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Apprentissage autochtone, Design technopédagogique, Programmes

Place à l’innovation et à la création!

Pour contrer le décrochage scolaire

Intervenant volontaire au sein de communautés autochtones dans le domaine des communications, technopédagogue et membre du conseil des gouverneurs du projet Wapikonimobile, je suis particulièrement préoccupé par le phénomène du décrochage scolaire et fortement intéressé par toutes les stratégies de raccrochage où rayonnent l’innovation et la création.

Finissons-en avec les statistiques

Les derniers chiffres provenant de la Faculté d’éducation de l’UQÀM démontrent qu’entre 70 et 92 % des jeunes autochtones décrochent avant la fin du parcours secondaire. Ces données s’appliquent au Québec et sont sensiblement les mêmes dans le reste du Canada. C’est donc dire qu’il nous faut 92 % d’imagination et d’innovation pour appuyer les efforts des administrations scolaires autochtones qui font du raccrochage scolaire une priorité.

Quand un jeune n’a plus d’avenir, que sa communauté n’a pas de territoire permettant un développement économique et durable, quand il voit sa famille et ses amis exilés dans les villes vivre une véritable perdition culturelle, disons que la motivation en prend pour son rhume! Malgré tout, on s’organise, on prend les moyens du bord, on se donne des objectifs à long terme, on parvient tant bien que mal à se sortir la tête de l’eau. Mais la situation demeure difficile et il ne leur manque que votre collaboration, votre compréhension et votre goût de faire le premier pas. Toutes les raisons historiques nous gênent, soit! Mais, l’aventure de la coopération en vaut vraiment le coût!

Wemotaci, communauté atikamekw de la Haute Mauricie, au Québec

Dans cette communauté de la Haute-Mauricie, le taux de natalité est de 4,3 enfants par famille et la moyenne d’âge oscille sous les 25 ans[1]. La grande majorité des jeunes parents n’ont pas complété leur secondaire. Cette situation nous amène à reconsidérer les programmes en cours, à faire une plus grande place à la formation des adultes. Voilà qui devrait constituer une piste de coopération intéressante pour le secteur de l’enseignement à distance, non? Le jeune conseil de Wemotaci, le plus jeune au Canada, vise le développement des compétences locales pour répondre à ses besoins dans des domaines aussi variés que :

  • L’éducation;
  • La santé et les services sociaux;
  • Le développement des infrastructures et de l’habitation;
  • L’administration;
  • Et enfin, le rayonnement culturel par la promotion des arts traditionnels.

Lors d’états généraux tenus à Wemotaci en février dernier, il a été affirmé que l’éducation est en tête des priorités de cette communauté et qu’il faut, à court terme, déployer des efforts d’accompagnement des jeunes, du préscolaire au secondaire. Il est convenu que l’école doit s’aligner sur les projets de développement proposés par la communauté et son conseil dans un contexte de développement durable. Les sciences et les technologies sont au cœur de cet alignement. Il est important que les jeunes parcourent le territoire dans une perspective de découverte de sa biodiversité. L’appui à la formation des maîtres atikamekw, dans un horizon de dix ans, permettrait d’accroître le nombre d’intervenants en milieu scolaire originaires des trois communautés que sont Wemotaci, Manawan et Obedjiwan.

Le projet Wapikonimobile : un bel exemple de coopération institutionnelle

Nous savons que la coopération institutionnelle est difficile à atteindre. Mais des expériences de partenariat venant tantôt d’organismes, tantôt d’individus, portent fruit. C’est le cas du projet Wapikonimobile, qui célébrera en juin ses dix années d’intervention en territoires autochtones d’ici et dans plusieurs pays d’Amérique latine. Parmi les objectifs du projet[2] je retiens ceux-ci :

  • Réduire le taux de suicide, l’isolement, le décrochage scolaire, les dépendances et la criminalité;
  • Développer des compétences artistiques, sociales et professionnelles par la maîtrise d’outils technologiques liés à l’audiovisuel et à la musique;
  • Créer des ponts et favoriser la rencontre et les échanges culturels entre Premières Nations et allochtones : 21 communautés de 8 nations ont été visitées à ce jour.

Il y a plus de 2 500 jeunes formés ou initiés au cinéma documentaire ou à l’enregistrement musical depuis ses débuts. On y retrouve une collection unique au monde de près de 600 films et 400 musiques : une contribution exceptionnelle au patrimoine culturel des Premières Nations. Ce qui fait la particularité de ce projet, c’est l’implication de dizaines de jeunes formateurs et accompagnateurs, la plupart diplômés de nos universités et institutions d’enseignement professionnel, qui parcourent le Québec avec des roulottes pour séjourner entre trois et quatre semaines dans ces communautés. C’est l’aventure du partenariat culturel. Nombre de jeunes participants autochtones y trouvent la motivation nécessaire pour retourner à l’école, essentiellement dans les programmes pour adultes. D’autres tentent l’aventure de la formation postsecondaire à l’Institution Kiuna, situé à Odanak[3]. Cet institut est le fruit d’un partenariat collégial et du Conseil en Éducation des Premières Nations[4]. Des gens à connaître!

Partenaire du projet Wapikonimobile depuis bientôt cinq années, l’UQÀM offre des ateliers annuels de perfectionnement en postproduction et création de films d’animation. Heureux de cette semaine de travail et de création, de jeunes autochtones retournent dans leurs communautés avec des unités d’apprentissage reconnus par le service de formation continue. D’autres pistes de partenariat à la formation et à la recherche permettent également de mieux répondre aux besoins exprimés par les communautés autochtones. À titre de répondant, mentor et formateur volontaire dans le cadre de programmes de développement des compétences dans le secteur des technologies de communication, de la radio et des communications au service du développement, je réalise que mon rôle me permet d’exercer une influence auprès d’eux. En effet, je fais de la veille technologique et stratégique dans le secteur des sciences et des technologies en plus d’être ami Facebook de l’école secondaire Nikanik de Wemotaci.

La grande majorité des jeunes parents n’ont pas complété leur secondaire.

Tous les moyens sont bons quand on opte pour la collaboration, qu’il s’agisse d’envoi de textes, de sites dédiés à la formation ou de programmes innovateurs de formation. Je vous invite à tenter l’aventure. Tous les jeunes professeurs, y compris ceux des communautés autochtones, ont besoin d’un coup de main. Que vous soyez professeurs, administrateurs ou membres du personnel administratif, la coopération avec les Premières Nations nous fait grandir. Les expériences de coopération par les pairs sont les plus concluantes. Vous y découvrirez des communautés accueillantes qui accepteront d’emblée votre aide et vous donneront accès, en échange, à leur culture et à leur légendaire hospitalité. Il faut passer outre l’histoire de nos relations ambiguës avec les Premières Nations. Ce que souhaitent les jeunes communautés, c’est de se tourner vers l’avenir tout en respectant le legs des aînés, leur culture et un territoire imaginaire, à défaut d’un territoire réel sur lequel bâtir un avenir pour les générations futures. À nous l’aventure!

Références intéressantes

Mythes et réalités sur les peuples autochtoneshttp://www.cdpdj.qc.ca/publications/Mythes-Realites.pdf À lire et à enseigner à nos jeunes.

L’indien malcommode de Thomas King, aux éditions Boréal, 2014 Écrit avec humour et vérité par ce grand intellectuel autochtone canadien.

 

Photo incluse avec permission du Saskatchewan School Boards Association

Première publication dans Éducation Canada, juin 2014


RECAP – Although the reasons why Aboriginal youth drop out of school are similar to those of young people living in disadvantaged areas of our largest cities, their low rate of graduation remains a persistent challenge for most Aboriginal communities in Canada. Clearly, we must establish innovation and cooperation, using both formal and informal educational practices, when developing interventions for this growing youth clientele. The Wapikonimobile project, which provides communication and creativity experiences that generate hope, is a case in point. We must not neglect the institutional cooperation and assistance that we can provide young Aboriginal and non-Aboriginal teachers in a spirit of peer helpers. In an era of collaborative networking in education, this project brings us hope.


[1] Statistique Canada 2008.

[2] www.wapikonimobile.ca

[3] www.kiuna-college.com

[4] www.cepn-fnec.com

Apprenez-en plus sur

Guy Gendron

Guy Gendron est intervenant volontaire au sein de communautés autochtones dans le domaine des communications, technopédagogue à l’UQÀM et membre du conseil des gouverneurs du projet Wapikonimobile.

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