Sous la direction de Mesdames Kanouté et Lafortune, ce collectif d’auteurs touche une problématique complexe, celle de la réussite du projet migratoire de familles immigrantes. Il vise également à cerner, pour les principales institutions concernées, l’importance et la nécessité de répondre d’une façon adaptée aux mécanismes de résilience des individus immigrants.
Les thèmes abordés en 11 chapitres demeurent variés et les réflexions, globales, ce qui permet de brosser un large tableau. Les deux premiers chapitres concernent la voix et l’histoire de familles immigrantes dans différentes institutions. Le 3e explore la thématique de la transmission religieuse à travers l’exemple de jeunes musulmans pratiquants. Le 4e, dans le souci de mener une réflexion sur les processus de transition à l’âge adulte, se penche sur les conditions de l’insertion socioéducative d’enfants d’immigrants africains et le 5e est développé sous l’angle de leur corésidence. Les auteurs des autres chapitres s’intéressent aux rôles et responsabilités de l’institution éducative dans le processus de migration : les modes de fonctionnement des directions d’établissement; certaines pratiques d’expression en théâtre qui permettent de faciliter les apprentissages; l’expérience de réfugiés en région, leurs appréhensions et leur façon d’interagir avec l’école; l’expérience de migrants à l’éducation des adultes, dont certains aspects de leur trajectoire sociale, migratoire et scolaire; la persévérance scolaire, selon l’appartenance ethnoculturelle et la prise en considération de la diversité ethnoculturelle à l’université.
Un point fort de l’ouvrage consiste à faire prendre conscience au lecteur de la transversalité des thèmes et de faire admettre, à travers l’étude des points de vue de plusieurs acteurs, la nécessaire convergence des interventions, de même que l’importance des alliances, de la collaboration et surtout de l’ouverture des intervenants quant aux divers aspects des parcours migratoires. En se recoupant, les thèmes mettent en lumière l’importance de l’éducation à tous les niveaux pour ces migrants, leurs difficultés d’insertion socioprofessionnelle, leur manque d’acceptation, leur importante résilience et leur force.
Bref, si les auteurs nous livrent une réflexion globale sur les parcours migratoires marqués par des circonstances difficiles, ils poussent également cette réflexion vers de nombreuses questions pertinentes et décrivent judicieusement certains paradoxes de l’intégration de ces individus.Émilie Deschênes, Ph.D., est consultante experte auprès des Autochtones. Elle fait actuellement un Postdoctorat en management et est détentrice d’un MBA.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, mars 2017
Les Presses de l’Université de Montréal, 2011 ISBN : 978-2-7606-2281-4
L’immigration est souvent discutée dans les médias et dans le monde scolaire. Les technologies également. En revanche, la relation entre les technologies et l’immigration est peu évoquée. C’est une sorte d’impensé. Pourtant, les technologies sont plus que jamais impliquées dans le processus d’immigration, autant avant que pendant et après l’arrivée des immigrants au Canada, notamment depuis le développement du Web 2.0 (début des années 2000), qui a facilité et dynamisé le partage d’information et la communication sur internet. À tel point qu’on parle désormais de « migrant connecté »1 pour souligner à quel point les immigrants contemporains inscrivent leur parcours migratoire dans la continuité de leurs réseaux relationnels, en grande partie au moyen des technologies, contrairement à la perception communément partagée que l’immigration consiste uniquement en une série de ruptures et de déracinements. Ainsi, les futurs immigrants peuvent exploiter les technologies pour préparer leur immigration, notamment en accédant à des services gouvernementaux en ligne (Ex : le ministère de l’Immigration) mais aussi en activant leurs contacts avec la diaspora de la société d’accueil. Dans le cas spécifique des réfugiés, dont l’immigration se caractérise par une phase parfois longue de transit entre le pays d’origine et le pays d’accueil, les technologies (ici, le cellulaire) revêtent une charge symbolique considérable dans la mesure où elles représentent le seul lien qu’ils entretiennent avec leurs proches. Une fois que les immigrants sont arrivés au Canada, les technologies leur permettent de maintenir les contacts (qu’ils soient relationnels, médiatiques, économiques, politiques, religieux, etc.) avec les réseaux de la société d’origine et de soutenir la création de nouveaux contacts, à la fois avec la diaspora locale et avec la population canadienne. Sur ce dernier point, les technologies constituent des ressources de premier plan pour guider l’installation et l’intégration des familles immigrantes.
Parmi toutes les technologies possibles, le téléphone cellulaire est assurément celle qui est la plus répandue chez les populations immigrantes lors de leur installation, pour plusieurs raisons. En premier lieu, téléphoner permet de joindre quelqu’un sans avoir besoin de passer par l’écrit (seules des connaissances de base en numératie sont nécessaires), ce qui permet de pallier au cas d’analphabétisme. Pour cette raison, le cellulaire jouit d’un fort taux d’utilisation à l’échelle internationale, notamment dans les pays en voie de développement, et constitue donc une technologie déjà familière pour la quasi-totalité des immigrants avant leur arrivée au Canada. En outre, le cellulaire, dans sa version intelligente, permet de cumuler une multitude d’autres fonctions d’information et de communication notamment via internet, moyennant les compétences alphabétiques requises. À titre d’exemple, les applications de traduction « augmentée » (traduction de mots, mais aussi d’expressions et de phrases du quotidien, avec possibilité de faire une lecture sonore du résultat de la traduction) peuvent pallier au manque de compétences dans les langues officielles canadiennes. Les applications de géolocalisation peuvent faciliter les déplacements en renseignant sur les horaires et les arrêts de bus, les correspondances, etc., en plus d’aider à la découverte des services de quartier. En tant que technologies mobile, les immigrants récemment arrivés peuvent l’avoir en tout temps avec eux, et donc être joignables ou joindre quelqu’un n’importe où, n’importe quand, ce qui est une nécessité lors de la recherche d’emploi, d’un logement, etc. Pour cette même raison, le cellulaire assure le maintien des contacts par-delà les déménagements qui surviennent fréquemment lors des premiers mois d’installation, contrairement à l’adresse postale et au téléphone fixe. En plus du cellulaire, l’ordinateur (portable, éventuellement fixe) constitue la deuxième technologie la plus présente dans les familles immigrantes au Canada. Il est notamment utilisé pour des activités de nature professionnelle ou administrative, par exemple, la rédaction du curriculum vitae et la recherche d’emploi, le suivi d’une formation linguistique en ligne (par exemple, Francisation en ligne2 au Québec, Clic en ligne3 au Canada), l’accès à certains services gouvernementaux, etc.
Les technologies ont donc un fort potentiel pour soutenir l’installation des familles immigrantes au Canada… moyennant un accès et des compétences technologiques suffisants. Sur ce point, il est important de rappeler que les immigrants n’ont pas des compétences technologiques homogènes à leur arrivée au Canada. Ces dernières varient notamment suivant des caractéristiques individuelles (par exemple, niveau de scolarité, accès et usages technologiques avant d’immigrer) et collectives (par exemple, niveau de développement infrastructurel et technologique de la société d’origine). Aussi, si certains immigrants arrivent au Canada avec des compétences technologiques suffisantes pour tirer profit des technologies pour leur installation et leur intégration, d’autres éprouvent à divers degrés des difficultés à mettre à profit leur potentiel. Ce faisant, ils disposent de moins de ressources technologiques que les autres immigrants et que la population canadienne, et ne sont donc pas en mesure de répondre aux « standards technologiques » de la vie quotidienne au Canada. Ils sont donc à risque d’exclusion numérique. Ceci est d’autant plus vrai au Canada, où aux enjeux de compétences technologiques s’ajoutent des enjeux d’accès aux technologies et à Internet. En effet, le Canada est un des pays les plus chers en télécommunication, ce qui se fait aux dépens non seulement des populations immigrantes mais des populations défavorisées dans leur ensemble.
Les technologies ont donc un fort potentiel pour soutenir l’installation des familles immigrantes au Canada…
Dans ce contexte, les initiatives favorisant l’accès aux technologies et à Internet et le développement de compétences technologiques par les populations immigrantes prennent tout leur sens. Sur le plan de l’accès aux technologies, mentionnons Ordinateurs pour l’excellence Canada (OPEC)4, qui a récemment mené un projet de fourniture d’équipement technologique à des familles de réfugiés syriens et à des organismes à but non lucratif dédiés à leur accueil. Grâce à un partenariat avec une entreprise en télécommunication, la majorité des familles syriennes a notamment reçu un cellulaire intelligent et un forfait de données équivalent à 200 $. Sur le plan du développement des compétences technologiques, citons le travail remarquable de nombreux organismes communautaires qui offrent, la plupart du temps gratuitement, des cours d’initiation à l’informatique. À l’heure où les technologies sont omniprésentes dans le quotidien de la population canadienne, s’assurer que les familles immigrantes en bénéficient pleinement, c’est aussi favoriser leur inclusion et leur participation à leur société d’accueil.
Recap: Technology has tremendous potential to help immigrants get established and integrate into Canadian society. However, for immigrants to take full advantage of technology, they must have the necessary access and skills. It is important to remember that some newcomers may face barriers to participating in the digital world. This has led to a number of initiatives aimed at ensuring the digital inclusion of newcomer families, to benefit Canadian society as a whole.
Photo : Thierry Karsenti
Première publication dans Éducation Canada, mars 2017
1 Diminescu, D. (2005). Le migrant connecté. Pour un manifeste épistémologique. Migrations/Société 17 (102), 275-292.
2 www.francisationenligne.gouv.qc.ca/?_3x2098010Z1U4Ka8ca89fd-c849-45c8-b79b-c1d621720dd0
3 www.clicenligne.ca/portail/4 https://cfsc-opec.org/fr/
4 https://cfsc-opec.org/fr/
Les élèves des niveaux secondaires ont-ils la chance de partager leurs opinions, de faire preuve d’esprit critique, de prendre des risques pour exprimer leurs idées ou d’initier des changements dans leur communauté scolaire? Il est possible que oui, mais encore faut-il leur en donner l’occasion.
Agente pédagogique en littératie et en français au primaire au Nouveau-Brunswick, je m’intéresse depuis plusieurs années à ce qui peut aider les élèves à développer leurs compétences de base en lecture et en écriture. En début de scolarisation, la capacité à lire et à écrire constitue une fenêtre d’apprentissage déterminante pour assurer la réussite scolaire d’un enfant et la réussite de sa vie. Dans cette foulée, il y a quatre ans, j’ai découvert deux programmes développés au Québec pour la maternelle, conçus en fonction des connaissances scientifiques et démontrés efficaces : La forêt de l’alphabet et Le sentier de l’alphabet. J’ai alors mobilisé une cohorte d’enseignantes qui ont implanté ces programmes afin de prévenir les difficultés d’apprentissage en lecture et en écriture dès la maternelle. En plus d’enrichir les pratiques pédagogiques et de mieux outiller les enseignants, nous avons constaté, tout comme d’autres écoles[1], un grand impact sur les premiers apprentissages de la lecture et de l’écriture chez nos élèves. Cette expérience d’apprentissage fut profitable pour tous!
Rencontre fructueuse
Lors du congrès de l’Institut des troubles d’apprentissage[2] à Montréal, au printemps 2015, j’ai rencontré Monique Brodeur, chercheuse responsable de La forêt de l’alphabet[3]. Je lui ai fait part de notre expérience très positive avec ce programme et de mon souci d’assurer une continuité en 1re année. Elle m’a alors parlé d’ABRACADABRA[4], une nouvelle ressource basée sur les connaissances scientifiques, en ligne, interactive et gratuite, destinée à soutenir la réussite des premiers apprentissages en lecture et en écriture, en français et en anglais, langue première et langue seconde, chez des élèves de maternelle, de 1re et de 2e année. Développé en anglais en 2002 par une équipe de l’Université Concordia, ABRACADABRA est enfin disponible en français depuis 2015, grâce à la collaboration de chercheurs de l’UQAM et de l’Université Concordia[5], de membres de leur équipe et de nombreux partenaires du milieu éducatif[6]. Il est à souligner qu’une étude australienne publiée dans la prestigieuse revue Journal of Educational Psychology, démontre l’effet positif d’ABRACADABRA chez des élèves autistes[7].
J’étais vivement intéressée de découvrir cette ressource et je voyais l’apport des enseignantes pour l’expérimenter auprès des élèves. Ce programme, qui tient compte des indicateurs de réussite en littératie précoce, comporte trois zones :
Selon moi, il s’agit d’un trio indissociable pour assurer le succès!
Création d’une communauté d’apprentissage professionnelle
Suite à des discussions avec les enseignantes, nous avons créé une communauté d’apprentissage professionnelle (CAP) en vue d’implanter ABRACADABRA en 1re année. Cette démarche d’autoformation nous a permis de nous approprier cette ressource et d’accroître notre expertise relative aux premiers apprentissages de la lecture et de l’écriture, à l’aide du guide pédagogique, des livres numériques et des activités. Également, nous avons déterminé comment nous allions utiliser la « Zone Parent ». La CAP a favorisé le transfert des connaissances scientifiques dans nos pratiques pédagogiques et le développement de nos compétences liées aux nouvelles technologies, telles que l’utilisation de tablettes et de tableaux interactifs comme levier pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Des enseignantes engagées et dynamiques
Les enseignantes ont observé que les activités d’ABRACADABRA permettent à leurs élèves d’apprendre les connaissances de base et de consolider les habiletés et les compétences essentielles en lecture et en écriture. Elles considèrent que c’est un matériel complémentaire qui contribue à l’atteinte des objectifs du programme de français. Elles ont constaté de plus que l’apprentissage par le jeu, à l’aide des technologies, est favorable à tous leurs élèves. La variété d’activités et les outils technologiques ont facilité l’accès à l’apprentissage pour tous, grâce aux différents modes de représentations (support visuel, tactile et auditif). Elles ont apprécié le fait que les activités soient présentées selon différents niveaux de complexité, ce qui leur a permis de faire un choix judicieux selon les besoins des apprenants. En observant et en pistant les progrès des élèves, elles ont pu différencier leurs modalités d’enseignement pour les soutenir davantage dans leurs apprentissages et leur permettre d’atteindre leur plein potentiel. Selon les enseignants, la ressource ABRACADABRA est un atout pour favoriser la pédagogie inclusive[8].
Des élèves motivés et heureux d’apprendre
À la fin de l’année scolaire, des questions relatives à ABRACADABRA ont été posées aux élèves. Voici certaines de leurs réponses :
Ce que j’aime…
Ce que j’ai appris…
Les jeux et les ordinateurs/tablettes m’ont aidé à …
De leur côté, les enseignantes ont observé que leurs élèves étaient engagés et qu’ils avaient beaucoup de plaisir à jouer à ABRACADABRA. Le fait qu’ils pouvaient choisir ou réaliser une activité seuls avait un effet immédiat sur leur motivation et leur autonomie. La rétroaction immédiate, émise par les personnages ludiques pendant les activités, assurait un soutien à l’apprentissage et facilitait la gestion de la compréhension. Pendant les périodes d’objectivation, les élèves étaient en mesure d’expliquer ce qu’ils avaient appris dans les jeux. D’après les enseignantes, la ressource ABRACADABRA a consolidé des acquis et a permis le transfert des apprentissages dans différents contextes. Elles considèrent que cette ressource a eu un effet magique pour favoriser la réussite en littératie de leurs élèves francophones en milieu minoritaire!
Un rêve : une version pour les adultes
ABRACADABRA constitue une ressource efficace pour soutenir les élèves dans leurs premiers apprentissages en lecture et en écriture, favorisant leur motivation, leur autonomie et leur sentiment de compétence. Compte tenu des défis que doivent relever les adultes analphabètes, une version spécialement adaptée pour eux serait assurément très aidante. Un projet pancanadien pourrait rendre possible la production d’une telle version d’ABRACADABRA, pour l’apprentissage de la lecture en français et en anglais, langue première et langue seconde. Peut-être qu’un jour, ce projet pourra-il être réalisé.
Recap: In 2015, at the congress of L’Institut des troubles d’apprentissage in Montreal, New Brunswick pedagogical officer Marie-Josée Long met Monique Brodeur, the researcher behind La forêt de l’alphabet. Monique introduced her to the ABRACADABRA project, a free online interactive resource developed in partnership with Concordia University and Université du Québec à Montréal. This innovative method, based on scientific knowledge, is designed to support early literacy learning in both French and English from Kindergarten through to Grade 2. The ABRACADABRA project was subsequently implemented in N.B., and a professional learning community of teachers was set up for the purpose.
Photo : gracieuseté de Marie-Josée Long
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2016
1 Dion-Viens, D. (2016). La lutte à l’analphabétisme dès la maternelle : Apprendre les lettres dès l’entrée à l’école aide les élèves à mieux lire. Le Journal de Québec, Actualité éducation, vendredi 7 octobre 2016. www.journaldequebec.com/2016/10/07/la-lutte-a-lanalphabetisme-des-la-maternelle
2 http://institutta.com/
3 Le 28 octobre 2016, à l’émission Gravel le matin à Radio-Canada, Monique Brodeur a commenté le succès de la Commission scolaire Rivière-du-Nord qui a obtenu des taux de réussite remarquables en lecture en 6e année grâce à la mise en œuvre de programmes démontrés efficaces dont La Forêt de l’alphabet, Le sentier de l’alphabet (Line Laplante et al.) et Apprendre à lire à deux (Éric Dion et al.). http://ici.radio-canada.ca/emissions/gravel_le_matin/2016-2017/
4 http://petitabra.concordia.ca/
5 http://grover.concordia.ca/resources/acknowledgements/fr/abra.php
6 http://grover.concordia.ca/resources/acknowledgements/fr/abra.php#tab-funders
7 Bailey, B., Arciuli, J., & Stancliffe, R. J. (2016, June 20). Effects of ABRACADABRA literacy instruction on children with autism spectrum disorder. Journal of Educational Psychology. Advance online publication. http://dx.doi.org/10.1037/edu0000138
8 La pédagogie inclusive, c’est tout d’abord une pédagogie à l’intérieur de laquelle la différence entre élèves devient la nouvelle norme dans la manière d’aborder toute activité d’enseignement-apprentissage (AuCoin, 2010).
Connaissez-vous le Programme de recherche sur la persévérance et la réussite scolaires (PRPRS), le Programme de recherche sur l’écriture et la lecture (PREL) et le Programme de recherches ciblées (PRC), tous mis en œuvre par le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec pour valoriser les résultats de la recherche en éducation?
(suite…)
En réponse à un contexte très difficile (décrochage scolaire élevé, départ des élèves pour les villes avoisinantes ou les écoles privées, exode des jeunes, dévitalisation des milieux…), des acteurs de la polyvalente Louis-St-Laurent et de la communauté du Haut-St-François, en Estrie, décident de repenser l’école. Ceux-ci vont créer en 2006, la « Cité-École » Louis-St-Laurent. Dès 2008, une équipe de chercheurs se joint au projet pour en faire une évaluation participative1.
La Cité-École est un projet multidimensionnel qui a comme principal objectif de favoriser la réussite éducative : « L’école est un milieu adoptif et un terrain de pratiques citoyennes pour les élèves. La communauté est dans l’école et l’école dans la communauté »2. Il s’agit d’un projet novateur qui a mobilisé l’ensemble de la communauté dans une approche de partenariat école-famille-communauté, d’éducation à la citoyenneté et qui fut soutenu financièrement par un Laboratoire rural3. Ce projet éducatif reposait sur le développement de larges partenariats au moyen notamment de « réseaux locaux » incluant des acteurs de l’ensemble des 13 municipalités regroupées sur le territoire de la polyvalente.
Au moment du développement de ce projet éducatif, le contexte est fort négatif : les taux de décrochage sont très élevés, surtout chez les garçons, et la réputation de l’école est démobilisante. Pour plusieurs, l’école est un « bunker » fermé à sa communauté. L’arrivée d’une nouvelle direction, la mobilisation d’enseignants et d’acteurs de la communauté vont créer un nouveau souffle pour changer cela, malgré un contexte de méfiance.
Un des éléments déclencheurs fut le commentaire d’un enseignant à l’effet que la polyvalente était plus « grosse » que son village. Le projet était lancé! Il fallait faire de l’école, une municipalité en relation avec les autres municipalités! Le pari de départ des acteurs de l’école fut de commencer par l’environnement. Selon eux, il fallait que les élèves voient que l’école était devenue une ville pour qu’ils y croient. Le projet s’est donc mis en œuvre sur la base de changements physiques : les corridors de l’établissement furent renommés du nom des municipalités du territoire couvert par la polyvalente; le secrétariat est devenu la mairie; des locaux thématiques furent créés – exemple, une classe-planétarium et une classe-musée; des fresques murales ont été développées présentant les caractéristiques de chacune des municipalités environnantes; une place publique a occupé le centre de l’école.
Ces changements physiques ont entraîné des changements plus fondamentaux quant au rôle de l’école dans sa relation avec ses élèves – qui devinrent des citoyens (la carte étudiante fut remplacée par une carte de citoyenneté et le conseil étudiant est devenu un Parlement) – et avec les acteurs de la communauté. Selon les dires de certains élus locaux, « le bunker s’est ouvert à la communauté ». Les acteurs et organisations de la région devinrent des partenaires dans nombre de projets développés par l’école et l’école s’est déplacée dans les milieux. Deux exemples types de ces changements sont les bourses de réussite données dans chacune des municipalités aux diplômés de la polyvalente et la remise des bulletins directement dans les municipalités.
Ce projet éducatif s’est développé à partir des infrastructures existantes et non pas au moyen de la construction de nouveaux bâtiments. Ces changements furent jugés importants et ont entraîné un changement de mentalité qui aura grandement contribué aux résultats quant à la réussite éducative.
L’école est devenue un acteur de développement influent et un espace d’exercice de citoyenneté réel et effectif. Citons quelques faits positifs marquants découlant de la démarche d’évaluation. Si lors de la première phase d’évaluation (2008-2010), 78 % des jeunes se disaient heureux d’habiter dans leur municipalité, ils étaient 88 % à apprécier leur municipalité lors de la deuxième phase (2013-2014). Aussi, quant à l’engagement, ils sont 63 % à croire qu’ils seront des citoyens engagés dans leur communauté, alors qu’ils étaient 45 % à faire ce constat lors de la première phase. Les perceptions à l’égard de la réussite éducative sont aussi positives alors que, lors des deux phases d’évaluation, 95 % des jeunes veulent « absolument réussir leur année » et que, la deuxième phase révèle que seul un élève sur cinq a déjà songé à abandonner l’école. Cela se traduit par des résultats concrets. Les taux de décrochage vont passer de 40 % en 2004 à 10,4 % en 20124, soit un gain remarquable de près de 30 points.
En plus de l’impact sur les élèves eux-mêmes, l’évaluation a pu documenter les retombées de ce projet pour la communauté. Entre les deux phases, le fait que la communauté est généralement plus sensibilisée à l’importance de la réussite éducative des jeunes ressortait clairement. En 2010, l’enquête révélait déjà la présence de « la réussite éducative comme d’une nouvelle norme sociale » pour cette communauté. Or, en 2015, les observations permettaient d’envisager « la place des jeunes dans leur communauté et leur réussite comme un projet collectif partagé ». Un important consensus à l’effet que l’école était le leader de ce mouvement émergeait aussi fortement des consultations. En somme, il s’agit d’un design éducatif et citoyen porteur de changements réels pour les jeunes et pour les communautés touchées.
Lacroix, I. et D., Forget. (mai 2015). La Cité-École Louis St-Laurent, construire une Cité une brique à la fois, rapport d’évaluation participative. Rapport destiné au Ministère des Affaires municipales et de l’occupation du territoire dans le cadre du Laboratoire rural.
Simard, P., Boyer, G., Lacroix, I. et J-F Allaire. (16 décembre 2013). La Cité-école au cœur du développement des communautés du Haut-Saint-François, Évaluation du processus de mise en œuvre 2009-2010. Rapport de recherche soumis à l’Agence de la Santé et des Services sociaux de l’Estrie.
Recap: In 2006, at a particularly difficult juncture, stakeholders at Louis-St-Laurent high school in East Angus, Quebec, mobilized the whole community in a school-family-community partnership approach to create a brand-new, innovative educational program. Cité-École took shape following significant changes to the existing facilities, and is designed to support student success and help students develop their sense of civic engagement. The benefits have been significant, including a 50 percent reduction in the high school dropout rate.
Photo par : Renée-Claude Leroux
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2016
1 Au total, 638 élèves furent interrogés au moyen d’un questionnaire électronique, 231 répondants rencontrés lors de groupes de discussion, 13 jeunes ont participé à des entrevues, 5 récits de vie avec des bâtisseurs du projet furent réalisés, 44 enseignants ont répondu à un questionnaire écrit et quelques évènements ont fait l’objet d’observation.
2 Cité-École Louis St-Laurent. Polyvalente Louis-Saint-Laurent : une Cité-école au cœur de sa communauté – Laboratoire rural 2009-2014, http://louisstlaurent.cshc.qc.ca/laborural/depliant.pdf [page consultée le 3 avril 2014], 2009.
3 Un « laboratoire rural » est une subvention du ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du Territoire, dont l’objectif est de soutenir les projets de revitalisation rurale (Mesure des laboratoires ruraux, 2008). La Cité-École a bénéficié de cette subvention de 2009 à 2014.
4 Deslongchamps, Annie. Taux de sortie sans diplôme ni qualification (SSDQ) 2000-2001 à 2011-2012. Projet partenaire pour la réussite éducative en Estrie, 2014.
Jasmine Page est en 2e année à l’école Régionale-de-Saint-André au DSF-NO
Reportage à CIMT télévision : http://cimt.teleinterrives.com/nouvelle-alaune_3241_livres_par_la_poste_cet_ete-27794
Durant la saison estivale, un grand nombre d’élèves lisent peu ce qui engendre la perte d’habiletés en lecture qui sont essentielles à la réussite scolaire. Plusieurs facteurs influencent cette problématique : beaucoup d’élèves prennent moins le temps de lire, la plupart des enfants n’accèdent pas aux bibliothèques publiques et beaucoup d’élèves sont moins motivés, car ils ont peu de soutien ou ils sont moins exposés à la lecture comme ils le sont durant l’année scolaire. En effet, des études ont démontré que les enfants qui consacrent du temps à lire durant l’été gagnent environ un mois d’apprentissage et ceux qui ne lisent pas, perdent l’équivalent de deux à trois mois de leurs acquis. À long terme, ceci provoque un écart d’apprentissage important sur le plan de la réussite en littératie entre ces deux groupes. Que peut-on faire pour empêcher les pertes d’apprentissage en lecture durant l’été?
En tant que responsable de la littératie et du français au primaire, je suis constamment en quête de pratiques efficaces qui assurent le développement des compétences fondamentales en littératie. La perte d’acquis en lecture pendant l’été me préoccupe énormément et les études dans ce domaine sont limitées. Certains chercheurs ont toutefois relevé des constats relatifs à cette problématique pour prévenir le risque des pertes d’apprentissage en lecture:
Ces faits scientifiques m’ont incitée à créer un programme de lecture estival différent pour transformer l’expérience d’apprentissage des lecteurs. J’ai développé le programme « Un livre-courrier pour bouquiner cet été » qui s’adresse aux élèves de la maternelle à la 3e année au DSF-NO. Ce programme a pour but d’encourager les jeunes à lire pour le plaisir en leur donnant accès à une variété de livres selon leurs habiletés et leurs intérêts et, de l’autre côté, leur permettre d’entretenir et de perfectionner leurs compétences en lecture pendant l’été. Ce programme contribue non seulement à l’atteinte d’objectifs en littératie, mais il accorde une importance quant à l’implication des parents et différents partenaires communautaires pour favoriser la réussite éducative des élèves au DSF-NO.
« Un livre-courrier pour bouquiner cet été » est une initiative gagnante dont la clé de son succès réside dans l’esprit de collaboration entre la communauté, la famille et l’école. Ces différents acteurs misent sur l’importance de la lecture et apportent un soutien continu aux élèves durant le congé estival.
Le principe du programme est le suivant : chaque enfant est jumelé à un bénévole. Toutes les deux semaines, celui-ci est responsable d’envoyer un livre au lecteur, accompagné d’une carte postale affranchie. De son côté, l’élève doit résumer ou dessiner une partie intéressante de son livre et identifier les stratégies utilisées pour comprendre le texte, avant de renvoyer la carte à son expéditeur. Cette expérience est renouvelée sept fois pendant les vacances.
Les parents accompagnent leurs enfants tout au long du projet, puisqu’ils lisent, questionnent, jouent des jeux et inscrivent leurs commentaires sur les cartes postales. Ce temps de qualité, pour bouquiner en famille, renforce les liens et l’apport parental.
Les enseignants des élèves participants sélectionnent au préalable les livres qui leur sont destinés. Ils tiennent compte des forces, des défis et des intérêts de chacun. Les écoles organisent également des fêtes pour souligner le lancement et la clôture du programme.
Ce programme suscite des retombées positives auprès des apprenants. Le plaisir de recevoir des livres et des nouvelles d’un correspondant par la poste est motivant pour eux. Ce concept amusant stimule leur intérêt pour la lecture. Il favorise l’accroissement d’habiletés fondamentales en littératie, car, en plus de lire, les enfants doivent discuter de leurs textes avec leurs parents et écrire un message à leurs correspondants.
L’engagement des parents et des bénévoles dans ce projet a aussi un effet sur la motivation. Ces derniers écrivent des rétroactions positives à l’enfant au verso de la carte postale pour le valoriser et l’inciter à lire. Selon un sondage réalisé auprès des élèves, la majorité a exprimé avoir développé le goût à la lecture et amélioré plusieurs habiletés dans ce domaine.
Cet été, le programme a atteint des sommets, 463 élèves de la maternelle à la 3e année du DSF-NO participent à l’activité. Les lecteurs sont soutenus par environ 310 bénévoles de la communauté. Près de 3 241 livres seront lus durant les vacances. Du jamais vu depuis le lancement de l’initiative, en 2010!
Selon un sondage réalisé auprès des enseignants, la majorité affirme que ce projet a un effet significatif en lecture, car il prévient le risque de pertes d’apprentissage. D’après le bilan du sondage des bénévoles, ils reconnaissent tous la convivialité du programme et ils sont très heureux d’aider les élèves.
Notre programme est une avenue intéressante pour traiter le problème de régression en lecture attribuable aux vacances d’été. L’appui de chercheurs canadiens pour analyser davantage cette problématique serait un atout pour tous les intervenants scolaires. Ensemble, on peut faire une grande différence pour chaque apprenant!
Recap: During the summer, many students read very little, which leads to a loss of the literacy skills crucial to school success. Research shows that children who read during the summer gain about one month of learning, while those who don’t lose the equivalent of two to three months of their knowledge. Over time, this leads to a significant learning gap between these two groups of students when it comes to literacy success. What can be done to prevent literacy learning loss during the summer? An education officer from New Brunswick’s Francophone Northwest School District (DSF-NO) offers a summer reading program to counter these learning losses. This significant project brings together schools, families and the community to encourage the academic success of students.
Tout les Photos: gracieuseté de Marie-Josée Long
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2016
[1] Les chercheurs anglophones utilisent ce terme pour illustrer le déclin des acquis durant les vacances.
L’orientation au secondaire est une grande aventure au cours de laquelle le jeune est appelé à poser un regard sur lui-même, à se découvrir, à identifier un projet professionnel et à accomplir et réaliser un rêve, une aspiration. Ce processus suppose une intense réflexion à des moments clés de la vie, notamment à l’adolescence, cette période de changements tant physiques, émotifs, psychologiques que sociaux pendant laquelle les jeunes sont confrontés à des choix importants.
Dans le contexte scolaire actuel, les jeunes sont amenés à faire de nombreux choix, tels que des choix d’écoles, des choix d’options, un choix de carrière. Cette notion de «choix» est une source d’anxiété parfois très importante. Ils ont peur de se tromper, de ne pas réussir leur vie, de prendre une décision qui aura des conséquences sur toute leur vie future!
Le rôle des parents est d’une importance capitale dans le cheminement d’orientation de leur (s) jeune (s). Les recherches confirment leur influence sur les choix des jeunes. Ces derniers retiennent plusieurs de leurs commentaires qui ont des conséquences significatives sur leur processus décisionnel. C’est une des raisons pour lesquelles l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec (OCCOQ) a développé un site web, un espace virtuel pour les parents, afin de soutenir les parents dans leur rôle. Les parents peuvent compter sur cet outil de la première à la cinquième année du secondaire et même après. Il leur permet de se familiariser avec le système scolaire, de mieux connaître le développement identitaire de leur jeune ainsi que les défis que les jeunes rencontrent année après année et qui ont un impact sur leur orientation.
Toutefois, les parents n’ont pas à agir comme un conseiller d’orientation mais simplement suivre quelques recommandations :
Au dîner, devant la télé, en voiture, votre jeune vous parle! Il vous informe sur ce qu’il aime, ce qu’il n’aime pas, ses passions, ses intérêts. Il suffit d’être attentif à ces conversations qui vous informent bien souvent sur des éléments de sa personnalité, sur ses aspirations et ses préoccupations;
Votre jeune a réussi un examen difficile? Il a participé à un tournoi sportif? S’est occupé d’une tâche importante à la maison? Dites-le lui, félicitez-le! Faites-lui des commentaires positifs et constructifs! Il est très gratifiant pour un jeune de se faire dire en quoi il est bon et vous êtes la personne la mieux placée pour lui exprimer ses qualités, ses forces, ses aptitudes.
Les jeunes ont des intérêts qui leur sont propres et font des choix qui ne correspondent pas toujours à ce que vous voudriez pour eux. Si votre jeune s’intéresse à une profession qui ne vous plaît pas, ne dénigrer pas son choix. Informez vous plutôt de ce qui l’attire et discutez-en en faisant preuve d’ouverture. De même, il est normal et sain pour un jeune d’explorer, de changer d’idée, de se questionner. Cette exploration l’aide à mieux se connaître.
Rien de tel pour savoir si une profession intéresse vraiment un jeune que de visiter une institution qui offre le programme ou de rencontrer un travailleur dans ce domaine. Les « portes ouvertes » des institutions, les stages en entreprises, le mentorat, l’exploration sur Internet, sont autant d’activités qui peuvent alimenter la réflexion de votre jeune. En votre compagnie, ces activités peuvent être très intéressantes et fort significatives.
C’est en collaboration avec la Fédération des comités de parents du Québec que l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec a conçu espace parents en 2010. Le site est entièrement dédié aux parents qui désirent s’outiller pour mieux accompagner leur jeune dans son orientation scolaire et professionnelle.
Le site espace parents est accessible via l’adresse suivante : www.espaceparents.quebec
Source : Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec
Recap: Career counselling in high school is a challenging experience, when young people are asked to reflect, get to know themselves, identify possible careers, and explore a dream or aspiration. It is an intense reflection at a key moment in life, adolescence: a period of change and turbulence when young people are confronted with important choices. It is often a source of anxiety and ambivalence. As members of the Quebec order of career and guidance counsellors (OCCOQ), the authors present effective strategies for choosing suitable schools, appropriate options and, ideally, a career. In addition to clarifying the role of parents, the OCCOQ has designed a website to better equip parents as they accompany their teens on the road to success.
Photo : gracieuseté de OCCOQ
Première publication dans Éducation Canada, juin 2016
Vous devez choisir une école au Manitoba pour vos enfants. Combien de possibilités sont disponibles? La réponse simple est une multitude. Cependant, vous voulez aussi vous assurer que cette école offre la meilleure formation et les meilleurs programmes parascolaires (sports, clubs, art dramatique). Quelle flexibilité la politique « Choisir une école »[1] vous donne-t-elle pour faciliter votre choix?
Au Manitoba, il y a des écoles de langue française et de langue anglaise. Et la variété des programmes offerts vous surprendra!
Financées par le gouvernement du Manitoba, ces écoles suivent les programmes d’études sanctionnés par le Ministère de l’éducation.
Officiellement, il y a quatre programmes scolaires :
Il y a des écoles unilingues anglophones partout dans la province où les élèves peuvent avoir des cours de sensibilisation au français de la maternelle à la 3e année, « Le français pour jeunes débutants » et des cours de français de base « Français : communication et culture » de la 4e à la 12e année. Ces cours de français sont facultatifs, lesquels représentent approximativement 10 % de la plage horaire. Le gouvernement accorde de généreuses subventions à ces écoles qui offrent le français.
Un autre programme unilingue intitulé « Français », existe grâce à l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Celle-ci autorise les parents francophones à faire éduquer leurs jeunes dans la langue de leurs ancêtres. La Division scolaire franco-manitobaine (DSFM) gère ces écoles de langue française et accueille tous les ayants droit, notamment :
Il y a également des écoles bilingues comme les écoles d’immersion française à 100 %, dès la maternelle. Après la 1re ou la 2e année, selon la décision prise par chaque division scolaire, ce pourcentage peut être réduit à 75 % afin d’accommoder l’apprentissage de l’anglais. Et cela peut aller jusqu’à 50 % de la 7e à la 12e année. Ces écoles sont en forte croissance. En 2001, on dénombrait 17 159 élèves et 22 725 en 2014.[3] La popularité du programme au Manitoba exige de multiples aménagements des écoles dans plusieurs divisions afin d’accommoder ce nombre croissant d’inscriptions! Quant aux programmes d’immersion, ils n’existent pas uniquement en français. D’autres programmes encouragent l’apprentissage de diverses langues, notamment une expérience en immersion partielle dans d’autres langues internationales/étrangères comme l’hébreu, l’allemand, ou l’ukrainien. Un programme bilingue en allemand se trouve dans les écoles huttériennes qui existent pour ceux qui habitent ces colonies.
Finalement, la division scolaire Winnipeg a annoncé au mois de décembre 2015 qu’elle établira les nouveaux programmes d’immersion en Cree, Ojibwa et espagnol pour septembre 2016.
Au secondaire, il y a plusieurs programmes spécialisés comme des programmes du Baccalauréat international (BI), de placement avancé, de disciplines artistiques (danse, musique, arts visuels, art dramatique), des académies de sports (hockey et soccer) et des programmes d’éducation technologique, technique et professionnelle. Certains élèves et leurs parents choisissent une école secondaire en fonction des cours optionnels.
Le gouvernement du Manitoba appuie financièrement quelques écoles indépendantes (privées) si elles suivent les programmes d’études pour la province et si elles embauchent un personnel breveté du Manitoba. Ces écoles fondées sur des croyances religieuses ou divisées par sexe, reçoivent un montant d’argent par élève qui leur fournit à peu près 50 % de leur budget à partir des deniers publics, basés sur « des dépenses de fonctionnement nettes des écoles publiques indiquées dans les états financiers qui précèdent de deux ans l’année de financement actuelle ».[4]De plus, une subvention supplémentaire de 60 $ par élève pour le matériel scolaire leur est allouée. Les parents doivent subventionner les autres frais exigés par l’administration de l’école elle-même.
Si vous ne voulez pas que votre enfant fasse partie d’une école soutenue par le gouvernement, vous pouvez opter pour l’enseignement à domicile. Toutefois, vous serez responsable de l’instruction de votre enfant, laquelle devra être sanctionnée par des tests officiels du Ministère de l’éducation, et assumerez tous les frais associés à ce choix.
Finalement, au Manitoba, il y a des écoles pour les Premières Nations, notamment celles gérées par une division scolaire en particulier « Frontier » sous le financement provincial et celles dont les réserves sont financées par le gouvernement fédéral.
Est-ce que la politique « Choisir une école » favorise réellement l’équité et l’égalité des chances?
Selon moi, la politique « Choisir une école » fait croire aux parents qu’ils ont une autonomie dans le choix de l’école, mais en réalité cette initiative sert à renforcer l’iniquité dans les écoles du Manitoba pour plusieurs raisons.
Premièrement, les parents qui ont les moyens peuvent choisir n’importe quelle école, peu importe la distance de la maison, car ils ont les moyens de transporter ou de payer le transport de leur enfant.
Deuxièmement, étant donné que le financement des écoles au Manitoba est lié directement au nombre d’élèves par bâtiment, celles offrant une meilleure qualité de formation et des programmes spécialisés seront plus populaires, verront leur clientèle et leur financement augmenter au détriment des autres écoles. Et ce mode de financement se perpétue année après année. Il est évident qu’une offre de services plus diversifiée génère plus d’argent et permet à la direction d’embaucher plus de personnels.
Troisièmement, les écoles qui cherchent à recruter les meilleurs élèves pour des programmes spécialisés écrèment la clientèle. Si cette politique prône avec vigueur l’équité et l’égalité de chances, ne se retrouve-t-on pas, malgré tout, face à un problème d’iniquité? En effet, les écoles de milieux défavorisés s’appauvrissent et, lorsque leurs meilleurs éléments partent, le pourcentage d’élèves avec difficultés augmente. C’est un cercle vicieux!
Malgré la multitude d’écoles existantes, l’initiative « Choisir une école » peut facilement engendrer des iniquités. En fonction du niveau socioéconomique des jeunes de la province du Manitoba, il faut garder un regard critique face à cette politique et se questionner sur la « véritable » liberté accordée aux parents quand vient le temps de choisir la bonne école pour son enfant.
Recap: In this article, the author describes the various possibilities available to Manitoba parents when it is time to choose a school for their child, i.e., the one that will provide the best education and best extracurricular programs. She also questions whether the flexibility of the “Schools of Choice” policy actually facilitates this selection process. In addition to identifying the four public school programs offered in Manitoba (English, French, French Immersion and Technology Education, the latter offered only in high school), she briefly describes the main options available: high school, private schools, home schooling and First Nations schools.
Première publication dans Éducation Canada, juin 2016
1 Éducation Manitoba. (2014). Écoles du Manitoba: Choisir une école. Repéré à www.edu.gov.mb.ca/m12/ecoles-mb/choisir/index.html
2 Division scolaire franco-manitobaine. (2015). Inscription à la maternelle pour l’année scolaire 2015-2016. Repéré à www.dsfm.mb.ca/ScriptorWeb/scripto.asp?resultat=829739
3 Éducation Manitoba. (2015a). Statistiques et finances – statistiques scolaires. Repéré à www.edu.gov.mb.ca/m12/progetu/programmes.html
4 Éducation Manitoba. (2015b). Écoles indépendantes subventionnées : Financement. Repéré à www.edu.gov.mb.ca/m12/écoles-mb/ind/ind_sub/finance.html
Depuis quelques années, on note une hausse constante des inscriptions dans les écoles francophones en contexte minoritaire au Canada. Le réseau des 630 établissements d’enseignement élémentaire et secondaire compte dorénavant 160 000 élèves répartis dans neuf provinces et trois territoires.
Les parents sont de plus en plus nombreux à choisir l’école de langue française pour la scolarisation de leurs enfants, surtout en Ontario où une politique d’aménagement linguistique existe pour favoriser notamment la transmission de la langue et de la culture françaises chez les jeunes.
« Malheureusement, encore beaucoup de ces parents ignorent l’existence du réseau des écoles francophones. »
En 2004, l’Ontario a adopté une telle politique afin d’assurer la protection dans cette province des droits à l’instruction dans la langue de la minorité garantis par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Depuis, le Nouveau-Brunswick a emboîté le pas avec sa politique d’aménagement linguistique et culturelle (2014) tandis que des efforts menés par les communautés francophones ont cours pour qu’un cadre d’aménagement linguistique soit aussi adopté dans l’Ouest et le Nord du pays.
Le réseau des écoles francophones hors Québec a connu une croissance remarquable compte tenu de son jeune âge. Ce n’est que dans les années 90, dans la foulée de l’arrêt Mahé1, que les conseils scolaires francophones en contexte minoritaire voyaient le jour. Aujourd’hui, ce réseau suscite un intérêt marqué tant au pays qu’à l’étranger. Ainsi, depuis 2015, près d’une trentaine de directions générales de commissions scolaires du Québec auront participé à des échanges pour mieux comprendre les clés de la réussite des élèves de ce réseau. Car, il faut le dire, certains conseils scolaires francophones en contexte minoritaire affichent des taux de diplomation plus qu’enviables2.
Le Québec veut savoir quels mécanismes ont été élaborés qui ont permis la mise en place de conditions gagnantes favorisant la réussite scolaire et le bien-être des élèves. On retrouve ce même intérêt de la part de la France qui souhaite aussi nouer des liens avec le système scolaire canadien francophone. L’amélioration du climat scolaire et les mesures pour favoriser la persévérance scolaire sont au nombre des sujets qui retiennent l’attention de nos amis de l’Hexagone. D’ailleurs, depuis près d’un an et demi, les ententes et les échanges se multiplient entre la France et les conseils scolaires francophones en contexte minoritaire à la suite de la visite présidentielle de François Hollande au Canada en novembre 2014.
Alors comment expliquer qu’un ayant droit3 sur deux n’inscrit pas ses enfants à l’école francophone? D’abord, il faut reconnaître que les parents ont très souvent l’embarras du choix lorsqu’il s’agit de décider quelle école fréquenteront leurs enfants, en particulier s’ils habitent en milieu urbain. Plusieurs choix éducatifs s’offrent donc à eux4. Malheureusement, encore beaucoup de ces parents ignorent l’existence du réseau des écoles francophones. La série vidéo Mon école de choix 5 vise à pallier à cette méconnaissance en présentant la spécificité et les valeurs ajoutées de l’éducation en langue française. La série aborde notamment la transmission de la langue et de la culture, le bilinguisme durable et l’environnement culturel enrichi dans lequel évoluent les élèves.
Geoffrey Carter qui a fait ses études secondaires à l’École canadienne-française de Régina a prêté sa voix au personnage du papa dans la série. Lauréat de nombreuses bourses, il étudie présentement en français et en anglais en sciences environnementales à l’Université d’Ottawa. Parfaitement bilingue et issu d’une famille exogame, son père d’origine britannique a toujours insisté pour qu’il fasse ses études élémentaires et secondaires en français. « Ça m’a ouvert tellement de portes! J’ai participé à des événements auxquels je n’aurais pas été invité autrement. En plus, j’ai appris à côtoyer à mon école secondaire des gens d’origines diverses, du Burundi et du Rwanda par exemple. »
L’immigration est une des pierres angulaires de l’essor non seulement des écoles de langue française au Canada, mais aussi des communautés francophones et acadiennes. Cependant, les immigrants francophones ne représentent qu’un peu plus de 13 % des francophones hors Québec au pays. Le gouvernement fédéral avec un objectif de 4,4 % souhaite attirer trois fois plus d’immigrants francophones en contexte minoritaire que dans le passé. Toutefois les provinces, comme le gouvernement fédéral, peinent à atteindre leurs cibles en raison notamment de stratégies de recrutement défaillantes.
Par ailleurs, la construction identitaire joue un rôle prépondérant pour assurer un sentiment de bien-être psychologique et aider l’élève à se définir et à se reconnaître en tant que francophonedans les contextes sociaux et l’environnement naturel où il évolue. C’est pourquoi l’École communautaire citoyenne6 anime le réseau des écoles de langue française. Ce concept souligne l’interdépendance entre les établissements scolaires et les communautés francophones. Il vise avant tout à redéfinir la relation entre l’école et la communauté pour susciter l’engagement de tous afin de favoriser la réussite des apprenants de tous âges.
L’un des grands défis qui attend maintenant l’éducation en français en contexte minoritaire est l’importance de compléter le réseau pour s’assurer que les jeunes puissent poursuivre leurs études postsecondaires en français partout au pays.
Paul Dubé est un des codemandeurs dans la célèbre cause Mahé qui a permis la création des conseils scolaires francophones en contexte minoritaire « Les enjeux ont changé depuis 25 ans. Nous avons les écoles de langue française. Maintenant il faut poursuivre le développement en petite enfance, au niveau des admissions et de la gestion des infrastructures », explique-t-il.
Le plan stratégique sur l’éducation en langue française met d’ailleurs l’accent sur quatre domaines à privilégier pour consolider davantage le réseau soit la petite enfance, la pédagogie, les apprentissages, la construction identitaire et l’immigration.
Une des particularités de la clientèle des écoles élémentaires et secondaires du réseau d’éducation en langue française en contexte minoritaire au Canada est le nombre élevé d’enfants issus de couples exogames. Afin d’épauler parents et enfants, bon nombre de conseils scolaires de langue française en situation minoritaire offrent des programmes d’accompagnement, de soutien et de francisation.
Malgré un contexte historique désavantageux qui a fait en sorte que l’enseignement du français a été interdit pendant plusieurs années dans de nombreuses provinces au Canada, de plus en plus de francophones en contexte minoritaire continuent de se réapproprier leurs racines. Ils le font au sein d’une francophonie de plus en plus internationale et dans un contexte de mobilité des travailleurs. Ainsi, bon nombre d’entre eux réalisent enfin que l’éducation en langue française au Canada, c’est finalement un monde de possibilités7!
Recap: The number of students enrolled in French-language schools in linguistic minority settings has been rising steadily for the past several years in Canada. More and more parents are choosing to educate their children in this network of 630 elementary and secondary schools, which includes 160,000 students spread across nine provinces and three territories. For many years, a number of Canadian provinces banned the teaching of French. Despite this unfavourable historical context, an increasing number of French speakers in linguistic minority settings are continuing to reclaim their roots, and they are doing so from within an increasingly international francophone community.
Illustration: gracieuseté de FNCSF
Première publication dans Éducation Canada, juin 2016
NOTES
1 Arrêt Mahé : www.fncsf.ca/education-en-langue-francaise-elf/droits-de-gestion-scolaire/causes-phares
2 À titre d’exemple, à Ottawa, le taux de diplomation en juin dernier des élèves inscrits depuis le début de leur cours secondaire au Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE) était de 95 % et de 90% au Conseil des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO).
3 Essentiellement, les ayants droit sont des Canadiens dont la première langue apprise et encore comprise est le français. Ces Canadiens ont reçu, au pays, une instruction en français à l’école élémentaire. Ils ont le droit de faire instruire leurs enfants dans cette langue.
4 À consulter : la publicité télé 2016 de la campagne de promotion de l’éducation en langue française en Ontario
5 La série « Mon école de choix » www.fondationeduquerenfrancais.ca/mon-ecole-de-choix
6 Site Web de l’école communautaire citoyenne www.ECC-Canada.ca
7 Site Web de l’éducation en langue française au Canada www.ELF-Canada.ca
Depuis une vingtaine d’années, on remarque au Québec une augmentation et une diversification de l’offre de services offerte dans le réseau d’éducation. Projets particuliers, écoles alternatives, concentrations : le choix est vaste pour les parents à qui revient ultimement le décision du milieu scolaire.
Devant une telle diversité, il peut devenir difficile de tirer son épingle du jeu comme lieu d’enseignement. Par la force des choses, le réseau public se voit mis en compétition avec le réseau privé. C’est d’ailleurs l’un des principaux obstacles, avec la baisse démographique, auquel se bute le secteur public pour attirer les élèves entre ses murs.
Mais le réseau public d’éducation doit-il envier le réseau privé dans son offre de services? Absolument pas! Considérant que plus de 400 écoles publiques de niveau primaire et secondaire offrent des programmes à vocation particulière (langues, sports, arts, éducation internationale), on peut même affirmer que le réseau public représente une option plus qu’intéressante dans une offre de services bonifiée pour les jeunes et leurs parents.
Soumis généralement à une approbation en vertu de la loi actuelle sur l’instruction publique, l’enrichissement d’un ou de plusieurs aspects du programme de formation de base représente le moyen par excellence pour répondre aux besoins des milieux ou offrir un service adapté, selon les intérêts de l’élève. Cette réalité permet non seulement de donner une couleur particulière à l’école, mais elle favorise aussi la formation d’une génération d’élèves allumés, intéressés et valorisés. Selon un avis du Conseil supérieur de l’éducation paru en 2007, la formation générale se voit ainsi enrichie et la reconnaissance de divers champs d’intérêt constitue une valeur ajoutée pour les élèves. La motivation, la persévérance et la réussite scolaire s’en voient automatiquement améliorées.
À ces aspects positifs se dressent toutefois des problématiques bien identifiées. Tout d’abord, la sélection des candidats représente un important facteur accentuant les inégalités entre les élèves dans leur accès aux programmes particuliers. Sauf dans des cas incontournables, la sélection des enfants ne devrait pas se faire sur une base académique, mais bien sur un principe d’intérêt envers une discipline en particulier. Cela permettrait au réseau public de tirer son épingle du jeu, en plus d’avoir un effet important sur la persévérance et la réussite scolaire.
Cette absence de sélection permettrait également le retour d’une hétérogénéité des élèves dans les classes. En effet, la sélection sur la base académique entraîne des classes très homogènes, en plus de limiter les élèves dans l’accès aux profils offerts. Un rapport du Comité d’experts sur le financement, l’administration, la gestion et la gouvernance des commissions scolaires, publié en 2014, en arrive à cette même conclusion, évoquant que « favoriser l’hétérogénéité des classes et des établissements apparaît donc comme un moyen peu coûteux d’améliorer l’efficience d’un système scolaire, alors que la pratique du placement sélectif des élèves dans des classes ou des écoles différentes sur la base de leurs résultats scolaires, résultats qui sont intimement liés à leur origine sociale, entraîne des coûts supplémentaires dus à la concentration d’élèves à risque dans les mêmes groupes ».
La sélection sur la base académique entraîne des classes très homogènes, en plus de limiter les élèves dans l’accès aux profils offerts.
L’information disponible sur ces programmes pose aussi problème. Pour favoriser l’attrait envers le système public d’éducation, il serait pertinent de constituer un répertoire complet de tous les projets pédagogiques particuliers offerts par les établissements d’enseignement. Cette vue d’ensemble deviendrait un outil très efficace dans la promotion d’une telle offre de services par le réseau.
Enfin, il appert aussi essentiel que les intervenants, à l’école, puissent bénéficier de tout l’accompagnement et le support nécessaires pour offrir ces programmes particuliers, quel que soit le milieu. Formation, support pédagogique et professionnel, ressources matérielles et financières : tous ces éléments font partie d’une solution gagnante pour tous.
Dans le contexte d’une offre abondante de profils, il importe de se questionner sur la place des élèves avec des besoins particuliers. En abolissant le critère de sélection académique, ces élèves ne seraient plus discriminés dans leur accès à ces projets pédagogiques. Leur intégration se ferait sur la base de l’intérêt et non de la performance.
Si leur intégration apparaît essentielle à la diversité au sein de ces programmes, il importe cependant de bien identifier les ressources nécessaires et les besoins spécifiques afin que ces projets éducatifs particuliers puissent être à leur portée. Les établissements peuvent en effet se retrouver avec une mince marge de manœuvre pour répondre aux besoins des élèves handicapés ou en difficulté. La prise en compte de ces particularités est primordiale afin de s’assurer que ce type de formations rencontre ses objectifs.
Les difficultés d’intégration pour cette clientèle sont perceptibles, tant dans le réseau privé que dans le réseau public. La sélectivité, l’importance des résultats scolaires et la difficulté de transférer les ressources sont des obstacles majeurs à l’intégration de ces élèves. Considérant que la mission de l’école exige qu’elle développe le plein potentiel de tous les élèves, il faut assurément que l’offre de services le traduise clairement. Le système public ne doit pas prendre en compte uniquement les élèves qui répondent à des standards élevés de performance. Cette clientèle est tout aussi pertinente pour les programmes particuliers que ces derniers le sont pour eux.
En résumé, dans un contexte où l’école publique doit tirer son épingle du jeu face au privé et où les établissements d’enseignement offrent de plus en plus d’options répondant aux intérêts des élèves, il semble essentiel que cette offre bonifiée de services s’adresse à tous les élèves, quels que soient leurs besoins et leurs aptitudes. En offrant des milieux stimulants et accessibles; en planifiant bien cette offre et en proposant une gamme de services diversifiés et adaptés, les établissements d’enseignement publics réussiront à se démarquer et à redonner le lustre qui revient au système que la société québécoise a choisi de se doter.
Recap: In her article, Corinne Payne, the president of the Federation of Parents’ Committees of Quebec, addresses the causes and effects of choosing one type of school over another. Parents and students are faced with a wide range of educational opportunities to consider. Why promote the public education system rather than private school, alternative school or special purpose school, for example? More broadly, the author seeks to understand why education is so controversial and why the different school systems proposed in Quebec generate so much debate on their operation, their relevance and their performance.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, juin 2016
L’arrivée de milliers d’élèves issus de l’immigration chaque année change le visage de l’école canadienne. Ce sont en effet plus de 260 000 résidents permanents qui se sont établis au Canada en 20141. Pendant la même année, le Québec a accueilli 50 275 immigrants, dont près de 20 % avaient moins de 15 ans2. Cette diversité se reflète dans les écoles primaires et secondaires, qui reçoivent un nombre important d’immigrants chaque année. L’école constitue ainsi le reflet de notre société diversifiée, un espace au sein duquel l’ensemble des élèves apprennent à vivre ensemble.
L’école doit se réinventer afin d’intégrer ces nouveaux venus et s’ouvrir sur un monde de plus en plus diversifié. Cela amène des changements pédagogiques importants qui concernent tous les enseignants. Il s’agit en effet d’une part d’outiller les nouveaux arrivants afin qu’ils s’intègrent à leur nouveau milieu de vie, et d’autre part de susciter l’ouverture à la diversité et le rapprochement culturel chez tous les élèves, qu’ils soient issus ou non de l’immigration. L’intégration est un processus bidirectionnel qui exige une adaptation de la part de l’élève nouvellement arrivé ainsi qu’une ouverture à la diversité et la mise en place d’un environnement favorable à son développement et à son apprentissage. Dans un tel environnement plurilingue et pluriculturel, l’éducation interculturelle peut constituer un des éléments de réussite pour la prise en compte de la diversité.
L’éducation interculturelle «désigne toute démarche éducative visant à faire prendre conscience de la diversité, particulièrement ethnoculturelle, qui caractérise le tissu social et à développer une compétence à communiquer avec des personnes aux référents divers, de même que des attitudes d’ouverture, de tolérance et de solidarité»3. Elle permet de susciter la rencontre interculturelle, de favoriser le savoir-vivre ensemble et ainsi de développer, chez les élèves, une véritable compétence interculturelle. Cette compétence comprend entre autres des savoirs (ex. des connaissances sur les autres langues et cultures), des savoir-faire (ex. des comportements à adopter selon différentes situations) et des savoir-être (ex. des attitudes à mettre de l’avant en contact avec la diversité)4. Pour les enseignants, favoriser le développement d’une telle compétence chez les élèves peut se concrétiser par différentes activités ou projets, qui concernent autant la prise en compte de la diversité au sein même de la classe qu’à l’extérieur de ses murs.
Plus de 260 000 résidents permanents se sont établis au Canada en 2014.
D’abord, la reconnaissance de la langue et de la culture d’origine des élèves constitue le point de départ afin de diminuer, notamment, l’insécurité linguistique et le sentiment de discrimination5. Il est donc primordial que les enseignants créent des activités pédagogiques permettant de mettre en valeur les langues parlées par leurs élèves et les différentes expériences culturelles qu’ils portent. À cette fin, les activités d’éveil aux langues (voir par exemple www.elodil.umontreal.ca), qui visent notamment l’ouverture à la diversité linguistique et le transfert des habiletés linguistiques des élèves, sont particulièrement indiquées. Les enseignants pourront aussi se référer au Manuel de communication interculturelle Miroirs et fenêtres6, publié gratuitement en ligne par le Centre européen pour les langues vivantes. Ce dispositif comprend des unités permettant aux élèves de réfléchir sur les savoir-faire et les savoir-être propres à leur culture, de les sensibiliser à d’autres comportements et valeurs et de susciter la discussion par rapport à ces éléments. Il semble nécessaire ici de souligner le fait que les activités de réflexion, de comparaison, de discussion entre les langues et cultures sont à préconiser.
De plus, il apparaît important d’organiser des activités et des projets axés sur la rencontre et l’interaction entre les élèves nouvellement arrivés et les autres afin de réduire les incompréhensions respectives et la distance entre les deux groupes7. Cela permet entre autres aux élèves nouvellement arrivés de participer à des interactions significatives dans le cadre de leur apprentissage de la langue de la société d’accueil8 et à l’ensemble des élèves de développer une compréhension mutuelle. La mise en place d’un mentorat entre un élève nouvellement arrivé et un élève plus expérimenté peut aussi s’avérer efficace pour faciliter l’intégration du premier et développer, chez les deux élèves, des attitudes d’ouverture à l’autre et d’empathie.
En outre, la communauté scolaire peut ouvrir ses murs pour aller explorer le milieu multiculturel hors de l’école, ou encore, en quelques clics, être en contact avec l’environnement du web. Dans plusieurs milieux, la diversité culturelle, en plus de se retrouver dans la classe par les profils diversifiés des élèves, est littéralement présente au coin de la rue, avec des gens de toutes origines culturelles qui participent à la vitalité canadienne. Des projets de mise en relation avec ces gens issus de différentes communautés culturelles, tels l’élaboration d’un rallye dans les commerces multiethniques du quartier, la visite d’une maison de la culture ou encore la venue, dans la classe, d’immigrants venant expliquer leur parcours d’intégration, sont autant d’exemples qui permettent aux élèves d’être en contact avec les réalités de la société canadienne d’aujourd’hui. De même, des jumelages virtuels à l’aide des technologies de l’information (skype, courriel), entre des classes provenant de différents milieux, provinces ou pays, sont des dispositifs de rencontre qui permettent de susciter des occasions pour favoriser l’ouverture à la diversité.
L’école d’aujourd’hui est ouverte sur le monde, dynamique et se propose de former de véritables locuteurs interculturels. Les changements sociaux vécus par la société canadienne avec l’arrivée de nouveaux arrivants se doivent d’être légitimés et mis de l’avant de différentes façons en éducation. Par la sensibilisation des enseignants à l’importance de l’éducation interculturelle, nous estimons que les élèves seront mieux outillés pour évoluer dans leur milieu, un milieu préconisant les échanges avec différentes langues et cultures et visant à former les citoyens d’un monde global.
Recap: This article examines the importance of intercultural education in a pluralistic Canadian society that welcomes thousands of new immigrants to its education systems each year. This transformation of the student population must be accompanied by teacher-led initiatives to promote the development of intercultural competence among the students growing up in this multicultural environment. The author begins by examining the concepts of integration, intercultural education and intercultural competence. She then presents suggestions to help teachers make intercultural education a classroom reality.
Photo: Christopher Futcher (iStock)
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2015
1 Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada (2015). Statistiques sur les résidents permanents – 2014. En ligne. www.cic.gc.ca/francais/ressources/statistiques/index.asp
2 Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (2015). Bulletin statistique pour l’immigration permanente au Québec – 4e trimestre et année 2014. En ligne.www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/BulletinStatistique-2014trimestre4-ImmigrationQuebec.pdf
3 MEQ (1998). Une école d’avenir. Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle. Québec : Gouvernement du Québec, p.2.
4 Lussier, D. (2009). Enseigner et évaluer la «compétence de communication interculturelle» enjeux et complémentarité. Le langage et l’homme, Revue de didactique du français,44(2), 145-155.
5 Armand, F. Dagenais, D. Nicollin, L. (2008) «La dimension linguistique des enjeux interculturels : de l’Éveil aux langues à l’éducation plurilingue» Dans Mc Andrew, M (dir.), «Rapport ethniques et éducation : perspectives nationale et internationale», Revue Éducation et Francophonie, XXXVl(1), 44-64.
6 Hubert-Kriegler, M., Lázár, I. et Strange, J. (2005). Miroirs et fenêtres – Manuel de communication interculturelle. Graz : Éditions du Conseil de l’Europe, Centre européen pour les langues vivantes. En ligne. http://archive.ecml.at/documents/pub123aF2005_HuberKriegler.pdf
7 Steinbach, M. (2009). L’intégration socioscolaire des élèves néo-canadiens hors de Montréal. Vie Pédagogique, 152. En ligne. www.mels.gouv.qc.ca/sections/viepedagogique/152/
8 Allen, D. (2006). Who’s in and who’s out? Language and the integration of new immigrant youth in Quebec. International Journal of Inclusive Education, 10(2-3), 251-263.
Depuis quelques années, l’évaluation de programmes et de l’enseignement au sein des institutions postsecondaires a une importance accrue. Cet essor de l’assurance de la qualité en enseignement supérieur a des origines économiques (accroissement des dépenses d’État dans le secteur de l’éducation et stimulation de la croissance1) et socioculturelles (mondialisation et mobilité étudiante, institutions moins élitistes, accessibilité accrue2).
Les modèles de gestion de ces processus d’assurance de la qualité peuvent être situés selon un axe allant d’un processus administré par une instance régulatrice externe à l’établissement d’enseignement imposant des processus et des indicateurs précis (reddition de compte), à une régulation par une responsabilisation « douce » menée par les membres des programmes d’études devant procéder à une auto-évaluation3,4. L’Université d’Ottawa préconise l’utilisation de l’analyse de cohérence curriculaire comme outil pour évaluer la qualité des programmes d’études. « Un bon système d’enseignement aligne méthodes d’enseignement et d’évaluation aux activités d’apprentissage énoncées dans les objectifs, de sorte que tous les aspects de ce système sont en accord pour soutenir un apprentissage approprié »5.
Cet exercice, aussi pointu que détaillé, est le résultat des réformes ayant cours depuis les années 1990 en relation avec l’importance croissante des résultats d’apprentissage dans l’enseignement supérieur (outcome-based education)6,7, 8.
L’analyse de la cohérence du cursus permet donc de représenter visuellement les différentes composantes du programme en un tout qui soit intelligible, permettant ainsi un processus d’amélioration pédagogique continue9.
Selon Madiba10, l’analyse de la cohérence du cursus est utile pour acquérir une vision globale et complète du programme dans tous les domaines et niveaux d’études, ainsi que pour travailler sur différentes couches (macro, méso et micro) pertinentes pour les processus d’assurance de la qualité et pour ainsi en assurer la cohérence.
Le Service d’appui à l’enseignement et à l’apprentissage a développé, au fil des années, des outils en ligne permettant de mieux saisir cette cohérence, de l’analyser et d’en tirer des constats.
Afin de faciliter les discussions pédagogiques entre professeurs, les conseillers en développement de programmes ont conçu des outils technopédagogiques permettant l’accès à des données tangibles facilitant ainsi des pistes de réflexion en lien avec les différentes composantes des programmes de formation.
C’est ainsi que le module en ligne de conception de plans de cours appelé uoSyllabus a vu le jour. Ce nouvel outil permet aux professeurs de produire des plans de cours conformes aux règles de l’Université d’Ottawa, tout en leur offrant la possibilité d’y ajouter des éléments de contenu conformes aux meilleures pratiques en pédagogie universitaire. Une fois les informations inscrites, le module produit un plan de cours formaté en format PDF.
Ce module permet également de préciser les résultats d’apprentissage, les normes d’agréments ou attributs qui sont couverts par les cours, facilitant ainsi la cueillette de données en vue des diverses accréditations auxquelles sont soumis certains programmes (notamment les programmes au sein des facultés professionnelles).
De plus, cet outil permet aux conseillers en développement de programmes de recueillir des informations de manière continue permettant ainsi l’analyse de la cohérence du cursus en vue de l’évaluation de programmes.
À titre de finalité, ce module en ligne a pour objectif d’accroître la qualité de l’expérience universitaire via des plans de cours conformes aux meilleures pratiques en enseignement supérieur.
Il vise à accroître l’engagement étudiant grâce à une meilleure compréhension du cheminement scolaire, ainsi qu’à favoriser la cohérence des cursus et le développement continu de programmes.
Ce module en ligne de conception de plans de cours sera mis à l’essai avec les professeurs des programmes de génie et de commerce de l’Université d’Ottawa. Le programme de génie est soumis à des règles strictes de reddition de compte, soit les 12 attributs des diplômés identifiés par le Bureau canadien d’agrément des programmes de génie. Les programmes de commerces de l’École de Gestion Telfer de l’Université d’Ottawa doivent quant à eux répondre aux règles de 3 organismes accréditeurs.
Il est à noter que ce nouvel outil en ligne permettra dorénavant de faire de l’analyse de cohérence du cursus de manière continue, tout en facilitant les processus d’agrément ou d’accréditation pour les programmes professionnels et, bien entendu, tout en étant adaptable en fonction des spécificités des programmes d’études.
Pour les professeurs, le fait d’avoir un programme d’études structuré autour des résultats d’apprentissage de programme est reconnu comme étant le premier indicateur de sa qualité11. Aussi, le fait d’avoir la nécessaire discussion autour de ces mêmes résultats d’apprentissage de programme est un facteur de cohésion important12. De leur côté, les étudiants qui perçoivent que les résultats d’apprentissage de programme sont clairement communiqués ont tendance à adopter des habitudes scolaires favorisant les apprentissages en profondeur et à comprendre de manière systémique l’ensemble des contenus13. Tout comme pour le corps professoral, la cohérence du programme autour de ses résultats d’apprentissage est le premier indicateur de qualité14 pour les étudiants et ceux-ci performent mieux à tous les niveaux lors d’examens, de tests de compétences ou d’exercices scolaires15.
Bref, l’accent doit obligatoirement être porté sur des outils permettant, dans le flot de données générées, de guider les discussions des professeurs sur les enjeux pédagogiques identifiés comme représentants des défis par l’outil d’analyse de la cohérence du cursus. C’est pour cette raison que les conseillers ont développé plusieurs outils technologiques différents : des séries de questions facilitant l’amorce de discussions sur les résultats d’apprentissage de programme, des outils de priorisation une fois les priorités identifiées, des formations sur mesure offertes par le Centre de pédagogie universitaire de l’université d’Ottawa, des ressources pédagogiques en développement de programmes, ainsi que ce dernier module de conception de cours en ligne.
Enfin, il est impossible de passer sous silence que la disponibilité des données provenant de l’analyse de cohérence des programmes n’est plus suffisante. Il faut désormais être en mesure d’accompagner les professeurs dans le cadre de leur cheminement d’amélioration continue des programmes de manière à pleinement favoriser la mise en œuvre d’une culture universitaire centrée sur l’apprenant.
À moyen et à long terme, uoSyllabus offrira aux directeurs de programmes un tableau de bord permettant d’obtenir des données descriptives sur la couverture des résultats d’apprentissage ou des normes d’agréments favorisant la priorisation des actions au niveau scolaire.
D’un point de vue pédagogique, uoSyllabus va également permettre la priorisation des actions au niveau académique, ainsi que la validation de l’acquisition des résultats d’apprentissage de programme, tout en s’intégrant au système de gestion des apprentissages.
Il sera possible de comparer les résultats entourant la cohérence des programmes et la manière dont les résultats d’apprentissage sont couverts et atteints à des indicateurs institutionnels ou à des examens administrés par des associations professionnelles aux finissants des programmes.
Finalement, précisons que les outils d’analyse de la cohérence du cursus développés par l’Université d’Ottawa vont favoriser le développement d’une culture d’évaluation de programmes continue en demandant aux programmes de se définir en termes de résultats d’apprentissage; en validant ce que le programme fait, ce qu’il prétend faire dans ses résultats d’apprentissage et, bien entendu, en démontrant de manière claire les points forts et les défis de la cohérence curriculaire.
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1 Skolnik, Michael L. (2010). Quality assurance in higher education as a political process. Higher Education Management and Policy, 22(1). Récupéré en ligne le 20 février 2014 : http://dx.doi.org/10.1787/hemp-22-5kmlh5gs3zr0
2 Dill, D. D. (2007). Quality Assurance in Higher Education: Practices and Issues. Department of Public Policy. Récupéré en ligne le 27 janvier 2014 : http://www.unc.edu/ppaq/docs/Encyclopedia_Final.pdf
3 Hoecht, A. (2006). Quality assurance in UK higher education: Issues of trust, control, professional autonomy and accountability. Higher Education, 51, 541-563.
4 Marois, C. Les usages de l’évaluation dans les politiques de « responsabilisation » et de « reddition de compte » des acteurs de l’enseignement : quels enjeux, quels effets? Conférence d’ouverture du colloque de l’Association pour le développement des méthodologies d’évaluation en éducation (ADMEE). Montréal, Canada, novembre 2014.
5 Biggs, J. B. (1999). Teaching for Quality Learning at University: What the Student Does. Buckingham, UK: Society for Research into Higher Education/Open University Press).
6 Harden, R. (2002). Developments in outcome-based education. Medical Teacher, 24(2), 117-120.
7 Killen, R. (2000). Outcomed-based education: Princxiples and possibilities. Université de Newcastle, Australie, Faculté d’éducation. Récupéré en ligne le 3 mars 2014.
8 Spady, W. G. (2001). Beyond Counterfeit Reforms: Forging an Authentic Future for All Learners. Lanham, États-Unis : Scarecrow Press.
9 Harden, R., Davis, M. et Crosby, J. (1997). The new Dundee medical curriculum: A whole that is greater than the sum of the parts. Medical Education, 31(4), 264-271.
10 Madiba, M. (2011). Curriculum mapping as inquiry in higher education. Curriculum inquiry in South African higher education: Some scholarly affirmations and challenges (dir.). E. M. Bitzer and M. M. Botha, (p. 381–398). Stellenbosch, Afrique : Sun Media.
11 Rees, D. W. (2007). Evidence-based quality assurance: an alternative paradigm for non-traditional higher education (thèse de doctorat). Université Simon Fraser, Colombie-Britannique, Canada.
12 Evans, E. L. (2010). Experience of higher education faculty engaged in undergraduate student learning outcomes assessment (thèse de doctorat, Université du Wisconsin-Milwaukee). Obtenu de ProQuest Dissertations and Theses.
13 Barrie S., Ginns P. et Prosser M. (2006). Early impact and student outcomes of an institutionally aligned, student focused learning perspective on teaching quality assurance. Assessment & Evaluation in Higher Education, 30(6), 641-656.
14 Ibid #11
15 Raghubir K. P. (1979). The effects of prior knowledge of learning outcomes on student achievements and retention in science instruction. Journal of Research in Science Teaching, 16(4), 301-304.
Au fil des années, à cause des innovations technologiques, l’environnement scolaire s’est modifié. Désormais, les réseaux de communication permettent l’accès à des apprentissages englobant une perspective mondiale. Ainsi, à travers cette ouverture sur le monde, chacun prend davantage conscience de son rôle de citoyen. D’ailleurs, le domaine de l’éducation à la citoyenneté a comme objectif de former des citoyens. Ce mandat devrait idéalement amener les élèves de la théorie à la pratique: d’un savoir citoyen à un vécu citoyen à travers la socialisation. Toutefois, cet idéal est-il vraiment atteignable en contexte scolaire? Une réflexion est de mise pour trouver cohérence et équilibre dans la formation de futurs citoyens dans le cadre scolaire. À vrai dire, puisque la formation oscille entre des savoirs et des pratiques sociales, comment enseigner la citoyenneté? Quelle est la place de l’enseignant, quelle est la place de l’élève? En d’autres mots, comment l’univers scolaire peut-il offrir un enseignement en cohérence avec les pratiques citoyennes? L’école peut-elle être un exemple d’institution démocratique et respectueuse de chacun? Éclaircissons ce « domaine aux contours mal définis ».
Enseignant Dévoué :
– Alors, puisque l’examen de mathématiques est demain, nous écourterons la leçon sur la démocratie, d’accord (sur un ton plus déclaratif qu’interrogatif).
Élèves passifs :
– Eux ne bronchent pas.
Élève rebelle :
Il s’exclame:
– J’aimerais qu’on passe au vote parce que moi, j’avais beaucoup envie de parler de la démocratie.
Enseignant Dévoué :
– Et bien, puisque vous devriez compter les votes pour connaître l’opinion de vos camarades, aussi bien faire des mathématiques tout de suite et sauter la leçon sur la démocratie, vous aurez sûrement de meilleurs résultats à l’examen si vous révisez davantage!
L’éducation à la citoyenneté ne peut se vivre pleinement si elle est abordée de façon passive. À travers une réflexion sur les approches pédagogiques, il est possible de souhaiter un apprentissage actif et inclusif afin de former des citoyens éclairés. Toutefois, reste que le contexte normatif de l’école me fait douter des possibilités de mettre en pratique ces approches. Effectivement, les diverses pressions et contraintes associées aux rouages éducatifs ne favorisent pas une approche dialogique puisqu’elle demande plus de temps de réalisation qu’une approche plus magistrale. En d’autres mots, des approches favorisant la citoyenneté peuvent être négligées au profit de certaines autres jugées plus efficaces afin de répondre aux demandes du curriculum et aux exigences d’évaluation. Ce paradoxe d’incompatibilité entourant le contexte scolaire et l’éducation à la citoyenneté se résume en disant que « l’école se veut le berceau de la citoyenneté, mais reste à l’abri de toute pratique citoyenne ». Ainsi, amener les élèves à participer, à délibérer tout en observant et critiquant les aspects sociaux et politiques de la vie demande analyse et examen critique. Ces compétences se développent si le temps est accordé à l’élève afin que celui-ci joue un rôle actif et expérimente ces pratiques citoyennes.
« Mais tout indique que la forme scolaire, tel qu’elle construit la socialisation et les enseignements dans les institutions scolaires est un frein, voire un obstacle extrêmement puissant à toute évolution en ce sens. Les difficultés que rencontrent les intentions nouvelles de l’éducation à la citoyenneté ne relèvent pas d’une mauvaise volonté ou d’une mauvaise formation des acteurs, de l’ambiguïté des orientations institutionnelles, etc., mais d’une tension quasi insurmontable entre les compétences citoyennes demandées dans une société démocratique aujourd’hui et demain, et les impératifs et contraintes de la forme scolaire ». 1
Donc, bien qu’une attention particulière soit donnée aux approches pédagogiques, il n’en demeure pas moins que, dû au contexte scolaire, le paradoxe demeure entre l’enseignement de savoirs et de pratiques citoyennes au sein même d’institutions qui peinent à devenir démocratique. Ainsi, puisque les recommandations pédagogiques cadrent difficilement avec la réalité scolaire, le choix d’approches à favoriser tend à éloigner l’enseignement de la pratique citoyenne.
Une recherche d’approches pédagogiques favorisant l’éducation à la citoyenneté demande aussi de considérer l’espace que prennent l’enseignant et l’élève. Fidèle à la théorie citoyenne enseignée, cette place négociée dans la relation pédagogique devrait être établie de façon plus égalitaire. Elle devrait aussi considérer les multiples facettes influençant cette égalité. Attardons-nous d’abord à la place de l’élève avant de poursuivre en traitant du rôle de l’enseignant.
Enseignant Dévoué :
– Aujourd’hui, je vérifie vos devoirs sur la liberté d’expression.
Élève rebelle :
– Il sort une feuille gribouillée et chiffonnée de son cartable.
Enseignant Dévoué :
– Où est ton devoir?
Élève rebelle :
– J’ai décidé de m’exprimer librement sur le sujet!
Enseignant Dévoué :
– Alors, je prends la liberté d’exprimer ma déception sur cet avis t’indiquant l’heure et le lieu de ta retenue pour devoir non fait.
Dans l’optique de favoriser une relation pédagogique plus démocratique, la construction d’une relation sortant des canevas de la traditionnelle hiérarchie scolaire se base, entre autres, sur les représentations qu’un enseignant a de l’élève. Par exemple, une représentation de l’enfant tel un être autonome favoriserait la pratique citoyenne de l’élève. Toutefois, l’adulte est-il prêt à se représenter l’élève ainsi? Est-il prêt à faire place à cette autonomie politique de l’enfant? Est-il prêt à le reconnaître « compétent »2? Pourtant, modifier la relation pédagogique pour faire place à l’autonomie permet d’outiller l’élève. Effectivement, l’autonomie permet le développement d’une capacité délibérative qui intervient aussi dans l’exercice démocratique. En d’autres mots, se représenter l’enfant tel un être autonome favorise la pratique citoyenne, mais demande la transformation du métier de l’élève. Cette transformation découle tant de la représentation de l’enfance que de l’espace citoyen qui est alloué à l’élève par les choix d’approches et de relations pédagogiques. Toutefois, cette modification n’est pas chose simple puisque
« C’est le pôle (autonomie politique) le plus difficile à implanter dans la salle de classe (Lahire, 2001), car cela nécessite que l’enseignant rejette la relation savoir-pouvoir traditionnelle où l’adulte instruit l’enfant. Il doit accepter d’être le facilitateur de l’épanouissement de l’enfant, citoyen de la classe à l’égal de l’enseignant. L’autonomie de l’élève requiert une autre relation à l’autorité, à l’enseignant, à la discipline ».3
Cette difficulté relève du contexte en soi: l’école est une institution voulant former les élèves à la démocratie dans une société capitaliste. En voulant éduquer les élèves à devenir des citoyens autonomes, une tension émane de l’enseignement des droits individuels et des contraintes collectives. Finalement, l’apprentissage de ce rôle est ambigu puisqu’il émerge au sein d’une institution qui sert à la fois les « besoins de reproduction d’une main-d’oeuvre docile et les aspirations à la participation politique, qui suppose une dose accrue d’autonomie. » 4
Enseignant Dévoué :
– Voici le sujet de la réflexion, vous devrez le faire de façon autonome.
Élève studieux :
– Mais Monsieur, comment puis-je savoir quoi penser?
Enseignant Dévoué :
– Qu’est-ce qui aide à se forger une opinion, où pensez-vous pouvoir trouver des informations qui seront utiles à votre prise de position?
Élève studieux :
– D’habitude, je demande à mon père et il me dit quoi penser.
Certes, la représentation traditionnelle de l’enseignant maître de la connaissance devant l’élève soumis est incompatible avec l’émergence d’une relation pédagogique visant l’autonomie. Toutefois, il n’en demeure pas moins que d’autres inégalités peuvent émerger d’une relation pédagogique qui se veut plus égalitaire. Prenons l’exemple d’un enseignant qui privilégie une relation favorisant l’autonomie de l’élève afin de promouvoir la pratique citoyenne. Il arriverait donc à trouver un certain équilibre dans sa relation pédagogique et à outrepasser certaines incohérences dues au contexte sociétal. En contre coup, il se retrouverait aux prises avec d’autres inégalités. Effectivement, certains contextes familiaux ne s’orientent pas vers une recherche de l’autonomie chez l’enfant. Donc, ce choix relationnel peut décontenancer certains élèves n’y étant pas habitués. Bref, au sein de
« Cette pédagogie fondée sur l’autonomie, l’authenticité a des effets inégalitaires, car ses modèles se calquent sur ceux qu’ont connus chez eux les élèves des familles les plus favorisées ».5
Finalement, à cause de l’influence des habitudes familiales, tous ces questionnements et réflexions à propos de la place de l’enseignant n’aboutissent pas à un positionnement clair en ce qui a trait à la recherche de cohérence et d’équilibre dans la formation des citoyens de demain.
En conclusion, il est vrai que le choix d’approches pédagogiques favorisant les échanges sert à outiller les élèves et constitue une bonne façon de former ceux-ci à la critique discursive. Donc, la recherche d’un équilibre est souhaitable dans la conciliation entre les savoirs et les pratiques ainsi qu’entre l’espace citoyen accordé à l’élève et l’ensemble de règles et de normes qui sont de mises à l’école. Cela dit, l’enseignant doit aussi rester conscient de toutes les inégalités que peuvent engendrer ces choix se voulant plus égalitaires. Toutes ces dimensions contribuent à faire de l’éducation à la citoyenneté un domaine complexe ayant plusieurs nuances de gris. Après ce tour d’horizon, j’en conclus que plusieurs tensions demeurent et je confirme la nécessité de clarifier certaines tangentes éducatives, notamment en ce qui a trait au pont à créer entre savoir et pratique. Considérant que le mandat est double entre ce qui est appris maintenant par l’élève et ce qui lui servira demain, les questionnements soulevés ici méritent toute notre attention. Souhaitons qu’une conscientisation du paradoxe existant entre la théorie et la pratique aide les enseignants à revoir leurs approches et leur relation pédagogique afin que le vivre ensemble soit vécu au sein des écoles de façon plus globalisée et plus cohérente!
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1 Audigier, F. (2006). L’éducation à la citoyenneté aux prises avec la forme scolaire. Dans Lenoir, Y., Xypas,C., Jamet, C. (Dirs) École et citoyenneté. Armand Colin, p.199.
2 Woodhead, M. (2005). Early Childhood Development: a question of right? International Journal of Early Childhood 37(3), 79-98.
3 Bélanger, N. et Farmer, Diane (2012). Autonomie de l’élève et constructions de situations scolaires. Études de cas à l’école de langue française en Ontario. Éducation et Sociétés 29(1), 176.
4 Barrère, A. et Martuccelli, D. (1998). La citoyenneté à l’école: vers la définition d’une problématique sociologique. Revue français de sociologie 39 (4), p.660.
5 Perrenoud, 1994; Geay, 2009, cité dans Bélanger, N. et Farmer, Diane (2012). Autonomie de l’élève et constructions de situations scolaires. Études de cas à l’école de langue française en Ontario. Éducation et Sociétés 29(1), 176.
La capacité à lire s’appuie sur l’invention culturelle des systèmes d’écriture alphabétique datant d’il y a environ 3 800 ans. Il s’agit donc d’une invention trop récente dans l’histoire de l’humanité pour que l’évolution ait pu générer des circuits de neurones propres à la lecture qui seraient présents dès la naissance. Ce n’est qu’au contact de l’écrit, par l’éducation même, que le cerveau s’adapte et développe des réseaux de neurones qui permettent de lire!
Plusieurs recherches ont permis de montrer qu’une région précise du cerveau, le cortex occipito-temporal gauche, à l’origine dédiée à la reconnaissance plus large des objets, deviendrait spécialisée durant l’apprentissage pour traiter la langue écrite1. Ainsi, au cours de l’apprentissage de la lecture, cette région spécifique que l’on nomme souvent la région de la « forme visuelle des mots » se spécialiserait de manière progressive pour reconnaître les mots écrits.
En apprenant à lire, l’enfant apprendrait donc à identifier une nouvelle catégorie de stimuli visuels (les mots) et à établir des connexions entre la région de la forme visuelle des mots et les régions du cerveau responsables du langage et de la compréhension situées dans l’hémisphère gauche2.
De plus, on sait aussi qu’au fur et à mesure que la lecture s’améliore, l’activation de la région de la forme visuelle des mots augmente. La spécialisation de cette région précise du cerveau constitue donc une propriété essentielle de la lecture experte.
Mais comment expliquer qu’une seule et même région du cerveau prenne en charge la reconnaissance visuelle des mots chez la quasi-totalité des lecteurs?
Pour comprendre, il importe de prendre en considération la façon dont le cerveau est organisé avant l’apprentissage. En effet, lorsqu’il apprend à lire, l’élève possède déjà une architecture cérébrale bien définie : des régions précises du cerveau sont responsables de la reconnaissance des objets, de la compréhension orale, de la production de la parole, du sens des mots, etc. L’apprentissage de la lecture s’appuie sur ces régions et cette organisation cérébrale.
La région de la forme visuelle des mots serait donc possiblement mieux disposée que d’autres à prendre en charge la lecture, en raison de ses connexions déjà établies avec d’autres régions cérébrales (notamment celles du langage situées dans l’hémisphère gauche) et parce qu’elle accomplit déjà une fonction similaire liée à la reconnaissance des objets.
Apprendre à lire ne serait donc possible que parce que le cerveau de l’enfant contiendrait dès le départ des structures neuronales ayant la capacité d’être modifiées et de se spécialiser progressivement durant l’apprentissage de la lecture. Sur le plan de l’enseignement, cela laisse entendre que certaines interventions pédagogiques seraient potentiellement plus compatibles que d’autres avec l’architecture initiale du cerveau.
Peu de recherches ont, à ce jour, tenté de comprendre l’impact de l’enseignement sur le développement de la compétence à lire en l’étudiant au niveau du cerveau. Néanmoins, des études récentes3 ont permis de démontrer que le fait d’orienter l’attention des élèves sur des unités d’analyse du mot différentes provoquait un effet distinct sur le « recyclage » (c’est-à-dire la spécialisation) de la région de la forme visuelle des mots.
Les résultats obtenus jusqu’à maintenant4,5 indiquent ainsi qu’une intervention pédagogique mettant l’accent sur l’établissement de correspondances entre les graphèmes et les phonèmes engendre une activité cérébrale près de celle liée à l’expertise en lecture, c’est-à-dire latéralisée dans l’hémisphère gauche du cerveau et permet de faire émerger une spécialisation de la région de la forme visuelle des mots.
À l’inverse, une intervention pédagogique dirigeant l’attention sur la forme entière du mot engendrerait une activité cérébrale située dans l’hémisphère droit du cerveau et mobiliserait donc un réseau neuronal à l’opposé de celui utilisé par le lecteur expert.
Malgré les limites respectives de ces recherches et bien que d’autres études soient nécessaires pour mieux distinguer l’impact de différentes pratiques pédagogiques sur le fonctionnement cérébral, les résultats disponibles présentent déjà un potentiel intéressant sur le plan pédagogique.
L’éclairage supplémentaire qu’apportent les neurosciences cognitives au domaine de l’éducation permet de mettre en évidence deux éléments centraux.
Le premier élément concerne le fait que le cerveau aurait hérité de son évolution une architecture particulière faisant en sorte que certaines régions sont mieux disposées que d’autres à prendre en charge certains apprentissages tels que la lecture.
Le fait de connaître l’architecture initiale du cerveau permet de comprendre que ce dernier, bien qu’il soit flexible, ne se modifie pas avec autant de facilité, quel que soit le type d’intervention pédagogique. Cette architecture initiale définirait en effet un éventail de possibilités à partir desquelles peut se réaliser un nouvel apprentissage.
Il apparaît donc important deréfléchir et de planifier l’enseignement afin qu’il soit adapté le mieux possible au fonctionnement et à l’architecture du cerveau des élèves.
Le deuxième élément qui semble particulièrement utile au domaine de l’éducation concerne le rôle majeur de l’enseignant et l’effet de ses interventions sur l’apprentissage des élèves.
En effet, on constate que l’enseignant, par les interventions qu’il met en place, a un impact considérable sur l’activité de différentes régions du cerveau durant l’apprentissage.
Il apparaît donc pertinent de chercher à mieux comprendre les effets cérébraux des différentes interventions pédagogiques visant l’apprentissage de la lecture qui sont actuellement utilisées en salle de classe, notamment auprès de lecteurs débutants.
Recap – Reading is a recent cultural invention in the history of humanity. Therefore, people are not born with a brain region specifically designed for the task of reading. However, we now know that there is a real brain “network” for reading that integrates information about the visual identification of written words as well as information associated with pronunciation (phonology) and meaning (language). One region in particular, the “visual word form area,” seems to specialize in identifying written words when an individual is learning to read, and apparently the ability to mobilize this region is a characteristic of strong readers. Recent research shows that different classroom interventions have different effects on the brain function of beginning readers. What are the potential benefits of these neuroeducation research findings for schools and teachers?
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2015
1 Dehaene, S. (2007). Les neurones de la lecture. Paris : Odile Jacob
Dehaene, S. (2011). Apprendre à lire : des sciences cognitives à la salle de classe. Paris : Odile Jacob.
2 Ibid
3 Yoncheva, Y. N., Blau, V., Maurer, U., et McClandliss, B. D. (2010). Attentional focus during learning impacts: N170 ERP Responses to an Artificial Script. Developmental Neuropsychology, 35(4), 423-445.
4 Ibid
5 Brem, S., Bach, S., Kucian, K., Guttorm, T. K., Martin, E., Lyytinen, H., Richardson, U. (2010). Brain sensitivity to print emerges when children learn letter–speech sound correspondences.Proceedings of the National Academy of Sciences, 107(17), 7939-7944.
Lorsque j’étais enfant, l’école de filles que je fréquentais était dirigée par une communauté religieuse. L’enseignante incarnait l’autorité et dispensait son savoir. Les élèves apprenaient par cœur les leçons enseignées. L’environnement était prévisible : une salle de classe, des pupitres placés en rang d’oignons, des volumes pour chaque discipline, des cahiers d’exercices pour pratiquer les notions apprises et des « concours hebdomadaires » pour tester nos connaissances. Et que dire du bulletin où étaient inscrits « notre rang » et la moyenne du groupe! Et comme les deux « premiers de classe » apparaissaient à chaque trimestre dans le « bulletin paroissial », ma mère s’enorgueillissait d’y voir le nom d’un de ses rejetons. Que de souvenirs!
Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Ces repères sont disparus pour laisser place à la découverte, à l’exploration et au traitement de l’information. Le maître n’est plus le seul détenteur du savoir. Les nouvelles technologies ont révolutionné nos façons d’apprendre. Les référentiels pédagogiques et informationnels ne sont plus les mêmes et reflètent les valeurs du présent siècle. À cet égard, l’article de Marcelle Parr « Multimodale, l’école du 21e siècle » (p. 36) évoque bien cette nouvelle réalité. Quant au président du Conseil supérieur de l’éducation, Claude Lessard (p. 32), il nous convie à une réflexion sur la place des nouvelles technologies dans le développement des compétences de l’élève. Pour sa part, Valérie Morand (p. 44) nous parle du concept de « l’école communautaire citoyenne » (touchant 640 écoles élémentaires et secondaires de langue française en contexte minoritaire) qui permet aux écoles francophones canadiennes de se rapprocher de leur communauté et celle-ci de contribuer à l’essor de ses écoles. Dans la chronique « Notre monde d’aujourd’hui », (p. 46) nous découvrons le eTwinning, une plate-forme gratuite et sécurisée qui permet aux enseignants des 33 pays impliqués d’entrer en contact, de monter des projets collaboratifs à distance avec leurs classes et d’échanger des idées à travers l’Europe. Quel changement! Il est clair que la nouvelle communauté scolaire s’est grandement élargie.
Et la petite fille qui sommeille en moi se réjouit d’avoir pu, au cours de sa vie, être le « témoin privilégié » de toute cette révolution pédagogique où la mondialisation, les technologies et l’accès à l’information ont considérablement modifié l’acte d’apprendre et notre rapport au savoir.
Ce billet de blogue fait partie d’un dossier de l’ACE sur la Nouvelle communauté scolaire, qui comprend égalementun numéro thématique sur la Nouvelle communauté scolaire de la revue Éducation Canada sur la question et une fiche Les faits en education: En quoi la participation des parents à l’éducation influe-t-elle sur l’apprentissage des enfants? Si vous souhaitez publier un billet de blogue dans cette série, veuillez communiquer avec info@cea-ace.ca.
L’école de langue française au Canada en contexte minoritaire est en train de subir une transformation en profondeur grâce au concept de l’école communautaire citoyenne (ECC)[1]. Dans neuf provinces et trois territoires d’un océan à l’autre, les quelque 640 écoles élémentaires et secondaires de langue française commencent ou poursuivent, selon le cas, leurs efforts pour repenser leur rôle au sein de la communauté.
Ainsi l’école et la communauté sont appelées à devenir des vases communicants dans un souci d’assurer la vitalité et l’avenir des communautés franco-canadiennes qui vivent dans un contexte où la langue dominante est l’anglais. Un peu comme le village des Gaulois qui résiste à l’envahisseur romain, les membres de ces communautés dont l’école est souvent le moteur, doivent travailler en étroite collaboration les uns avec les autres pour favoriser le dynamisme et l’épanouissement de la langue et de la culture francophone.
Essentiellement, l’ECC vise à permettre aux écoles de se rapprocher de leur communauté et aux communautés de contribuer à l’essor de leurs écoles. Ces écoles déploient beaucoup d’ingéniosité pour mettre sur pied des activités faisant appel à la communauté francophone dont est partie prenante l’école. En revanche, de nombreuses communautés ont accepté avec enthousiasme de participer aux divers projets. Ces projets, chacun à leur manière, expriment l’essence même de l’école communautaire citoyenne, soit faire des établissements scolaires des espaces éducatifs ancrés dans leur communauté tout en étant ouverts sur le monde.
La démarche de l’ECC a pour objectif de mobiliser l’élève, le personnel de l’école, les parents et les divers partenaires en vue de les engager dans la vie politique, économique et socioculturelle de leur communauté francophone. Pour y arriver, les conseils scolaires, par le biais de leurs écoles, ont privilégié trois visées soit l’engagement, la réussite et le continuum. La tâche peut paraître lourde. Mais appliquer la vision de l’ECC se fait à petits pas au quotidien.
Déclinaison de l’ECC
La philosophie qui sous-tend l’école communautaire citoyenne offre beaucoup de latitude aux porteurs de projets. C’est pourquoi on retrouve une variété d’initiatives telles que des activités artistiques et culturelles pour élargir l’espace francophone tant à l’élémentaire, au secondaire qu’au postsecondaire, des programmes de leadership jeunesse ou d’entrepreneuriat, des programmes d’alphabétisation familiale dans les écoles, des festivals ou fêtes champêtres rendant hommage à la francophonie, des ateliers intergénérationnels, etc.
Par exemple, à Cochrane, dans le Nord ontarien, l’école secondaire catholique de langue française s’est associée à son pendant de langue anglaise pour établir un comité jeunesse affilié au conseil municipal pour améliorer et rendre plus sûr l’environnement autour du lac Commando grâce à l’ajout de barbecues, de tables à pique-nique et de suivis par un policier auprès des fêtards.
En Colombie-Britannique, des centaines d’élèves participent à des cours de cuisine, d’astronomie, de sciences, de journalisme et d’animation multimédia grâce à des partenariats avec divers groupes incluant les aînés, la Fédération des parents francophones de la CB, la Fédération des francophones de la CB, l’Université Simon Fraser et Radio-Canada.
Au Manitoba, le Conseil de développement économique du Manitoba qui est le moteur du développement économique dans 17 municipalités bilingues de cette province assure la livraison de programmes d’éducation économique aux élèves des écoles élémentaires et secondaires francophones et d’immersion du Manitoba. L’organisme travaille avec le milieu scolaire et le monde des affaires pour leur offrir ces programmes afin de les sensibiliser à l’éducation économique, à l’entrepreneuriat, au monde des affaires et à l’importance de rester aux études. Ces programmes gratuits sont animés par des bénévoles du milieu des affaires.
La nécessité « mère de l’invention »
C’est un secret de polichinelle que le réseau des écoles de langue française en contexte minoritaire au pays est mal connu du public. Près de la moitié du marché potentiel ciblant des écoles de langue française leur échappe. Une grande partie des enfants admissibles ne sont pas inscrits dans les écoles de langue française, alors que les nouveaux arrivants à l’extérieur du Québec choisissent majoritairement les écoles de langue anglaise pour leurs enfants. Bref les parents de milliers d’enfants qui détiennent le droit constitutionnel d’inscrire leur progéniture à une école de langue française n’exercent pas ce droit, car plusieurs ignorent qu’ils ont cette prérogative.
Sans être une panacée au recrutement d’un plus grand nombre d’ayants droit francophones, l’école communautaire citoyenne reste tout de même un des éléments porteurs d’avenir de l’éducation en langue française au Canada, en contexte minoritaire. Car l’ECC favorise la relation bidirectionnelle que les institutions d’éducation de langue française et la communauté seront appelées à développer ou à consolider.
Réinventer l’école pour en assurer la spécificité
Beaucoup de chemin a été parcouru, en peu de temps, depuis l’introduction officielle du concept de l’école communautaire citoyenne en avril 2012 au Sommet sur l’éducation. Cet événement qui rassemblait plus de 200 participants représentant les forces vives de l’éducation en français au Canada avait fait de l’ECC sa toile de fond. Monsieur Raymond Daigle alors président du Comité tripartite[2] avait résumé ainsi l’enjeu principal auquel font face les écoles de langue française en situation minoritaire : « Nous nous attardons à développer un modèle d’école de langue française en milieu minoritaire. Cette école, dans un pays officiellement bilingue où les deux groupes linguistiques ont des droits constitutionnels, devra-t-elle être différente? Ce qui est certain c’est qu’elle devra développer des liens beaucoup plus étroits avec sa communauté, puisqu’elle peut en assurer la pérennité.» En répondant à cette invitation, les écoles et leurs partenaires se sont engagés dans une aventure qui a redessiné leur environnement traditionnel d’apprentissage pour contribuer à consolider le bagage linguistique et culturel des élèves et développer chez eux les habilités requises pour occuper des emplois futurs qui n’existent parfois pas encore!
Photo prise par Valérie Morand
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2014
RECAP – Canada’s French-language schools in linguistic minority settings are undergoing a profound transformation, thanks to the concept of “community citizenship school.” In nine provinces and three territories from coast to coast, 640 French-language elementary and high schools are rethinking their role in the community. The goal is to enable schools to get closer to their communities while helping communities contribute to the growth of their schools. According to the author, the development of citizenship schools is supported by artistic and cultural initiatives to broaden the presence of French at the elementary, secondary and post-secondary levels, youth leadership and entrepreneurship programs, school-based family literacy programs, festivals, country fairs and intergenerational workshops. These schools comprise one of the building blocks for the future of Canadian French-language education in minority settings.
[2] Le Comité tripartite est responsable de la mise en œuvre du plan stratégique pour l’éducation en langue française. Ce comité regroupe des représentants des ministères de l’Éducation de neuf provinces et trois territoires, des représentants communautaires et scolaires et des représentants de divers ministères fédéraux.
Lorsque j’étais enfant, l’école de filles que je fréquentais était dirigée par une communauté religieuse. L’enseignante incarnait l’autorité et dispensait son savoir. Les élèves apprenaient par cœur les leçons enseignées. L’environnement était prévisible : une salle de classe, des pupitres placés en rang d’oignons, des volumes pour chaque discipline, des cahiers d’exercices pour pratiquer les notions apprises et des « concours hebdomadaires » pour tester nos connaissances. Et que dire du bulletin où étaient inscrits « notre rang » et la moyenne du groupe! Et comme les deux « premiers de classe » apparaissaient à chaque trimestre dans le « bulletin paroissial », ma mère s’enorgueillissait d’y voir le nom d’un de ses rejetons. Que de souvenirs!
Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Ces repères sont disparus pour laisser place à la découverte, à l’exploration et au traitement de l’information. Le maître n’est plus le seul détenteur du savoir. Les nouvelles technologies ont révolutionné nos façons d’apprendre. Les référentiels pédagogiques et informationnels ne sont plus les mêmes et reflètent les valeurs du présent siècle. À cet égard, l’article de Marcelle Parr « Multimodale, l’école du 21e siècle » (p. 36) évoque bien cette nouvelle réalité. Quant au président du Conseil supérieur de l’éducation, Claude Lessard (p. 32), il nous convie à une réflexion sur la place des nouvelles technologies dans le développement des compétences de l’élève. Pour sa part, Valérie Morand (p. 44) nous parle du concept de « l’école communautaire citoyenne » (touchant 640 écoles élémentaires et secondaires de langue française en contexte minoritaire) qui permet aux écoles francophones canadiennes de se rapprocher de leur communauté et celle-ci de contribuer à l’essor de ses écoles. Dans la chronique « Notre monde d’aujourd’hui », (p. 46) nous découvrons le eTwinning, une plate-forme gratuite et sécurisée qui permet aux enseignants des 33 pays impliqués d’entrer en contact, de monter des projets collaboratifs à distance avec leurs classes et d’échanger des idées à travers l’Europe. Quel changement! Il est clair que la nouvelle communauté scolaire s’est grandement élargie.
Et la petite fille qui sommeille en moi se réjouit d’avoir pu, au cours de sa vie, être le « témoin privilégié » de toute cette révolution pédagogique où la mondialisation, les technologies et l’accès à l’information ont considérablement modifié l’acte d’apprendre et notre rapport au savoir.
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Photo: Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2014
Intervenant volontaire au sein de communautés autochtones dans le domaine des communications, technopédagogue et membre du conseil des gouverneurs du projet Wapikonimobile, je suis particulièrement préoccupé par le phénomène du décrochage scolaire et fortement intéressé par toutes les stratégies de raccrochage où rayonnent l’innovation et la création.
Finissons-en avec les statistiques
Les derniers chiffres provenant de la Faculté d’éducation de l’UQÀM démontrent qu’entre 70 et 92 % des jeunes autochtones décrochent avant la fin du parcours secondaire. Ces données s’appliquent au Québec et sont sensiblement les mêmes dans le reste du Canada. C’est donc dire qu’il nous faut 92 % d’imagination et d’innovation pour appuyer les efforts des administrations scolaires autochtones qui font du raccrochage scolaire une priorité.
Quand un jeune n’a plus d’avenir, que sa communauté n’a pas de territoire permettant un développement économique et durable, quand il voit sa famille et ses amis exilés dans les villes vivre une véritable perdition culturelle, disons que la motivation en prend pour son rhume! Malgré tout, on s’organise, on prend les moyens du bord, on se donne des objectifs à long terme, on parvient tant bien que mal à se sortir la tête de l’eau. Mais la situation demeure difficile et il ne leur manque que votre collaboration, votre compréhension et votre goût de faire le premier pas. Toutes les raisons historiques nous gênent, soit! Mais, l’aventure de la coopération en vaut vraiment le coût!
Wemotaci, communauté atikamekw de la Haute Mauricie, au Québec
Dans cette communauté de la Haute-Mauricie, le taux de natalité est de 4,3 enfants par famille et la moyenne d’âge oscille sous les 25 ans[1]. La grande majorité des jeunes parents n’ont pas complété leur secondaire. Cette situation nous amène à reconsidérer les programmes en cours, à faire une plus grande place à la formation des adultes. Voilà qui devrait constituer une piste de coopération intéressante pour le secteur de l’enseignement à distance, non? Le jeune conseil de Wemotaci, le plus jeune au Canada, vise le développement des compétences locales pour répondre à ses besoins dans des domaines aussi variés que :
Lors d’états généraux tenus à Wemotaci en février dernier, il a été affirmé que l’éducation est en tête des priorités de cette communauté et qu’il faut, à court terme, déployer des efforts d’accompagnement des jeunes, du préscolaire au secondaire. Il est convenu que l’école doit s’aligner sur les projets de développement proposés par la communauté et son conseil dans un contexte de développement durable. Les sciences et les technologies sont au cœur de cet alignement. Il est important que les jeunes parcourent le territoire dans une perspective de découverte de sa biodiversité. L’appui à la formation des maîtres atikamekw, dans un horizon de dix ans, permettrait d’accroître le nombre d’intervenants en milieu scolaire originaires des trois communautés que sont Wemotaci, Manawan et Obedjiwan.
Le projet Wapikonimobile : un bel exemple de coopération institutionnelle
Nous savons que la coopération institutionnelle est difficile à atteindre. Mais des expériences de partenariat venant tantôt d’organismes, tantôt d’individus, portent fruit. C’est le cas du projet Wapikonimobile, qui célébrera en juin ses dix années d’intervention en territoires autochtones d’ici et dans plusieurs pays d’Amérique latine. Parmi les objectifs du projet[2] je retiens ceux-ci :
Il y a plus de 2 500 jeunes formés ou initiés au cinéma documentaire ou à l’enregistrement musical depuis ses débuts. On y retrouve une collection unique au monde de près de 600 films et 400 musiques : une contribution exceptionnelle au patrimoine culturel des Premières Nations. Ce qui fait la particularité de ce projet, c’est l’implication de dizaines de jeunes formateurs et accompagnateurs, la plupart diplômés de nos universités et institutions d’enseignement professionnel, qui parcourent le Québec avec des roulottes pour séjourner entre trois et quatre semaines dans ces communautés. C’est l’aventure du partenariat culturel. Nombre de jeunes participants autochtones y trouvent la motivation nécessaire pour retourner à l’école, essentiellement dans les programmes pour adultes. D’autres tentent l’aventure de la formation postsecondaire à l’Institution Kiuna, situé à Odanak[3]. Cet institut est le fruit d’un partenariat collégial et du Conseil en Éducation des Premières Nations[4]. Des gens à connaître!
Partenaire du projet Wapikonimobile depuis bientôt cinq années, l’UQÀM offre des ateliers annuels de perfectionnement en postproduction et création de films d’animation. Heureux de cette semaine de travail et de création, de jeunes autochtones retournent dans leurs communautés avec des unités d’apprentissage reconnus par le service de formation continue. D’autres pistes de partenariat à la formation et à la recherche permettent également de mieux répondre aux besoins exprimés par les communautés autochtones. À titre de répondant, mentor et formateur volontaire dans le cadre de programmes de développement des compétences dans le secteur des technologies de communication, de la radio et des communications au service du développement, je réalise que mon rôle me permet d’exercer une influence auprès d’eux. En effet, je fais de la veille technologique et stratégique dans le secteur des sciences et des technologies en plus d’être ami Facebook de l’école secondaire Nikanik de Wemotaci.
La grande majorité des jeunes parents n’ont pas complété leur secondaire.
Tous les moyens sont bons quand on opte pour la collaboration, qu’il s’agisse d’envoi de textes, de sites dédiés à la formation ou de programmes innovateurs de formation. Je vous invite à tenter l’aventure. Tous les jeunes professeurs, y compris ceux des communautés autochtones, ont besoin d’un coup de main. Que vous soyez professeurs, administrateurs ou membres du personnel administratif, la coopération avec les Premières Nations nous fait grandir. Les expériences de coopération par les pairs sont les plus concluantes. Vous y découvrirez des communautés accueillantes qui accepteront d’emblée votre aide et vous donneront accès, en échange, à leur culture et à leur légendaire hospitalité. Il faut passer outre l’histoire de nos relations ambiguës avec les Premières Nations. Ce que souhaitent les jeunes communautés, c’est de se tourner vers l’avenir tout en respectant le legs des aînés, leur culture et un territoire imaginaire, à défaut d’un territoire réel sur lequel bâtir un avenir pour les générations futures. À nous l’aventure!
Références intéressantes
Mythes et réalités sur les peuples autochtones, http://www.cdpdj.qc.ca/publications/Mythes-Realites.pdf À lire et à enseigner à nos jeunes.
L’indien malcommode de Thomas King, aux éditions Boréal, 2014 Écrit avec humour et vérité par ce grand intellectuel autochtone canadien.
Photo incluse avec permission du Saskatchewan School Boards Association
Première publication dans Éducation Canada, juin 2014
RECAP – Although the reasons why Aboriginal youth drop out of school are similar to those of young people living in disadvantaged areas of our largest cities, their low rate of graduation remains a persistent challenge for most Aboriginal communities in Canada. Clearly, we must establish innovation and cooperation, using both formal and informal educational practices, when developing interventions for this growing youth clientele. The Wapikonimobile project, which provides communication and creativity experiences that generate hope, is a case in point. We must not neglect the institutional cooperation and assistance that we can provide young Aboriginal and non-Aboriginal teachers in a spirit of peer helpers. In an era of collaborative networking in education, this project brings us hope.
[1] Statistique Canada 2008.
En 2010, la population du Brésil comptait 896 917 Autochtones, répartis en plus de 180 ethnies, dont la majorité (57,7 %) habitait dans des réserves, les autres vivant disséminés dans l’ensemble du pays. 78,9 % de ces Autochtones de plus de dix ans ont déclaré le portugais comme langue d’usage à la maison et le nombre d’analphabètes atteignait 112 368 (16,58 %). Ces quelques données illustrent avec éloquence la forte ascendance de la langue portugaise sur les langues autochtones et laissent entrevoir une réduction préoccupante de la diversité culturelle au Brésil, résultat direct des politiques éducatives et de l’expansion des médias de communication de masse. L’étouffement des cultures autochtones pose de graves problèmes de survie jusque dans les réserves où la culture des colonisateurs se superpose aux pratiques et aux croyances ancestrales, plus de cinq cents ans après la « découverte-conquête ».
Au Mato Grosso du Sud, qui se classe au deuxième rang des vingt-six États brésiliens par sa population autochtone (77 025 individus) – loin derrière l’Amazonie où l’on en dénombre 183 514 – quatre Autochtones sur cinq vivent sur des terres délimitées par l’État fédéral, dont l’étendue a été drastiquement réduite pour assouvir les exigences d’une agriculture et d’un élevage à grande échelle, en constante expansion depuis la fin du 19e siècle. Il en résulte des conflits permanents et des problèmes sociaux exacerbés, dont un taux élevé de suicides chez les adolescents qui se voient dépouillés de leur identité culturelle et privés de toute perspective d’avenir. Le film du cinéaste Marco Bechis, Terra Vermelha (La terre des hommes rouges, 2008), célébré par la critique, trace un portrait fidèle des conséquences dramatiques de l’assimilation forcée et dénonce la violence à laquelle sont soumis les Autochtones au Mato Grosso du Sud. La réalité a rejoint la fiction lorsque l’acteur principal du film Ambrósio Vilhalva (incarnant le leader du Guarani-Kaiowá) a été exécuté par les grands propriétaires terriens. Or, dans la réalité, Ambrósio Vilhalva a également été assassiné à coups de couteau en route vers sa résidence au Mato Grosso du Sud, le 1er décembre 2013.
L’État brésilien s’est historiquement toujours servi de l’école comme instrument d’assimilation des peuples indigènes, d’abord et avant tout par l’imposition d’un enseignement en langue portugaise et par des programmes aux contenus disciplinaires ethnocentriques. Un changement majeur est intervenu en 1988, lors de l’adoption par le Congrès national d’une Constitution qualifiée de « citoyenne » en raison de ses nombreux articles à caractère social. La légitimité de l’enseignement en langues indigènes y a été reconnue ainsi que l’importance des cultures et savoirs traditionnels dans l’éducation des jeunes autochtones. Le but : promouvoir l’estime de soi, la connaissance de sa propre histoire et la recherche de solutions enracinées dans sa culture. De la parole aux actes, la distance est cependant grande et cette ouverture juridique est loin d’avoir réglé tous les problèmes.
Gaucho d’origine allemande, Antônio Jacob Brand (1949-2012), historien et éducateur, a consacré sa vie à l’étude des collectivités autochtones et à la recherche de solutions aux problèmes auxquels ils sont confrontés. Il a multiplié les efforts pour renverser le processus de désagrégation sociale et culturelle qui affecte les différents peuples autochtones du Mato Grosso du Sud, en particulier les Kaiowá-Guarani et les Terena, deux ethnies parmi les plus populeuses du Brésil.
Dans le cadre d’une institution salésienne, l’Université Catholique Don Bosco (UCDB), Antônio Brand a mis sur pied une structure efficace d’enseignement, de recherche et de service à la communauté dédiée à la sauvegarde de l’histoire, de la culture et du savoir traditionnel des Kaiowá-Guarani.
Au milieu des années 1990, il a créé un programme interculturel dédié à la poursuite d’activités de recherche, d’enseignement et de service privilégiant des thèmes comme :
La conception et la réalisation des projets impliquent la participation active d’étudiants autochtones et non autochtones.
Au cours des vingt dernières années, les actions entreprises ont permis :
La construction de barrages pour la pisciculture et les loisirs, la plantation d’arbres fruitiers, l’élevage de petits animaux ou encore la stimulation de la production artisanale comptent au rang des réalisations des groupes dirigés par Antônio Brand. Dans les écoles adjacentes, des activités éducatives arrimées à ces projets environnementaux contribuent à la formation des jeunes autochtones et à celle de leurs instituteurs, en les sensibilisant à la richesse culturelle de leur propre ethnie.
En tant que formateur de formateurs pour les écoles localisées dans les territoires autochtones, le professeur Brand a mis en pratique le principe méthodologique de l’éducateur-apprenti : la connaissance tacite et diffuse maîtrisée par les membres d’une communauté doit être explicitée, systématisée et intégrée aux pratiques pédagogiques dans le cadre de l’école interculturelle. Le savoir ainsi produit pourra être partagé avec d’autres communautés par voie de publications, de monographies, de dissertations, de sites web ou toute autre activité d’échanges. Convaincu de leur valeur, l’éducateur-apprenti intègre ces formes de savoir aux disciplines académiques dans ses cours et séminaires de premier cycle et d’études avancées, alimentant ainsi un processus perpétuel d’enseignement-apprentissage et encourageant la réalisation de projets de développement systémique des collectivités concernées.
Les convictions de l’éducateur-apprenti Antônio Brand l’ont aussi amené à se battre sur le terrain politique, parfois au risque de sa propre vie. Par-delà ses interventions en faveur des Autochtones auprès des pouvoirs publics, il a appuyé concrètement la reprise en main de territoires ancestraux expropriés.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, juin 2014
RECAP – The apprentice-educator is convinced of the value of knowledge and expertise built informally by members of a community. While avoiding the exclusive position of knowledge keeper, he promotes a mutually respectful exchange of skills from each of the partners while contributing to the learning of everyone, and the preservation of the cultural wealth of nations. In his relationship with Aboriginal Kaiowá -Guarani in Brazil – which face similar difficulties and experiences as Aboriginal Canadians – Antônio Brand deeply embodied this attitude on a daily basis and devoted his life to his education projects and systemic development. His memory deserves to be maintained and his example followed.