L’implantation de la réforme en éducation : de bonnes intentions, mais un résultat mitigé
Projet porteur d’innovations et de changements importants, la réforme a, en effet, produit le renouvellement attendu du curriculum. Le discours pédagogique ne sera plus jamais le même, et c’est tant mieux! Mais, en ce qui concerne les réels changements de pratiques dans l’école, il faudra patienter encore quelques années avant de crier victoire.
Pourquoi ce demi-succès? La refonte du curriculum a fait ressortir les limites de l’approche socioconstructiviste, notamment au niveau de la différentiation, des besoins des EHDAA et de l’évaluation. Aborder les problématiques par le biais d’une démarche scientifique aurait permis au milieu de l’éducation de confronter ces limites et d’y apporter des hypothèses de solution. Bien sûr, il aurait fallu que le débat soit accessible pour tous, constructif et moins polarisé.
Si la réforme n’a pas porté tous ses fruits, c’est à cause d’un programme d’implantation mal ficelé, d’une stratégie en constante mouvance et d’un manque de leadership de la part des paliers supérieurs du réseau. Un langage hermétique, trop de forces négatives et pas assez de propos nuancés. Conséquemment, les directions d’école ont peiné à mobiliser leurs équipes autour de concepts faisant l’objet de telles polémiques, surtout au secondaire.
De plus, des éléments de contexte sont venus contaminer la démarche. Voulant, à juste titre, s’éloigner du modèle d’enseignement skinérien inspiré par l’approche industrielle, on a priorisé les facultés de haut niveau et la dimension transversale des apprentissages. Paradoxalement, on a introduit l’approche de « gestion axée sur les résultats (GAR) », en ramenant les indicateurs chiffrés, les moyennes de groupe et la réussite en terme de note à l’examen, dichotomie douloureusement démontrée lors du débat sur le bulletin. Une réforme adéquate des pratiques de gestion et de gouvernance aurait soutenu l’implantation des changements pédagogiques souhaités. Or, les tenants des modèles traditionnels, les enjeux politiques, les pressions de groupes d’intérêt, l’insécurité inhérente aux grands changements structurels et le renouvellement massif du personnel de direction auront eu gain de cause et forcé le statu quo.
Force est de reconnaître que la clé pour éviter la perte du sens initial du renouveau pédagogique se trouve dans le curriculum lui-même. À l’instar de ses auteurs, des experts du monde de l’apprentissage et de la communication, dégageons-nous du discours théorique et mettons en place des moyens d’application concrets, qui rallieront enfin les intervenants autour de la poursuite d’une réflexion pédagogique évolutive et dynamique.