Alors que la réflexion sur le bienêtre ou la « bonne vie » était déjà bien entamée à l’époque de Platon et d’Aristote, elle a certainement été relancée par l’avènement de la psychologie positive au tournant des années 2000. S’étant étendue jusque dans la vie scolaire, cette réflexion peut mener à des stratégies visant le développement du bienêtre et ayant plusieurs visées comme celles de répondre à certaines difficultés, prévenir les risques, augmenter la productivité ou encore tendre vers un épanouissement personnel en phase avec les aspirations individuelles. Plusieurs questions demeurent toutefois : si l’élève est au centre des préoccupations scolaires, le bienêtre à l’école doit-il seulement le concerner ? En admettant que le bienêtre individuel puisse notamment avoir des retombées sur les relations interpersonnelles positives, dans une perspective scolaire, est-il judicieux de concentrer les efforts pour favoriser le bienêtre d’une poignée de personnes en fonction de leur rôle dans la communauté scolaire? Si l’on convient que le bienêtre de tous membres de la communauté scolaire doit être pris en considération, qui en est responsable? L’individu? Ces questions, bien ancrées dans les réflexions actuelles, amènent à réfléchir au bienêtre à l’école dans une perspective systémique.
En théorie comme en pratique, il est difficile, voire impossible, de s’entendre sur une définition unique du bienêtre. Néanmoins, comme le rappelaient Ryan et Deci (2001, p. 142), « La façon dont nous définissons le bienêtre influence nos pratiques en matière de gouvernance, d’enseignement, de thérapie, de parentalité et de prédication, car tous ces efforts visent à améliorer les êtres humains et requièrent donc une certaine vision de ce qu’est le “mieux” ». Par ailleurs, un corpus grandissant de recherches montre désormais comment les actions ancrées dans les différentes conceptions du bienêtre peuvent engendrer des retombées différentes pour les individus. En ayant l’objectif de répondre au mieux aux besoins des élèves, des personnes enseignantes et des autres membres de la communauté scolaire, il est essentiel de s’y intéresser de façon collective même si l’exercice est fastidieux.
En éducation, l’ancrage des définitions du bienêtre provient parfois des sciences de la santé, de la psychologie, des sciences de l’éducation ou d’autres sources. Par ailleurs, de façon individuelle, lorsqu’on laisse une personne définir le bienêtre, sa réponse sera nécessairement orientée vers son vécu ou encore ses idéaux. Chose certaine, si tout le monde peut tenter une définition personnelle du bienêtre, il s’agit d’un phénomène complexe et difficile à cerner. Sans prendre position, nous pouvons affirmer qu’une confusion existe d’ailleurs avec plusieurs autres concepts proches comme le bonheur ou la qualité de vie ou encore d’autres états considérés à tort ou à raison antagonistes, comme le stress ou l’épuisement professionnel (Voyer et Boyer, 2001). La compréhension du bienêtre peut aussi tomber sous l’ombrelle de concepts plus généraux, comme le « mieux-être », ce qui le rend d’autant plus difficile à circonscrire. Ces perceptions plurielles de ce qui est entendu par le bienêtre peuvent aussi créer une confusion en ce qui a trait à la compréhension du phénomène et à la visée des interventions mises en place.
Par exemple, dans une recension systématique au sujet des interventions visant à développer le « bienêtre » au travail chez les personnes enseignantes, Dreer et Gouasé (2021) ont identifié 27 interventions différentes sur les 29 textes retenus. Bien que toutes ces activités visaient à développer le « bienêtre », les résultats escomptés étaient différents selon les propositions (p. ex. réduction du stress, meilleure gestion de classe, développement du sentiment de gratitude). Ces constats sont intéressants puisqu’ils informent sur les raccourcis à éviter lorsque des activités favorisant le développement du bienêtre en contexte scolaire sont envisagées. En effet, on ne peut pas s’attendre aux mêmes retombées d’une intervention qui vise l’augmentation des émotions positives quotidiennes et d’une autre qui cible le développement du sentiment de compétence en gestion de classe. Néanmoins, ces distinctions sont souvent masquées par une utilisation générique du terme « bienêtre » qui ne précise pas le type de bienêtre ni ses composantes. C’est pourquoi il est important de dépasser la simple déclaration selon laquelle ces interventions visent à favoriser le « bienêtre ». Les questions suivantes peuvent aider à clarifier la situation :
Autrement, il est facile de perdre de vue les différents fondements qui sont associés au phénomène que l’on souhaite circonscrire et cela ouvre la porte à des interventions qui ne sont pas ancrées dans des postulats scientifiques. Dans d’autres cas, il devient difficile de trouver des pratiques gagnantes et de répondre aux besoins de la communauté scolaire.
Dans les textes retraçant les ancrages du concept de bienêtre, plusieurs clés de compréhension sont dégagées pour arriver à démêler les différentes propositions de définition. Par exemple, Veronica Huta (2016, p. 215) suggère de regrouper les définitions en quatre catégories :
De façon parallèle, tirées de perspectives psychologiques, on retrouve également les conceptions centrées sur des expériences vécues à court terme, soit les affects (émotions) positifs, négatifs et la satisfaction de vie, ainsi que des orientations à plus long terme, associées à des sphères de la vie qui contribuent à viser l’atteinte du plein potentiel (p. ex. relations interpersonnelles positives, sentiment de compétence, etc.). Beaucoup d’encre a coulé pour déterminer quelle était la conception qui permettait le mieux cerner le concept. Désormais, plusieurs s’entendent pour dire que les deux perspectives, soit que les affects (positifs et négatifs) et les éléments qui contribuent à ce que l’individu tende vers le développement de son plein potentiel soient considérés de façon simultanée pour obtenir une vision plus holistique du phénomène du bienêtre.
Plusieurs chercheurs adaptent leur conception du bienêtre à la situation où il est mesuré. C’est pourquoi des expressions adaptées à la situation des acteurs scolaires sont parfois employées, comme « bienêtre au travail », « bienêtre à l’école » ou encore « bienêtre pédagogique ». En ce qui concerne les personnes enseignantes, les précisions sont en cohérence avec le courant actuel en psychologie du travail qui soutient que le bienêtre se construit à travers soi, les relations interpersonnelles, mais aussi à travers l’organisation (l’école). Du côté de l’élève, il est aussi entendu que le bienêtre de l’enfant à l’école est tributaire des différents aspects de l’environnement scolaire dans lequel il évolue. Ainsi, l’individu évolue dans un contexte donné et il n’est pas l’unique responsable de son bienêtre. Bien que cela soit plus difficile à cibler en contexte scolaire, il faut également prendre en considération les autres environnements de vie de la personne dans l’équation.
Afin d’avoir une vision plus globale du bienêtre à l’école, plusieurs choisissent d’adopter une perspective systémique. S’il y a plusieurs façons de l’appréhender, ce point de vue peut mettre de l’avant les liens bidirectionnels qui unissent l’individu et son environnement. Cela permet notamment d’identifier les éléments contextuels avec lesquels la personne doit composer ; les obstacles, les contraintes, les demandes, mais aussi les ressources. Cette perspective permet également d’obtenir un point de vue plus holistique sur la communauté scolaire plutôt que de seulement envisager des interventions ciblées ou individuelles. Le modèle élaboré par Bronfenbrenner et Morris (1998) peut être intéressant pour illustrer la portée d’une perspective systémique en contexte scolaire. Il s’agit d’un modèle développemental qui tente de prendre en considération plusieurs composantes de la vie de l’individu afin de mieux comprendre les processus dynamiques qui ont lieu au quotidien et qui vont modifier l’expérience de la personne. L’élève, la personne enseignante ou tout autre membre de la communauté scolaire peut être le point focal du modèle (voir Papazian-Zohrabian et Mamprin, 2020, pour lire un exemple contextualisé durant la pandémie). Si l’école est, sans contredit, un espace de développement pour l’élève, on oublie parfois que les personnes enseignantes titulaires ou suppléantes, les directions et les autres membres de la communauté scolaire sont aussi en développement. Ces individus sont engagés dans un processus de développement personnel et professionnel et l’école devrait aussi leur permettre d’atteindre leur plein potentiel.
Quatre composantes forment la dernière itération du modèle proposé par Bronfenbrenner et Morris :
Ces éléments permettent d’amorcer une réflexion sur le bienêtre à l’école en tenant compte des caractéristiques et des besoins de la personne, de son contexte de vie, mais aussi de la perspective temporelle qui peut avoir des retombées sur certaines situations. Cela sous-entend également que les actions mises en œuvre pour favoriser le développement du bienêtre n’ont pas à être limitée à des interventions individuelles, mais que tout changement dans le contexte de vie de l’individu (où il est impliqué directement ou indirectement) peut aussi avoir des retombées importantes sur ce dernier.
Par exemple, la perspective systémique peut aider à voir comment le bienêtre (ou le mal-être) d’un membre de la communauté scolaire peut avoir des retombées sur les autres personnes avec qui il interagit au quotidien. Pour illustrer ce lien, prenons par exemple la relation éducative qui unit l’élève et la personne enseignante. Une relation éducative de qualité doit reposer sur la disponibilité de l’élève et de la personne enseignante à créer et maintenir ces liens (Papazian-Zohrabian et Mamprin, 2020). Cette relation est dynamique et évolue dans le temps. Une personne enseignante qui présente des symptômes d’épuisement professionnel ne sera peut-être pas aussi disponible pour s’investir dans la relation éducative. Elle se sentira peut-être aussi moins compétente pour répondre aux besoins de l’élève. Si l’on veut soutenir cette personne enseignante et favoriser le développement de son bienêtre, il devient important d’étudier le contexte de travail de cette dernière (p. ex. manque-t-elle de temps ou de ressources? Le défi de soutenir les élèves de sa classe au quotidien lui semble-t-il réaliste? La collaboration avec les parents est-elle possible? Quelles sont les structures d’aide qu’elle pourrait solliciter?). Si plusieurs personnes enseignantes sont dans une situation similaire, quelles sont les interventions qui doivent être mises en place? Ces interventions doivent-elles être ancrées en classe? À l’école? Dans les politiques du système scolaire? Ces éléments de réflexion pourront permettre de cibler certaines initiatives pertinentes.
Pour certains, la perspective systémique veut aussi dire que « le système » est impliqué et est complémentaire à la proposition théorique de Bronfenbrenner et Morris. Il est donc question du système d’éducation ainsi que des initiatives globales et à long terme (p. ex. changements dans les politiques, les conditions de travail) qui dépassent les actions ciblées pour certaines personnes ou certains groupes. Dans tous les cas on tend vers une responsabilité partagée qui étudie le contexte scolaire pour en dégager les éléments qui pourraient favoriser ou entraver le développement du bienêtre.
La réflexion sur le bienêtre à l’école gagne à s’inscrire dans une approche systémique qui considère les liens dynamiques entre l’individu et les diverses composantes de son environnement (p. ex. les relations en classe, les politiques, les conditions de travail, les conditions d’études, le rapport de la société à l’éducation). Bien que la définition du bienêtre puisse varier selon les perspectives et les conceptions, il est essentiel d’y voir plus clair pour mettre sur pied des initiatives qui répondent aux besoins de la communauté scolaire en dépassant les propositions qui infèrent que l’entière responsabilité du bienêtre est individuelle. Les interventions visant à favoriser le bienêtre doivent tenir compte des réalités des différents membres de la communauté scolaire, de la responsabilité partagée du bienêtre et prendre en considération les caractéristiques spécifiques des milieux scolaires. Pour ce faire, des initiatives impliquant des changements de fond graduels et ayant un caractère durable (p. ex. politiques, cultures scolaires) où tous sont engagés dans la transformation doivent être envisagées. En adoptant cette approche, les actions entreprises pourront soutenir le bienêtre et la vitalité de la communauté scolaire.
Bronfenbrenner, U. et P. A. Morris (1998). The ecology of developmental processes, dans W. Damon et R.M. Lerner (dir.), Handbook of child psychology (vol. 1): Theoretical models of human development, New York, John Wiley, 993-1028.
Dreer, B. et Gouasé, N. (2022). Interventions fostering well-being of schoolteachers: A review of research. Oxford Review of Education, 48(5), 587-605.
Huta, V. (2016). An overview of hedonic and eudaimonic well-being concepts. Dans L. Reinecke et M. B. Oliver (dir.), Handbook of media use and well-being (pp. 14-33). Routledge.
Papazian-Zohrabian, G. et Mamprin, C. (2020). L’école en temps de pandémie : comment favoriser le bien-être des élèves et des enseignants. https://fse.umontreal.ca/fileadmin/fse/documents/pdf/publications/Guide_pandemie_Final_1 6.09.2020.pdf
Ryan, R. M. et Deci, E. L. (2001). On happiness and human potentials: A review of research on hedonic and eudaimonic well-being. Annual review of psychology, 52(1), 141-166.
Voyer, P. et Boyer, R. (2001). Le bienêtre psychologique et ses concepts cousins, une analyse conceptuelle comparative. Santé mentale au Québec, 26(1), 274-296.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Les personnes enseignantes suppléantes jouent un rôle vital dans le système éducatif puisqu’elles sont employées afin de pallier l’absence des personnes enseignantes régulières pour des raisons d’activités de formation ou d’administration, de maladie ou encore d’urgence familiale (Liu et al., 2022). Leur nombre a fortement augmenté au cours des dernières années en raison de la pénurie d’enseignants et d’un taux d’absentéisme élevé. Si le manque de personnes enseignantes a été signalé dans plusieurs régions du Canada, en mai 2023, la vérificatrice générale du Québec s’est alarmée pour sa part de la proportion importante et croissante de ce personnel suppléant puisque les élèves passent désormais une partie non négligeable de leur parcours scolaire à ses côtés. Le personnel suppléant constitue alors une clé dans l’éducation, mais ces personnes aux profils multiples sont souvent confrontées à des difficultés particulières en raison de leur statut.
Les personnes enseignantes suppléantes se différencient en fonction de plusieurs éléments. En premier lieu, la notion d’obligation ou de choix les distingue; alors que certaines personnes subissent ce statut précaire dans l’attente d’un poste permanent, d’autres privilégient la variabilité des contextes de travail et l’absence de routines. Elles peuvent apprécier, d’une certaine manière, une charge de travail de préparation pédagogique qui se révélerait moindre lorsque les suppléances sont de courtes durées. Ensuite, les personnes enseignantes suppléantes se distinguent du personnel régulier en fonction de l’hétérogénéité de leur profil de qualification qui s’étend d’un diplôme d’études secondaires jusqu’à un doctorat, en passant par un baccalauréat en éducation avec accréditation. Cette multitude de profils peut avoir des retombées sur les motivations des personnes enseignantes suppléantes d’intégrer le système éducatif. En effet, il peut s’agir de personnes diplômées et certifiées en éducation qui attendent d’obtenir un contrat de titulaire; de personnes étudiantes en cours de formation en éducation qui souhaitent financer leurs études et acquérir de l’expérience; de personnes retraitées provenant du système éducatif ou d’autres domaines qui désirent arrondir leurs fins de mois; de personnes en questionnement professionnel qui veulent tenter le milieu de l’enseignement avant d’entamer des études dans le domaine de l’éducation ou, encore, par nécessité financière au cours d’une période de transition professionnelle.
Au-delà de la diversité des profils et des contextes, les personnes enseignantes suppléantes peuvent vivre des expériences sensiblement similaires. Toutefois, les personnes universitaires du domaine de l’éducation, qu’elles soient canadiennes ou issues d’autres pays, se sont peu intéressées aux situations vécues par les personnes enseignantes suppléantes et à leurs conséquences sur leur bienêtre au travail. En revanche, Reupert et ses collègues (2023) ont réalisé une revue systématique de l’expérience de cette catégorie de personnel. Les enjeux peuvent former trois ensembles de vécus : au sein de la profession enseignante, en salle de classe et en tant que membre de la communauté scolaire.
Sans grande surprise, le statut de personne enseignante suppléante est synonyme de précarité, car les suppléances sont proposées à l’improviste et varient de quelques heures à plusieurs mois. Les personnes enseignantes suppléantes peuvent accepter ou refuser une proposition de suppléance en fonction de critères comme la distance de leur domicile, la réputation de l’école, la matière à enseigner, les dates et la durée. Néanmoins, les personnes enseignantes suppléantes qui ont pour objectif d’obtenir de plus longues suppléances ou des contrats de permanence ne peuvent dire non à une proposition même si celle-ci ne leur convient pas, de peur de se voir refuser dans le futur d’autres occasions de suppléances. Puisque leur avancement professionnel se joue, on peut constater facilement combien cette situation peut devenir difficile à supporter et nuire directement à leur bienêtre.
Les problèmes recensés par les personnes enseignantes suppléantes sont généralement la gestion du comportement des élèves, la difficulté à développer des relations avec les élèves et les difficultés à mener à bien le programme d’enseignement prévu. Ainsi, les personnes enseignantes suppléantes se sentiraient moins respectées par les élèves que leurs collègues titulaires et cela contribuerait à exacerber leurs difficultés à gérer les comportements. En d’autres mots, moins le personnel suppléant se sent à l’aise, moins il inspire le respect chez les élèves qui parfois en profitent pour dévier des directives ou tout simplement pour semer le chaos. Néanmoins, cela se révèle moins vrai pour les personnes enseignantes suppléantes expérimentées qui afficheraient une meilleure confiance en elles, exprimeraient plus d’ouverture au changement et adapteraient leur pédagogie en fonction du contexte.
En raison de la nature temporaire de leur travail, les personnes enseignantes suppléantes se sentiraient marginalisées et déconnectées de la communauté éducative. Les interactions sont peu nombreuses avec les membres réguliers. De par leur statut, elles sont généralement exclues des stratégies pédagogiques et du déroulement du programme. Ainsi leur point de vue est ignoré, ce qui crée une distinction marquée entre permanents et suppléants quant au processus décisionnel. Dans le cas où leur avis serait pris en compte, il n’est pas dans l’intérêt des personnes enseignantes suppléantes de remettre en question les pratiques au sein de l’établissement scolaire afin de ne pas mettre à risque leurs possibilités d’emploi. À cela s’ajoute que les personnes enseignantes suppléantes ont moins accès aux ressources pédagogiques. Les possibilités de formation sont rares hormis si elles se trouvent dans une école au moment d’une activité de développement professionnel.
Ces expériences souvent négatives rapportées varient en fonction des individus et des contextes et ne sont pas généralisables à l’ensemble des personnes enseignantes suppléantes. Toutefois, celles-ci font face à des difficultés particulières puisque la précarité professionnelle, qui se traduit par une absence de contrôle sur leur emploi du temps, une difficulté à se projeter dans l’avenir et un équilibre très précaire entre la sphère professionnelle et personnelle, les amène à vivre du stress et de l’anxiété et affecte leur bienêtre au travail (Mercieca, 2017). Le fait d’être moins respecté par les élèves combiné à la situation de marginalisation au sein de l’école aurait également un effet négatif sur l’expérience de travail, car elles peuvent se percevoir comme des travailleurs de seconde classe. Le bienêtre au travail du personnel suppléant, comme du personnel régulier, est primordial puisqu’il est lié à celui des élèves (Harding et al., 2019) et, par extension, à leur réussite éducative (Kaya et Erdem, 2021). Cependant, malgré l’importance des personnes enseignantes suppléantes, peu d’études ont été réalisées au sujet de leur bienêtre. C’est sur ces prémisses et dans une perspective postpandémique que les auteurs se sont engagés dans une recherche d’envergure visant à étudier le vécu et le bienêtre au travail d’une population de personnes enseignantes suppléantes. Dans un premier temps, cette étude est prévue au Nouveau-Brunswick francophone et dans un deuxième temps, ils étendront leurs travaux à d’autres provinces canadiennes.
Harding, S., Morris, R., Gunnell, D., Ford, T., Hollingworth, W., Tilling, K., Evans, R., Bell, S., Grey, J., Brockman, R., Campbell, R., Araya, R., Murphy, S. et Kidger, J. (2019). Is teachers’ mental health and wellbeing associated with students’ mental health and wellbeing? Journal of Affective Disorders, 242, 180–187. doi.org/10.1016/j.jad.2018.08.080
Kaya, M. et Erdem, C. (2021). Students’ well-being and academic achievement: A meta-analysis study. Child Indicators Research, 14(5), 1743-1767. doi.org/10.1007/s12187-021-09821-4
Liu, J., Loeb, S. et Shi, Y. (2022). More than shortages: The unequal distribution of substitute teaching. Education, Finance and Policy, 17(2), 285–308. doi.org/10.1162/edfp_a_00329
Mercieca, B. (2017). What are we doing to our early career teachers? The issue of the casualisation of the teaching workforce. Australian Educational Leader, 39(1), 38–41. doi.org/10.3316/ielapa.774999617302248
Reupert, A., Sullivan, A., Tippett, N., White, S., Woodcock, S., Chen, L. et Simons, M. (2023). An Exploration of the Experiences of Substitute Teachers: A Systematic Review. Review of Educational Research, XX(X). doi.org/10.310 2/00346543221149418
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2023
Comment pouvons-nous améliorer l’expérience scolaire des élèves en difficulté, des élèves dit « réguliers » et également tenir compte de notre propre ressenti dans divers efforts d’inclusion scolaire? Assistez à un échange animé entre professionnels de l’éducation stimulés par le guide de discussion d’ÉdCan sur l’inclusion scolaire, enfin au service de l’ensemble des élèves et du personnel. Poursuivez cette discussion entre collègues à l’aide du Guide de discussion « Pour une pédagogie véritablement inclusive ».
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Guide de discussion du Réseau ÉdCan : l’occasion d’approfondir, seul ou en discutant entre collègues, les propos du chercheur, José Ndzeno, qui portent sur l’inclusion scolaire et l’individualisation de l’enseignement.
Ces ressources supplémentaires :
sont aussi disponibles dans l’édition d’automne d’Éducation Canada et offrent un excellent point de départ à cette réflexion professionnelle.
La Trousse de discussion Éducation Canada représente un avantage exclusif destiné au personnel des organisations membres du Réseau ÉdCan (commissions scolaires, facultés d’éducation, sociétés commerciales, organismes sans but lucratif). La trousse transforme la recherche présentée dans les articles de notre magazine Éducation Canada en guides d’autoréflexion et de discussion de groupe pratique destinés au personnel scolaire. Par le partage des tendances actuelles et émergentes dans le domaine de l’éducation, la trousse invite les participants à questionner, repenser et améliorer leurs pratiques professionnelles.
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En référence à l’article L’individualisation scolaire
Par : José Ndzeno
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L’intérêt et les travaux de recherche sur les usages des technologies numériques en éducation ne sont pas nouveaux. Dès la fin des années 1990, un corpus suffisamment solide existait déjà pour que les sciences de l’apprentissage en reconnaissent les apports pour l’apprentissage. Par exemple, en 2000, Bransford, Brown et Cocking parlaient déjà des technologies comme moteur pour guider et améliorer l’apprentissage d’une manière que jamais personne ne l’aurait imaginé à peine quelques années auparavant.
Le passage forcé à l’enseignement à distance (E.D.), au printemps 2020, a attisé nombre de défis relativement aux activités d’enseignement-apprentissage (E-A) avec le numérique. Au Québec comme ailleurs, l’accessibilité au réseau et au matériel informatique (Resta, Laferrière, McLaughlin et Kouraogo, 2018), la variabilité dans le développement professionnel offert aux personnes enseignantes, tant sur les outils technologiques que sur les modalités d’E.D. (Thomas et Knezek, 2008), les conditions organisationnelles, ainsi que la disponibilité de moyens permettant de répondre aux besoins particuliers de certains élèves étaient déjà différenciées, pour ne pas dire inégales. Ces défis, avec lesquels les acteurs du système éducatif devaient déjà composer, ont été amplifiés par la conjoncture sanitaire.
L’étude des pratiques enseignantes exige la considération des particularités des contextes sur lesquels on pose intimement les yeux. Les perspectives socio-historico-culturelles, qui se sont développées depuis une centaine d’années, entre autres sous l’impulsion de l’éminent psychologue russe Lev Vygotsky, sont riches d’enseignement. Il s’agit de faire preuve de sensibilité, à l’instar de l’ethnographe qui cherche à comprendre en quoi la constitution même d’un lieu, d’une communauté, etc. peut influencer ce qui s’y passe, ce qui en découle… Les données recueillies sur un terrain de recherche ont donc un caractère situé que l’on a besoin de comprendre pour pouvoir en dégager des résultats qui ont un sens. Un regard historique, c’est-à-dire la considération d’éléments ou d’événements qui ont eu lieu antérieurement à la collecte, peut être nécessaire pour dégager des constats qui tiennent la route.
Ce texte propose une incursion dans une démarche d’investigation d’enseignants de mathématiques qui ont vécu l’E.D en 2020 et 2021. Notre intention est de contribuer à la réflexion sur la pertinence, sinon la nécessité d’étudier les contextes éducatifs dans leur ensemble et leur dynamique, plutôt que leur faire une analyse réductrice, au nom de certains desiderata.
Dans une étude réalisée en juin 2020 (Tremblay et Delobbe, 2021), nous relations que 44,6 % des 307 répondants enseignant les mathématiques au primaire et au secondaire jugeaient leur niveau d’aisance à recourir aux technologies comme moyen à nul avant ce passage forcé à l’E.D. Bien que la majorité reconnaisse avoir augmenté ce niveau à la fin juin, le recours aux technologies demeure parmi leurs principaux enjeux, auxquels s’ajoutent l’accessibilité aux ressources technologiques pour tous les élèves, l’orchestration d’un enseignement qui favorise la participation des élèves, ainsi qu’un questionnement sur le développement d’une compréhension en profondeur. Des recherches (p. ex., Hoyles et Noss, 2009; Jackiw et Sinclair, 2009) qui se sont intéressées à l’intégration d’outils technologiques (p. ex., environnement de géométrie dynamique, simulateurs) expliquent comment leur usage transforme l’activité d’E-A usuelle, donc la nature même des savoirs qui sont en jeu. La formulation de problèmes (p. ex., vidéo ou fichier dynamique), les stratégies de résolution et même les possibilités pour l’enseignant de rendre compte de l’évolution des productions des élèves deviennent toutes autres. Les outils (p. ex., traceurs et géométrie dynamique) facilitent la coordination de différents registres de représentation (graphique, table de valeurs, règle et même simulation vidéo) d’un même objet donnant lieu à une compréhension unique par l’accroissement des significations (Drijvers, Boon et VanReeuwijk, 2011). Le processus et le produit sont en quelque sorte imbriqués et il est périlleux de chercher à comprendre le dernier en faisant fi du premier.
L’expérience mathématique avec la technologie amène une nouvelle manière de percevoir et de façonner les objets mathématiques. Dans le cas de l’E.D., comme le rapportent Passaro et ses collègues (2021), les séances synchrones cherchent d’abord à reproduire des séances en présentiel ; les documents utilisés sont alors souvent les mêmes. Les exposés magistraux prennent d’abord le pas et l’engagement des élèves change. Pour effectuer une réelle transition vers un E.D. favorisant une riche activité mathématique, la mobilisation d’une expertise spécifique, tant épistémique, technique que pédagogique et didactique est nécessaire. On peut référer ici au concept de technological pedagogical content knowledge de Kohler et Mishra (2009). Ces auteurs ont donné une extension au modèle initial de construction des savoirs professionnels de Shulman (1987) en incluant l’incidence du contexte technologique. Au bilan, il est donc peu surprenant de constater que le caractère urgent de la situation au temps de la COVID-19 ait davantage mené à une transposition du présentiel au distanciel plutôt qu’à l’engagement dans un réel processus de transition (Villiot-Leclercq, 2020).
Dans le projet de recherche collaborative ECRAN (FRQSC) se déployant sur différents sites de la province, le passage à l’E.D. a ramené en avant-plan les finalités du Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) en mathématiques, lesquelles privilégient une conception des savoirs à faire apprendre non pas comme des objets à transmettre et à assimiler (savoir redire, savoir refaire), mais comme des objets dont l’appropriation sera rendue possible par l’entremise d’une orchestration didactique qui s’approche progressivement de l’activité « véritable » des mathématiciens. Différents chercheurs (Ball et Bass, 2003; Lampert, 1992) argumentent que l’activité d’E-A des mathématiques doit être le lieu où les élèves émettent leurs idées, les justifient à leurs pairs pour les convaincre de la valeur de leurs propos. La technologie peut contribuer, d’une part, à favoriser la participation espérée des élèves et, d’autre part, à rendre compte de cette participation de façon différenciée, par exemple, avec des outils tels que Virtual Math Team (voir Figure 1) ou Desmos (voir Figures 2 et 3). Cela est toutefois possible pour autant qu’il s’agira de visées pour l’enseignant.
Ce fut le cas de Maélia, une enseignante de 2e secondaire (8e année), qui a illustré au fil des rencontres les multiples allers-retours pour planifier et expérimenter des situations où elle pourrait visualiser les démarches de ses élèves, offrir une rétroaction différenciée tout en cherchant à favoriser leur participation. À titre d’exemple, à partir d’une situation qu’elle utilisait habituellement en classe, mais sous la modalité papier/crayon, un travail d’ingénierie pédagogique a été effectué afin de l’adapter en utilisant le séquençage de tâches que permet Desmos par le biais de multiples écrans où la progression attendue est réfléchie (voir Figure 2).
Dans son orchestration de la séance, l’ensemble des écrans n’est pas disponible aux élèves. Elle subdivise plutôt la période d’enseignement en différentes phases, donnant ainsi accès à différents écrans. Elle entrecoupe alors le travail en individuel à des retours en grand groupe qui invitent les élèves à expliquer aux autres leur raisonnement. Maélia joue un rôle important dans les relances afin d’assurer l’engagement et la progression de ses élèves. La figure 3 illustre la planification d’une période réalisée entièrement à distance sous la modalité synchrone :
Comme elle le précise, plusieurs outils technologiques tels que Desmos permettent de développer des occasions d’apprendre et d’offrir une rétroaction personnalisée, mais la richesse d’une situation menée en classe dépend de façon importante des intentions pédagogiques de l’enseignant et du temps qui sera consacré à planifier cet enseignement en appréhendant les différents raisonnements et stratégies de résolution auxquels les élèves pourraient recourir selon les savoirs en jeu.
Il faut penser à comment on pose nos questions. Elles [ne] doivent pas trop être dirigées sinon on perdra les différentes stratégies des élèves […] C’est pratique de voir toutes les réponses d’un coup. Ils savent que je les vois entrer alors ils participent. Dans les retours en grand groupe c’est souvent les mêmes qui parlent. Ben c’est comme en classe. – Propos de Maélia
La qualité d’un enseignement, qu’il soit offert en présence ou à distance, ne peut se résumer au choix d’une formule pédagogique ou d’un outil. Ceux-ci peuvent, au mieux, être des leviers potentiels pour créer des occasions d’apprendre. Dans le cas de Maélia, ses multiples itérations au fil des rencontres s’accompagnent d’une prise de conscience toujours plus grande des potentialités – et des limites – de Desmos et de la façon d’y recourir pour, d’une part, bâtir son enseignement à partir des différents raisonnements de ses élèves et d’autre part, favoriser leur engagement.
Situé dans un contexte particulier, l’activité d’E-A prend vie dans chacun des groupes classes. L’activité singulière façonne les objets ainsi que les individus. Juger de la valeur et de la qualité d’un enseignement, qu’il soit en présentiel ou à distance, est une activité fort complexe qui exige un minutieux travail de compréhension du contexte et de ses contraintes. Les conceptions de l’enseignant sur la discipline enseignée, les savoirs en jeu, les intentions pédagogiques, les outils, les questions, les reformulations, les propos et les actions différentes menées par les élèves et par l’enseignant constituent la texture d’un phénomène que l’on cherche à comprendre.
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Première publication dans Éducation Canada, mars 2022
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La bienveillance revient de façon récurrente dans les discours, les textes et les programmes. Devrait-on y voir une carence en matière de bien-être de l’élève? Peut-être. C’est en tout cas ce que révèlent de nombreuses études sur le système scolaire à l’international.
Ce sentiment de mal-être est malheureusement corrélé à la baisse quasi systématique des résultats en français et en mathématiques depuis quelques années et tend à renforcer des inégalités et de l’anxiété chez une grande partie des élèves. Et sans confiance, une résilience moindre (Algan et coll., 2018) pour apprendre. Derrière des pratiques de classe encore très hétérogènes sur ce que peut être la bienveillance en classe, bien des malentendus et des quiproquos sur les attendus professionnels demeurent. Pourtant, le lien entre environnement affectif favorable et construction du cerveau (Toscani, 2020) est aujourd’hui bien connu mais les pratiques qui en découlent peuvent encore rester opaques pour certains et certaines.
Le cadre de la bienveillance avant tout intellectuel, mais aussi émotionnel et matériel propice aux apprentissages se décline en trois axes : la différenciation, l’évaluation et le suivi des élèves. Avant de pouvoir entrer sur ces trois axes, un point majeur à penser; le regard sur l’élève. Impossible de différencier, d’évaluer ou de suivre correctement les élèves sans les connaître, sans savoir ce qui les intéresse, les anime ou les ennuie et ouvre les portes à leur résilience.
Or ce n’est pas toujours sous l’angle du regard porté à l’élève et de sa connaissance en tant qu’individu singulier que les rentrées scolaires se font. On applique et on met en œuvre des méthodologies et des dispositifs sans penser d’abord à la qualité de la relation. Si je ne sais pas qui est l’Autre comment m’adresser à lui correctement ? Et pour apprendre à connaître, la question de l’intention derrière le regard porté est fondamentale.
Le postulat d’éducabilité est central, « Un regard qui scrute pour trouver la marque du manque impose à l’enfant un statut péjoré. Un regard qui ne cherche en l’enfant qu’un devenir instaure une dynamique de rencontre » (Henri Wallon). Alors comment ancrer une observation positive au quotidien qui sorte des seules vérifications, corrections et filtrage par l’erreur ? Comment enclencher avant toute traque des dysfonctionnements, une observation attentive absoute de tout préjugé ou jugement de valeur ?
Le préalable à cette bienveillance mise en action réside déjà dans la volonté et la capacité de savoir regarder ce que l’élève est. Ses points forts, ses habitudes, ses attitudes. Apprendre à découvrir ses liens avec les autres élèves et avec son environnement est un incontournable pour comprendre les dynamiques de classe et faire fonctionner correctement le collectif.
Il est en principe facile de noter ce que l’on observe à condition d’en prendre le temps. Pour aller plus loin, se fixer des contraintes peut aider à voir autrement les élèves. Une grande différence dans le regard porté sur l’élève peut résider dans l’obligation de se fixer l’objectif de noter exclusivement les éléments positifs et de les lister scrupuleusement.
Pour réellement prendre le temps de découvrir ce qui n’est pas accessible au premier coup d’œil (actes de générosité spontanée, de prise d’initiative…), concentrer son attention sur peu d’élèves en même temps est déjà un gage de réussite de cet exercice. Le regard particulier porté sur deux élèves par semaine dans un groupe, inscrit dans le quotidien du suivi ordinaire de chacun, semble un objectif déjà largement ambitieux. Cela signifie que même et surtout pour les élèves qui ne sont pas dans le cadre de ce que l’école exige d’eux, l’enseignant va prendre le temps de muscler son aptitude à adopter un regard positif. Ce sera l’occasion également de comprendre et d’apprendre à passer outre certains freins qui peuvent nuire à la qualité de la relation.
Finalement, se concentrer sur deux élèves par semaine dans un groupe, c’est consacrer deux semaines d’observation entière pour chacun, au cours d’une année.
Recevoir une rétroaction concrète, complète et conséquente fait partie intégrante de l’apprentissage. Un retour constructif et positif aide les élèves à apprendre en les engageant plus fortement dans leur quotidien d’apprenant. Les élèves ne doivent pas seulement entendre parler des erreurs, ils ont besoin de savoir où ils en sont dans leur connaissance des concepts, s’ils ont amélioré certains points, et où ils se situent par rapport aux objectifs de ce sujet ou de ce travail. Ils ont également besoin de voir clairement leurs forces. Mais pour dépasser les commentaires génériques tels que « bon travail » ou « continue à travailler dur » qui sont positifs, mais non significatifs, les temps d’observation longs représentent une aide précieuse pour noter ce qui est à valoriser, ce qui représente un levier dans leurs apprentissages ou une source de motivation intrinsèque. Les commentaires positifs aident les élèves à renforcer leur confiance en eux et leur motivation, et facilite surtout la connaissance qu’ils vont développer de leurs propres modes de fonctionnement. Les commentaires significatifs fournissent des éléments qui aident les élèves à devenir des apprenants autonomes et résilients. Ils savent par quels chemins passer, lorsque les défis sont là. Enfin, se centrer uniquement sur des éléments significativement positifs peut éviter les altérations du message envoyé lorsqu’il est automatiquement contrebalancé dans la foulée par des remarques pointant les manquements. Le « c’est bien, mais… » peut ruiner tout un entretien individuel en entraînant l’élève malgré lui vers une attention exclusive portée à ce qui fait défaut.
La richesse des observations au long cours réalisées par l’enseignant ou l’enseignante peut représenter le socle d’un dialogue constructif et positif avec les familles. Encore aujourd’hui, les familles peuvent n’être jointes par l’établissement scolaire ou le personnel enseignant que dans le seul objectif de parer aux difficultés rencontrées. Pour certains élèves, le positif n’existe pas. La communication reste centrée sur des incidents ou les obstacles rencontrés.
La communication positive est pourtant l’outil le plus significatif pour engager les familles dans une relation de co-éducation constructive. Une bonne communication permet d’informer, de rassurer et d’intéresser les parents. Une seule conversation, qu’elle soit positive ou négative, peut donner le ton et influencer l’opinion qu’une famille a de l’établissement ou de l’enseignant ou l’enseignante et inversement.
Une communication et des relations positives avec les familles contribuent à instaurer la confiance. Cette confiance est un élément important pour s’assurer qu’un partenariat est bien présent pour travailler en équipe et aider les enfants à atteindre leurs objectifs et à effectuer leurs apprentissages sereinement.
Alors après une semaine complète d’observation, la réception d’un message de la part de l’enseignant ou de l’enseignante qui n’a d’autre objectif que de donner le meilleur de ce qui sera réalisé et noté en classe sera la bonne surprise qui pourra permettre aussi à certains parents de voir autrement leur enfant et d’être un levier d’une communication renouvelée entre les élèves et leur famille.
La bienveillance comme posture professionnelle est un incontournable qu’il n’est pas toujours facile de mettre en application.
Prendre le temps de poser un regard positif systématique sur chaque élève en listant au quotidien les réussites, les progressions, la résilience, l’initiative, les interactions pour aider, accompagner, amène à développer une croyance forte en l’éducabilité de chacun et chacune.
Prendre le temps de communiquer ces observations positives aux élèves, c’est leur montrer qu’ils sont pleinement considérés, c’est leur dire autrement qu’ils ont une place particulière et qu’ils existent individuellement au sein du groupe classe. Tout cela favorise le sentiment de sécurité affective si propice aux apprentissages.
Enfin, prendre le temps de communiquer aux familles par écrit, c’est l’assurance d’un dialogue porteur et d’une inclusion de fait à la communauté éducative. C’est aussi parfois casser la chaîne de communication depuis toujours centrée sur le problème ou la difficulté.
Tout ceci n’est pas inné et demande des efforts, autres que ceux portés à la programmation des contenus et à la construction des activités ou des évaluations.
C’est par là que tout devrait commencer, apprendre à observer pour trouver le meilleur en chaque élève et les révéler à eux-mêmes.
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Le choix de devenir enseignant ou enseignante est souvent motivé par un désir de faire une différence et d’être là pour nos élèves. Nous nous imaginons entourés d’enfants heureux en train de créer des projets de toutes sortes leur permettant de s’épanouir dans le plus grand bienêtre. Tout de même réalistes, nous nous doutons bien qu’il puisse apparaitre quelques nuages dans ce ciel bleu. Néanmoins, l’idée de devoir un jour parler d’agression sexuelle avec eux ou encore d’accueillir un dévoilement est alors à des années-lumière des raisons qui nous ont conduits là. Pourtant, depuis 2018, il incombe au personnel enseignant d’éduquer à la sexualité et, par le fait même, d’aborder la thématique de l’agression sexuelle et de la violence sexuelle en première, troisième et cinquième année du primaire ainsi qu’en deuxième et troisième (9e et 10e année) secondaire. Cette nouvelle tâche apporte son lot de stress et d’appréhension. C’est d’ailleurs le poids de ce devoir, mais surtout la peur de « devoir » qui fige le personnel enseignant lorsqu’il est question d’aborder la thématique de l’agression sexuelle à l’intérieur de l’éducation à la sexualité.
Aborder ou non la thématique de l’agression sexuelle ne nous préservera pas d’avoir à y faire face à un moment ou à un autre de notre carrière. Comme enseignant ou enseignante, nous sommes souvent aux premières loges des confidences de nos élèves, que ce soit pour les moments heureux comme l’arrivée d’un chien ou pour les situations plus délicates comme lorsqu’il est question de violence conjugale. L’importance du soutien des intervenants et intervenantes scolaires a d’ailleurs été démontrée au début de la pandémie lorsque les signalements ont connu une forte diminution1 avec la fermeture des écoles, isolant encore plus les victimes et réduisant ainsi leurs possibilités d’appel à l’aide.
Au Canada, le taux d’agression sexuelle chez les mineurs est de 205 cas par 100 000 enfants et jeunes2. Ce qui représente un peu plus de la moitié du nombre total des victimes d’agression sexuelle. En d’autres termes, croiser la route d’un élève victime d’agression sexuelle au cours de notre carrière n’est pas seulement une possibilité, c’est plutôt une forte probabilité. En revanche, il se peut très bien que vous ne le sachiez jamais. En effet, environ 5 % seulement des cas d’agression sexuelle sont dénoncés3, les victimes mineures choisissant souvent de garder le silence par peur, par loyauté, par honte ou par ignorance.
Le silence de l’enfant ne veut pas nécessairement dire que son agression ne laissera pas de pistes ou de traces. Dans certains cas, la jeune victime vivra des conséquences qui se manifesteront soit en :
• symptômes de stress post-traumatique (cauchemars, comportements d’évitement, hypervigilance);
• symptômes d’anxiété (peur, nervosité, hypersensibilité);
• symptômes de dépression (difficulté à éprouver du plaisir), en comportements nuisibles;
• idées suicidaires;
• autres.
Ces indications s’avèrent souvent imperceptibles ou indécodables pour l’entourage du jeune. Ce n’est pas comme séparer des cercles parmi des carrés que l’on voit clairement devant soi. Comment y arriver lorsqu’on ignore l’existence des cercles? Comment entendre alors qu’on ne sait pas?
C’est à cette difficulté que bon nombre d’enseignants et d’enseignantes ont dû faire face en étant mandatés pour aborder la thématique de l’agression sexuelle avec leurs élèves. Une majorité s’est sentie démunie et terrorisée devant l’idée d’accueillir un dévoilement en pleine salle de classe. Non pas parce qu’ils ne veulent pas accompagner l’élève, non pas parce qu’ils ne considèrent pas cette prévention comme nécessaire, mais plutôt parce qu’ils ne se sentent pas suffisamment formés pour le faire adéquatement, et pour cause : Aucune procédure uniforme d’accueil d’un dévoilement n’est présentement accessible au Québec (et probablement dans la plupart des autres provinces canadiennes) pour les enseignants. Ces derniers doivent user de leur GBS (gros bon sens) et en matière d’agression sexuelle ce n’est pas suffisant.
Imaginons la situation suivante : Madame Douceur est une enseignante de 3e année. En consultant le programme d’éducation à la sexualité, elle s’aperçoit qu’elle doit voir la thématique de l’agression sexuelle avec ses élèves. N’étant pas très à l’aise avec la thématique, elle décide de lire un peu sur le sujet et d’utiliser la littérature jeunesse comme amorce. Jusque-là, tout va bien.
Madame Douceur débute la lecture de l’album en prenant soin de faire interagir les élèves et de leur demander ce qu’ils feraient à la place du personnage. Les élèves sont intéressés et participent bien. C’est alors que Lucille lève la main et dit : « Moi aussi ça m’arrive quand je me fais garder ». Le cœur de madame Douceur arrête de battre, la crainte qu’elle avait au départ vient de se concrétiser… Comment gérer cette situation?
C’est ce genre d’images qui fait en sorte que plusieurs enseignants et enseignantes ont fait le choix de ne pas aborder la thématique de l’agression sexuelle avec leurs élèves. Ils ne se sentent pas aptes à le faire parce qu’il n’y a pas de ressources d’accompagnement à cet égard dans les centres de services. En Ontario, le personnel enseignant francophone a déjà eu accès à un gabarit de dialogue4 en cas de dévoilement. L’enseignant ou l’enseignante peut y voir des phrases toutes faites pour rassurer l’enfant. Le gabarit comprend également une description des signes physiques et psychologiques pouvant être détectés chez l’élève et même des conseils sur ce qu’il faut faire après la divulgation. Avoir accès à un tel outil permettrait au personnel enseignant de se sentir plus en contrôle lorsqu’il est question d’aborder la thématique de l’agression sexuelle et fournirait probablement l’assise nécessaire pour se lancer dans l’enseignement de cette thématique essentielle.
En attendant l’apparition d’un guide, il est quand même possible de se former grâce aux organismes œuvrant dans le domaine. Plusieurs formations pour le personnel enseignant et d’interventions sont accessibles, que ce soit par la fondation Marie-Vincent, le réseau des CALACS ou encore des organismes comme Bulle et Baluchon à Sherbrooke. Des situations d’enseignement-apprentissage sont également offertes sur la plateforme Récit : https://educationsexualite.recitdp.qc.ca/.
Voici quelques éléments à garder en tête :
Comme lorsqu’un enfant tombe et nous regarde pour savoir s’il doit pleurer. L’enfant victime n’est pas toujours pleinement conscient de l’ampleur de la situation. Garder son calme et se poser pour entendre ce que l’enfant a à nous dire. Sans jugement, sans questions, sans essayer de prévoir la prochaine étape : être là, ici et maintenant.
Surtout éviter de faire des promesses qu’il nous est impossible de tenir. Rassurer l’enfant sur le fait qu’il a eu raison de parler, que ce n’est pas sa faute. Lui dire que nous le croyons, que nous allons nous assurer qu’il soit en sécurité. Le laisser parler, mais sans poser de questions l’amenant à préciser. Il faut éviter de contaminer son témoignage. Les questions, ce sont les intervenants et intervenantes qualifiés qui les poseront. Notre mandat c’est l’accueil, non l’investigation.
Après avoir rassuré l’enfant, il est de notre devoir de signaler la situation à la direction de notre l’école ainsi qu’à la Direction de la protection de la jeunesse. De son côté, la direction a le mandat de chapeauter les intervenants scolaires. Notre rôle sera alors de faire le pont vers l’intervenant en transférant le lien de confiance.
Lorsque l’enfant est de retour dans notre classe et que des spécialistes en interventions s’occupent de son dossier, le laisser redevenir un élève et avoir accès autant que possible à la normalité. Il se peut que son contexte familial ait changé, qu’il vive des situations anormales comme celle d’aller témoigner ou encore qu’il soit retiré de son milieu. Sa classe sera peut-être alors son oasis lui permettant de s’échapper quelques heures de son quotidien plus complexe. Conserver la même façon de faire avec cet élève, la même façon de lui parler, de l’encadrer. La cohérence et la prévisibilité sont rassurantes pour un enfant.
N’oublions jamais qu’en tant qu’enseignant ou enseignante, nous avons une arme secrète, notre relation avec chacun de nos élèves. Si un élève nous choisit pour faire son dévoilement, c’est qu’il a confiance en nous. Ayons confiance en notre capacité d’écoute, de résolution de problèmes, de gestion. Il est toujours préférable d’intervenir même maladroitement que de fermer les yeux consciemment. L’impact à long terme d’un dévoilement non accueilli est bien plus grand et plus dommageable qu’une phrase malhabile.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2021
1 Allen, M. et Jaffray, B. (2020, juillet). La pandémie de COBID-19 et ses répercussions sur les services aux victimes au Canada (publication no 45-28-0001). Statistique Canada. www150.statcan.gc.ca/n1/pub/45-28-0001/2020001/article/00065-fra.htm
2 Cotter, A. et Beaupré, P. (2014). Les infractions sexuelles commises contre les enfants et les jeunes déclarées par la police au Canada, 2012. (publication no 85-002-X). Statistique Canada, Centre canadien de la statistique juridique. www.statcan. gc.ca/pub/85-002-x/2014001/article/14008-fra.pdf
3 Gravel, M-A. (2015). La victimisation de la population québécoise: victimisation criminelle et cyberintimidation. (publication Institut de la statistique du Québec.
4 Gouvernement de l’Ontario (s.d). 3. 1 Signes comportementaux d’agression sexuelle. www.mrar.qc.ca/documents/partage/agression-sexuelle-enfant.pdf
Longtemps perçue au Québec comme « la voie de la dernière chance » pour les élèves en difficulté, la formation professionnelle du secondaire, qui mène à la pratique d’un métier spécialisé, bénéficie aujourd’hui – et fort heureusement! – d’un regard plus positif. Selon de récentes études, une majorité d’apprenants et d’apprenantes qui évoluent au sein des différents programmes d’études de la formation professionnelle ne s’y retrouve pas à défaut de meilleures options de formation ou par manque de capacités à poursuivre des études plus avancées (Beaucher et Breton, 2020), mais dans bien des cas, parce que ce programme constitue, tout naturellement, la voie d’accès privilégiée au métier qu’ils rêvent d’exercer.
Néanmoins, et c’est tout aussi vrai pour l’ensemble des autres secteurs de formation, les parcours scolaires des élèves du professionnel ne se vivent pas toujours sans heurt et il arrive que la motivation, la persévérance et les processus d’apprentissage soient mis à rude épreuve. Une situation financière précaire, des obligations parentales rendant plus difficile la réalisation d’études, une problématique de santé physique ou mentale ou une faible estime de ses capacités de réussir sont autant de facteurs reconnus comme des freins potentiels à la réussite et au bienêtre de ces élèves. La pandémie de COVID-19 aura malheureusement exacerbé plusieurs de ces défis vécus par les élèves de la formation professionnelle aux plans social, motivationnel et psychologique, en plus d’affecter la qualité de la formation qui, souvent, pouvait difficilement s’offrir dans une modalité d’enseignement à distance ou en respectant les mesures sanitaires imposées par la santé publique.
Le contexte postpandémique actuel devrait ainsi inciter les centres de formation professionnelle (CFP) à réfléchir aux moyens de favoriser le bienêtre de leurs élèves durement éprouvés durant les derniers mois. Car bien que les freins potentiels à la réussite et au bienêtre nommés précédemment semblent à première vue relever davantage de la sphère personnelle que scolaire, il serait toutefois regrettable de sous-évaluer l’influence du rôle joué par l’école et ses différents acteurs (personnel enseignant, professionnels, membres de l’administration scolaire, etc.) sur le bienêtre des élèves. En effet, l’école constitue un lieu de première importance dans la vie de ces derniers : espace déterminant au plan des processus de socialisation, jeunes et moins jeunes y développent leurs croyances personnelles et y façonnent une pluralité de buts éducatifs et professionnels. Sans surprise, les expériences vécues dans le cadre des études professionnelles et les contacts avec les membres du personnel enseignant sont ainsi susceptibles de jouer un rôle considérable dans la qualité de vie globale et le développement personnel de l’individu.
Les recherches sur le bienêtre des élèves ont démontré le lien crucial entre le bienêtre et le sentiment de contrôlabilité ressenti par l’élève envers sa réussite. L’exemple qui suit en illustre les mécanismes : si une élève du programme de Secrétariat se sent complètement démunie et impuissante devant sa sixième tentative à réaliser un bilan financier avec le logiciel Excel, elle ressentira un niveau élevé de stress et aura tendance à se résigner, puis à abandonner la tâche sans tenter de mobiliser l’ensemble de ses compétences. Vécu de façon répétitive, ce sentiment de ne pas être en contrôle de sa réussite peut mener l’apprenant ou l’apprenante à ressentir des symptômes d’anxiété et de dépression qui influent ainsi sur sa santé physique et son bienêtre psychologique. Déjà, dans les années 70, une étude réalisée par Seligman illustrait bien ce phénomène de « résignation apprise ». Bien que cet exemple puisse sembler manquer de délicatesse pour décrire ce que vivent les élèves, il demeure toutefois utile de le détailler afin de comprendre le phénomène en question. Dans l’étude de Seligman, des chiens, emprisonnés dans une cage et sans possibilité de s’évader, reçoivent des chocs électriques. Si, lors des premières décharges, les pauvres animaux essaient de trouver une solution au problème et de s’échapper de la cage, au bout d’un certain temps, constatant qu’ils ne peuvent rien changer à leur sort, ils se résignent et finissent par se coucher et attendre passivement le prochain choc. Le plus surprenant, c’est qu’une fois libérés de leur cage, ces chiens continuent de démontrer la même passivité et ce, même s’ils ont en réalité la possibilité de fuir. Malheureusement, à l’instar de ces chiens, les élèves peuvent aussi apprendre à se résigner, au fil des difficultés et des échecs vécus, s’ils ont le sentiment de n’avoir que peu de maîtrise sur leur environnement. Lorsque c’est le cas, la motivation scolaire et le bienêtre s’en trouvent durement touchés et il est alors essentiel de leur démontrer qu’ils peuvent reprendre les rênes de leur réussite.
Le concept du sentiment d’efficacité personnelle (SEP), même s’il n’est pas nouveau, prend ici tout son sens. Contrairement au phénomène de résignation apprise, le SEP permet plutôt à l’élève de devenir un sujet actif de son développement et de s’engager pleinement et avec confiance dans ses apprentissages (Vianin, 2018). Défini par son créateur, l’illustre psychologue canadien Albert Bandura, comme l’ensemble des jugements et des croyances que possède un individu à propos de ses compétences, de ses ressources et de sa capacité à réaliser avec succès une tâche particulière, le SEP serait – rien de moins! – au fondement de la motivation, des accomplissements et du bienêtre de l’être humain (Bandura, 2019). En agissant sur l’autorégulation des processus cognitifs, de la motivation ainsi que des états émotionnels de l’élève, l’efficacité personnelle perçue contribue fortement à sa performance et ce, quelles que soient ses aptitudes réelles! Si nous reprenons l’exemple mentionné précédemment en lien avec le programme d’études de Secrétariat, cela voudrait donc dire que deux élèves possédant des aptitudes absolument identiques pourraient avoir un rendement de niveau très différent lors de la réalisation de leur bilan financier en fonction de leurs croyances d’efficacité respectives. Ainsi, ce qu’il faut comprendre de la théorie du SEP de Bandura, c’est que pour réussir, il ne suffit donc pas d’être capable, mais encore faut-il se croire capable! L’élève qui se croit capable s’engagera plus activement dans son travail et aura tendance à persévérer face aux difficultés plutôt que de baisser les bras, augmentant par le fait même ses chances de réussite.
Le rôle des croyances d’efficacité du personnel enseignant dans la construction du SEP des élèves et de leur bienêtre.
S’il est important de cultiver des croyances d’efficacité positives chez les élèves afin de favoriser leur réussite et de promouvoir leur bienêtre, il est tout aussi important d’assurer un fort SEP chez le personnel enseignant puisque ce qui est vrai pour l’élève l’est aussi pour celui ou celle qui l’accompagne! L’enseignant ou l’enseignante qui se croit capable s’engagera plus activement dans son travail et aura moins tendance à se résigner devant les défis rencontrés, augmentant ainsi ses chances de succès dans le cadre de ses différentes fonctions professionnelles.
C’est au cours des années 80 qu’un vif intérêt est développé pour le « sentiment d’efficacité du personnel enseignant » définit par Gibson et Dembo (1984) comme la croyance que possède un enseignant ou une enseignante en sa capacité d’influencer les apprentissages de ses élèves. Lorsque l’élève qui se croit capable est en plus accompagné d’une personne qui, elle aussi, se croit capable de le guider vers la réussite, le pouvoir du SEP s’en trouve alors décuplé, laissant présager un scénario des plus encourageants!
Fort de plusieurs décennies de recherche, le SEP du personnel enseignant a été maintes fois lié à la qualité des pratiques pédagogiques et des interventions en gestion de classe. En outre, l’enseignant ou l’enseignante ayant un SEP élevé s’avère plus susceptible d’adopter des pratiques novatrices et efficaces en cohérence avec les besoins de ses protégés. Certaines recherches ont même pu établir un lien entre de fortes croyances d’efficacité chez le personnel enseignant, la réussite des élèves dans certaines matières scolaires ainsi que leur motivation.
À la lumière de ce qui vient d’être énoncé, il n’est pas surprenant de constater que les croyances d’efficacité des enseignants et des enseignantes ont une incidence sur le bienêtre des élèves. En effet, si un fort SEP leur permet d’exploiter leurs ressources efficacement et de les mettre au service des élèves, il influence également positivement la perception qu’ils se font de leur compétence et de leur savoir-être. Cela contribue à favoriser un climat de classe favorable donnant lieu à des interactions positives et significatives, assurant ainsi le bienêtre, autant chez la personne enseignante que chez l’élève (Galand et Vanlede, 2004). En résumé, un SEP élevé chez le personnel enseignant favorisera l’utilisation de stratégies pédagogiques pertinentes et appropriées qui elles, auront un effet sur le SEP et par conséquent, sur la réussite et le bienêtre des élèves qui, à leur tour, viendront alimenter les croyances d’efficacité de l’enseignant ou l’enseignante, accroitre son bienêtre et ainsi de suite, laissant deviner une sorte d’engrenage circulaire qu’il importe de garder en mouvement!
En raison des liens considérables qui unissent le SEP du personnel enseignant et celui des élèves, il est crucial de se demander, en tant qu’enseignant et enseignante, de quelles façons il est possible de nourrir ces fameuses croyances d’efficacité. À ce sujet, une étude menée auprès de 22 nouveaux enseignants et enseignantes de la formation professionnelle nous donne des pistes de réponse. À partir de leur témoignage, quatre catégories de stratégies leur servant à maintenir et à développer leur SEP ont pu être identifiées. Peut-être sauront-elles inspirer et faire réfléchir les membres du personnel enseignant qui souhaitent accroitre leur SEP et ainsi, favoriser le bienêtre de leurs élèves!
Les élèves qui évoluent aux côtés d’enseignants et d’enseignantes qui savent tirer profit du soutien et de l’expertise des différentes personnes qui les entourent se sentiront davantage épaulés et bénéficieront potentiellement d’un enseignement de meilleure qualité. Voici les principales stratégies de mobilisation de ressources relevées par les enseignantes et les enseignants consultés :
• Solliciter le soutien de ses pairs afin de bénéficier de leurs conseils et de leurs rétroactions par rapport à divers aspects de ses pratiques enseignantes
• Procéder à l’observation de l’enseignement de collègues expérimentés
• Faire appel aux différentes personnes-ressources de son CFP (conseiller pédagogique, orthopédagogue, travailleur social, etc.)
• Mobiliser son réseau professionnel de métier afin de bénéficier du soutien ponctuel de « spécialistes de terrain » pour des questions plus pointues (exemple : équipements spécifiques utilisés en industrie ou normes en vigueur dans les milieux de pratique)
Certaines des stratégies utilisées par le personnel enseignant consulté renvoient directement aux actions mises en place dans leur enseignement. Comme elles permettent d’optimiser le choix et l’effet des stratégies d’enseignement-apprentissage et favorisent la différenciation pédagogique, elles sont indubitablement au service du bienêtre de l’élève. Voici les trois stratégies principales notées par les participants et participantes :
• Bien planifier son enseignement afin d’anticiper les difficultés ou les imprévus, réfléchir à leurs solutions en amont de la période d’enseignement et assurer une bonne fluidité et continuité dans le processus d’enseignement-apprentissage
• Utiliser fréquemment l’évaluation formative pour valider l’efficacité des méthodes d’enseignement et d’apprentissage utilisées, obtenir des informations cruciales au sujet des besoins des élèves, orienter ses interventions futures et éviter les pertes de temps
• Instaurer et entretenir de bonnes relations avec les élèves afin de les connaitre, de comprendre leurs défis et de leur apporter l’aide et le soutien dont ils ont besoin
Dans le but de se sentir efficaces dans leur vie professionnelle, plusieurs enseignants s’efforcent d’adopter des attitudes ou des comportements associés au bienêtre. Voici quelques-unes des stratégies mentionnées par les personnes participantes à la recherche :
• Aborder ses tâches avec entrain et se centrer sur les aspects positifs de son travail, surtout dans les moments plus difficiles
• S’engager dans les tâches et la vie de son CFP afin de se sentir utile, valorisé et important (exemples : participation à des comités ou à des activités promotionnelles de son CFP
• Pratiquer un sport ou un loisir que l’on affectionne particulièrement afin de maintenir un niveau d’énergie adéquat pour enseigner et préserver un équilibre entre sa vie personnelle et professionnelle
Afin de se sentir efficaces, les enseignants et enseignantes de l’étude ont également fait part de l’importance d’assurer leur perfectionnement professionnel. Les stratégies qu’ils ont répertoriées touchent autant l’aspect pédagogique que disciplinaire du travail enseignant :
• Suivre des formations et s’autoformer afin de rester près du métier enseigné et de mettre à jour ses connaissances
• Faire partie de regroupements stratégiques comme être membre d’un conseil d’administration d’une entreprise ou d’une association de métier, ce qui permet de « garder un pied sur le terrain »
Ces stratégies offrent l’occasion au personnel enseignant de demeurer à l’affût des changements et des nouveautés associés à leur champ d’expertise. En plus de garantir une formation de qualité répondant aux besoins du marché du travail, le fait de demeurer relativement près de son ancien univers de travail permet de mettre plus facilement en contact des employeurs potentiels et des élèves finissants. En ce sens, nul doute que ces stratégies influencent le bienêtre des élèves!
Le bienêtre de l’élève est touché de près par le sentiment d’efficacité personnelle du personnel enseignant qui intervient auprès de lui. L’étude sur les croyances d’efficacité des nouveaux enseignants et enseignantes de la FP a permis de retenir quatre familles de stratégies utilisées par les enseignants du milieu de la formation professionnelle pour augmenter leur SEP. Précisons que ces stratégies peuvent servir plus largement à tout projet dans la communauté éducative s’intéressant au sentiment d’efficacité personnelle et peuvent inspirer tout particulièrement les enseignants et enseignantes à la recherche de moyens pour augmenter leur SEP et ce, quel que soit le niveau scolaire (primaire, secondaire, collégial, universitaire) dans lequel ils œuvrent. Mais peu importent les stratégies employées, gardons en tête que favoriser le développement du SEP du personnel enseignant aura des incidences non négligeables sur son bienêtre et sur celui des élèves.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2021
Bandura, A (2019). Auto-efficacité. Comment le sentiment d’efficacité personnelle influence notre qualité de vie (3e édition). De Boek Supérieur.
Beaucher, C. et Breton, S. (2020). Formation professionnelle. Les élèves de moins de 21 ans ont-ils un projet professionnel qui les anime? Éducation Canada, 60(2). https:// edcan.ca/articles/formation-professionnelle/?lang=fr
Galand, B et Vanlede, M. (2004). Le sentiment d’efficacité personnelle dans l’apprentissage et la formation : quel rôle joue-t-il? D’où vient-il? Comment intervenir? Savoirs, 5 (hors série), 91-116.
Gibson, S. et Dembo, M. H. (1984). Teacher efficacy: A construct validation. Journal of Educational Psychology, 76, 569-582.
Vianin, P. (2018). Le bien-être de l’élève et l’autoefficacité. Dans N. Rousseau et G. Espinosa (Dir.), Le bien-être à l’école. Enjeux et stratégies gagnantes (p. 85-108). Les Presses de l’Université du Québec.
La Trousse de discussion Éducation Canada représente un avantage exclusif destiné au personnel des organisations membres du Réseau ÉdCan (commissions scolaires, facultés d’éducation, sociétés commerciales, organismes sans but lucratif). La trousse transforme la recherche présentée dans les articles de notre magazine Éducation Canada en guides d’autoréflexion et de discussion de groupe pratique destinés au personnel scolaire. Par le partage des tendances actuelles et émergentes dans le domaine de l’éducation, la trousse invite les participants à questionner, repenser et améliorer leurs pratiques professionnelles.
Que vous soyez un assistant pédagogique, un enseignant, un directeur d’école ou un surintendant, nous vous encourageons à investir dans votre apprentissage continu et celui de votre équipe grâce à ces ressources de développement professionnel faciles à utiliser et abordables qui favorisent la pensée critique et stimulent le développement de stratégies pratiques pour des contextes scolaires uniques.
La Trousse de discussion Enseigner avec les objectifs de développement durable de l’ONU s’inspire de l’édition printemps du magazine Éducation Canada 2021 – disponible en format feuilletable et en ligne. Cette trousse met en lumière comment les objectifs de développement durable offrent une pertinence transversale et des occasions d’apprentissage inestimables aux élèves de découvrir leur rôle crucial dans la résolution de problèmes locaux, régionaux et mondiaux. Les enseignants sont invités à explorer comment ils peuvent inciter les élèves à devenir des citoyens du monde actifs qui abordent les problèmes mondiaux réels avec espoir et autonomie.
Cette trousse contient trois guides d’autoréflexion et de discussion de groupe – disponible en anglais et en français – couvrant des sujets allant de la création d’une liste de choses à faire pour aider les éducateurs du primaire au secondaire à prendre des mesures sur les ODD en classe ; adopter une approche scolaire globale pour enseigner les ODD et faire de votre culture scolaire le catalyseur du changement ; et l’utilisation de l’éducation en plein air comme moyen de sensibiliser les élèves et de leur faire apprécier la biodiversité.
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La pandémie de Covid-19 a bousculé le système éducatif en nous obligeant à repenser certaines manières de faire. Alors que des défis déjà existants ont été exacerbés, de nouvelles collaborations et pratiques ont aussi émergé. En effet, dans le cadre d’une collaboration entre l’initiative École en réseau (ÉER) et l’Université TÉLUQ, l’expertise développée dans l’ÉER a été mise à contribution; des initiatives ont vu le jour et des pratiques novatrices ont inspiré de nouveaux moyens de (re)penser l’école. Après la présentation de l’ÉER, le présent article soulève des éléments clés qu’a mis en lumière cette collaboration inédite :
L’initiative ÉER est issue d’un projet de recherche développé depuis 2002 en partenariat avec des milieux scolaires, des chercheurs et le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) (Laferrière et coll., 2006; Laferrière et coll., 2004). Elle visait originalement l’amélioration de l’environnement éducatif de petites écoles en régions éloignées. Depuis une dizaine d’années, de plus grandes écoles et classes désireuses de travailler avec des outils numériques y participent pour bonifier l’apprentissage des élèves. Il ne s’agit pas d’une école qui fait à proprement parler l’enseignement à distance, mais plutôt d’un dispositif qui facilite le travail collaboratif entre communautés d’apprentissage, à l’oral comme à l’écrit. Financée par le MEQ selon un budget réparti pour les Centres de services scolaires inscrits pour les petites écoles participantes et la coordination des activités, l’ÉER est une ressource en appui au Plan d’action numérique du MEQ. Il est intéressant de noter qu’en 2002, pour expliquer l’ÉER, il fallait préciser qu’il ne s’agissait pas de formation à distance, mais bien d’une approche inédite dans laquelle l’enseignant demeure bien présent. Vingt ans plus tard, avec la pandémie, l’ÉER constitue un fort levier permettant de faciliter l’école à distance tout en gardant les enseignants actifs devant l’écran.
L’ÉER soutient les classes en réseau, donc des classes distantes qui collaborent avec l’aide du numérique à favoriser les apprentissages des élèves. Lors du confinement du printemps 2020, les enseignants faisant partie de l’ÉER qui n’avaient jamais imaginé enseigner à distance dans ce contexte se sont dit : « Mes élèves sont habitués de communiquer en visioconférence, ils connaissent les applications, nous utilisons déjà ces outils en classe au quotidien, donc ils seront en mesure de poursuivre les apprentissages à la maison ». La classe en réseau s’est donc rapidement transformée en classe à distance grâce à leur expertise (Magny, 2020; Nadeau-Tremblay et Turcotte, 2020). Les enseignants ont imaginé avec créativité des manières de rendre les élèves actifs à distance.
La pandémie a amené une démocratisation et une accessibilité à la visioconférence en classe, pour les enseignants comme pour les élèves. Tous sont mieux en mesure de l’utiliser sur le plan technique. Toutefois, les activités proposées misent souvent sur l’oral, soit un enseignant qui parle et présente un contenu. Les interactions limitées avec les élèves les rendent alors plus passifs et désengagés. Parallèlement, une recrudescence de l’utilisation des manuels scolaires et l’accent mis sur les connaissances sont observés, et ce, même chez des enseignants ayant délaissé ce type de matériel (Carpentier et Sauvageau, 2021). L’idée est qu’en basculant à distance ou en étant en permanence avec des élèves en école virtuelle, il est plus simple d’utiliser les manuels pour acheminer le travail à la maison. Toutefois, cette pratique rend difficile une posture pédagogique près des intérêts et des besoins des élèves et accroit le recours à un enseignement magistral plutôt qu’à des pédagogies plus actives et intégrant le numérique. Les riches possibilités de travailler autrement s’en voient limitées et ramènent à des paradigmes de transmission des connaissances. La technologie implique le recours à des pratiques à réinventer et non simplement à transférer.
Une manière d’y parvenir est de démontrer une grande agilité à utiliser les outils numériques, donc à multiplier la capacité d’adaptation des apprenants comme des autres acteurs scolaires. Il ne s’agit pas de maitriser parfaitement un outil avant d’en amorcer l’utilisation mais de l’apprendre dans l’action. D’ailleurs, l’intégration du numérique doit se faire au quotidien par tous, des gestionnaires aux élèves en passant par les enseignants, les conseillers pédagogiques et les autres professionnels. Plutôt que de « s’exercer » à utiliser telle technologie, il faut l’intégrer réellement dans les activités quotidiennes de la classe. Malheureusement, certains des acteurs clés, notamment des conseillers pédagogiques et des directions d’établissement adoptent systématiquement une approche de formation au numérique en dehors de la classe plutôt que de jouer un rôle d’appui aux activités en classe. Être un modèle à tous les niveaux et offrir l’occasion de prendre des risques facilite l’intégration signifiante du numérique.
L’apprentissage à distance est facilité par l’utilisation d’outils technologiques et peut constituer un levier pour le développement de la compétence numérique (Pelletier et coll., sous presse). Dans le travail en réseau, l’usage pédagogique d’outils numériques n’est pas une visée en soi. Il s’agit d’un canal, d’un moyen permettant aux élèves de classes distantes d’interagir à l’oral, par la visioconférence, à l’écrit, par différentes plateformes (p.ex., Office 365, Google Class Room, Knowledge Forum, Padlet, etc.) ainsi qu’en collaboration avec des partenaires extrascolaires tels des musées, des scientifiques, des auteurs, etc. Le défi réside moins dans cette capacité d’appropriation technique (Allaire et coll., 2009) que dans le « comment » pour l’enseignant : comment organiser l’équilibre des activités interclasses (en classe et individuelles), comment réinvestir les retours individuels et en groupe, comment assurer le suivi des tâches réalisées, etc. Ainsi, le volet pédagogique est d’une importance centrale dans les activités en réseau.
Aborder de nouvelles pratiques d’enseignement est facilité par un accompagnement qui peut se déployer de multiples manières : partage de ressources et de tutoriels, vidéos, communautés de pratique, soutien dans l’action, etc. Les derniers mois ont été marqués par des transformations fréquentes pour les enseignants qui doivent s’adapter continuellement.
Le soutien ponctuel et immédiat est grandement apprécié par un grand nombre d’enseignants qui veulent trouver des réponses quand ils en ont besoin. Notamment, la salle de soutien virtuelle de l’ÉER ouverte tous les jours de la semaine rassure, car les enseignants savent qu’une personne est présente pour les soutenir sur les plans technologique et pédagogique. De plus, l’accompagnement des enseignants dans l’action constitue une condition gagnante inventoriée par les principaux intéressés. Concrètement, il s’agit de soutenir un groupe d’enseignants et leurs élèves dans le cadre d’une activité réelle qu’ils peuvent expérimenter en classe. L’enseignant n’assiste donc pas à une formation sur un sujet ou sur un outil qu’il expérimentera en classe; il s’inscrit plutôt à une activité en réseau, apprend les fonctionnalités des outils et expérimente des manières de travailler avec ses élèves au fur et à mesure que l’activité avance. Les enseignants font remarquer que cela leur permet de trouver réponse à leurs questions plus facilement, car ils sont soutenus tout au long de leur démarche. De plus, en expérimentant en contexte de classe, les enseignants mentionnent qu’il leur est plus facile de transférer ces acquis dans des contextes similaires.
L’accès limité aux écoles et les fermetures des infrastructures culturelles et scientifiques ont obligé les partenaires éducatifs à se réinventer. Depuis de nombreuses années, rappelons que l’ÉER travaille avec plusieurs partenaires extrascolaires qui interviennent à distance pour enrichir l’environnement d’apprentissage des classes (Allaire et Dumoulin, 2017; Allaire et Lusignan, 2015). Une recrudescence importante de propositions venant de partenaires culturels (musées, théâtres, auteurs, etc.) et scientifiques a, sans surprise, été observée. Ces partenaires souhaitent joindre les classes à distance et demandent du soutien pour formaliser leurs contenus en lien avec le Programme de formation de l’école québécoise (PFÉQ) et concevoir des activités qui répondent aux enjeux d’interaction avec les élèves.
L’expertise de l’ÉER en médiation culturelle et scientifique par l’adaptation des activités à distance interclasses est donc mise à profit. De nouvelles séquences d’activités ont été développées en ce sens avec ces partenaires pour permettre à un plus grand nombre de classes d’être rejointes. L’accès à des ressources éducatives constitue un élément sur lequel miser, car il permet aux classes de régions diversifiées d’être en contact avec ces organismes fort enrichissants. Des activités ont été proposées directement aux jeunes qui se sont branchés de la maison plutôt qu’en classe comme c’est habituellement le cas (École branchée, 2020). À la différence d’autres ressources, l’offre des activités en réseau ne se présente pas sous forme de vidéos ou d’activités en ligne. Il s’agit de favoriser les interactions entre les élèves, une façon de faire qui s’est avérée grandement appréciée par les parents et les élèves bien heureux de socialiser dans ce contexte. Sachant que la qualité de la relation enseignant-élève agit directement sur le niveau d’engagement des élèves ou qu’elle l’influence indirectement en agissant sur la motivation (Drolet, 2018), la distance, doit demeurer avant tout « humaine »!
C’est dans le besoin pressant d’offrir aux enseignants du préscolaire et du primaire des référents concrets sur l’apprentissage à distance que l’ÉER et la TELUQ ont développé, en collaboration avec d’autres acteurs scolaires, la formation J’enseigne à distance. Les pratiques novatrices ont inspiré de nouveaux moyens de (re)penser l’école et s’avèrent fort encourageantes dans le développement de collaborations futures entre le milieu universitaire et le milieu scolaire. D’une part, la proposition de contenus numériques et de réseaux professionnels appropriés, notamment les conseillers pédagogiques du RÉCIT, permettront aux enseignants de rester à l’affût des éléments nouveaux liés à leur domaine professionnel actuel ou futur et de répondre à leurs besoins en matière de formation continue (Pelletier et coll., sous presse; MEES, 2019). D’autre part, au printemps 2020, l’ouverture de la classe s’est élargie avec la participation d’étudiants du baccalauréat en enseignement des Arts de l’Université Laval qui ont poursuivi leur stage en virtuel en animant des activités pour les élèves à la maison. L’audace comme moteur d’innovation invite à repenser les cadres actuels et à surmonter les défis qu’on croit des barrières. En sortant du cadre habituel pour intégrer des activités plus courtes aux classes, mais qui ont comme retombées l’appropriation de la classe en réseau, les enseignants sont habilités à travailler autrement. Toutefois, un défi demeure : faire évoluer l’enseignant vers des activités plus intenses et signifiantes, pour rendre plus actifs les élèves dans leurs apprentissages.
Le présent article a mis en lumière des pistes de réflexion qu’il serait possible de concrétiser dès maintenant. Les retombées de la collaboration des différents milieux et des pratiques enseignantes pour soutenir les apprentissages des élèves dans J’enseigne à distance sont ainsi considérables en ce qui a trait aux connaissances et aux pratiques nouvelles des enseignantes dans un tel contexte (Pelletier et coll., sous presse). Pourtant, des questions demeurent quant à la place que pourra prendre la classe comodale (avec des élèves en classe et à la maison). Pourrait-elle devenir une nouvelle possibilité lors d’intempéries ou encore pour des élèves retirés, malades, en voyage ou présentant des cheminements atypiques? Pourrait-on offrir de nouvelles organisations de classes qui répondraient plus adéquatement aux besoins des apprenants?
Enfin, la classe à distance soulève aussi les limites et la complexité de l’évaluation centrée sur les connaissances, pourtant déjà révélée avant la pandémie (Conseil supérieur de l’éducation, 2018). Une évaluation contextualisée et authentique (Tremblay et Laferrière, 2021), à savoir réellement centrée sur les compétences, doit aussi être mise de l’avant en explorant des modalités différentes pour des usages gagnants du numérique dans l’évaluation.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2021
École en réseau : eer.qc.ca
Formation J’enseigne à distance : https://jenseigneadistance.teluq.ca/course/view.php?id=2
Allaire, S. et Dumoulin, C. (2017). De l’École en réseau à la Région éducative en réseau : la contribution des acteurs de la communauté à la réussite des élèves. Vivre le primaire, Hiver 2017, , 32-34.
Allaire, S., Laferrière, T., Gaudreault-Perron, J. et Hamel, C. (2009). Le développement professionnel des enseignants en contexte de mise en réseau de petites écoles rurales géographiquement distantes : au-delà de l’alphabétisation technologique. Revue de l’Enseignement à Distance, 23(3), 25-52. http://ijede.ca/index.php/jde/article/view/584
Allaire, S. et Lusignan, G. (2015). Enseigner et apprendre en réseau Guide pédagogique. Québec : CRIRES. https://lel.crires.ulaval.ca/sites/lel/files/allaire_lusignan_2015.pdf
Caillou, A., Lepage, G. et Wysocka, N. (2020). Tartelettes et réalité virtuelle. 6. Des stages atypiques. Le devoir 4 mai 2020. https://ledevoir.com/societe/578215/tartelettes-et-realite-virtuelle?fbclid=IwAR2S3QrW5lO5iiw_xQ5RBDsNJuxSwfu9C68bpFNYWW7PFJjmwzjqeRE4Gts
Carpentier, G et Sauvageau, C. (2021). L’environnement sociopédagogique des élèves du primaire en contexte d’enseignement distancié : perceptions d’élèves et enjeux d’enseignement. Webinaire du CRIFPE présenté le 17 février 2021.
Conseil supérieur de l’éducation. (2018). Évaluer pour que ça compte vraiment, Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2016-2018 Québec : Le conseil. https://cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2020/01/50-0508-RF-evaluer-compte-vraiment-REBE-16-18.pdf
Drolet, M. (2018). Analyse critique d’écrits scientifiques portant sur les liens entre la relation enseignant (e)- élève et l’engagement scolaire d’élèves du secondaire [essai de mémoire de maîtrise inédit]. Université de Sherbrooke.
École branchée. (2020, 24 avril). École en réseau pour poursuivre ou établir l’enseignement à distance. École Branchée.
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Laferrière, T., Breuleux, A. et Inschauspé, P. (2004). Rapport de recherche final du projet L’École éloignée en réseau. Québec : CÉFRIO. Récupéré de https://eer.qc.ca/publication/1599169805412/eer-2004-rapport-de-recherche-final.pdf
Magny, A. (2020, 30 avril 2020). Cinq enseignantes et l’enseignement à distance. École Branchée.
Nadeau-Tremblay, S. et Turcotte, J. (2020, Automne). De la classe en réseau à la classe à distance au primaire. Vivre le primaire, 33(3), 71-73.
Pelletier, M.-A., Nadeau-Tremblay, S., Bissonnette, S., Richard, M. et Beaudoin, J. (sous presse). J’enseigne à distance : un levier pour le développement de la compétence numérique. Revue hybride de l’éducation.
Tremblay, M. et Laferrière, T. (2021). ÉCRAN, écran, quand tu nous tiens. La transformation nécessaire (?) de l’acte évaluatif. RIRE.
Un élément que la pandémie semble avoir mis en lumière est la nécessité, pour tout intervenant du milieu éducatif, d’entretenir une « gymnastique de développement professionnel » permettant de rester à l’affût de nouvelles approches, stratégies et ressources pédagogiques pouvant inclure le numérique. Cette posture professionnelle pourrait faciliter le réinvestissement rapide des apprentissages ou simplifier l’appropriation de nouveaux outils, sans donner le sentiment de devoir prendre les bouchées doubles ou triples en peu de temps.
Le développement professionnel est d’ailleurs maintenant une partie intégrante du cheminement de carrière de tout professionnel. Pour certains, il s’agit de répondre à des exigences normatives de la part de leur ordre professionnel; pour d’autres, d’assurer de façon autonome une mise à jour de leur pratique. Comme le mentionne Tardif (2018), au fil du temps, ce qu’un enseignant et d’autres professionnels ont appris à l’université lors de leur formation n’est aujourd’hui que la base nécessaire à l’apprentissage et à la maîtrise du savoir professionnel en cours de carrière. La question est donc de déterminer le « où », le « quand » et le « comment » permettant d’assurer ce développement professionnel.
Aux termes d’une recension des écrits importante dans le domaine du développement professionnel, Uwamariya et Mukamurera (2005) concluent sur « une idée commune » pour le milieu de l’éducation :
« (…) le développement professionnel est un processus de changement, de transformation, par lequel les enseignants parviennent peu à peu à améliorer leur pratique, à maîtriser leur travail et à se sentir à l’aise dans leur pratique » (Uwamariya et Mukamurera, 2005, p. 148).
C’est dans cette optique que cet article souhaite présenter une matrice du développement professionnel (Figure 1) développée par le CADRE21 et pouvant être abordée autant du point de vue du professionnel souhaitant prendre en main son développement que de l’angle du gestionnaire qui souhaite offrir des ressources en ce sens. La matrice permet aux différents acteurs de répertorier une grande variété de formes d’accompagnement dans une démarche de formation continue.
Autant le moment, le sujet abordé que l’objectifpoursuivi permettent de déterminer la forme du développement professionnel à mettre de l’avant. La matrice présente quatre quadrants qui reposent d’une part sur le type de soutien qui sera fourni au professionnel et de l’autre sur le cadre de réalisation associé à l’activité de développement professionnel.
Dans certains contextes, ces activités peuvent se réaliser de façon totalement autonome (autoformations en ligne, lectures, cours à distance, etc.) ou de façon dirigée (formation par un expert, congrès, conférence, etc.). Les deux formes peuvent avoir lieu lors de périodes prévues à cet égard, in situ, lors de journées de perfectionnement consacrées à cette fin (journée pédagogique ou thématique, évènement annuel, etc.). Mais il est aussi possible que ces activités se réalisent à d’autres moments choisis par le professionnel, selon son emploi du temps. Finalement, le choix du sujet peut être adapté aux besoins précis du professionnel (plan de développement, besoin ciblé, etc.) ou faire l’objet d’un consensus d’équipe ou d’un objectif de gestion.
Ainsi, le quadrant de la partie supérieure droite du schéma peut présenter un enseignant qui se fixe des objectifs personnels, en choisissant un sujet selon ses intérêts et dont les apprentissages pourront être réalisés à son rythme. À l’inverse, dans un contexte visant les échanges entre collègues, le quadrant de la partie supérieure gauche présente une approche où le sujet de la formation est contextualisé (selon la réalité du département, de l’équipe-matière, de l’équipe-école, etc.) et dont les apprentissages se feront dans un temps circonscrit et dans un lieu déterminé.
La matrice vise, entre autres, à proposer un développement professionnel qui :
Ainsi, cibler les besoins de développement professionnel du professionnel devient incontournable afin d’offrir des ressources variées pour répondre à ces besoins précis dans une formule adaptée selon le contexte de chacun. En ce qui a trait au leadership et à l’accompagnement en matière de développement professionnel, les gestionnaires doivent ensuite être au fait de dispositifs variés et souples pouvant être proposés aux professionnels tels que des conférences, de la formation en ligne, des communautés d’apprentissage professionnelles (CAP), de l’accompagnement ou de l’animation par un conseiller pédagogique, des ateliers, des lectures, des cours universitaires, des évènements ponctuels. Plusieurs travaux, dont ceux de Richard (2017), ont permis de rassembler quelques caractéristiques que partagent les programmes de formation continue les plus efficaces (Figure 2). L’une d’elles mentionne l’importance d’avoir des formations fondées sur des données probantes.
Une fois les ressources déterminées et partagées de façon à répondre aux besoins de développement professionnel manifestés par les enseignants, la reconnaissance de temps consacré à ces activités devient incontournable. La crise mondiale actuelle prendra fin un jour. Souhaitons que les nouveaux apprentissages réalisés dans l’urgence puissent contribuer à bonifier les pratiques futures, mais il est surtout souhaitable qu’il s’agisse d’une occasion de valoriser davantage le développement professionnel au sein de l’ensemble de la profession enseignante, tous ordres confondus.
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Première publication dans Éducation Canada, juin 2021
Richard, M. et collab. (2017). Quels sont les modèles de formation continue les plus efficaces pour l’enseignement de la lecture et de l’écriture chez les élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire? Une synthèse des connaissances, Québec, Université TÉLUQ, 69 p.
Stasse, S. (2020, 4 mai). À ne pas avoir pris le bateau, on nage pour le rattraper… Scholam. https://sebastienstasse.com/2020/05/04/le-bateau/
Stasse, S. (2020, 21 mai). Les multiples facettes du développement professionnel… Scholam. https://sebastienstasse.com/2020/05/21/les-multiples-facettes-du-dp/
Tardif, M. (2018). Travailler sur des êtres humains : objet du travail et développement professionnel. Dans J. Mukamurera, J.-F. Desbiens et T. Perez-Roux (dir.), Se développer comme professionnel dans les professions adressées à autrui (p. 31-62). Montréal (Québec) : Éditions JFD inc.
Uwamariya, A. et Mukamurera, J. (2005). Le concept de « développement professionnel » en enseignement : approches théoriques. Revue des sciences de l’éducation, 31(1), 133–155.
En 2015, les 193 pays faisant partie des Nations Unies, des scientifiques et des leaders politiques ont convenu de collaborer pour réaliser les objectifs de développement durable d’ici 2030. Les ODD se composent de 17 objectifs qui visent à instaurer la paix et la prospérité aux quatre coins du monde en s’attaquant à des questions urgentes comme les changements climatiques, la qualité de l’éducation et la pauvreté. Si on ne s’attaque pas à ces questions, elles auront probablement des conséquences dévastatrices sur la population et notre planète. Par exemple, on s’attend à ce que les changements climatiques entraînent, de notre vivant, des défis mondiaux qu’aucun pays ne pourra régler à lui seul. Comme une proportion d’environ 42 % de la population est âgée de moins de 25 ans, les enfants et les jeunes sont les plus susceptibles de subir les répercussions de ces problèmes. L’école est donc un endroit idéal pour se familiariser avec les ODD.
Lorsque vous planifiez les activités et discussions en classe, intégrez un seul ou quelques ODD pour commencer. De plus, les ODD sont jumelés à des « cibles mondiales » qui les rendent plus faciles à aborder.
Les enjeux mondiaux soulèvent souvent l’intérêt des élèves, et les ODD leur offrent un moyen de devenir des citoyens du monde dynamiques. Profitez de l’occasion pour vous informer sur les passions de vos élèves et prévoyez des activités, des projets et des discussions qui vont dans ce sens.
Les ODD peuvent enrichir le programme scolaire en renseignant les élèves sur les enjeux mondiaux et en présentant les points de vue de personnes vivant à l’étranger, qui sont rarement abordés dans les programmes d’études nationaux. Les enseignants ont accès à de nombreuses ressources où ils pourront puiser du contenu pour enseigner différents thèmes liés aux ODD.
Il existe des programmes qui vous permettent de collaborer avec d’autres classes de votre région ou d’autres pays afin de monter des projets qui abordent les enjeux mondiaux. Cela donne aux élèves une belle occasion d’acquérir des connaissances auprès d’élèves ayant une perspective différente et de constater les répercussions de leurs actions sur d’autres personnes, même à l’autre bout du monde.
Dans un univers de plus en plus interconnecté où les décisions locales et régionales peuvent avoir un impact sur les économies, les politiques et les sociétés de toute la planète, il est d’autant plus important pour les pays de trouver des moyens de coopérer pour remédier aux problèmes qui nous affectent tous. L’enseignement des ODD offre de précieuses occasions d’apprentissage et encourage les élèves à explorer leur rôle dans la résolution des problèmes locaux, régionaux et mondiaux. Les enfants et les jeunes d’aujourd’hui sont les électeurs et les leaders de demain; il faut donc leur permettre d’acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour prendre des décisions éclairées dans un monde de plus en plus complexe. Les ODD fournissent un cadre idéal pour y parvenir.
Le CADRE21 est le Centre d’animation, de développement et de recherche en éducation pour le 21e siècle. Basé à Montréal, sa mission est de soutenir la reconnaissance et la valorisation du développement professionnel du personnel scolaire.
Les formations du CADRE21 favorisent l’engagement actif de l’enseignant dans sa formation continue en ligne, lui permettant ainsi de renforcer ses compétences envers une intégration judicieuse du numérique dans son enseignement. Ces formations en ligne couvrent une diversité de sujets regroupés en trois axes :
Elles se réalisent à même le milieu d’enseignement de l’enseignant. Elles sont étayées par une évaluation rigoureuse, avec un système de reconnaissance des compétences par des badges numériques et soutenues par de la rétroaction aidante et individualisée venant d’experts reconnus.
La plateforme de formation continue CADRE21.org procure des occasions d’apprentissages personnalisés et permet une reconnaissance efficace des compétences au moyen de badges numériques. Il ne suffit que de se créer un compte afin de débuter ses apprentissages et, par le fait même, bâtir son portfolio professionnel.
Partenaire du ministère de l’Éducation, dans le cadre du Plan d’action numérique en éducation, les formations en ligne du CADRE21 sont accessibles sans frais pour l’ensemble du personnel scolaire québécois oeuvrant au préscolaire, primaire, secondaire, à la formation professionnelle et à la formation générale aux adultes de même qu’au secteur collégial et universitaire. [Lien pour le Québec]
Depuis le 1er octobre 2019, grâce à un soutien financier important de Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE), les formations du CADRE21 sont également accessibles sans frais pour les enseignants et le personnel éducatif des divers conseils, districts et divisions scolaires francophones au Canada. [Lien pour les écoles franco-canadiennes]
* Pour en savoir plus et/ou pour s’inscrire, visitez le site web cadre21.org.
Le Réseau ÉdCan est fier d’annoncer un nouveau partenariat avec le CADRE21 et la création de la chronique « développement professionnel ».