La COVID-19 a donné une occasion unique aux élèves de réfléchir sur l’avenir de notre planète. Aussi difficile soit-elle, la pandémie est instructive. Elle nous montre à quel point nous sommes interdépendants, la façon dont nous sommes soutenus par la nature et l’importance de nos gestes. Cette expérience fournit une occasion propice, tant pour les élèves que pour les éducateurs, de se pencher sur l’action qui favorise la durabilité en se fondant sur les objectifs de développement durable (ODD) de l’ONU.
Ces importants objectifs, convenus par le Canada et presque tous les autres pays, ont une portée considérable. Ils ciblent 17 secteurs pour assurer la durabilité de la vie sur Terre – la vie humaine et sous toutes ses autres formes – ainsi que pour éradiquer la pauvreté et les iniquités, assurer la justice sociale et lutter contre les changements climatiques.
Compte tenu de l’importance grandissante de la question de la durabilité, on voit naître des stratégies pour aider les écoles et les éducateurs à faire comprendre aux élèves, de façon inspirante, que leur apprentissage et leur action communautaire contribuent à l’atteinte des objectifs à l’échelle mondiale. Ces approches rendent ces objectifs à la fois concrets et réalisables, à mesure que les jeunes prennent conscience de l’avancée des nouvelles idées et des progrès dans les différentes nations et régions du globe.
Le recours à des stratégies d’intégration des ODD par l’entremise d’une approche qui englobe toute l’école est l’un des principaux objectifs de LST, un organisme de bienfaisance canadien qui a pour mission de promouvoir les connaissances, les compétences, les valeurs, les perspectives et les pratiques essentielles à un avenir durable, par le moyen de l’éducation. LST travaille principalement avec les écoles et dans le cadre des politiques et des programmes scolaires, explique sa présidente et chef de la direction, Pamela Schwartzberg.
LST a d’abord lancé son approche globale avec soutien pour l’école publique Belfountain en Ontario en 2005 et a poursuivi sa démarche en instaurant le premier projet phare d’éducation au développement durable à l’école secondaire du district de Stouffville en 2006. En 2007, en partenariat avec le directeur de la Chaire UNESCO en réorientation de la formation vers le développement durable, de la faculté d’éducation et de la School of Business Schulich de l’Université York, LSF a commencé à offrir des séminaires dans le cadre de l’Académie de durabilité et d’éducation (ADEd) afin de mobiliser les dirigeants des conseils scolaires partout au Canada afin qu’ils puissent :
L’approche globale vise à aider les élèves, le personnel enseignant, de direction et de soutien, les parents et les membres de la communauté à intégrer les ODD dans la culture de l’école, les activités d’enseignement et d’apprentissage, les installations et le fonctionnement scolaire, ainsi que dans les partenariats communautaires. « Nous progressons davantage et plus rapidement lorsque nous travaillons de façon concertée dans toute l’école », de dire Pamela Gibson, consultante chez LST. Une approche globale contribue à renforcer les méthodes d’enseignement stimulantes et à inciter les écoles à adopter des pratiques favorisant la durabilité. Cela a des effets synergiques qui optimisent l’apprentissage et permet de mettre en pratique des compétences du 21e siècle, soit la collaboration, l’innovation et l’action.
En 2016, les ministres canadiens de l’Éducation avaient énoncé six compétences globales pancanadiennes qui : « permettent aux apprenantes et apprenants de répondre aux exigences changeantes et constantes de la vie, de travailler et d’apprendre, d’être actifs et réceptifs envers leurs communautés, de comprendre différentes perspectives et d’agir face aux enjeux d’importance mondiale. » Bien qu’elles varient quelque peu selon les provinces et territoires, les attitudes, compétences et connaissances essentielles pour les citoyens du 21e siècle incluent :
Ces compétences globales appuient l’ODD 4.7 (Éducation au développement durable et à la citoyenneté mondiale) ainsi que le volet éducation des autres 16 ODD.
De même, l’application d’une optique axée sur les ODD au contenu des cours et aux travaux faits en classe donne aux élèves l’occasion de mettre en pratique ces six compétences qui les aideront à réussir à l’école et dans leurs futurs rôles. Tout enjeu local ou scolaire choisi par les élèves doit être soutenu par un enseignement spécifique et une pratique guidée des compétences en communication orale, verbale et numérique de façon à obtenir un appui, à proposer des innovations et à trouver des partenaires avec qui collaborer. Les élèves doivent apprendre à recueillir et à organiser les données et la recherche et à réfléchir de façon critique sur ces éléments afin de déterminer les meilleures mesures à prendre. Les éducateurs ont à la fois les programmes-cadres et les stratégies pédagogiques pour renforcer ces compétences et aider les élèves à les mettre en pratique dans le cadre d’un projet qui, quelle qu’en soit la portée, peut contribuer à l’atteinte des ODD.
Prenons l’exemple d’un projet de verdissement de la cour d’école avec l’appui d’une pépinière ou quincaillerie locale. Songez à l’objectif 15 : Vie terrestre; l’objectif 13 : Protéger la planète et l’objectif 11 : Villes et communautés durables. La prise de mesures concrètes passe par de nombreuses étapes qui nécessitent des compétences en organisation, en planification et en autorégulation lorsque les plans ne fonctionnent pas comme prévu ou prennent plus de temps qu’on l’avait anticipé. Ces compétences renforcent les aptitudes fonctionnelles, l’adoption d’une vue d’ensemble et de solides habiletés et ressources favorisant le bienêtre. Les ODD donnent un sens à la pratique.
Présenter aux élèves des enjeux environnementaux, sociaux et économiques. Ces enjeux varieront selon la collectivité et pourraient inclure, par exemple, la réduction des plastiques à usage unique, l’exploration des emplois verts, la compréhension du problème de l’insécurité alimentaire, etc. La recherche de partenaires communautaires constitue une première étape importante pour rendre l’enjeu choisi pertinent et intégrer des expériences pratiques.
Fournir un contexte et un but. L’apprentissage est plus solide lorsqu’on le met en pratique. Par exemple, la notion de gestion des données devient plus concrète lorsque les élèves sortent de la salle de classe et apprennent à mesurer et à illustrer sous forme de graphiques la quantité de déchets alimentaires détournée des lieux d’enfouissement dans leur école ainsi que le compost que cela a permis de produire. En établissant des liens entre ces tâches et des ODD précis (voir les objectifs 12 et 15, par exemple), des concepts abstraits deviennent plus concrets.
Transformer des stratégies pédagogiques et des outils de réflexion. L’apprentissage inquisitif, la pensée systémique et d’autres outils pour susciter l’intérêt des élèves peuvent servir à établir des liens entre le programme-cadre et des enjeux locaux, et ainsi mener à des projets de mobilisation liés à des ODD. Cela permet d’enrichir l’apprentissage, d’acquérir des aptitudes pratiques, de fournir de précieuses expériences de vie ou de travail, et plus encore. Par exemple, on peut lier l’étude et la plantation de plantes indigènes à l’objectif 13 (Lutte contre les changements climatiques) et l’objectif 11 (Villes et communautés durables).
Utiliser les ODD pour orienter le programme-cadre et les pratiques. Les éducateurs peuvent puiser dans la nature et l’environnement bâti environnants ou encore dans la communauté naturelle ou culturelle pour montrer aux élèves la façon dont leur apprentissage peut servir à apporter des améliorations ou des innovations dans leur milieu immédiat. Ils peuvent intégrer ce processus dans le programme d’études, par exemple en incorporant la budgétisation environnementale dans le programme de mathématiques ou les habiletés d’argumentation dans les exercices d’écriture. Cette approche adaptée au milieu peut être appliquée quelle que soit l’année d’études.
Adopter des modèles inclusifs de planification et de prise de décisions qui tiennent compte des ODD. La voix des élèves, enseignants, parents et membres de la collectivité est prise en compte au moment de prendre des décisions et de trouver des solutions. La consultation, que ce soit au moyen d’entrevues, de questionnaires ou de petits groupes de discussion, peut permettre de resserrer les liens. Un autre modèle est celui d’un « comité de tous les êtres », où les participants jouent le rôle des différentes parties concernées par une décision, incluant les gens, les plantes et les animaux. Il est aussi important d’inclure des partenaires des communautés autochtones ou des aînés ainsi que des experts locaux. Les ODD donnent aux discussions un plus large contexte qui peut contribuer à une prise de décision consensuelle.
LST a lancé le programme pilote Écoles pour un avenir durable (voir le graphique 1) qui fait la promotion d’une approche globale fondée sur les ODD et les compétences globales.
« Le programme deviendra une ressource pour les écoles qui souhaitent concevoir leur propre parcours pour faire progresser les ODD. Il ne s’agit pas d’un itinéraire tracé d’avance, mais plutôt d’une feuille de route et d’une série d’outils de planification qui s’appuient sur les ODD », indique Pamela Schwartzberg.
Il propose des outils et des stratégies pour suivre et évaluer les progrès accomplis, un élément crucial pour obtenir le soutien du conseil et des parents.
Graphique 1 : Cadre du programme Écoles pour un avenir durable de LST
La structure circulaire du cadre fait en sorte que l’école ou la classe peut commencer à partir de n’importe quel point. Le « soi durable » représente chaque enfant dont l’école a la charge, plaçant ainsi la croissance et le bienêtre de l’élève au centre de la communauté d’apprentissage. Les élèves développent une prise de conscience, nouent des relations bienveillantes avec les autres et avec la nature, acquièrent de nouvelles habiletés et connaissances, qui sont tous des éléments qui appuient une démarche d’action en vue d’améliorer leur vie et leur collectivité.
Dans la recherche comme dans la pratique, les dix éléments pédagogiques ci-dessous sont cités comme des outils de transformation en vue du changement. Le degré de compréhension et la mise en application de chaque élément peuvent varier selon l’éducateur. Il existe des ressources et des possibilités d’apprentissage professionnel pour chacun de ces éléments qui permettent aux enseignants de s’initier de façon autonome ou en compagnie d’un ou d’une collègue ou d’un partenaire local, dans le cadre d’un cours ou avec l’ensemble du corps professoral pour former une communauté d’apprentissage professionnel.
En 2020, avec l’appui de 3M Canada, LST a lancé le programme pilote Écoles pour un avenir durable à l’école publique Belfountain. Au début de l’année, toutes les classes ont appris les ODD. Dans le cadre des périodes de réflexion tout au long de l’année, le personnel enseignant a demandé aux élèves de penser à des façons de lier le contenu et les projets de leurs cours à l’un des 17 objectifs. L’inscription de ces liens sur des tableaux affichés sur les murs de la classe et leur mention lors de discussions de groupe a contribué à l’enseignement du cadre des ODD. Cela développait aussi la compréhension des objectifs par les élèves au fil du temps. Les liens ainsi établis témoignaient pour les élèves de la pertinence de leur apprentissage à l’école. Les jeunes pouvaient accéder à un site Web pour lier les objectifs de leur propre travail à une initiative visant des ODD, illustrant ainsi la façon dont leurs efforts s’inscrivaient dans une action positive à l’échelle de la planète.
Pour l’année scolaire 2020-2021, les ODD ont été davantage intégrés aux programmes de tous les niveaux de l’école. Le programme a débuté avec une assemblée virtuelle de l’école en octobre où on a lancé un appel à l’action sur le gaspillage alimentaire et l’ODD 2 : Éradiquer la faim et assurer la sécurité alimentaire. En novembre, chaque classe a fait part de ses apprentissages et de ses actions à l’égard des ODD au moyen de vidéos, de chansons et de présentations écrites.
En ayant une compréhension commune de la culture de l’école et de son unicité, on s’assure que le succès ne repose pas uniquement sur le leadership et le dynamisme d’un seul membre de la direction, du personnel enseignant ou d’un club scolaire! Il faut ensuite établir des liens entre l’action à l’échelle locale et un ou plusieurs ODD. Il est essentiel que l’imbrication des ODD dans le cadre de l’apprentissage scolaire fasse partie des priorités de l’école pour assurer le succès d’une approche globale. Lorsque l’école a des liens avec des partenaires locaux et est à l’écoute des préoccupations concrètes, les élèves, le personnel et les parents peuvent travailler ensemble pour prendre des mesures sur des questions d’importance pour eux, ce qui motive et soutient l’action découlant de l’apprentissage au fil du temps.
Selon Lynn Bristoll, directrice de l’école Belfountain : « Lorsque je suis arrivée en place, j’ai envoyé un court questionnaire aux parents pour savoir quelles étaient leurs priorités et préoccupations, et ce qu’ils aimaient de l’école. Ils ont dit accorder une très grande importance à l’environnement et aux activités extérieures. » Depuis de nombreuses années, le personnel de l’école, les élèves et les parents se sont rapprochés de la nature et de la collectivité.
« Il s’agit d’une valeur fondamentale de l’école et une pierre angulaire de sa culture. Les élèves s’appliquent à faire changer les choses, à l’échelle locale et planétaire, poursuit Mme Bristoll. Ils participent, par exemple, à un festival annuel de Moutarde à l’ail, un programme qui sollicite la participation des membres de la collectivité pour identifier cette espèce d’herbe envahissante et pour l’éliminer des espaces verts publics. Cela souligne l’importance de l’intégration des ODD dans notre réflexion et notre action. » (Pour un exemple, se reporter à l’enquête sur l’eau de la classe de 4e année à l’école Belfountain).
Les ODD contribuent également à accroître la sensibilisation à d’autres enjeux sociaux importants et prioritaires pour l’école, tels que le mouvement Black Lives Matter et le savoir autochtone, explique Lynn Bristoll. « Le but visé, c’est qu’à la fin de leur parcours scolaire, les élèves savent qu’ils peuvent prendre action sur la base de ce qu’ils ont appris. »
Les élèves de 4e année voulaient étudier et agir sur la question de l’eau. Comme ils vivent dans des maisons où l’eau potable provient d’un puits, c’est une question qui est importante pour eux. Ils sont également inquiets des répercussions qu’un éventuel projet d’aménagement dans la région pourrait avoir. Comme l’OOD 6 concerne l’eau propre et l’assainissement et que l’ODD 14 concerne la vie aquatique, le lien entre la portée à la fois locale et globale de cet enjeu devait clairement être établi.
« Emmenez les élèves à la rivière ». C’est ce que Pamela Gibson, consultante chez LST, a conseillé à l’enseignante. « Je lui ai dit que les élèves étaient comme des journalistes d’enquête qui cherchent à déterminer ce qui est important pour eux et leur communauté. Ils s’investissent ainsi davantage dans leur apprentissage. »
Les élèves ont observé la rivière près de l’école et recueilli des données. Ils sont revenus de leur visite initiale avec de nombreuses questions. Qu’arrivera-t-il à la nappe phréatique? D’où vient l’eau et où va-t-elle? L’eau est-elle propre? Ces questions orientaient leurs leçons et leurs travaux une fois de retour à l’école. Ils ont fait des recherches sur les puits artésiens, l’eau de surface et les rivières souterraines. Ils pouvaient s’atteler à plusieurs projets traitant de diverses facettes, simplement à l’aide de l’information recueillie et des connaissances qu’ils avaient acquises. Cette démarche permettait à l’enseignante d’établir de nombreux liens avec divers sujets du programme-cadre. L’activité extérieure a été un élément clé de cette démarche.
Il est important que le personnel enseignant aborde ce processus en se servant du programme-cadre. Des liens avec les sciences, les études sociales, les mathématiques et la langue ont pu être établis dès le début. Les enseignants peuvent déterminer ce qu’il est possible de faire et guider les apprenants vers les concepts du programme-cadre et les grandes idées. Grâce aux visites à la rivière et à l’enquête sur l’eau, l’enseignante a pu constater la façon dont on pouvait relier le programme-cadre, les ODD et l’intégration de nouvelles techniques pédagogiques.
« L’idée est de réfléchir aux expériences d’apprentissage en s’appuyant sur les ODD. De poser des questions : En quoi cela est-il relié à notre avenir? À notre communauté locale? Aux enjeux mondiaux? », conclut Pamela Gibson.
Janice Haines, enseignante de maternelle à l’école Belfountain et consultante chez LST, participe à la culture de durabilité de l’école depuis de nombreuses années. « Pour que les enfants comprennent les objectifs, vous devez les rendre concrets. Il faut établir un lien entre les grandes idées et leurs expériences au quotidien, explique-t-elle. Par exemple, les enfants peuvent saisir un principe scientifique comme l’adaptation lorsqu’ils observent les animaux dans la nature qui doivent se débrouiller pour survivre durant l’hiver. Ils comprennent très bien. » Il est particulièrement utile d’avoir des partenaires dans la communauté. « Un parent nous a aidés à travailler sur un projet de protection des écureuils il y a quelques années, et nous avons poursuivi le projet pendant cinq ans! »
Il est important de fournir un contexte aux élèves et de leur faire savoir que leurs gestes contribuent à changer les choses. « Nous ne souhaitons pas les stresser en parlant de catastrophes; nous essayons plutôt de faire le lien avec ce qui se passe sur le terrain de l’école, continue Janice Haines. Ce que je veux voir, ce sont des enfants heureux qui ont envie d’apprendre et de prendre une part plus active dans leur communauté, et qui savent qu’ils ont une voix. »
Cet article a été traduit de l’anglais. Certaines des ressources sont aussi disponibles en français; veuillez consulter les sites Web.
World’s Largest Lesson
https://worldslargestlesson.globalgoals.org/
Affiches et plans de leçon https://worldslargestlesson.globalgoals.org/resource/introducing-explorers-for-the-global-goals/
Vidéo d’introduction aux objectifs : Sustainable Development Goals: Improve life all around the globe
https://www.youtube.com/watch?v=kGcrYkHwE80&feature=youtu.be
Ressources de L’éducation au service de la Terre (http://lsf-lst.ca/fr)
Webinaires : http://resources4rethinking.ca/en/outdoor-learning
Ces webinaires à l’intention du personnel enseignant présentent les ODD et fournissent des occasions d’échanger idées et ressources sur l’intégration des ODD dans les plans de leçons et les projets d’action.
Ressources pour repenser : www.R4R.ca
Une base de données en ligne gratuite que les membres du milieu de l’éducation et du grand public peuvent interroger, par ODD, pour trouver des ressources pédagogiques, de la littérature pour enfants, des vidéos, des activités en plein air, ainsi que des applications et jeux de très grande qualité liés aux programmes-cadres et revus par des pairs.
Projet Notre Canada : www.ourcanadaproject.ca
Permet aux écoles de partager leurs projets d’action pour le développement durable afin d’encourager la participation des jeunes, de favoriser l’accès aux ressources et de faire des demandes de financement. Plus de 850 projets sont actuellement affichés et interrogeables par ODD.
Forums de jeunes leaders : www.Bit.ly/LSF-Forums-2021
Ces forums favorisent la participation des élèves afin de trouver des solutions à des questions de développement durable locales, de leur fournir les connaissances et compétences nécessaires à l’apport de changements et de les habiliter à passer à l’action.
Photo de bannière : Adobe Stock
Images gracieuseté de L’éducation au service de la Terre
Lisez les autres articles de ce numéro
Council of Ministers of Education, Canada. (2016). Pan-global competencies.
https://www.cmec.ca/682/global_competencies.html
The Global Goals. (2015). The Global Goals for Sustainable Development.
www.globalgoals.org
Kozak, S., & Elliott, S. (2014). Connecting the Dots: Key strategies that transform learning for environmental education, citizenship and sustainability. Learning for a Sustainable Future.
http://lsf-lst.ca/dots
United Nations Department of Economic and Social Affairs. The 17 Goals. United Nations.
https://sdgs.un.org/goals
UNESCO International Bureau of Education. (2020). Canada establishes a Pan Canadian Global Competencies Framework for Education. UNESCO.
www.ibe.unesco.org/en/news/canada-establishes-pan-canadian-global-competencies-framework-education
Ce texte illustre par de multiples exemples en quoi la situation pandémique touche l’enseignement et l’apprentissage du français en contexte minoritaire. Mme Boutouchent y aborde une pratique qui a redonné la voix à des étudiants intimidés par la distance. Mme Fournier parle des changements apportés à ses pratiques auprès de ses jeunes élèves.
S’il y a un point important que l’on répète sans cesse tout au long de la formation initiale du personnel enseignant, c’est bien celui relatif à l’importance de la relation interpersonnelle. Une relation virtuelle, à distance, en synchrone ou en différé, avec ou sans artifices de réalité augmentée est certainement différente, surtout pour ceux et celles qui commencent leur première année à l’université en français langue seconde en milieu majoritairement anglophone. En ce temps de pandémie, la distanciation physique est un geste d’amour et d’attention envers soi et les autres, mais lorsqu’elle s’ajoute à l’isolement linguistique, elle augmente le stress ressenti. C’est du moins ce que mes apprenants m’ont dit dès le premier jour de la rentrée. Bien qu’ils soient tous habitués aux technologies, ils espéraient vivre leur première expérience universitaire sur le campus, se faire des amis francophones de tous les horizons et planifier passer leur deuxième année à l’Université Laval à Québec l’année prochaine. J’aime leur répéter que ce rêve n’est que remis à plus tard mais je sais qu’ils le vivent différemment.
Je suis professeure au programme du baccalauréat en éducation française de l’Université de Regina (Saskatchewan), où la langue est fortement minoritaire. Non seulement la province se caractérise par ses vastes prairies, mais en plus, la communauté fransaskoise y est dispersée, si bien que les évènements francophones rassembleurs n’étaient déjà pas très nombreux avant la pandémie. Notre programme est unique à bien des égards. Non seulement il est le seul programme de formation des maîtres en français de la province, mais il réunit particulièrement les francophones et les francophiles d’ici et d’ailleurs qui se destinent à l’enseignement dans nos écoles fransaskoises et d’immersion française et y apprennent dès lors à collaborer (Boutouchent, 2016).
Quatre semaines après le début des cours, j’ai sollicité la rétroaction et les impressions de mes étudiants quant au déroulement du cours à distance. Après plusieurs minutes d’attente, j’ai fini par leur demander de se renommer en s’attribuant le nombre 1, et au lieu d’intervenir oralement, d’exprimer leurs idées par messagerie (clavardage). Devenus ainsi quasi anonymes, ils n’ont pas hésité à offrir leurs commentaires et leurs suggestions. Sur vingt-neuf participants, j’ai compté pas moins de dix-sept commentaires liés au stress linguistique. Plusieurs affirmaient qu’il leur était difficile de s’exprimer en français, y compris avec leurs collègues qu’ils rencontrent pourtant dans plusieurs autres classes. Plus de la moitié ont dit ne pas avoir utilisé leurs compétences langagières depuis le début de cette pandémie. La question suivante s’est alors imposée.
L’an dernier, nous avons tous été surpris par cette pandémie. Les écoles ont dû finir l’année scolaire à la hâte et à distance comme partout ailleurs. Dans une province où le français se parle surtout entre les murs de l’école et des classes, il va sans dire que les moments et les espaces privilégiés pour les interactions interpersonnelles, spontanées ou non, les échanges et les pratiques langagières ainsi que l’apprentissage du français langue seconde, ont cédé le pas à l’importance de finir l’enseignement des contenus disciplinaires. Les interactions virtuelles sont difficiles, surtout avec les jeunes qui vivent dans un environnement familial majoritairement anglophone. Plusieurs d’entre eux se sentent fortement isolés chez eux, parce qu’ils passent leurs journées à étudier en français sans pour autant pouvoir l’exercer ou l’utiliser, ni même se faire aider dans leurs apprentissages.
Ils se sentent, comme certains l’ont souligné, doublement isolés en comptant l’isolement dû à la pandémie. Ils se sentent isolés au sein du foyer mais aussi de leurs amis et de leur environnement scolaire ou universitaire, qui demeurait jusqu’ici l’espace unique de socialisation et d’interaction interpersonnelle en français langue minoritaire. D’autres qui ont des frères et des sœurs scolarisés en immersion française limitent leurs interactions à aider les plus jeunes à effectuer leurs travaux scolaires. Ils s’inquiètent aussi pour eux car à leurs dires, suivre les cours en ligne ne favorise pas l’interaction en soi. « Si les écoles ferment, les élèves en immersion qui ne parlent pas français à la maison risquent de perdre leurs acquis par manque de pratique. Il est plus difficile de poser des questions quand on a moins d’occasions de parler le français », expliquent-ils. Les communications interpersonnelles, par le biais de différents moyens technologiques avec les amis et la parenté, se déroulent souvent en anglais, soit pour exprimer rapidement ce que l’on a à dire ou bien parce que la communication implique des membres de la famille qui ne s’expriment pas en français. De par leur propre expérience, ma classe observe que « c’est déjà difficile d’apprendre la langue française à l’école, mais c’est encore plus difficile de l’apprendre en ligne. Dans les classes en présentiel, nous sommes entourés par les personnes qui parlent le français; à la maison, la plupart d’entre nous sommes les seuls qui le parlent ». Plus récemment, notre classe a discuté du contexte sociolinguistique des langues officielles dans lequel nous vivons et les enjeux liés au français minoritaire. Ces futurs enseignants pensent que la situation présente amplifie certains défis.
Une des premières observations soulevées est qu’« il y a encore moins de rencontres sociales, alors la communauté francophone en souffre un petit peu ». Celle-ci étant dispersée dans toute la province, il était déjà difficile de profiter des évènements socioculturels que les communautés fransaskoises du nord et du sud ont pris l’habitude de célébrer. Avec cette pandémie, la plupart des célébrations culturelles ont été annulées, y compris les évènements socioculturels occasionnels comme la Semaine de films francophones offerte par la bibliothèque municipale, ou bien ceux des organisations communautaires fransaskoises telles que la Société historique, l’Association Jeunesse Fransaskoise (AJF) et bien d’autres encore auxquelles les écoles participent de mieux en mieux. Les évènements virtuellement offerts par certaines institutions francophones demeurent peu attrayants. « C’est encore regarder le français et non pas vivre en français » témoigne un des apprenants. Un autre défi soulevé par ce groupe de futurs enseignants est celui relatif à la difficulté d’enseigner. « La situation de la COVID-19 n’aide pas les élèves qui ne sont plus capables de s’entretenir entre eux en français à cause des masques mais aussi parce qu’il n’y a plus l’obligation de parler en français ». Non seulement l’apprentissage du français langue seconde n’est plus une priorité, mais le défi que les tout-petits vivent est réel. Le vécu d’une classe de prématernelle est bien révélateur.
Jusqu’au 12 mars 2020, mes petits en prématernelle partageaient leurs idées et apprenaient de nouveaux mots en français en faisant du « buddy-reading » avec leurs partenaires de lecture de première année. Quatre jours plus tard, tout a basculé. L’apprentissage via la plateforme Zoom n’a pas été facile. L’enseignement que je faisais presque exclusivement en français en salle de classe est très vite devenu bilingue puis presque entièrement en anglais. J’ai dû soutenir mes élèves et leurs parents dans la langue de Shakespeare. La pandémie a complètement changé ma façon d’enseigner mes classes de prématernelle et de maternelle. J’ai modifié mes stratégies d’enseignement et le matériel pédagogique pour remplacer les objets que les élèves manipulent habituellement, et j’ai changé l’organisation physique de ma classe. Le changement le plus déplorable se situe au niveau de la performance des élèves. Ceux de la prématernelle de l’an dernier qui sont en maternelle maintenant ont dû reprendre leur apprentissage du français comme si cela était la toute première fois. Tout le travail que nous avions accompli et le vocabulaire que nous avions acquis avant la pandémie avaient été oubliés en quelques mois. Notre vie de classe n’est plus la même et la relation bâtie avec mes élèves est différente. À cause des précautions et des mesures de sécurité en place, les jeunes élèves ont moins de plaisir à apprendre. Non seulement les interactions entre eux ont beaucoup diminué mais en plus, ils ne peuvent plus partager leurs jeux, s’asseoir en cercle sur le tapis pour discuter de sujets divers, ni clairement entendre ma voix et ma prononciation des mots en français. À cause du masque, ma communication non verbale ne peut plus soutenir la compréhension et l’apprentissage de nouveaux mots. Mes petits éprouvent plus de difficultés à lire les émotions étant donné qu’ils ne voient que les yeux et non le reste des visages. Notre relation et interaction avec nos partenaires communautaires de Gravelbourg a aussi changé. Désormais, nous ne pouvons pas nous rendre au bureau de poste où l’on pourrait utiliser notre français pour envoyer notre lettre au Père Noël. La situation actuelle prive mes élèves qui apprennent le français en milieu minoritaire de bien plus que de jouer avec leurs amis. Il nous faut espérer que cette situation ne dure pas pour que nos élèves ne perdent pas leurs acquis et ne se découragent pas du fait que leur apprentissage soit ainsi ralenti.
Photo : Adobe Stock
Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Boutouchent, F. (2016). Le passage du milieu francophone minoritaire au milieu francophone majoritaire : Étude de l’expérience des enseignants en formation pour comprendre l’influence du milieu sur le développement professionnel. Revue Canadienne de linguistique appliquée (RCLA/ CJAL), 19(1), 84-108.
C’est bien connu, les écoles n’ont pas toutes les mêmes moyens d’offrir un environnement d’apprentissage stimulant à leurs élèves. Cette situation a d’ailleurs été dénoncée dans un rapport du Conseil supérieur de l’Éducation au Québec (CSE) en 2016. « La concurrence en éducation est indissociable de la perception que toutes les écoles ne sont pas équivalentes : elle alimente donc la crise de confiance qui fragilise le système public. Cette crise de confiance accentue la tendance à regrouper les élèves selon leur profil scolaire et socioéconomique. » Au-delà de cette critique qui mérite certes des nuances, il n’en demeure pas moins que l’épidémie de la COVID-19 a imposé un même défi à toutes les écoles, favorisées ou défavorisées : soit celui du déploiement du numérique en soutien à l’accompagnement et à l’apprentissage à distance. La COVID-19 a provoqué un moment unique et généralisé de développement professionnel.
Si l’école a son propre rythme de croissance, il est quand même surprenant de constater le faible niveau de maîtrise et d’utilisation du numérique à l’école, comme le révèle l’étude de Villeneuve et al., présentée en 2018. Force est de constater qu’à ce jour, les initiatives des dernières décennies n’ont pas fourni tous les résultats escomptés. Au Québec, il suffit de penser à la création du RÉCIT (réseau axé sur le développement des compétences des élèves par l’intégration des technologies) ou encore au Plan d’action numérique (PAN) dont s’est doté le ministère de l’Éducation du Québec.
Au tournant du millénaire, des commissions scolaires (CS) et des écoles privées ont commencé à lui emboîter le pas. La CS Eastern Township, dirigée à l’époque par Ron Canuel, a décidé de porter un grand coup en 2003 et de fournir un ordinateur à tous ses élèves pour provoquer le changement. « Depuis 1997, le gouvernement a dépensé plus de 300 millions et le taux d’utilisation des ordinateurs dans nos écoles est demeuré assez bas parce que les enseignants n’ont pas eu le temps de se familiariser avec les logiciels », affirmait-il dans Le Devoir. Près de vingt ans plus tard, le point de bascule n’est toujours pas atteint et il aura fallu attendre cette crise sanitaire pour délier les bourses et les esprits afin de déployer le numérique à l’école et encore là, à géométrie variable.
Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer la lente intégration du numérique dans certaines écoles au Québec. Cela va des choix budgétaires au manque de formation du personnel, en passant par le manque de soutien informatique ou encore la crainte d’être dépassé, voire ridiculisé par ses élèves : les natifs du numérique. Qui sont-ils ces jeunes qui n’ont pas connu le monde sans Internet ? D’habiles joueurs en ligne, des experts en clavardage, des pros de TikTok ? Cela n’en fait pas des experts en apprentissage pour autant.
Ainsi, la fermeture des écoles et les demandes d’accompagnement à distance des élèves ont encouragé les enseignant(e)s à surmonter leurs craintes et à expérimenter les possibilités du numérique pour garder un lien d’apprentissage. Si le défi en a emballé certains, d’autres ont vécu une courbe d’apprentissage phénoménale pour réussir à maîtriser les Google Classroom, Teams ou Zoom de ce monde.
Ce virage rapide n’aurait pu se réaliser sans le soutien des conseillers pédagogiques, des formations en ligne et de l’essentiel soutien des collègues. Combien d’enseignants ont pu compter sur l’appui indéfectible d’une consœur ou d’un confrère pour effectuer les premiers pas, les premières captations vidéo, les premières animations en ligne ? On aura rarement vu une telle entraide.
Rapidement, les directions d’école ont demandé de fournir des plans de leçon hebdomadaires pour les élèves. Ces plans devaient principalement cerner les savoirs essentiels et consolider les apprentissages ; ce qui est une tâche relativement simple pour un enseignant expérimenté. Le défi se situait au-delà des notions à transmettre. Il fallait revoir sa pédagogie et ses stratégies autant d’enseignement que d’évaluation, car ce qui se faisait bien en classe ne se transmettait pas tel quel à l’écran.
Ainsi, les enseignant(e)s ont dû apprendre à gérer un groupe à distance notamment en instaurant des routines quant au comportement à l’écran, à la réalisation des activités proposées et à la gestion du temps. Pour ce faire, les directions d’établissement ont aussi dû faire preuve d’imagination afin de libérer les enseignant(e)s pour les amener à développer leurs compétences numériques.
La situation est encore loin d’être parfaite dans les écoles du Québec et le ministère de l’Éducation continue son investissement dans le matériel et la formation du personnel enseignant en prévision d’un éventuel autre confinement. Toutefois, nous ne pouvons ignorer les pas de géant que les enseignants ont réalisés quant à leur expertise en accompagnement des élèves à distance et à l’intégration judicieuse du numérique. Il reste encore des résistances dans le milieu, mais les enseignants sont de plus en plus nombreux à ne plus vouloir retourner à l’école « comme avant » après le printemps numérique qu’ils ont vécu. En fin de compte, la pandémie aura-t-elle malgré elle contribué à propulser vers l’avant une masse critique d’enseignants soucieux de faire mieux ce qu’ils font bien ?
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Conseil supérieur de l’Éducation. (2016, septembre). « Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2014-2016 : Remettre le cap sur l’équité » (sommaire). http://www1.cse.gouv.qc.ca/fichiers/documents/publications/CEBE/50-0494Sommaire.pdf
Villeneuve, S., Stockless, A., Beaupré, J., et Bisaillon, J. (2018, octobre). Évolution de la compétence numérique d’enseignants : recul, statu quo ou progression ? 4e colloque du CIRTA, Présent et futur de l’enseignement et de l’apprentissage numérique, Québec (Québec), Canada. https://cirta2018.teluq.ca/teluqDownload.php?file=2019/03/31_Villeneuve_Stephane_Alain_Stockless_Julie_Beaupre_Jeremie_Bisaillon.pdf
(2003, 24 janvier). « Un écolier, un portable ». Le Devoir. https://www.ledevoir.com/societe/education/18974/un-ecolier-un-portable
La pandémie de COVID-19 a été un coup de tonnerre dans le ciel bleu du monde scolaire. Du jour au lendemain, au Québec et dans le monde entier, de nombreuses écoles ont dû fermer leurs portes, imposant l’enseignement à distance comme la seule avenue possible pour que les enfants puissent poursuivre leur cheminement scolaire.
L’école virtuelle possède plusieurs caractéristiques qui peuvent être perçues, par certains acteurs du monde scolaire, comme étant des avantages qui rendent efficace ce type d’école. Dans les premiers mois de l’année 2020, les parents des enfants fréquentant l’enseignement en ligne ont sans doute constaté que leur enfant se retrouvait dans un contexte rappelant globalement l’enseignement individualisé ou personnalisé, dans la mesure où leur enfant devait faire seul ou avec le soutien parental les activités d’apprentissage à l’écran et sur papier. Certains acteurs du monde scolaire peuvent percevoir cette individualisation reposant sur le dynamisme des enfants comme un élément potentiellement positif de l’école virtuelle, argument de vente d’ailleurs invoqué pour encourager les inscriptions dans ce type d’écoles (Barbour, 2019). Nous verrons que l’enseignement individualisé n’est pas un gage de succès.
L’école virtuelle implique l’emploi massif des technologies. Encore une fois, certains acteurs du monde scolaire peuvent considérer qu’un plus grand recours aux technologies est un élément favorable à l’apprentissage des élèves. Nous verrons que les données actuelles en la matière nous invitent à réfréner grandement notre enthousiasme.
La classe inversée présente avec l’école virtuelle une parenté certaine. La classe inversée consiste à diminuer l’enseignement en présentiel à l’école pour le remplacer par des clips vidéo, des exercices, des textes explicatifs accessibles sur Internet que les élèves consultent d’eux-mêmes à leur convenance. Les périodes de temps en présentiel à l’école sont alors consacrées aux questions des élèves, à la rétroaction et à l’approfondissement de certains contenus. En ce domaine, comme nous le verrons, les recherches sont rarissimes.
La classe inversée est une version partielle de l’école virtuelle puisque cette dernière pourrait se définir succinctement par un enseignement et un apprentissage intégral en ligne. L’école virtuelle s’est imposée au monde entier en avril 2020. Cependant, l’idée de l’école virtuelle commence à la fin du xxe siècle et des expérimentations, des recherches ainsi que des rapports en ont mesuré les effets. Malheureusement, nous verrons que les résultats ne sont pas invitants.
Donc, l’école virtuelle, est-ce la solution de l’avenir, avec ou sans pandémie ?
Le quotidien scolaire d’un élève inscrit à une école virtuelle se résume à être en interactions principalement avec un écran. En effet, ces interactions consistent à regarder des vidéos d’explications préenregistrés, à utiliser des applications informatiques présentant un contenu et des exercices précis, à faire des recherches et des consultations de sites internet, à lire des documents divers affichés à l’écran ou sur papier. L’ensemble de ces activités d’apprentissage peuvent se retrouver sur une feuille de route pédagogique, dont le contenu varie en fonction du degré scolaire et du rendement de l’élève. À cela s’ajoutent des évaluations formatives permettant de situer le cheminement de l’élève, tout en orientant la planification de la suite des activités d’apprentissage. Les rencontres synchrones à l’écran (en direct) avec le titulaire de l’élève ou un enseignant constituent un faible pourcentage du total des activités d’apprentissage. Des appels téléphoniques sont généralement prévus avec l’élève et ses parents. Ce portrait correspond assez bien à un enseignement individualisé comprenant un fort support technologique. L’école virtuelle est d’ailleurs souvent « vendue » aux parents et au monde scolaire comme étant une école offrant un enseignement individualisé et personnalisé (Barbour, 2019).
En 2019, l’organisme australien Education Endowment Foundation (EEF) a produit une recension de recherches, principalement composée de méta-analyses, sur les effets de l’enseignement individualisé du préscolaire au postsecondaire. L’enseignement individualisé y est défini comme un système d’enseignement où les élèves/étudiants travaillent à leur propre rythme sur des activités personnalisées guidées pendant qu’ils sont à l’école. Divers modèles d’enseignement individualisé ont été testés au fil des ans, en particulier dans des matières comme les mathématiques, où les élèves/étudiants accomplissent d’eux-mêmes et à leur propre rythme les activités d’apprentissage. (Pour une meilleure compréhension des résultats qui suivent, veuillez-vous référer aux deux tableaux suivants.)
Méta-analyse
Une méta-analyse est une recension des recherches scientifiques sur un sujet en particulier, par exemple l’enseignement individualisé, afin d’en soupeser l’effet sur le rendement (ou d’autres variables : reprise d’année, estime de soi, etc.). Pour chaque recherche retenue, une grandeur d’effet est calculée et la moyenne de ces grandeurs d’effets est réalisée. La méta-analyse permet d’avoir alors une idée du poids sur le rendement (ou autres variables) du sujet analysé. Quoique la méta-analyse n’est pas exempte de failles possibles, elle demeure un moyen important d’éclairer les débats en pédagogie.
Grandeur d’effet
La grandeur d’effet ou la taille d’effet d’une méta-analyse correspond à un effet moyen calculé à partir des grandeurs d’effets de chacune des recherches retenues. Le terme écart-type peut parfois être une équivalence de la grandeur d’effet. Une grandeur d’effet qui peut être positive ou négative s’exprime par un nombre décimal. Il faut savoir que généralement une grandeur d’effet est jugée petite si elle est supérieure à 0,20 et inférieure 0,49, qu’elle est moyenne si elle est supérieure à 0,50 et inférieure à 0,79 et qu’elle est forte si elle est supérieure à 0,80. On peut aussi considérer, à titre analogique, qu’un effet positif de 1,0 serait un gain d’un an d’apprentissage de plus qu’une autre approche pédagogique, qu’un effet de 0,50 serait l’équivalent d’une demi-année d’apprentissage scolaire de plus et qu’en corolaire, un effet de – 0,50 (donc négatif) serait égal à une régression d’une demi-année d’apprentissage, par rapport à une autre approche.
Les résultats des méta-analyses compilées par EEF varient de – 0,07 à 0,41 écart-type avec un résultat médian de 0,19, ce qui est faible, même selon les normes retenues par EEF. Nous attirons votre attention sur le fait que ces résultats sont majoritairement obtenus en présentiel. De plus, d’autres chercheurs (Bangert et al., 1983) indiquent que l’enseignement individualisé peut être encore moins efficace au primaire et au début du secondaire. Est-ce que l’enseignement individualisé deviendrait plus efficace en ligne qu’il ne l’est en présentiel ? À moins d’adopter une perspective foncièrement jovialiste, il faut répondre que cela est peu probable.
Un développement plus exhaustif de ce qui suit se retrouve dans deux autres articles (Boyer et Bissonnette, soumis pour publication).
Au cours des quinze dernières années, Robert Slavin et ses collaborateurs de l’université John Hopkins se sont intéressés aux effets de la technologie en présentiel sur le rendement des élèves en mathématiques et en lecture. Slavin et ses collègues rédigent des méta-analyses du type de la « meilleure preuve » (Best Evidence). Les recherches retenues dans ces méta-analyses doivent répondre à des critères très rigoureux.
Slavin et son groupe de recherche (2009) observent, à partir des résultats provenant de 346 recherches présentées dans cinq méta-analyses publiées antérieurement, une taille d’effet très faible de 0,11 en ce qui a trait à l’enseignement assisté ou réalisé par ordinateur, pour l’apprentissage des mathématiques et de la lecture auprès des élèves du primaire et du secondaire. En 2019, dix ans plus tard, Slavin publie de nouveaux résultats avec des recherches plus récentes et obtient un effet de 0,05 pour le recours aux technologies sur le rendement des élèves en mathématiques et en lecture au niveau élémentaire et secondaire. Cette diminution importante de l’effet des technologies en dix ans est peut-être due à la perte de l’effet de nouveauté maintenant que ces technologies sont grandement accessibles. Une méta-analyse encore plus récente (Pellegrini et al., 2020) sur l’usage du numérique en mathématique, du préscolaire au secondaire, présente une grandeur d’effet moyenne près de zéro (0,02 et 0,03), ce qui tend à confirmer les résultats de Slavin sur le sujet au cours des dernières années.
Ces résultats montrent que le recours aux technologies en présentiel en salle de classe a un effet oscillant entre faible et négligeable sur le rendement des élèves. Comme Ravitch (2001) l’a déjà mentionné, les révolutions technologiques des xixe et xxe siècles en classe (la radio, le cinéma, la télévision, l’audiovisuel, etc.) n’ont pas eu les effets escomptés sur l’apprentissage des élèves. Est-ce que l’effet des technologies du xxie siècle pourrait être plus élevé lorsque le titulaire est absent et que l’élève est en ligne ? Peu probable, mais allons voir.
La classe inversée est un courant qui privilégie un usage important des technologies et des activités en ligne, comme l’école virtuelle. Tricot (2017) mentionne qu’il n’existe aucune étude contrôlée et rigoureuse ayant montré les effets positifs de la classe inversée. Toutefois, Setren et al. (2019) réalisent une recherche avec une répartition aléatoire d’étudiants universitaires pour l’enseignement des mathématiques et de l’économie. Paradoxalement, même s’ils observent des effets positifs à court terme pour la classe inversée en mathématique seulement, ils ne recommandent pas franchement la classe inversée, car « … malgré les effets à court terme en mathématiques, nous ne constatons pas de gains à plus long terme dans l’apprentissage et la classe inversée exacerbe l’écart de performance [entre les étudiants] au lieu de le réduire ». L’augmentation des écarts de rendement s’explique probablement par le fait que la classe inversée nécessite une motivation et une autonomie élevées des étudiants. Si le rendement d’étudiants universitaires parmi les plus faibles et sans doute les moins autonomes est négativement influencé par la classe inversée, peut-on légitimement s’attendre à de meilleurs résultats avec des élèves du primaire et du secondaire ? Encore une fois, les chances sont minces, mais allons voir.
En ce qui a trait à l’approche même de l’école virtuelle, les résultats sont fortement négatifs.
En 2019, Molnar et ses collaborateurs (2019) présentent une analyse exhaustive des données provenant des écoles virtuelles sur le territoire étatsunien. Dans ce méga rapport (Miron et al., 2019), l’efficacité des écoles étatsuniennes offrant un enseignement virtuel à partir des résultats scolaires des élèves provenant de 21 États est décrite. Ces chercheurs concluent que 51,5 % des écoles virtuelles primaires et secondaires obtiennent des résultats scolaires médiocres. Ces auteurs recommandent même que des sanctions soient appliquées aux trop nombreuses écoles virtuelles qui sous-performent. Dans ce même rapport, Barbour (2019) recense, pour sa part, 35 rapports scientifiques, couvrant 14 États américains, rédigés entre 2006 et 2019 et portant sur les effets des écoles virtuelles du primaire et du secondaire. Tous les rapports colligés constatent la faiblesse importante des élèves fréquentant les écoles virtuelles comparativement aux écoles régulières en présentiel, pour tous les élèves, incluant les plus faibles. Sans surprise, plusieurs de ces rapports demandent à l’État l’ayant commandité de freiner la croissance des écoles virtuelles tant que ce modèle pédagogique sera aussi néfaste pour les élèves qui y participent. Barbour (2019) conclut : « Pour l’instant, il y a des problèmes sérieux concernant l’efficacité de plusieurs modèles d’écoles virtuelles. Jusqu’à ce que ces problèmes soient adéquatement résolus, les politiciens devraient limiter ou considérer un moratoire sur la création de ce type d’écoles. ».
L’enseignement individualisé, généralement en présentiel, a un effet globalement faible et des données semblent indiquer que l’effet pourrait être moindre au primaire et au début du secondaire. L’usage des technologies, en présentiel, a un effet marginal sur les apprentissages. L’état famélique de la recherche concernant la classe inversée, en présentiel partiel, ne permet pas d’avoir une vue claire sur la question, et les auteurs d’une recherche expérimentale récente n’en recommandent pas l’usage parce que cette approche amplifie les écarts de rendement. En ce qui a trait à l’approche même de l’école virtuelle, les résultats sont fortement négatifs.
Nous voulions voir et nous avons vu. L’école virtuelle, est-ce la solution de l’avenir, avec ou sans pandémie ? Dans l’état actuel de la recherche scientifique, la réponse est vigoureusement non. En conséquence, il est impératif que les gouvernements fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour ne pas être obligés de fermer les écoles, et cela, afin de favoriser la réussite, tant au niveau des apprentissages scolaires que du socioaffectif (DELVE Initiative, 2020) des enfants. L’école virtuelle et l’enseignement à distance ne doivent s’imposer que si la Santé publique ne voit pas d’autres solutions que de fermer les écoles. Cela devrait être un choix de dernier recours.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Barbour, M. K. (2019). What virtual and blended education research reveals. Section II. Dans A. Molnar, G. Miron, N. Elgeberi, M.K. Barbour, L. Huerta, S.R. Shafer, J.K. Rice (2019). Virtual schools in the U.S. (p.41–83. Boulder, CO: National Education Policy Center.
Boyer, C. et Bissonnette, S. [soumis pour publication]. Enseigner à distance, non par choix, mais par obligation. Formation et profession.
Bissonnette, S. et Boyer, C. [soumis pour publication]. Le mirage de l’enseignement à distance. Revue Apprendre et enseigner aujourd’hui.
DELVE Initiative (2020). Balancing the risks of pupils returning to schools. DELVE No. 4. Publié le 24 juillet 2020. Repéré au http://rs-delve.github.io/reports/2020/07/24/balancing-therisk-of-pupils-returning-to-schools.html.
Education Endowment Foundation. (2019). Evidence for learning teaching & learning toolkit: Education Endowment Foundation. Individualized instruction. Repéré à https://evidenceforlearning.org.au/the-toolkits/the-teaching-and-learning-toolkit/all-approaches/individualised-instruction/
Miron, G. et Elgeberi, N. (2019). Full-time virtual and blended schools: Enrollment, student characteristics, and performance. Section I. Dans A.Molnar, G.Miron, N. Elgeberi, M.K. Barbour, L.Huerta, S.R. Shafer, et J.K.Rice (2019). Virtual schools in the U.S. (p. 7–40). Boulder, CO: National Education Policy Center.
Molnar, A., Miron, G., Elgeberi, N., Barbour, M. K., Huerta, L., Shafer, S. R., et Rice, J. K. (2019). Virtual schools in the U.S. Boulder, CO: National Education Policy Center.
Pellegrini, M., Lake, C., Neitzel, A., et Slavin, R. E. (2020). Effective programs in elementary mathematics: a meta-Analysis. http://www.bestevidence.org/word/elem_math_May_26_2020_full.pdf
Ravitch, D. (2001). Left back: A century of battles over school reform. New York: Simon and Schuster.
Slavin, R. (2019). A powerful hunger for evidence-proven technology. Billet de blogue, 14 novembre. Repéré à
https://robertslavinsblog.wordpress.com/2019/11/14/a-powerful-hunger-for-evidence-proven-technology/
Slavin, R., Lake, C. et Davis, S. (2009). Meta-findings from the Best Evidence Encyclopedia. Baltimore, MD, Center for Data-Driven Reform in Education, Johns Hopkins University. Repéré à http://www.bestevidence.org/resources/resources.htm
Setren, E., Greenberg, K., Moore, O. et Yankovich. M. (2019). Effects of the flipped classroom: Evidence from a randomized trial. (EdWorkingPaper: 19–113). Repéré à Annenberg Institute at Brown University: https://doi.org/10.26300/zypw-dq26
Tricot, A. (2017). L’innovation pédagogique. Paris : Retz, collection Mythes et réalités.
Chaque journée passée en classe avec les élèves amène son lot de défis et de frustrations : les imprévus, les crises, les attentes de tout un chacun, les émotions en ébullition, les dossiers qui s’empilent et les moments de doute et de découragement. Comment garder la tête hors de l’eau et apprivoiser chaque moment avec sérénité, lorsqu’il est si facile de s’y perdre ? Les deux autrices suisses, Katia Lehraus et Françoise Stuckelberger-Grobéty, proposent une démarche simple : la pleine conscience.
Ciblant d’emblée les enseignantes et les enseignants du primaire, Bien dans ma classe au quotidien grâce à la pleine conscience démystifie la pleine conscience pour les personnes débutantes en alliant théorie, pratique et méditations guidées. La première partie de l’ouvrage invite à l’établissement d’un diagnostic de l’environnement. Par le biais de fiches d’exploration personnelle et de questions pointues, on identifie les attentes, les contingences, les valeurs, les automatismes et les responsabilités affectant ou influençant le déroulement d’une journée d’enseignement. Cette section est efficace dans sa portée et sa présentation.
Les autrices enchaînent avec la partie pratique de l’ouvrage, où elles expliquent le concept de pleine conscience (mindfulness, dans le texte) et guident pas à pas l’intégration de cette pratique dans une journée d’enseignement. Au moyen de courtes méditations animées, on apprend à s’ancrer dans le moment présent, à vivre ce moment dans sa globalité et à agir sur celui-ci au lieu d’uniquement y réagir. Le chapitre 8 est révélateur car il aide à séparer les pensées des faits avérés, tout en rappelant qu’on ne peut changer une situation, mais qu’on peut changer notre relation à celle-ci. La technique de la pleine conscience étant plutôt simple, cette deuxième section se révèle répétitive et quelque peu infantilisante.
La pleine conscience permet de développer la confiance en soi et la tolérance aux imprévus en fournissant des outils pour gérer les émotions et les doutes inhérents à l’enseignement. L’ouvrage Bien dans ma classe au quotidien grâce à la pleine conscience révèle sa pertinence par l’introspection qu’il propose et par les techniques qu’il met de l’avant. Il s’adresse toutefois principalement aux débutants : si vous connaissez la pleine conscience, pratiquez le yoga ou maîtrisez la respiration océanique et la marche consciente, cet ouvrage vous laissera sur votre faim. Autrement, il s’avère une porte d’entrée intéressante pour qui souhaite apprendre à porter attention au présent et à vivre pleinement.
Lehraus, K. et Stuckelberger-grobéty, F., Bien dans ma classe au quotidien grâce à la peine conscience (Bruxelles : De Boeck Supérieur, 2019).
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
L’enseignement aux élèves ayant des besoins particuliers représente un grand défi pour les enseignants. Parmi ces élèves, ceux présentant des difficultés comportementales (PDC) sont reconnus pour être les plus difficiles à intégrer en classe ordinaire. Les défis de l’éducation inclusive des élèves PDC sont intimement liés aux comportements qu’ils manifestent, notamment les comportements d’inattention à la tâche, la faible tolérance à la frustration, les problèmes d’inhibition comportementale et d’autocontrôle, la motivation souvent plus externe qu’interne, les difficultés à suivre les consignes, à répondre aux attentes comportementales d’un groupe-classe conventionnel ou encore à établir des relations positives avec leurs pairs et leurs enseignants. Ces comportements engendrent des répercussions négatives sur le temps d’enseignement et sur le rendement scolaire des autres élèves. Ils représentent un facteur important de désengagement des autres élèves, ce qui peut rendre plus ardue la gestion de classe. Chez les enseignants, les difficultés comportementales des élèves peuvent entraîner à court terme une :
Ces différents aspects peuvent entraîner du stress chez les enseignants. Kyriacou définit le stress de l’enseignant « comme le fait de vivre des émotions négatives et déplaisantes, telles que la colère ou la frustration, qui sont dues à certains aspects de son emploi en tant qu’enseignant et qu’il perçoit comme étant une menace pour son bienêtre ou son estime personnelle ». Il n’est donc pas étonnant que les comportements perturbateurs des élèves apparaissent comme la source de stress la plus importante menant à l’épuisement professionnel des enseignants. De plus, le défi que représente la gestion des comportements difficiles des élèves constitue une des principales raisons pour lesquelles les enseignants choisissent de quitter la profession. L’impact négatif des élèves PDC sur le processus d’enseignement est ce qui préoccupe le plus les enseignants, suivi de la perte de satisfaction au travail1.
Qui sont les enseignants les plus à risque de vivre du stress relié à l’intégration des élèves PDC?
Dans une étude menée auprès de 231 enseignants du secondaire de la province de Québec2, différents facteurs d’influence ont été examinés.
Comment diminuer le stress vécu par les enseignants?
Différentes mesures peuvent être mises en place pour diminuer le stress vécu par les enseignants en lien avec l’intégration scolaire des élèves PDC.
Une première mesure consiste à s’assurer que le nombre d’élèves PDC intégrés dans une même classe respecte la proportion d’élèves posant ces difficultés dans l’école ou dans la population. Aussi, comme le stipulent plusieurs conventions collectives des enseignants au Canada, un élève ayant des besoins particuliers peut avoir une valeur supérieure à 1 (p. ex. équivaloir à deux élèves) et, conséquemment, contribuer à la réduction du nombre total d’élèves dans une classe donnée.
De plus, le défi que réprésente la gestion des comportements difficiles des élèves constitue une des principales raisons pour lesquelles les enseignants choisissent de quitter la profession.
Une deuxième mesure consiste à s’assurer de la participation des enseignants à l’élaboration de plans d’intervention. En effet, plus les enseignants ont été impliqués dans un processus d’élaboration d’un plan d’intervention pour des élèves PDC, moins ils vivent de stress par rapport à l’intégration de ces élèves de façon générale3. Cette diminution du stress pourrait être liée à une meilleure connaissance et à une meilleure compréhension des difficultés comportementales résultant des discussions de cas en équipe multidisciplinaire souvent présentes lors d’un plan d’intervention. En effet, des études révèlent que plus les enseignants comprennent la nature des difficultés des élèves et la fonction de ces comportements, plus leurs attitudes envers ces élèves s’avèrent positives et moins ils vivent de stress à leur enseigner4.
Une troisième mesure consiste à s’assurer que les enseignants possèdent la formation nécessaire concernant la nature des difficultés des élèves et les pratiques fondées sur des données probantes à ce sujet et à les former au besoin. La formation devrait être adaptée aux réalités des écoles et être planifiée par et pour le personnel qui y travaille. En effet, d’une part, il ne suffit pas de dire aux enseignants « quoi faire », mais bien de leur offrir du soutien, des activités, ainsi que des outils pour qu’ils puissent réfléchir à leurs pratiques et aux façons d’exploiter les nouveaux savoirs dans leur contexte spécifique.
Ainsi, une quatrième mesure pourrait comprendre la mise en œuvre de dispositifs d’assistance par des pairs ou par d’autres professionnels pour aider les enseignants à comprendre les comportements problématiques des élèves, à choisir les interventions les plus appropriées à la situation et à les mettre en œuvre. Par exemple, une étude montre que des modalités de soutien qui s’appuient sur un processus de résolution de problème contribuent à diminuer le stress des enseignants5. Dans cette étude, les enseignants étaient accompagnés dans un procédé d’évaluation fonctionnelle des comportements dérangeants de leurs élèves. Une fois la fonction des comportements (motivation ou besoin que tente de satisfaire l’individu en adoptant un comportement) bien identifiée, ils choisissaient des stratégies tenant compte de cette compréhension du comportement et les implantaient dans leur classe. Le fait de mieux comprendre ce qui peut expliquer le comportement de leur élève semblait en soi diminuer le stress de certains enseignants qui réalisaient que les comportements de leur élève ne leur étaient pas personnellement destinés.
Un autre avantage de l’accompagnement des enseignants qui mise sur une meilleure compréhension des fonctions des comportements problématiques est qu’il peut permettre à l’enseignant d’identifier des interventions proactives permettant de prévenir l’apparition de ces comportements, plutôt que d’y réagir. Il est reconnu que les interventions proactives sont plus efficaces dans un processus de gestion de classe que les interventions réactives et qu’elles contribuent à diminuer le stress des enseignants. Leur utilisation a par ailleurs l’avantage de favoriser une relation positive entre l’enseignant et ses élèves, un facteur identifié comme diminuant le stress à enseigner.
Dans la mise en place de telles interventions, une attention particulière pourrait être portée aux enseignants des élèves des premiers niveaux du secondaire ainsi qu’à ceux des milieux ruraux ou défavorisés qui semblent vivre plus de stress que leurs pairs.
Enfin, lorsque les élèves présentent des difficultés particulièrement importantes, le stress des enseignants pourra aussi être atténué s’ils peuvent compter sur le soutien d’éducateurs spécialisés pour intervenir directement en classe auprès des élèves en situation de crise et les aider à maitriser la situation. Ce soutien pourrait être continu (plusieurs heures chaque jour) ou régulier (quelques heures par semaine) selon l’importance des difficultés rencontrées.
Conclusion
Comme pour tous les élèves, la place des élèves PDC est d’abord en classe avec les autres. Par contre, pour que cette expérience soit positive tant pour les élèves que pour les enseignants qui les accueillent, ces derniers ont besoin de formation et de soutien.
Illustration : Diana Pham
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Kyriacou, C. (2001). Teacher stress: Directions for future research. Educational Review, 53, 1, 27-35. [En ligne]. https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00131910120033628
2 Massé, L., Bégin, J.-Y., Couture, C., Plouffe-Leboeuf, T., Beaulieu-Lessard, M., et Tremblay, J. (2015). Stress des enseignants envers l’intégration des élèves présentant des troubles du comportement. Éducation et francophonie, 43,2, 179-200. [En ligne]. https://www.erudit.org/fr/revues/ef/2015-v43-n2-ef02306/1034491ar/ ; Plouffe-Leboeuf, T., Couture, C., Massé, L., Bégin, J.-Y., et Rousseau, M. (2019). Intégration scolaire d’élèves présentant des difficultés d’ordre comportemental : liens entre attitude des enseignants, stress et qualité de la relation enseignant élève. Revue de psychoéducation, 48,1, 177-199. [En ligne]. https://www.erudit.org/fr/revues/psyedu/2019-v48-n1-psyedu04611/1060011ar/
3 Kyriacou, C. (2001).
4 Massé, L., Couture, C., Bégin, J.-Y., et Levesque, V. (2013). Utilisation du processus d’évaluation fonctionnelle dans un programme d’accompagnement adressé à des enseignants du secondaire. Revue québécoise de psychologie, 34,3, 29-50 ; Massé, L., Couture, C., Levesque, V., et Bégin, J.-Y. (2013). Impact of a school consulting program aimed at helping teachers integrate students with behaviour disorders in secondary school: Actors’ points of view. Emotional and Behavioural Difficulties. 19,3, 327-343. [En ligne]. https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13632752.2013.775719
5 Ibid ; Massé, L., Couture, C., Bégin, J.-Y., Rousseau, M. et Plouffe-Leboeuf, T. (2019). Effets auprès d’enseignants du secondaire d’un modèle de consultation pour soutenir l’intégration scolaire d’élèves présentant des difficultés comportementales. Revue de psychoéducation, 48,1, 89-116. [En ligne]. https://www.erudit.org/fr/revues/psyedu/2019-v48-n1-psyedu04611/1060008ar/
La pandémie de la COVID-19 aura mis en lumière bien des choses en 2020 et l’école ne fut pas en reste. Anne-Louise Davidson parle de certitudes volant en éclats1, notamment dans un système d’éducation vieux de 200 ans : « On a été dérangés à grande échelle […] Un virus, c’est plus grand qu’une réforme ».
Un énorme quart-de-tour d’urgence a eu lieu, notamment en ce qui a trait à l’enseignement en ligne et à l’appropriation du numérique par une majorité d’enseignants au Canada et ailleurs. Les besoins de formation continue furent manifestes. À titre d’exemple, le nombre d’enseignants suivant les formations du CADRE212 a pratiquement triplé au printemps 2020. En toile de fond, des questions telles que : Comment rejoindre chaque jeune, surtout celui ou celle qui est à risque, et le guider dans ses apprentissages ? Avec quels outils ? Comment donner de la rétroaction et évaluer dans des contextes si différents de l’école traditionnelle ? Quels contenus demeurent essentiels et comment les enseigner ? Comment établir des communautés professionnelles où prime la collaboration, voire la co-élaboration ?
Ces questions sont-elles des sources de stress chez l’équipe-école ou des occasions pour réinventer l’école, ensemble ?
La tolérance à l’ambiguïté
Mettre en chantier une école qui mérite d’être actualisée afin qu’elle soit de son temps peut apporter son lot de stress chez ses acteurs; élèves, parents, enseignants et direction. Elle fait prendre conscience de la complexité énorme de la profession enseignante dont les rôles et la posture professionnelle sont en mode beta perpétuel. Exit les certitudes, on devient confortablement inconfortable comme dirait le consultant Marius Bourgeoys. Retour à la normale ? Plutôt une nouvelle normalité à établir…
Faire l’école autrement nous confronte à plusieurs choses. Le modus vivendi interpelle le sentiment d’efficacité personnelle/professionnelle, le besoin de formation continue, le questionnement face à un référentiel pédagogique dominant et la capacité de mobiliser l’équipe dans une démarche de co-construction. Le modus operandi, lui, interpelle les structures – physiques, organisationnelles, temporelles – en fonction de finalités d’éducation enfin (diront certains) actualisées. Pas une mince tâche mais une noble tâche.
Leadership, leadership, leadership
En filigrane, le leadership des dirigeants et des enseignants est essentiel. Selon le chercheur Emmanuel Poirel3, il y a « un lien significatif entre la maîtrise de l’anxiété exercée par la direction, sa capacité à reconnaître cette émotion chez son personnel et à l’aider à la gérer, et la manifestation de son leadership. » En plus de la joie ou de la satisfaction exprimée par les leaders, ajoutons de bonnes doses de créativité, d’écoute, de confiance mutuelle, de vision partagée, d’humilité, de rigueur intellectuelle, d’outillage et de processus aidants, de monitorage pour guider les actions et beaucoup de bienveillance. Bref, les leaders dans une école sont bien plus que des gestionnaires, ils et elles sont des faiseurs de possibles. Mais comme le masque à oxygène qui est déployé dans un avion, on prend d’abord soin de soi afin de pouvoir mieux accompagner les autres.
Bref, les leaders dans une école sont bien plus que des gestionnaires, ils et elles sont des faiseurs de possibles.
On fait quoi maintenant ?
Pour une année scolaire 2020-2021 atypique, voici quelques pistes à considérer en équipe.
Des questions à se poser4 ensemble au retour du confinement de la COVID-19 pour guider la suite des choses –
Depuis mars 2020, on a vu passer de nombreuses ressources et pistes aidantes pour l’enseignement à distance ou l’hybridation de l’enseignement, devenus pratiquement incontournables maintenant. Elles aideront sûrement tout enseignant qui, force est d’admettre, devra être prêt pour de nouveaux chamboulements affectant l’école. Les besoins de formation continue et d’accompagnement dans le temps restent présents, ce n’est pas un « one shot deal » limité à l’automne 2020.
Melanie Kitchen offre neuf pistes à considérer5 dès la rentrée 2020-2021 dans une perspective de formation à distance ou en mode hybride :
Conclusion
Le défi reste énorme. La géométrie est variable. L’occasion est superbe. L’initiative est avant tout humaine. Au final, c’est une école pleine de SENS aux yeux de ses acteurs, où un fort SENTIMENT D’APPARTENANCE et de BIENVEILLANCE règnent et où l’indicateur ultime demeure la RÉUSSITE GLOBALE de chaque jeune, pour un monde en chamboulement.
Illustration : iStock
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Magdaline Boutros. « Les chamboulements éducatifs multiformes de la COVID-19 ». Le Devoir, 6 juillet 2020. [En ligne]. https://www.ledevoir.com/societe/education/581963/recherche-et-innovation-les-chamboulements-multiformes-de-la-covid-19
2 Voir : https://www.cadre21.org/
3 « Gérer ses émotions et celles d’autrui pour augmenter son leadership ». Scientifique en chef. Gouvernement du Québec, 2020. [En ligne]. http://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impacts/gerer-ses-emotions-et-celles-dautrui-pour-augmenter-son-leadership/
4 Manuella. “Rétro 10 semaines d’école à la maison.” Griffo’Notes, 2 juin 2020. [En ligne]. http://griffonotes.com/index.php/2020/06/02/retro-10-semaines-decole-a-la-maison/5/
5 Jennifer Gonzalez. « 9 Ways Online Teaching Should be Different from Face-to-Face ». Cult of Pedagogy, 5 juillet 2020. [En ligne]. https://www.cultofpedagogy.com/9-ways-online-teaching/
Jouer et concevoir des jeux sont considérés comme des moyens intéressants pour les enseignants de la maternelle à la 12ème année afin de soutenir l’apprentissage des élèves. Les parents sont également de plus en plus ouverts aux jeux vidéo et de société comme choix d’activités familiales, comme l’indique un sondage mené en 2018 par l’Association canadienne du logiciel de divertissement, qui révèle que 71 % des parents canadiens jouent à des jeux vidéo avec leurs enfants. L’apprentissage par le jeu implique des situations où les enfants jouent ou conçoivent de jeux, qu’ils soient numériques, physiques ou de table – dans lesquels ils peuvent résoudre des problèmes et acquérir progressivement de nouvelles connaissances et compétences. Il a été démontré que les jeux améliorent la motivation et le développement cognitif des élèves, tels que la mémoire et le raisonnement.
La recherche démontre que l’apprentissage par le jeu améliore les compétences essentielles à la vie quotidienne fondamentales au développement de l’enfant. Surtout, il offre aux élèves une expérience interactive où ils ont la possibilité d’utiliser et de développer de nombreuses différentes compétences cognitives, sociales et physiques. La résolution de problèmes, la pensée critique, l’élaboration de stratégies, la prise de décisions et le travail d’équipe sont quelques-unes des nombreuses compétences que les jeux peuvent fournir.
Clark, D. B., Tanner-Smith, E. E., & Killingsworth, S. S. (2016). Digital games, design, and learning: A Systematic review and meta-analysis. Review of Educational Research, 86(1), 79–122. https://doi.org/10.3102/0034654315582065
Entertainment Software Association of Canada. (2018). Essential facts about the Canadian video game industry 2018. http://theesa.ca/wp-content/uploads/2018/10/ESAC18_BookletEN.pdf
Gee, J. P. (2008). Learning and Games. In K. Salen (Ed.), The ecology of games: Connecting youth, games, and learning(pp. 21–40). MIT Press. https://mitpress.mit.edu/books/ecology-games
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Sardone, N. B., & Devlin-Scherer, R. (2016). Let the (Board) Games Begin: Creative Ways to Enhance Teaching and Learning. The Clearing House: A Journal of Educational Strategies, Issues and Ideas, 89(6), 215–222. https://doi.org/10.1080/00098655.2016.1214473
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* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
Partout au Canada, les écoles ont dû s’adapter à la pandémie mondiale et les élèves ont dû poursuivre leur instruction à distance. On demande aux enseignants de diriger l’apprentissage virtuellement dans le foyer familial et aux parents de soutenir leurs enfants d’une manière qui ne leur est pas familière et qui souvent les accable. Sans nier l’importance de l’école sur les résultats d’apprentissage d’un enfant, la recherche a démontré que la participation positive de la famille peut avoir une influence considérable sur la réussite des élèves et les circonstances actuelles sans précédent appellent les écoles et les familles à collaborer étroitement de façon à favoriser leur apprentissage. Voici quelques questions que les enseignants et les familles peuvent se poser lors de l’élaboration et de la mise en œuvre d’activités d’apprentissage à domicile, ainsi que des conseils favorisant la participation des élèves :
• Développer des activités en ligne est difficile. N’essayez pas de recréer la salle de classe à la table familiale. La solution ne réside pas dans le simple fait d’avoir des feuilles de travail et des diapositives Powerpoint.
• Trouvez dans les activités quotidiennes, comme la cuisine, les jeux de société, la lecture, etc., des activités propices à l’apprentissage.
• Il est important de garder les lignes de communication ouvertes entre enseignants et parents afin de déterminer les besoins des élèves et de leur famille (niveau d’expertise, intérêts, accès aux ressources, culture, langue).
• L’alphabétisation et les mathématiques sont des compétences fondamentales nécessaires à la vie quotidienne. Apprendre à lire, à écrire et à compter s’acquièrent progressivement au fil du temps.
• Trouvez tous les moyens possibles pour inciter les enfants à pratiquer le calcul mental. Par exemple, jouez au jeu de cartes go fish, mais en posant un problème d’arithmétique (au lieu de demander une carte de valeur 10, demander une carte dont la valeur est égale à 8 + 2).
• Privilégiez la qualité et non la quantité. Il ne faut pas sous-estimer l’apprentissage qui s’acquiert par l’échange verbal. Certains parents sont en télétravail et n’ont gagné, au mieux, que le temps de trajet.
• Les ministères de l’Éducation recommandent cinq heures de travail scolaire par semaine, pas plus. Cela signifie seulement 1 heure par jour (p. ex., 20 minutes de lecture, 10 minutes d’exercices de mathématiques et 30 minutes d’enseignement dirigé par l’enseignant).
Les familles qui ne font pas les activités demandées par les enseignants sont généralement celles pour lesquelles il est difficile de faire l’école à la maison. Pour garantir un partenariat efficace entre l’école et la maison, les enseignants et les familles doivent y trouver leur compte et ne pas se sentir dépassés par les tâches à accomplir. Pour cela, il faut intégrer les programmes d’études aux activités familiales quotidiennes d’une manière qui tienne compte des intérêts et besoins particuliers des familles. Offrir des expériences d’apprentissage axées sur les activités familiales pendant le confinement favorise l’apprentissage des élèves, et surtout, leur bien-être.
Faire la cuisine, mais différemment : Les élèves peuvent se faire aider pour confectionner les plats ou gâteries préférés de leur famille, mais l’enseignant peut exiger que ce soit l’élève qui lise les recettes. Cela peut permettre de cibler des objectifs du programme de français ou d’arithmétique tout en capitalisant sur les activités familiales.
Faire un travail de recherche, mais différemment : Les élèves peuvent demander à un membre ou à un ami de la famille de lui parler de son expérience sur un sujet particulier (p. ex., tremblement de terre, région géographique, événement historique, jardinage) en s’inspirant de sa profession, de sa maison, de ses voyages ou de fêtes culturelles. Les élèves peuvent faire un compte rendu ce qu’ils ont appris de cette entrevue dans une vidéo ou un rapport écrit.
Défis d’équipe en famille : les membres de la famille peuvent être mis au défi de fabriquer un dispositif de sécurité susceptible de protéger un œuf lors d’une chute ou de construire une structure stable, une tour ou un fort, par exemple. L’élève peut noter ses réflexions au sujet des inventions ou structures des membres de sa famille et, à l’aide d’une vidéo, signaler les stratégies les mieux réussies (en utilisant la terminologie demandée par l’enseignant).
Jouer aux cartes, mais différemment : L’enseignant peut demander aux élèves de jouer en famille à des jeux de cartes comme « Go Fish » en ne demandant pas une carte directement, mais en posant un problème d’arithmétique (par exemple, au lieu de demander une carte de valeur 10, demander une carte dont la valeur est égale à 8 + 2).
Arithmétique en famille : Les membres de la famille (incluant ceux de niveau secondaire) peuvent échanger des stratégies de résolution de problèmes de calcul mental quelques jours par semaine pendant 10 minutes ou moins.
Lecture ou écriture en famille : L’élève lit une page et un membre de la famille lit la suivante. Les membres de la famille peuvent montrer ce qu’ils ont retenu de leur lecture en créant une bande dessinée répondant à la question : « Que se passerait-il dans le livre suivant ou dans les pages suivantes? ». Ils plient une feuille de papier en quatre (pour faire des cadres de bande dessinée). L’élève et les membres de sa famille remplissent ces cadres à tour de rôle. Par exemple, l’élève fait le premier dessin et un membre de sa famille reprend son idée pour faire le dessin suivant, et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les cadres soient remplis.
Bray, A., & Tangney, B. (2017). Technology usage in mathematics education research–A systematic review of recent trends. Computers & Education, 114, 255-273.
Campbell, M., & Boyland, J. (2018). Why students need more ‘math talk’. The Conversation. https://theconversation.com/why-students-need-more-math-talk-104034
Cook-Sather, A., Bovill, C., & Felten, P. (2014). Engaging students as partners in learning and teaching: A guide for faculty. San Francisco: Jossey-Bass.
Civil, M., & Bernier, E. (2006). Exploring images of parental participation in mathematics education: Challenges and possibilities. Mathematical Thinking and Learning, 8(3), 309-330.
Fenstermacher, G. (1986). Philosophy of research on teaching: Three aspects. In M.C. Whittrock (Ed.), Handbook of Research on Teaching (3rd ed.) (pp. 37-49). New York, NY: Macmillan.
Fenstermacher, G. (1994, revised 1997). On the distinction between being a student and being a learner. Paper presented at the annual meeting of the American Educational Research Association, New Orleans, LA.
González, N., Moll, L., Amanti, C. (Eds.). (2005). Funds of knowledge: Theorizing practices in households, communities, and classrooms. Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum.
Healey, M., Flint, A., & Harrington, K. (2014). Engagement through partnership: Students as partners in learning and teaching in higher education. York: HE Academy.
Kehler, A., Verwoord, R., & Smith, H. (2017). We are the Process: Reflections on the Underestimation of Power in Students as Partners in Practice. International Journal for Students as Partners, 1(1).
Kraft, M. A., & Monti-Nussbaum, M. (2017). Can schools enable parents to prevent summer learning loss? A text-messaging field experiment to promote literacy skills. The ANNALS of the American Academy of Political and Social Science, 674(1), 85-112.
Koralek, D., & Collins, R. (2020). How most children learn to read. Reading Rockets. https://www.readingrockets.org/article/how-most-children-learn-read
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Olsen, J. R. (2015). Five keys for teaching mental math. Mathematics Teacher, 108(7), 543-548.
Rapke, T., & De Simone, C. (2020). 4 things about maths success that might surprise parents. The Conversation.
https://theconversation.com/4-things-weve-learned-about-math-success-that-might-surprise-parents-135114
Rapke, T., & Norquay, N. (2018). MATH JAMS: Students analysing, comparing, and
building on one another’s work. OAME Gazette, 56, 25-30.
Silinskas, G., & Kikas, E. (2019). Math homework: Parental help and children’s academic outcomes. Contemporary Educational Psychology, 59, 101784.
* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
Partout au Canada, les écoles ont dû s’adapter à la pandémie mondiale et les élèves ont dû poursuivre leur instruction à distance. On demande aux enseignants de diriger l’apprentissage virtuellement dans le foyer familial et aux parents de soutenir leurs enfants d’une manière qui ne leur est pas familière et qui souvent les accable. Sans nier l’importance de l’école sur les résultats d’apprentissage d’un enfant, la recherche a démontré que la participation positive de la famille peut avoir une influence considérable sur la réussite des élèves et les circonstances actuelles sans précédent appellent les écoles et les familles à collaborer étroitement de façon à favoriser leur apprentissage. Voici quelques questions que les enseignants et les familles peuvent se poser lors de l’élaboration et de la mise en œuvre d’activités d’apprentissage à domicile, ainsi que des conseils favorisant la participation des élèves :
• Développer des activités en ligne est difficile. N’essayez pas de recréer la salle de classe à la table familiale. La solution ne réside pas dans le simple fait d’avoir des feuilles de travail et des diapositives Powerpoint.
• Trouvez dans les activités quotidiennes, comme la cuisine, les jeux de société, la lecture, etc., des activités propices à l’apprentissage.
• Il est important de garder les lignes de communication ouvertes entre enseignants et parents afin de déterminer les besoins des élèves et de leur famille (niveau d’expertise, intérêts, accès aux ressources, culture, langue).
• L’alphabétisation et les mathématiques sont des compétences fondamentales nécessaires à la vie quotidienne. Apprendre à lire, à écrire et à compter s’acquièrent progressivement au fil du temps.
• Trouvez tous les moyens possibles pour inciter les enfants à pratiquer le calcul mental. Par exemple, jouez au jeu de cartes go fish, mais en posant un problème d’arithmétique (au lieu de demander une carte de valeur 10, demander une carte dont la valeur est égale à 8 + 2).
• Privilégiez la qualité et non la quantité. Il ne faut pas sous-estimer l’apprentissage qui s’acquiert par l’échange verbal. Certains parents sont en télétravail et n’ont gagné, au mieux, que le temps de trajet.
• Les ministères de l’Éducation recommandent cinq heures de travail scolaire par semaine, pas plus. Cela signifie seulement 1 heure par jour (p. ex., 20 minutes de lecture, 10 minutes d’exercices de mathématiques et 30 minutes d’enseignement dirigé par l’enseignant).
Les familles qui ne font pas les activités demandées par les enseignants sont généralement celles pour lesquelles il est difficile de faire l’école à la maison. Pour garantir un partenariat efficace entre l’école et la maison, les enseignants et les familles doivent y trouver leur compte et ne pas se sentir dépassés par les tâches à accomplir. Pour cela, il faut intégrer les programmes d’études aux activités familiales quotidiennes d’une manière qui tienne compte des intérêts et besoins particuliers des familles. Offrir des expériences d’apprentissage axées sur les activités familiales pendant le confinement favorise l’apprentissage des élèves, et surtout, leur bien-être.
Faire la cuisine, mais différemment : Les élèves peuvent se faire aider pour confectionner les plats ou gâteries préférés de leur famille, mais l’enseignant peut exiger que ce soit l’élève qui lise les recettes. Cela peut permettre de cibler des objectifs du programme de français ou d’arithmétique tout en capitalisant sur les activités familiales.
Faire un travail de recherche, mais différemment : Les élèves peuvent demander à un membre ou à un ami de la famille de lui parler de son expérience sur un sujet particulier (p. ex., tremblement de terre, région géographique, événement historique, jardinage) en s’inspirant de sa profession, de sa maison, de ses voyages ou de fêtes culturelles. Les élèves peuvent faire un compte rendu ce qu’ils ont appris de cette entrevue dans une vidéo ou un rapport écrit.
Défis d’équipe en famille : les membres de la famille peuvent être mis au défi de fabriquer un dispositif de sécurité susceptible de protéger un œuf lors d’une chute ou de construire une structure stable, une tour ou un fort, par exemple. L’élève peut noter ses réflexions au sujet des inventions ou structures des membres de sa famille et, à l’aide d’une vidéo, signaler les stratégies les mieux réussies (en utilisant la terminologie demandée par l’enseignant).
Jouer aux cartes, mais différemment : L’enseignant peut demander aux élèves de jouer en famille à des jeux de cartes comme « Go Fish » en ne demandant pas une carte directement, mais en posant un problème d’arithmétique (par exemple, au lieu de demander une carte de valeur 10, demander une carte dont la valeur est égale à 8 + 2).
Arithmétique en famille : Les membres de la famille (incluant ceux de niveau secondaire) peuvent échanger des stratégies de résolution de problèmes de calcul mental quelques jours par semaine pendant 10 minutes ou moins.
Lecture ou écriture en famille : L’élève lit une page et un membre de la famille lit la suivante. Les membres de la famille peuvent montrer ce qu’ils ont retenu de leur lecture en créant une bande dessinée répondant à la question : « Que se passerait-il dans le livre suivant ou dans les pages suivantes? ». Ils plient une feuille de papier en quatre (pour faire des cadres de bande dessinée). L’élève et les membres de sa famille remplissent ces cadres à tour de rôle. Par exemple, l’élève fait le premier dessin et un membre de sa famille reprend son idée pour faire le dessin suivant, et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les cadres soient remplis.
Bray, A., & Tangney, B. (2017). Technology usage in mathematics education research–A systematic review of recent trends. Computers & Education, 114, 255-273.
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Fenstermacher, G. (1986). Philosophy of research on teaching: Three aspects. In M.C. Whittrock (Ed.), Handbook of Research on Teaching (3rd ed.) (pp. 37-49). New York, NY: Macmillan.
Fenstermacher, G. (1994, revised 1997). On the distinction between being a student and being a learner. Paper presented at the annual meeting of the American Educational Research Association, New Orleans, LA.
González, N., Moll, L., Amanti, C. (Eds.). (2005). Funds of knowledge: Theorizing practices in households, communities, and classrooms. Mahwah, NJ: Lawrence Erlbaum.
Healey, M., Flint, A., & Harrington, K. (2014). Engagement through partnership: Students as partners in learning and teaching in higher education. York: HE Academy.
Kehler, A., Verwoord, R., & Smith, H. (2017). We are the Process: Reflections on the Underestimation of Power in Students as Partners in Practice. International Journal for Students as Partners, 1(1).
Kraft, M. A., & Monti-Nussbaum, M. (2017). Can schools enable parents to prevent summer learning loss? A text-messaging field experiment to promote literacy skills. The ANNALS of the American Academy of Political and Social Science, 674(1), 85-112.
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National Association for the Education of Young Children. (2020). Learning to read and write: What research reveals. Reading Rockets. https://www.readingrockets.org/article/learning-read-and-write-what-research-reveals
Olsen, J. R. (2015). Five keys for teaching mental math. Mathematics Teacher, 108(7), 543-548.
Rapke, T., & De Simone, C. (2020). 4 things about maths success that might surprise parents. The Conversation.
https://theconversation.com/4-things-weve-learned-about-math-success-that-might-surprise-parents-135114
Rapke, T., & Norquay, N. (2018). MATH JAMS: Students analysing, comparing, and
building on one another’s work. OAME Gazette, 56, 25-30.
Silinskas, G., & Kikas, E. (2019). Math homework: Parental help and children’s academic outcomes. Contemporary Educational Psychology, 59, 101784.
* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
La profession enseignante est actuellement confrontée à des enjeux importants comme la hausse du nombre d’élèves, les conditions de travail précaires, une lourdeur de la tâche et un manque de valorisation du corps enseignant1. Ces enjeux engendrent une baisse d’inscription dans les programmes universitaires en enseignement, une pénurie d’enseignants dans certaines régions du pays, un manque d’engagement professionnel et de la détresse psychologique qui peut mener jusqu’au décrochage de la profession2.
Peu de recherches pancanadiennes ont répertorié le taux d’attrition global des enseignants et les statistiques sont très variables d’une province à l’autre3. Toutefois, la période cruciale où l’on dénote davantage d’abandons se situe dans les cinq premières années de pratique. Au Québec, 25 % des enseignants décrochent dans les trois premières années d’entrée dans la profession4. Une recherche en cours de Goyette5 démontre que le soutien offert aux enseignants novices par les collègues et la direction lors de leur arrivée en poste est primordial pour amenuiser leur anxiété face à la tâche. Cependant, on peut se demander si la formation initiale pourrait les préparer davantage à cette insertion professionnelle afin de développer des compétences leur permettant de construire une identité professionnelle positive6.
Malgré la complexité de la profession, il existe des enseignants qui ressentent du bien-être en enseignement7. Ces enseignants ont réussi à développer un « sens » de leur profession. Ce « sens », basé sur des valeurs (collaboration, bienveillance, empathie, etc.) et des représentations positives de soi (importance de leur rôle, confiance en soi, efficacité de leurs interventions), est porteur de bien-être. Cependant, on remarque que le développement de ce « sens » se fait souvent intuitivement, par des remises en question constantes nourries par leurs expériences, ce qui les aide à construire une identité professionnelle positive. En considérant que l’identité professionnelle est constituée de deux aspects en constante interaction, l’identité personnelle (ce que je suis comme individu) et l’identité sociale (ce qu’est un enseignant pour la société)8, il s’avère prometteur de travailler sur l’identité personnelle afin de construire des représentations positives de soi et de la profession. Comme formateur, il faut donc les accompagner dans une analyse réflexive qui met l’accent sur l’identité personnelle de l’étudiant et qui encourage la connaissance de soi au service de l’élaboration de représentations l’aidant à affronter les défis quotidiens de la profession. Pour ce faire, orienter ses analyses réflexives sur ce qui a du « sens » pour lui et sur l’élaboration de moyens satisfaisants pour bonifier ses interventions constitue une stratégie efficace. Ce « sens » est l’un des éléments qui favoriseront sa persévérance lors de son insertion professionnelle.
Face à la pénurie d’enseignants qui est un réel problème pour les directions d’établissement, il est impératif d’accompagner les novices dans leur insertion professionnelle par le biais de stratégies : programmes de mentorat, journées d’accueil, élaboration de trousses informatives, groupes de discussion, etc. Leur permettre l’accès à de la formation continue, quel que soit leur statut est aussi un élément à considérer, puisque les suppléants (souvent non qualifiés) ne bénéficient pas toujours de ces ressources pourtant indispensables pour leur développement professionnel. De plus, miser sur un esprit de collaboration entre collègues et l’importance d’une bonne intégration des enseignants novices dans la vie de l’école favorisera leur sentiment d’être soutenu par les pairs. Enfin, les valoriser dans leurs accomplissements et les accompagner dans leurs questionnements est nécessaire à l’élaboration d’une identité professionnelle positive. Malgré tout, l’enjeu capital reste le temps. Pour tous les enseignants, quelle que soit leur expérience, le manque de temps constitue l’un des facteurs majeurs qui nuisent à un meilleur développement professionnel par une réflexion sur soi et sur leurs pratiques. Cette réflexion est pourtant essentielle à l’élaboration d’un sens de la profession conduisant au bien-être.
Illustration : iStock
Première publication dans Éducation Canada, juin 2020
1 Tardif, M. (2013). La condition enseignante au Québec du XIXe au XXIe siècle : une histoire cousue de fils rouges : précarité, injustice et déclin de l’école publique. Québec: Presses de l’Université Laval.
2 Kamanzi, P. C., Barroso da Costa, C. et Ndinga, P. (2017). Désengagement professionnel des enseignants canadiens : de la vocation à la désillusion. Une analyse à partir d’une modélisation par équations structurelles. McGill Journal of Education/Revue des sciences de l’éducation de McGill, 52(1), 115-134.
3 Kutsyuruba, B., Walker, K., Al Makhamreh, M. et Stroud Stasel, R. (2018). Attrition, Retention, and Development of Early Career Teachers: Pan-Canadian Narratives. In Education, 24(1), 43-71.
4 Karsenti, T. et al. (2015). Analyse des facteurs explicatifs et des pistes de solution au phénomène du décrochage chez les nouveaux enseignants, et de son impact sur la réussite scolaire des élèves Rapport de recherche, programme actions concertées. Fonds de recherche. Société et culture.
5 Cette recherche est financée par les Fonds de recherche-Société et culture (FRSC) du Gouvernement du Québec (2019-2022).
6 Goyette, N. et Martineau, S. (2018). Les défis de la formation initiale des enseignants et le développement d’une identité professionnelle favorisant le bien-être. Phronesis, 7(2), 4-19.
7 Goyette, N. (2014). Le bien-être dans l’enseignement : étude des forces de caractère chez des enseignants persévérants du primaire et du secondaire dans une approche axée sur la psychologie positive. (Thèse de Doctorat inédite, Université du Québec à Trois-Rivières, Trois-Rivières, Québec).
Goyette, N. (2016). Développer le sens du métier pour favoriser le bien-être en formation initiale à l’enseignement. Revue canadienne en éducation, 39(4), 1-29.
Goyette, N. (2018). Le bien-être des enseignants, un vecteur de changement incontournable. Apprendre et enseigner aujourd’hui, 7(2), 5-9.
8 Gohier, C., Anadón, M., Bouchard, Y., Charbonneau, B. et Chevrier, J. (2001). La construction identitaire de l’enseignant sur le plan professionnel : un processus dynamique et interactif. Revue des sciences de l’éducation, 27(1), 3-32.
Le rôle des leaders des organisations scolaires est essentiel pour créer une culture professionnelle propice à l’autonomie et donc au bien-être des acteurs de l’éducation.
Je relisais, sourire en coin, certains des éléments retenus pour développer le contenu de ce numéro d’Éducation Canada : éléments de culture organisationnelle qui favorisent le bien-être au travail, le bien-être des directions d’établissement et du personnel de première ligne, les pratiques prometteuses en la matière, etc. Au cœur de tout cela, je me disais qu’un ou des auteurs mettraient possiblement en évidence l’idée d’une vision plus humaine des organisations, la coopération, la résolution des conflits par l’intégration des différences, les relations partenariales, l’éthique collective, les besoins d’appartenance et de reconnaissance, le développement de compétences, le rôle des réseaux de personnes, l’équilibre personnel, le pouvoir partagé…
Je relisais sourire en coin, ce privilège de l’âge, parce que comme bien des fois où je lis quelque chose de nouveau ou de brillant pour améliorer la gestion des organisations, je me dis : Mary Parker Follett écrivait ça il y a plus de 80 ans et le disait tellement mieux.
Les travaux de cette « étoile oubliée », l’expression est de Peter Drucker, ont notamment porté sur la question du pouvoir et de l’autorité, ce pouvoir qui, pour elle, doit nécessairement être partagé et commun. Elle disait de l’autorité qu’elle devait découler de la fonction et de la compétence. Elle développera l’idée très actuelle du « pouvoir-avec » (power with), en opposition au « pouvoir-contre » (power over).
Elle promouvait finalement le principe d’autonomie qu’elle proposait comme étant la meilleure voie pour que les individus et les groupes se réalisent. Elle était convaincue des effets essentiels de la participation et de la responsabilisation des individus dans l’organisation de l’entreprise à tous les niveaux de la hiérarchie affirmant que la « responsabilisation est le grand révélateur des possibilités de l’homme ». C’est en effet l’expérience de l’autonomie qui permet l’émergence d’un sentiment d’efficacité professionnelle et de responsabilité à l’égard du travail.
« Le bien-être au travail de notre personnel est-il un préalable à la réussite des élèves ou une conséquence de celle-ci? »
Si les écrits de Parker Follett ont été source d’inspiration dans mon travail alors que j’étais dirigeant de commission scolaire, c’est parce qu’ils m’ont permis de développer des stratégies viables pour implanter des changements à grande échelle afin d’améliorer la réussite des élèves sous notre responsabilité. Il est difficile de parler de bien-être au travail sans aborder le contexte et la nature des organisations scolaires, sans se poser une question fondamentale : le bien-être au travail de notre personnel est-il un préalable à la réussite des élèves ou une conséquence de celle-ci? Un peu des deux diriez-nous. Mais, pour ce qui me concerne, celui-ci est bien plus une conséquence qu’un préalable.
Si l’exercice de l’autonomie nous fait sentir plus responsable de notre travail, il apparaît alors évident que celle-ci doit s’appuyer sur des compétences et des connaissances qui prennent appui sur la recherche et qui permettent à nos élèves de plus et mieux apprendre. Par exemple, offrir à nos enseignants des occasions de se former et d’acquérir des stratégies d’enseignement efficaces qui permettent à pratiquement tous les élèves de savoir lire à la fin de la 1ere année du primaire, les rend moins à la merci des saveurs pédagogiques du jour et leur donne du pouvoir sur leur profession.
Quand mon travail me permet de mettre à contribution une grande variété de compétences et d’habiletés, quand je maîtrise son organisation, qu’il a un impact significatif sur les apprentissages et la qualité de vie de mes élèves, quand ce travail me fournit une rétroaction, il y a de fortes chances que je trouve celui-ci valorisant, que je me sente responsable et que je connaisse bien les résultats de mes actions. Ce sont ces sentiments de valorisation, de responsabilité et de connaissance des résultats qui contribuent à une plus grande motivation, une plus grande satisfaction et un plus fort sentiment d’efficacité personnel.
Elton Mayo, le père de l’école des relations humaines en management écrivait, au début du XXe siècle, qu’on gagne toujours à laisser aux gens une marge de liberté dans l’organisation de leur travail. Ce que je prétends, c’est que plus les gens sont en maîtrise de leur profession et des connaissances issues de la recherche qui permettent de poser des actes professionnels efficaces et appropriés, plus ils peuvent prendre de pouvoir sur leur travail et son organisation. Plus leurs élèves réussiront, plus ils attribueront cette réussite et l’ampleur de celle-ci aux gestes qu’ils posent, plus ils tireront de satisfaction de leur travail.
« Donner plus de pouvoirs aux gens, c’est d’abord leur permettre de prendre du pouvoir sur leur propre profession. »
Pour les dirigeants soucieux de contribuer au bien-être de leur personnel, il faut se rappeler que pour un professionnel de l’éducation, se sentir efficace et faire réussir ses élèves demeure la première source de gratification et que toute stratégie visant un meilleur bien-être ne peut faire l’économie du développement des compétences professionnelles qui s’appuie sur des pratiques éprouvées. Donner plus de pouvoirs aux gens, c’est d’abord leur permettre de prendre du pouvoir sur leur propre profession, sur les bases de connaissances et les compétences qui sont les fondements de leurs actes professionnels.
Il y a bien longtemps, plus de 80 ans, que Mary Parker Follett a écrit que « le leadership n’est pas défini par l’exercice du pouvoir, mais par la capacité d’accroître le sentiment de pouvoir parmi ceux qui sont dirigés. Le travail le plus essentiel du leader est de créer plus de leaders. » Relire ses écrits, comme ceux de ses contemporains, a été une façon pour moi de prendre du pouvoir sur mon rôle de gestionnaire, lui donner un sens et contribuer, à ma façon, à développer une culture de gestion qui s’appuie, non pas sur la saveur du jour ou la dernière conférence à la mode, mais sur l’inestimable contribution de ceux qui ont écrit l’histoire de notre profession.
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Première publication dans Éducation Canada, décembre 2019
La création d’espaces de discussion sécuritaires permet aux enseignants de vivre du soutien de leurs pairs et d’améliorer leur bien-être au travail.
Lorsque les enseignants veulent discuter d’une situation éprouvante, où peuvent-ils échanger de façon sécuritaire? Il est possible de penser à la fameuse « salle des profs » ou encore à l’entrebâillement de la porte d’un collègue de confiance, mais ces endroits permettent-ils vraiment de solliciter de façon optimale leur réseau de soutien? Et, dans une perspective plus globale, sont-ils favorables pour le développement de leur bien-être psychologique au travail?
Dans cet article, nous proposerons quelques éléments de réponse associés à ces questions en détaillant le soutien social et en revisitant le lien entre ce concept et le bien-être psychologique au travail en contexte scolaire. Nous présenterons, par la suite, un exemple d’activité collective menée auprès d’enseignants qui permet la création d’un espace de discussions favorisant les échanges dans un contexte sécuritaire.
À la différence de certains concepts utilisés dans la littérature scientifique, le soutien social en est un vocable fréquemment utilisé dans le langage courant. Il est possible, avec nos représentations personnelles et sans formation préalable, de formuler une définition de ce terme. Plusieurs chercheurs ont tenté de clarifier ce concept, mais sans arriver à une définition consensuelle. Dans nos travaux, nous employons la conceptualisation de Vaux1 qui est particulièrement intéressante, car elle ne se limite pas seulement aux manifestations de soutien social, mais considère également l’individu dans son contexte de vie. Cette définition caractérise le soutien social comme un processus transactionnel complexe qui engage, de façon interactive, la personne et son réseau de soutien. En d’autres mots, le soutien social est un échange actif entre deux individus, soit la personne qui reçoit le soutien et la personne qui est en mesure de le lui offrir.
En dépit des divergences mentionnées précédemment quant à la définition du soutien social dans la littérature scientifique, trois dimensions lui sont plus fréquemment associées, Vaux les nomme les comportements de soutien, l’évaluation subjective de soutien et les ressources du réseau. Selon cette conception, celles-ci peuvent être définies comme suit :
Cette dimension représente les gestes de soutien qui sont posés par les individus désirant aider une autre personne. Pour mieux comprendre les comportements de soutien, House2, l’un des principaux auteurs dont les travaux portent sur le soutien social en contexte de travail, en propose quatre types :
Celles-ci font référence à l’aide que l’individu pourrait recevoir de ses relations en cas de besoin. En contexte scolaire, les individus qui sont susceptibles de vous donner du soutien social lorsque vous éprouvez des difficultés avec votre gestion de classe ou avec des problèmes administratifs ne sont peut-être pas les mêmes. Les ressources du réseau font référence à toutes ces personnes qui pourraient vous prodiguer du soutien, indépendamment du contexte.
Fait référence à l’évaluation faite par les individus sur le soutien social (réseau de soutien) qu’ils reçoivent et auquel ils ont accès. Par exemple, après avoir reçu de l’aide en classe de la part de l’un de vos collègues, vous pouvez vous interroger sur le soutien que vous avez reçu et évaluer s’il vous a été profitable ou non.
Tisser des liens entre le bien-être psychologique au travail et soutien social
Le développement du bien-être au travail en enseignement est particulièrement pertinent en considérant les conditions parfois précaires de certains enseignants. Dans une recension d’écrits visant à représenter la situation relative à la santé mentale chez les travailleurs en milieu scolaire, Maranda, Viviers et Deslauriers3 présentent, entre autres, la violence physique qui est plus élevée au travail, mais aussi le taux plus élevé d’anxiété, d’épuisement professionnel et de détresse psychologique des enseignants.
« Le soutien social est important pour les individus en termes d’adaptation à leur environnement et aux défis qu’ils rencontrent. »
Dans les années 1980, le soutien social était au cœur de plusieurs recherches pour comprendre son effet positif. En contexte de travail, House le comparait à un masque pour les travailleurs des usines. Cette analogie souligne l’effet protecteur du soutien social au regard de l’environnement dans lequel l’individu évolue. Dans le même ordre d’idées, Vaux propose que le soutien social est important pour les individus en termes d’adaptation à leur environnement et aux défis qu’ils rencontrent.
Il serait donc un facteur qui aiderait les individus à répondre aux demandes de leur environnement. Dans les dernières années, le soutien social reste un objet de recherche et est d’ailleurs considéré comme l’un des plus fréquemment cités en éducation pour ce qui est de son influence positive, comme souligné par Curchod-Ruedi et Doudin en 20124.
Certaines caractéristiques de l’individu peuvent avoir une influence sur la perception du soutien social. Denise Curchod Ruedi, Pierre-André Doudin et Jean Moreau5 soulignent que l’état psychologique des enseignants peut avoir une influence sur la perception des comportements de soutien reçus. Par exemple, un enseignement qui serait en épuisement professionnel (burnout) pourrait moins percevoir les comportements de soutien à son égard à cause de certains symptômes associés à cet état. Il est donc important de s’interroger sur les moyens qui pourraient favoriser le soutien social, mais également sur les facteurs qui pourraient avoir une incidence sur ses bienfaits.
« Les activités collectives peuvent être l’une des façons de favoriser le soutien social et le développement du bien-être au travail. »
Les activités collectives peuvent être l’une des façons de favoriser le soutien social et le développement du bien-être au travail en ajoutant un élément dans l’environnement des enseignants. En s’appuyant sur la conceptualisation de Bronfenbrenner6, l’environnement représente le contexte de vie de l’individu où la relation entre ces deux éléments est bidirectionnelle. C’est-à-dire que la personne influence et est influencée par les éléments avec lesquelles elle a des relations directes, par exemple, ses élèves, les enseignants spécialistes ou la direction scolaire, mais aussi des relations indirectes comme la culture du pays ou la représentation sociale de l’enseignement.
Pour mieux comprendre le soutien social dans le cadre d’une activité collective visant le développement du bien-être psychologique au travail, nous avons mené une recherche qualitative auprès de huit enseignants participant à des groupes de parole. Le groupe de parole est une activité collective où tous peuvent s’exprimer sur des thématiques variées associées, par exemple, à des réflexions, un vécu, des expériences ou encore des émotions. Cette activité, qui avait comme objectif de favoriser le bien-être au travail chez les enseignants, comportait deux règles principales pour favoriser l’expression libre chez les participants : la confidentialité des propos abordés durant l’activité et l’adoption d’une attitude de non-jugement. Cette activité a eu lieu environ une fois par mois, durant les heures de travail : les enseignants se réunissaient pour discuter, sans avoir de thème prédéfini. Les groupes de parole étaient animés par une psychologue, membre de l’Ordre des psychologues du Québec. Malgré certaines ressemblances, cette activité ne doit pas être confondue avec une psychothérapie; en effet, l’objectif était de regrouper les individus sur une question commune plutôt que de « guérir ».
À la lumière des témoignages des enseignants sur cette activité, nos résultats mettent en valeur l’importance de créer des espaces de discussion sécuritaires où les enseignants peuvent échanger et partager leur réalité. Les participants aux groupes de parole ont souligné l’apport de ce partage pour mieux connaître les autres, mais aussi pour comprendre que leur réalité est vécue parfois par plusieurs enseignants, alors que celle-ci est rarement discutée. Le témoignage de l’un des participants reprend ces éléments :
J’ai beaucoup aimé [les groupes de parole] parce que ça nous a permis de connaître un peu plus nos réalités, puis dans le fond j’ai réalisé qu’il y a beaucoup plus de points en commun que ce que je pensais. Des fois, on pense qu’on vit une situation un peu d’une façon seule, mais non, j’ai vraiment apprécié ça, puis ça nous a permis aussi d’apprendre à mieux nous connaître, d’échanger.
Cet espace peut favoriser les comportements de soutien. À titre d’exemple, le partage d’informations et de solutions peut être favorisé par le temps alloué et le contexte de l’activité. De plus, cela peut avoir une influence sur l’évaluation subjective du soutien, puisque l’activité se déroule dans un espace qui favorise les liens entre les participants. Comme le souligne Vaux dans ses travaux, plus les individus ont une meilleure connaissance des autres, plus les comportements de soutien sont adaptés à leurs besoins. Finalement, les enseignants ont également souligné l’apport de cette activité sur les ressources de leur réseau. En connaissant mieux le vécu de chacun, ils sentaient qu’il serait plus facile pour eux de solliciter les membres ayant participé à l’activité s’ils en avaient besoin, comme le témoigne l’un des enseignants : « Par exemple, pour Nadine, (…) [le groupe de parole] l’a énormément aidée, au début elle hésitait beaucoup, mais maintenant elle vient nous demander sans gêne… »
Bien qu’un seul groupe d’enseignants ait participé à cette recherche, les résultats semblent encourageants pour la suite, autant en ce qui concerne le soutien social, comme discuté dans cet article, que pour le bien-être psychologique au travail. Près de la totalité des enseignants participants ont répondu que cette activité a pu contribuer positivement au développement de cet état de bien-être. En considérant que les groupes de parole sont mis en œuvre afin de créer des espaces pour discuter de questions communes et qu’ils nécessitent très peu de ressources, ces activités pourraient également être offertes à d’autres acteurs du système scolaire comme les conseillers pédagogiques, les directions scolaires ou encore les techniciens en éducation spécialisée (TES), pour n’en nommer que quelques-uns.
Illustration : Diana Pham et Adobe Stock
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2019
1 Vaux, A. (1988). Social support : theory, research and intervention. New York, New York : Praeger.
2 House, J. S. (1981). Work stress and social support. Don Mills, Ontario : Addison-Wesley Publishing Company.
3 Maranda, M.-F., Viviers, S. & Deslauriers, J.-S. (2014). Prévenir les problèmes de santé mentale au travail : contribution d’une recherche-action en milieu scolaire. Québec, Québec : Presses de l’Université Laval.
4 Doudin, P.-A., Curchod-Ruedi, D. et Moreau, J. (2011). Le soutien social comme facteur de protection de l’épuisement des enseignants Dans P.-A. Doudin, D. Curchod-Ruedi, D. Lafortune & N. Lafranchise (dir.), La santé psychosociale des enseignants et des enseignantes (p. 12-37). Québec, Québec : Presses de l’Université Laval.
5 Curchod-Ruedi, D. & Doudin, P.-A. (2012). Le soutien social aux enseignants : un facteur de réussite de la démarche inclusive. La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation (4), 229-244.
6 Bronfenbrenner, U. (1995). Developmental ecology through space and time. Dans P. Moen, G. H. Elder & K. Lüscher (dir.), Examining lives in context : perspectives on the ecology of human development (p. 619-648). Washington, DC : American Psychological Association.
Galiano, A. R. et Portalier, S. (2012). Les groupes de parole de parents d’enfants déficients visuels : réflexion sur le dispositif et sur la place du psychologue. Pratiques Psychologiques, 18 (3), 265-281. doi : http://dx.doi.org/10.1016/j.prps.2009.12.006
Bouville, J.-M. (2005). Pourquoi tant de groupes de parole? Dans D. Bass & H. De Gaevel (dir.), Au fil de la parole, des groupes pour le dire (p. 75). Saint-Agne, France : Eres.
Croire que les élèves sont les personnes les plus importantes dans une école peut légitimer de ne pas prendre soin des adultes, qui pourtant créent l’atmosphère des lieux. Ce sont les adultes dans les écoles qui créent l’atmosphère de celles-ci.
Il y a 30 ans, j’ai commencé à travailler dans les écoles secondaires; d’abord en parascolaire puis comme enseignante. Après un passage de trois ans au ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec, le retour à l’enseignement a été un choc. Élèves anxieux et dépressifs, collègues débordés, relations de travail en montagnes russes et de mon côté, difficile retour au rythme effréné de l’enseignement après ces trois années à avoir eu droit à des soirs et des fins de semaine sans travail supplémentaire. J’ai eu l’impression que les résultats scolaires avaient pris une place disproportionnée dans l’esprit des élèves, que tout ce qui n’était pas évaluation était sans importance pour eux. Leur mal-être m’a bouleversée. J’ai choisi de quitter l’école pour retrouver mon équilibre.
Quand j’ai commencé à enseigner, il m’est arrivé d’entendre que les personnes les plus importantes dans une école étaient les élèves. Chaque fois, je ressentais un certain malaise devant cette affirmation, devant le besoin de décider qui est plus important. Puis je me disais qu’en pensant ainsi, il devenait légitime de ne pas prendre soin des éducateurs. Or les adultes ont un rôle majeur à jouer pour l’atmosphère de l’école. Cette atmosphère, agréable ou non, se sent dans les corridors; l’avez-vous déjà remarqué?
Demandez à n’importe quel jeune ce qu’il apprécie en premier chez ses enseignants : vous entendrez parler de sourire, de bienveillance, d’humour, de respect. Ce que les jeunes détestent? Les enseignants impatients qui crient et qui grincent. Le bien-être des élèves passe, entre autres, par celui des adultes de l’école.
En fin de compte, il ne s’agit pas de mesurer l’importance de qui que ce soit. Le bien-être des enseignants, tout comme celui de l’ensemble du personnel des écoles, est primordial pour qu’il rejaillisse sur celui des élèves et des étudiants. Et c’est la responsabilité de tous, même si les leaders ont indéniablement un rôle prépondérant à jouer pour installer les conditions essentielles au bien-être de tous.
Par où faut-il commencer? Cette édition de notre magazine présente de belles pistes de solutions. Je vous souhaite de prendre le temps de le lire et d’en discuter dans vos établissements. Bonne lecture!
Le Réseau ÉdCan a récemment lancé « Bien dans mon travail », une campagne de sensibilisation basée sur la recherche qui invite les leaders en éducation à faire du bien-être des membres du personnel scolaire une priorité. Consultez la Voix du Réseau pour en savoir plus sur cette initiative.
Photo : Dave Donald
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2019
Cet article rend compte d’une recherche-action où les leaders de la direction générale d’une commission scolaire ont ajusté leur leadership et leur modèle de développement pédagogique et organisationnel pour mieux prendre en compte le bien-être du personnel scolaire.
Les commissions scolaires du Québec ont été récemment invitées à préciser de nouveau leur stratégie énonçant leurs enjeux, orientations et objectifs prioritaires pour favoriser la réussite éducative des élèves sur leur territoire. L’équipe de leaders de la direction générale de la commission scolaire des Hautes-Rivières (CSDHR) a profité de cette occasion pour conscientiser et expliciter son modèle de développement pédagogique et organisationnel afin de susciter de l’engagement, créer du sens et favoriser davantage la collaboration entre les différents acteurs scolaires. Pour ce faire, elle s’est engagée dans une recherche-action soutenue par un membre de leur équipe, conseillère-chercheuse en gestion de l’éducation, qui les a accompagnés dans le cadre de son projet doctoral. Cet article explicite l’origine et l’objectif du projet, présente quelques repères théoriques ayant inspiré les actions de l’équipe de leaders et rend compte du modèle de développement pédagogique et organisationnel développé.
Depuis 2014, la CSDHR a entrepris de nombreux changements pour soutenir la réussite éducative, notamment au plan pédagogique et de la gestion des écoles, des centres et des services. De tels changements ont nécessité l’ajustement des manières d’être et de faire de plusieurs personnels scolaires (enseignants, gestionnaires, professionnels et personnels de soutien). Ces transformations ont eu des impacts tangibles sur la réussite éducative. Elles ont également permis de comprendre que des employés vivaient certains enjeux relatifs à leur qualité de vie au travail, liés à des besoins de sens, d’accomplissement, de relations harmonieuses et de collaboration au cœur de ces changements.
Cette situation n’est pas unique à ce milieu. Les changements organisationnels peuvent affecter le bien-être des travailleurs1. Il se révèle névralgique de s’en préoccuper pour s’assurer de changements aux retombées positives, tant sur le plan personnel que sur le plan organisationnel2. Sensible à cela, l’équipe de leaders de la direction générale de la CSDHR a cherché à ajuster certaines manières d’être et de faire, dans la mise en œuvre des changements dans l’organisation, inspirée de la question : Que nous apprend la recherche en gestion des organisations sur les pratiques et les compétences des leaders soucieux et capables de prendre en compte les besoins de sens, de contribution, de collaboration de leur personnel en contexte de changement? Soutenue par la conseillère en gestion de l’éducation, l’équipe de leaders a retenu deux voies d’actions prometteuses et inspirantes dans les écrits portant sur la conscience, le leadership et le bien-être en organisation. Lors de la conduite d’un changement, les gestionnaires gagnent à agir en leader authentique et à adopter des manières de penser, d’être et de faire dites « postconventionnelles ». Mais de quoi s’agit-il au juste? En quoi ces voies d’actions peuvent-elles contribuer au bien-être du personnel scolaire en contexte de changement?
Le leader authentique3 est décrit comme une personne ayant une bonne conscience d’elle-même et des autres, c’est-à-dire de leurs valeurs, croyances, besoins, émotions, motivations, forces et zones de vulnérabilité. De plus, ses manières de faire et d’être sont guidées par des valeurs et des croyances partagées avec ses collaborateurs. Un leader authentique fait preuve de transparence concernant ses intentions tout en tentant de maintenir une certaine cohérence entre ses valeurs, ses comportements et ses actions. Il prend des décisions en s’appuyant sur différentes sources d’information et il est guidé par des principes éthiques pour agir en fonction du bien des membres de l’organisation.
Qu’est-ce qui amène des leaders à agir de façon authentique? Le leadership authentique peut être associé au stade de développement de la conscience4 d’une équipe de leaders, c’est-à-dire à sa capacité, plus ou moins assurée, à concevoir et à prendre du recul sur sa logique d’action (modèles mentaux) et à l’ajuster volontairement en contexte. Les leaders dits conventionnels ont peu développé cette capacité. Ils sont essentiellement préoccupés par le respect des règles, des normes et des prescriptions dans l’organisation puis plus largement, par la reconnaissance, la recherche de l’efficacité et l’atteinte de résultats tels qu’établis par les autorités. Les leaders qui ont développé leur capacité à prendre du recul sur leur logique d’action sont dits davantage postconventionnels. Ils sont soucieux de respecter les règles et les normes et de réussir en priorisant, pour ce faire, la mise en œuvre cohérente de projets ancrés dans la création d’une vision partagée mettant à profit les forces et les idées de chacun, la collaboration et la communication authentique.
L’équipe de leaders de la CSDHR s’est donc inspirée des écrits sur le leadership authentique dans une perspective postconventionnelle pour initier ses actions sous-tendues des préoccupations suivantes :
« Le bien-être se révèle une retombée attendue de nos actions et moins un idéal à atteindre »
L’équipe de la CSDHR a ainsi témoigné de la prise en compte du bien-être des personnes, que nous avons définie, inspirés des travaux de Seligman4 en psychologie positive, comme un sentiment de satisfaction, personnel ou professionnel, au regard d’activités ou de projets permettant de s’engager, de trouver du sens et de s’accomplir en utilisant ses forces personnelles et en vivant des relations ainsi que des émotions positives. Selon cette perspective, le bien-être se révèle une retombée attendue de nos actions et moins un idéal à atteindre comme il le serait, au sens hédonique, en tant que recherche de plaisir et d’évitement des émotions négatives.
Le tableau synthèse qui suit illustre la conception du leadership authentique dans une perspective postconventionnelle, adoptée par l’équipe de la CSDHR pour prendre en compte le bien-être du personnel scolaire en contexte de changement. Elle cherchait ainsi à modeler des manières de penser d’être et de faire auprès des collaborateurs afin de créer un climat organisationnel positif, élever la conscience collective et de leur permettre d’agir à leur tour dans cette même perspective pour des retombées positives tant sur le plan de la performance que du bien-être au sein de l’organisation.
L’équipe de leaders de la CSDHR a saisi l’occasion de l’actualisation de sa stratégie5 pour en apprendre davantage sur le leadership authentique, s’exercer à agir en ce sens et concevoir et partager son modèle de développement pédagogique et organisationnel. Autrement dit, elle a cherché à créer son cadre de référence pour clarifier ses manières d’être et de faire, en tant qu’équipe, pour influencer la mise en cohérence progressive d’idées, d’actions et de décisions collaboratives au sein des écoles, des centres et des services en soutien à la réussite scolaire des élèves, jeunes et adultes. Une recherche-action a été vécue. Pour la concrétiser, trois types de rencontres ont été conçues et mises en œuvre par l’équipe de leaders de la direction générale soutenue par une conseillère-chercheuse en gestion de l’éducation dans le cadre de son projet doctoral.
Lors de ces rencontres, la conseillère-chercheuse était présente pour entendre et questionner les participants, observer et collecter des données à l’aide de grilles portant sur des dimensions du leadership authentique et sur le développement pédagogique et organisationnel. Une démarche, des stratégies, des ressources, des modalités, des manières d’être et de faire des leaders ont pu ainsi être consignées. Entre les différents types de rencontres, une analyse et une synthèse des données étaient réalisées par la conseillère-chercheuse. Ces données étaient ensuite rapportées et discutées avec l’équipe de leaders afin de leur permettre de formaliser progressivement leur modèle de développement pédagogique et organisationnel.
Au terme de la démarche, l’équipe de leaders de la direction générale a formalisé et communiqué son modèle de développement pédagogique et organisationnel au personnel scolaire de l’organisation lors de rencontres collectives avec les groupes d’émergence. L’équipe a rendu explicite certains présupposés au regard du développement pédagogique et organisationnel, la définition et les finalités qu’elle lui attribue ainsi que dix (10) clés de cohérence jugées névralgiques à incarner ensemble en tant que leaders à la CSDHR pour le soutenir au quotidien. Pour chacune de ces clés, d’actions ou de principes ont été explicités.
Une équipe de leaders soucieuse de prendre en compte le bien-être du personnel scolaire en contexte de changement peut y contribuer par la création et le partage d’un modèle de développement pédagogique et organisationnel inspiré d’un leadership authentique dans une perspective postconventionnelle. Un tel modèle relaté dans le présent article peut inspirer d’autres équipes de leaders pour créer le leur et témoigner d’une attention de plus en plus tangible aux besoins complémentaires, individuels et collectifs, de respect des règles et normes, d’efficience et de bien-être au sein des organisations scolaires d’aujourd’hui et de demain.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Références
Baron, C. (2007). Le processus de développement de la conscience de gestionnaires individualistes et stratèges; une investigation collaborative autour de l’expérience du pouvoir. Recherches qualitatives. 27 (2). 104-132
De Zanet, F. et Vandenberghe, C. (2003). Conséquences des changements dans l’environnement de travail et leur évaluation sur le bien-être. Delobbe, N., Karnas, G., Vandenberghe, C. (dir.), Bien-être au travail et transformation des organisations : Actes du 12e congrès de psychologie du travail et des organisations. Association internationale de psychologie du travail de langue française Éditeur : Louvain : Presses universitaires de Louvain, DL 2003.
Fortin, C. (2015). Leadership authentique et authenticité : Convergences et divergences et étude d’un modèle de développement. (Mémoire de maîtrise). Université du Québec à Montréal, Montréal.
Laloux, F. (2015). Reinventing Organizations. Vers des communautés de travail inspirées. Paris : Édition Diateino.
Nelson, K. (2013). Le leadership authentique : validation d’une mesure et étude de ses effets sur le climat de travail et le bien-être des personnes. (Thèse de doctorat). Université de Montréal. Montréal.
Parenteau C., Champagne, E., Dagenais-Desmarais, V. (2013). Qui sème le bonheur au travail récolte la performance? Exploration des liens entre le bien-être psychologique au travail et la performance. Psychologie Québec. Vol.30 (5). 37-40
Seligman, M. (2013). S’épanouir. Pour un nouvel art du bonheur et du bien-être. Paris : Belfond.
Remerciements : sincères remerciements à Eric Blackburn, Dominique Lachapelle, Sophie Latreille, et Mario Champagne, leaders de l’équipe de la direction générale de la Commission scolaire des Hautes-Rivières, pour leur engagement et leur confiance dans la mise en œuvre de la recherche-action décrite dans le présent article.
1 De Zanet et Vanden Berghe, 2003;
2 Parenteau, Champagne, Dagenais-Desmarais 2013
3 Pour en savoir davantage sur le leadership authentique, consultez Nelson (2013) Fortin (2015).
4 Pour en savoir davantage sur les stades du développement des leaders et des organisations, consultez, Baron (2007), Laloux (2015).
5 Pour en savoir davantage sur cette conception du bien-être, consultez Seligman, (2013)
6 Dans cet article, la stratégie des leaders de la direction générale réfère à la création collaborative du Plan d’engagement vers la réussite (PEVR). https://www.edcan.ca/articles/educator-well-being-self-compassion-as-the-ultimate-act-of-self-care/
Quelle est la place du bien-être psychologique en formation universitaire au regard des différentes problématiques vécues en milieu scolaire? La recherche présentée ici porte sur le bien-être des futurs enseignants en cours et en stage.
Ma recherche sur les besoins de formation psychologique1 met en évidence cette réalité : les futurs enseignants, finissants au baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire, perçoivent l’importance du bien-être psychologique en enseignement.
Au regard de leur formation universitaire, ils ont situé notamment la place du bien-être dans le cadre de leur formation initiale, mais également ont évoqué ce qui aide ou ce qui nuit à ce dernier. Ces futurs enseignants, souhaitant être préparés aux réalités de la profession qui peuvent mener au stress ou à l’épuisement professionnel (par exemple : non-reconnaissance de la profession, classes plus difficiles, tâches qui ne correspondent pas à leurs compétences, isolement, etc.), ont présenté des pistes de solution.
Tout comme la satisfaction des besoins physiques est essentielle à la survie, la satisfaction des besoins psychologiques tels que le besoin d’autonomie, le besoin de compétence et le besoin d’affiliation sociale est primordial pour développement d’un fonctionnement psychologique optimal2. Par ce dernier, l’individu est à même de se réaliser pleinement et il ressent un bien-être psychologique. Il existe un lien entre la formation psychologique et le bien-être psychologique.
En effet, les expériences vécues dans le cadre de la formation à l’enseignement qui impliquent et satisfont les besoins psychologiques génèrent des émotions positives et du bien-être psychologique. De plus, lorsque la personne accorde de l’importance et de la valeur à l’accomplissement de ses objectifs personnels et professionnels, elle met les efforts nécessaires pour les atteindre. Cet accomplissement lui procure à la fois de la satisfaction personnelle et un sentiment de compétence qui se traduisent par une augmentation de son bien-être psychologique. Au contraire, dans le cadre de la formation à l’enseignement, lorsque la personne n’entrevoit pas de succès ou est ambivalente quant à l’effort qu’elle souhaite mettre pour atteindre ses objectifs, sa motivation et sa satisfaction peuvent diminuer et se traduire par plus d’affects négatifs.
L’étude de Dufour3 démontre que les difficultés d’insertion des récents diplômés universitaires ont des effets sur leur bien-être psychologique et que cette détresse amène un état dépressif, de l’anxiété, de l’irritabilité et des troubles cognitifs. L’abandon peut même prendre la forme d’une réorientation professionnelle, d’un perfectionnement académique ou refléter une réaction saine de l’enseignant pour ressusciter son véritable soi4. Cette réaction traduit le manque de sécurité psychologique que la profession peut générer et qui justifie la place d’une formation psychologique chez les futurs enseignants, soit par l’acquisition de compétences pour être prêts psychologiquement et émotionnellement à affronter différentes sphères du métier qui ne sont pas seulement liées aux interventions avec les élèves.
« Un futur enseignant souligne que son enseignant associé évoquait à plusieurs reprises son épuisement à l’égard des élèves en crise, ce qui semblait avoir un impact sur sa propre motivation. »
Quoique des composantes héréditaires puissent avoir une influence sur le bien-être psychologique, les individus ont aussi des émotions qui varient selon les événements de la vie. Il est donc important que les futurs enseignants en éducation préscolaire et en enseignement primaire puissent avoir des buts personnels importants à atteindre de manière à effectuer une évaluation personnelle et spécifique de ces états émotionnels pour un meilleur bien-être psychologique.
La place accordée à l’aspect émotionnel en formation des maîtres est liée au sentiment de bien-être et à la persévérance dans l’exercice du métier d’enseignant. Dès la formation initiale, il est important de s’attarder à la compréhension de ses réactions et actions souvent amorcées par les émotions. La gestion des émotions sera facilitée lors de situations problématiques et le taux de stress amoindri puisque l’enseignant deviendra capable de relativiser les choses et de faire des choix judicieux. Plusieurs insatisfactions et frustrations sont ressenties dans le monde de l’enseignement.
Il importe qu’une formation psychologique puisse offrir l’opportunité aux futurs enseignants de travailler leurs buts personnels servant de modérateur entre les événements négatifs qui surviennent et les émotions.
De prime abord, les participants interrogés, finissants au baccalauréat en éducation préscolaire et en enseignement primaire, perçoivent que le bien-être psychologique prend peu de place dans le cadre de la formation initiale.
À propos du bien-être, un participant mentionne : « On nous l’amène par une statistique, qu’il y a tant de pourcentage de décrochage. C’est dangereux, faites attention. »
De plus, d’autres participants indiquent que le bien-être psychologique est davantage abordé en stage, parfois de manière négative. À titre d’exemple, un futur enseignant souligne que son enseignant associé évoquait à plusieurs reprises son épuisement à l’égard des élèves en crise, ce qui semblait avoir un impact sur sa propre motivation : « À la fin de mon troisième stage, je me suis beaucoup remis en question à savoir si j’étais dans la bonne branche. Qu’est-ce que je fais? Il faut ramener la notion du bien-être psychologique, car on la perd de vue. »
Un autre participant mentionne que dès le début de son stage 4, son bien-être psychologique était affecté : « Mon enseignant était déjà découragé de la classe qui s’en venait. On m’a dit lors du déjeuner de la rentrée que si je finissais mon stage dans cette classe-là, je pouvais aller n’importe où. J’étais vraiment stressé et c’est certain que mon bien-être psychologique était bas. »
Selon les participants, les personnes du milieu scolaire dites négatives ont un impact sur leur propre bien-être. Ils ont d’ailleurs mentionné à maintes reprises l’importance des relations positives avec les autres, soit le fait de collaborer :
En stage 4, tout le monde travaillait ensemble et j’étais motivé. En stage 3, cela avait un impact sur mon bien-être, car ma perception était que chacun était tout seul dans la classe. Je croyais que c’était ça enseigner.
Ryff5 a défini le concept du bien-être psychologique à travers six dimensions qui tiennent compte de la définition de plusieurs auteurs, soit l’acceptation de soi, les relations avec les autres, l’autonomie, la maîtrise sur l’environnement, le but dans la vie et la croissance personnelle. Les futurs enseignants interrogés dans cette étude ont souligné entre autres l’importance de trois d’entre elles. Selon Ryff, ces différentes dimensions psychologiques définissent le bien-être psychologique. Une personne qui maîtrise positivement les six dimensions aura un haut niveau de bien-être psychologique.
Dans le cadre de la formation initiale, les participants ont mentionné des pistes de solution pour leur bien-être psychologique.
D’abord, ils ont parlé de l’importance des relations avec les autres qui doivent être chaleureuses et satisfaisantes. La collaboration peut servir à épancher plusieurs émotions suscitées par les problèmes rencontrés. Les futurs enseignants sont donc préoccupés par le fait que certains enseignants associés et expérimentés puissent déjà présenter leur classe et leurs élèves de façon négative, mais surtout, qu’ils ne semblent pas collaborer entre eux. Bien que certains participants précisent que cela puisse être une façon de nous protéger ou de nous inviter à établir des limites personnelles, ils précisent qu’ils veulent se sentir acceptés en tant que stagiaires, mais surtout se faire présenter les aspects plus positifs de leur travail que ce soit en contexte de stage ou des cours : « On parle beaucoup de décrochage, mais on ne parle pas de rétention. »
D’autre part, les futurs enseignants interrogés évoquent une piste de solution qui concerne les projets réalisés en classe. Parfois, ils arrivent dans un milieu où la planification est déjà bien définie et où il y a peu de flexibilité quant aux changements. Le fait que leurs idées ne soient pas prises en compte dans le cadre de leur stage peut nuire à leur bien-être psychologique : «Mes projets, je mets beaucoup de temps. J’aime les utiliser. Ça aide mon bien-être psychologique, à rester motivé et c’est la fierté de soi. »
Toujours selon Ryff, la croissance personnelle donne à une personne le sentiment de s’épanouir, grandir et se développer. Cette dernière est alors ouverte aux nouvelles expériences et au désir de réaliser son plein potentiel. Les finissants en éducation préscolaire et en enseignement primaire interrogés dans cette étude ont donc cette motivation relative au bien-être psychologique.
À long terme, la croissance personnelle permet d’ailleurs une amélioration de soi et de ses comportements avec autrui. Ainsi, les changements effectués et réalisés par la personne sont influencés par la connaissance de soi et par son efficacité personnelle.
Il faut considérer les expériences antérieures du stagiaire et proposer que l’enseignant associé fasse preuve de respect à son égard, le valorise, mais surtout, le place sur un pied d’égalité avec lui6. Il s’en suit un climat d’apprentissage qui favorise la liberté d’expression et respecte le principe que l’apprentissage se déroule dans une atmosphère de confiance.
Les participants interrogés rappellent aussi l’importance de réinvestir leurs travaux universitaires dans le contexte de la profession enseignante (rapport théorie et pratique) : « J’ai fait un projet sur la persévérance en stage 3 et je l’ai réinvesti en stage 4. Je me connais, si je n’ai pas de motivation, j’ai de la misère à m’investir et mes élèves n’auront pas envie eux aussi de le faire. » Avoir un but dans la vie permet à la personne de percevoir un sens à sa vie présente et passée. La personne doit aussi avoir des croyances et des objectifs qui donnent un sens à sa vie. Ainsi, savoir que nos travaux peuvent être réinvestis ou mettre de l’avant la pertinence des travaux sont également des pistes de solution mentionnées par les participants.
La formation des futurs enseignants, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, peut apparaître comme un facteur de risque pour certains d’entre eux. Effectivement, la formation est elle-même source d’angoisse, car le changement qu’elle produit peut être déstabilisant au regard de l’identité professionnelle, voire personnelle.
Dès la formation initiale, peu d’étudiants prennent le temps de s’arrêter sur l’évaluation des dimensions liées à leur bien-être psychologique et d’analyser les problèmes qu’ils rencontrent. Ces problèmes amènent certains à se décourager et à abandonner, d’autres à développer de mauvaises habitudes d’évitement, de critique ou de compensation par rapport à la formation reçue.
Une formation psychologique accompagne le futur enseignant dans la découverte des affects qui naissent de ces problèmes et dans leur prise en compte aux plans affectif et émotionnel. Ces différentes dimensions doivent être considérées en formation initiale sachant que le bien-être psychologique actuel des nouveaux enseignants semble affecté et que ces derniers semblent peu préparés à vivre les difficultés liées à la profession enseignante. L’étude et la place du bien-être psychologique en formation initiale et en milieu scolaire sont essentielles.
Illustration : Diana Pham et Adobe Stock
Première publication dans Éducation Canada, décembre 2019
1 Pelletier, M.-A. (2013). Les besoins de formation psychologique chez les finissants en éducation préscolaire et enseignement primaire, thèse de doctorat inédite, Rimouski, Université du Québec à Rimouski.
2 Deci, E. L., et Ryan, R. M. (2000). The “What” and “Why” of goal pursuits: Human needs and the self-determination of behavior. Psychological Inquiry, 11(4), 227-268.
3 Dufour, M. (2007). Les difficultés d’insertion socioprofessionnelle des récents diplômés universitaires. Document inédit, Université Laval, Québec.
4 Abraham, A. (1982). Le monde intérieur des enseignants. Paris : Épi.
5 Ryff (1995) Ryff, C.D. (1995). Psychological well-being in adult life, Current Directions in Psychological Science, 4(4), 99-104.
6 Cardinal, D., Couturier, L., Savard, J., Tremblay, M. & Desmarais, M. (2014). La supervision de stagiaires : un art qui s’apprend. Reflets, 20 (1), 42–75. https://doi.org/10.7202/1025794ar
Cette affiche fournit plusieurs conseils destinés aux écoles qui cherchent à mieux soutenir le bien-être du personnel scolaire. Elle porte sur une approche de bien-être au niveau de toute l’école afin de favoriser le bien-être et la santé mentale de tous.
Cette affiche s’inspire d’un article paru dans le magazine Éducation Canada et rédigé par Sue Roffey, Ph. D.
À noter : Le générique masculin est utilisé sans discrimination et uniquement dans le but d’alléger le texte.
Constatant la méconnaissance de la part du personnel scolaire de la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique qui caractérise leur milieu, les auteures présentent un outil qu’elles ont développé afin de soutenir le développement de pratiques plus inclusives et contextuellement appropriées, faisant ainsi ressortir les spécificités régionales.
Bien que la pertinence de prendre en compte la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique à l’école québécoise soit de plus en plus affirmée, tant sur les plans de la recherche que des politiques éducatives, un hiatus entre la région métropolitaine de Montréal et les autres contextes régionaux s’observe sur plusieurs plans. En effet, les caractéristiques géographiques, historiques et socioéconomiques des différentes régions québécoises font en sorte que ces dernières ont plus ou moins été marquées par la présence d’Autochtones, de la minorité anglophone ou encore des populations issues de l’immigration. On constate, par exemple, que les effectifs des élèves issus de l’immigration (ÉII) varient énormément entre les régions québécoises tant au niveau quantitatif qu’au niveau des catégories d’immigration. Les élèves issus de l’immigration de première génération et ceux provenant de familles réfugiées sont proportionnellement plus nombreux à fréquenter les écoles à l’extérieur de Montréal. Il s’ensuit que les défis quant à la mise en œuvre de pratiques scolaires visant à prendre en compte la diversité varient aussi entre les différentes régions du Québec, que ce soit au niveau de l’intégration linguistique, scolaire et sociale des élèves issus de l’immigration que de l’éducation interculturelle1.
C’est pour répondre à ces défis spécifiques que l’outil Des clés pour mieux comprendre la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique en milieu scolaire : fiches régionales2 a été développé. En partant du constat de la méconnaissance de la part du personnel scolaire de la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique qui caractérise leur milieu, cet outil vise à rendre les spécificités régionales à cet égard plus visibles afin de soutenir le développement des pratiques plus inclusives et contextuellement appropriées. L’outil regroupe des fiches représentatives de chacune des régions administratives du Québec (accessibles en ligne) composées de quatre parties :
Si ces fiches permettent avant tout d’informer les acteurs scolaires sur la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique qui caractérise leur milieu de travail et de vie tout en contribuant à soutenir la réussite éducative des élèves issus de groupes minorisés, elles peuvent aussi servir à intégrer et à valoriser cette diversité au sein des pratiques d’enseignement en devenant un outil pédagogique d’éducation interculturelle.
D’une part, en présentant les caractéristiques des élèves appartenant à des groupes minorisés qui fréquentent leurs écoles et les services qui leurs sont offerts (4e partie), les fiches permettent aux acteurs scolaires d’adapter leurs pratiques à ces derniers et à leurs familles, contribuant ainsi au volet d’intégration de la Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle. Les fiches peuvent rendre, par exemple, la réalité plurilingue d’un milieu visible, conviant alors le personnel enseignant à mettre en œuvre des activités qui valorisent les différentes langues présentes dans le répertoire linguistique des élèves. De la même manière, en démontrant que même dans les régions plus éloignées, les ÉII se concentrent dans certains milieux urbains ou semi-urbains, elles explicitent une réalité que le personnel constate souvent, mais qui demeure peu connue. Par les pratiques innovantes qui y sont consignées, dont les exemples de collaboration entre l’école, les familles immigrantes et les organismes communautaires, les fiches sont susceptibles d’accroître l’engagement et la coresponsabilité de tous les acteurs à l’égard des élèves issus de groupes minorisés.
D’autre part, en contextualisant cette diversité sur les plans historique et démographique, de même qu’en décrivant le traitement médiatique de cette diversité, les fiches contribuent au volet d’éducation interculturelle, par le renforcement de la présence de contenus liés à la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique dans l’ensemble des disciplines scolaires. Par exemple, la 2e peut servir de support pédagogique pour des activités en classe, en abordant notamment les défis rencontrés par les immigrants qui s’installent dans la région en question, dont les discriminations et les préjugés dont ils peuvent être victimes, de même que leurs contributions à la vie économique, culturelle et sociale. Le portrait historique, quant à lui, contribue à démystifier l’idée que la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique est uniquement liée à l’immigration récente en invitant les élèves à considérer de multiples expériences qui font partie de l’histoire du Québec.
Enfin, en suivant un même modèle, les fiches de 17 régions du Québec permettent de constater des spécificités régionales de même que des réalités communes. Elles permettent de soutenir les enseignants et autres acteurs scolaires en :
Le personnel scolaire sera ainsi amené à non seulement mieux comprendre son propre milieu, mais aussi à se départir de ses a priori sur la présence, plus ou moins visible, de la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique qui caractérise le Québec d’aujourd’hui.
Illustration : gracieusete de UQTR
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Notes
1 De Koninck, Z. et Armand, F. (2012). Entre métropole et régions, un même raisonnement peut-il soutenir un choix de modèles de services différent pour l’intégration des élèves allophones? Diversité urbaine, 12(1), 69-85.
Steinbach, M. (2015). Les défis de l’intégration sociale des jeunes immigrants à l’extérieur de la métropole québécoise.Diversité urbaine, 15 (1), 69-85.
Vatz Laaroussi, M., et Steinbach, M. (2010). Des pratiques interculturelles dans les écoles des régions du Québec : un modèle à inventer. Recherches en éducation, 9, 43-55.
2 Le projet est co-dirigé par C. Borri-Anadon et S.Hirsch, avec l’appui financier de la Direction d’intégration linguistique et d’éducation interculturelle (DILEI) du Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec.
Les auteures illustrent les principaux changements qui ont marqué la mise en œuvre des deux finalités de la Politique québécoise d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle. Elles soulignent l’importance et la pertinence de former les enseignants à développer une compétence interculturelle et inclusive.
Au Québec, comme dans d’autres sociétés, la prise en compte de la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse suscite des défis complexes ainsi que de nombreuses controverses. C’est maintenant 28 % des élèves québécois qui sont issus de l’immigration, de première (nés à l’étranger) ou de deuxième génération (dont au moins un des parents est né à l’étranger). Bien que talonnée par les banlieues, l’île de Montréal continue à en recevoir la majorité, alors que dans d’autres régions, cette présence jusqu’à tout récemment plutôt marginale, connaît une croissance constante. L’expertise développée par les enseignants pour prendre en compte cette diversité est à géométrie variable, tout comme la formation initiale à cet égard1.
Au Québec, la Politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle2 et son évaluation récente3 qui en a confirmé la pertinence, mettent de l’avant l’importance de former le personnel scolaire, notamment les enseignants, à « relever les défis éducatifs liés, d’une part, à la diversité ethnoculturelle, linguistique et religieuse des effectifs et, d’autre part, à la nécessaire socialisation commune de l’ensemble des élèves4. » Plus récemment, ces deux volets de la Politique ont structuré la formalisation d’une « compétence interculturelle et inclusive » à l’intention des enseignants, cette compétence poursuivant deux finalités :
1. Préparer tous les apprenants à mieux vivre ensemble dans une société pluraliste et à développer un monde plus juste et égalitaire;
2. Adopter des pratiques d’équité qui tiennent compte des expériences et réalités ethnoculturelles, religieuses, linguistiques et migratoires des apprenants, particulièrement celles des groupes minorisés5. »
Dans ce bref article, nous souhaitons illustrer les principaux changements qui ont marqué la mise en œuvre de ces deux finalités afin de contribuer à la réflexion sur ce que signifie enseigner dans une société plurielle.
Concernant le premier volet « Intégration » de la Politique, celui-ci était initialement centré sur les élèves « immigrants », ciblant plus particulièrement les élèves « nouvellement arrivés », « d’implantation récente », « allophones » ou encore « non francophones ».
L’intégration y est définie comme « le besoin d’apprendre et de maîtriser à la fois le français — langue d’enseignement et langue commune de la vie publique — pour réussir ses apprentissages scolaires (intégration linguistique et scolaire) et les codes sociaux pour établir, avec l’ensemble de ses camarades, des relations significatives qui transcendent les barrières linguistiques et culturelles et pour participer à la vie collective (intégration sociale)6. »
Les diverses modalités de mise en œuvre de la Politique instaurées depuis son adoption permettent de mettre en lumière les principales transformations relatives à ce volet.
Concernant le deuxième volet « Éducation interculturelle », la Politique insistait particulièrement sur trois enjeux : la représentation de la diversité ethnoculturelle du personnel scolaire, la formation et le perfectionnement de ce dernier ainsi que la transformation pluraliste du curriculum formel et réel.
Au Québec, l’éducation interculturelle y est définie comme « le savoir vivre ensemble dans une société francophone, démocratique et pluraliste » et concerne « tous les élèves du système scolaire, qu’ils soient nés au Québec ou non, francophones, anglophones ou autochtones8. »
L’évolution des modalités de mise en œuvre de l’éducation interculturelle9 témoigne de transformations quant à la manière de concevoir et de déployer celles-ci.
L’ensemble de ces transformations reflète aussi un renforcement de l’articulation entre le volet d’intégration et celui d’éducation interculturelle. Puisqu’il est maintenant reconnu que les deux sont complémentaires, l’éducation interculturelle permet en quelque sorte d’identifier et d’agir sur les obstacles et les situations de discrimination vécues par les élèves concernés par le volet d’intégration. Dans la foulée de ces transformations et afin de soutenir le développement de compétences interculturelles et inclusives chez le personnel scolaire pour apprendre à enseigner dans une société plurielle, différents outils pédagogiques ont été développés. Les autres articles composant ce dossier thématique en font état.
Photo : Productions Cinta, Webdocumentaire réalisé par Jacinthe Moffatt
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Notes
1 Mc Andrew, M., Balde, A., Bakhshaei, M., Tardif-Grenier, K. et al. (2015). La réussite éducative des élèves issus de l’immigration : bilan d’une décennie de recherches et d’interventions au Québec. Montréal : Presses de l’Université de Montréal.
2 Ministère de l’Éducation (1998). Une école d’avenir : La politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle. Québec : Gouvernement du Québec.
3 Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (2014). Rapport d’évaluation. La politique d’intégration scolaire et d’éducation interculturelle. Québec : Gouvernement du Québec.
4 Voir note 2, p. 32-33.
5 Potvin, M., Borri-Anadon, C., Larochelle-Audet, J., Armand, F. et al. (2015). Rapport sur la prise en compte de la diversité ethnoculturelle, religieuse et linguistique dans les orientations et compétences professionnelles en formation à l’enseignement. Montréal : Observatoire sur la formation à la diversité et l’équité.
6 Voir note 2, p. 1.
7 Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (2017). Soutien au milieu scolaire 2017-2018. Intégration et réussite des élèves issus de l’immigration et éducation interculturelle. Québec : Gouvernement du Québec.
8 Voir note 5, p. 23-24.
9 Voir note 7, p. 13.
Lorsqu’il est question d’aborder des thèmes sensibles en classe, les enseignants doivent relever de nombreux défis. C’est dans cette optique que les auteures ont développé une démarche générale de discussion entre enseignants et élèves pouvant s’adapter à différents contextes, thèmes et niveaux scolaires.
Le défi de l’enseignement, ce que nous appelons « thèmes sensibles » dans les classes est abordé par plusieurs auteurs. Certains parlent de « questions socialement vives1 » et mettent l’accent sur le débat qu’évoquent ces thématiques dans la société, parmi les experts et dans la classe. L’éducation à l’environnement est souvent reconnue comme l’une d’elles. D’autres parlent plutôt des « controverses sociotechniques2 » qui, bien qu’elles puissent être controversées en classe, jouissent d’un consensus parmi les experts. Le faux débat autour des vaccins qui causeraient l’autisme serait l’exemple par excellence : résolu depuis longtemps pour les scientifiques, puisque cette thèse a été démontrée fausse, et même mensongère, et réfutée par la revue qui l’a publiée au départ, ce savoir est régulièrement contesté par le public. D’autres encore expliquent la sensibilité de certains thèmes par leur traitement de la vie « politique3 », dans le sens des manières de vivre ensemble en société (et non pas d’une politique partisane).
En parlant des « thèmes sensibles », nous voulons placer de l’avant les défis rencontrés par les enseignants en classe en dégageant quatre caractéristiques communes à tous ces thèmes :
C’est donc la complexité de ces thèmes qui devient un défi considérable, puisque leur traitement en classe nécessite une bonne maîtrise des connaissances à enseigner.
Ainsi, tous les thèmes peuvent devenir sensibles, selon le milieu scolaire dans lequel on œuvre : plus le milieu est pluriel, plus le niveau d’incertitude est élevé. Mais plus le milieu semble homogène, moins on est préparé à un éventuel débat.
Malgré ces nombreux défis, nous considérons que cet enseignement est d’une grande richesse. En engageant les élèves dans un apprentissage significatif pour eux, ce traitement des thèmes sensibles les amène à développer les compétences visées par les différents programmes et les motiver à approfondir leurs connaissances théoriques. Cet enseignement propose un environnement contrôlé et respectueux dans lequel les élèves sont accompagnés pour exprimer des points de vue élaborés et argumentés sur le thème étudié. C’est ainsi qu’ils expérimentent une nouvelle manière de s’engager dans un débat sur la place publique, différente de celle observée de plus en plus dans les médias sociaux.
C’est dans cette optique que nous avons élaboré le guide Aborder les sujets sensibles à l’école4, réclamé par une commission scolaire pour leur personnel dans le contexte post-attentat de Charlie Hebdo. Le guide propose une démarche générale qui peut s’adapter à différents contextes, thèmes et niveaux scolaires. Elle s’organise autour de quatre étapes :
1. La réflexion;
2. La préparation;
3. L’animation;
4. Le retour.
La première étape est en effet de décider d’aborder un thème sensible et de s’assurer que le contexte soit propice pour le faire. Il est légitime de se questionner sur le moment opportun, le contexte adapté ou le cours approprié pour le faire. Une fois qu’on a décidé d’aborder le thème sensible, se préparer en s’informant notamment sur les différents points de vue possibles ou explications acceptables, permettra de mieux gérer l’incertitude face aux réactions potentielles des élèves. L’animation devrait adopter des pratiques didactiques qui assureront un environnement respectueux et propice au dialogue et à l’apprentissage, mais on ne peut faire l’économie d’un moment de retour qui a comme objectif de rappeler les buts recherchés par cet enseignement. En effet, certains élèves risquent de retenir des éléments qui, pour l’enseignant, étaient secondaires ou même problématiques : un petit rappel à la fin assure qu’en partant de la classe, ils poursuivront la réflexion de manière constructive.
Le guide Comprendre pour mieux agir. La radicalisation menant à la violence chez les jeunes5 propose un autre exemple, plus spécifique, sur la manière d’aborder un thème sensible très particulier : la radicalisation. Destiné à l’ensemble du personnel scolaire, il poursuit deux objectifs : informer sur la radicalisation menant à la violence, en sensibilisant aux multiples aspects du phénomène et présenter des pistes d’action et des outils concrets pour prévenir la radicalisation violente.
Partant de l’idée qu’il n’existe pas une, mais des radicalisations, que ce soit d’extrême-droite, d’extrême-gauche, religieuses, nationalistes, le guide présente les facteurs de risque qui augmentent le risque de radicalisation violente et les facteurs de protection sur lesquels les acteurs scolaires peuvent miser. En effet, le rôle de l’école et du personnel scolaire dans la prévention de la radicalisation violente consiste à :
• Consolider les facteurs de protection (la capacité de s’ouvrir à la différence, la résilience, la compréhension solide de la/des religion[s], un réseau social stable…);
• Atténuer les facteurs de risque (la discrimination, l’intimidation, le sentiment de désaffiliation sociale et de non-reconnaissance, la marginalisation…);
• Mettre en œuvre des initiatives favorisant un climat scolaire positif.
Diverses pistes d’action sont proposées, par exemple : organiser des activités de sensibilisation interculturelle auprès des élèves; favoriser les initiatives qui reflètent et valorisent la diversité des héritages culturels des élèves; former les jeunes à l’analyse critique des médias, notamment des médias sociaux ou encore miser sur des initiatives permettant aux jeunes de développer un sentiment d’appartenance envers l’école et la société. Chacune des pistes d’action est accompagnée de différentes ressources pour soutenir leur mise en œuvre.
Le personnel scolaire peut évidemment adapter les démarches proposées dans ces guides à leurs contextes respectifs : la diversité ethnoculturelle du milieu, l’âge des élèves, la matière enseignée, etc. Leur objectif principal est de rendre ces thèmes légitimes et pertinents dans le cadre des apprentissages offerts par l’école.
Téléchargez notre trousse de discussion, Aborder les thèmes sensibles en classe : par où commencer? au www.edcan.ca/LaTrousse
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2019
Notes
1 Legardez, A., & Simonneaux, L. (2006). L’école à l’épreuve de l’actualité. Enseigner les questions vives. Issy-les -Moulineaux: esf éditeur.
2 Groleau, A., & Pouliot, C. (2015). Éducation aux sciences et relations de pouvoir dans les controverses sociotechniques. Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education, 15(2), 117-135. doi:10.1080/14926156.2014.999959
3 Hess, D. E., & Mcavoy, P. (2015). The Political Classroom. Evidence and Ethnics in Demoncratic Education. New York: Routledge.
4 Hirsch, S., Audet, G., & Turcotte, M. (2015). Aborder les sujets sensibles avec les élèves. Guide pédagogique. Montréal: Centre d’intervention pédagogique en contexte de diversité et la Commission scholaire Marguerite-Bourgeoys.
Nous péférons désormais parler des « thèmes sensibles ». http://www.ciped.ca/wp-content/uploads/2014/04/CSMB_-Guide_sujet-sensibles_final..pdf
5 Audet, G., Fleury, R. et Rousseau, C. (2018). Comprendre pour mieux agir : la radicalisation menant à la violence chez les jeunes. Guide à l’intention du personnel scolaire. SHERPA et Direction des services d’accueil et d’éducation interculturelle du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. https://bit.ly/33fCogJ