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Engagement, Programmes

Le pouvoir de la parole

Pour faire changer les choses

Les élèves des niveaux secondaires ont-ils la chance de partager leurs opinions, de faire preuve d’esprit critique, de prendre des risques pour exprimer leurs idées ou d’initier des changements dans leur communauté scolaire? Il est possible que oui, mais encore faut-il leur en donner l’occasion.

Les élèves des niveaux secondaires ont-ils la chance de partager leurs opinions, de faire preuve d’esprit critique, de prendre des risques pour exprimer leurs idées ou d’initier des changements dans leur communauté scolaire? Il est possible que oui, mais encore faut-il leur en donner l’occasion.

Au début des années 2000, le contenu des bibliothèques scolaires et des salles de classe des écoles intermédiaires et secondaires de l’Île-du-Prince-Édouard devaient être renouvelées. Les livres qui s’y trouvaient avaient perdu de leur fraîcheur et les goûts des lecteurs semblaient ne plus y être représentés compte tenu du peu d’emprunts que les élèves faisaient.

Durant ces mêmes années, les provinces atlantiques vivaient un renouveau de la lecture dans la classe par le développement de la littératie dans les écoles primaires et élémentaires. Grâce à elle, la lecture reprenait des ailes en s’affichant désormais comme une source de construction de sens, de plaisir et d’évasion plutôt qu’une corvée dont on doit s’affranchir.

En exploitant cette nouvelle vision et pour satisfaire la demande et les besoins des écoles, il fallait donc d’abord connaître les goûts du public auquel les livres étaient destinés. Aucune liste n’existait. Quelques recherches avaient été menées sur la relation des adolescents avec la lecture, mais celles-ci avaient principalement conduit à des observations sur les difficultés que les jeunes rencontraient face aux textes, sans mentionner leurs goûts en lecture.

Comme la demande touchait toutes les classes en français, une mise en commun d’idées de plusieurs spécialistes du curriculum s’ensuivit et il fut conclu qu’avant de remettre à jour le contenu des étagères, une enquête auprès des élèves s’imposait.

Munis d’une sélection d’une quarantaine de titres dans des genres variés et d’une fiche d’évaluation destinée aux élèves pour partager leur point de vue, les spécialistes furent accueillis à bras ouverts dans les classes. Grâce à ce projet qui s’échelonna sur plus de deux ans et au professionnalisme des quelque mille deux cents élèves qui s’engagèrent avec sérieux et honnêteté dans la tâche, de nombreux titres furent sélectionnés de la 7e à la 12e année. Comme il l’était souhaité, ceux-ci permirent de rallumer l’intérêt pour la lecture dans les classes et les bibliothèques.

Il est évident que les élèves ne s’étaient pas spontanément portés volontaires pour participer à ce projet, mais une fois approchés, ils avaient su prouver qu’ils pouvaient contribuer à améliorer leur environnement pour le bien de la communauté s’ils en avaient la chance.

Le projet en lecture visait directement leurs intérêts, mais si on leur avait demandé quelles améliorations ils auraient voulu voir dans leurs écoles, auraient-ils ciblé le contenu des bibliothèques ou les textes de classes? Et une fois cette opinion partagée, que serait-elle devenue? Aurait-elle mené à des changements?

Solicités par des sujets personnels, les élèves semblent très à l’aise de parler de leurs goûts ou de leurs passions en public; de fait, les échantillons recueillis chaque année par des associations nationales comme l’Association Canadienne des Professeurs d’Immersion (ou ACPI) grâce au concours Immersion Clip prouvent que les adolescents ont des pouvoirs créatifs et des idées1 tout à fait personnelles. De même, le concours d’art oratoire de Canadian Parents for French (CPF) fournit une plate-forme d’expression aux élèves. Dans ces deux exemples, les productions sont d’une grande qualité et les efforts des gagnants sont récompensés par des prix prestigieux offerts par de grandes universités canadiennes.

Les élèves des niveaux secondaires n’ont peut-être pas la chance de partager leurs opinions spontanément.

Ces initiatives nationales sont nécessaires et donnent la chance aux jeunes de s’affirmer dans des domaines uniques à travers le pays. Cependant, si ces évènements en inspirent plusieurs, elles ne peuvent correspondre aux goûts de tous. De plus, elles ciblent des talents étroitement liés à la communication et leur but n’est pas d’avoir un impact direct sur la vie scolaire ou le bien de la communauté estudiantine.

Alors comment faire? Pour atteindre le niveau national, la voix des élèves doit d’abord se faire entendre là où elle peut se développer, dans la classe, et si possible, dans l’école. Tous les élèves ont quelque chose à dire et peuvent apporter une contribution intéressante, encore faut-il leur demander ce qui les préoccupe. On peut leur suggérer des initiatives comme celle des bibliothèques, mais est-ce tout ce qui les préoccupe? En les rencontrant dans leur milieu et en leur posant la question de ce qu’ils voudraient changer dans l’école, on réalise que leurs attentes sont bien terre à terre et remplies de bon sens et que leurs rêves sont bien ancrés dans la réalité. Voir quelques exemples dans le tableau ci-dessous.

Non, les élèves des niveaux secondaires n’ont peut-être pas la chance de partager leurs opinions spontanément, mais ils ne demandent qu’à exercer leur esprit critique et leur prise de risque pour exprimer leurs idées et initier des changements dans leur communauté scolaire, si des oreilles bienveillantes sont là pour les écouter. Alors que leurs paroles sont pleines de sagesse, ils ne semblent pas savoir où et quand les adresser; tout ce dont ils ont besoin est une plate-forme pour s’exprimer. En bénéficiant d’occasions qui leur sont réservées, ils pourront accéder non seulement au plaisir de dire ce qu’ils pensent, mais aussi au pouvoir de voir des choses élémentaires mais essentielles changer autour d’eux, pour eux et grâce à eux. Un bon début pour de futurs citoyens et peut-être une nouvelle raison d’exister pour les conseils étudiants.

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Recap: On Prince Edward Island in the early 2000s, intermediate and high school classrooms and the content of school libraries were due for renewal. Students were asked to contribute to the improvement of their environment with the aim of sparking renewed interest in reading. Some 1200 students set themselves to the task seriously and honestly. This article reveals that, when asked about personal subjects, students are very willing to talk about their tastes and interests in public and to share their opinions to bring about change – provided that adults are ready to listen.

Photo : iStock

Première publication dans Éducation Canada, décembre 2016


1  http://www.acpi.ca/concours/immersion-clip

Apprenez-en plus sur

Christine Thibaudier-Ness

Christine Thibaudier-Ness est spécialiste du curriculum en immersion française et en sciences humaines de la 7e à la 12e année, au Ministère de l’éducation, de la petite enfance et de la culture de l’Île-du-Prince-Édouard.

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