Au Québec, vers la fin des années 1990, le ministère de l’Éducation a lancé un mouvement destiné à revoir de fond en comble les paramètres de l’apprentissage et de l’enseignement en classe. L’objectif consistait à renouveler les conditions, les structures et les contenus d’évaluation de l’apprentissage et, ultimement, à développer des salles de classe adaptées au siècle nouveau. Vers le milieu des années 2000-2010, des idéologies politiques fondées sur des concepts traditionnels d’éducation ont été introduites; des mesures de reddition de compte et des tests normalisés ont commencé à s’infiltrer dans le curriculum. À la fin de la première décennie du XXIe siècle, la « réforme » (ou le « renouveau pédagogique ») n’était plus qu’une ombre du concept original.
Le programme comportait alors des problèmes évidents de mise en œuvre et de stratégies de communication. L’absence de cohésion et de clarté du ministère de l’Éducation quant au contenu et à la façon de procéder était frappante.
Voici donc quelques précieuses leçons que nous pouvons tirer de cette expérience.
1. Avant d’entreprendre une réforme d’envergure, les critères d’évaluation doivent être clairement établis et bien compris par tous les éducateurs faisant partie du système.
2. Des documents de communication rédigés à l’intention des parents, dans un langage dépourvu du jargon trop souvent utilisé dans le milieu de l’éducation, doivent être transmis avant la mise en œuvre de la réforme.
3. Les préalables universitaires et collégiaux (CÉGEP) doivent être complètement revus puisqu’une réforme majeure du système de la maternelle à la fin du secondaire ne peut être entreprise sans revoir également les niveaux d’études supérieures.
4. Pendant une période d’au moins cinq ans, la réforme doit être mise en œuvre « sans altération », c’est-à-dire sans subir l’infiltration constante de questions ou d’idéologies extrinsèques engendrant de l’instabilité dans les salles de classe.
5. Des cours de perfectionnement professionnel portant sur les nouvelles approches pédagogiques doivent être offerts au moins 12 mois avant l’instauration du nouveau curriculum afin de former et de préparer le mieux possible le personnel enseignant.
6. Un comité directeur (d’au plus 15 personnes) doté d’un mandat ferme de cinq ans et composé d’éducateurs (enseignants, directions d’école, hors cadres), d’experts en communication et de parents, doit être mandaté pour faire face aux défis et pour vraiment diriger l’initiative.
Ce n’est certes pas en utilisant d’anciens modèles de perfectionnement professionnel et de vieux outils pédagogiques que nous pourrons vraiment créer de nouveaux modèles stimulants d’enseignement et d’apprentissage. Quant aux technologies, elles peuvent – et devraient – avoir un impact positif marqué, surtout si elles ne servent pas uniquement à reproduire les modèles existants d’enseignement et d’apprentissage.
En 1997, la ministre de l’Éducation indiquait que la réforme au Québec visait trois choses : le succès, la qualité et l’efficacité. Pour atteindre ces objectifs, il fallait prévoir une nouvelle répartition des pouvoirs et des bouleversements importants dans les façons de faire.
Sur le plan de la répartition des pouvoirs, on peut conclure, avec le recul, que la création des conseils d’établissement dans chaque établissement scolaire est un gain intéressant pour la démocratie scolaire participative. Pour les parents et le personnel, il est un lieu pour faire valoir leur point de vue et prendre des décisions assurant la bonne marche de l’établissement. Au fil du temps, cette structure s’est cependant vu octroyer graduellement plus de responsabilités, à tel point qu’il devient de plus en plus complexe pour les personnes représentantes de jouer leur rôle efficacement. En ce sens, le mouvement de décentralisation vers les établissements scolaires a peut-être trouvé sa limite.
Par ailleurs, la réforme a effectivement été l’occasion de bouleversements importants causant une forte polarisation des acteurs éducatifs. Parmi les principales critiques envers cette réforme, on note le rythme trop rapide de son implantation, le non-redoublement au primaire, la disparition des classes de cheminement particulier au secondaire et l’évaluation des compétences transversales. Après bien des hésitations, le gouvernement a fini par lâcher du lest sur ces aspects pour faire baisser les tensions dans le milieu scolaire. Par exemple, on redonnera au milieu scolaire la possibilité de faire redoubler un élève à la fin de tous les cycles du primaire et non pas seulement à la fin du primaire.
Le gouvernement s’est progressivement distancé de cette réforme en tentant de reléguer aux oubliettes ses aspects plus controversés comme l’évaluation des compétences transversales ou le débat sur la place des connaissances dans l’évaluation des compétences. Plus encore, à partir de 2007, on constate que la ministre de l’Éducation commence à indiquer plus ou moins ouvertement qu’elle s’inquiète que la réforme ne permette pas de faire réussir plus d’élèves. Les faits semblent lui donner raison, car après dix ans, il y a à peine un peu plus d’élèves qui réussissent à obtenir un premier diplôme ou une première qualification.
La réforme de l’éducation avait deux finalités : remettre l’école sur ses rails en matière d’égalité des chances afin d’assurer la réussite éducative de tous et rehausser le niveau culturel du curriculum de l’enseignement de base. Tout ce qui fut envisagé n’a pas été accompli, mais certaines actions méritent d’être soulignées.
Ainsi, l’extension de l’éducation préscolaire à 5 ans à plein temps, les maternelles 4 ans en milieu défavorisé, la réduction du nombre d’élèves par classes en début de scolarité, le Programme de soutien à l’école montréalaise, Agir Autrement, expriment la conception de la justice scolaire des réformateurs. Le non redoublement et le cycle d’apprentissage, dont la portée a été réduite, vont dans le même sens. Au secondaire, les réformateurs désiraient mettre un terme aux pratiques sélectives des écoles publiques et revoir le statut de l’enseignement privé. A cet égard, un geste politique était requis ; il se limita à encourager les écoles privées à accueillir davantage d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (ÉHDAA).
À l’encontre de la peur du nivellement par le bas, cette conception de la justice scolaire allait de pair avec une conception exigeante de la culture transmise par l’école. C’est le sens du titre du rapport Inchauspé :Réaffirmer l’école. Cela a signifié une insistance sur l’enseignement des matières essentielles, dont le français écrit et les mathématiques, et l’introduction d’une perspective culturelle dans toutes les matières. Ainsi, la mission d’instruction se voulait renforcée. Toutefois, le débat sur les compétences transversales et le glissement de la réforme du curriculum au renouveau pédagogique ont éclipsé cette visée présente dans les programmes adoptés.
En matière de stratégie d’implantation, la réforme s’est heurtée à trois nœuds : le premier porte sur l’évaluation des compétences et à la forme du bulletin; le second oppose le professionnalisme collectif des enseignants à l’État-Pédagogue qui prescrit dans le détail le travail d’un enseignant technicien; le troisième oppose le socioconstructivisme, l’apprentissage autorégulé et les situations complexes, à l’enseignement structuré, la pédagogie de la maîtrise et les situations simples. Ces nœuds structurent l’identité professionnelle des enseignants. Ils exigent une mise en œuvre de la réforme mieux comprise et négociée avec les enseignants et les parents. Ils doivent être ramenés à leur dimension propre.
Le pari de la réforme était d’institutionnaliser une école juste et exigeante. Il demeure valable. Dans son prochain rapport sur l’État et les Besoins de l’Éducation, le CSE fera le bilan de cette réforme.
La Réforme de l’éducation signifiait un changement de culture important, une modification significative des méthodes d’enseignement de manière à favoriser notamment ceux et celles qui n’étaient pas facilement rejoints par l’enseignement traditionnel. Loin de nous l’idée de nous poser en expert en pédagogie, aussi nous parlerons davantage de ce que nous avons perçu.
Les bienfaits et les forces de la Réforme ont été balayés par une gestion approximative et maladroite des communications, notamment par le gouvernement, porteur du dossier. Quand on veut implanter un programme, il vaut mieux se donner le temps, les moyens et les outils pour le faire. Or, si noble l’objectif eut-il pu être, il n’a pas été possible d’en apprécier les effets à leur juste valeur.
Trop de questions sans réponses, et beaucoup de pression dans l’espace public, si bien que le message principal s’en est trouvé brouillé. Comment faire, comme parent, pour s’y retrouver? Entre l’arbre et l’écorce, le parent s’est trouvé coincé entre le milieu et le gouvernement. Pendant que tous discutaient ou argumentaient, les élèves, eux, vivaient les premières heures de ce « laboratoire scolaire ».
Pourtant, nombreux sont les articles qui ont été publiés depuis plusieurs mois qui font justement état des résultats scolaires des « enfants de la Réforme ». En dépit des sombres pronostics, les résultats sont sans équivoque : au pire, les élèves sont aussi performants qu’autrefois, au mieux, les résultats sont supérieurs.
Voilà qui envoie un message pouvant semer la confusion : la Réforme ne serait pas à la hauteur, mais les élèves le sont? Que faut-il en comprendre? Et s’il fallait conclure que la Réforme portait en elle les ingrédients pour atteindre les objectifs visés, mais que le livre de cuisine n’était pas écrit suffisamment clairement pour que le milieu puisse concocter la recette aisément?
Les parents tirent un enseignement de cet épisode de l’implantation de la Réforme. Il faut se donner le temps de faire les choses et répondre aux particularités et besoins des milieux. C’est essentiel pour mener un projet aussi important à bon port. C’est aussi l’essence du message que nous portons à propos de l’enseignement intensif de l’anglais au primaire. Héritiers des expériences passées, nous avançons sans hésitation que ces conditions préalables essentielles doivent être au rendez-vous pour assurer la réussite de l’implantation d’un tel programme. Si nous retenons cela, nous n’aurons pas vécu cette période un peu trouble de l’implantation de la Réforme en vain.
Projet porteur d’innovations et de changements importants, la réforme a, en effet, produit le renouvellement attendu du curriculum. Le discours pédagogique ne sera plus jamais le même, et c’est tant mieux! Mais, en ce qui concerne les réels changements de pratiques dans l’école, il faudra patienter encore quelques années avant de crier victoire.
Pourquoi ce demi-succès? La refonte du curriculum a fait ressortir les limites de l’approche socioconstructiviste, notamment au niveau de la différentiation, des besoins des EHDAA et de l’évaluation. Aborder les problématiques par le biais d’une démarche scientifique aurait permis au milieu de l’éducation de confronter ces limites et d’y apporter des hypothèses de solution. Bien sûr, il aurait fallu que le débat soit accessible pour tous, constructif et moins polarisé.
Si la réforme n’a pas porté tous ses fruits, c’est à cause d’un programme d’implantation mal ficelé, d’une stratégie en constante mouvance et d’un manque de leadership de la part des paliers supérieurs du réseau. Un langage hermétique, trop de forces négatives et pas assez de propos nuancés. Conséquemment, les directions d’école ont peiné à mobiliser leurs équipes autour de concepts faisant l’objet de telles polémiques, surtout au secondaire.
De plus, des éléments de contexte sont venus contaminer la démarche. Voulant, à juste titre, s’éloigner du modèle d’enseignement skinérien inspiré par l’approche industrielle, on a priorisé les facultés de haut niveau et la dimension transversale des apprentissages. Paradoxalement, on a introduit l’approche de « gestion axée sur les résultats (GAR) », en ramenant les indicateurs chiffrés, les moyennes de groupe et la réussite en terme de note à l’examen, dichotomie douloureusement démontrée lors du débat sur le bulletin. Une réforme adéquate des pratiques de gestion et de gouvernance aurait soutenu l’implantation des changements pédagogiques souhaités. Or, les tenants des modèles traditionnels, les enjeux politiques, les pressions de groupes d’intérêt, l’insécurité inhérente aux grands changements structurels et le renouvellement massif du personnel de direction auront eu gain de cause et forcé le statu quo.
Force est de reconnaître que la clé pour éviter la perte du sens initial du renouveau pédagogique se trouve dans le curriculum lui-même. À l’instar de ses auteurs, des experts du monde de l’apprentissage et de la communication, dégageons-nous du discours théorique et mettons en place des moyens d’application concrets, qui rallieront enfin les intervenants autour de la poursuite d’une réflexion pédagogique évolutive et dynamique.
À l’aube du XXIe siècle, les États généraux de l’éducation (1995) ont confirmé l’importance pour notre réseau et pour la société civile de s’adapter aux réalités d’un monde en profonde mutation. Cela, il ne faut jamais l’oublier. La réforme qui en a découlé a commandé un puissant changement, mais essentiel, de nos paradigmes relatifs à l’apprentissage avec un grand A. Un menu copieux pour des convives dont l’appétit était inégal.
Nul doute que la perception (et j’insiste sur ce mot) de la pertinence des fondements et de l’application de la réforme a été négative chez une partie de notre personnel et, plus encore, de la population, faute d’un plan efficace de communication, laissant libre cours à la ridiculisation, par exemple, du concept de l’approche par compétences, notamment des compétences transversales. D’autres ratés ont contribué à maintenir la réforme au temple des incomprises. Pensons à l’absence d’information claire relative à l’évaluation des apprentissages ainsi qu’à l’approbation tardive des manuels scolaires adaptés au nouveau programme. Des décisions politiques qui se sont succédé quant à son appellation même (la réforme est devenue le renouveau), au respect des cycles d’apprentissage, à l’accent remis sur les connaissances, à la forme d’évaluation par notes ou par cotes n’ont pas aidé à modifier la perception initiale des communautés tant civile que professionnelle et surtout pas celle des médias qui se sont fait un malin plaisir à la diaboliser.
Malgré ce funeste tableau, le réseau a su résister. Les élus scolaires ont affirmé à maintes reprises leur foi dans cette réforme tout en identifiant au fur et à mesure de son évolution les améliorations ou correctifs à apporter à cette dernière. Le personnel administratif et professionnel a fait de même et, bien sûr, la majorité des enseignants ont su démontrer un enthousiasme et beaucoup de professionnalisme dans leur engagement à la faire réussir. Ainsi, ils ont rendu signifiants les apprentissages des élèves qui, entre autres, font preuve d’ouverture sur le monde, d’une grande capacité à travailler en équipe et en multidisciplinarité. D’ailleurs, la première cohorte qui a récemment franchi les portes des collèges a fait taire de nombreux détracteurs. Voici donc une nouvelle génération inspirante et confiante en l’avenir! Tout pour donner l’impulsion à l’amélioration constante et tout pour, quand même, tirer certaines leçons d’une réforme imparfaite dans son parcours d’application, mais toujours aussi pertinente dans ses fondements.
Au Québec, la réforme d’éducation en cours vise essentiellement à améliorer la qualité des apprentissages des élèves. Or, ses fondements ont toujours fait consensus, tant auprès des théoriciens et des praticiens que des décideurs. C’est dans son application qu’il y a eu parfois dérives et dérapages. Pourtant, les visées étaient nobles : mettre l’accent sur l’essentiel, rehausser le niveau culturel des programmes d’études, introduire plus de rigueur à l’école, accorder une attention particulière à chaque élève, lui assurer les bases d’une formation continue, mettre l’organisation scolaire au service des élèves et restructurer les services à la petite enfance. Mais, que s’est-il passé depuis 15 ans entre les intentions de départ et son implantation plus ou moins réussie, selon les médias et les critiques du milieu?
Paul Inchauspé, qui a présidé le groupe de travail sur la réforme du curriculum en 1997, se penche sur cette réforme du curriculum d’études et plusieurs leaders québécois en éducation se prononcent sur son implantation jugée bien imparfaite.
Nos auteurs et mon expérience personnelle me permettent d’identifier quatre facteurs pouvant expliquer, du moins en partie, les principales dérives de la réforme survenues tout au long de son parcours :
Il y a eu beaucoup de dérision à propos de cette réforme qui était pourtant porteuse d’innovations et de changements importants. Et dire que cette même réforme plaçait l’enfant au centre des apprentissages en le rendant actif et responsable!
Toute refonte de programme devrait avoir comme corollaire prioritaire et déterminant une politique d’évaluation des apprentissages. Lorsque nous prévoyons un voyage, nous devons connaître la destination et les objectifs que nous souhaitons atteindre. Pourquoi ne pas avoir suivi cette logique dans l’implantation de la réforme québécoise? Si ses détracteurs ont quelque peu dilapidé ses orientations fondamentales, nous devons reconnaître que les enseignants ont réussi, malgré tout, à former une relève compétente, mieux outillée pour relever les défis du XXIe siècle. Bien sûr, il y a encore beaucoup de travail à faire, mais l’espoir est là. Et si cette réforme nous avait seulement permis de construire un avenir meilleur, enrichi des expériences et des acquis du passé, nous aurions déjà fait un grand pas d’innovation pédagogique, garant du succès de demain!
Plusieurs personnalités du monde de l’éducation ont accepté de répondre à cette question :
Les fondements de la réforme en éducation étaient, selon ses concepteurs, porteurs d’innovations et de changements importants. Selon vous, cette réforme a-t-elle été implantée de manière à produire les résultats escomptés?
Nous vous invitons à prendre connaissance des constats de tous ces chefs de file en éducation. À travers ces différentes analyses, nous pouvons déceler des points de convergence tant pédagogiques qu’administratifs pouvant expliquer les succès, mais aussi les possibles dérives de cette réforme.
Une réforme imparfaite dans son parcours, mais pertinente dans ses fondements
Par Josée Bouchard
À l’aube du XXIe siècle, les États généraux de l’éducation (1995) ont confirmé l’importance pour notre réseau et pour la société civile de s’adapter aux réalités d’un monde en profonde mutation. Cela, il ne faut jamais l’oublier. La réforme qui en a découlé a commandé un puissant changement, mais essentiel, de nos paradigmes relatifs à l’apprentissage avec un grand A. Un menu copieux pour des convives dont l’appétit était inégal.
Nul doute que la perception (et j’insiste sur ce mot) de la pertinence des fondements et de l’application de la réforme a été négative chez une partie de notre personnel et, plus encore, de la population, faute d’un plan efficace de communication, laissant libre cours à la ridiculisation, par exemple, du concept de l’approche par compétences, notamment des compétences transversales. D’autres ratés ont contribué à maintenir la réforme au temple des incomprises. Pensons à l’absence d’information claire relative à l’évaluation des apprentissages ainsi qu’à l’approbation tardive des manuels scolaires adaptés au nouveau programme. Des décisions politiques qui se sont succédé quant à son appellation même (la réforme est devenue le renouveau), au respect des cycles d’apprentissage, à l’accent remis sur les connaissances, à la forme d’évaluation par notes ou par cotes n’ont pas aidé à modifier la perception initiale des communautés tant civile que professionnelle et surtout pas celle des médias qui se sont fait un malin plaisir à la diaboliser.
Malgré ce funeste tableau, le réseau a su résister. Les élus scolaires ont affirmé à maintes reprises leur foi dans cette réforme tout en identifiant au fur et à mesure de son évolution les améliorations ou correctifs à apporter à cette dernière. Le personnel administratif et professionnel a fait de même et, bien sûr, la majorité des enseignants ont su démontrer un enthousiasme et beaucoup de professionnalisme dans leur engagement à la faire réussir. Ainsi, ils ont rendu signifiants les apprentissages des élèves qui, entre autres, font preuve d’ouverture sur le monde, d’une grande capacité à travailler en équipe et en multidisciplinarité. D’ailleurs, la première cohorte qui a récemment franchi les portes des collèges a fait taire de nombreux détracteurs. Voici donc une nouvelle génération inspirante et confiante en l’avenir! Tout pour donner l’impulsion à l’amélioration constante et tout pour, quand même, tirer certaines leçons d’une réforme imparfaite dans son parcours d’application, mais toujours aussi pertinente dans ses fondements.
Des leçons à tirer
Par Ron Canuel
Au Québec, vers la fin des années 1990, le ministère de l’Éducation a lancé un mouvement destiné à revoir de fond en comble les paramètres de l’apprentissage et de l’enseignement en classe. L’objectif consistait à renouveler les conditions, les structures et les contenus d’évaluation de l’apprentissage et, ultimement, à développer des salles de classe adaptées au siècle nouveau. Vers le milieu des années 2000-2010, des idéologies politiques fondées sur des concepts traditionnels d’éducation ont été introduites; des mesures de reddition de compte et des tests normalisés ont commencé à s’infiltrer dans le curriculum. À la fin de la première décennie du XXIe siècle, la « réforme » (ou le « renouveau pédagogique ») n’était plus qu’une ombre du concept original.
Le programme comportait alors des problèmes évidents de mise en œuvre et de stratégies de communication. L’absence de cohésion et de clarté du ministère de l’Éducation quant au contenu et à la façon de procéder était frappante.
Voici donc quelques précieuses leçons que nous pouvons tirer de cette expérience.
1. Avant d’entreprendre une réforme d’envergure, les critères d’évaluation doivent être clairement établis et bien compris par tous les éducateurs faisant partie du système.
2. Des documents de communication rédigés à l’intention des parents, dans un langage dépourvu du jargon trop souvent utilisé dans le milieu de l’éducation, doivent être transmis avant la mise en œuvre de la réforme.
3. Les préalables universitaires et collégiaux (CÉGEP) doivent être complètement revus puisqu’une réforme majeure du système de la maternelle à la fin du secondaire ne peut être entreprise sans revoir également les niveaux d’études supérieures.
4. Pendant une période d’au moins cinq ans, la réforme doit être mise en œuvre « sans altération », c’est-à-dire sans subir l’infiltration constante de questions ou d’idéologies extrinsèques engendrant de l’instabilité dans les salles de classe.
5. Des cours de perfectionnement professionnel portant sur les nouvelles approches pédagogiques doivent être offerts au moins 12 mois avant l’instauration du nouveau curriculum afin de former et de préparer le mieux possible le personnel enseignant.
6. Un comité directeur (d’au plus 15 personnes) doté d’un mandat ferme de cinq ans et composé d’éducateurs (enseignants, directions d’école, hors cadres), d’experts en communication et de parents, doit être mandaté pour faire face aux défis et pour vraiment diriger l’initiative.
Ce n’est certes pas en utilisant d’anciens modèles de perfectionnement professionnel et de vieux outils pédagogiques que nous pourrons vraiment créer de nouveaux modèles stimulants d’enseignement et d’apprentissage. Quant aux technologies, elles peuvent – et devraient – avoir un impact positif marqué, surtout si elles ne servent pas uniquement à reproduire les modèles existants d’enseignement et d’apprentissage.
Le pari de la réforme
Par Claude Lessard
La réforme de l’éducation avait deux finalités : remettre l’école sur ses rails en matière d’égalité des chances afin d’assurer la réussite éducative de tous et rehausser le niveau culturel du curriculum de l’enseignement de base. Tout ce qui fut envisagé n’a pas été accompli, mais certaines actions méritent d’être soulignées.
Ainsi, l’extension de l’éducation préscolaire à 5 ans à plein temps, les maternelles 4 ans en milieu défavorisé, la réduction du nombre d’élèves par classes en début de scolarité, le Programme de soutien à l’école montréalaise, Agir Autrement, expriment la conception de la justice scolaire des réformateurs. Le non redoublement et le cycle d’apprentissage, dont la portée a été réduite, vont dans le même sens. Au secondaire, les réformateurs désiraient mettre un terme aux pratiques sélectives des écoles publiques et revoir le statut de l’enseignement privé. A cet égard, un geste politique était requis ; il se limita à encourager les écoles privées à accueillir davantage d’élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (ÉHDAA).
À l’encontre de la peur du nivellement par le bas, cette conception de la justice scolaire allait de pair avec une conception exigeante de la culture transmise par l’école. C’est le sens du titre du rapport Inchauspé : Réaffirmer l’école. Cela a signifié une insistance sur l’enseignement des matières essentielles, dont le français écrit et les mathématiques, et l’introduction d’une perspective culturelle dans toutes les matières. Ainsi, la mission d’instruction se voulait renforcée. Toutefois, le débat sur les compétences transversales et le glissement de la réforme du curriculum au renouveau pédagogique ont éclipsé cette visée présente dans les programmes adoptés.
En matière de stratégie d’implantation, la réforme s’est heurtée à trois nœuds : le premier porte sur l’évaluation des compétences et à la forme du bulletin; le second oppose le professionnalisme collectif des enseignants à l’État-Pédagogue qui prescrit dans le détail le travail d’un enseignant technicien; le troisième oppose le socioconstructivisme, l’apprentissage autorégulé et les situations complexes, à l’enseignement structuré, la pédagogie de la maîtrise et les situations simples. Ces nœuds structurent l’identité professionnelle des enseignants. Ils exigent une mise en œuvre de la réforme mieux comprise et négociée avec les enseignants et les parents. Ils doivent être ramenés à leur dimension propre.
Le pari de la réforme était d’institutionnaliser une école juste et exigeante. Il demeure valable. Dans son prochain rapport sur l’État et les Besoins de l’Éducation, le CSE fera le bilan de cette réforme.
L’implantation de la réforme de l’éducation au québec, entre pertinence et mouvance!
Par Raynald Thibeault
La fonction de direction générale de commission scolaire rend possible un regard ayant une certaine perspective de ce que le Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MÉLS), les commissions scolaires et les écoles ont réussi à mettre en place en ce qui concerne la réforme. Notamment par une gestion de proximité avec les directions d’établissement.
Les nombreuses modifications qu’a subies la mise en place de la réforme ont engendré de la confusion et, notamment, pris en otage les enseignantes et enseignants qui devaient sans cesse s’ajuster, particulièrement au niveau des apprentissages.
Faut-il se rappeler que la réforme s’appuie sur l’approche par cycles et par compétences pour l’égalité des chances? L’approche par cycles devant entre autres, inciter au travail d’équipe, tenir compte du rythme d’apprentissage de chaque élève et favoriser des approches pédagogiques diversifiées. L’approche par compétences pour sa part considère que l’acquisition de connaissances conduit à la maîtrise de compétences qui permettent à un élève de devenir un citoyen accompli et en mesure d’utiliser ces compétences dans des actions concrètes.
Parlant de marge de manœuvre des enseignantes et des enseignants dans l’évaluation de leurs élèves, force est de constater que la mise en place du bulletin unique, avec des pourcentages, des pondérations associées aux étapes et des moyennes de groupe questionnent. Cette marge de manœuvre est donc largement diminuée, commande des ajustements et rend beaucoup moins grande la place que pourrait occuper leur jugement professionnel.
Confrontée à cette réalité, la réforme connaît des ratés, mais a quand même fait un bon bout de chemin qui devrait servir d’assise pour accentuer le travail de mobilisation. Il est essentiel de mettre à contribution les acteurs du milieu pour que la réforme ne devienne pas un ersatz, un simulacre de renouveau qui nous entraînerait en arrière, au grand dam des élèves. Comme les encadrements tiennent compte du fait que l’acquisition de connaissances permet de développer une compétence, on comprend qu’évaluer une compétence c’est, nécessairement, évaluer l’acquisition de connaissances.
Considérant que la réforme a tout de même fait un bon bout de chemin, il ne faut pas s’éloigner de l’objectif fondamental qui est de donner à tous les élèves une chance équitable de réussir. Je crois que c’est en ce sens que les acteurs du milieu travaillent, mais avant de crier mission accomplie, cohérence, stabilité, mobilisation et soutien doivent être au rendez-vous.
Sur le plan de la répartition des pouvoirs, on peut conclure, avec le recul, que la création des conseils d’établissement dans chaque établissement scolaire est un gain intéressant pour la démocratie scolaire participative. Pour les parents et le personnel, il est un lieu pour faire valoir leur point de vue et prendre des décisions assurant la bonne marche de l’établissement. Au fil du temps, cette structure s’est cependant vu octroyer graduellement plus de responsabilités, à tel point qu’il devient de plus en plus complexe pour les personnes représentantes de jouer leur rôle efficacement. En ce sens, le mouvement de décentralisation vers les établissements scolaires a peut-être trouvé sa limite.
Par ailleurs, la réforme a effectivement été l’occasion de bouleversements importants causant une forte polarisation des acteurs éducatifs. Parmi les principales critiques envers cette réforme, on note le rythme trop rapide de son implantation, le non-redoublement au primaire, la disparition des classes de cheminement particulier au secondaire et l’évaluation des compétences transversales. Après bien des hésitations, le gouvernement a fini par lâcher du lest sur ces aspects pour faire baisser les tensions dans le milieu scolaire. Par exemple, on redonnera au milieu scolaire la possibilité de faire redoubler un élève à la fin de tous les cycles du primaire et non pas seulement à la fin du primaire.
Le gouvernement s’est progressivement distancé de cette réforme en tentant de reléguer aux oubliettes ses aspects plus controversés comme l’évaluation des compétences transversales ou le débat sur la place des connaissances dans l’évaluation des compétences. Plus encore, à partir de 2007, on constate que la ministre de l’Éducation commence à indiquer plus ou moins ouvertement qu’elle s’inquiète que la réforme ne permette pas de faire réussir plus d’élèves. Les faits semblent lui donner raison, car après dix ans, il y a à peine un peu plus d’élèves qui réussissent à obtenir un premier diplôme ou une première qualification.
L’implantation de la réforme en éducation : de bonnes intentions, mais un résultat mitigé
Par Gaétan Neault
Projet porteur d’innovations et de changements importants, la réforme a, en effet, produit le renouvellement attendu du curriculum. Le discours pédagogique ne sera plus jamais le même, et c’est tant mieux! Mais, en ce qui concerne les réels changements de pratiques dans l’école, il faudra patienter encore quelques années avant de crier victoire.
Pourquoi ce demi-succès? La refonte du curriculum a fait ressortir les limites de l’approche socioconstructiviste, notamment au niveau de la différentiation, des besoins des EHDAA et de l’évaluation. Aborder les problématiques par le biais d’une démarche scientifique aurait permis au milieu de l’éducation de confronter ces limites et d’y apporter des hypothèses de solution. Bien sûr, il aurait fallu que le débat soit accessible pour tous, constructif et moins polarisé.
Si la réforme n’a pas porté tous ses fruits, c’est à cause d’un programme d’implantation mal ficelé, d’une stratégie en constante mouvance et d’un manque de leadership de la part des paliers supérieurs du réseau. Un langage hermétique, trop de forces négatives et pas assez de propos nuancés. Conséquemment, les directions d’école ont peiné à mobiliser leurs équipes autour de concepts faisant l’objet de telles polémiques, surtout au secondaire.
De plus, des éléments de contexte sont venus contaminer la démarche. Voulant, à juste titre, s’éloigner du modèle d’enseignement skinérien inspiré par l’approche industrielle, on a priorisé les facultés de haut niveau et la dimension transversale des apprentissages. Paradoxalement, on a introduit l’approche de « gestion axée sur les résultats (GAR) », en ramenant les indicateurs chiffrés, les moyennes de groupe et la réussite en terme de note à l’examen, dichotomie douloureusement démontrée lors du débat sur le bulletin. Une réforme adéquate des pratiques de gestion et de gouvernance aurait soutenu l’implantation des changements pédagogiques souhaités. Or, les tenants des modèles traditionnels, les enjeux politiques, les pressions de groupes d’intérêt, l’insécurité inhérente aux grands changements structurels et le renouvellement massif du personnel de direction auront eu gain de cause et forcé le statu quo.
Force est de reconnaître que la clé pour éviter la perte du sens initial du renouveau pédagogique se trouve dans le curriculum lui-même. À l’instar de ses auteurs, des experts du monde de l’apprentissage et de la communication, dégageons-nous du discours théorique et mettons en place des moyens d’application concrets, qui rallieront enfin les intervenants autour de la poursuite d’une réflexion pédagogique évolutive et dynamique.
Les leçons d’une recette
Par Gaston Rioux
La Réforme de l’éducation signifiait un changement de culture important, une modification significative des méthodes d’enseignement de manière à favoriser notamment ceux et celles qui n’étaient pas facilement rejoints par l’enseignement traditionnel. Loin de nous l’idée de nous poser en expert en pédagogie, aussi nous parlerons davantage de ce que nous avons perçu.
Les bienfaits et les forces de la Réforme ont été balayés par une gestion approximative et maladroite des communications, notamment par le gouvernement, porteur du dossier. Quand on veut implanter un programme, il vaut mieux se donner le temps, les moyens et les outils pour le faire. Or, si noble l’objectif eut-il pu être, il n’a pas été possible d’en apprécier les effets à leur juste valeur.
Trop de questions sans réponses, et beaucoup de pression dans l’espace public, si bien que le message principal s’en est trouvé brouillé. Comment faire, comme parent, pour s’y retrouver? Entre l’arbre et l’écorce, le parent s’est trouvé coincé entre le milieu et le gouvernement. Pendant que tous discutaient ou argumentaient, les élèves, eux, vivaient les premières heures de ce « laboratoire scolaire ».
Pourtant, nombreux sont les articles qui ont été publiés depuis plusieurs mois qui font justement état des résultats scolaires des « enfants de la Réforme ». En dépit des sombres pronostics, les résultats sont sans équivoque : au pire, les élèves sont aussi performants qu’autrefois, au mieux, les résultats sont supérieurs.
Voilà qui envoie un message pouvant semer la confusion : la Réforme ne serait pas à la hauteur, mais les élèves le sont? Que faut-il en comprendre? Et s’il fallait conclure que la Réforme portait en elle les ingrédients pour atteindre les objectifs visés, mais que le livre de cuisine n’était pas écrit suffisamment clairement pour que le milieu puisse concocter la recette aisément?
Les parents tirent un enseignement de cet épisode de l’implantation de la Réforme. Il faut se donner le temps de faire les choses et répondre aux particularités et besoins des milieux. C’est essentiel pour mener un projet aussi important à bon port. C’est aussi l’essence du message que nous portons à propos de l’enseignement intensif de l’anglais au primaire. Héritiers des expériences passées, nous avançons sans hésitation que ces conditions préalables essentielles doivent être au rendez-vous pour assurer la réussite de l’implantation d’un tel programme. Si nous retenons cela, nous n’aurons pas vécu cette période un peu trouble de l’implantation de la Réforme en vain.
La réforme québécoise : Au-delà de la catastrophe annoncée
Par Léo Bureau-Blouin
Au courant des années 1990, les spécialistes de l’éducation au Québec constatent que notre monde évolue à la vitesse grand V, mais que notre système d’éducation ne suit pas toujours cette évolution. Pour remédier à cette situation, le gouvernement proposera une réforme de l’enseignement au primaire et au secondaire qui aura pour objectif de placer l’élève au centre de ses apprentissages et de miser sur l’acquisition de compétences plutôt que sur la transmission de connaissances.
Cette réforme, aussi connue sous le nom de renouveau pédagogique, fit couler énormément d’encre et suscita plusieurs levées de boucliers.
Voyons d’abord les principales modifications apportées par la réforme. Plusieurs disciplines essentielles ont vu leur nombre d’heures de cours accru. À titre d’exemple, l’enseignement du français passe de 150 à 200 heures par année tandis que les mathématiques passent de 100 à 150 heures.[1] Autre modification importante, l’anglais est désormais enseigné dès la première année du primaire.[2] Le nombre d’élèves par classe est graduellement réduit et les élèves ayant des difficultés d’apprentissage sont mieux encadrés. [3]
Si on s’attarde un peu aux statistiques, on remarque qu’avant 2009, soit avant le renouveau pédagogique, les nouveaux inscrits réussissaient 84,8 % de leurs cours alors que ce taux se situait à 85,1 % en 2010.
Si la réforme a augmenté le nombre d’heures de cours consacré aux matières essentielles et que les élèves réussissent bien, comment expliquer les nombreuses critiques qui ont fusé au sujet de cette réforme? Une part importante des critiques de l’opinion publique à son égard semble provenir de problèmes de présentation et de communication. À ce titre, une recherche de la Fédération étudiante collégiale du Québec[4] cite Paul Inchauspé, un des penseurs de la réforme, qui identifie comme responsables les « maladresses de présentation de la réforme […] alors que les discours des responsables de la mise en œuvre étaient prolixes, savants, très savants, trop savants même, et qu’ils n’insistaient que sur les moyens. [5]» En effet, plusieurs concepts éducatifs complexes n’ont pas été vulgarisés, ce qui a contribué à alimenter la grogne d’un nombre important d’enseignants et de parents.
En conclusion, le système éducatif est en constante mutation et bien que perfectible, le renouveau pédagogique ne constitue en rien la catastrophe annoncée. Les futurs théoriciens de l’éducation auraient cependant avantage à mieux expliquer les modifications que les gouvernements veulent apporter à l’éducation de nos enfants.
[1] Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, Le renouveau pédagogique, ce qui définit le changement, MELS, 2005, p. 5.
[2] Idem
[3] Ibid p. 7
[4] Julien Boucher, La réforme passe aux ligues majeures, Août 2010, Fédération étudiante collégiale du Québec, p. 19.
[5] Paul Inchauspé. « Lettre à un enseignant sur la réforme des programmes », Pour l’école, Liber, Montréal, 2007, p.1.
RECAP – Several leaders from the education scene in Québec speak out on the outcomes Québec Education Reform by giving us their views on its implementation fifteen years later. All unanimously recognize the relevance of its foundations, which were built following the Estates General on Education (1995–1996), and led to a certain number of recommendations. Several factors must be taken into account in evaluating the outcomes of this reform. According to several leaders, implementing this reform was sometimes more difficult than anticipated because more time and tools would have been needed to successfully carry out such a process. Several of them mention the importance of carefully planning the actions by constantly returning to the fundamental thrusts that preceded its implementation. These education decision makers offer us their own vision of the successes and possible pitfalls of a major educational change chiefly centred on success for all students.
Si je veux savoir quelle conception de l’éducation, de l’école, du rôle de l’enseignant se fait la collectivité d’un pays, j’examine le programme d’études de l’école obligatoire de ce pays. Au-delà des discours officiels, c’est là un miroir qui ne trompe pas. À travers ce que « les enfants et les jeunes doivent savoir » s’exprime une certaine vision de ce qui est important pour cette collectivité.
Il y a maintenant quinze ans, le Québec a vécu une grande opération collective d’examen de son système d’éducation. Ces États généraux sur l’éducation (1995-1996) ont abouti à un certain nombre de recommandations dont les deux plus significatives furent la réorganisation des services à la petite enfance et ce qu’on a appelé « la réforme du curriculum d’études ». C’est de ce dernier sujet dont je parlerai ici.
Dans tous les pays, il arrive que de temps à autre, on change tel ou tel élément d’un programme d’études. On introduit un contenu nouveau ou on change telle matière de la « grille-matière » ou encore le temps consacré à chacune d’elle. Dans le nouveau programme de l’école québécoise, des changements de cet ordre ont certes été apportés, mais les changements plus profonds ont été mis en œuvre. Moins visibles à l’observateur superficiel, ils changent significativement les orientations qui étaient visées par le programme antérieur. Et je pense qu’on n’en a pas encore tiré toutes les conséquences.
Pourquoi changer? Dans les dix années qui ont précédé les États généraux sur l’éducation, la question de la refonte du programme d’études a été omniprésente. Plusieurs tentatives de changement échouent, les unes après les autres. Changements superficiels, ils ne répondent pas aux attentes, lesquelles sont encore confuses. Et les propositions de réforme, contradictoires, vont à hue et à dia. Au Québec, comme ailleurs, on a du mal à se remettre des conséquences du choc de la révolution numérique. Et l’école est le bouc émissaire facile tout trouvé. Dans ce contexte, une réforme qui fasse consensus apparaît impossible.
Mais juste avant les États généraux, un comité, dit « comité des sages », produit un rapport éclairant, le rapport Corbo, du nom de son président. Ce rapport, dont les orientations seront validées par les États généraux, va déterminer toute la suite. Il indique le sens, l’orientation des changements à apporter. C’est la prise en compte de ce que sera l’avenir de nos enfants et de nos jeunes, le monde nouveau qui est en train d’émerger, monde dans lequel ils auront à vivre, qui doit déterminer les changements. Et il décrit les grandes tendances qui modèlent ce monde. Et en relisant, aujourd’hui, ces pages écrites il y a quinze ans, on s’étonne de voir annoncées des choses qui maintenant nous apparaissent évidentes.
On ne peut bien comprendre plusieurs caractéristiques du programme d’études nouveau si on ignore ce rapport et les conséquences qu’il entraine. Mieux préparer les enfants et les jeunes au monde où ils auront à vivre, c’est travailler à une refonte des contenus du programme d’études en allant à contre-courant de certaines tendances inscrites dans le programme précédent. C’est notamment viser l’acquisition de « savoirs durables » au lieu de l’accumulation de « savoirs en miettes ». C’est aussi mettre en relief la « perspective culturelle » des différentes matières du programme au lieu de se contenter d’une « perspective utilitaire ». Et pour permettre de tels apprentissages plus exigeants, c’est libérer l’espace professionnel des enseignants qui ne peut plus se contenter d’être un simple applicateur de procédures d’enseignement établies par d’autres.
Privilégier l’acquisition de « savoirs durables », c’est aussi ne pas négliger le développement chez l’élève de certains savoir-faire intellectuels ou comportementaux qui lui serviront toute la vie.
L’ancien programme souffrait plus particulièrement au secondaire du syndrome de la « balkanisation ». Il conduisait à viser l’accumulation superficielle des connaissances par l’élève plus que leur intégration. Aussi privilégier dans un programme d’études l’acquisition de « savoirs durables », c’est déterminer les notions, les concepts-clefs qui doivent être maîtrisés dans chacune des disciplines et tenter de les réorganiser de façon à maintenir entre elles des liens. Ce socle de connaissances, s’il est bien maîtrisé par l’élève, lui permettra de greffer ultérieurement des connaissances nouvelles. S’aventurer sur ce terrain, c’est s’obliger à un immense travail de remembrement des contenus des matières du programme. Si l’on veut se faire une idée de ce qu’implique ce travail et en quoi l’enseignement du professeur peut par la suite en être affecté, il suffit de comparer les contenus des matières de l’ancien programme du Ier cycle du secondaire dans les matières suivantes : Écologie, Biologie, Science, Technologie et celui du nouveau programme de Sciences et technologie qui les intègre.
Privilégier l’acquisition de « savoirs durables », c’est aussi ne pas négliger le développement chez l’élève de certains savoir-faire intellectuels ou comportementaux qui lui serviront toute la vie. Et pour ce faire, il faut nommer explicitement dans le programme d’études quelles sont ces « compétences » générales ou propres à chacune des matières qu’il faut développer.
Quant à la perspective culturelle du programme établie pour contrecarrer la tendance à une approche immédiatement et étroitement utilitaire des études, elle est présente dans toutes les matières. L’orientation de certaines d’entre elles s’en est trouvée transformée. L’histoire n’est plus seulement alors l’étude des événements politiques, mais aussi celle des créations sociales des collectivités. La géographie n’est plus alors seulement l’étude physique des sols, mais aussi l’étude des différents modes d’occupation humaine du sol et de l’environnement, celle des territoires. L’étude de la langue est alors aussi celle de la littérature et celle de la science n’est plus détachée de ses aspects sociaux. Et ainsi de suite pour toutes les matières.
L’école, lieu de transmission culturelle, introduit l’enfant, le jeune, dans ce monde. Car on ne naît pas « homme », on le devient. Aussi le rôle de l‘enseignant est un des plus beaux rôles qui soient : en plus d’être un « éveilleur d’esprit », il est un « passeur culturel ».
Plus profondément un tel programme réalise l’idée-force suivante : l’école est un lieu de transmission culturelle. Le monde où il nous faut vivre n’est pas un monde naturel, c’est un monde culturel, fruit des créations de l’activité humaine. L’école, lieu de transmission culturelle, introduit l’enfant, le jeune, dans ce monde. Car on ne naît pas « homme », on le devient. Aussi le rôle de l‘enseignant est un des plus beaux rôles qui soient : en plus d’être un « éveilleur d’esprit », il est un « passeur culturel ».
Mais ce programme nouveau, comme tous les programmes d’études officiels, reste un curriculum théorique. Il a beau être le meilleur du monde, qu’en est-il sur le terrain? Produit-il les effets qu’on en attend? Les réajustements de l’enseignement qu’il suppose sont-ils en place? Ce sont là des questions importantes. Mais je ne peux évidemment pas les traiter dans les limites imposées à cet article.
N.B. La suite de cet article paraîtra en ligne sur le site de l’ACE, dans le prochain numéro, en janvier 2013. L’Association canadienne d’éducation (ACE) vous invite à en prendre connaissance.
RECAP – Fifteen years ago, Québec went through a major collective process of reviewing its education system. The Estates General on Education (1995–1996) culminated in a number of recommendations, the two most significant being the reorganization of early childhood education services and the reform of the curriculum. In this article, Paul Inchauspé explains the main changes and major thrusts of Québec’s education program, which is primarily aimed at better preparing youth for life in the twenty-first century. Precedence is therefore given to the acquisition of “sustainable knowledge” and the development of certain intellectual or behavioural know-how useful throughout life. In this context, the cultural perspective is essential and highly prevalent in the different subjects in the curriculum. According to the author, teachers have a great and noble role to play: they must not only “awaken minds” but must also “transmit culture.”
Au Québec, la réforme d’éducation en cours vise essentiellement à améliorer la qualité des apprentissages des élèves. Or, ses fondements ont toujours fait consensus, tant auprès des théoriciens et des praticiens que des décideurs. C’est dans son application qu’il y a eu parfois dérives et dérapages. Pourtant, les visées étaient nobles : mettre l’accent sur l’essentiel, rehausser le niveau culturel des programmes d’études, introduire plus de rigueur à l’école, accorder une attention particulière à chaque élève, lui assurer les bases d’une formation continue, mettre l’organisation scolaire au service des élèves et restructurer les services à la petite enfance. Mais, que s’est-il passé depuis 15 ans entre les intentions de départ et son implantation plus ou moins réussie, selon les médias et les critiques du milieu?
Paul Inchauspé, qui a présidé le groupe de travail sur la réforme du curriculum en 1997, se penche sur cette réforme du curriculum d’études et plusieurs leaders québécois en éducation se prononcent sur son implantation jugée bien imparfaite.
Nos auteurs et mon expérience personnelle me permettent d’identifier quatre facteurs pouvant expliquer, du moins en partie, les principales dérives de la réforme survenues tout au long de son parcours :
Il y a eu beaucoup de dérision à propos de cette réforme qui était pourtant porteuse d’innovations et de changements importants. Et dire que cette même réforme plaçait l’enfant au centre des apprentissages en le rendant actif et responsable!
Toute refonte de programme devrait avoir comme corollaire prioritaire et déterminant une politique d’évaluation des apprentissages. Lorsque nous prévoyons un voyage, nous devons connaître la destination et les objectifs que nous souhaitons atteindre. Pourquoi ne pas avoir suivi cette logique dans l’implantation de la réforme québécoise? Si ses détracteurs ont quelque peu dilapidé ses orientations fondamentales, nous devons reconnaître que les enseignants ont réussi, malgré tout, à former une relève compétente, mieux outillée pour relever les défis du XXIe siècle. Bien sûr, il y a encore beaucoup de travail à faire, mais l’espoir est là. Et si cette réforme nous avait seulement permis de construire un avenir meilleur, enrichi des expériences et des acquis du passé, nous aurions déjà fait un grand pas d’innovation pédagogique, garant du succès de demain!
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Piloter le changement 3e partie – In Scholam
Pour qu’il soit vécu du mieux possible dans une institution, je crois que le changement passe d’abord par la confiance du personnel envers le leader qui pilote le changement. Lorsque cette confiance est présente, qu’elle est nourrie de part et d’autre et que les actions menées sont conformes à la vision construite avec le milieu, on se trouvera en meilleure posture pour accompagner le personnel hors de leur habituelle zone de confort. Dans ce dernier billet sur le sujet, j’aborderai les questions du changement des pratiques pédagogiques mis en oeuvre dans notre institution…Lire la suite
Merci…TangoMan from Quebec
Je continu tranquillement mon aventure avec la classe inversée. Je cherche encore mon chemin, mais tranquillement le brouillard se dissipe et je sais mieux où je m’en vais. Pour m’aider sur ce chemin, je lis beaucoup de blog de gens qui sont passés où je passe présentement. Je tiens ici à les remercier en partageant avec vous leur site/blog/vidéos car ils sont très intéressant: …Lire la suite
Introduction
La pertinence de colliger des indicateurs basés sur divers marqueurs de l’ethnicité, tels la langue maternelle ou parlée à la maison, le pays de naissance, l’origine ethnique, la religion ou même la « race », fait l’objet de nombreuses controverses et ce, autant dans les pays qui s’adonnent depuis longtemps à de telles pratiques, comme le Canada ou les États-Unis, que dans les sociétés qui ont jusqu’ici résisté à de telles approches, comme la France ou la Belgique francophone[1]. Dans ce débat, il n’apparaît pas souhaitable de se positionner catégoriquement dans le camp des partisans ou des opposants. Il est plus intéressant de tenter de cerner les conditions à mettre en place afin que l’impact positif de données plus précises et plus fiables sur la réussite des jeunes de diverses minorités soit maximisé, tout en contrant, dans la mesure du possible, certains des effets pervers potentiels.
Le rôle des indicateurs ethniques dans un contexte en mutation
Un peu partout dans le monde, les systèmes scolaires connaissent d’importants changements qui touchent à leur mission ainsi qu’aux liens traditionnels qu’ils entretenaient avec divers partenaires. Dans les années 1960, l’objectif principal était d’assurer une égalité d’accès à tous les élèves, quels que soient leur origine sociale, leur genre ou leur appartenance ethnique. Aujourd’hui, la demande porte plutôt sur l’égalité des résultats, ou du moins, sur la capacité des systèmes à démontrer que les différences correspondent à une courbe normale des compétences diversifiées chez les élèves et non à discrimination systémique à l’égard de certaines populations. La nouvelle conception de l’imputabilité exige non seulement d’atteindre globalement les objectifs prévus, mais de le faire aussi pour les groupes les plus vulnérables. La comparaison entre établissements dont la population scolaire est sensiblement équivalente sur les plans socioéconomique, démographique ou culturel est à l’ordre du jour, entre autres, à travers le mouvement d’identification des « écoles qui font une différence »[2].
Des statistiques scolaires reflétant la complexité de la population favorisent une planification plus efficace par les décideurs
Des statistiques scolaires reflétant la complexité de la population favorisent une planification plus efficace par les décideurs[3]. Celle-ci peut toucher des enjeux diversifiés, tels l’offre de services supplémentaires répondant aux besoins particuliers de certains groupes, une meilleure représentativité des instances consultatives aux besoins particuliers de certains groupes, une meilleure représentativité des instances consultatives scolaires nationales ou locales, ou encore le recrutement d’un personnel enseignant reflétant davantage la diversité de la clientèle. Dans les établissements scolaires, le fait de disposer de statistiques basées sur des indicateurs complexes et variés permet aux directions d’école, et par conséquent à l’ensemble du personnel, d’avoir une connaissance plus précise de leur clientèle que celle que leur donne la simple perception au faciès, de développer des projets éducatifs et, enfin, d’intensifier leurs liens avec les familles et les communautés.
Les indicateurs de performance des élèves sont aussi des outils de diagnostic essentiels permettant d’identifier les sous-groupes à risque sur le plan de la réussite scolaire et de moduler l’action éducative à leur égard[4]. En effet, si la recherche à cet égard est bien menée, les données qui en émergent sont généralement plus complexes que la rumeur alarmiste du terrain portée par les intervenants scolaires et parfois par certains groupes de pression des communautés elles-mêmes et, bien entendu, que la dénégation habituelle des problèmes par les administrations et les représentants politiques. De plus, l’accès à de telles données favorise une imputabilité plus grande auprès des parents et des communautés à risque en leur permettant de se mobiliser davantage en faveur d’une éducation plus équitable.
L’accès à de telles données favorise une imputabilité plus grande auprès des parents et des communautés à risque en leur permettant de se mobiliser davantage en faveur d’une éducation plus équitable.
Les effets pervers potentiels
La pertinence d’inclure des variables ethniques dans les statistiques scolaires et les études relatives aux extrants de la scolarisation suscite, toutefois, nombre de résistances, ce qui semble indiquer que des effets pervers potentiels sont à redouter.
En ce qui concerne les statistiques descriptives, on note tout d’abord les problèmes éthiques associés à la déclaration obligatoire de certaines caractéristiques par des parents vulnérables. Ce problème peut être corrigé partiellement par le caractère facultatif de telles déclarations, mais il n’est pas toujours évident que des personnes nouvellement arrivées puissent pleinement exercer leur liberté de ne pas s’identifier lorsque la demande vient d’une autorité perçue comme détenant un pouvoir légitime.
Plusieurs recherches ont aussi montré que la publication de statistiques sur la composition ethnoculturelle d’établissements spécifiques peut, à l’inverse de ce qui est visé par les autorités, renforcer plutôt que combattre la concentration des élèves immigrés[5]. En effet, ces données sont souvent utilisées par les parents majoritaires pour choisir systématiquement des établissements où la présence immigrante ou minoritaire est moins importante. C’est ce que l’on a désigné aux États-Unis comme White Flight.
En ce qui concerne les indicateurs de performance, nombre d’études révèlent qu’il y a danger que des données analysant la réussite scolaire différenciée des élèves en fonction de leur origine ethnique ne viennent renforcer la stigmatisation de certains groupes marginalisés[6]. Cela est particulièrement le cas lorsque ces données sont présentées de façon sensationnaliste par les médias ou encore sont livrées sans démarche d’appropriation professionnelle suffisante aux enseignants qui y voient alors une confirmation du bien-fondé de leurs préjugés, plutôt qu’un outil pour adapter leurs pratiques.
De façon plus large, une insistance trop marquée sur les indicateurs ethniques dans l’explication des phénomènes de marginalisation scolaire risque aussi d’induire une ethnicisation indue des problèmes vécus par les élèves issus de l’immigration ou leur famille, aux dépens des caractéristiques communes qu’ils partagent avec d’autres élèves à risque. Du côté des décideurs, comme en témoigne d’ailleurs plusieurs pratiques dites multiculturelles dans divers pays, il y a danger de multiplier les initiatives ad hoc visant des groupes particuliers, souvent en fonction des aléas politiques ou de la capacité de mobilisation de certains groupes, plutôt que de renforcer les programmes universels de soutien à la réussite.
Conclusion : quelques conditions gagnantes
À partir de mon expérience de partenariat dans l’analyse des données délicates avec les autorités gouvernementales et diverses communautés[7], je propose en conclusion cinq conditions qui permettent d’éviter ou de minimiser ces conséquences négatives. J’insisterai ici sur cinq qui m’apparaissent les plus importantes, sans viser l’exhaustivité.
1) Il est essentiel de définir clairement les objectifs visés lorsqu’on élabore ou on utilise des statistiques descriptives ou des indicateurs de performance fondés sur des marqueurs ethniques. Ces objectifs doivent toujours inclure des bénéfices pour les groupes concernés.
2) De telles actions devraient idéalement être menées à l’initiative de personnes représentatives de ces groupes, ce qui suppose d’obtenir le soutien d’un nombre significatif d’organismes et de porte-parole représentant des tendances variées dans la communauté. Si l’initiative vient d’une autre source (chercheurs universitaires ou gouvernementaux), il faudra s’assurer de les associer à toutes les étapes du processus.
3) Il faut également favoriser des approches méthodologiques qui permettent de cerner mais aussi de bémoliser l’impact des diverses variables à travers lesquelles on peut mesurer le facteur ethnique, par rapport à d’autres déterminants de la réussite scolaire, partagés par l’ensemble des élèves. D’une part, cela évite que les élèves, les parents et membres des communautés n’ethnicisent indûment les problèmes qu’ils vivent, ce qui est contraire à une démarche citoyenne. D’autre part, la complexité méthodologique est un excellent rempart au renforcement de la stigmatisation des groupes vulnérables par les groupes dominants.
4) Il est important de prévoir une dissémination préventive lorsque l’on travaille avec des données délicates qui pourraient être mal interprétées ou utilisées pour renforcer des préjugés et des stéréotypes. En d’autres mots, lorsqu’il manipule des statistiques ou des indicateurs fondés sur des marqueurs ethniques, le chercheur devrait manifester une grande prudence et consentir un important investissement à des activités généralement moins valorisées dans le cadre de sa carrière.
5) Plus spécifiquement, il est essentiel qu’il développe des modes de présentation des données accessibles à un public de non-spécialistes et qu’il accepte, dans les limites de son rôle de chercheur, d’en dégager les incidences au plan des politiques et des pratiques. En effet, puisqu’on ne peut pas être toujours certain que des effets négatifs pour les communautés concernées ne se manifesteront pas, il faut s’assurer que la colonne des impacts positifs balance celle des impacts négatifs. Cela suppose que les bénéfices prévus pour les groupes visés se concrétisent véritablement à plus long terme.
RECAP – This article discusses the relevance of compiling data on various markers of ethnicity, such as mother tongue or language spoken at home, country of origin, ethnic origin, religion, or even “race”. It also addresses the conditions that would allow such data to make the greatest possible contribution to the success of students belonging to various minority groups. School statistics reflecting the complexity of the school population foster more effective planning by education decision makers. Such planning may concern a variety of issues, such as the delivery of supplementary services and better representation on national or local school advisory bodies to meet the specific needs of certain groups, or even the recruitment of teaching staff that better reflects student diversity.
[1] Potvin, M., « Le rôle des statistiques sur l’origine ethnique et la “race” dans le dispositif de lutte contre les discriminations au Canada », Revue internationale des sciences sociales, vol. 1, no 183, 2005, p. 31-48.
[2] Mc Ewen, N. (dir.), « Accountability in education in Canada », numéro spécial, Revue canadienne de l’éducation, vol. 20, no 1, 1995; Crahay, M. (2000). « Les défis de l’école démocratique », in M. Crahay (dir.), L’école peut-elle être juste et efficace? De l’égalité des chances à l’égalité des acquis, Paris, De Boeck Université, coll. « Pédagogies en développement », 2000, p. 48-82.
[3] Ville de Chicago, Chicago Public Schools Office of Accountability, 1999; Inglis, C., Planning for Cultural Diversity, Paris, UNESCO, International Institute for Educational Planning, 2008.
[4] Bigelow, B. (1999), « Standards and multiculturalism: Rethinking schools », A Urban Educational Journal, vol. 13, no 4, p. 6-7; Commission for Racial Equality, The Duty to Promote Race Equality: A Guide for Schools, 2002.
[5] Orfield, G., Eaton, S.E et The Harvard Project on School Desegregation, Dismantling Desegregation: The Quiet Reversal of Brown v. Board of Education, New York, The New Press, 1996; Payet, J.-P. et Giuliani, F., « Du tabou au débat : impensés, résistances et idéologies autour du problème de la ségrégation ethnique dans l’école française », in M. Mc Andrew, M. Milot, J. Gautherin et A. Triki-Yamani (dir.), L’école et la diversité : perspectives comparées, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, p. 171-180.
[6] Mc Andrew, M., Immigration et diversité à l’école. Le débat québécois dans une perspective comparative, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2001; Lorcerie, F., L’école et le défi ethnique – Éducation et intégration, Paris, INRP-ESF, collection Actions sociales/Confrontations, 2003.
[7] Mc Andrew, M. et Chamberland, C., « La réussite scolaire des élèves issus de l’immigration au Québec : engagement ministériel et résultats de recherches récentes », in M. Mc Andrew, M. Potvin et A. Triki-Yamani (dir.), La réussite scolaire des élèves issus de l’immigration. Thèmes canadiens/Canadian Issues, 2011, p. 9-14.
Intimidation à l’école : insultes sur le physique, les notes, l’origine culturelle et linguistique bien avant « l’homophobie »
Blogue: Pour une école libre au Québec
Les projets de loi n° 13 et n° 14 présentés devant l’Assemblée législative ontarienne visent à lutter contre l’intimidation à l’école. Jusque-là tout le monde est d’accord, bien que — comme le révélait il y a quelques jours le Wall Street Journal — il n’y a nullement une crise de l’intimidation en Amérique du Nord. En effet, selon le National Center for Education Statistics, entre 1995 et 2009, le pourcentage d’élèves qui ont déclaré « avoir peur d’une attaque ou de coups à l’école » est passé de 12 % à 4 %. Au cours de la même période, le taux de victimisation pour 1000 étudiants a également été divisé par cinq.
En savoir plus :
www.xn--pourunecolelibre-hqb.com/2012/04/sujets-de-lintimidation-lecole-insultes.html
Cet article commente le rôle de l’éducation dans les campagnes électorales provinciales récentes, du point de vue de quatre associations provinciales de conseils scolaires.
Terre-Neuve-et-Labrador
« Bien que l’éducation n’ait pas eu beaucoup d’écho sur le radar de nombreux électeurs terre-neuviens, ce n’est pas à cause d’un manque d’intérêt en éducation publique », dit Milton Beach, président de la Newfoundland and Labrador School Board Association. Le gouvernement a accordé une priorité élevée à l’éducation depuis quelques années et d’importants fonds publics ont été investis dans les programmes et les infrastructures. Ces investissements ont été maintenus, et les électeurs n’ont vraisemblablement pas eu de raisons pressantes de soulever des questions d’éducation, compte tenu des autres grandes questions économiques dominant les débats. En fait, la population est généralement satisfaite de l’éducation publique dans la province.
Il est justifié de conclure que les budgets de la maternelle au secondaire ne feront pas l’objet de compressions importantes. À Terre-Neuve-et-Labrador, on croit généralement que le développement et les améliorations en éducation sont d’importants facteurs de la croissance future de la province.
La chute du taux de participation aux élections constitue, d’après Peach, un défi à relever : « Il faut explorer les façons de renverser cette tendance et de rehausser l’importance accordée aux élections dans notre démocratie. »
Ontario
À la fin du printemps, l’Ontario Public School Boards Association (OPSBA) a publié un communiqué intitulé OPSBA Member Boards Challenge all Provincial Candidates et a recommandé à ses conseils scolaires membres que la Journée de l’éducation ait lieu le 20 septembre – une journée où les candidats des quatre principaux partis provinciaux pourraient faire connaître leurs opinions et répondre à des questions touchant l’éducation publique. Cette stratégie a attiré l’attention des médias et des quatre grands partis.
Pour appuyer les réunions de la Journée de l’éducation, OPSBA a diffusé du matériel aux organisateurs locaux, publié des communiqués et rehaussé sa présence sur Internet afin d’amorcer le dialogue et l’intérêt. Des conseillers scolaires ont indiqué que les questions de l’OPSBA à l’intention des candidats ont été largement diffusées et utilisées lors des réunions de la Journée de l’éducation, ainsi que lors de débats entre des candidats. Afin d’engager les médias, certains conseillers scolaires ont invité des journalistes en éducation et d’autres membres des médias à animer les réunions avec les candidats.
Le succès incontestable de la Journée de l’éducation crée un précédent sur lequel misera l’OPSBA pour rehausser le soutien et pour maintenir l’importance accordée à un solide système d’éducation publique.
Manitoba
Lors des élections, l’Association des conseils scolaires du Manitoba a axé ses efforts sur trois aspects – l’investissement financier, le soutien des élèves et la participation communautaire. Elle a diffusé des ressources aidant les conseils scolaires à examiner ces questions avec les candidats locaux et a mené une modeste campagne médiatique pour éclairer ces questions à l’échelle provinciale. Malgré ces mesures, les enjeux des politiques en éducation n’ont pas percé dans l’arène publique.
Les promesses faites en matière d’éducation constituaient essentiellement des approches partielles ou à la pièce face à la question complexe de la réussite des élèves. Bien que certaines iniquités de notre système éducatif aient été reconnues – les faibles taux d’obtention de diplômes des élèves autochtones et défavorisés – cette reconnaissance n’a pas donné lieu à un examen approfondi des causes.
Cette absence d’attention indique peut-être un degré élevé de satisfaction. Financièrement, le système d’éducation publique du Manitoba a mieux fait que beaucoup d’autres. Cependant, les élèves ne profitent pas tous également de cet investissement.
D’après l’expérience de 2011, les défenseurs de l’éducation publique ne devraient pas s’attendre à faire entendre leurs voix pendant une campagne électorale. Ils doivent plutôt tenir avec le gouvernement en place des discussions en profondeur en matière de politiques d’éducation, tant avant qu’après les élections.
Saskatchewan
L’éducation a rarement été l’objet de discussions et de débats pendant les campagnes électorales provinciales en Saskatchewan. Il a donc été encourageant que l’éducation du niveau préscolaire à la 12e année ait été considérablement discutée par le premier ministre et le chef de l’opposition en Saskatchewan.
Depuis deux ans, la Saskatchewan School Boards Association (SSBA) a beaucoup fait pour que l’éducation occupe une grande place dans l’esprit du public et de nos politiciens provinciaux en fournissant des services et des ressources aux conseils scolaires afin d’accroître l’efficacité de leurs représentations. L’association a également mis en œuvre une importante stratégie d’engagement du public et une campagne médiatique destinée à sensibiliser les parents et le public aux enjeux auxquels font face les écoles d’aujourd’hui et à la nécessité, pour les écoles et les collectivités, de collaborer afin d’améliorer l’apprentissage et le bien-être des élèves.
Dans ses représentations, la SSBA a adopté une approche de collaboration et de coopération. Au lieu de considérer le gouvernement provincial comme un adversaire, nous avons choisi de bâtir une relation de partenariat entre les conseils scolaires et le gouvernement. Il semble que ces efforts de coopération axés sur la réussite des élèves commencent à porter fruit.
Le Rapport de l’évaluation pancanadienne en mathématiques, en sciences et en lecture est arrivé dans notre salle du personnel cette semaine. Les résultats d’ensemble transmettent de très bonnes nouvelles, mais comme c’est généralement le cas lorsque sont publiés les résultats de tests à l’échelle de systèmes, les médias ont scruté les données et ont attiré l’attention du public sur de mauvaises nouvelles. Cette fois, ils ont notamment traité de l’écart croissant entre les résultats des garçons et des filles, particulièrement en lecture.
L’ACE ne prend certainement pas à la légère la question des écarts grandissants entre les sexes, mais les taux différents de littératie et les questions touchant les sexes ne sont guère nouveaux en éducation, et le public doit comprendre qu’il y a de nombreux garçons qui excellent dans leurs études et de nombreuses filles qui éprouvent de la difficulté. Dans cet article d’Education Canada, Failing Boys, Beyond Crisis, Moral Panic, and Limiting Stereotypes, Wayne Martino de l’Université of Western Ontario explique les dangers associés à l’exagération et au renforcement constants des différences entre les sexes.
Comme il se produit typiquement lorsque les médias dissèquent les résultats du PISA, les manchettes négatives amènent certains ministères de l’Éducation à chercher des coupables, comme c’est le cas au Québec à la suite de la baisse des résultats en lecture. Pourtant, les enseignants en mathématiques se plaignent souvent que l’un de leurs principaux défis est de composer avec les difficultés de lecture et de compréhension des problèmes écrits de leurs élèves – or, au Québec, les résultats en lecture ont baissé et ceux en mathématiques comptent parmi les meilleurs au Canada.
Comme je l’ai déjà affirmé, nous ne nous limitons pas à une seule mesure ou à un seul test pour établir un diagnostic médical. Quand quelqu’un tousse, on ne saute pas à la conclusion qu’une maladie pulmonaire grave en est la cause. Nous procédons à des tests multiples pour poser le bon diagnostic. En éducation, toutefois, un test serait suffisant et indiquerait tous les problèmes et toutes les lacunes? Lorsqu’il est question de diagnostiquer les défis, les forces et les faiblesses en éducation, il est grand temps que nous dépassions l’attitude simpliste et erronée selon laquelle « un test dit tout ». Les parents, les éducateurs et les élèves méritent mieux.
Comme l’a exprimé Jodene Dunleavy dans son article d’Éducation Canada, Pour une interprétation bien adaptée des résultats du PISA 2009:
“J’attribue à l’OCDE elle-même une partie de la responsabilité pour la réaction publique. Il est facile d’être intimidé par l’ampleur des graphiques et des explications découlant de chaque évaluation. Cela n’explique pas isolément, toutefois, l’attention démesurée accordée au classement des 65 pays participants combinant les résultats en lecture, en mathématiques et en sciences. En constatant comment le public s’est approprié les résultats, il est difficile de ne pas croire que le classement des pays du PISA correspond aux Olympiques du monde de l’éducation.”
Dans notre bureau, de nombreuses questions ont fusé au sujet du PPCE. Posons-nous les bonnes questions au sujet de ces évaluations des résultats des systèmes scolaires? Le PPCE, tout comme le PISA, mesure la réussite des élèves en mathématiques, en lecture et en sciences, mais ne tient pas compte des approches d’apprentissage, de l’engagement des élèves et des environnements pédagogiques lors de l’établissement de comparaisons entre les provinces.
Fait encourageant, des débats nourris ont cours en Europe à propos de la nécessité d’ajouter la créativité aux aspects mesurés par le PISA, mais devrait-il aussi évaluer autre chose? L’engagement des élèves? L’équité? Devrait-il y avoir des répartitions par sous-groupes, et non seulement par sexe?
Nous croyons que d’autres aspects pourraient et devraient être mesurés? Qu’en pensez-vous?
On reconnaît de plus en plus, tant au Canada qu’aux États-Unis, que l’équité en éducation est critique à notre avenir collectif. Quoique la performance des systèmes d’éducation canadiens soit supérieure sur les plans de l’équité et de la qualité, il n’en reste pas moins des écarts au chapitre des résultats des élèves et des possibilités d’éducation.
Quel est, d’après vous, le plus important défi qui se pose pour assurer des résultats équitables chez les élèves? Quelle est, d’après vous, la chose la plus importante ou la plus prometteuse que peuvent faire les écoles pour faire progresser l’équité? Quelle est, d’après vous, la politique le plus importante ou la plus prometteuse que peut instituer une commission ou un conseil scolaire, ou le gouvernement, pour faire progresser l’équité.
Une impressionnante liste d’experts en matière de politiques, de chercheurs, d’éducateurs, de parents, d’étudiants et d’élèves ont accepté de partager leurs points de vue informés afin de contribuer à répondre à ces questions. Pendant deux semaines, soit du 21 novembre au 2 décembre, notre blogue mettra l’accent sur l’équité en éducation, mettant en vedette des blogueurs invités spécialisés en plusieurs questions : l’éducation intégrée, les Premières Nations, les personnes LGTBT, les minorités racialisées et les communautés d’engagement de parents, ainsi que des chercheurs spécialisés en écoles urbaines et en élèves marginalisés – qui mettront en commun leurs idées pour s’assurer que tous les apprenants disposent de possibilités équitables.
Cette initiative fait suite au symposium international de 2010 portant sur l’équité et l’innovation organisé conjointement par l’ACE et par le Stanford Center for Opportunity Policy (SCOPE). Une nouvelle édition thématique spéciale de la revue Education Canada fait fond sur les exposés et les débats percutants qui ont eu lieu pendant cet événement, accordant une emphase particulière à la façon de rehausser l’équité lors du passage des innovations locales en pratiques efficaces à l’échelle du système d’éducation.
Nous vous prions donc de visiter notre blogue au cours des deux prochaines semaines. Nous espérons également que vous vous intéresserez aux articles publiés dans Education Canada, aux ressources informationnelles sur l’équité et aux commentaires du blogue. Nous vous incitons à participer et à contribuer vos propres réflexions et opinions à cette importante campagne d’information.
En 1994, plusieurs organismes à vocation sociale ont collaboré pour démentir l’affirmation du gouvernement fédéral selon laquelle la dette du Canada résultait de ses programmes sociaux trop onéreux et une réduction considérable des investissements publics s’imposait. Comme les grands médias ont accepté et propagé cette position, le public n’était guère conscient des recherches démontrant que la source du problème n’était pas les dépenses superflues, mais bien la sous-perception d’impôts. Citant des recherches du ministère fédéral des Finances, les groupes à vocation sociale ont publié un rapport intitulé Paying for Canada: Perspectives on Public Finance and National Programs.[1] Il y était démontré que les politiques gouvernementales de réduction délibérée des niveaux d’imposition de certains groupes plus favorisés sur le plan économique au Canada avaient causé une importante baisse des recettes publiques, provoquant une « crise » de l’endettement.
Compte tenu des élections tenues dans cinq provinces canadiennes en 2011 et d’une nouvelle menace récessionniste, il importe de comprendre le rôle critique de la stabilité des taux d’imposition pour maintenir le succès du pays en matière d’éducation. Comme le précisent plusieurs personnes ayant collaboré à ce numéro, les résultats éducatifs canadiens sont fort supérieurs à ceux des États-Unis – et l’incidence du statut socioéconomique sur ces résultats est beaucoup moins grande – par suite de la conjugaison de multiples facteurs : des niveaux moindres d’inégalité et de pauvreté infantile et familiale; des salaires plus élevés; un meilleur soutien des immigrants; de meilleurs logements et de meilleurs soins de santé; des politiques de financement plus équitables; un personnel enseignant plus qualifié et plus motivé; un écart moindre de la qualité des écoles.[2]
Que les impôts soient plus élevés au Canada qu’aux États-Unis n’est guère une coïncidence. L’une des principales différences entre les deux pays réside dans la volonté des Canadiens de payer suffisamment d’impôts pour financer les investissements requis pour nos systèmes d’éducation, nos programmes sociaux et notre régime de santé. Les sondages d’opinion publique démontrent constamment que la population canadienne ne rechigne pas à payer des impôts pour des programmes qu’elle valorise, comme en témoigne la situation à Toronto et dans d’autres villes du pays où les citoyens ont rejeté des propositions municipales visant à éliminer des bibliothèques, des parcs et d’autres services publics.
On s’inquiète souvent que le Canada puisse emboîter le pas aux États-Unis et instaurer des politiques en éducation comme la rémunération au mérite du personnel enseignant et des tests à enjeux élevés qui sont à la fois punitifs et inefficaces. Quoique des discussions portent parfois sur de telles politiques au Canada, les gouvernements provinciaux ne semblent pas vouloir émuler les Américains. Leur propension à suivre les États-Unis dans les réductions d’impôts menace davantage la qualité et l’équité en éducation.
La population canadienne paie pour des programmes adéquats d’éducation et de santé et pour des villes sécuritaires et inclusives par le biais d’une imposition progressive fondée sur le principe selon lequel les personnes ayant des revenus plus élevés devraient payer des taux supérieurs d’imposition – un principe que le président Obama s’efforce d’instaurer aux États-Unis. Malgré certaines affirmations politiques contraires, il existe des indications selon lesquelles les contribuables canadiens sont disposés à payer plus d’impôts pour l’éducation. En 2007, une recherche commandée par l’Association canadienne d’éducation révélait, qu’en majorité, les résidents canadiens à l’extérieur du Québec[3] – avec et sans enfants – étaient disposés à contribuer davantage aux écoles.[4]
Non seulement la réduction des taux d’imposition réduit-elle les fonds globaux, elle exacerbe l’iniquité. Malgré ses bons résultats à l’échelle internationale, le Canada dérive vers une iniquité plus élevée, comme l’ont souligné différents groupes allant du Conference Board du Canada au Centre canadien de politiques alternatives. Les campagnes d’écoles destinées à subventionner les budgets locaux en constituent un bon exemple : les disparités entre les fonds générés par les écoles accentuent les inégalités et donnent lieu à des écarts en matière de possibilités d’apprentissage en raison des capacités très différentes des localités d’obtenir des fonds des gens qui y habitent.[5]
Une éducation de qualité et une équité élevée requièrent un investissement public soutenu que la population canadienne s’est montrée disposée à payer. L’éducation publique constitue la fondation préparant nos enfants à l’avenir dont ils hériteront et contribuant à les outiller des compétences nécessaires, tant pour évoluer dans une économie mondiale que pour vivre collectivement dans un cadre de mondialisation. La réduction des impôts compromet l’excellence et l’équité et triche notre pays et nos enfants de leur avenir. D’après les sondages, la population pourrait avoir compris avant les gouvernements la nécessité de « payer pour le Canada » en finançant la qualité et l’équité en éducation.
[1] Child Poverty Action Group, Citizens for Public Justice et Conseil de planification sociale du Toronto métropolitain, Paying for Canada: Perspectives on Public Finance and National Programs (Toronto, SPCMT, 1994).
[2] Voir l’article de Ben Levin dans ce numéro d’Education Canada.
[3] Au Québec, le taux de 46 pour cent était légèrement inférieur.
[4] Jodene Dunleavy, L’éducation publique au Canada – Faits, tendances et attitudes (Toronto, Association canadienne d’éducation, 2007).
[5] Lesley Johnston, Public System, Private Money: Fees, Fundraising and Equity in the Toronto District School Board (Toronto, Planification sociale Toronto, 2011).
Que chaque enfant ait une chance égale de réussir à l’école : voilà un programme en apparence utopique en ces temps difficiles, pour remettre en piste l’éducation des enfants. Néanmoins, c’est ce dont nous avons besoin de toute urgence au Québec. Je propose un nouveau paradigme où les acteurs locaux reprennent en mains les nombreux outils de réussite scolaire des enfants avec l’appui d’institutions souples (pouvant s’adapter facilement) et à l’écoute des vrais besoins. Voilà un agenda du moment des plus intéressants.
Je suis un pédiatre social en communauté, donc biaisé parce que je suis alimenté quotidiennement par les enfants et les familles qui souffrent le plus de l’école.
Je suis un pédiatre social en communauté, donc biaisé parce que je suis alimenté quotidiennement par les enfants et les familles qui souffrent le plus de l’école. Je retrouve régulièrement dans mon bureau des enfants démotivés qui détestent l’école et des parents en colère qui ne comprennent pas pourquoi leur enfant, toujours le meilleur selon eux, ne leur rapporte que des copies rougies et de mauvaises notes.
Je suis par contre bien placé pour observer et agir en toute connaissance de cause sur un système d’éducation qui a son lot de ratés, qui manque terriblement de ressources et parfois même d’écoute des acteurs locaux dont font partie les familles et les enseignants. Mon constat tient du manque de reconnaissance et de communication de part et d’autres, mais aussi de la perte de confiance des parents quant à l’école, ce qui donne lieu à des remarques désobligeantes sur le personnel scolaire, comme : « Ils sont payés pour faire ça…».
Notre approche
La pédiatrie sociale en communauté se situe à l’interface des systèmes et des acteurs locaux. Les intervenants de pédiatrie sociale, dont les médecins, avocats, travailleurs sociaux, psychoéducateurs, art-thérapeutes, ergothérapeutes et bénévoles agissent ensemble comme agents de connaissance, de médiation et de mécanismes porteurs pour les enfants et les familles, en lien avec divers systèmes dont celui, essentiel, touchant l’éducation de nos enfants.
Au moyen d’actions concertées et de consensus, ils favorisent l’apprivoisement de tous les acteurs, la cohérence avec les besoins globaux et les droits des enfants, ainsi que des actions partagées pour faire réussir chaque enfant. On part du principe que si l’enfant hait l’école, c’est parce qu’il s’y sent rejeté, non compris, non appuyé ou même incapable d’apprendre. C’est ce qu’on essaiera de mieux comprendre afin d’y apporter des solutions concrètes. On abordera ainsi les colères des parents relativement à l’école, que ce soit pour des raisons d’impuissance personnelle par rapport à leur enfant ou même de culpabilité quant à leur propre implication. Il ne s’agira pas de les blâmer, mais de les aider à se réapproprier la relation avec leur enfant et l’école, en leur fournissant les outils dont ils ont besoin.
Le suivi de pédiatrie sociale en communauté se fait sur un projet de trajectoire de développement réussi. Le plus tôt possible dans la vie de l’enfant, l’équipe s’assure de fournir les outils essentiels à son développement et à sa réussite par un accompagnement adapté à chaque besoin. Elle s’assure de la qualité des environnements et des mécanismes de stimulation globale. Elle facilite la recherche des causes des différentes difficultés et des blocages, et organise les diagnostics pour mieux accompagner les enfants. Elle met également en place, avec les partenaires du milieu, des plans de soutien, des traitements, des projets de répit, des ateliers de stimulation et de préparation à l’école dans la période des 0-4 ans.
S’il s’agit d’un problème de séparation, on offrira des moyens d’appropriation, avec l’aide de l’équipe-école, de même que du soutien au parent, pour faciliter cette séparation d’avec son enfant. Dans les cas les plus lourds, on fera intervenir un psychoéducateur ou un art-thérapeute.
S’il s’agit d’un retard de langage, une évaluation de base sera faite rapidement et une stimulation appropriée sera mise en place par nos équipes, souvent accompagnées d’un orthophoniste. Puis, dès l’entrée scolaire, notre équipe assure les liens nécessaires avec la famille, l’école et le milieu, pour supporter l’adaptation de l’enfant et ses apprentissages. Elle participe à la définition et aux solutions des difficultés de développement, de comportement, d’apprentissage ou d’adaptation et surveille tout ce qui peut nuire au succès scolaire.
Ainsi, je voudrais citer, à titre d’exemples, deux projets issus de cette expertise acquise au cours de nos années de pratique et d’expérimentation : Accès à l’école, pour une préparation à l’entrée scolaire réussie et le Garage à Musique, pour un respect des chances égales de la naissance jusqu’à la réussite des études. Le premier provient d’un partenariat étroit avec le milieu scolaire. Le deuxième émane du volet Alliance Droit Santé de la Fondation du Dr Julien, pour accompagner l’enfant dans ses droits et ses besoins.
Accès à l’école
Selon les statistiques disponibles, près du tiers des enfants est peu ou pas préparé à l’entrée scolaire. Se préparer à entrer à l’école est une tâche complexe qui requiert beaucoup d’énergie et de moyens. Les principaux prérequis concernent la motivation, la connaissance et un état de bien-être adéquat. Les éléments-clés de cette préparation font référence à l’entourage sécuritaire et encadrant, aux conditions de vie optimales et à l’accès à une stimulation physique et intellectuelle continue et de qualité.
Le projet Accès à l’école a été mis sur pied grâce à l’initiative de Louise Marin, une directrice d’école de Côte-des-Neiges, partenaire de notre centre de pédiatrie sociale en communauté. Lors d’un dîner, elle nous a exposé sa volonté d’agir ensemble pour les enfants qui nous préoccupent et qui entrent à l’école démunis, mal préparés et souvent dans une situation de stress important. Nous nous sommes vite mis d’accord sur un projet qui a vu le jour la même année, dans son école. Nous avons agi conjointement pour dépister, évaluer et suivre une cohorte d’enfants dès leur inscription en pré-maternelle, à l’âge de 4 ans. Parfois, la moitié des enfants présentaient des difficultés importantes et souvent majeures, tels des troubles de langage ou d’adaptation, en passant par de mauvaises conditions de vie ou de sérieux troubles d’attachement.
Ce dernier exemple est assez caractéristique et illustre certaines difficultés propres à l’entrée scolaire. Pour se séparer, un enfant doit être autorisé par le parent. Quand le lien est tissé trop serré, il se produit une insécurité très grande chez le parent et chez l’enfant, qui entraînera une résistance importante et empêchera le lien avec d’autres personnes, en l’occurrence les gens de l’école. Si ce problème n’est pas dépisté et traité, l’enfant se placera dans une situation de blocage, empêchant même les apprentissages.
Dans ce cas, nous faisons la stimulation appropriée pour l’enfant, nous enclenchons l’apprivoisement des parents et nous présentons à l’enseignant un plan complet, dès la rentrée scolaire. Les enfants sont regroupés selon leurs besoins spécifiques pour un plan adapté dans les mois qui précèdent l’entrée scolaire. Un camp de préparation leur est alors offert pendant l’été dans leur école respective, à la grande joie des parents. Par la suite, nous assurons le suivi conjoint pour tout le 1e cycle.
Après la première année, ce projet a été implanté dans deux écoles, puis quatre, pour enfin être repris dans toutes les écoles du quartier. Nous venions de mettre en place un système interdisciplinaire en lien étroit avec les familles pour contrer le décrochage scolaire précoce et favoriser la réussite. Le programme couvre actuellement une vingtaine d’écoles des quartiers Hochelaga-Maisonneuve et Côte-des-Neiges, à Montréal.
Le Garage à Musique
Le Garage à Musique, situé dans une maison ancestrale du quartier Hochelaga-Maisonneuve, est une initiative encore plus globale pour transformer l’ensemble de la communauté. Il s’agit d’utiliser la musique comme facteur de motivation et de développement pour les jeunes de 0 à 20 ans (y compris les bébés en gestation). Il consiste à exposer les jeunes à la musique et la rendre accessible à tous par la pratique collective, afin de stimuler le cerveau, motiver l’enfant et l’outiller à la réussite scolaire. Chaque enfant est également accompagné au plan scolaire par des enseignants qualifiés et un suivi en pédiatrie sociale est offert selon les besoins. La Commission scolaire de Montréal et les écoles primaires et secondaires sont des partenaires-clés de ce projet prometteur qui pourrait s’étendre à l’ensemble du milieu scolaire.
Une école centrée sur les besoins des enfants tout au long de cette trajectoire, avec une communauté engagée et responsabilisée, ainsi que des services intersectoriels associés, permet de croire au succès de tous les enfants sans exclusion et sans exception.
L’Éducation des enfants : une question de droit
Pour bien réussir l’éducation des enfants du Québec et du Canada, voici un agenda essentiel, cher à l’approche de pédiatrie sociale en communauté.
Voilà tout un programme qui peut paraître utopique pour certains acteurs ou décideurs, mais que je considère tout à fait réalisable à l’échelle locale et qui peut influencer les systèmes et les politiques à un plus haut niveau! L’approche de la pédiatrie sociale est justement basée sur l’apprivoisement des familles et du milieu, sur la mobilisation autour de tous les enfants, sur une meilleure compréhension des facteurs de risque et sur une action concertée pour assurer la réussite des enfants.
L’approche de la pédiatrie sociale est justement basée sur l’apprivoisement des familles et du milieu, sur la mobilisation autour de tous les enfants, sur une meilleure compréhension des facteurs de risque et sur une action concertée pour assurer la réussite des enfants.
Pour une rentrée scolaire festive
Ensemble, commençons par un petit devoir facile, une action accessible à tous : une rentrée scolaire festive dans toutes les écoles moins favorisées pour 2012!
Pourquoi?
Parce que la Loi sur l’instruction publique, la Chartre des droits et libertés, de même que la Convention relative aux droits de l’enfant offrent cette chance égale pour tous les enfants, mais surtout parce que ceux-ci sont notre bien collectif le plus précieux.
Parce que c’est le début d’une étape essentielle au succès de leur vie, le début d’une période d’apprentissages et d’ouverture sur le monde qui les mènera vers une vie meilleure et vers une contribution essentielle à une communauté riche.
Pour permettre à tous une rentrée scolaire festive, les moyens sont simples et peu coûteux :
Dans un monde idéal à l’écoute des enfants et conscient de leur importance pour l’avenir de la société, ils arriveraient bien préparés avec tous les outils nécessaires et surtout avec la motivation et l’accompagnement auxquels ils ont droit. Les effets scolaires seraient fournis et tous les cahiers, livres, crayons, sacs à dos et autres fournitures seraient mis à leur disposition gracieusement. Quel petit investissement pour un si grand profit! À nous tous de jouer.
Pour en savoir plus sur le mouvement de la pédiatrie sociale en communauté et pour soutenir la Guignolée du Dr Julien qui aura lieu le 17 décembre 2011, visitez le www.fondationdrjulien.org
RECAP – How can we help students from disadvantaged neighbourhoods on the road to success? A new transdisciplinary approach referred to as social pediatrics enables us to effectively attain this societal objective. As an enthusiastic social pediatrician who is committed to his community, Dr. Julien is living his dream of helping the most destitute and powerless young people acquire confidence and determination on their path to educational success. He has succeeded in communicating and sharing his vision with a remarkable team of professionals. Dr. Julien’s work is an inspiration to the Quebec educational community. Based on connecting with families and community, on a better understanding of the risk factors, on the engagement of all children, on concerted action to ensure their success, on a very strong relation with each child, social pediatrics is proposing concrete and promising solutions in school settings, where social justice and equity are put to the fore.
Chères lectrices et chers lecteurs,
C’est avec un immense plaisir que j’ai accepté le poste de rédactrice pour la partie francophone de la revue Education Canada. Je me présente : Yolande Nantel, passionnée d’éducation et de culture. Je suis très fière de m’associer à l’équipe de rédaction de cette revue de grande qualité, succédant à Corinne Cecilia qui a fait un travail formidable pour le rayonnement de ce magazine. Ayant œuvré 35 ans dans le monde de l’éducation, j’ai occupé des postes d’enseignante, de directrice d’école, de directrice de regroupement d’établissements scolaires à Montréal et de directrice générale de commission scolaire en Estrie. Pour moi, ce nouveau défi est un beau prolongement de mon parcours professionnel et rejoint en tous points mes préoccupations éducatives.
J’ai toujours cru que chaque élève peut réussir. Ainsi, l’édition d’automne 2011 de la revue abordera le thème de la réussite par la lecture et l’écriture. Des chercheurs chevronnés vous fascineront par leur discours et leurs propos. Vous serez invités à découvrir le rôle essentiel des enseignants dans la motivation des garçons envers la lecture et l’écriture. Vous apprendrez comment une Chaire de recherche centrée sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture chez le jeune enfant peut contribuer à assurer la réussite scolaire des élèves et ce, dès le début de leur scolarisation. Un auteur belge se questionne sur les causes de l’échec et de la réussite en nous invitant à intervenir en amont des difficultés de l’élève et à identifier les carences du système. Enfin, vous aurez l’occasion de découvrir en ligne, sur notre site, un texte très éloquent sur des pratiques exemplaires d’adaptation de l’enseignement en contexte d’inclusion pour des élèves qui éprouvent des difficultés langagières au primaire. Autant d’expériences, de recherches, de stratégies, de réflexions devraient susciter votre intérêt, voire même votre adhésion. Bonne lecture!
L’Association canadienne d’éducation, autrefois appelée la Dominion Educational Association, a été fondée il y a 120 ans et a tenu sa première assemblée annuelle à Montréal en juillet 1892, alors que l’éducation publique gratuite et obligatoire prenait pied au Canada.
L’éducation publique a toujours eu comme rôle pivot de refléter les valeurs du présent, tout en anticipant les besoins de l’avenir. Si l’éducation n’est pas actuelle, elle perd le soutien du public qu’elle sert; si elle n’anticipe pas l’avenir, elle prive la prochaine génération des compétences et de la sagesse requises pour pouvoir s’adapter de façon créative à un monde changeant. L’astuce, évidemment, consiste à établir le bon équilibre, ce qui est plus difficile à accomplir pendant une période de changements rapides – comme en ce moment et à des époques comme la fin du dix-neuvième siècle.
S’il est impossible d’encadrer exactement l’« ère industrielle », on peut toutefois soutenir que l’ACE est arrivée sur la scène de l’éducation au Canada à un moment où les pressions de l’industrialisation en tant que force sociale ont commencé à se faire sentir en Europe et, de plus en plus, en Amérique du Nord.
Le pari de refléter le présent tout en anticipant l’avenir donnait lieu à la nécessité d’instruire des masses de jeunes en fonction de deux grands objectifs : engendrer une population instruite en mesure de participer à une jeune démocratie et former la main-d’œuvre requise pour alimenter une économie qui commençait déjà à passer de l’agriculture à l’industrialisation urbaine.
Dans cette optique, les fondateurs de l’ACE ont souligné l’importance que comportaient un personnel enseignant instruit, un curriculum élaboré en vue de conférer aux élèves une solide fondation de compétences fondamentales et de l’histoire canadienne, sans répétitions inutiles ou chevauchements du curriculum d’une année à l’autre. L’ACE insistait sur la nécessité de favoriser un sentiment d’unité et d’identité nationales, ainsi que sur le besoin de faire respecter la nouvelle réglementation obligeant les jeunes à fréquenter l’école jusqu’à l’âge de 15 ans.
Les premières communications de l’ACE démontrent ces préoccupations. Elles reflètent aussi les valeurs de l’époque, faisant écho au protestantisme qui a donné naissance aux premiers systèmes d’éducation publique au Canada. Un rapport présenté par le comité des résolutions de l’association lors de cette première assemblée annuelle manifeste un soutien indéfectible – on dirait aujourd’hui draconien – de l’instruction obligatoire, ainsi qu’une reconnaissance de sa fragilité.
[traduction] Votre comité est frappé par le caractère généralisé de l’absentéisme scolaire et du manque d’assiduité des enfants de moins de 15 ans dans les écoles établies par les provinces pour leur compte. Afin de triompher de ce comportement maléfique et de justifier l’établissement d’un système d’éducation gratuit, ce comité est d’avis que les lois relatives à l’absentéisme scolaire et à la fréquentation obligatoire de l’école devraient être plus exigeantes […] Votre comité recommanderait également que lorsqu’il semble que l’absence de l’école est continue et volontaire, que des écoles industrielles soient établies pour récupérer les incorrigibles et pour punir les contrevenants juvéniles, à la manière de l’école industrielle établie à Mimico, près de la ville de Toronto. [Les italiques sont de nous.]
Une recherche indique que l’école industrielle Victoria pour les garçons a ouvert ses portes à Mimico en 1887. Cette maison d’éducation surveillée et corrective accueillant des enfants de 10 à 14 ans « mettait l’accent sur le sauvetage des enfants, sur la réforme au moyen du développement du caractère, sur l’éducation morale et scolaire et sur la formation professionnelle. » L’horaire et le curriculum semblent rigides en comparaison des normes contemporaines – et même des normes de 1934, lorsque l’école a été fermée à la suite de scandaleuses accusations publiques selon lesquelles c’était un établissement barbare et archaïque.[1]
Il est clair que le comité des résolutions de l’ACE le voyait d’un autre œil en 1891, influencé, peut-être, par cet extrait du premier rapport annuel de l’école, rédigé par le directeur Hendrie :
[traduction] Cela semblait une curieuse entreprise que d’ériger une école sans barreaux ni cellules ni presque de fouet pour ces enfants minables […] Cette école diffère d’un centre d’éducation surveillée et corrective en ce qu’elle n’est aucunement une prison. Les garçons n’y viennent pas comme des criminels et ils ne sont pas remis en liberté à l’expiration d’une peine fixe, mais ils deviennent les apprentis d’un fermier ou d’un mécanicien de confiance […] De pauvres hères que l’on a trouvés dans un état lamentable ont appris l’application et l’obéissance dans l’atmosphère bienveillante de l’école.
Nous pouvons être tentés de juger les actions du passé en fonction des normes du présent lorsque nous examinons cette attitude du 19e siècle face aux problèmes de l’absentéisme et sa « solution ». Elle ne reflète vraiment pas les valeurs des éducateurs en 2011, selon lesquelles une éducation publique gratuite et obligatoire est une valeur sociale incontestée. Il répugnerait aux éducateurs d’aujourd’hui d’utiliser des mots comme « incorrigible » et « maléfique » pour décrire les élèves ou leur comportement. Mais il n’est pas difficile de conclure que les initiatives actuelles de l’ACE visant à mesurer et à améliorer l’engagement des élèves découlent de préoccupations similaires à celles qui inquiétaient les fondateurs de l’association sur le plan de l’absentéisme scolaire.
Comme eux, nous faisons face à un virage marqué des exigences de l’économie. Les élèves doivent s’initier à autre niveau d’engagement en vue d’un avenir qui se développe de façon que nous ne pouvons pleinement anticiper. Comme eux, nous voyons la nouvelle génération entrer dans une ère de changements sociaux et politiques préoccupants – cette fois, à l’échelle mondiale. Les problèmes de l’« absentéisme » préoccupent moins les éducateurs d’aujourd’hui que le manque d’engagement – une absence sociale et intellectuelle qui pose pour l’avenir de nos jeunes une menace qui s’assimile à celle que vivaient les jeunes qui n’obtenaient pas les éléments de base de l’éducation en 1891 au Canada.
Bien que nous n’imposions pas une maison d’éducation surveillée et corrective aux jeunes désengagés, nous leur donnons comme sentence une existence où ils ne sont pas en mesure de participer pleinement à la vie sociale et économique du pays. La nécessité d’un engagement total au processus d’apprentissage, plutôt qu’aux structures institutionnelles, est l’impératif qui anime l’éducation publique au 21e siècle.
[1] http://correctionsontario.tripod.com/Mimico%20History/History%20of%20Mimico%20CC.htm