W. H., Palus, C. J., O’Connor, P. M. G. et Baker, B. A. (2006). The Use of Constructive-Development Theory to Advance the Understanding of Leadership. The Leadership Quarterly, 17, 634-653.
Rooke, D. et W. R. Torbert. (2016). Les 7 logiques d’action des leaders. Harvard Business Review France, Hors-série, 76-90.
1 Effet du collectif constitué de la direction générale, du conseil d’administration (ou du conseil des commissaires), des services et des directions d’établissements pour fédérer des actions cohérentes et significatives à la réussite éducative sur le territoire d’un centre de services (ou d’une commission scolaire) (inspiré de Leithwood, Sun et Mc Cullough, 2019).
Si vous faites une collection de données probantes ou de statistiques scientifiques, il n’y a rien à voir ici. Passez vite à l’article suivant!
Vous êtes toujours là? Tant mieux, puisqu’ici « repenser les agirs professionnels » nous mène tout droit hors des sentiers battus, bien loin des enquêtes traditionnelles. Bref, il faut des gens comme vous qui osez penser différemment et qui ne craignent pas d’analyser les choses sous l’angle très pointu des milieux francophones minoritaires du Canada.
Il faut au départ accepter qu’on ne peut pas aborder la question des agirs professionnels de la même façon quand on traite des écoles de langue française dans ce contexte. La raison est fort simple : les finalités ne sont pas les mêmes.
Loin de moi l’idée que les écoles de la majorité ne se soucient pas de ce que deviendront les élèves au lendemain de la collation des grades. Force est d’admettre cependant que dans le cas de l’école de langue française, cette question est au cœur même de sa raison d’être. La question fondamentale qui se pose ne se traduit pas, philosophiquement du moins : Quelle place feront les élèves à la langue française une fois leur diplôme en poche?
Alors que j’occupais un poste à la direction régionale d’un conseil scolaire, j’avais entrepris de réunir les élèves finissants à un moment bien précis de leur parcours scolaire : juste après avoir passé leur dernier examen et juste avant de recevoir leur diplôme de fin d’études. La rencontre était connue sous l’appellation « Rien à perdre, rien à gagner ». Je n’avais qu’un seul but pour cette rencontre qui durait tout un après-midi à la fin-juin. Il s’agissait de savoir ce que les élèves pensaient de l’éducation qu’ils avaient reçue. Ils n’avaient rien à perdre puisque tout ça était désormais derrière eux et il ne s’agissait aucunement de les évaluer; et rien à gagner puisqu’ils ne profiteraient pas personnellement des suggestions qu’ils pourraient faire.
À chaque année, quelque chose de magique se passait dès les premières minutes de la rencontre. Je voulais parler d’éducation? Ils voulaient parler de la langue française. On oublie souvent que tous les élèves de nos milieux minoritaires auraient très bien pu se diriger vers le système anglais. Tous, sans exception. Et pourtant, ils étaient là, devant moi. Certains avouaient candidement que ça n’avait pas été leur choix personnel, leurs parents ayant pris la décision pour eux. D’autres n’avaient jamais considéré l’option, et certains avaient fait le choix d’y rester. Tout ça pour une seule raison : le français.
Nous voici donc au cœur d’une dure réalité. Ces rencontres ont permis de faire ressortir le fait que l’école avait souvent été pour ces élèves la seule occasion de vivre tant soit peu en français. L’après? Un très petit nombre se dirigerait vers les institutions post-secondaires en français. Pour la plupart, la place qu’occuperait le français était non seulement une question pour laquelle on n’avait pas de réponse, c’était une chose à laquelle on n’avait jamais même songé. Ouch!
Les communautés scolaires ont pourtant tout ce qu’il faut pour éviter un tel aboutissement. On a qu’à penser aux nombreux outils de construction identitaire que l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) a produit au fil des ans et continue de produire pour alimenter son réseau. La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE), de concert avec le personnel enseignant et nos chercheurs les plus réputés, a conçu la Pédagogie à l’école de langue française (PELF). Il ne s’agit là que de deux ressources importantes parmi toute une panoplie d’appuis à l’apprentissage des élèves de nos écoles.
Dans un premier temps, il n’existe aucune enquête qui détermine dans quelle mesure sont utilisés ces outils conçus à l’usage très spécifique des écoles de langue française en contexte minoritaire. Nous savons cependant qu’on n’y fait référence qu’à de rares exceptions dans les programmes d’études, la référence principale du personnel des écoles. Même la formation initiale de ce dernier accuse d’importantes lacunes à cet égard. Comment s’attendre alors à ce que les agirs professionnels s’alignent avec des objectifs qui ne sont promus nulle part?
D’autre part, le temps est venu de songer à une étude longitudinale portant sur la place qu’occupe le français dans la vie des élèves de nos écoles une fois devenus adultes. C’est la seule mesure qui permettrait vraiment de déterminer si nos écoles sont à la hauteur des attentes sociétales et gouvernementales qui les sous-tendent face au maintien de la langue française. Il serait alors possible d’extrapoler une mine d’information qui permettrait de mieux intervenir auprès des élèves issus de mariages endogames ou exogames, de l’immigration ou même de ceux qui bénéficient d’une certaine souplesse dans les critères d’admission qu’expérimentent certains milieux.
Nous savons que la proportion de Canadiens dont le français est la première langue officielle a diminué considérablement depuis les dernières années, et même le Québec n’est pas épargné par cette tendance. Nous reconnaissons aussi que le nombre de personnes qui s’intéressent à une carrière en enseignement ne suffit pas à combler les besoins des écoles. Le moment est venu de poser des gestes concrets pour pallier l’une et l’autre de ces situations alarmantes.
Quand l’école de langue française en contexte minoritaire se distinguera clairement des autres par sa pédagogie, sa programmation et les ressources qu’elle met entre les mains de ses élèves, peut-être alors sera-t-elle un milieu de travail davantage convoité.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2023
En 2021, un directeur BLANC d’une école secondaire catholique de langue française de l’Ontario a été retiré de son école deux ans après avoir porté les cheveux rasés d’un élève noir comme perruque lors d’une collecte de fonds pour une élève atteinte du cancer; quelques mois plus tard, à l’Halloween, il les a portés à nouveau comme déguisement (Canadian Broadcast Company; Radio-Canada, 2021). Il n’a été démis de ses fonctions que deux ans plus tard après que #BlacklivesLondon ait signalé ces incidents sur le microblogue Twitter (Radio-Canada, 2021). Étant donné que l’amélioration de la réussite de l’ensemble des élèves de l’école est peu probable sans un leadership éducatif efficace (Rodgers, Hauserman et Skytt, 2016), tout leader devrait remettre en question son comportement envers les individus et les groupes marginalisés, tels que les Noir.e.s., Plus précisément, chaque leader devrait se questionner sur les indignités qu’il leur fait subir, telle que les microagressions raciales. Dans cet article, une microagression raciale est définie comme étant une brève indignité quotidienne (re)produisant des commentaires racistes ou des insultes racistes envers les élèves, les directions d’école ou les enseignants et les enseignantes noir.e.s (Brown, 2019; Frank et coll., 2021; Sue et coll., 2007.)
Que connaissons-nous au sujet du racisme systémique envers les Noir.e.s en contextes francophones minorisés au Canada? Un nombre limité d’études ont exploré le racisme systémique envers les Noir.e.s en contextes francophones minorisés au Canada (Ibrahim, 2014; Jean-Pierre, 2020; Villella, 2021). Ces études donnent un aperçu de la façon dont le racisme systémique envers les Noir.e.s se manifeste dans ce contexte. Schroeter et James (2015) constatent que les élèves immigrant.e.s noir.e.s et francophones perçoivent que le personnel scolaire blanc, y compris la direction d’école blanche, accorde plus d’appui aux élèves blanc.he.s immigrant.e.s qu’aux élèves noir.e.s immigrant.e.s vis-à-vis de l’atteinte de leurs objectifs de carrière. Pour sa part, Madibbo (2021) présente trois conditions favorisant la (re)production du racisme systémique envers les Noir.e.s au sein du Canada français, y compris au Québec :
Examinons quelques incidents critiques
Ma thèse doctorale (2021) décrit des incidents critiques de racisme systémique anti-Noir.e.s, tels qu’ils se présentent dans le contexte du leadership éducatif en Ontario français afin de comprendre les incidents que subissent les élèves, le personnel enseignant, les familles et les partenaires communautaires noir.e.s et francophones.
Cette étude de cas narrative a exploré la compétence interculturelle et antiraciste imbriquée de leaders éducatifs et systémiques à travers des incidents critiques. Un leader éducatif et systémique, comme une direction d’école, est un citoyen privé, mais aussi un représentant d’une institution qui développe ou met en œuvre des politiques, des procédures et des règlements, voire des normes et des idéologies d’une société (Villella, 2021). Un incident critique constitue une expérience ou une activité positive ou négative ayant eu une influence sur un leader en confirmant, en modifiant ou en fragmentant son leadership (Sider et coll., 2017; Yamamoto et coll., 2014).
Neuf leaders éducatifs et systémiques, dont la plupart sont ou récemment ont été directions d’école, ont participé à trois entrevues semi-dirigées et à un sondage. L’analyse des données a révélé que presque tous les incidents critiques mentionnés par les neuf participant.e.s comme étant de nature « interculturelle » concernaient la communauté noire, et surtout des garçons et des hommes noirs, y compris un prêtre catholique. Bien que les réponses des participant.e.s au sondage indiquent qu’ils et elles perçoivent leurs compétences interculturelles comme élevées, la façon dont elles et ils abordent les incidents critiques impliquant les élèves, le personnel, les familles et les membres de la collectivité noir.e.s indiquent qu’ils doivent améliorer leur compétence antiraciste. En ce qui concerne le développement de leurs compétences interculturelles et antiracistes, les participant.e.s ont suivi très peu de cours universitaires ou d’ateliers; elles et ils se sont surtout autoformé.e.s grâce au bénévolat international, à la lecture et à la transmission de leurs apprentissages personnels. Par conséquent, les particpant.e.s ont surtout fait de la formation informelle au lieu de la formation formelle ou de la formation non formelle (Villella, 2021). Il ne faut donc pas s’étonner que des incidents critiques révélant un racisme systémique anti-Noir.e.s et des microagressions raciales se soient manifestés dans le discours des participant.e.s concerné.e.s.
Microagressions raciales multiples : ce que les données révèlent
Dans la section qui suit, je présente et j’analyse cinq incidents critiques de racisme systémique anti-Noir.e.s à travers le cadre conceptuel de microagressions raciales de Brown (2019), soit la pathologisation, l’insensibilité culturelle, la dévalorisation persistante des compétences des enseignants noirs, la citoyenneté de seconde classe dans les écoles et le mythe de la méritocratie. Brown indique que ces microagressions sont non seulement ancrées dans l’idéologie anti-Noir.e.s, mais qu’elles constituent aussi des raisons ayant émergé dans la recherche pour lesquelles les enseignant.e.s noir.e.s2 quittent la profession enseignante.
« J’avais une réunion avec la direction. Donc, je me dis qu’il y a d’anciens collègues à moi, je vais aller les voir. [Un ami], quand j’arrive : « Hé ! Salut [Hassan] ! Ça va bien ? » Donc, je m’assois avec lui, pis lui, il dit : « [Hassan], tu es au salon du personnel des blancs avec moi là ». J’ai dit : « Comment ça ? » Il dit : « Tu n’as pas vu ? La table des immigrants est là-bas ». Donc, pour te dire que même à l’époque où j’étais, il y avait deux salons du personnel.
Dans cette école, les enseignant.e.s noir.e.s (et en particulier les enseignant.e.s immigrant.e.s et noir.e.s) constituent le point de mire du racisme systémique anti-Noir.e.s dans le salon du personnel qui se manifeste sous forme d’un statut de citoyenneté de deuxième classe (Brown, 2019; Frank et coll., 2021).
« [Les élèves] l’envoyaient chier… en plus il parlait avec un accent assez prononcé. C’était probablement un des premiers Noirs qu’ils voyaient en personne ces enfants-là… Et pour lui, c’était une des premières classes qu’il avait au Canada, parce qu’il avait juste fait de la suppléance, si j’ai bien compris, à Montréal, quelques années d’avant… Dans le coin dans le fond de la classe… Quatre jeunes hommes qui se sont amusés à l’abaisser là. « Monsieur, je comprends rien, je comprends pas quand tu parles. Ça fait pas de sens »
Dans cet exemple de microagressions raciales envers un enseignant noir, on perçoit une dévalorisation persistante de ses capacités d’enseignement (Brown, 2019; Frank et coll., 2021) par les élèves et la participante, mais il existe aussi un linguicisme racialisé (Madibbo, 2021), soit une discrimination linguistique et raciale combinée envers une personne noire, qui est également une immigrante récente.
« elles sont incapables de s’intégrer…pis ça, c’est malgré qu’on a essayé de les coacher. On a essayé… c’est juste trop ancré ou le traditionalisme est trop ancré dans leurs pratiques… on arrive à un conflit, pis c’est là où on fait des mises à pied, où on fait des évaluations insatisfaisantes. »
Nous pouvons observer ci-dessus une autre microagression raciale, puisqu’un directeur blanc pathologise les personnes noires qui enseignent dans son école à travers sa vision fixe de la compétence à enseigner fondée sur la conformité aux politiques et aux pratiques éducatives historiques et normalisées de l’éducation de langue française.
« J’ai passé des entrevues… et les questions qu’on posait, nous, on avait déjà une idée de qu’est-ce qu’on voulait comme réponses… à quelques reprises, je me suis aperçue qu’on parlait pu de la compétence de la personne. On parlait de la culture de la personne [noire]. On disait : « Ben là, la personne a répondu de telle ou telle façon… ils vont peut-être taper l’enfant. »
Dans cet exemple, les microagressions raciales se manifestent comme une forme de pathologie (Brown, 2019; Frank et coll., 2021).
« Je suis en train de faire une évaluation de suivi avec… un ado qui vient du continent africain… qui avait eu de très grands bris de scolarisation… puis j’avais des préoccupations par rapport à hum le niveau de travail qu’on donne. Parce que des fois… si un élève ne sait pas lire, on a tendance à aller chercher du matériel pour apprendre à lire chez les plus jeunes… mais ça l’a pas la stimulation cognitive… parce que là, j’ai un ado qui a peut-être 15-16 ans qui euh… qui est en train de faire des affaires de bo-bo baba… Mais c’est un jeune qui est en train d’être traité comme un… un élève qui avait une déficience. »
Ici, on peut affirmer que cet élève noir subit des micro-agressions, plus précisément des micro-invalidations concernant ses besoins en matière de lecture étant fondés non seulement sur la perception d’un statut de citoyenneté de seconde classe, mais aussi de l’insensibilité culturelle et de la dévalorisation persistante de ses compétences (Brown, 2019 ; Frank et coll., 2021; Sue et coll., 2007).
Bien qu’il ne s’agisse que de quelques-uns des incidents critiques en matière de racisme systémique anti-Noir.e.s en matière de leadership éducatif ayant ressorti de mon étude, il s’agit de vignettes donnant un aperçu tout de même informatif au sujet de la façon dont le racisme systémique anti-Noir.e.s se (re)produit auprès de membres noirs de la communauté scolaire dans le contexte de l’éducation de langue française en Ontario.
Comment l’étude des incidents critiques peut-elle nous aider à désapprendre le racisme systémique anti-Noir.e.s?
Yamamoto et coll. (2014) expliquent que les histoires que : a) nous nous racontons; b) que nous transmettons; c) que nous racontons aux autres, et d) encore une fois que nous nous racontons à nouveau au sujet d’un incident critique, constituent un moyen puissant selon lequel les leaders peuvent évaluer s’ils maintiendront les mêmes pratiques, les adapteront ou s’ils changeront complètement leurs pratiques. Par conséquent, ces incidents critiques ne sont pas seulement formatifs (Sider et coll., 2017), ils sont aussi informatifs (Villella, 2021), puisqu’ils révèlent des éléments de désapprentissage professionnel nécessaire pour lutter contre le racisme systémique anti-Noir.e.s. La question qui se pose maintenant est la suivante : qu’est-ce que les leaders éducatifs et systémiques de langue française, comme les directions d’école, ainsi que leurs formatrices et formateurs, peuvent apprendre en examinant de tels incidents critiques? Une liste de ressources destinées aux leaders en éducation sur le désapprentissage du racisme systémique suit l’article.
D’abord, il faut se souvenir que le racisme systémique envers les Noir.e.s n’est pas seulement un problème anglo-canadien. Il est omniprésent en éducation, quelle que soit la langue d’enseignement ou le contexte.
L’analyse des incidents critiques en matière de leadership dans le domaine de l’éducation de langue française en contexte francophone minorisé peut aider les directions générales, les formatrices et les formateurs, les associations des directions d’école et les surintendances, ainsi que les organismes communautaires de langue française à comprendre comment certaines pratiques contribuent à marginaliser les enfants et les adultes noir.e.s qu’elles et ils desservent. Les façons dont les leaders interagissent avec les enseignant.e.s noir.e.s peuvent contribuer à la reproduction, donc à la persistance, du racisme systémique envers les Noir.e.s, au lieu de contribuer à l’établissement d’un milieu éducatif inclusif et d’une société inclusive qui atténuent le racisme afin d’y mettre fin. Quoi qu’il en soit, les leaders éducatifs et systémiques envoient un message clair aux élèves, aux parents et au personnel noir.e.s en ce qui concerne leur valeur dans la société, lorsqu’ils agissent, ou non, sur le racisme systémique anti-Noir.e.s.
L’étude des incidents critiques en tant que moyen de (dés)apprentissage professionnel par rapport au racisme systémique envers les Noir.e.s offre aux leaders éducatifs et systémiques la possibilité de changer la façon dont ils réagissent lors de futures situations, de devenir proactifs et de réduire les microagressions faites aux membres de la communauté noire. Ainsi, c’est en ce sens que les études de cas narratives peuvent aider les leaders à décortiquer le racisme systémique anti-Noir.e.s par l’entremise d’un moyen de (dés)apprentissage professionnel.
Que faire maintenant ? Quelques recommandations :
Les leaders éducatifs et systémiques, telles que les directions générales, les surintendances/directions générales adjointes, doivent appuyer tous les membres du personnel souhaitant élaborer des stratégies préventives pour réduire les incidences de racisme systémique envers les Noir.e.s qui se (re)produisent par l’entremise des microagressions raciales. Les gouvernements provinciaux, les conseils scolaires/commissions scolaires/Centres de services et les conseils/districts scolaires doivent exiger la mise en place de moyens spécifiques aux incidents de racisme systémique envers les Noir.e.s, les respecter et en faire le suivi. Ils doivent aussi être tenus d’en faire un rapport aux communautés noires de manière transparente. À ce titre, il est important d’élaborer une approche de collecte de données qualitatives et quantitatives pour mieux comprendre les défis et enjeux y étant sous-jacents; ces défis et ces enjeux ne devraient pas être réduits à une question liée au statut d’immigration d’un individu ni à sa langue maternelle comme des facteurs identitaires principaux.
Enfin, les leaders éducatifs et systémiques de langue française à tous les niveaux doivent avoir recours à des possibilités de formation initiale et continue s’ils souhaitent se former ou former leurs équipes au sujet du racisme et de l’antiracisme. La pédagogie, le leadership culturellement sensible, l’analyse des données fondées sur la race et la remise en question des politiques pédagogiques et disciplinaires du conseil/de la commission ou du Centre de services scolaire concernant les élèves noir.e.s et les pratiques d’embauche liées au personnel noir constituent des domaines incontournables en matière de formation pour tous les employé.e.s. De telles formations exigent que des ressources soient non seulement développées en français, mais aussi que les incidents critiques de racisme systémique anti-Noir.e.s soient fondés sur des exemples recueillis au sein des systèmes d’éducation en langue française.
Bien que certains leaders de l’éducation de langue française soient plus conscients que d’autres des incidents de racisme systémique anti-Noir.e.s concernant leur leadership, de tels incidents critiques persistent par l’entremise de micro-agressions raciales. Ces incidents devraient amener les leaders éducatifs et systémiques de langue française à réévaluer la façon dont ils peuvent mieux établir des relations avec chaque élève, famille, membre du personnel et partenaire communautaire noir.e.s., et à trouver des moyens de déconstruire leur pensée déficitaire et les stéréotypes sous-tendant les microagressions raciales. Un tel processus commence et se poursuit par l’entremise d’une pleine participation et d’un engagement profond à la décolonisation de l’apprentissage professionnel. On doit ensuite mettre en application ces connaissances au sein des communautés scolaires desservant des individus et des groupes noirs afin de créer des espaces d’appartenance plus équitables et inclusifs pour les élèves et le personnel noirs, ainsi que pour d’autres groupes méritant l’équité au sein même de la francophonie minorisée.
Non seulement les élèves noir.e.s et francophones ont besoin du personnel enseignant noir et francophone, mais le reste de la société canadienne en a besoin aussi. L’inclusion s’applique, après tout, à tout un chacun.
La liste de ressources suivante a comme objectif d’outiller les leaders éducatifs et systémiques, tels que les directions d’école, à développer leurs connaissances liées à la lutte contre le racisme systémique anti-noir pour pouvoir ensuite agir concrètement. L’espoir étant de les amener à exercer un leadership transformatif qui est inclusif de la construction sociale de la race.
Il est suggéré de lire les ressources selon l’ordre des thèmes présentés, et selon l’ordre des ressources indiquées.
DONNÉES STATISTIQUES CANADIENNES
Fondation canadienne des relations raciales. (2021). Les relations raciales au Canada 2021. Un sondage canadien sur l’opinion publique fondée sur l’expérience. Rapport final. https:// environicsinstitute.org/docs/default-source/project-documents/race-relations-in-canada-2021/race-relations-in-canada-2021-survey—final-report-fre.pdf?sfvrsn=dae22b9e_2
Statistique Canada. (2019). Diversité de la population noire au Canada… un aperçu. https:// 150.statcan.gc.ca/n1/pub/89-657-x/89-657-x2019002-fra.htm
Statistique Canada. (2022). Mois de l’histoire des Noirs… en chiffres. https://.statcan.gc.ca/fr/dai/smr08/2020/smr08_248-1
Ces données nous apprennent non seulement que les communautés noires parlent plus souvent français à la maison que le reste de la population canadienne, mais aussi que les communautés noires vivent plus souvent du racisme que les autres minorités visibles, toutes langues officielles confondues.
NOIRCITÉ (BLACKNESS)
Ibrahim, A. (2014). The rhizome of Blackness. A critical ethnography of hip-hop culture, language, identity and the politics of becoming. Peter Lang Publishing.
Madibbo, A. (2021). Blackness and la Francophonie. Anti-Black Racism, Linguicism and the Construction and Negotiation of Multiple Minority Identities. Les Presses de l’Université Laval.
Sall, L. (2021). L’Acadie du Nouveau-Brunswick et “ces” immigrants francophones : entre complétude institutionnelle et accueil symbolique. Les Presses de l’Université Laval. Google Scholar
Les trois ressources ci-dessus abordent la noircité, aussi appelée le blackness en Ontario, en Alberta ou en Acadie. Il est possible d’en tirer certains constats communs au sujet des manifestations du racisme anti-noir en milieux francophones minorisés.
MICRO-AGRESSIONS RACIALES
Sue, D. W. Capodilupo, C. M., Torino, G.C., Bucceri, J. M., Holder, A.M.B. Nadal, K. L. & Esquilin, M. (2007). Racial Microaggressions in Everday life. American Psychologist, Mai-Juin. https://gim.uw.edu/sites/gim.uw.edu/files/fdp/Microagressions%20File.pdf
Brown, E. (2019). African American teachers’ experiences with racial micro-aggressions. Educational Studies, 55(2), 180–196. https://doi.org/10.1080/00131946.2018.1500914
Frank, T. J., Powell, M. G., et View, J. L. (2021). Exploring racialized factors to understand why Black mathematics teachers consider leaving the profession. Educational Researcher. doi.org/10.3102/0013189X21994498
Bien que ces trois articles soient écrits en anglais, il s’agit de ressources précieuses concernant le racisme anti-noir, et plus particulièrement, la manifestation de micro-agressions et comment mieux les comprendre. L’analyse de l’article du réseau d’Éducation Canada de Villella (2022) se fonde sur les cadres théoriques de ces articles.
RACISME ANTI-NOIR À L’ÉCOLE DE LANGUE FRANÇAISE
Jean-Pierre, J. (2022). Les composantes de l’espoir critique dans les récits de parents Afro-Canadiens de la Nouvelle-Écosse. Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie, 59(4), 427-562. https://doi.org/10.1111/cars.12409
Villella, M. (2021). Le racisme à l’école franco-ontarienne. Education Journal – Revue de l’éducation (EJRÉ), Faculté d’éducation, Université d’Ottawa. 7(1), 25-34. https://egsa-aede.ca/wp-content/uploads/2022/01/Version-finale_2021-EJRE_October-Number-Website-Version.pdf
Schroeter, S. & James, C. (2015). « We’re here because we’re black » : The schooling experiences of French-speaking African-Canadian students with refugee backgrounds. Race, ethnicity and education, 18(1), 20-39. https://doi.org/10.1080/13613324.2014.885419
Stanley, T. (2018). Décortiquer les racismes et les antiracismes à l’école. Réseau de savoir sur l’équité. https://rsekn.ca/wp-content/uploads/2019/08/D%c3%a9cortiquer-les-racismes-et-les-antiracismes-%c3%a0-l%e2%80%99%c3%a9cole.pdf
Howard, P. S. S. & James, C. E. (2019). When dreams take flight: How teachers imagine and implement an environment that nurtures Blackness at an Africentric school in Toronto, Ontario. Curriculum inquiry, 49(3), 313-337. https://doi.org/10.1080/03626784.2019.1614879
L’article de Jean-Pierre (2022) aborde l’espoir critique des parents noirs en Nouvelle-Écosse. Les articles de Villella (2021), ainsi que de Schroeter et James (2015), décrivent le sujet du racisme anti-noir à l’école de langue en contexte francophone minorisé. Les articles de Stanley et de Howard et James proposent des actions concrètes en matière d’antiracisme.
NOIR·E·S FRANCOPHONES
Jabouin, S. (2018). Trajectoires d’insertion professionnelle des nouveaux enseignants originaires des Caraïbes et d’Afrique subsaharienne (NEOCAS) dans les écoles francophones de l’est de l’Ontario [thèse de doctorat non publiée, Université d’Ottawa]. Recherche Uo. https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/11105
Jean-Pierre, J. (2020). L’appartenance entrecroisée à l’héritage historique et au pluralisme contemporain chez des étudiants franco-ontariens. Minorités linguistiques et société/Linguistic Minorities and Society (13), 3–25. doi.org/10.7202/1070388ar
Pierre-René, M. C. (2019). Hey “GI” An Examination of how Black English Language and Learning High School Students Experience the Intersection of Race and Second Language Education [thèse de doctorat, Université d’Ottawa]. Recherches uO. https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/39108/1/Pierre_Rene_MarieCarene_2019_thesis.pdf
Ces lectures permettent de mieux comprendre que les identités et les expériences des élèves et des enseignant·e·s noir.e·s ne se limitent pas à une question de statut d’immigration récente, mais concernent le racisme systémique anti-noir.
THÉORIE CRITIQUE DE LA RACE
Bentouhami, H. et Möschel, M. (2017). Critical Race Theory. Une introduction aux grands textes fondateurs. Éditions Dalloz.
Thésée, G. et Carr, P. R. (2016a). Triple whammy and a fragile minority within a fragile majority: School, family and Society, and the Education of Black, Francophone Youth in Montréal. African Canadian youth, postcoloniality, and the symbolic violence of language in a French language high school in Ontario. Dans A.A. Abdi et A. Ibrahim, (dir.), The education of African-Canadian children (pp.131-144). McGill-Queens University Press.
Thésée, G. et Carr, P. R. (2016b). Les mots pour le dire : acculturation ou racialisation? Les théories antiracistes critiques (TARC) dans l’expérience scolaire des jeunes NoirEs du Canada en contextes francophones. Comparative and International Education/Éducation Comparée et internationale, 45(1), article 5. https://ir.lib.uwo.ca/cgi/viewcontent.cgi?article=1376&context=cie-eci
Le premier texte sert à faire comprendre au lectorat les fondements de la théorie critique de la race, ainsi que les grandes décisions juridiques les ayant influencés. Par la suite, le lectorat sera mieux en mesure de comprendre les deux autres articles abordant le sujet.
COLONISATION ET DÉCOLONISATION
Trudel, M. (2004). Deux siècles d’esclavage au Québec. Éditions Hurbutise.
Cooper, M. (2007). La Pendaison d’Angélique. Traduit par André Couture. Les Éditions de L’Homme.
Ba, Amadou. (2019). L’histoire oubliée de la contribution des esclaves et soldats noirs à l’édification du Canada (1604-1945). Éditions Afrikana.
Deltombe, Domergue, M. et Tatsitsa, J. (2016). Kameroun! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique. La Découverte.
Le premier ouvrage permet au lectorat de comprendre que les Blancs francophones avaient des esclaves et que l’Église catholique y a joué un rôle important. Le deuxième renseigne sur la contribution des Noir·e·s à l’édification du Canada depuis plus de 400 ans. Le troisième ouvrage montre l’omniprésence encore à ce jour des effets de la colonisation au sein de la vie de certaines personnes noires venant de l’Afrique et le rôle clé qu’y joue la France.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2023
1 Ce texte a été traduit et adapté par l’auteure de l’article de langue anglaise intitulé Critical Incidents in Educational Leadership: An opportunity for professional (un)learning.
2 Alors que l’étude de Brown (2019) portait sur les enseignant·e·s noir.e.s, celle de Frank et coll. (2021) portait spécifiquement sur les enseignant.e.s noir.e.s de mathématiques.
Brown, E. (2019). African American teachers’ experiences with racial micro-aggressions. Educational Studies, 55(2), 180–196. https:// doi.org/10.1080/00131946.2018.1500914
Canadian Broadcast Corporation (29 mai 2021). Ontario principal removed after twice wearing hair of Black student like a wig. https:// cbc.ca/news/canada/london/luc-chartrand-black-student-wig-apology-1.6047068
Ibrahim, A. (2014). The rhizome of Blackness. A critical ethnography of hip-hop culture, language, identity and the politics of becoming. Peter Lang Publishing.
Jean-Pierre, J. (2020). L’appartenance entrecroisée à l’héritage historique et au pluralisme contemporain chez des étudiants franco-ontariens. Minorités linguistiques et société/Linguistic Minorities and Society (13), 3–25. doi.org/10.7202/1070388ar
Frank, T. J., Powell, M. G., et View, J. L. (2021). Exploring racialized factors to understand why Black mathematics teachers consider leaving the profession. Educational Researcher. doi.org/10.3102/0013189X21994498
Madibbo, A. (2021). Blackness and la Francophonie: Anti-Black racism, linguicism and the construction and negotiation of multiple minority identities. Les Presses de l’Université Laval.
Radio-Canada (31 mai 2021). Accusations de racisme : le directeur démis de ses fonctions dit avoir « honte » https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1797641/racisme-chartrand-london-honte-excuses
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Pour les élèves ayant des besoins d’apprentissage particuliers, l’autonomie sociale passe par la communication de leurs besoins et le soutien de leur milieu. Bien que la majeure partie de ce soutien soit gérée par l’école, les mêmes services ne sont généralement pas offerts par les établissements postsecondaires ou les lieux de travail. Or, il est dans l’intérêt des apprenants d’être renseignés sur la nature de leurs besoins, les services auxquels ils ont droit et la façon de faire connaître leurs besoins. Les chercheurs ont établi un lien entre l’autonomie sociale et les taux de diplomation au secondaire. De plus, il est généralement reconnu que l’acquisition de l’autonomie sociale doit commencer le plus tôt possible.
Démystifier le processus d’établissement du Plan d’enseignement individualisé (PEI) :
Promouvoir une communication accessible :
Le principal but recherché ici est que les élèves soient en mesure d’expliquer ce dont ils ont besoin. S’ils ne connaissent pas leurs difficultés précises et les types de soutien qui fonctionnent le mieux pour eux, les élèves ne pourront pas avoir réellement accès à des composantes de la société qui n’ont pas été conçues en fonction de leur situation. Les efforts pour clarifier le processus et favoriser une communication accessible sont évidemment très utiles, mais il est tout aussi important de faire preuve de cohérence dans nos propos et nos façons de soutenir ces élèves. Les parents et le personnel enseignant doivent s’informer mutuellement des mesures qu’ils prennent pour favoriser le développement de l’autonomie sociale afin de concevoir un programme d’aide cohérent qui va plus loin que les mesures offertes à l’école.
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Le dévoilement des inégalités vécues par les élèves marginalisés durant la pandémie de coronavirus peut-il servir de pierre angulaire pour repenser notre système éducatif?
Selon Audrey Azoulay, directrice générale de l’UNESCO, les perturbations provoquées par la crise sanitaire dans le monde de l’éducation seraient d’une ampleur jamais vue. D’une part, les adaptations apportées aux établissements d’enseignement ont secoué les principes d’égalité des chances en mettant au jour les privilèges de certains élèves et la défavorisation d’autres. Les personnes socioéconomiquement désavantagées, les personnes racisées, allophones, autochtones ou membres des communautés LGBTQ2+ ont été proportionnellement plus touchées par les effets du
confinement et de l’enseignement à distance. D’autre part, une prise de conscience grandissante à propos de la responsabilité individuelle et institutionnelle de garantir un plein accès à l’enseignement pour tous semble gagner du terrain chez les personnes enseignantes et les directions d’établissement. Devant ces constats, il importe de se demander : que peut-il être fait, dans les établissements d’enseignement, que ce soit d’un point de vue individuel ou institutionnel, pour faciliter l’accès et le parcours des élèves s’identifiant à la diversité? Est-ce que les expériences vécues durant la pandémie pourraient devenir le moteur de changements institutionnels durables en matière d’équité, de diversité et d’inclusion?
Avant d’explorer les pistes d’actions individuelles et collectives permettant de mettre de l’avant la mission d’égalisation des chances dans les établissements d’enseignement, revenons sur les principes qui la guident : l’équité, la diversité et l’inclusion.
L’équité, dans sa recherche de justice, vise à pallier les inégalités et la discrimination. Elle implique un traitement différencié qui tient compte des particularités de chacun, donc qui ne s’applique pas de la même façon pour tous. Ce traitement différencié doit avantager les plus vulnérables sans pour autant accentuer l’écart entre les plus faibles et les plus forts (Rawls, 1987). En éducation et formation, l’équité est la résultante de pratiques pédagogiques et structurelles qui tiennent compte des différentes caractéristiques des groupes sociaux dans la perspective d’offrir des chances équivalentes aux membres de chacun de ces groupes (Solar, 2007).
La diversité, quant à elle, consiste en l’éventail des conditions de vie, de modes d’expressions et de vécus de différentes populations en fonction de facteurs tels que l’âge, la culture, la race, la scolarité, le genre, le handicap, l’orientation sexuelle, le statut d’immigration, le lieu de résidence, la langue et la religion, etc. (Condition féminine Canada, 2020). En éducation et formation, il est souhaité que la diversité soit reconnue au sein des établissements. Pour réfléchir à la diversité, il importe de cerner les différences entre les individus. La tendance des dernières années dans les établissements d’enseignement était plutôt d’essayer d’invisibiliser les différences, sans doute dans un souci d’égalité, ou encore par respect pour les élèves. Ce faisant, les inégalités prenaient encore plus d’ampleur. On sait maintenant que les différences bien inventoriées nous informent des inégalités de privilèges entre les groupes. Il serait futile de parler de diversité sans parler d’injustice. Reconnaitre la diversité permet donc d’appliquer les principes d’équité pour permettre aux populations désavantagées au plan des privilèges de vivre une expérience similaire à celles de leurs confrères et consœurs.
Finalement, le nouvel acronyme EDI ajoute à son arc la dimension de l’inclusion. Elle implique la valorisation des forces uniques des personnes et des groupes. Lorsqu’elle se sent incluse, une personne se sent à l’aise d’exprimer son être authentique (idées, perceptions, antécédents, etc.). Elle se sent accueillie, respectée, valorisée, interreliée, épanouie et en sécurité.
Bien que plusieurs instances aient mis à jour leurs politiques en lien avec l’inclusion, il demeure pertinent de rappeler les éléments clés qui distinguent les établissements scolaires inclusifs. Ces derniers :
En éducation, le trio équité, diversité et inclusion vise fondamentalement à cerner, puis à corriger des situations injustes afin de permettre une plus grande égalité des chances, pour les élèves tout comme pour les membres du personnel.
Plusieurs auteurs affirment que l’implantation des principes d’EDI doit être amorcée par des directives institutionnelles (nous y reviendrons). Malgré cela, nous croyons que le geste individuel des pédagogues demeure essentiel.
Pour mettre en place les principes d’équité, de diversité et d’inclusion en salle de classe, nous suggérons l’emploi de la pédagogie de l’équité (Solar, 2007). Les racines féministes de cette pédagogie invitent à donner aux femmes une meilleure représentativité dans la pensée éducative. Ses origines antiracistes rappellent de considérer la problématique de la race dans les interventions ; tandis que ses fondements de libération préconisent une analyse critique du rôle de l’éducation afin de permettre l’émancipation sociale des classes dominées. La pédagogie de l’équité souhaite valider les différences et contester les a priori des normes établies par la société, permettant alors à tout un chacun de se sentir valorisé dans sa diversité et son potentiel. En outre, les personnes enseignantes qui espèrent améliorer l’expérience éducative de leurs élèves en mettant l’accent sur la division sociale des ressources, du pouvoir et du savoir sont invitées à positionner leur pratique sur quatre axes : parole/silence, omission/reconnaissance, passivité/participation active et impuissance/partage du pouvoir. Voici comment cela peut se concrétiser :
Donner la parole aux groupes marginalisés, souvent murés dans leur silence, les aide à sortir de l’invisibilité et à se sentir considérés. Pour favoriser la parole, il importe d’inclure des stratégies misant sur la prise de parole, tant orale qu’écrite, dans le but d’encourager les échanges en petits groupes et de stimuler le partage d’expériences.
Cet axe concerne l’omission de certains groupes dominés ou marginalisés dans les discours et dans le matériel pédagogique, en visant une reconnaissance de leur apport, de leurs savoirs, de leurs expériences. Pour favoriser la reconnaissance, la personne enseignante offre un espace pédagogique pour légitimer le vécu et pour critiquer les savoirs non inclusifs ou non représentatifs de la diversité.
La participation active mise sur l’établissement d’un climat propice à l’apprentissage dans lequel chaque membre du groupe se sent respecté. Cela suppose d’abord de porter une attention particulière à la relation pédagogique et aux interactions entre les élèves. L’instauration de structures coopératives permet aux élèves issus de groupes dominés d’occuper des rôles différents de ceux dans lesquels ils sont habituellement confinés.
Finalement, le partage du pouvoir met l’accent sur le changement social. Par conséquent, en plus de donner une plus grande place aux apprenants en salle de classe, la personne enseignante tente de démystifier les savoirs enseignés en expliquant leurs construits, leurs forces et limites et, par le fait même, favorise le développement d’une pensée critique.
Appliquer les principes d’égalité des chances et d’EDI demeure cependant surtout la responsabilité des établissements d’enseignement. L’UNESCO (1998) est claire à ce sujet. Elle rend explicite, à l’intérieur de sa Déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le xxie siècle, la responsabilité des établissements scolaires dans la mise en œuvre de la mission et de la fonction de l’enseignement supérieur en matière d’accès à l’équité :
L’accès à l’enseignement supérieur de membres de certains groupes cibles spéciaux, comme les populations autochtones, les minorités culturelles et linguistiques, les groupes défavorisés, les peuples subissant une occupation et les personnes souffrant de handicaps, doit être activement facilité (…). Une aide matérielle spéciale et des solutions éducatives peuvent contribuer à surmonter les obstacles auxquels se heurtent ces groupes pour accéder à l’enseignement supérieur et poursuivre leurs études. (UNESCO, 1998, p. 5 et 6)
Dans la même veine, le ministère de l’Éducation du Québec (1998), dans sa Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle, souligne à son tour la responsabilité des institutions au regard de l’égalité des chances et ajoute qu’il devrait s’agir d’un objectif fondamental pour le milieu de l’éducation.
Pour assumer cette responsabilité institutionnelle eut égard à l’égalité des chances, Riehl (2000) affirme que les chefs d’établissement doivent utiliser leur leadership afin de mobiliser la communauté autour d’enjeux liés à la mise en place de pratiques d’EDI en milieu scolaire. Le leadership de type transformatif convient particulièrement à la situation qui nous intéresse puisqu’il dépasse la portée de l’organisation et propose des changements sociaux. Ce type de leadership remet carrément en question les façons d’utiliser le pouvoir et les privilèges créant ou perpétuant l’iniquité et l’injustice : il souhaite déconstruire la reproduction des inégalités par la transformation de la structure scolaire et sociale. Les leaders de type transformatifs proposent des changements favorisant l’équité. À titre d’exemple, ces changements pourraient amener l’institution à prendre conscience du pouvoir et des privilèges détenus par certains membres du personnel (par exemple, des cadres vis-à-vis des employés de soutien, des hommes par rapport aux femmes, des personnes s’identifiant à la majorité par rapport à celles racisées, etc. (Magnan et coll. 2018).
Concrètement, c’est le rôle de l’organisation de mettre en place un plan d’action en matière d’EDI, soit une ligne directrice institutionnelle en matière d’EDI sur laquelle s’appuieraient des actions concrètes pour provoquer des changements plus profonds et durables. Mais si un établissement souhaite mettre sur pied un tel plan, par où doit-il commencer ?
La création d’un plan d’EDI a habituellement pour étape préalable la formation d’un comité institutionnel qui se penchera sur les questions d’équité, de diversité et d’inclusion. Ce comité, en plus de compter des apprenants et apprenantes et des membres de tous les corps d’emploi, doit impérativement être formé de personnes issues d’un ou de plusieurs groupes marginalisés. « Devant un problème à résoudre, les groupes diversifiés arrivent souvent à de meilleures solutions que les groupes peu diversifiés, puisqu’ils risquent moins d’adopter un parti pris et qu’ils abordent souvent un plus grand éventail de possibilités. » (Fines-Neushield, 2020).
Une fois ce comité formé, une première mission sera de recenser les différentes enquêtes sur l’état de la situation au sein de l’établissement pour dresser un portrait clair des obstacles à l’EDI. Tel que proposé dans l’énoncé de vision en matière d’EDI de l’Université de Montréal (2020), un plan en matière d’EDI devrait contenir minimalement :
Des axes d’interventions ou des secteurs d’activités pourraient également être définis afin d’appliquer les principes de l’EDI. En voici quelques-uns :
Outre ces différents axes d’intervention, un leadership fort, la collaboration entre les différentes instances de l’institution ainsi que la transparence sont essentielles à la mise en place et à la réussite d’un tel plan (Gouvernement du Canada, 2019).
À l’heure actuelle, s’intéresser aux questions d’EDI n’est plus un choix, il s’agit d’une nécessité, d’une obligation morale. Les expériences et constats réalisés durant la pandémie de coronavirus donnent un second souffle à l’instauration de l’égalité des chances par les principes d’EDI. Pour le bien commun, la majorité dominante doit impérativement réaliser qu’elle détient des privilèges qui s’inscrivent dans des mécanismes de discrimination systémique historique. Changer nos méthodes pédagogiques est un premier pas dans cette direction, mais mobiliser l’institution dans un processus de révision de ses politiques, procédures et pratiques, en collaboration avec les personnes concernées, représente une fin en soi. En faisant une rétrospective de l’année 2020 d’un point de vue social, force est de constater que nous sommes à une époque où des changements profonds et durables peuvent et doivent être instaurés.
Photo : Adobe Stock
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Université de Montréal. (2020). Énoncé de vision. https://umontreal.ca/diversite
J’écris ce message dehors au nord du Nouveau-Brunswick près d’un petit feu de bois. La chaleur et le crépitement du feu, le gazouillis des mésanges, la beauté des arbres et la blancheur de la neige me ravissent. Je me dis que c’est trop de beauté d’un coup!
Devant cette riche nature qui m’enchante, je me mets à penser à nos élèves, souvent paradoxalement confinés (le mot de l’année!) à l’intérieur pour apprendre ce qui se passe dehors.
Deux questions me tiraillent : Je me demande si ces jeunes sauront, plus que ma génération, contribuer à la durabilité de notre précieux environnement. S’ils apprendront par exemple à donner autant à notre planète et à notre société qu’à leur en demander. Je me demande aussi si le personnel enseignant relèvera le défi d’intégrer dans son enseignement sur une base quotidienne les enjeux humanitaires et globaux, par exemple, la faim qui afflige une trop grande partie de la planète, un travail décent pour tous, l’égalité des sexes. À cet égard, les nombreux articles de ce numéro spécial sur les 17 objectifs de développement durable des Nations Unies me donnent espoir. Notamment, le récipiendaire du Prix Pat-Clifford, Jean-Philippe Ayotte-Beaudet, qui décrit (p. 39) comment et pourquoi enseigner les sciences dehors, me redonne le gout de retourner sur les bancs d’école.
Marie Brodeur Gélinas et Geneviève-Gaël Vanasse (p. 36) décrivent les actions éducatives d’Oxfam-Québec dans leur démarche d’éducation à la citoyenneté mondiale. Les activités et ressources qu’elles proposent visent à valoriser les actions des jeunes et à leur permettre d’influencer les lieux de pouvoir. Alors que d’autres articles adoptent la perspective des programmes d’études et de l’incontournable travail d’équipe des professionnels, plusieurs textes rendent saillants les liens cruciaux entre les objectifs de développement durable, les programmes d’études et la vie de tous les jours.
En fait, ce numéro donne espoir que l’éducation prendra une part active au développement durable… de façon durable et que le dynamisme de nos jeunes, trop heureux de passer en mode action, fera toute la différence pour faire durer notre planète dans le temps.
Photo : gracieuseté de MCIC
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Les élèves et le personnel du primaire et du secondaire qui font partie de la communauté BIPOC (Noirs, Autochtones et personnes de couleur) ont un niveau inférieur de bien-être. Pourtant, l’intérêt grandissant à l’égard des démarches de mieux-être comme la pleine conscience, l’apprentissage socio-émotionnel, les pratiques tenant compte des traumatismes et l’autorégulation peuvent causer du tort aux élèves et aux éducateurs racisés et mener à une appropriation culturelle (c.-à-d., adoption de certains aspects d’une culture qui ne font pas partie de la nôtre). Ces démarches de mieux-être négligent souvent les expériences et points de vue uniques des élèves et du personnel de la communauté BIPOC.
Le bien-être est systémique. Quand on aborde le bien-être comme une expérience individuelle, on ne tient pas compte des effets néfastes du racisme systémique, de la suprématie blanche et du colonialisme, qui créent des milieux peu accueillants, discriminatoires et risqués pour les élèves de la communauté BIPOC. Cette approche ne tient pas les différents systèmes responsables d’avoir créé et perpétué des préjudices qui pourraient prendre les formes suivantes :
1) Il n’y a pas d’approche universelle. L’identité – comme la race, le genre, la sexualité, les habiletés, la classe sociale et la foi – doit être au cœur même des démarches de mieux-être.
2) Évitez d’adopter une approche qui attribue à l’individu la source et la solution à son bien-être et adoptez plutôt une approche systémique. Cela signifie d’identifier et d’ébranler les structures et les politiques qui ont des effets disproportionnés sur l’accès à des ressources, les possibilités et les résultats des élèves et du personnel racisés.
3) Tissez des liens significatifs avec les élèves, employés, familles et communautés pour comprendre leur expérience des préjudices institutionnels (p. ex., placement dans un pensionnat indien).
4) Intégrer de nombreuses interprétations et approches du bien-être qui valorisent les besoins physiques, sociaux, affectifs, cognitifs et spirituels des enfants et du personnel.
En omettant de reconnaître la profondeur et l’ampleur du racisme systémique, nous concentrons notre attention sur les symptômes et non sur les causes fondamentales de la réussite et du bien-être. Nous nous attendons à ce que les élèves et les employés surmontent individuellement les nombreux obstacles structurels qui leur barrent la route. Les écoles qui adoptent une approche systémique s’attardent plutôt à cerner et à modifier les façons dont les préjugés contre les Noirs et les Autochtones et d’autres formes de racisme se répercutent sur le bien-être des élèves et du personnel. Chaque élève et chaque éducateur méritent de se sentir en sécurité, appréciés et membres à part entière de leur école.
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Éco-anxiété, sentiment d’impuissance, pessimisme face à l’avenir, individualisme… Alors que l’humanité traverse de sombres tempêtes, plusieurs s’inquiètent du moral des jeunes et doutent de leurs capacités à exercer leur pouvoir citoyen. Oxfam-Québec rencontre des milliers de jeunes chaque année et constate plutôt que leurs actions citoyennes se déploient sur les fronts de la justice climatique, économique et de genre, avec espoir et ingéniosité.
Depuis plus de quarante-cinq ans, notre organisation est présente dans le milieu scolaire pour encourager l’engagement citoyen jeunesse afin de construire un monde juste et durable. Une prémisse : les jeunes possèdent un pouvoir citoyen et il est indispensable de les traiter à la hauteur de ce qu’ils sont – des agents de changement – et de ce qu’ils font – poser des gestes de solidarité pour combattre les inégalités.
Aujourd’hui, pour définir les actions éducatives d’Oxfam-Québec, on parle d’éducation à la citoyenneté mondiale, une démarche éducative qui accompagne les jeunes dans leur cheminement comme citoyennes et citoyens du monde, responsables et solidaires. Ce continuum pédagogique vise à informer les jeunes, à les mobiliser, à leur permettre d’influencer les lieux de pouvoir et à valoriser leurs actions. Les jeunes s’insèrent dans cette démarche par des ateliers offerts dans leur classe : par le biais de la Marche Monde grâce à laquelle plusieurs expérimentent leur première expérience d’action collective; en s’investissant dans des projets de longue haleine comme des collectes de fonds pour appuyer des projets de développement durable; ou encore en participant à des actions d’influence proposées dans le cadre de campagnes de mobilisation.
Toutes ces activités répondent à des éléments du Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ), tant au niveau de sa mission, des domaines généraux de formation, des compétences à développer que de la progression des apprentissages. Oxfam est même citée comme repère culturel dans le cursus scolaire, soit dans le thème de la disparité de la richesse du cours Monde contemporain de 5e secondaire. Dans tous les cas, nous indiquons clairement dans ses ressources à quels éléments du Programme celles-ci répondent. Beaucoup d’enseignantes et d’enseignants, mais aussi de personnels non-enseignants dont les animatrices et animateurs de vie spirituelle et communautaire, utilisent ces ressources en classe ou en parascolaire. Compte tenu de leurs mandats prenants et des horaires chargés, les membres du personnel scolaire apprécient l’appui de notre équipe qui leur propose des séquences pédagogiques qui répondent à leurs besoins. Pour utiliser ces ressources, tous les renseignements se trouvent sur le site d’Oxfam-Québec, sous la rubrique « Ressources pour les milieux scolaires ».
L’éducation que nous proposons est transformatrice et émancipatrice. Elle permet en particulier aux jeunes filles ainsi qu’aux jeunes issus de minorités d’avoir une voix et d’être entendues dans leur lutte contre les injustices. C’est avec des jeunes mobilisés qui exercent leur citoyenneté mondiale, capables de résoudre des problèmes et solidaires de leurs pairs aux quatre coins du globe qu’un monde juste et sans pauvreté se construit.
En accord avec les orientations de l’UNESCO, la confédération Oxfam considère que les Objectifs de développement durable (ODD) établis par les Nations Unies sont les priorités à mettre au cœur de l’éducation à la citoyenneté mondiale. Dans les paragraphes qui suivent, quatre séquences pédagogiques sont présentées, répondant chacune à un ODD. Ces activités ont été adaptées afin de rester accessibles en temps de pandémie, notamment grâce aux outils de communications en ligne et aux ressources interactives numériques.
L’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles, l’ODD numéro 5, est au cœur de notre action : construire un monde juste est impossible si la moitié de l’humanité ne peut s’épanouir dans le respect de ses droits.
Prenons par exemple la campagne « Les tâches ménagères et le travail de soin. Ça compte! » qui dans un premier temps informe les jeunes de l’inégale répartition du travail ménager entre les sexes, notamment grâce au rapport intitulé Celles qui comptent. Un atelier gratuit, « Libres de choisir », amène les élèves du secondaire à prendre connaissance des droits sexuels – qui émanent des droits humains – et à réfléchir aux impacts du non-respect de ces droits, en tenant compte du contexte social et culturel. Le nom de cet atelier, impliquant la question de la liberté de choix, n’est pas anodin : les inégalités de choix vécues par des adolescentes partout dans le monde ont des conséquences importantes sur leurs parcours de vie. Au Québec aussi, les jeunes doivent faire des choix au regard de leurs droits sexuels. Les jeunes ainsi sensibilisés par cet atelier sont invités à appuyer un projet entrepris en République démocratique du Congo, intitulé Mères et enfants en santé qui vise à améliorer la santé des femmes des adolescentes et des jeunes enfants. Pour les jeunes plus âgés, tout un parcours de mobilisation est prévu, intitulé C’est pour elles aussi, renforçant leurs capacités à mobiliser à leur tour leur entourage et à diffuser des messages positifs par le biais d’actions concertées, de plans d’action numériques et par la rencontre de personnes élues.
« Ma participation à la formation d’Oxfam-Québec « C’est pour elles aussi » m’a permis de comprendre que ma voix est valide et que j’ai le droit de la faire entendre. Les réseaux sociaux sont des alliés de taille pour sensibiliser la population et faire évoluer les discours. […] L’équipe a su me transmettre les notions théoriques entourant le cyberactivisme et me donner le courage nécessaire pour utiliser ma voix! Cela m’a même permis de démarrer mon propre projet de plateforme ressources-inspirations sur Instagram (@lesensduchaos) en réponse à la détresse psychologique générée par le confinement.
Laurence C. Germain, participante au projet « C’est pour elles aussi » d’Oxfam-Québec
L’urgence de prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions, l’ODD numéro 13, occupe une place importante dans le travail d’éducation d’Oxfam. Cet enjeu recoupe toutes les questions d’inégalités dans le monde : inégalités historiques, socioéconomiques, et inégalités de genre.
La campagne dédiée à ce sujet s’intitule « Climat de justice ». Tout comme le contenu de l’atelier gratuit offert aux jeunes de 12 à 30 ans, la campagne souligne les injustices liées à la crise climatique, comme l’impact démesuré de cette dernière sur les populations les moins responsables des émissions de carbone. Parce que l’indignation peut être un moteur d’action, les jeunes impliqués pourront ensuite participer à la 50e Marche Monde sur la justice climatique. Cette Marche constitue le point culminant d’une année d’actions, et pour valoriser celles-ci, l’équipe d’Oxfam-Québec lance aux jeunes qui s’y préparent plusieurs défis, qui vont de la réalisation d’un clip vidéo à des prises de parole dans les médias. Les jeunes peuvent aussi dès la rentrée scolaire organiser une action symbolique et solidaire nommée « Debout pour le climat » dans leur établissement afin de signifier aux décideuses et décideurs leur engagement en faveur de la justice climatique.
« À toutes celles et ceux qui disent qu’on ne peut pas accomplir quoi que ce soit, regardez-nous, 6 000 jeunes qui marchent pour le monde! Moi, ça me rend vraiment fière de voir ça! Une place pour nous dans le fond ça veut dire que peu importe notre âge, notre genre, notre couleur, ou notre religion on a le droit à nos voix. »
Estelle Lafrance, 17 ans, membre du Siège jeunesse Oxfam-Québec, participante et porte-parole de la Marche Monde
Bien entendu, le premier ODD, Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde, sous-tend tous les autres. Il importe de parler d’économie avec les jeunes et de déconstruire les dogmes qui font obstruction à une réelle compréhension des solutions envisageables pour que tout le monde puisse vivre dignement sur cette planète.
Dans ce cadre, un atelier gratuit est offert aux jeunes sur un nouveau modèle économique créé par Oxfam. « L’économie du beigne »tourne le dos à l’obsession de la croissance infinie à tout prix pour proposer que l’économie cible le bien-être de toutes et de tous – en tenant compte d’une série d’indicateurs sociaux à respecter et des limites terrestres à ne pas dépasser. Ce nouveau modèle est déjà appliqué par plusieurs villes à travers le monde : Bruxelles (Belgique), Amsterdam (Hollande), mais aussi Nanaimo au Canada. Cet atelier fait partie de la campagne « Taxer la richesse : aplanir les inégalités ». Les jeunes sont invités à signer la pétition qui interpelle directement le gouvernement canadien afin de rebâtir une économie juste qui s’attaque aux inégalités. En prévision des élections municipales à venir, les jeunes pourront interpeller les candidats sur leur intérêt éventuel à appliquer le modèle du beigne à l’économie de leur ville. Une belle manière de s’initier à la vie politique!
Le modèle économique du beigne renvoie à l’ODD numéro 8 : Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous.
Un projet novateur d’Oxfam-Québec permet depuis près de 15 ans de transmettre aux plus jeunes les valeurs d’innovation, de créativité et de durabilité prônées par le Conseil des ministres de l’Éducation au Canada (CMEC) : il s’agit de Magasin du Monde. L’idée est d’implanter dans les établissements d’enseignement des entreprises d’économie sociale vouées au commerce équitable. Les jeunes qui intègrent le Magasin siègent sur un conseil d’administration et se partagent les tâches : études de marché, gestion d’inventaire et des ventes, actions d’éducation dans le milieu, communications internes et externes… Il ne s’agit pas de ventes ordinaires, puisque les produits vendus sont issus du commerce équitable, et qu’une part des profits servira à soutenir un projet de développement durable. Dans certains cas, c’est toute la communauté locale qui prend part au projet et évolue grâce à celui-ci, les marchés agricoles et les agences de tourisme locales s’impliquant aussi dans la promotion de ces Magasins hors norme.
« Le travail que nous avons accompli au sein du comité Mont-Saint-Hilaire Ville équitable alimente mon envie d’influencer le monde dans lequel je vis. Il est la preuve que lorsqu’on y travaille, tout est possible! »
Émile Chapdelaine, membre fondateur du Magasin du Monde à l’école Ozias-Leduc, membre de l’Observatoire jeunesse d’Oxfam-Québec et membre du comité ayant permis à la ville Saint-Hilaire d’obtenir la désignation de ville « Équitable ».
Les recherches et les évaluations portant sur la participation à ces activités dites parfois « d’engagement civique » révèlent de nombreux bénéfices pour les jeunes eux-mêmes. Les jeunes interrogés ont une meilleure estime d’eux-mêmes et un plus grand sens des responsabilités. On remarque chez eux une augmentation d’attitudes sociales positives et une diminution des conduites à risque. Ceci s’explique notamment par un plus grand sentiment d’appartenance à leur école et par une amélioration des résultats scolaires.
Une évaluation externe d’impact (Sogemap), réalisée l’an passé, a confirmé cet effet positif de l’engagement citoyen de la jeunesse. Le document affirme ainsi que la programmation en éducation à la citoyenneté mondiale d’Oxfam-Québec permet de développer chez les jeunes une prise de conscience des problèmes mondiaux, mais aussi un esprit ouvert et engagé, ainsi qu’une plus grande capacité à défendre des arguments. Sans surprise, les jeunes ayant participé à ces activités maintiennent un engagement citoyen à l’âge adulte.
À la lecture de ces éléments, on comprend combien l’exercice de la citoyenneté par les jeunes est indispensable pour soutenir la vie démocratique et l’atteinte des Objectifs de développement durable. En 2017, le Fonds des Nations unies pour la population soutenait déjà que sans des mesures courageuses visant à permettre aux 60 millions de filles du monde entier de mener une vie digne, on ne réussirait pas à atteindre les ODD. En cette période de pandémie, les jeunes traversent avec le reste du monde des crises sans précédent qui menacent directement leur présent et leur futur. Donner à la jeunesse des moyens concrets de surmonter cette épreuve et la soutenir dans la création d’une société plus durable et inclusive en collaboration avec le monde enseignant, c’est le pari que fait Oxfam-Québec.
Ressources pour l’ODD 5 :
Ressources pour l’ODD 13 :
Ressources pour l’ODD 1 :
Ressources pour l’ODD 8 :
Photos : La Boîte 7
Lisez les autres articles de ce numéro
Caron, C., La citoyenneté des adolescents du 21e siècle dans une perspective de justice sociale : pourquoi et comment ?, mai 2018. https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2018-n80-lsp03532/1044109ar/
Gingras et al., Étude sur les obstacles à la mise en place d’activités d’engagement civique en milieu scolaire au Québec, automne 2018. https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/3177
Philippe, F. Projet de recherche Réussir : 15 constats révélateurs sur l’impact des activités d’engagement civique chez les jeunes de niveau secondaire au Québec, décembre 2019. https://www.elaborer.org/pdf/R3.pdf
Fonds des Nations unies : état mondial de la population 2017
https://www.unfpa.org/fr/swop-2017
Lorsque je pense aux étapes nécessaires à l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD) d’ici 2030, les droits et la justice autochtones me viennent immédiatement à l’esprit. Pour moi, il est clair qu’il ne pourrait y avoir de monde durable sans que soient créées les conditions qui permettront aux peuples autochtones de s’épanouir.
Plusieurs des buts poursuivis par les ODD (notamment laisser en héritage un monde durable aux générations futures, adopter des pratiques de consommation responsables, créer des partenariats solides, etc.) correspondent déjà aux valeurs et aux pratiques de la plupart des nations autochtones qui, selon un rapport des Nations Unies datant de 2018, forment seulement 5 pour cent de la population, mais protègent plus de 80 pour cent de la biodiversité sur la planète (Raygorodetsky, 2018). Ce n’est pas tout : l’importance accordée à la réduction des iniquités dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030 « est particulièrement pertinente pour les populations autochtones, qui sont presque universellement en situation désavantagée comparativement à d’autres segments de la population » [traduction], selon les Nations Unies (2018). Au Canada, les peuples autochtones sont cruellement surreprésentés dans toutes les formes d’iniquités.
Malgré les liens évidents entre les Autochtones et les ODD, je crois que pour certaines personnes, et très certainement pour plusieurs environnementalistes, décideurs et enseignants que j’ai connus, mettre en évidence le rôle des peuples autochtones pour l’atteinte des ODD est une démarche abordée davantage après-coup qu’une véritable nécessité. Cette ligne de pensée et d’inaction doit à tout prix être modifiée, surtout au Canada, où les progrès à l’égard des ODD connaissent un retard important – et cela est tout simplement renversant compte tenu de l’état dans lequel sont les communautés autochtones.
Cela ne signifie pas que le dialogue avec les peuples autochtones sur les ODD soit un échec complet. En fait, dans l’Examen national volontaire du Canada de 2018, les peuples autochtones ont été mentionnés dans les rapports d’étape de presque tous les ODD à ce jour (Affaires mondiales Canada, 2018). J’ai toutefois longtemps maintenu que l’importance accordée aux peuples autochtones dans le dialogue sur les ODD est insuffisante. De plus, je crois que les approches adoptées par le Canada et par les Canadiens pour collaborer avec les peuples autochtones jusqu’à maintenant ne sont pas les bonnes.
En 2019, la principale approche que le Canada préconisait pour aborder les préoccupations des Autochtones à l’égard des ODD a été « d’investir dans les programmes pour Autochtones déjà en place et correspondant à chaque ODD, et de viser une plus grande consultation et une meilleure collaboration avec les peuples autochtones de tous les secteurs » [traduction] (Yesno, 2019). Or, aucune de ces approches n’entraînera de réelle transformation. Des consultations et plus d’argent ne suffiront pas à apporter les changements que méritent les communautés autochtones ni à produire les retombées souhaitées du Programme 2030; des changements de ce genre exigent une restructuration des pouvoirs et des champs de compétences; et la mise en place d’outils et de capacités nécessaires aux peuples autochtones pour tracer leur propre voie vers l’autodétermination.
Pourquoi l’autodétermination? Parce que les peuples autochtones ne peuvent protéger le territoire s’ils doivent vivre sous la menace constante qu’il leur sera enlevé. Ils ne peuvent pas non plus viser des pratiques de développement durable si des projets miniers, de barrages, de pipelines et d’extraction d’autres ressources sans leur consentement planent au-dessus de leur tête. Les peuples autochtones ont déjà le savoir nécessaire pour assurer le respect de relations durables entre humains et avec la nature; nous entretenons des relations harmonieuses avec l’environnement depuis des millénaires… bien avant la colonisation. Il est toutefois difficile de conserver ce mode de vie, lequel serait profitable pour toutes les personnes vivant au Canada, lorsque nous devons, simultanément, nous battre pour conserver nos droits fondamentaux. C’est là que l’éducation joue un rôle essentiel. Alors que les générations actuelles et futures naviguent à travers les crises de durabilité et le feront jusqu’en 2030 et au-delà, il est important qu’elles aussi voient les droits des Autochtones comme un élément indispensable d’un monde durable.
L’une des plus grandes forces des jeunes, je crois, tient à leur capacité à chercher et à adopter des changements radicaux – une habileté qui peut être difficile à maintenir quand on prend de l’âge. La transformation de la relation du Canada avec les peuples autochtones de la façon dont je l’ai expliquée précédemment entraînerait un changement vraiment radical et marquant. Il faudra qu’une génération tout entière se lève, défende et croie en un tel changement pour qu’il survienne dans les faits. Il appartient à la génération actuelle d’enseignants, de parents, de leaders d’opinion et de décideurs d’aider ces jeunes à bien comprendre, et d’insister sur l’importance de bâtir des relations solides avec les peuples autochtones. Et c’est aussi à ces adultes qu’il appartient, en fin de compte, de les guider tout au long de ce combat.
Les ODD offrent une porte d’entrée intéressante aux discussions pour aborder les différentes façons dont on a laissé pour compte les peuples autochtones dans ce pays, et sur les moyens à prendre pour que cela change. L’objectif 5, « L’égalité entre les sexes » permet de mettre en lumière la question des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées (FFADA). Il existe toute une liste de mesures qui devraient être mises en place pour mettre fin à cette iniquité. Quant à l’objectif 6, « Eau propre et assainissement », il suffit de nommer les dizaines de communautés autochtones qui ne disposent pas d’une source d’eau potable fiable et les nombreuses voix autochtones qui cherchent des moyens de surmonter ce problème. Il faut expliquer aux jeunes que les peuples autochtones autour d’eux luttent autant pour leur avenir que pour le nôtre.
Je me dois de souligner que partout au pays, des enseignants, notamment, donnent l’exemple et partagent déjà cette information dans leur classe comme hors classe. Je le sais, car j’ai eu le privilège d’avoir de tels enseignants et de tels mentors. Pour les personnes dont la tâche, essentielle, consiste à éduquer et à former les jeunes, et qui souhaitent faire plus pour inclure la justice autochtone à leur enseignement, des ressources existent déjà – et elles n’attendent que vous pour se faire connaître. À ce sujet, vous pouvez commencer par OISE, 2001; Gamblin, 2019 ou le Yellowhead Institute, 2019.
Dans l’ensemble, les droits et la justice autochtones, surtout en ce qui a trait au droit à l’autodétermination, doivent devenir une priorité dans le contexte où nous nous attaquons aux ODD, et où nous devons prendre en charge un monde qui semble être de plus en plus précaire. Non seulement parce que c’est moralement la chose à faire, mais aussi parce qu’il s’agit d’une part essentielle de la voie de l’avenir. Il est plus que temps que nous réalisions qu’en fin de compte, il n’existe aucun avenir durable sans droits autochtones et que nous avons tous un rôle à jouer pour nous assurer que ces droits soient respectés.
En 2015, les Nations Unies résumaient bien la situation : « L’avenir de l’humanité et de la planète est entre nos mains. Il est aussi entre les mains des jeunes d’aujourd’hui, qui passeront le flambeau aux générations futures. Nous avons tracé la voie qui mène au développement durable; c’est à nous tous qu’il appartient maintenant de faire en sorte que cette quête aboutisse et que ses acquis soient irréversibles. »
Les peuples autochtones sont prêts depuis longtemps à entreprendre cette quête et j’espère vivement que nous pourrons travailler ensemble afin que les prochaines générations soient prêtes à faire de même.
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Lisez les autres articles de ce numéro
Gamblin, R. (4 novembre 2019). LAND BACK! What do we mean? 4 Rs Youth Movement.
http://4rsyouth.ca/land-back-what-do-we-mean
Affaires mondiales Canada (2018). Mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 (pp. 1–167). Gouvernement du Canada.
Deepening Knowledge Project, 2001. Best practices for teaching Aboriginal students. Ontario Institute for Studies in Education (OISE).
www.oise.utoronto.ca/deepeningknowledge/UserFiles/File/UploadedAmina_/Best_Practices_for_Teaching_Aboriginal_Students.pdf
Raygorodetsky, G. Can indigenous land stewardship protect biodiversity? Magazine National Geographic, 19 novembre 2018.
https://www.nationalgeographic.com/environment/2018/11/can-indigenous-land-stewardship-protect-biodiversity-/
Nations Unies, Département des Affaires économiques et sociales, 2015. Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030.
https://sdgs.un.org/2030agenda
Nations Unies, Département des Affaires économiques et sociales, 2018. Indigenous Peoples and the 2030 Agenda.
https://bit.ly/3qZZ8wm
Yellowhead Institute, 29 octobre 2019. Land Back: A Yellowhead Institute Red Paper.
https://redpaper.yellowheadinstitute.org
Yesno, R., 11 juin 2019. UNDRIP and the SDGs: There’s no sustainable future without Indigenous rights. Alliance2030.
https://alliance2030.ca/undrip-and-the-sdgs-theres-no-sustainable-future-without-indigenous-rights/
Permettez-moi de vous présenter les objectifs de développement durable, aussi connus sous le nom d’objectifs pour transformer notre monde. Ces 17 objectifs ont un but commun : créer un monde meilleur où la paix régnera. Nous devons atteindre ces objectifs d’ici 2030, notamment connus sous le nom de Vision 2030. Et nous devons agir MAINTENANT. En cessant de gaspiller de la nourriture, de l’eau et de l’électricité, nous aiderons à sauver la planète. Si les gens sont traités équitablement et se respectent les uns les autres, ces petits efforts auront un impact massif.
En tant qu’étudiant, militant et travailleur communautaire, les droits de la personne et l’autonomisation des filles sont les questions qui m’importent le plus. J’ai entendu parler des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies pour la première fois en 2016. J’avais 13 ans et j’étais en 9e année. J’avais alors participé à une exposition consacrée uniquement au thème des ODD à I’Ahlcon International, l’école que je fréquentais en Inde.
Inspiré par le message véhiculé lors de cette exposition, j’ai créé de courtes vidéos sur YouTube qui traitaient de chacun des 17 objectifs de développement durable et de divers enjeux sociaux comme l’éducation des filles, l’intimidation, les changements climatiques, etc. J’ai aussi animé des talk-shows, organisé des campagnes et animé des séances sur Skype avec des élèves de divers pays afin de les motiver à agir à l’échelle locale et mondiale.
En 2016, j’ai aussi mis sur pied une communauté sur Twitter – @SDGsForChildren – afin d’offrir aux enfants de partout dans le monde une plateforme unique sur laquelle ils pourraient se connecter, créer et collaborer pour un monde meilleur et plus durable. Depuis, cette communauté a poussé à l’action des millions d’enfants et de jeunes. Elle a aussi été une source d’inspiration pour de nombreux enseignants qui ont amorcé un parcours éducatif avec les ODD dans leur classe. SDGs For Children est maintenant constitué en société en vertu de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif afin de soutenir le Programme 2030 à l’échelle mondiale (www.sdgsforchildren.org). Nombre d’écoles et d’enfants dans le monde font maintenant partie de cette communauté et s’engagent à fond pour sensibiliser leur entourage aux droits fondamentaux de la personne et aux objectifs de développement durable.
Mon expérience dans l’organisation des collaborations, en Inde comme ici au Canada, a transformé ma vie. Mais vous savez, je ne suis pas différent des autres. Il existe des centaines d’organismes dirigés par des jeunes qui travaillent à la lutte contre les changements climatiques et ceux qui dirigent de telles initiatives sont tous des militants exemplaires. Des regroupements comme Zero Hours, Sun Rise Movements, Fridays for Future ou School Strikes for Climate ne sont que quelques exemples parmi les nombreux organismes qui transmettent nos préoccupations aux dirigeants du monde entier. Nous, les jeunes qui voulons changer le monde, nous faisons du bruit et nous voulons que le débat s’oriente autrement. Nous n’avons pas peur d’exprimer nos émotions quand nous rédigeons des dissertations ou que nous organisons des marches ou des grèves, que nous prenons part à des entrevues ou même lorsque nous nous exprimons dans des tribunes comme celle-ci. Il est quasi impossible d’ignorer nos voix vibrantes. Les médias sociaux nous ont permis d’être exposés à ce qui se passe dans le monde. J’ai tellement appris grâce à ces plateformes numériques! Instagram est peut-être un outil pour partager des égoportraits ou de belles recettes pour de nombreux adultes, et bien des gens considèrent que Facebook est une appli pour les parents, mais beaucoup de jeunes de mon âge ont des expériences différentes avec Instagram, Twitter ou Facebook. Il existe des milliers de comptes où l’on s’emploie à sensibiliser et à diffuser des connaissances sur les ODD. Et au fur et à mesure que les jeunes activistes gagnent en popularité, il est de plus en plus facile pour eux de partager de l’information.
Le service communautaire a vraiment aiguisé ma sensibilité aux attentes des autres et m’a complètement transformé. Je crois que le succès ne tient pas uniquement au fait de gagner, mais aussi à celui de rallier les gens autour de soi et de marquer une victoire collective. Le programme de développement durable, ce n’est pas mon affaire à moi ou la vôtre seulement. Ce sont des problèmes mondiaux, et tout le monde doit y mettre du sien pour que l’on atteigne les 17 objectifs.
Le programme de développement durable à l’horizon 2030 offre une chance unique dans l’Histoire, pour le Canada et pour le monde de modeler de manière positive la façon dont les économies de demain évolueront et prospéreront de manière durable et inclusive pour le bien commun. Nous avons la chance de créer une société plus résiliente en ne laissant personne derrière.
Partout au Canada, certaines écoles se positionnent comme chefs de file du soutien au développement durable. Certains établissements universitaires organisent des activités et réalisent des études qui permettent aux étudiants de faire des choix plus éclairés en matière de développement durable. Mais ce n’est pas assez. Beaucoup d’autres écoles ne comprennent toujours pas l’importance des ODD ou continuent d’explorer diverses options en vue de les mettre en pratique et de les intégrer aux programmes d’études.
Nous avons l’occasion de pousser plus loin les efforts de sensibilisation, de partenariats et de collaborations avec d’autres réseaux d’éducation à l’échelle mondiale, et de tirer des enseignements de leurs pratiques exemplaires et des histoires de réussite. Voilà en quoi consistent les 17 ODD, le « Partenariat pour les objectifs ». En termes officiels, on parle de « Renforcer les moyens de mettre en œuvre le partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser ». Nous devons créer un groupe de travail particulier et spécialement formé qui comprendra des enseignants, des élèves et des parents qui travailleront à intégrer les ODD non seulement aux documents de politique et de gouvernance de tous les établissements d’enseignement au Canada, mais qui soutiendront aussi leur mise en œuvre sur le terrain. Et ces travaux devront être évalués en fonction d’indicateurs de rendement précis liés à ce projet.
La pandémie de COVID-19 a changé nos vies à jamais. Nous prenons conscience des choses qui nous sont vraiment nécessaires lorsque nous les avons perdues. Nous apprécions maintenant les choses que nous tenions pour acquises jusqu’à tout récemment. Nous repensons à nos valeurs et à nos relations, et nous réfléchissons à la façon dont nous les respecterions davantage s’il nous était donné une autre chance.
La COVID-19 n’est pas seulement une crise sanitaire ou une crise économique : c’est aussi une crise de l’éducation. Comme le dit si bien l’UNESCO, « 290 millions d’élèves sont privés d’enseignement par la COVID-19 ». Le moment est venu de prendre conscience de ce qui est réellement important. Nous devons à présent nous pencher sur ce qu’il y a de bon dans notre système d’éducation et ce que nous devons abandonner.
C’est donc une période au cours de laquelle beaucoup de programmes d’études et d’examens normalisés seront mis de côté. Tous les calendriers sont chamboulés. Transformons cette incertitude dans les systèmes d’éducation pour en faire des possibilités. C’est non seulement notre chance de transformer l’éducation, mais aussi de transformer les choses grâce à l’éducation.
Les ODD ne sont pas uniquement 17 objectifs assortis de 169 cibles. Lorsque ces objectifs sont exposés en classe, ils deviennent un tremplin ou un cadre de collaboration visant à résoudre des problèmes. Des communautés entières d’élèves et d’enseignants font ensuite partie de la solution en ajoutant leurs plans d’action pour changer la donne dans le monde. Les ODD ont le pouvoir d’intégrer le savoir universitaire au militantisme. Ils sont des outils pour permettre aux élèves de reconnaître qu’ils ont une place à la table et que leur voix compte. Les ODD permettent aux élèves d’explorer ce qui pique leur curiosité, et les amènent ensuite à nourrir cette curiosité avec l’aide de leurs enseignants.
Mettons en place des réformes dans notre éducation et prenons en charge ces questions essentielles dans notre programme d’études :
Les ODD doivent être à la base de tous les échanges qui se déroulent en classe. Préparons un programme ouvert, autonome et appuyé par la recherche, qui permettra aux élèves de tenter l’impossible. En adoptant une telle approche, deux possibilités s’offrent à nous :
N’oublions pas que tout le monde gagne lorsque nous incluons l’échec, la résilience, la détermination, la persévérance et la réflexion à nos résultats d’apprentissage.
Je suis heureux que les enfants soient maintenant mobilisés à l’échelle de la planète pour assumer leurs responsabilités et inciter les adultes à protéger leur avenir. La distanciation physique a peut-être fait en sorte que nous devons désormais rester à distance des autres, mais notre souci d’humanité ne peut en être affecté. Nous devons préparer les élèves à devenir des citoyens du monde inclusifs, informés et mobilisés à l’échelle planétaire. Il nous faut abattre les murs afin que les élèves puissent apprendre à aller au-delà du « moi », de « ma place », de « mon temps » et utiliser le monde comme le plus vaste contexte qui soit pour poursuivre leur apprentissage au quotidien.
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Lorsqu’on nous a proposé ce partenariat avec EdCan pour un numéro spécial sur les objectifs de développement durable (ODD), nous n’avons pas hésité un instant. Les enseignantes et les enseignants sont des alliés de premier plan pour traduire les grands idéaux que nous défendons en actions concrètes sur le terrain.
La Commission canadienne pour l’UNESCO assure le lien entre les Canadiennes et Canadiens et le travail essentiel de l’UNESCO – l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Par l’entremise de nos membres, de nos réseaux et de nos partenaires, dont plusieurs sont directement liés au milieu de l’éducation, nous jouons un rôle actif pour promouvoir les valeurs, les priorités et les programmes de l’UNESCO au Canada. Nous aidons aussi à faire entendre la voix de la société civile à l’international, question que nos bonnes idées et pratiques profitent aussi au reste de la planète.
Même si ce sont les États comme le Canada qui sont ultimement responsables de mettre en œuvre l’ambitieux Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, notre engagement à toutes et à tous est essentiel. Assurer un développement plus durable et équitable de notre économie et de notre société, dans le respect de l’environnement et des capacités limitées de notre planète, exige de penser de manière globale et d’agir localement. Et c’est là l’extraordinaire force des réseaux patiemment tissés par l’UNESCO au fil des décennies. Ils encouragent l’innovation et de nouvelles formes de coopération intellectuelle et morale entre les peuples, y compris pour avancer une éducation de qualité qui ne laisse personne derrière, comme nous y invite l’ODD 4.
Mobiliser le secteur de l’éducation, en particulier les enseignantes et les enseignants, est en fait critique pour avancer l’ensemble des ODD. Ce secteur incarne cette possibilité infinie de conscientiser et de développer la pensée critique de nos jeunes par rapport aux plus grands défis auxquels notre humanité est confrontée, notamment la crise climatique. Le monde de l’éducation a en effet cette extraordinaire capacité à servir de levier pour changer des comportements et des habitudes de vie. La force de l’école s’incarne aussi dans cette façon tout à fait holistique de mettre à contribution toutes les personnes qui gravitent autour du personnel et des élèves.
J’espère que le présent numéro vous donnera envie d’en apprendre davantage sur les ODD et sur les façons dont vous pouvez aider les nations du monde à les réaliser. Il en va de l’intérêt et des droits des générations aussi bien présentes que futures.
Merci à l’avance pour votre engagement et bonne lecture !
Sébastien Goupil
Secrétaire général, Commission canadienne pour l’UNESCO
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Ce texte illustre par de multiples exemples en quoi la situation pandémique touche l’enseignement et l’apprentissage du français en contexte minoritaire. Mme Boutouchent y aborde une pratique qui a redonné la voix à des étudiants intimidés par la distance. Mme Fournier parle des changements apportés à ses pratiques auprès de ses jeunes élèves.
S’il y a un point important que l’on répète sans cesse tout au long de la formation initiale du personnel enseignant, c’est bien celui relatif à l’importance de la relation interpersonnelle. Une relation virtuelle, à distance, en synchrone ou en différé, avec ou sans artifices de réalité augmentée est certainement différente, surtout pour ceux et celles qui commencent leur première année à l’université en français langue seconde en milieu majoritairement anglophone. En ce temps de pandémie, la distanciation physique est un geste d’amour et d’attention envers soi et les autres, mais lorsqu’elle s’ajoute à l’isolement linguistique, elle augmente le stress ressenti. C’est du moins ce que mes apprenants m’ont dit dès le premier jour de la rentrée. Bien qu’ils soient tous habitués aux technologies, ils espéraient vivre leur première expérience universitaire sur le campus, se faire des amis francophones de tous les horizons et planifier passer leur deuxième année à l’Université Laval à Québec l’année prochaine. J’aime leur répéter que ce rêve n’est que remis à plus tard mais je sais qu’ils le vivent différemment.
Je suis professeure au programme du baccalauréat en éducation française de l’Université de Regina (Saskatchewan), où la langue est fortement minoritaire. Non seulement la province se caractérise par ses vastes prairies, mais en plus, la communauté fransaskoise y est dispersée, si bien que les évènements francophones rassembleurs n’étaient déjà pas très nombreux avant la pandémie. Notre programme est unique à bien des égards. Non seulement il est le seul programme de formation des maîtres en français de la province, mais il réunit particulièrement les francophones et les francophiles d’ici et d’ailleurs qui se destinent à l’enseignement dans nos écoles fransaskoises et d’immersion française et y apprennent dès lors à collaborer (Boutouchent, 2016).
Quatre semaines après le début des cours, j’ai sollicité la rétroaction et les impressions de mes étudiants quant au déroulement du cours à distance. Après plusieurs minutes d’attente, j’ai fini par leur demander de se renommer en s’attribuant le nombre 1, et au lieu d’intervenir oralement, d’exprimer leurs idées par messagerie (clavardage). Devenus ainsi quasi anonymes, ils n’ont pas hésité à offrir leurs commentaires et leurs suggestions. Sur vingt-neuf participants, j’ai compté pas moins de dix-sept commentaires liés au stress linguistique. Plusieurs affirmaient qu’il leur était difficile de s’exprimer en français, y compris avec leurs collègues qu’ils rencontrent pourtant dans plusieurs autres classes. Plus de la moitié ont dit ne pas avoir utilisé leurs compétences langagières depuis le début de cette pandémie. La question suivante s’est alors imposée.
L’an dernier, nous avons tous été surpris par cette pandémie. Les écoles ont dû finir l’année scolaire à la hâte et à distance comme partout ailleurs. Dans une province où le français se parle surtout entre les murs de l’école et des classes, il va sans dire que les moments et les espaces privilégiés pour les interactions interpersonnelles, spontanées ou non, les échanges et les pratiques langagières ainsi que l’apprentissage du français langue seconde, ont cédé le pas à l’importance de finir l’enseignement des contenus disciplinaires. Les interactions virtuelles sont difficiles, surtout avec les jeunes qui vivent dans un environnement familial majoritairement anglophone. Plusieurs d’entre eux se sentent fortement isolés chez eux, parce qu’ils passent leurs journées à étudier en français sans pour autant pouvoir l’exercer ou l’utiliser, ni même se faire aider dans leurs apprentissages.
Ils se sentent, comme certains l’ont souligné, doublement isolés en comptant l’isolement dû à la pandémie. Ils se sentent isolés au sein du foyer mais aussi de leurs amis et de leur environnement scolaire ou universitaire, qui demeurait jusqu’ici l’espace unique de socialisation et d’interaction interpersonnelle en français langue minoritaire. D’autres qui ont des frères et des sœurs scolarisés en immersion française limitent leurs interactions à aider les plus jeunes à effectuer leurs travaux scolaires. Ils s’inquiètent aussi pour eux car à leurs dires, suivre les cours en ligne ne favorise pas l’interaction en soi. « Si les écoles ferment, les élèves en immersion qui ne parlent pas français à la maison risquent de perdre leurs acquis par manque de pratique. Il est plus difficile de poser des questions quand on a moins d’occasions de parler le français », expliquent-ils. Les communications interpersonnelles, par le biais de différents moyens technologiques avec les amis et la parenté, se déroulent souvent en anglais, soit pour exprimer rapidement ce que l’on a à dire ou bien parce que la communication implique des membres de la famille qui ne s’expriment pas en français. De par leur propre expérience, ma classe observe que « c’est déjà difficile d’apprendre la langue française à l’école, mais c’est encore plus difficile de l’apprendre en ligne. Dans les classes en présentiel, nous sommes entourés par les personnes qui parlent le français; à la maison, la plupart d’entre nous sommes les seuls qui le parlent ». Plus récemment, notre classe a discuté du contexte sociolinguistique des langues officielles dans lequel nous vivons et les enjeux liés au français minoritaire. Ces futurs enseignants pensent que la situation présente amplifie certains défis.
Une des premières observations soulevées est qu’« il y a encore moins de rencontres sociales, alors la communauté francophone en souffre un petit peu ». Celle-ci étant dispersée dans toute la province, il était déjà difficile de profiter des évènements socioculturels que les communautés fransaskoises du nord et du sud ont pris l’habitude de célébrer. Avec cette pandémie, la plupart des célébrations culturelles ont été annulées, y compris les évènements socioculturels occasionnels comme la Semaine de films francophones offerte par la bibliothèque municipale, ou bien ceux des organisations communautaires fransaskoises telles que la Société historique, l’Association Jeunesse Fransaskoise (AJF) et bien d’autres encore auxquelles les écoles participent de mieux en mieux. Les évènements virtuellement offerts par certaines institutions francophones demeurent peu attrayants. « C’est encore regarder le français et non pas vivre en français » témoigne un des apprenants. Un autre défi soulevé par ce groupe de futurs enseignants est celui relatif à la difficulté d’enseigner. « La situation de la COVID-19 n’aide pas les élèves qui ne sont plus capables de s’entretenir entre eux en français à cause des masques mais aussi parce qu’il n’y a plus l’obligation de parler en français ». Non seulement l’apprentissage du français langue seconde n’est plus une priorité, mais le défi que les tout-petits vivent est réel. Le vécu d’une classe de prématernelle est bien révélateur.
Jusqu’au 12 mars 2020, mes petits en prématernelle partageaient leurs idées et apprenaient de nouveaux mots en français en faisant du « buddy-reading » avec leurs partenaires de lecture de première année. Quatre jours plus tard, tout a basculé. L’apprentissage via la plateforme Zoom n’a pas été facile. L’enseignement que je faisais presque exclusivement en français en salle de classe est très vite devenu bilingue puis presque entièrement en anglais. J’ai dû soutenir mes élèves et leurs parents dans la langue de Shakespeare. La pandémie a complètement changé ma façon d’enseigner mes classes de prématernelle et de maternelle. J’ai modifié mes stratégies d’enseignement et le matériel pédagogique pour remplacer les objets que les élèves manipulent habituellement, et j’ai changé l’organisation physique de ma classe. Le changement le plus déplorable se situe au niveau de la performance des élèves. Ceux de la prématernelle de l’an dernier qui sont en maternelle maintenant ont dû reprendre leur apprentissage du français comme si cela était la toute première fois. Tout le travail que nous avions accompli et le vocabulaire que nous avions acquis avant la pandémie avaient été oubliés en quelques mois. Notre vie de classe n’est plus la même et la relation bâtie avec mes élèves est différente. À cause des précautions et des mesures de sécurité en place, les jeunes élèves ont moins de plaisir à apprendre. Non seulement les interactions entre eux ont beaucoup diminué mais en plus, ils ne peuvent plus partager leurs jeux, s’asseoir en cercle sur le tapis pour discuter de sujets divers, ni clairement entendre ma voix et ma prononciation des mots en français. À cause du masque, ma communication non verbale ne peut plus soutenir la compréhension et l’apprentissage de nouveaux mots. Mes petits éprouvent plus de difficultés à lire les émotions étant donné qu’ils ne voient que les yeux et non le reste des visages. Notre relation et interaction avec nos partenaires communautaires de Gravelbourg a aussi changé. Désormais, nous ne pouvons pas nous rendre au bureau de poste où l’on pourrait utiliser notre français pour envoyer notre lettre au Père Noël. La situation actuelle prive mes élèves qui apprennent le français en milieu minoritaire de bien plus que de jouer avec leurs amis. Il nous faut espérer que cette situation ne dure pas pour que nos élèves ne perdent pas leurs acquis et ne se découragent pas du fait que leur apprentissage soit ainsi ralenti.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Boutouchent, F. (2016). Le passage du milieu francophone minoritaire au milieu francophone majoritaire : Étude de l’expérience des enseignants en formation pour comprendre l’influence du milieu sur le développement professionnel. Revue Canadienne de linguistique appliquée (RCLA/ CJAL), 19(1), 84-108.
L’environnement scolaire constitue, dans des circonstances normales, un milieu hautement prévisible et sécuritaire avec ses horaires réguliers et son lot de routines et de règles de vie qui en font un milieu propice à l’apprentissage et à la socialisation (Vienneau, 2011). En situation de pandémie, cet environnement change considérablement selon les situations sanitaires vécues, les nouvelles règles pour y faire face et le mode de poursuite du cursus scolaire en classe conformément aux nouvelles modalités, en ligne ou en alternance. Tous les élèves ne réagissent pas de la même manière à ces changements. Certains s’y adaptent, d’autres plus ou moins avec des conséquences non négligeables pour leur apprentissage. La pandémie peut avoir pour effet de renforcer les inégalités déjà présentes tant sur le plan cognitif que sur les plans émotionnel et social, d’où l’importance pour les enseignants d’être vigilants et sensibles aux différences entre élèves et d’en tenir compte tant dans l’enseignement que dans l’évaluation.
Même sans crise sanitaire, l’évaluation des apprentissages est souvent considérée comme une source d’inégalités. C’est en effet elle, lorsqu’elle est terminale, qui révèle les écarts, voire qui les accentue par le recours à des pratiques discriminantes, non professionnelles. Pourtant, lorsqu’elle est acceptée par les enseignants comme un soutien à l’enseignement et à l’apprentissage et qu’elle est menée dans ce sens, l’évaluation peut non seulement tenir compte des écarts entre les élèves, mais aussi les réduire. Pour y parvenir, toutes les pratiques d’évaluation ne sont pas efficaces. Dans le contexte particulier d’une pandémie, l’objectif est de parvenir à faire progresser tous les élèves tout en réduisant les écarts qui pourraient se creuser entre eux du fait des inégalités causées par cette situation. Pour y parvenir, il importe de reconsidérer les pratiques d’évaluation qui pourraient contribuer à ces écarts et rééquilibrer les deux fonctions principales de l’évaluation scolaire : celle qui vise à faire le bilan et la certification des apprentissages (évaluation sommative/certificative) et celle qui vise à soutenir l’apprentissage de manière continue (évaluation formative). C’est en articulant judicieusement ces deux fonctions et en faisant de l’évaluation un outil d’apprentissage qui permet aux élèves d’améliorer leurs habiletés et habitudes d’études qu’elle pourra devenir une source d’équité et d’autonomie accrue.
Déjà en temps normal, l’enseignant doit trouver, tel un funambule, un équilibre entre les deux missions évaluatives qui lui incombent : évaluer pour faire progresser tous ses élèves ; évaluer pour certifier la maîtrise des acquis. Le premier épisode de la pandémie de COVID-19 aura permis aux enseignants de mettre leurs efforts essentiellement sur la première mission. En effet, la plupart des administrations scolaires ont mis l’évaluation certificative sur pause pour éviter de creuser les inégalités entre les élèves. Néanmoins, ce n’était qu’une parenthèse. Même avec une pandémie persistante, les systèmes scolaires ont déjà remis la certification en route, sous des formes plus ou moins atténuées. Ainsi, quel doit être le rôle de l’évaluation en classe lors de ce retour à la « normalité » ? Quel équilibre trouver pour les enseignants-funambules ?
Avec des classes constituées d’élèves aux prérequis inégaux dus à la période de confinement, mais aussi en prévision de futures mises en quarantaine d’élèves ou de futures situations difficiles liées à la COVID-19, l’évaluation (tant formative que sommative) est plus que jamais appelée à jouer son rôle de soutien à l’apprentissage et à l’enseignement afin de développer le potentiel de tous les élèves. Ceci semble signifier pour l’instant de continuer à temporiser (ou à oublier pour de bon !) un certain nombre de pratiques traditionnelles, et surtout à innover et à adapter les pratiques aux circonstances nouvelles qui risquent de se présenter. Afin de ne pas creuser les écarts et pour être davantage « juste » — dans le double sens de ce mot, c’est-à-dire appropriée et équitable, l’évaluation doit absolument être critériée (c.-à-d. qu’elle se réfère aux programmes d’études avec des critères descriptifs) et non normative (c.-à-d. qu’elle ne s’appuie pas sur la comparaison entre les élèves avec un cumul de points). Et surtout, l’évaluation doit être considérée par les enseignants comme un moyen d’intervenir de manière différenciée selon les besoins de chacun (équité) et non comme une intervention standardisée pour donner la même chose à chacun (égalité de traitement).
Par où commencer pour que l’évaluation soit une source d’équité, qu’elle soutienne l’apprentissage des élèves en répondant de manière différenciée aux besoins des élèves ? Voici quatre suggestions décrivant comment mettre l’accent sur le soutien à l’apprentissage :
Utiliser une évaluation critériée suppose que les objectifs et les exigences soient transmis clairement à l’élève pour lui permettre de se faire une représentation adéquate du résultat attendu à divers degrés (p. ex., Supérieur, Excellent, Bon…). La clarté des critères de réussite d’apprentissage est d’autant plus importante que l’élève travaille en ligne ou à la maison, avec ou sans l’assistance de ses parents ou de tuteurs à distance. L’utilisation d’exemples de travaux d’élèves (copies-types) permet à l’enseignant de fournir à l’élève des productions qui satisfont aux exigences à différents degrés.
Évaluer de façon continue ne signifie pas que l’élève doive être évalué continuellement, surtout si l’enseignant est déjà en mesure d’anticiper les résultats à partir de ses observations et s’il s’agit d’exercer des apprentissages au moyen d’activités de consolidation. Par évaluation continue, il faut comprendre que celle-ci intervient à des moments cruciaux de l’acquisition de nouveaux apprentissages, notamment lorsque la maîtrise des prérequis devient nécessaire à la progression de l’élève.
Fournir une rétroaction efficace, différenciée, descriptive et détaillée permet d’assurer la continuité des apprentissages. À cet égard, toutes les rétroactions ne sont pas également utiles. Celles portant sur la personne de l’élève font très peu pour l’aider à mieux comprendre ce qui va ou ne va pas. Les rétroactions correctives qui se limitent à signaler les bonnes réponses ou les erreurs à éviter, ne sont guère plus aidantes. Les rétroactions les plus efficaces sont celles qui reviennent sur les processus avec lesquels l’élève traite l’information et sur les stratégies qu’il met en œuvre pour réguler son apprentissage.
Engager l’élève dans l’évaluation sommative et formative. Afin qu’elle soit équitable, l’évaluation (formative et sommative) doit être « alignée » à la fois sur les programmes d’études et les activités d’apprentissage. Le bilan du progrès de l’élève ou de la classe doit être fait en fonction des activités et des observations réalisées tout au long du processus d’enseignement/apprentissage et non présenter une unique mesure froide d’une performance, sur un temps T et un contenu C. De plus, l’évaluation doit engager les élèves dans le processus. C’est ce dont il sera question dans la section suivante.
L’évaluation réalisée par l’enseignant n’est pas toujours à la disposition de l’élève aux moments où il en aurait besoin pour soutenir son apprentissage. Que ce soit en ligne ou en classe, les habiletés et les habitudes d’étude de l’élève acquièrent de ce fait une plus grande pertinence. En Ontario, le bulletin scolaire rapporte entre autres : fiabilité, sens de l’organisation, autonomie, sens de l’initiative et autorégulation. Au Québec, on retrouve : exercer son jugement critique, organiser son travail, savoir communiquer.
Jusqu’à présent, même si une grande partie de la réussite scolaire dépend de la maitrise de ces compétences qui touchent tous les domaines (transversales) et qui sont utiles dans des contextes nouveaux (transférables), ces apprentissages n’ont pas reçu la même attention que les principales matières scolaires. Les critères et les objectifs d’amélioration de ces compétences sont peu précis. Pourtant, celles-ci sont essentielles pour que l’élève « apprenne à apprendre ». Le rôle de l’enseignant est d’observer et d’améliorer ces capacités. La rétroaction de l’enseignant sur les processus et stratégies utilisés par l’élève peut en faciliter l’acquisition, mais celle-ci doit aussi aboutir sur une participation active de l’élève au processus même d’évaluation. La capacité de l’élève à réfléchir par lui-même sur ses productions, à être attentif aux processus qu’il met en œuvre pour en évaluer l’utilité et l’efficacité – la métacognition – fait partie de ce qu’il a été convenu d’appeler l’évaluation en tant qu’apprentissage (Earl, 2003), une composante essentielle de l’autorégulation des apprentissages (Laveault et Allal, 2016). Elle fait écho au « Connais-toi toi-même » de Socrate et à la pédagogie de Montessori « Aide-moi à faire par moi-même ».
L’évaluation scolaire va donc bien au-delà de la correction des erreurs. Les rétroactions correctives font bien peu pour améliorer la connaissance et l’estime de soi en plus de constituer une tâche fastidieuse pour les enseignants et les élèves. À la limite, trop de rétroactions correctives permet difficilement à l’élève en difficulté de s’améliorer. L’évaluation des apprentissages est un outil pour enseigner et apprendre, à plus forte raison en contexte de pandémie. Elle doit permettre de soutenir tous les élèves, en les aidant à devenir de meilleurs apprenants.
Au personnel scolaire qui se demande par où commencer, une réponse peut provenir de ce proverbe africain : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour ; si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours ». Il existe dans nos écoles des élèves qui doivent apprendre à pêcher. Leur fournir toujours plus de poissons n’est pas une solution à long terme pour réduire les écarts entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas pêcher. L’évaluation-soutien d’apprentissage peut aider l’élève à apprendre à pêcher et à développer son sentiment d’efficacité personnelle, un atout pour toute la vie.
Pour en connaître davantage sur le sujet, le lecteur est invité à lire les articles suivants déjà parus dans Éducation Canada : Évaluation des apprentissages : pour être à la hauteur et se dépasser ainsi que Comment évaluer les apprentissages grâce à l’autoévaluation.
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Earl, L. (2003). Assessment as learning. Thousand Oaks, CA : Corwin Press.
Laveault, D. et Allal, L. (2016). Assessment for learning : Meeting the challenge of implementation. Cham, CH : Springer.
Vienneau, R. (2011). Apprentissage et enseignement. Montréal : Gaëtan Morin.
Yerly, G. et Laveault, D. (sous presse). « Évaluer les apprentissages en contexte de pandémie : aller au-delà de la notation pour soutenir la réussite de tous les élèves ». Formation et Profession : revue scientifique internationale en éducation.
Yerly, G. et Issaieva, E. (sous presse). « Évaluer les apprentissages au postsecondaire en temps de crise : défis, opportunités et dangers lors de la pandémie de COVID-19 ». Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire.
En cette période de crise sanitaire liée à la pandémie de la COVID-19, les acteurs éducatifs mettent tout en œuvre pour garantir les acquis, poursuivre les apprentissages des élèves et sauver l’école. Les parents d’élèves sont plus que jamais sollicités pour accompagner les enfants dans leur processus d’apprentissage. Cet accompagnement se traduit le plus souvent par l’aide aux devoirs, la clarification de certains contenus d’apprentissage, l’appui à l’utilisation des outils informatiques, etc. Or, afin de pouvoir jouer pleinement ce rôle d’accompagnateur à domicile, les parents doivent avoir un minimum de connaissances de la langue d’enseignement, des outils informatiques et de certains contenus d’apprentissage. Ils doivent également disposer des ressources nécessaires afin de répondre adéquatement au besoin de leur enfant. Tous les parents immigrants remplissent-ils de telles conditions?
Les parents allophones (ne parlant ni anglais ni français) ou défavorisés (désavantagés sur le plan économique, social ou culturel) sont essentiellement issus de l’immigration récente qui constitue présentement l’un des principaux facteurs d’accroissement de la population canadienne. À l’instar des autres pays occidentaux, le Canada a reçu plus de 1,2 million d’immigrants entre 2011 et 2016, soit environ 250 000 personnes par année (Statistique Canada, 2017). Selon ce même organisme, un peu plus du cinquième (21,9 %) de la population canadienne était née à l’extérieur du pays et 47,2 % de ces personnes parlent le plus souvent une langue autre que le français et l’anglais à la maison. Bien que la majorité de cette population déclare connaitre une langue officielle du Canada, ou les deux, il n’en demeure pas moins qu’il existe des familles où ces deux langues ne sont pas d’usage courant à domicile. Alors, comment peuvent-elles accompagner efficacement leur enfant dans leurs apprentissages quand elles ne comprennent pas la langue de la scolarisation? En temps normal, ces familles ont le plus souvent recours à des structures d’accueil qui les accompagnent dans le processus d’établissement à travers, notamment l’apprentissage de la langue et de la culture de leur nouveau milieu ainsi que la découverte des règlements et protocoles sociaux qui peuvent ne pas paraitre évidents pour un nouvel arrivant. Toutefois, le fonctionnement de ces organismes est aussi perturbé par la pandémie et les proches-aidants qui les assistent de manière informelle sont aussi soumis au respect des mesures barrières de distanciation physique et sociale.
En plus de cette situation linguistique défavorable, des études décrivent les conditions socioéconomiques peu reluisantes de certains parents immigrants. Dans une étude menée dans les écoles dites défavorisées de Montréal, Kanouté et al. (2016) ont identifié plusieurs situations caractérisant les familles immigrantes telles que « la sous-scolarisation de certains parents, le chômage d’autres pourtant très instruits, le cumul de vulnérabilités d’un nombre significatif d’entre eux ». Boudarbat et Grenier (2014) soulignent que les parents immigrants sont « surreprésentés parmi les travailleurs pauvres titulaires d’un diplôme universitaire » (p.117) parce qu’ils n’ont pas toujours accès aux emplois correspondant à leurs attentes (Boudarbat et Cousineau, 2010). Pour ces auteurs, le niveau de scolarité de cette catégorie de population n’est pas toujours une garantie contre le risque de faible revenu comme chez les membres de la société d’accueil.
En milieu francophone minoritaire du Canada, la situation semble plus complexe. En plus des contraintes spécifiques au contexte (insuffisance de ressources, emplois limités, etc.), les immigrants vivent généralement dans une situation de « double minorisation ». (Gilbert et al., 2014; Lacassagne, 2010). Veronis et Huot (2019) expliquent ce phénomène par « l’appartenance, à la fois, à une minorité linguistique et, pour la plupart, à une minorité visible ». Dans le contexte minoritaire francophone, comme le peuple acadien, la communauté franco-ontarienne, fransaskoise ou autre, on peut même parler de triple minorisation : minorité culturelle, minorité linguistique et minorité visible.
En tenant compte des différentes réalités des familles immigrantes, des auteurs tels que Javdani, et al. (2012) parlent d’un « niveau élevé de chômage dans l’ensemble et d’un niveau de revenu plus faible que les Canadiens de souche ». La situation est encore plus complexe pour les parents immigrants allophones et monoparentaux. Dès lors, comment faire face aux sollicitations et à certaines exigences de l’école en termes de soutien à l’apprentissage de l’enfant en temps de pandémie quand ils peinent à satisfaire aux besoins primaires (par exemple, besoins physiologiques et de sécurité) de la pyramide de Maslow? Comment fournir des outils informatiques et un réseau Internet de qualité à la maison quand ils vivent dans une situation financièrement précaire et ne sont pas admissibles à l’assurance chômage, par exemple, pour les parents non encore résidents? Il est facile de s’imaginer qu’un enfant déjà défavorisé à plusieurs égards et privé d’outils de base pour apprendre, deviendrait vite anxieux ou pourrait perdre intérêt dans les matières scolaires.
Sans prétendre à une recette magique, la démarche peut s’envisager en trois étapes :
La démarche peut être résumée par le constat, la collecte d’informations, la communication, l’exploration des solutions, la mobilisation des ressources et l’appui. L’école et la société ont tout à gagner en visant l’équité dans l’inclusion scolaire des élèves immigrants. Plus ceux-ci s’épanouiront comme personnes, plus ils seront aptes à contribuer à leur communauté d’accueil.
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Boudarbat, B. et Grenier, G. (2014). « L’impact de l’immigration sur la dynamique économique du Québec ». Rapport remis au ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion. http://www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/recherchesstatistiques/ETU_ImmigrProsperite_BoudarbatGrenier.pdf (Consulté le 10 octobre 2015).
Boudarbat, B., et Cousineau, J.-M. (2010). « Un emploi correspondant à ses attentes personnelles? Le cas des nouveaux immigrants au Québec ». Journal of International Migration and Intégration/Revue de l’intégration et De la Migration Internationale, 11(2), 155–172.
Gilbert, A. Brosseau, M; Veronis, L. et Ray, B. (2014). La frontière au quotidien: expériences des minorités à Ottawa- Gatineau, Ottawa, Les Presses de l’Université d’Ottawa.
Javdani, M., Jacks, D. and Pendakur, K. (2012). « Immigrants and the Canadian Economy ». Metropolis British Columbia Capstone Report.
Kanouté, F., Lavoie, A., Guennouni, R. et Charrette, J. (2016). « Points de vue d’acteurs scolaires et d’intervenants communautaires sur les besoins d’élèves immigrants et de leur famille dans des écoles défavorisées à Montréal ». Revista Electrónica Interuniversitaria De Formación Del Profesorado, 19(1), 141-155.
Lacassagne, A. (2010). « Le Contact interculturel francophone de Sudbury (CIFS) : francophones avant tout ! Exemple d’un interculturalisme réussi ». Reflets : revue d’intervention sociale et communautaire, 16(2), 202-213.
Martin, Thibault (2011). « Intégration professionnelle des immigrants francophones dans le secteur des nouvelles technologies : une étude de cas au Manitoba ». Revue du Nouvel-Ontario, 35-36, 107-136.
Statistique Canada. (2017). « Immigration et diversité ethnoculturelle : faits saillants du Recensement de 2016 ». https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/171025/dq171025b-fra.htm.
Veronis, L. et Huot, S (2019). « La pluralisation des espaces communautaires francophones en situation minoritaire : défis et opportunités pour l’intégration sociale et culturelle des immigrants », Francophonie d’Amérique, 46-47, automne 2018, printemps 2019.
Les directions d’établissement scolaire doivent préparer le retour des élèves. Ce retour amène avec lui divers sentiments tels le stress, l’anxiété et l’inquiétude. Loin d’une rentrée scolaire habituelle, celle-ci est exigeante et marquée par l’insécurité. Bien que la première responsabilité des directions est de veiller à la santé des élèves et du personnel scolaire, il est primordial qu’elles prennent en considération leur propre bienêtre afin de pouvoir affronter ce changement venu bouleverser leurs tâches quotidiennes, leurs relations avec l’équipe-école et leurs priorités.
Le contexte des directions d’établissement scolaire
La profession de direction d’établissement scolaire est de plus en plus stressante1. Bien que diverses formations et programmes d’accompagnement ont été mis en place pour favoriser leur insertion professionnelle et les maintenir en poste, 69% des directions d’établissement scolaire au Québec ont remis en question leur choix professionnel au cours de leurs premières années en poste2 et certaines ont même pensé abandonner3. En Ontario4, 83 % des directions d’établissements francophones primaires et secondaires ont indiqué avoir vécu des situations émotionnelles difficiles dans leur milieu du travail. Ceci dit, si leur contexte habituel est complexe, une situation de pandémie rehausse-t-elle le défi ?
Bienêtre et pandémie
Dans les prochains mois, la vision et la mission des directions d’établissement scolaire ne seront plus les mêmes. Leur bienêtre mérite d’être pris en considération en ce temps de pandémie. Les directions d’établissement scolaire constituent la pierre angulaire d’une école à succès. Afin de cerner les facteurs permettant d’expliquer leur efficacité, une étude5 a été menée auprès de 352 directions et directions-adjointes d’écoles primaires et secondaires au Québec. Trois caractéristiques favorisant le bienêtre sont retenues :
La première caractéristique concerne la recherche de soutien, par exemple, un mentor avec qui échanger sur cette nouvelle expérience. En cherchant conseil auprès d’une autre direction d’école ou auprès du centre de services éducatifs, la direction reçoit du renforcement qui rehausse sa confiance en ses décisions et en ses capacités de gestion. Le mentorat contribue à la persévérance dans le travail et au maintien du bienêtre émotionnel, cognitif, et social6, surtout dans une situation de pandémie.
La deuxième caractéristique permet une prise de conscience des directions et directions-adjointes de leurs émotions et de celles des membres de leur équipe. Cette caractéristique, si présente en temps de pandémie, peut se manifester par le stress, la peur, l’angoisse, etc. Face à leurs émotions négatives qui peuvent empêcher les directions d’avancer dans leurs tâches et de contribuer à un climat anxiogène, elles doivent pouvoir détecter, comprendre, exprimer et réguler leurs émotions et permettre aux membres de leur équipe de le faire également. En tant que leader de leur établissement, les directions doivent être capables de créer une relation émotionnelle authentique avec les membres de leur équipe afin de les amener à transcender leurs besoins individuels au profit d’objectifs communs7. Cette relation se manifeste par une écoute active et empathique du personnel scolaire, par une ouverture à accueillir les émotions négatives des autres et à les comprendre.
Le troisième élément consiste à exercer un leadership positif qui motive et mobilise. Le leadership étant la capacité à coacher et à conduire une équipe vers un but commun8, ceci n’est pas facile en temps de pandémie puisque la direction doit changer sa façon d’analyser le fonctionnement de l’établissement. Dans ce cas, l’exercice d’un leadership charismatique suscitant l’enthousiasme chez l’équipe devient essentiel. Ce style de leadership reconnu par le leadership transformationnel9 permet aux directions d’avoir des comportements positifs tels que l’entraide et l’altruisme.
Promouvoir le bienêtre en temps de pandémie
Selon la stratégie ontarienne10 pour le bienêtre en milieu scolaire, le « bienêtre est l’image positive de soi, l’état d’esprit et le sentiment d’appartenance ressentis lorsque ses besoins d’ordre cognitif, émotionnel, social et physique sont satisfaits ». Afin de favoriser une rentrée positive, les directions d’établissements scolaires sont appelées à mettre en place diverses stratégies permettant le maintien de leur bienêtre, de celui des enseignants et des élèves. Voici quelques exemples :
Au niveau cognitif, la pandémie apporte de nouvelles connaissances. Plusieurs recherches ont été effectuées à ce niveau. Puisque la stimulation intellectuelle maintient le cerveau en bonne santé et déclenche un sentiment d’accomplissement11, il est opportun de proposer un travail de collaboration avec les collègues et avec les élèves pour en apprendre davantage sur la COVID-19, par exemple, organiser une journée de recherche sur la pandémie pour présenter des communications ou créer des affiches.
Au niveau émotionnel, une pandémie suscite le stress et l’angoisse. Pour cette raison, il sera intéressant de miser sur des pratiques favorisant la gestion des émotions négatives. La méditation est l’une des pratiques qui améliore l’humeur et diminue le stress12. Intégrer une telle pratique au programme (10 minutes par jour) aidera la direction, les enseignants et les élèves à conserver leur calme dans des situations difficiles.
Au niveau social, il est prouvé qu’aider les autres est bénéfique au bienêtre13. Malgré la distanciation physique imposée par la pandémie, envoyer une lettre à des grands-parents, un dessin à une tante ou contribuer à un projet communautaire permet à l’équipe-école de tisser des liens et de préserver les relations avec son entourage.
Au niveau physique, commencer la journée d’école avec la danse, de la Zumba, une marche ou n’importe quel type de sport est bon pour le corps et l’esprit. Plusieurs recherches indiquent que l’exercice physique peut être un moyen de gestion efficace des pensées et des émotions négatives14.
Conclusion
En attendant que la pandémie soit derrière nous et en cherchant des solutions et des stratégies pour garantir une rentrée scolaire réussie et sécuritaire pour tous, misons sur la santé et le bienêtre des directions d’établissement scolaire. Une direction qui se sent soutenue, consciente de ses émotions et de celles d’autrui et exerçant un leadership inspirant saura comment profiter de tout ce changement pour relever de nouveaux défis et rendre cette situation de pandémie bénéfique. Les enfants ont besoin non seulement d’un milieu qui offre des mesures de protection et d’hygiène contre la COVID-19, mais également de voir dans leur direction d’école un modèle de résilience et de créativité qui les mènera à croire qu’après la pandémie, le beau temps reviendra.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Poirel, E., et Yvon, F., « School principal’s emotional coping process », Canadian Journal of Education 37, nº 3 (2014) : 1-23, https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/1041
2 Bernatchez, J., « La formation des directions d’établissement scolaire au Québec : apprendre à développer un savoir-agir complexe », Télescope 17, nº 3 (2011) : 158-175, http://telescope.enap.ca/Telescope/docs/Index/Vol_17_no_3/Telv17n3_bernatchez.pdf
3 Gravelle, F., « Être dirigeant scolaire à l’heure d’une gouvernance axée sur les résultats au Québec… situation qui peut épuiser…. », La recherche en éducation 13 (2015) : 5-20.
4 Pollock, K., « Directeurs en santé, écoles en santé : Soutenir le bien-être des directeurs », Éducation Canada (2017), https://www.edcan.ca/articles/healthy-principals-healthy-schools/?lang=fr
5 Hadchiti, R., Frenette, E, Dussault, M. et Loye, A., « Le mentorat, les compétences émotionnelles et le leadership transformationnel : trois composantes de la réussite d’une direction d’établissement scolaire », Revue Enseignement et recherche en administration de l’éducation (soumis pour publication).
6 Remoussenard, C. et Ansiau, D., « Bien-être émotionnel au travail et changement organisationnel. Le cas Essilor », Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé 15-1 (2013), http://journals.openedition.org/pistes/3337
7 Rinfret, N., « Leadership ». Dans Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration publique, dir. L. Côté et J.-F. Savard (2012).
8 Meyer, C. et Kirby, J., « Leadership in the age of transparency », Harvard Business Review 88, nº 4 (2010) : 38-46, https://hbr.org/2010/04/the-big-idea-leadership-in-the-age-of-transparency
9 Bass, B. M., « From transactional to transformational leadership: Learning to share the vision », Organizational dynamics 18, nº 3 (1990) : 19-31.
10 Ministère de l’Éducation de l’Ontario (2016).
11 Lau, N. S., « Cultivation of mindfulness: Promoting holistic learning and wellbeing in education ». Dans International Handbook of Education for Spirituality, Care and Wellbeing 3, éd. de Souza M., Francis L.J., O’Higgins-Norman J., Scott D. (Springer, Dordrecht, 2009 : 715-737).
12 Moulinet, I., Touron, E. et Chételat, G., « La méditation dans le vieillissement : impact sur le bien-être, la cognition et le cerveau de la personne âgée », Revue de neuropsychologie 10, nº 4 (2018) : 304-312.
13 Oarga, C., Stavrova, O. et Fetchenhauer, D., « When and why is helping others good for well‐being? The role of belief in reciprocity and conformity to society’s expectations », European Journal of Social Psychology 45, nº 2 (2015) : 242-254.
14 Lane, N. D., Lin, M., Mohammod, M., Yang, X., Lu, H., Cardone, G. et Choudhury, T., « BeWell: Sensing sleep, physical activities and social interactions to promote wellbeing », Mobile Networks and Applications 19, nº 3, 2014 : 345-359.
L’enseignement aux élèves ayant des besoins particuliers représente un grand défi pour les enseignants. Parmi ces élèves, ceux présentant des difficultés comportementales (PDC) sont reconnus pour être les plus difficiles à intégrer en classe ordinaire. Les défis de l’éducation inclusive des élèves PDC sont intimement liés aux comportements qu’ils manifestent, notamment les comportements d’inattention à la tâche, la faible tolérance à la frustration, les problèmes d’inhibition comportementale et d’autocontrôle, la motivation souvent plus externe qu’interne, les difficultés à suivre les consignes, à répondre aux attentes comportementales d’un groupe-classe conventionnel ou encore à établir des relations positives avec leurs pairs et leurs enseignants. Ces comportements engendrent des répercussions négatives sur le temps d’enseignement et sur le rendement scolaire des autres élèves. Ils représentent un facteur important de désengagement des autres élèves, ce qui peut rendre plus ardue la gestion de classe. Chez les enseignants, les difficultés comportementales des élèves peuvent entraîner à court terme une :
Ces différents aspects peuvent entraîner du stress chez les enseignants. Kyriacou définit le stress de l’enseignant « comme le fait de vivre des émotions négatives et déplaisantes, telles que la colère ou la frustration, qui sont dues à certains aspects de son emploi en tant qu’enseignant et qu’il perçoit comme étant une menace pour son bienêtre ou son estime personnelle ». Il n’est donc pas étonnant que les comportements perturbateurs des élèves apparaissent comme la source de stress la plus importante menant à l’épuisement professionnel des enseignants. De plus, le défi que représente la gestion des comportements difficiles des élèves constitue une des principales raisons pour lesquelles les enseignants choisissent de quitter la profession. L’impact négatif des élèves PDC sur le processus d’enseignement est ce qui préoccupe le plus les enseignants, suivi de la perte de satisfaction au travail1.
Qui sont les enseignants les plus à risque de vivre du stress relié à l’intégration des élèves PDC?
Dans une étude menée auprès de 231 enseignants du secondaire de la province de Québec2, différents facteurs d’influence ont été examinés.
Comment diminuer le stress vécu par les enseignants?
Différentes mesures peuvent être mises en place pour diminuer le stress vécu par les enseignants en lien avec l’intégration scolaire des élèves PDC.
Une première mesure consiste à s’assurer que le nombre d’élèves PDC intégrés dans une même classe respecte la proportion d’élèves posant ces difficultés dans l’école ou dans la population. Aussi, comme le stipulent plusieurs conventions collectives des enseignants au Canada, un élève ayant des besoins particuliers peut avoir une valeur supérieure à 1 (p. ex. équivaloir à deux élèves) et, conséquemment, contribuer à la réduction du nombre total d’élèves dans une classe donnée.
De plus, le défi que réprésente la gestion des comportements difficiles des élèves constitue une des principales raisons pour lesquelles les enseignants choisissent de quitter la profession.
Une deuxième mesure consiste à s’assurer de la participation des enseignants à l’élaboration de plans d’intervention. En effet, plus les enseignants ont été impliqués dans un processus d’élaboration d’un plan d’intervention pour des élèves PDC, moins ils vivent de stress par rapport à l’intégration de ces élèves de façon générale3. Cette diminution du stress pourrait être liée à une meilleure connaissance et à une meilleure compréhension des difficultés comportementales résultant des discussions de cas en équipe multidisciplinaire souvent présentes lors d’un plan d’intervention. En effet, des études révèlent que plus les enseignants comprennent la nature des difficultés des élèves et la fonction de ces comportements, plus leurs attitudes envers ces élèves s’avèrent positives et moins ils vivent de stress à leur enseigner4.
Une troisième mesure consiste à s’assurer que les enseignants possèdent la formation nécessaire concernant la nature des difficultés des élèves et les pratiques fondées sur des données probantes à ce sujet et à les former au besoin. La formation devrait être adaptée aux réalités des écoles et être planifiée par et pour le personnel qui y travaille. En effet, d’une part, il ne suffit pas de dire aux enseignants « quoi faire », mais bien de leur offrir du soutien, des activités, ainsi que des outils pour qu’ils puissent réfléchir à leurs pratiques et aux façons d’exploiter les nouveaux savoirs dans leur contexte spécifique.
Ainsi, une quatrième mesure pourrait comprendre la mise en œuvre de dispositifs d’assistance par des pairs ou par d’autres professionnels pour aider les enseignants à comprendre les comportements problématiques des élèves, à choisir les interventions les plus appropriées à la situation et à les mettre en œuvre. Par exemple, une étude montre que des modalités de soutien qui s’appuient sur un processus de résolution de problème contribuent à diminuer le stress des enseignants5. Dans cette étude, les enseignants étaient accompagnés dans un procédé d’évaluation fonctionnelle des comportements dérangeants de leurs élèves. Une fois la fonction des comportements (motivation ou besoin que tente de satisfaire l’individu en adoptant un comportement) bien identifiée, ils choisissaient des stratégies tenant compte de cette compréhension du comportement et les implantaient dans leur classe. Le fait de mieux comprendre ce qui peut expliquer le comportement de leur élève semblait en soi diminuer le stress de certains enseignants qui réalisaient que les comportements de leur élève ne leur étaient pas personnellement destinés.
Un autre avantage de l’accompagnement des enseignants qui mise sur une meilleure compréhension des fonctions des comportements problématiques est qu’il peut permettre à l’enseignant d’identifier des interventions proactives permettant de prévenir l’apparition de ces comportements, plutôt que d’y réagir. Il est reconnu que les interventions proactives sont plus efficaces dans un processus de gestion de classe que les interventions réactives et qu’elles contribuent à diminuer le stress des enseignants. Leur utilisation a par ailleurs l’avantage de favoriser une relation positive entre l’enseignant et ses élèves, un facteur identifié comme diminuant le stress à enseigner.
Dans la mise en place de telles interventions, une attention particulière pourrait être portée aux enseignants des élèves des premiers niveaux du secondaire ainsi qu’à ceux des milieux ruraux ou défavorisés qui semblent vivre plus de stress que leurs pairs.
Enfin, lorsque les élèves présentent des difficultés particulièrement importantes, le stress des enseignants pourra aussi être atténué s’ils peuvent compter sur le soutien d’éducateurs spécialisés pour intervenir directement en classe auprès des élèves en situation de crise et les aider à maitriser la situation. Ce soutien pourrait être continu (plusieurs heures chaque jour) ou régulier (quelques heures par semaine) selon l’importance des difficultés rencontrées.
Conclusion
Comme pour tous les élèves, la place des élèves PDC est d’abord en classe avec les autres. Par contre, pour que cette expérience soit positive tant pour les élèves que pour les enseignants qui les accueillent, ces derniers ont besoin de formation et de soutien.
Illustration : Diana Pham
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Kyriacou, C. (2001). Teacher stress: Directions for future research. Educational Review, 53, 1, 27-35. [En ligne]. https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00131910120033628
2 Massé, L., Bégin, J.-Y., Couture, C., Plouffe-Leboeuf, T., Beaulieu-Lessard, M., et Tremblay, J. (2015). Stress des enseignants envers l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement. Éducation et francophonie, 43,2, 179-200. [En ligne]. https://www.erudit.org/fr/revues/ef/2015-v43-n2-ef02306/1034491ar/ ; Plouffe-Leboeuf, T., Couture, C., Massé, L., Bégin, J.-Y., et Rousseau, M. (2019). Intégration scolaire d’élèves présentant des difficultés d’ordre comportemental : liens entre attitude des enseignants, stress et qualité de la relation enseignant élève. Revue de psychoéducation, 48,1, 177-199. [En ligne]. https://www.erudit.org/fr/revues/psyedu/2019-v48-n1-psyedu04611/1060011ar/
3 Kyriacou, C. (2001).
4 Massé, L., Couture, C., Bégin, J.-Y., et Levesque, V. (2013). Utilisation du processus d’évaluation fonctionnelle dans un programme d’accompagnement adressé à des enseignants du secondaire. Revue québécoise de psychologie, 34,3, 29-50 ; Massé, L., Couture, C., Levesque, V., et Bégin, J.-Y. (2013). Impact of a school consulting program aimed at helping teachers integrate students with behaviour disorders in secondary school: Actors’ points of view. Emotional and Behavioural Difficulties. 19,3, 327-343. [En ligne]. https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13632752.2013.775719
5 Ibid ; Massé, L., Couture, C., Bégin, J.-Y., Rousseau, M. et Plouffe-Leboeuf, T. (2019). Effets auprès d’enseignants du secondaire d’un modèle de consultation pour soutenir l’intégration scolaire d’élèves présentant des difficultés comportementales. Revue de psychoéducation, 48,1, 89-116. [En ligne]. https://www.erudit.org/fr/revues/psyedu/2019-v48-n1-psyedu04611/1060008ar/