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Diversité, Programmes

L’école doit se réinventer

L’éducation interculturelle dans le monde des écoles canadiennes

L’arrivée de milliers d’élèves issus de l’immigration chaque année change le visage de l’école canadienne. Ce sont en effet plus de 260 000 résidents permanents qui se sont établis au Canada en 20141. Pendant la même année, le Québec a accueilli 50 275 immigrants, dont près de 20 % avaient moins de 15 ans2. Cette diversité se reflète dans les écoles primaires et secondaires, qui reçoivent un nombre important d’immigrants chaque année. L’école constitue ainsi le reflet de notre société diversifiée, un espace au sein duquel l’ensemble des élèves apprennent à vivre ensemble.

L’école doit se réinventer afin d’intégrer ces nouveaux venus et s’ouvrir sur un monde de plus en plus diversifié. Cela amène des changements pédagogiques importants qui concernent tous les enseignants. Il s’agit en effet d’une part d’outiller les nouveaux arrivants afin qu’ils s’intègrent à leur nouveau milieu de vie, et d’autre part de susciter l’ouverture à la diversité et le rapprochement culturel chez tous les élèves, qu’ils soient issus ou non de l’immigration. L’intégration est un processus bidirectionnel qui exige une adaptation de la part de l’élève nouvellement arrivé ainsi qu’une ouverture à la diversité et la mise en place d’un environnement favorable à son développement et à son apprentissage. Dans un tel environnement plurilingue et pluriculturel, l’éducation interculturelle peut constituer un des éléments de réussite pour la prise en compte de la diversité.

L’éducation interculturelle «désigne toute démarche éducative visant à faire prendre conscience de la diversité, particulièrement ethnoculturelle, qui caractérise le tissu social et à développer une compétence à communiquer avec des personnes aux référents divers, de même que des attitudes d’ouverture, de tolérance et de solidarité»3. Elle permet de susciter la rencontre interculturelle, de favoriser le savoir-vivre ensemble et ainsi de développer, chez les élèves, une véritable compétence interculturelle. Cette compétence comprend entre autres des savoirs (ex. des connaissances sur les autres langues et cultures), des savoir-faire (ex. des comportements à adopter selon différentes situations) et des savoir-être (ex. des attitudes à mettre de l’avant en contact avec la diversité)4. Pour les enseignants, favoriser le développement d’une telle compétence chez les élèves peut se concrétiser par différentes activités ou projets, qui concernent autant la prise en compte de la diversité au sein même de la classe qu’à l’extérieur de ses murs.

Plus de 260 000 résidents permanents se sont établis au Canada en 2014.

Suggestions pour favoriser le développement de la compétence interculturelle

D’abord, la reconnaissance de la langue et de la culture d’origine des élèves constitue le point de départ afin de diminuer, notamment, l’insécurité linguistique et le sentiment de discrimination5. Il est donc primordial que les enseignants créent des activités pédagogiques permettant de mettre en valeur les langues parlées par leurs élèves et les différentes expériences culturelles qu’ils portent. À cette fin, les activités d’éveil aux langues (voir par exemple www.elodil.umontreal.ca), qui visent notamment l’ouverture à la diversité linguistique et le transfert des habiletés linguistiques des élèves, sont particulièrement indiquées. Les enseignants pourront aussi se référer au Manuel de communication interculturelle Miroirs et fenêtres6, publié gratuitement en ligne par le Centre européen pour les langues vivantes. Ce dispositif comprend des unités permettant aux élèves de réfléchir sur les savoir-faire et les savoir-être propres à leur culture, de les sensibiliser à d’autres comportements et valeurs et de susciter la discussion par rapport à ces éléments. Il semble nécessaire ici de souligner le fait que les activités de réflexion, de comparaison, de discussion entre les langues et cultures sont à préconiser.

De plus, il apparaît important d’organiser des activités et des projets axés sur la rencontre et l’interaction entre les élèves nouvellement arrivés et les autres afin de réduire les incompréhensions respectives et la distance entre les deux groupes7. Cela permet entre autres aux élèves nouvellement arrivés de participer à des interactions significatives dans le cadre de leur apprentissage de la langue de la société d’accueil8 et à l’ensemble des élèves de développer une compréhension mutuelle. La mise en place d’un mentorat entre un élève nouvellement arrivé et un élève plus expérimenté peut aussi s’avérer efficace pour faciliter l’intégration du premier et développer, chez les deux élèves, des attitudes d’ouverture à l’autre et d’empathie.

En outre, la communauté scolaire peut ouvrir ses murs pour aller explorer le milieu multiculturel hors de l’école, ou encore, en quelques clics, être en contact avec l’environnement du web. Dans plusieurs milieux, la diversité culturelle, en plus de se retrouver dans la classe par les profils diversifiés des élèves, est littéralement présente au coin de la rue, avec des gens de toutes origines culturelles qui participent à la vitalité canadienne. Des projets de mise en relation avec ces gens issus de différentes communautés culturelles, tels l’élaboration d’un rallye dans les commerces multiethniques du quartier, la visite d’une maison de la culture ou encore la venue, dans la classe, d’immigrants venant expliquer leur parcours d’intégration, sont autant d’exemples qui permettent aux élèves d’être en contact avec les réalités de la société canadienne d’aujourd’hui. De même, des jumelages virtuels à l’aide des technologies de l’information (skype, courriel), entre des classes provenant de différents milieux, provinces ou pays, sont des dispositifs de rencontre qui permettent de susciter des occasions pour favoriser l’ouverture à la diversité.

Conclusion

L’école d’aujourd’hui est ouverte sur le monde, dynamique et se propose de former de véritables locuteurs interculturels. Les changements sociaux vécus par la société canadienne avec l’arrivée de nouveaux arrivants se doivent d’être légitimés et mis de l’avant de différentes façons en éducation. Par la sensibilisation des enseignants à l’importance de l’éducation interculturelle, nous estimons que les élèves seront mieux outillés pour évoluer dans leur milieu, un milieu préconisant les échanges avec différentes langues et cultures et visant à former les citoyens d’un monde global.

Recap: This article examines the importance of intercultural education in a pluralistic Canadian society that welcomes thousands of new immigrants to its education systems each year. This transformation of the student population must be accompanied by teacher-led initiatives to promote the development of intercultural competence among the students growing up in this multicultural environment. The author begins by examining the concepts of integration, intercultural education and intercultural competence. She then presents suggestions to help teachers make intercultural education a classroom reality.


Photo: Christopher Futcher (iStock)

Première publication dans Éducation Canada, décembre 2015

1 Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration du Canada (2015). Statistiques sur les résidents permanents – 2014. En ligne. www.cic.gc.ca/francais/ressources/statistiques/index.asp

2 Ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (2015). Bulletin statistique pour l’immigration permanente au Québec – 4e trimestre et année 2014. En ligne.www.midi.gouv.qc.ca/publications/fr/recherches-statistiques/BulletinStatistique-2014trimestre4-ImmigrationQuebec.pdf 

3 MEQ (1998). Une école d’avenir. Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle. Québec : Gouvernement du Québec, p.2. 

4 Lussier, D. (2009). Enseigner et évaluer la «compétence de communication interculturelle» enjeux et complémentarité. Le langage et l’homme, Revue de didactique du français,44(2), 145-155.

5 Armand, F. Dagenais, D. Nicollin, L. (2008) «La dimension linguistique des enjeux interculturels : de l’Éveil aux langues à l’éducation plurilingue» Dans Mc Andrew, M (dir.), «Rapport ethniques et éducation : perspectives nationale et internationale», Revue Éducation et Francophonie, XXXVl(1), 44-64.

6 Hubert-Kriegler, M., Lázár, I. et Strange, J. (2005). Miroirs et fenêtres – Manuel de communication interculturelle. Graz : Éditions du Conseil de l’Europe, Centre européen pour les langues vivantes. En ligne. http://archive.ecml.at/documents/pub123aF2005_HuberKriegler.pdf

7 Steinbach, M. (2009). L’intégration socioscolaire des élèves néo-canadiens hors de Montréal. Vie Pédagogique, 152. En ligne. www.mels.gouv.qc.ca/sections/viepedagogique/152/ 

8 Allen, D. (2006). Who’s in and who’s out? Language and the integration of new immigrant youth in Quebec. International Journal of Inclusive Education, 10(2-3), 251-263.

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Valérie Amireault

Valérie Amireault

Professeure-chercheuse, Université du Québec à Montréal

Valérie Amireault, Ph.D., est professeure à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Depuis 2014, elle est membre du Centre de recherche en immigration, ethnicité et citoyenneté (CRIEC).

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