L’école fait partie intégrante de la vie des enfants et des jeunes. C’est non seulement un lieu propice au développement intellectuel, mais aussi à l’acquisition de nombreuses aptitudes sociales et compétences fondamentales. Au cours des trois dernières années, les provinces et territoires ont mis en place une variété de mesures pour contrer la transmission de la COVID-19, notamment la fermeture d’écoles et l’apprentissage à distance. Ces mesures, qui visaient à réduire le nombre de cas de COVID-19 et les décès causés par la maladie, ont influencé la vie des élèves.
Même si nous tentons toujours de comprendre l’impact de la pandémie sur les élèves, nous savons qu’elle a eu d’énormes répercussions sur l’ensemble des systèmes d’éducation au Canada. Elle a entre autres nui à la santé mentale du personnel scolaire et des élèves, creusé les inégalités entre les élèves, aggravé la pénurie de main-d’œuvre et les problèmes chroniques d’absentéisme, hypothéqué l’apprentissage, entraîné l’annulation d’activités sportives et parascolaires et imposé une formule d’apprentissage en ligne à laquelle tous ont dû s’adapter. La pandémie a cependant donné lieu à de nouvelles possibilités, dont le perfectionnement des compétences numériques du personnel enseignant, l’apprentissage à l’extérieur des salles de classe, l’éducation autochtone axée sur le territoire, la priorisation de l’apprentissage authentique et l’amélioration des programmes d’études dans quelques provinces et territoires.
Tout examen de l’impact de la COVID-19 sur les élèves doit tenir compte de leurs identités intersectionnelles. Il faut éviter de généraliser les expériences de tous les jeunes, puisque les répercussions de la pandémie peuvent différer en fonction des communautés et des élèves.
Nous souhaitons partager dans ce texte nos expériences pendant la pandémie. Ces réflexions traduisent nos expériences personnelles et non de l’ensemble des élèves canadiens.
Apprentissage en ligne
Fiona : Mon école nous a annoncé en janvier 2020 que les cours se donneraient désormais en ligne. À ce moment-là, je ne connaissais pas les plateformes Zoom et Google Classroom. En l’espace d’une semaine, mes camarades et moi avons été catapultés dans un univers totalement inconnu.
Pendant un cours d’une heure, nous regardions des écrans noirs parfois traversés de réactions émojis envoyées par des élèves à moitié endormis. Au lieu de participer à des séances interactives, nous devions visionner des cours magistraux préenregistrés, généralement sur Zoom, par les enseignants. Malgré tous leurs efforts pour rendre les cours intéressants, cette formule n’était tout simplement pas aussi efficace.
Dans un cours de science de 9e année, par exemple, nous devions nous familiariser avec les différentes couleurs présentes dans les flammes. Avant la pandémie, les élèves participaient à des expériences complexes et pouvaient voir en classe les différents types de flammes. Durant le cours en ligne, l’enseignant nous montrait une variété de photos de flammes sur son écran et les décrivait une par une. Nous n’avions pas la chance d’apprécier de visu les couleurs vives de la flamme et de vivre l’excitation du moment. Par conséquent, nous n’avons pas aussi bien assimilé la matière couverte.
Raeesa : L’apprentissage en ligne a été difficile par moments. Par exemple, la mauvaise connexion Internet qui perturbait certains cours, l’aide que je devais fournir aux plus jeunes de ma famille souvent confus après leurs leçons et l’obligation de fixer un écran pendant de longues périodes ont fait ressortir les lacunes de cette formule. J’ai remarqué qu’un moins grand nombre d’élèves parlaient ou répondaient aux questions durant les cours en ligne, ce qui compliquait la tâche des enseignants. En raison de la participation limitée des élèves, les cours semblaient s’éterniser et devenaient parfois ennuyeux. C’était particulièrement flagrant lorsque l’enseignant devait attendre la réponse d’un élève. L’apprentissage et l’intérêt des élèves ont écopé parce que les cours n’étaient pas aussi intéressants ni stimulants qu’en salle de classe.
Sur une note plus positive, j’ai apprécié le fait d’étudier dans le confort de ma maison, car je disposais de mon propre espace pour apprendre. Comme j’ai eu l’occasion d’explorer et d’utiliser la technologie plus souvent pour mes travaux, je serai mieux préparée pour l’avenir, puisque la plupart d’entre nous devront utiliser des applications pour nos futurs devoirs et projets.
Manque de structure, besoin de plus d’autonomie
Fiona : Nous avions l’habitude des programmes scolaires structurés et des attentes strictes, comme arriver à l’heure et assister aux cours. Cependant, avec l’avènement des cours en ligne, il n’y avait personne pour vérifier les présences, et certains cours ont été annulés en raison de l’instabilité du réseau. Comme l’enseignement n’était pas aussi efficace, j’ai dû trouver d’autres façons d’apprendre par moi-même et j’ai commencé à visionner des cours intensifs sur YouTube et sur la plateforme Khan Academy. De nombreux camarades de classe ont aussi eu recours à ces sources d’information. Nous avons fini par perdre la connexion avec nos enseignants, qui n’étaient plus ceux vers qui nous nous tournions pour répondre à nos préoccupations et questions.
Raeesa : Comme je n’avais plus de professeur pour s’assurer que je faisais mes devoirs pendant la pandémie, j’ai dû apprendre à me responsabiliser et à gérer mon temps pour effectuer mes travaux scolaires à la maison. J’ai aussi réalisé toute l’importance de communiquer avec les enseignants. Nous avions la chance de pouvoir clavarder avec les enseignants et de leur envoyer des textos. Je me suis donc habituée à prendre l’initiative et à demander de l’aide à mes enseignants.
Répercussions sociales
Raeesa : J’ai toujours considéré l’école comme un endroit qui m’offre une foule de possibilités et me permet de pratiquer des activités sportives ou artistiques et d’adhérer à différents clubs. La pandémie a interrompu un grand nombre d’activités en présentiel, comme les assemblées scolaires et les sports d’équipe.
Fiona : Si l’on envisage la situation dans son ensemble, la pandémie a empêché un grand nombre d’élèves de découvrir leurs passions. Je crois qu’une passion se développe grâce à des rencontres enrichissantes avec nos camarades et nos enseignants. À cause de la COVID, des cours auparavant populaires sont devenus banals et ennuyeux. Nous avions moins d’interactions avec les professeurs et moins de communications en personne. La 8e, la 9e et la 10e année sont des années cruciales pour explorer ses intérêts, et certains élèves ont été limités dans leur exploration.
Je dois avouer, par contre, que la pandémie m’a aidée à apprécier les ressources que j’ai autour de moi. Avant, j’étais toujours à la course. Je jouais au hockey et au rugby, je pratiquais une foule d’activités parascolaires, je participais à des débats, etc. À notre retour de l’école, ma mère nous emmenait à toutes sortes d’activités parascolaires. Ma sœur et moi mangions en vitesse, puis allions faire nos devoirs dans notre chambre. Après le début de la pandémie, de nombreuses activités ont été annulées ou transférées en ligne, ce qui nous a donné beaucoup plus de temps en famille. J’ai eu l’occasion de discuter davantage avec ma mère et de mieux comprendre son parcours d’immigrante au Canada. Ces conversations ont renforcé mon esprit de famille et permis d’apprécier tout ce que ma mère a sacrifié pour s’établir au Canada.
Leadership des jeunes
Fiona : La pandémie a donné lieu à une énorme montée du nombre de jeunes militants et leaders qui ont abordé des problèmes de plus en plus préoccupants liés aux ressources éducatives, à la technologie et à l’itinérance. Devant les répercussions de la COVID sur leurs collectivités, les jeunes ont eu envie de se faire entendre et de venir en aide aux membres de leur communauté. Personnellement, je dirige un organisme sans but lucratif appelé United Speakers Global, qui vise à améliorer l’accès des jeunes à des ressources sur l’art de parler en public. La pandémie a frappé tout juste après mon entrée en poste, et l’organisme est devenu complètement virtuel, ce qui m’a d’abord semblé problématique. Toutefois, grâce à la demande accrue pour ce genre de programme, nous avons pu recruter davantage d’élèves non seulement dans le Grand Toronto, mais aussi dans 11 villes du monde entier. J’ai d’ailleurs eu la chance de rencontrer des jeunes leaders du Koweït, de Shanghai, de la Zambie, des États-Unis et d’autres pays.
Mot de la fin
Raeesa : Malgré les répercussions négatives de la pandémie sur mon apprentissage, j’ai quand même profité de quelques avantages et de plusieurs occasions intéressantes. Selon moi, c’est une question de perspective. J’aurais pu considérer la pandémie comme un obstacle impossible à franchir. J’ai préféré envisager la situation comme une occasion d’apprentissage et voir les obstacles comme des étapes vers une plus grande ouverture d’esprit envers des perspectives et des modes d’apprentissage différents. Ces défis m’ont aidée à aller de l’avant au lieu de freiner mon élan. Au bout du compte, c’est notre perception qui façonne notre vie et notre façon de vivre.
Photo : iStock, Fiona Shen et Raeesa Hoque
Première publication dans Éducation Canada, avril 2023
DANS LA VIE, DEVANT UN PROBLÈME, nous avons le choix d’abandonner la partie, de poursuivre sur la même trajectoire ou de jouer notre va-tout et d’explorer des pistes nouvelles. La pandémie de COVID-19 a certainement entraîné de gros problèmes, car c’est la plus importante crise de notre siècle et, pour la majorité d’entre nous, la plus grande crise de toute une vie. Il ne fait aucun doute que la pandémie a eu des répercussions immédiates sur le monde de l’éducation et en particulier sur l’apprentissage, la motivation et le bienêtre de la population dont les élèves, les éducateurs et les parents. Au Canada, la santé mentale, la sédentarité, le nombre démesuré d’heures passées devant un écran, les retards sur le plan de l’acquisition d’aptitudes sociales, le manque d’assiduité et les déficits d’apprentissage de plus en plus fréquents chez les élèves sont au cœur de préoccupations sans cesse croissantes (Vaillancourt, T. et coll., 2021).
La reprise des activités après la pandémie de COVID-19 a donné lieu à quatre grandes initiatives dans le champ de l’éducation :
Cependant, force est de constater que ces interventions sont insuffisantes et souvent inadéquates. L’idée qui sous-tend notre projet de réseau d’écoles ludiques est donc d’identifier des pistes de solutions pour ranimer la motivation de tous : les élèves et le personnel enseignant, et aussi de redynamiser le plaisir et la volonté d’enseigner et d’apprendre, après des mois et parfois des années de déconnexion – au sens propre et figuré – de l’enseignement.
Les élèves canadiens ne sont pas les seuls à éprouver des difficultés, post-pandémies. Partout dans le monde, des membres du corps enseignant et de directions d’écoles délaissent leur profession à un rythme sans précédent (UNESCO, 2022). Il faut donc de toute urgence trouver des moyens d’attirer et de retenir des enseignantes et des enseignants tout en offrant du soutien à celles et à ceux qui restent en poste. En motivant le personnel enseignant, nous donnerons également l’élan nécessaire pour engager et motiver les élèves.
Dans les écoles, nous constatons déjà une grande créativité pédagogique, que ce soit pour aménager des horaires et des espaces plus flexibles, pour offrir davantage de cours en plein air et par l’adoption d’une variété d’approches, de dispositifs, de projets ludiques pour motiver les élèves. Comment peut-on reproduire et faire connaître ces pratiques innovatrices à l’échelle du pays, après la pandémie ? Quelles sont les formes d’apprentissage par le jeu qui intéressent et motivent les élèves, en particulier, ceux et celles qui sont, depuis longtemps, mal desservis par les systèmes scolaires ?
S’inspirant de ces questions, notre équipe de chercheuses et de chercheurs en éducation de l’Université d’Ottawa a présenté une demande de subvention portant sur la phase de reprise des écoles, post-COVID, à la LEGO Foundation, afin de mettre sur pied le Réseau canadien des écoles ludiques (RCÉL), qui collabore avec des écoles en français et en anglais, à travers tout le Canada.
Le Réseau canadien des écoles ludiques
Premier de son genre dans le monde entier, ce réseau bilingue regroupe 41 écoles de sept provinces afin d’explorer et de faire progresser les méthodes durables et enrichissantes d’apprentissage ludique durant les années intermédiaires (4e à 8e année). La carte interactive du RCÉL propose des descriptions et des vidéos sur les 41 écoles participantes et leurs initiatives d’apprentissage par le jeu.
En sa qualité de réseau axé sur l’apprentissage, le RCÉL fait le lien entre les enseignantes et enseignants qui utilisent les pédagogies ludiques sur l’ensemble du pays et leur donne l’occasion de faire connaître leurs pratiques et de diffuser des ressources innovatrices et inspirantes. Ce réseau leur offre aussi l’occasion de se développer professionnellement et d’enrichir leurs connaissances par les échanges entre eux, au sein du RCÉL, mais aussi de développer leur expertise en enseignement ludique, dans diverses disciplines et domaines enseignés par eux, grâce au soutien d’experts dans des domaines divers. Ainsi, la participation au réseau leur fournit l’inspiration pour mener à bien leurs projets innovants, tout en leur permettant de relever des défis partagés.
Ensemble, les membres du RCÉL et son équipe de recherche tentent de réfléchir sur des questions comme :
Tout au long d’une année scolaire, les équipes-écoles participantes partagent leurs projets et leurs parcours d’enseignement-apprentissage par le jeu de diverses façons : par des comptes rendus mensuels, par des vidéos qui documentent leurs projets, par des présentations et à travers des événements organisés par le RCÉL, comme des « rencontres ludiques », des « groupes de jeu » et enfin par la conférence qui servira de « vitrine au réseau et aux projets des écoles » en juin 2023.
Le RCÉL a financé chaque équipe-école pour la tenue de séances mensuelles de perfectionnement professionnel et aussi pour monter et mener à bon port leurs propres projets d’apprentissage ludique. Chaque mois, les membres du corps enseignant sont appelés à collaborer dans leur équipe-école, apprennent des autres écoles lors de rencontres ludiques ou de groupes de jeu, assistent à des webinaires de perfectionnement professionnel de la série Playjouer et partagent des ressources, enrichissant ainsi leurs pratiques d’apprentissage par le jeu. Notre équipe de l’Université d’Ottawa et 13 conseillers internationaux se chargent de l’animation, des consultations, de l’encadrement et du soutien à la recherche pour le compte des écoles.
L’importance du jeu
L’utilisation du jeu pour favoriser l’apprentissage et le bienêtre des enfants a une histoire intéressante. L’inventeur allemand de la maternelle, Friedrich Froebel, la passionnée de la réforme pédagogique, Maria Montessori, et l’enseignant avant-gardiste John Dewey ont tous milité pour que le jeu ait une plus grande place dans les écoles. Les recherches actuelles sur le sujet soulignent l’importance de l’apprentissage par le jeu et son impact positif sur le développement des enfants. Selon ces recherches, les pédagogies ludiques favorisent, dès le plus jeune âge, le développement de la pensée abstraite, l’affirmation de soi et l’acquisition du langage et d’aptitudes sociales. « Le jeu nourrit chaque aspect du développement infantile – c’est le fondement des compétences intellectuelles, sociales, physiques et affectives qui sont nécessaires à la réussite scolaire, personnelle et professionnelle. Le jeu ouvre la voie à l’apprentissage. » (Conseil canadien sur l’apprentissage, 2006, traduction libre). Dans son livre intitulé Libre pour apprendre, Peter Gray (2013) montre à quel point le jeu libre se distingue du jeu structuré par les adultes et peut aider les enfants à se faire des amis, à traiter tous leurs camarades sur un pied d’égalité, à résoudre des problèmes, à surmonter leurs peurs, à élaborer des règles et à prendre leurs propres décisions.
Dans l’ensemble du Canada, le jeu en tant qu’outil ou approche pédagogique est davantage répandu dans les classes de maternelle et dans les cycles élémentaires, mais il a tendance à disparaître graduellement entre la fin du primaire et le début du secondaire. On note aussi que les approches axées sur le jeu sont moins rattachées au plaisir et à la ludification, au fur et à mesure que les élèves grandissent et sont souvent considérées comme incompatibles avec les attentes des programmes d’études et les évaluations des apprentissages qui s’intensifient durant la scolarité. Ainsi, le jeu est considéré comme une distraction « frivole » qui a, en définitive, peu sa place dans des contextes scolaires qui adoptent des cycles d’enseignement et d’évaluations certificatives. Pourtant, comme l’a avancé le philosophe hollandais Johann Huizinga, le jeu est le pivot de la civilisation et le fondement de la culture humaine. Il peut avoir des buts différents et des objectifs d’apprentissage variés, il peut être libre ou guidé, mais il est certain que le jeu a sa place dans des pédagogies intégrées qui tiennent compte des élèves, de leurs besoins et de leur motivation.
Le RCÉL ne cherche pas uniquement à intégrer davantage de jeu dans les programmes d’études, mais aussi à approfondir la notion de jeu, ainsi que les contextes et les situations où il pourrait faire une différence. Le jeu est souvent synonyme d’amusement, mais ce n’est pas toujours le cas, car le jeu pédagogique est source d’apprentissages incontestables. Citons comme exemple le jeu de rôle qui devient un des outils pédagogiques favoris des formations actuelles, dans divers domaines. Ainsi, on ne peut ignorer que le fait d’adopter des cycles d’apprentissage et d’expérimentation par le jeu peut avoir des retombées bénéfiques sur les élèves en tant que source d’apprentissages multiples : le jeu peut devenir, dans ce cas, sérieux.
Le but de cette recherche
Le RCÉL mène des recherches poussées sur le potentiel du jeu au cours des années intermédiaires, tout en abordant les enjeux liés à l’inclusion, à l’équité et au bienêtre, à l’apprentissage et à l’évaluation. À titre de réseau, il examine les activités ludiques des élèves de la 4e à la 8e année et les moyens de les identifier et de les intégrer. Nous cherchons à savoir de quelle façon le jeu peut renforcer la motivation des élèves envers l’apprentissage et leur bienêtre, mais aussi quand il n’y arrive pas, et les moyens de traiter toute cette question. Nous voulons savoir comment le jeu dans les écoles est susceptible de mieux refléter les langues, les cultures et les identités diversifiées des élèves et donner accès à des méthodes d’apprentissage ludique à tous les élèves et dans tous les contextes au lieu de les réserver aux enfants privilégiés.
Le RCÉL s’intéresse également aux répercussions potentielles des méthodes pédagogiques ludiques sur l’engagement du personnel enseignant envers l’apprentissage et le bienêtre. Tout en reconnaissant les défis inhérents à l’intégration de ces méthodes dans les classes plus avancées, nous souhaitons savoir comment les enseignantes et enseignants du RCÉL persévèrent malgré les exigences liées aux évaluations, au contenu et au comportement et comment ils s’épaulent les uns les autres. Quelles sont les façons les plus efficaces pour le personnel enseignant et les écoles de partager et de disséminer des stratégies positives d’intégration de l’apprentissage par le jeu ? Quelles activités, quelles ressources et quels types de perfectionnement professionnel ou modalités de rétroactions soutiennent le plus efficacement les enseignantes et enseignants du RCÉL ? Les réponses à ces questions aideront non seulement à soutenir le réseau, mais aussi les autres écoles intéressées à adopter des pratiques d’apprentissage par le jeu.
Le jeu dans plusieurs dimensions
Le RCÉL vise à explorer l’apprentissage par le jeu selon quatre modes : enviro (à l’extérieur), techno (numérique et informatique), bricolo (construction numérique et physique) et tout ce qui est socio, qui examinent l’intersection de la langue, de l’identité et de la culture par l’intermédiaire du jeu et de l’apprentissage ludique (voir la Figure 1). Toutes les 41 équipes-écoles du RCÉL conçoivent et mettent en application leurs propres projets qui tiennent compte de leurs différents contextes d’apprentissage (p. ex, milieu urbain ou rural, langues autochtones, françaises ou anglaises, etc.). L’ensemble des projets utilise les quatre modes d’apprentissage et de nombreux d’entre eux font appel à plus d’un mode. Au sein du réseau, l’apprentissage ludique est interprété de diverses façons, mais les mêmes thèmes et modes se retrouvent dans tous les projets. Pour certaines écoles, le jeu peut inclure des activités expérientielles et pratiques comme l’aménagement d’un espace d’apprentissage extérieur, d’une serre, la création d’une murale multimodale ou la création de jeux d’arcades électroniques en carton. Pour d’autres écoles, le jeu prend la forme de projets d’exploration ludique : pendant toute l’année scolaire, les élèves ont des périodes réservées pour déterminer les thèmes à approfondir en bénéficiant du soutien du personnel enseignant et de membres de la communauté. Enfin, d’autres écoles choisissent de passer du temps dans la nature et de faire des activités d’apprentissage ludique sur le territoire, en compagnie de gardiennes et gardiens du savoir, ou encore de créer leurs propres jeux, chansons ou livres à l’aide de technologies comme l’animation, Minecraft ou Ozobots. Dans tous les projets, le jeu est synonyme de travail appliqué, d’apprentissages, de choix, d’autonomie, de créativité, de défi, de collaboration avec les pairs et de prise de risque.
Projets du RCÉL
Notre site Web www.playjouer.ca contient des descriptions de toutes les équipes-écoles participantes du RCÉL et de leur projet d’apprentissage. Voici quelques exemples des projets des sept provinces participantes.
Chinago Nongom Wabang – « Hier, Aujourd’hui, Demain » est le nom du projet d’apprentissage par le jeu de l’école Kitigan Zibi Kikinamadinan, qui accueille des élèves de la première année au secondaire 5 (12e année) sur le territoire algonquin, près de Maniwaki au Québec. Leur projet reflète la priorité absolue de l’école, soit de créer une communauté bienveillante qui valorise la langue et la culture anichinabées des élèves. L’école s’efforce depuis longtemps de transmettre le mode de vie traditionnel algonquin à ses élèves. S’inspirant de cette histoire, ce projet écolo met de l’avant l’apprentissage sur le territoire. Lors des journées culturelles mensuelles, les élèves choisissent parmi une variété d’activités qui suscitent leur intérêt, tout en apprenant à connaître leurs ancêtres et l’environnement local. Animées par des membres du personnel enseignant et de la communauté, des aînées et aînés, ainsi que des gardiennes et gardiens du savoir, ces activités varient en fonction du mois et de la saison et comprennent le canot, la pêche sur glace, l’ébullition de la sève pour faire du sirop d’érable, la construction d’un abri, la préparation d’un feu, la couture, le perlage et la fabrication de mocassins, le travail du cuir et la familiarisation avec les plantes et les remèdes locaux.
Le projet de l’école élémentaire Monseigneur de Laval à Regina consiste à créer et à filmer une pièce de théâtre basée sur la biographie d’une personnalité marquante du patrimoine francophone de la Saskatchewan. Il combine la langue et la culture, les arts et la création. Ensemble, les élèves choisissent leur sujet et exercent leur leadership en documentant l’histoire de la région, en rédigeant le script, en créant les décors et les costumes, en jouant sur scène ou en réalisant, en filmant ou en montant le film. Les élèves sont épaulés par des partenaires communautaires comme la troupe de théâtre locale, Radio-Canada, la Société historique de la Saskatchewan et l’association des artistes.
À King’s Point (Terre-Neuve), les élèves de la Valmont Academy s’appliquent à créer une murale multimodale faite de matériaux recyclés. Elle représente un voilier et s’inspire des œuvres d’un artiste local. Les participants peuvent utiliser une variété de matériaux, dont la fibre de verre, le métal, le bois de grève et le verre de plage. Ils ont récupéré ces matériaux lors d’excursions à la plage locale, dans des sentiers de randonnée et dans la nature environnante. Des partenaires de la localité, notamment des constructeurs de bateaux, des soudeurs et des fabricants de fibre de verre, font office de mentors et aident les élèves à travailler les différents matériaux. Un artiste local les conseillera pour assembler la murale. Le projet vise à renouveler les liens de Valmont avec sa communauté et de promouvoir les possibilités de carrière au sein de l’industrie locale.
À l’École acadienne de Pomquet, une école élémentaire et secondaire de la Nouvelle-Écosse, les élèves, des membres de la communauté et des gardiennes et gardiens du savoir collaborent afin d’aménager des espaces pédagogiques extérieurs comme une serre, un foyer extérieur et un tipi de 30 pieds. Le projet de l’école se concentre sur l’amélioration des zones forestières environnantes et des liens entre la culture autochtone et acadienne. En consultant des partenaires de la communauté autochtone locale, les élèves ont appris qu’il n’y avait aucune source d’eau dans la forêt et ont décidé de creuser un étang et d’aménager un écosystème aquatique. Ils prévoient également d’utiliser l’étang comme patinoire pendant les mois d’hiver. Pour les élèves, le projet est non seulement une occasion de jouer, de construire et de parfaire leur apprentissage en plein air et en français, mais aussi de tirer du plaisir à parler leur langue minoritaire : « Si t’as pas de plaisir, ça devient une langue de travail. »
Réflexions des membres du RCÉL
Lors des discussions en groupes de jeu, les membres du RCÉL ont indiqué à quel point ils apprécient la possibilité de collaborer avec des collègues et ont souligné le côté rafraîchissant et motivant de leurs projets, à la fois pour les élèves et pour eux. « Cela ramène la joie de vivre », a commenté une personne. Selon les membres, l’apprentissage par le jeu favorise l’inclusion, valorise les points forts des élèves, offre des occasions de leadership, aide à tisser des liens avec la communauté et le territoire, encourage les élèves à parler français et à se sentir engagés dans les classes. C’est également une façon significative, pour des élèves comme les nouveaux arrivants ukrainiens, de rencontrer leurs camarades, de travailler et de développer un sentiment d’appartenance à leur classe grâce au langage universel du jeu.
S’il semble amusant, l’apprentissage par le jeu comporte son lot de défis. L’apprentissage ludique ne fait pas nécessairement bon ménage avec les attentes scolaires. Le fait de s’éloigner de l’enseignement et des méthodes d’évaluation traditionnels peut préoccuper les familles, les partenaires communautaires et même certains collègues. Dans les écoles de langue française, la plupart des documents doivent être traduits et adaptés, ce qui exige des ressources et augmente la charge de travail. Le RCÉL aide le personnel enseignant à travailler (et à jouer) pour surmonter ces défis ensemble.
De nos jours, durant les années intermédiaires, le jeu est l’exception et non la règle. Il a tendance à prendre son envol pendant la petite enfance ou à prospérer dans le cadre de « laboratoires » universitaires de psychologie et d’apprentissage des sciences qui disposent de ressources humaines et financières beaucoup plus importantes que celles des systèmes scolaires traditionnels. De plus, l’apprentissage par le jeu s’adresse davantage aux élèves privilégiés que marginalisés, comme en témoigne entre autres l’approche des écoles Montessori, établies dans le monde entier. Le jeu est aussi toléré dans les écoles alternatives, où il est reconnu que dles méthodes traditionnelles d’enseignement et d’apprentissage peuvent sembler différentes.
Le RCÉL est conçu pour stimuler la réflexion et l’action au sein des systèmes scolaires traditionnels. L’objectif est de les amener à examiner l’importance des approches ludiques durant les années intermédiaires, à légitimer l’apprentissage par le jeu, à devenir des sources d’inspiration, à proposer des exemples et des ressources à d’autres écoles des quatre coins du pays et à approfondir le dialogue sur la nature et la valeur du jeu en général.
Si le monde était une partie de hockey, on serait maintenant en prolongation. Il ne sert à rien de rester en mode défensif. Le temps est venu de sortir nos meilleures stratégies, de tirer notre épingle du jeu, d’apprendre mieux et de jouer avec plus d’ardeur. Le jeu est une forme d’apprentissage. Il devrait être accessible à tous les élèves, peu importe où ils vivent, qui ils sont et quelle langue ils parlent.
Gray, P. (2016). Libre pour apprendre : Libérons nos enfants pour qu’ils retrouvent le bonheur d’apprendre et la confiance en eux (traduit par E. Petit). Éditions Actes Sud. (Parution initiale en 2013)
Hewes, J. (2006). Let the children play: Nature’s answer to early learning. Early Childhood Learning Knowledge Centre, Canadian Council on Learning.
Huizinga, J. (2014). Homo ludens: A study of the play-element in culture. Routledge.
UNESCO. (2022). Transforming teaching from within–Current trends in the status and development of teachers. United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization.
Vaillancourt, T., Beauchamp, M. et coll. (2021). Les enfants et les écoles pendant la COVID-19 et au-delà : interactions et connexion en saisissant les opportunités. Société royale du Canada.
Photos gracieuseté de :Leslie Mott et Christopher Rowsome. Élèves de 3e, 4e et 5e année de l’École publique North Gower Marlborough, District scolaire Ottawa-Carleton
Il faut changer de question et passer de
« quel est le problème et comment peut-on le régler? »
à « qu’est-ce qui est possible ici et à qui cela tient-il à cœur? »
pour que toute l’énergie change.
M. Wheatley (2008)
En 2020, les directions générales scolaires du Québec doivent relever de nombreux défis, dont la pénurie de personnel breveté et la décroissance des effectifs. Accompagnées de deux universitaires, elles s’engagent dans une recherche-action pour mettre à jour leur agir professionnel compétent et conscient, c’est-à-dire leur vision du contexte d’exercice de leur profession, leurs présupposés au regard du leadership et leurs intentions et actions prioritaires pour actualiser un leadership fort au cœur de cette complexité. Cet article rend compte :
1) des préoccupations à l’origine de leur projet;
2) de leurs objectifs prioritaires;
3) des actions qu’elles ont mises en œuvre et
4) des résultats et retombées déjà perceptibles de leurs efforts.
En conclusion, l’article propose aux leaders de l’éducation un questionnement inspiré de cette recherche-action pour définir, développer et consolider leur propre agir professionnel, individuel et collectif afin de relever les défis actuels en éducation.
La pénurie de personnel breveté et la décroissance des effectifs ne sont que quelques exemples d’enjeux qui caractérisent aujourd’hui le contexte d’exercice des directions générales scolaires responsables de fédérer des services éducatifs de qualité sur le territoire d’un centre de services ou d’une commission scolaire. Selon les régions du Québec, elles vivent aussi l’hypercroissance des clientèles et de nombreux défis opérationnels de gestion (p. ex., pandémie, qualité des infrastructures). Elles doivent également composer avec des élèves aux caractéristiques et aux préalables de plus en plus diversifiés, une évolution importante des technologies numériques et des attentes sociales et parentales élevées envers le système scolaire. À l’hiver 2020 vient s’ajouter à ce portrait une transformation/évolution de la gouvernance scolaire au Québec. Celle-ci redéfinit les mandats et les responsabilités du ministère de l’Éducation, de la Fédération des centres de services scolaires, des centres de services scolaires, des commissions scolaires et des établissements scolaires et elle modifie les rôles spécifiques des directions générales francophones et anglophones et leur façon d’exercer, ensemble et respectivement, leur pouvoir en éducation (Gouvernement du Québec, 2020). À ce moment-là, les directions générales sont soucieuses de faire reconnaître leur rôle de premiers dirigeants alors qu’elles sont parmi les rares acteurs de l’éducation au Québec à ne pas avoir de cadre de référence décrivant leur agir professionnel.
Dans ce contexte, à l’été 2020, l’Association des directions générales scolaires du Québec (ADGSQ) fait le choix de mandater son Comité de perfectionnement et de développement professionnel (CPDP), en collaboration avec deux universitaires de l’Université de Sherbrooke, pour vivre une recherche-action dont les objectifs sont 1) d’élaborer un premier cadre de référence décrivant l’agir professionnel de ses membres et 2) d’amorcer l’actualisation du réseau de leurs activités de développement professionnel en cohérence avec ce cadre de référence. Les directions générales scolaires veulent ainsi se donner une première vision, partagée et novatrice, de ce qu’elles croient et aspirent à être et à faire ensemble, en priorité, pour influencer la concrétisation de la mission de l’école québécoise. Sur la base d’une telle vision du leadership à exercer, elles veulent orienter leur développement professionnel en tant que pilier d’actions concertées et porteuses, individuelles et collectives, au cœur d’un renouvellement important des membres de leur association professionnelle.
Une recherche-action est fondamentalement une action de recherche et d’éducation de praticiens-chercheurs volontaires qui veulent simultanément soutenir une transformation significative pour s’éduquer, éduquer et contribuer à la production de savoirs professionnels (Guay et Gagnon, 2021). Entre août 2020 et juin 2022, les directions générales membres du Comité de perfectionnement et de développement professionnel (CPDP), représentantes de toutes les régions du Québec et des différentes activités de développement professionnel vécues par les directions générales scolaires, se réunissent cinq jours par année pour agir, apprendre et chercher ensemble. Elles partagent d’abord leur vision de leur situation actuelle et codéfinissent les objectifs prioritaires de la recherche-action puis recensent et analysent des expériences professionnelles emblématiques source de fierté et de difficultés dans leurs milieux respectifs. Également, elles définissent et analysent leurs projets individuels de développement professionnel. Ces deux opérations permettent de mettre à jour un prototype de l’agir professionnel compétent et conscient des directions générales scolaires, c’est-à-dire les actions qu’elles perçoivent les plus susceptibles d’influencer la transformation significative de leurs organisations en fonction d’intentions et de présupposés explicites ajustés à leur contexte actuel. Lors de rencontres régionales et collectives, les membres du CPDP mobilisent l’ensemble des directions générales scolaires du Québec dans des échanges sur ce prototype de leur agir professionnel. Au fil de ces travaux, le CPDP s’assure que les réflexions et les choix des membres de l’ADGSQ sont mis en écho à d’autres cadres de référence canadiens et internationaux sur le leadership des directions générales de centres de services et de commissions scolaires et éclairés par de récentes synthèses de recherches sur l’effet district1.
La recherche-action permet la création d’un cadre de référence intitulé Le leadership des directions générales scolaires (ADGSQ, Guay et Gagnon, 2022), lequel rend explicite l’agir professionnel compétent et conscient collectif des directions générales scolaires du Québec, c’est-à-dire leurs présupposés au regard du leadership, la lecture de leur contexte d’exercice et leurs intentions et actions à prioriser, individuellement et collectivement, pour concrétiser ces intentions. Le tableau 1 résume les questions ayant balisé la mise à jour de cet agir professionnel et les réponses concertées à ces questions des directions générales scolaires du Québec.
À ce jour, le processus de création du Cadre de référence a permis l’actualisation du Microprogramme d’insertion à la direction générale de centres de services et de commissions scolaires (PIDIGECSS) de l’Université de Sherbrooke comme en témoigne un récent article d’Éducation Canada (Guay et Gagnon, 2022). Au printemps 2022, les directions générales scolaires du Québec l’ont également utilisé pour effectuer une analyse de leurs besoins prioritaires de développement professionnel pour l’année scolaire 2022-2023. Par exemple, la thématique du Congrès de l’ADGSQ de mai 2023 a été établie en adéquation avec cette analyse. À l’automne 2022, une entente pour la mise en œuvre d’une phase 2 de la recherche-action est aussi entérinée entre l’ADGSQ et l’Université de Sherbrooke, laquelle a comme objectifs de permettre aux directions générales de/d’ : 1) consolider leur compréhension partagée du leadership tel que décrit dans le cadre de référence; 2) mettre en œuvre concrètement ce leadership dans le développement du réseau de leurs activités de développement professionnel dont leurs rencontres régionales; 3) évaluer les retombées de cette mise en œuvre sur leur développement professionnel individuel et collectif.
Dans le cadre d’un numéro thématique sur l’importance de repenser les agirs professionnels au cœur des nombreux défis actuels en éducation, dont la pénurie de personnel breveté et la décroissance des effectifs, cet article se voulait une inspiration pour inciter les leaders en éducation, dont les directions d’établissements, les enseignants ou les professionnels, à définir, développer et consolider, eux aussi, leur propre agir professionnel, individuel et collectif, pour espérer relever ensemble de tels défis actuels en éducation. En guise de conclusion, en écho à la recherche-action menée par les directions générales scolaires du Québec, un cadre de questionnement est ainsi proposé au tableau 2. Il veut soutenir la réflexion individuelle et/ou collective de leaders conscients que des présupposés explicites, une lecture attentive du contexte d’exercice et des intentions et des actions prioritaires ciblées sont désormais névralgiques pour espérer œuvrer ensemble avec rigueur, efficacité, sens et bienêtre, au cœur de la complexité moderne.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2023
ADGSQ, Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2022). Le leadership des directions générales scolaires: Un cadre de référence pour le définir, le développer et le consolider ensemble. https://adgsq.ca/adgsq/cadre-de-reference-sur-le-leadership-des-directions-generales-scolaires/
Gouvernement du Québec. (2020). Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires. www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2020C1F.PDF
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2022). Et les directions générales scolaires, comment les former à agir avec compétence et conscience au cœur de la complexité actuelle? Éducation Canada https:// edcan.ca/articles/les-directions-generales-scolaires-comment-les-former/?lang=fr
Guay, M.-H. et Gagnon, B. (2021). La recherche-action. Dans I. Bourgeois (dir.), Recherche sociale. De la problématique à la collecte de données (7e édition, pp. 415-440). Presses de l’Université du Québec.
Guay, M-H. et Gagnon B. (2019). Esquisse d’une théorie constructiviste-développementale du leadership en éducation. Actes du symposium L’influence des chefs d’établissement d’enseignement : Activité, pouvoir et développement tenu dans le cadre du colloque international de l’Actualité de la recherche en éducation et formation (AREF) 2019. Bordeaux, France, p. 62-72. https://aref2019.sciencesconf.org/resource/page/id/20
Leithwood, K., Sun, J. et McCullough. (2019). How School Districts Influence Student Achievement. Journal of Educational Administration, 57(5), 519-539.
McCauley, C. D., Drath, W. H., Palus, C. J., O’Connor, P. M. G. et Baker, B. A. (2006). The Use of Constructive-Development Theory to Advance the Understanding of Leadership. The Leadership Quarterly, 17, 634-653.
Rooke, D. et W. R. Torbert. (2016). Les 7 logiques d’action des leaders. Harvard Business Review France, Hors-série, 76-90.
1 Effet du collectif constitué de la direction générale, du conseil d’administration (ou du conseil des commissaires), des services et des directions d’établissements pour fédérer des actions cohérentes et significatives à la réussite éducative sur le territoire d’un centre de services (ou d’une commission scolaire) (inspiré de Leithwood, Sun et Mc Cullough, 2019).
Si vous faites une collection de données probantes ou de statistiques scientifiques, il n’y a rien à voir ici. Passez vite à l’article suivant!
Vous êtes toujours là? Tant mieux, puisqu’ici « repenser les agirs professionnels » nous mène tout droit hors des sentiers battus, bien loin des enquêtes traditionnelles. Bref, il faut des gens comme vous qui osez penser différemment et qui ne craignent pas d’analyser les choses sous l’angle très pointu des milieux francophones minoritaires du Canada.
Il faut au départ accepter qu’on ne peut pas aborder la question des agirs professionnels de la même façon quand on traite des écoles de langue française dans ce contexte. La raison est fort simple : les finalités ne sont pas les mêmes.
Loin de moi l’idée que les écoles de la majorité ne se soucient pas de ce que deviendront les élèves au lendemain de la collation des grades. Force est d’admettre cependant que dans le cas de l’école de langue française, cette question est au cœur même de sa raison d’être. La question fondamentale qui se pose ne se traduit pas, philosophiquement du moins : Quelle place feront les élèves à la langue française une fois leur diplôme en poche?
Alors que j’occupais un poste à la direction régionale d’un conseil scolaire, j’avais entrepris de réunir les élèves finissants à un moment bien précis de leur parcours scolaire : juste après avoir passé leur dernier examen et juste avant de recevoir leur diplôme de fin d’études. La rencontre était connue sous l’appellation « Rien à perdre, rien à gagner ». Je n’avais qu’un seul but pour cette rencontre qui durait tout un après-midi à la fin-juin. Il s’agissait de savoir ce que les élèves pensaient de l’éducation qu’ils avaient reçue. Ils n’avaient rien à perdre puisque tout ça était désormais derrière eux et il ne s’agissait aucunement de les évaluer; et rien à gagner puisqu’ils ne profiteraient pas personnellement des suggestions qu’ils pourraient faire.
À chaque année, quelque chose de magique se passait dès les premières minutes de la rencontre. Je voulais parler d’éducation? Ils voulaient parler de la langue française. On oublie souvent que tous les élèves de nos milieux minoritaires auraient très bien pu se diriger vers le système anglais. Tous, sans exception. Et pourtant, ils étaient là, devant moi. Certains avouaient candidement que ça n’avait pas été leur choix personnel, leurs parents ayant pris la décision pour eux. D’autres n’avaient jamais considéré l’option, et certains avaient fait le choix d’y rester. Tout ça pour une seule raison : le français.
Nous voici donc au cœur d’une dure réalité. Ces rencontres ont permis de faire ressortir le fait que l’école avait souvent été pour ces élèves la seule occasion de vivre tant soit peu en français. L’après? Un très petit nombre se dirigerait vers les institutions post-secondaires en français. Pour la plupart, la place qu’occuperait le français était non seulement une question pour laquelle on n’avait pas de réponse, c’était une chose à laquelle on n’avait jamais même songé. Ouch!
Les communautés scolaires ont pourtant tout ce qu’il faut pour éviter un tel aboutissement. On a qu’à penser aux nombreux outils de construction identitaire que l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF) a produit au fil des ans et continue de produire pour alimenter son réseau. La Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants (FCE), de concert avec le personnel enseignant et nos chercheurs les plus réputés, a conçu la Pédagogie à l’école de langue française (PELF). Il ne s’agit là que de deux ressources importantes parmi toute une panoplie d’appuis à l’apprentissage des élèves de nos écoles.
Dans un premier temps, il n’existe aucune enquête qui détermine dans quelle mesure sont utilisés ces outils conçus à l’usage très spécifique des écoles de langue française en contexte minoritaire. Nous savons cependant qu’on n’y fait référence qu’à de rares exceptions dans les programmes d’études, la référence principale du personnel des écoles. Même la formation initiale de ce dernier accuse d’importantes lacunes à cet égard. Comment s’attendre alors à ce que les agirs professionnels s’alignent avec des objectifs qui ne sont promus nulle part?
D’autre part, le temps est venu de songer à une étude longitudinale portant sur la place qu’occupe le français dans la vie des élèves de nos écoles une fois devenus adultes. C’est la seule mesure qui permettrait vraiment de déterminer si nos écoles sont à la hauteur des attentes sociétales et gouvernementales qui les sous-tendent face au maintien de la langue française. Il serait alors possible d’extrapoler une mine d’information qui permettrait de mieux intervenir auprès des élèves issus de mariages endogames ou exogames, de l’immigration ou même de ceux qui bénéficient d’une certaine souplesse dans les critères d’admission qu’expérimentent certains milieux.
Nous savons que la proportion de Canadiens dont le français est la première langue officielle a diminué considérablement depuis les dernières années, et même le Québec n’est pas épargné par cette tendance. Nous reconnaissons aussi que le nombre de personnes qui s’intéressent à une carrière en enseignement ne suffit pas à combler les besoins des écoles. Le moment est venu de poser des gestes concrets pour pallier l’une et l’autre de ces situations alarmantes.
Quand l’école de langue française en contexte minoritaire se distinguera clairement des autres par sa pédagogie, sa programmation et les ressources qu’elle met entre les mains de ses élèves, peut-être alors sera-t-elle un milieu de travail davantage convoité.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2023
En 2021, un directeur BLANC d’une école secondaire catholique de langue française de l’Ontario a été retiré de son école deux ans après avoir porté les cheveux rasés d’un élève noir comme perruque lors d’une collecte de fonds pour une élève atteinte du cancer; quelques mois plus tard, à l’Halloween, il les a portés à nouveau comme déguisement (Canadian Broadcast Company; Radio-Canada, 2021). Il n’a été démis de ses fonctions que deux ans plus tard après que #BlacklivesLondon ait signalé ces incidents sur le microblogue Twitter (Radio-Canada, 2021). Étant donné que l’amélioration de la réussite de l’ensemble des élèves de l’école est peu probable sans un leadership éducatif efficace (Rodgers, Hauserman et Skytt, 2016), tout leader devrait remettre en question son comportement envers les individus et les groupes marginalisés, tels que les Noir.e.s., Plus précisément, chaque leader devrait se questionner sur les indignités qu’il leur fait subir, telle que les microagressions raciales. Dans cet article, une microagression raciale est définie comme étant une brève indignité quotidienne (re)produisant des commentaires racistes ou des insultes racistes envers les élèves, les directions d’école ou les enseignants et les enseignantes noir.e.s (Brown, 2019; Frank et coll., 2021; Sue et coll., 2007.)
Que connaissons-nous au sujet du racisme systémique envers les Noir.e.s en contextes francophones minorisés au Canada? Un nombre limité d’études ont exploré le racisme systémique envers les Noir.e.s en contextes francophones minorisés au Canada (Ibrahim, 2014; Jean-Pierre, 2020; Villella, 2021). Ces études donnent un aperçu de la façon dont le racisme systémique envers les Noir.e.s se manifeste dans ce contexte. Schroeter et James (2015) constatent que les élèves immigrant.e.s noir.e.s et francophones perçoivent que le personnel scolaire blanc, y compris la direction d’école blanche, accorde plus d’appui aux élèves blanc.he.s immigrant.e.s qu’aux élèves noir.e.s immigrant.e.s vis-à-vis de l’atteinte de leurs objectifs de carrière. Pour sa part, Madibbo (2021) présente trois conditions favorisant la (re)production du racisme systémique envers les Noir.e.s au sein du Canada français, y compris au Québec :
Examinons quelques incidents critiques
Ma thèse doctorale (2021) décrit des incidents critiques de racisme systémique anti-Noir.e.s, tels qu’ils se présentent dans le contexte du leadership éducatif en Ontario français afin de comprendre les incidents que subissent les élèves, le personnel enseignant, les familles et les partenaires communautaires noir.e.s et francophones.
Cette étude de cas narrative a exploré la compétence interculturelle et antiraciste imbriquée de leaders éducatifs et systémiques à travers des incidents critiques. Un leader éducatif et systémique, comme une direction d’école, est un citoyen privé, mais aussi un représentant d’une institution qui développe ou met en œuvre des politiques, des procédures et des règlements, voire des normes et des idéologies d’une société (Villella, 2021). Un incident critique constitue une expérience ou une activité positive ou négative ayant eu une influence sur un leader en confirmant, en modifiant ou en fragmentant son leadership (Sider et coll., 2017; Yamamoto et coll., 2014).
Neuf leaders éducatifs et systémiques, dont la plupart sont ou récemment ont été directions d’école, ont participé à trois entrevues semi-dirigées et à un sondage. L’analyse des données a révélé que presque tous les incidents critiques mentionnés par les neuf participant.e.s comme étant de nature « interculturelle » concernaient la communauté noire, et surtout des garçons et des hommes noirs, y compris un prêtre catholique. Bien que les réponses des participant.e.s au sondage indiquent qu’ils et elles perçoivent leurs compétences interculturelles comme élevées, la façon dont elles et ils abordent les incidents critiques impliquant les élèves, le personnel, les familles et les membres de la collectivité noir.e.s indiquent qu’ils doivent améliorer leur compétence antiraciste. En ce qui concerne le développement de leurs compétences interculturelles et antiracistes, les participant.e.s ont suivi très peu de cours universitaires ou d’ateliers; elles et ils se sont surtout autoformé.e.s grâce au bénévolat international, à la lecture et à la transmission de leurs apprentissages personnels. Par conséquent, les particpant.e.s ont surtout fait de la formation informelle au lieu de la formation formelle ou de la formation non formelle (Villella, 2021). Il ne faut donc pas s’étonner que des incidents critiques révélant un racisme systémique anti-Noir.e.s et des microagressions raciales se soient manifestés dans le discours des participant.e.s concerné.e.s.
Microagressions raciales multiples : ce que les données révèlent
Dans la section qui suit, je présente et j’analyse cinq incidents critiques de racisme systémique anti-Noir.e.s à travers le cadre conceptuel de microagressions raciales de Brown (2019), soit la pathologisation, l’insensibilité culturelle, la dévalorisation persistante des compétences des enseignants noirs, la citoyenneté de seconde classe dans les écoles et le mythe de la méritocratie. Brown indique que ces microagressions sont non seulement ancrées dans l’idéologie anti-Noir.e.s, mais qu’elles constituent aussi des raisons ayant émergé dans la recherche pour lesquelles les enseignant.e.s noir.e.s2 quittent la profession enseignante.
« J’avais une réunion avec la direction. Donc, je me dis qu’il y a d’anciens collègues à moi, je vais aller les voir. [Un ami], quand j’arrive : « Hé ! Salut [Hassan] ! Ça va bien ? » Donc, je m’assois avec lui, pis lui, il dit : « [Hassan], tu es au salon du personnel des blancs avec moi là ». J’ai dit : « Comment ça ? » Il dit : « Tu n’as pas vu ? La table des immigrants est là-bas ». Donc, pour te dire que même à l’époque où j’étais, il y avait deux salons du personnel.
Dans cette école, les enseignant.e.s noir.e.s (et en particulier les enseignant.e.s immigrant.e.s et noir.e.s) constituent le point de mire du racisme systémique anti-Noir.e.s dans le salon du personnel qui se manifeste sous forme d’un statut de citoyenneté de deuxième classe (Brown, 2019; Frank et coll., 2021).
« [Les élèves] l’envoyaient chier… en plus il parlait avec un accent assez prononcé. C’était probablement un des premiers Noirs qu’ils voyaient en personne ces enfants-là… Et pour lui, c’était une des premières classes qu’il avait au Canada, parce qu’il avait juste fait de la suppléance, si j’ai bien compris, à Montréal, quelques années d’avant… Dans le coin dans le fond de la classe… Quatre jeunes hommes qui se sont amusés à l’abaisser là. « Monsieur, je comprends rien, je comprends pas quand tu parles. Ça fait pas de sens »
Dans cet exemple de microagressions raciales envers un enseignant noir, on perçoit une dévalorisation persistante de ses capacités d’enseignement (Brown, 2019; Frank et coll., 2021) par les élèves et la participante, mais il existe aussi un linguicisme racialisé (Madibbo, 2021), soit une discrimination linguistique et raciale combinée envers une personne noire, qui est également une immigrante récente.
« elles sont incapables de s’intégrer…pis ça, c’est malgré qu’on a essayé de les coacher. On a essayé… c’est juste trop ancré ou le traditionalisme est trop ancré dans leurs pratiques… on arrive à un conflit, pis c’est là où on fait des mises à pied, où on fait des évaluations insatisfaisantes. »
Nous pouvons observer ci-dessus une autre microagression raciale, puisqu’un directeur blanc pathologise les personnes noires qui enseignent dans son école à travers sa vision fixe de la compétence à enseigner fondée sur la conformité aux politiques et aux pratiques éducatives historiques et normalisées de l’éducation de langue française.
« J’ai passé des entrevues… et les questions qu’on posait, nous, on avait déjà une idée de qu’est-ce qu’on voulait comme réponses… à quelques reprises, je me suis aperçue qu’on parlait pu de la compétence de la personne. On parlait de la culture de la personne [noire]. On disait : « Ben là, la personne a répondu de telle ou telle façon… ils vont peut-être taper l’enfant. »
Dans cet exemple, les microagressions raciales se manifestent comme une forme de pathologie (Brown, 2019; Frank et coll., 2021).
« Je suis en train de faire une évaluation de suivi avec… un ado qui vient du continent africain… qui avait eu de très grands bris de scolarisation… puis j’avais des préoccupations par rapport à hum le niveau de travail qu’on donne. Parce que des fois… si un élève ne sait pas lire, on a tendance à aller chercher du matériel pour apprendre à lire chez les plus jeunes… mais ça l’a pas la stimulation cognitive… parce que là, j’ai un ado qui a peut-être 15-16 ans qui euh… qui est en train de faire des affaires de bo-bo baba… Mais c’est un jeune qui est en train d’être traité comme un… un élève qui avait une déficience. »
Ici, on peut affirmer que cet élève noir subit des micro-agressions, plus précisément des micro-invalidations concernant ses besoins en matière de lecture étant fondés non seulement sur la perception d’un statut de citoyenneté de seconde classe, mais aussi de l’insensibilité culturelle et de la dévalorisation persistante de ses compétences (Brown, 2019 ; Frank et coll., 2021; Sue et coll., 2007).
Bien qu’il ne s’agisse que de quelques-uns des incidents critiques en matière de racisme systémique anti-Noir.e.s en matière de leadership éducatif ayant ressorti de mon étude, il s’agit de vignettes donnant un aperçu tout de même informatif au sujet de la façon dont le racisme systémique anti-Noir.e.s se (re)produit auprès de membres noirs de la communauté scolaire dans le contexte de l’éducation de langue française en Ontario.
Comment l’étude des incidents critiques peut-elle nous aider à désapprendre le racisme systémique anti-Noir.e.s?
Yamamoto et coll. (2014) expliquent que les histoires que : a) nous nous racontons; b) que nous transmettons; c) que nous racontons aux autres, et d) encore une fois que nous nous racontons à nouveau au sujet d’un incident critique, constituent un moyen puissant selon lequel les leaders peuvent évaluer s’ils maintiendront les mêmes pratiques, les adapteront ou s’ils changeront complètement leurs pratiques. Par conséquent, ces incidents critiques ne sont pas seulement formatifs (Sider et coll., 2017), ils sont aussi informatifs (Villella, 2021), puisqu’ils révèlent des éléments de désapprentissage professionnel nécessaire pour lutter contre le racisme systémique anti-Noir.e.s. La question qui se pose maintenant est la suivante : qu’est-ce que les leaders éducatifs et systémiques de langue française, comme les directions d’école, ainsi que leurs formatrices et formateurs, peuvent apprendre en examinant de tels incidents critiques? Une liste de ressources destinées aux leaders en éducation sur le désapprentissage du racisme systémique suit l’article.
D’abord, il faut se souvenir que le racisme systémique envers les Noir.e.s n’est pas seulement un problème anglo-canadien. Il est omniprésent en éducation, quelle que soit la langue d’enseignement ou le contexte.
L’analyse des incidents critiques en matière de leadership dans le domaine de l’éducation de langue française en contexte francophone minorisé peut aider les directions générales, les formatrices et les formateurs, les associations des directions d’école et les surintendances, ainsi que les organismes communautaires de langue française à comprendre comment certaines pratiques contribuent à marginaliser les enfants et les adultes noir.e.s qu’elles et ils desservent. Les façons dont les leaders interagissent avec les enseignant.e.s noir.e.s peuvent contribuer à la reproduction, donc à la persistance, du racisme systémique envers les Noir.e.s, au lieu de contribuer à l’établissement d’un milieu éducatif inclusif et d’une société inclusive qui atténuent le racisme afin d’y mettre fin. Quoi qu’il en soit, les leaders éducatifs et systémiques envoient un message clair aux élèves, aux parents et au personnel noir.e.s en ce qui concerne leur valeur dans la société, lorsqu’ils agissent, ou non, sur le racisme systémique anti-Noir.e.s.
L’étude des incidents critiques en tant que moyen de (dés)apprentissage professionnel par rapport au racisme systémique envers les Noir.e.s offre aux leaders éducatifs et systémiques la possibilité de changer la façon dont ils réagissent lors de futures situations, de devenir proactifs et de réduire les microagressions faites aux membres de la communauté noire. Ainsi, c’est en ce sens que les études de cas narratives peuvent aider les leaders à décortiquer le racisme systémique anti-Noir.e.s par l’entremise d’un moyen de (dés)apprentissage professionnel.
Que faire maintenant ? Quelques recommandations :
Les leaders éducatifs et systémiques, telles que les directions générales, les surintendances/directions générales adjointes, doivent appuyer tous les membres du personnel souhaitant élaborer des stratégies préventives pour réduire les incidences de racisme systémique envers les Noir.e.s qui se (re)produisent par l’entremise des microagressions raciales. Les gouvernements provinciaux, les conseils scolaires/commissions scolaires/Centres de services et les conseils/districts scolaires doivent exiger la mise en place de moyens spécifiques aux incidents de racisme systémique envers les Noir.e.s, les respecter et en faire le suivi. Ils doivent aussi être tenus d’en faire un rapport aux communautés noires de manière transparente. À ce titre, il est important d’élaborer une approche de collecte de données qualitatives et quantitatives pour mieux comprendre les défis et enjeux y étant sous-jacents; ces défis et ces enjeux ne devraient pas être réduits à une question liée au statut d’immigration d’un individu ni à sa langue maternelle comme des facteurs identitaires principaux.
Enfin, les leaders éducatifs et systémiques de langue française à tous les niveaux doivent avoir recours à des possibilités de formation initiale et continue s’ils souhaitent se former ou former leurs équipes au sujet du racisme et de l’antiracisme. La pédagogie, le leadership culturellement sensible, l’analyse des données fondées sur la race et la remise en question des politiques pédagogiques et disciplinaires du conseil/de la commission ou du Centre de services scolaire concernant les élèves noir.e.s et les pratiques d’embauche liées au personnel noir constituent des domaines incontournables en matière de formation pour tous les employé.e.s. De telles formations exigent que des ressources soient non seulement développées en français, mais aussi que les incidents critiques de racisme systémique anti-Noir.e.s soient fondés sur des exemples recueillis au sein des systèmes d’éducation en langue française.
Bien que certains leaders de l’éducation de langue française soient plus conscients que d’autres des incidents de racisme systémique anti-Noir.e.s concernant leur leadership, de tels incidents critiques persistent par l’entremise de micro-agressions raciales. Ces incidents devraient amener les leaders éducatifs et systémiques de langue française à réévaluer la façon dont ils peuvent mieux établir des relations avec chaque élève, famille, membre du personnel et partenaire communautaire noir.e.s., et à trouver des moyens de déconstruire leur pensée déficitaire et les stéréotypes sous-tendant les microagressions raciales. Un tel processus commence et se poursuit par l’entremise d’une pleine participation et d’un engagement profond à la décolonisation de l’apprentissage professionnel. On doit ensuite mettre en application ces connaissances au sein des communautés scolaires desservant des individus et des groupes noirs afin de créer des espaces d’appartenance plus équitables et inclusifs pour les élèves et le personnel noirs, ainsi que pour d’autres groupes méritant l’équité au sein même de la francophonie minorisée.
Non seulement les élèves noir.e.s et francophones ont besoin du personnel enseignant noir et francophone, mais le reste de la société canadienne en a besoin aussi. L’inclusion s’applique, après tout, à tout un chacun.
La liste de ressources suivante a comme objectif d’outiller les leaders éducatifs et systémiques, tels que les directions d’école, à développer leurs connaissances liées à la lutte contre le racisme systémique anti-noir pour pouvoir ensuite agir concrètement. L’espoir étant de les amener à exercer un leadership transformatif qui est inclusif de la construction sociale de la race.
Il est suggéré de lire les ressources selon l’ordre des thèmes présentés, et selon l’ordre des ressources indiquées.
DONNÉES STATISTIQUES CANADIENNES
Fondation canadienne des relations raciales. (2021). Les relations raciales au Canada 2021. Un sondage canadien sur l’opinion publique fondée sur l’expérience. Rapport final. https:// environicsinstitute.org/docs/default-source/project-documents/race-relations-in-canada-2021/race-relations-in-canada-2021-survey—final-report-fre.pdf?sfvrsn=dae22b9e_2
Statistique Canada. (2019). Diversité de la population noire au Canada… un aperçu. https:// 150.statcan.gc.ca/n1/pub/89-657-x/89-657-x2019002-fra.htm
Statistique Canada. (2022). Mois de l’histoire des Noirs… en chiffres. https://.statcan.gc.ca/fr/dai/smr08/2020/smr08_248-1
Ces données nous apprennent non seulement que les communautés noires parlent plus souvent français à la maison que le reste de la population canadienne, mais aussi que les communautés noires vivent plus souvent du racisme que les autres minorités visibles, toutes langues officielles confondues.
NOIRCITÉ (BLACKNESS)
Ibrahim, A. (2014). The rhizome of Blackness. A critical ethnography of hip-hop culture, language, identity and the politics of becoming. Peter Lang Publishing.
Madibbo, A. (2021). Blackness and la Francophonie. Anti-Black Racism, Linguicism and the Construction and Negotiation of Multiple Minority Identities. Les Presses de l’Université Laval.
Sall, L. (2021). L’Acadie du Nouveau-Brunswick et “ces” immigrants francophones : entre complétude institutionnelle et accueil symbolique. Les Presses de l’Université Laval. Google Scholar
Les trois ressources ci-dessus abordent la noircité, aussi appelée le blackness en Ontario, en Alberta ou en Acadie. Il est possible d’en tirer certains constats communs au sujet des manifestations du racisme anti-noir en milieux francophones minorisés.
MICRO-AGRESSIONS RACIALES
Sue, D. W. Capodilupo, C. M., Torino, G.C., Bucceri, J. M., Holder, A.M.B. Nadal, K. L. & Esquilin, M. (2007). Racial Microaggressions in Everday life. American Psychologist, Mai-Juin. https://gim.uw.edu/sites/gim.uw.edu/files/fdp/Microagressions%20File.pdf
Brown, E. (2019). African American teachers’ experiences with racial micro-aggressions. Educational Studies, 55(2), 180–196. https://doi.org/10.1080/00131946.2018.1500914
Frank, T. J., Powell, M. G., et View, J. L. (2021). Exploring racialized factors to understand why Black mathematics teachers consider leaving the profession. Educational Researcher. doi.org/10.3102/0013189X21994498
Bien que ces trois articles soient écrits en anglais, il s’agit de ressources précieuses concernant le racisme anti-noir, et plus particulièrement, la manifestation de micro-agressions et comment mieux les comprendre. L’analyse de l’article du réseau d’Éducation Canada de Villella (2022) se fonde sur les cadres théoriques de ces articles.
RACISME ANTI-NOIR À L’ÉCOLE DE LANGUE FRANÇAISE
Jean-Pierre, J. (2022). Les composantes de l’espoir critique dans les récits de parents Afro-Canadiens de la Nouvelle-Écosse. Canadian Review of Sociology/Revue canadienne de sociologie, 59(4), 427-562. https://doi.org/10.1111/cars.12409
Villella, M. (2021). Le racisme à l’école franco-ontarienne. Education Journal – Revue de l’éducation (EJRÉ), Faculté d’éducation, Université d’Ottawa. 7(1), 25-34. https://egsa-aede.ca/wp-content/uploads/2022/01/Version-finale_2021-EJRE_October-Number-Website-Version.pdf
Schroeter, S. & James, C. (2015). « We’re here because we’re black » : The schooling experiences of French-speaking African-Canadian students with refugee backgrounds. Race, ethnicity and education, 18(1), 20-39. https://doi.org/10.1080/13613324.2014.885419
Stanley, T. (2018). Décortiquer les racismes et les antiracismes à l’école. Réseau de savoir sur l’équité. https://rsekn.ca/wp-content/uploads/2019/08/D%c3%a9cortiquer-les-racismes-et-les-antiracismes-%c3%a0-l%e2%80%99%c3%a9cole.pdf
Howard, P. S. S. & James, C. E. (2019). When dreams take flight: How teachers imagine and implement an environment that nurtures Blackness at an Africentric school in Toronto, Ontario. Curriculum inquiry, 49(3), 313-337. https://doi.org/10.1080/03626784.2019.1614879
L’article de Jean-Pierre (2022) aborde l’espoir critique des parents noirs en Nouvelle-Écosse. Les articles de Villella (2021), ainsi que de Schroeter et James (2015), décrivent le sujet du racisme anti-noir à l’école de langue en contexte francophone minorisé. Les articles de Stanley et de Howard et James proposent des actions concrètes en matière d’antiracisme.
NOIR·E·S FRANCOPHONES
Jabouin, S. (2018). Trajectoires d’insertion professionnelle des nouveaux enseignants originaires des Caraïbes et d’Afrique subsaharienne (NEOCAS) dans les écoles francophones de l’est de l’Ontario [thèse de doctorat non publiée, Université d’Ottawa]. Recherche Uo. https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/11105
Jean-Pierre, J. (2020). L’appartenance entrecroisée à l’héritage historique et au pluralisme contemporain chez des étudiants franco-ontariens. Minorités linguistiques et société/Linguistic Minorities and Society (13), 3–25. doi.org/10.7202/1070388ar
Pierre-René, M. C. (2019). Hey “GI” An Examination of how Black English Language and Learning High School Students Experience the Intersection of Race and Second Language Education [thèse de doctorat, Université d’Ottawa]. Recherches uO. https://ruor.uottawa.ca/bitstream/10393/39108/1/Pierre_Rene_MarieCarene_2019_thesis.pdf
Ces lectures permettent de mieux comprendre que les identités et les expériences des élèves et des enseignant·e·s noir.e·s ne se limitent pas à une question de statut d’immigration récente, mais concernent le racisme systémique anti-noir.
THÉORIE CRITIQUE DE LA RACE
Bentouhami, H. et Möschel, M. (2017). Critical Race Theory. Une introduction aux grands textes fondateurs. Éditions Dalloz.
Thésée, G. et Carr, P. R. (2016a). Triple whammy and a fragile minority within a fragile majority: School, family and Society, and the Education of Black, Francophone Youth in Montréal. African Canadian youth, postcoloniality, and the symbolic violence of language in a French language high school in Ontario. Dans A.A. Abdi et A. Ibrahim, (dir.), The education of African-Canadian children (pp.131-144). McGill-Queens University Press.
Thésée, G. et Carr, P. R. (2016b). Les mots pour le dire : acculturation ou racialisation? Les théories antiracistes critiques (TARC) dans l’expérience scolaire des jeunes NoirEs du Canada en contextes francophones. Comparative and International Education/Éducation Comparée et internationale, 45(1), article 5. https://ir.lib.uwo.ca/cgi/viewcontent.cgi?article=1376&context=cie-eci
Le premier texte sert à faire comprendre au lectorat les fondements de la théorie critique de la race, ainsi que les grandes décisions juridiques les ayant influencés. Par la suite, le lectorat sera mieux en mesure de comprendre les deux autres articles abordant le sujet.
COLONISATION ET DÉCOLONISATION
Trudel, M. (2004). Deux siècles d’esclavage au Québec. Éditions Hurbutise.
Cooper, M. (2007). La Pendaison d’Angélique. Traduit par André Couture. Les Éditions de L’Homme.
Ba, Amadou. (2019). L’histoire oubliée de la contribution des esclaves et soldats noirs à l’édification du Canada (1604-1945). Éditions Afrikana.
Deltombe, Domergue, M. et Tatsitsa, J. (2016). Kameroun! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique. La Découverte.
Le premier ouvrage permet au lectorat de comprendre que les Blancs francophones avaient des esclaves et que l’Église catholique y a joué un rôle important. Le deuxième renseigne sur la contribution des Noir·e·s à l’édification du Canada depuis plus de 400 ans. Le troisième ouvrage montre l’omniprésence encore à ce jour des effets de la colonisation au sein de la vie de certaines personnes noires venant de l’Afrique et le rôle clé qu’y joue la France.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, janvier 2023
1 Ce texte a été traduit et adapté par l’auteure de l’article de langue anglaise intitulé Critical Incidents in Educational Leadership: An opportunity for professional (un)learning.
2 Alors que l’étude de Brown (2019) portait sur les enseignant·e·s noir.e.s, celle de Frank et coll. (2021) portait spécifiquement sur les enseignant.e.s noir.e.s de mathématiques.
Brown, E. (2019). African American teachers’ experiences with racial micro-aggressions. Educational Studies, 55(2), 180–196. https:// doi.org/10.1080/00131946.2018.1500914
Canadian Broadcast Corporation (29 mai 2021). Ontario principal removed after twice wearing hair of Black student like a wig. https:// cbc.ca/news/canada/london/luc-chartrand-black-student-wig-apology-1.6047068
Ibrahim, A. (2014). The rhizome of Blackness. A critical ethnography of hip-hop culture, language, identity and the politics of becoming. Peter Lang Publishing.
Jean-Pierre, J. (2020). L’appartenance entrecroisée à l’héritage historique et au pluralisme contemporain chez des étudiants franco-ontariens. Minorités linguistiques et société/Linguistic Minorities and Society (13), 3–25. doi.org/10.7202/1070388ar
Frank, T. J., Powell, M. G., et View, J. L. (2021). Exploring racialized factors to understand why Black mathematics teachers consider leaving the profession. Educational Researcher. doi.org/10.3102/0013189X21994498
Madibbo, A. (2021). Blackness and la Francophonie: Anti-Black racism, linguicism and the construction and negotiation of multiple minority identities. Les Presses de l’Université Laval.
Radio-Canada (31 mai 2021). Accusations de racisme : le directeur démis de ses fonctions dit avoir « honte » https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1797641/racisme-chartrand-london-honte-excuses
Rodgers, W. T., Hauserman, C. P, et Skytt, J. (2016). Using cognitive coaching to build school leadership capacity: A case study in Alberta. Canadian Journal of Education/Revue canadienne de l’éducation, 39(3). www.jstor.org/stable/canajeducrevucan.39.3.03
Schroeter, S. & James, C. (2015). «We’re here because we’re black»: The schooling experiences of French-speaking African-Canadian students with refugee backgrounds. Race, ethnicity and education, 18(1), 20–39. doi.org/10.1080/13613324.2014.885419
Sider, S., Maich, K., & Morvan, J. (2017). School principals and students with special education needs: Leading inclusive schools. Canadian Journal of Education, 40(2). http://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/2417
Sue, D. W. Capodilupo, C. M., Torino, G.C., Bucceri, J. M., Holder, A.M.B. Nadal, K. L. et Esquilin, M. (2007). Racial Microaggressions in Everday life. American Psychologist, Mai-Juin. https://gim.uw.edu/sites/gim.uw.edu/files/fdp/Microagressions%20File.pdf
Villella, M. (2021). Piti, piti, zwazo fè niche li (Petit à petit, l’oiseau fait son nid) : le développement d’une compétence interculturelle et antiraciste de neuf leaders éducatifs et systémiques d’expression française de l’Ontario, formateurs bénévoles en Ayiti. Unpublished thesis. University of Ottawa. https://ruor.uottawa.ca/handle/10393/42728
Yamamoto, J. K., Gardiner, M. E., et Tenuto, P. L. (2014). Emotion in leadership: Secondary school administrators’ perceptions of critical incidents. Educational Management Administration & Leadership, 42(2), 165–183.
Au cours des dernières années, l’apprentissage à l’extérieur a gagné en intérêt dans les milieux éducatifs, et ce, pour de multiples raisons. L’apprentissage à l’extérieur peut aider les élèves d’apprendre à apprécier positivement la nature et sa biodiversité dans des milieux de proximité avant de les sensibiliser à la gravité des problématiques environnementales (p. ex. la pollution, la déforestation). Ces lieux familiers représentent des environnements d’apprentissage riches que les enseignants peuvent utiliser pour appliquer le contenu d’apprentissage de manière concrète et donner un sens à ce qui est appris à l’école. On peut par exemple étudier la biodiversité en découvrant les espèces qui nous entourent, se servir des bâtiments pour mettre en pratique des concepts mathématiques ou identifier des problématiques dans sa communauté pour développer un projet.
Afin de bien planifier une activité à l’extérieur, il est essentiel de se fixer une intention pédagogique claire lors de chaque sortie (p. ex., amener les élèves à découvrir la diversité d’arthropodes qui vivent dans les milieux à proximité de l’école).
Pour s’assurer que les élèves savent quoi faire à l’extérieur, il est important de définir des attentes en fournissant des instructions claires, et/ou en modélisant les comportements attendus.
Respecter votre niveau de confort. Il est préférable de se fixer des défis plus courts les premières fois (p. ex., s’en tenir à une petite sortie de 15 minutes) et d’augmenter progressivement les éléments de nouveauté à chaque sortie.
Afin de maximiser l’impact des activités à l’extérieur, il est recommandé qu’elles soient intégrées de manière complémentaire avec les activités qui se déroulent à l’intérieur (p. ex., préparer un outil d’observation pour découvrir la diversité d’arthropodes et comparer les observations des élèves lors du retour en classe).
Bien que l’adoption de nouvelles pratiques éducatives demande une période d’adaptation, faites confiance à votre expérience, à votre capacité d’adaptation et à votre envie d’enseigner hors les murs.
Si l’enseignement à l’extérieur permet aux élèves de réaliser des apprentissages de manière différente, plusieurs autres bénéfices encouragent une telle pratique. Lorsque les environnements extérieurs naturels sont intégrés à l’enseignement et à l’apprentissage, cela peut favoriser le développement cognitif, social et physique des élèves. En particulier, la recherche montre que l’éducation en plein air diminue les comportements sédentaires et encourage les élèves à être plus actifs physiquement, améliore leur attention et motivation et réduit les niveaux de stress.
Éco-anxiété, sentiment d’impuissance, pessimisme face à l’avenir, individualisme… Alors que l’humanité traverse de sombres tempêtes, plusieurs s’inquiètent du moral des jeunes et doutent de leurs capacités à exercer leur pouvoir citoyen. Oxfam-Québec rencontre des milliers de jeunes chaque année et constate plutôt que leurs actions citoyennes se déploient sur les fronts de la justice climatique, économique et de genre, avec espoir et ingéniosité.
Depuis plus de quarante-cinq ans, notre organisation est présente dans le milieu scolaire pour encourager l’engagement citoyen jeunesse afin de construire un monde juste et durable. Une prémisse : les jeunes possèdent un pouvoir citoyen et il est indispensable de les traiter à la hauteur de ce qu’ils sont – des agents de changement – et de ce qu’ils font – poser des gestes de solidarité pour combattre les inégalités.
Aujourd’hui, pour définir les actions éducatives d’Oxfam-Québec, on parle d’éducation à la citoyenneté mondiale, une démarche éducative qui accompagne les jeunes dans leur cheminement comme citoyennes et citoyens du monde, responsables et solidaires. Ce continuum pédagogique vise à informer les jeunes, à les mobiliser, à leur permettre d’influencer les lieux de pouvoir et à valoriser leurs actions. Les jeunes s’insèrent dans cette démarche par des ateliers offerts dans leur classe : par le biais de la Marche Monde grâce à laquelle plusieurs expérimentent leur première expérience d’action collective; en s’investissant dans des projets de longue haleine comme des collectes de fonds pour appuyer des projets de développement durable; ou encore en participant à des actions d’influence proposées dans le cadre de campagnes de mobilisation.
Toutes ces activités répondent à des éléments du Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ), tant au niveau de sa mission, des domaines généraux de formation, des compétences à développer que de la progression des apprentissages. Oxfam est même citée comme repère culturel dans le cursus scolaire, soit dans le thème de la disparité de la richesse du cours Monde contemporain de 5e secondaire. Dans tous les cas, nous indiquons clairement dans ses ressources à quels éléments du Programme celles-ci répondent. Beaucoup d’enseignantes et d’enseignants, mais aussi de personnels non-enseignants dont les animatrices et animateurs de vie spirituelle et communautaire, utilisent ces ressources en classe ou en parascolaire. Compte tenu de leurs mandats prenants et des horaires chargés, les membres du personnel scolaire apprécient l’appui de notre équipe qui leur propose des séquences pédagogiques qui répondent à leurs besoins. Pour utiliser ces ressources, tous les renseignements se trouvent sur le site d’Oxfam-Québec, sous la rubrique « Ressources pour les milieux scolaires ».
L’éducation que nous proposons est transformatrice et émancipatrice. Elle permet en particulier aux jeunes filles ainsi qu’aux jeunes issus de minorités d’avoir une voix et d’être entendues dans leur lutte contre les injustices. C’est avec des jeunes mobilisés qui exercent leur citoyenneté mondiale, capables de résoudre des problèmes et solidaires de leurs pairs aux quatre coins du globe qu’un monde juste et sans pauvreté se construit.
En accord avec les orientations de l’UNESCO, la confédération Oxfam considère que les Objectifs de développement durable (ODD) établis par les Nations Unies sont les priorités à mettre au cœur de l’éducation à la citoyenneté mondiale. Dans les paragraphes qui suivent, quatre séquences pédagogiques sont présentées, répondant chacune à un ODD. Ces activités ont été adaptées afin de rester accessibles en temps de pandémie, notamment grâce aux outils de communications en ligne et aux ressources interactives numériques.
L’égalité des sexes et l’autonomisation de toutes les femmes et les filles, l’ODD numéro 5, est au cœur de notre action : construire un monde juste est impossible si la moitié de l’humanité ne peut s’épanouir dans le respect de ses droits.
Prenons par exemple la campagne « Les tâches ménagères et le travail de soin. Ça compte! » qui dans un premier temps informe les jeunes de l’inégale répartition du travail ménager entre les sexes, notamment grâce au rapport intitulé Celles qui comptent. Un atelier gratuit, « Libres de choisir », amène les élèves du secondaire à prendre connaissance des droits sexuels – qui émanent des droits humains – et à réfléchir aux impacts du non-respect de ces droits, en tenant compte du contexte social et culturel. Le nom de cet atelier, impliquant la question de la liberté de choix, n’est pas anodin : les inégalités de choix vécues par des adolescentes partout dans le monde ont des conséquences importantes sur leurs parcours de vie. Au Québec aussi, les jeunes doivent faire des choix au regard de leurs droits sexuels. Les jeunes ainsi sensibilisés par cet atelier sont invités à appuyer un projet entrepris en République démocratique du Congo, intitulé Mères et enfants en santé qui vise à améliorer la santé des femmes des adolescentes et des jeunes enfants. Pour les jeunes plus âgés, tout un parcours de mobilisation est prévu, intitulé C’est pour elles aussi, renforçant leurs capacités à mobiliser à leur tour leur entourage et à diffuser des messages positifs par le biais d’actions concertées, de plans d’action numériques et par la rencontre de personnes élues.
« Ma participation à la formation d’Oxfam-Québec « C’est pour elles aussi » m’a permis de comprendre que ma voix est valide et que j’ai le droit de la faire entendre. Les réseaux sociaux sont des alliés de taille pour sensibiliser la population et faire évoluer les discours. […] L’équipe a su me transmettre les notions théoriques entourant le cyberactivisme et me donner le courage nécessaire pour utiliser ma voix! Cela m’a même permis de démarrer mon propre projet de plateforme ressources-inspirations sur Instagram (@lesensduchaos) en réponse à la détresse psychologique générée par le confinement.
Laurence C. Germain, participante au projet « C’est pour elles aussi » d’Oxfam-Québec
L’urgence de prendre des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions, l’ODD numéro 13, occupe une place importante dans le travail d’éducation d’Oxfam. Cet enjeu recoupe toutes les questions d’inégalités dans le monde : inégalités historiques, socioéconomiques, et inégalités de genre.
La campagne dédiée à ce sujet s’intitule « Climat de justice ». Tout comme le contenu de l’atelier gratuit offert aux jeunes de 12 à 30 ans, la campagne souligne les injustices liées à la crise climatique, comme l’impact démesuré de cette dernière sur les populations les moins responsables des émissions de carbone. Parce que l’indignation peut être un moteur d’action, les jeunes impliqués pourront ensuite participer à la 50e Marche Monde sur la justice climatique. Cette Marche constitue le point culminant d’une année d’actions, et pour valoriser celles-ci, l’équipe d’Oxfam-Québec lance aux jeunes qui s’y préparent plusieurs défis, qui vont de la réalisation d’un clip vidéo à des prises de parole dans les médias. Les jeunes peuvent aussi dès la rentrée scolaire organiser une action symbolique et solidaire nommée « Debout pour le climat » dans leur établissement afin de signifier aux décideuses et décideurs leur engagement en faveur de la justice climatique.
« À toutes celles et ceux qui disent qu’on ne peut pas accomplir quoi que ce soit, regardez-nous, 6 000 jeunes qui marchent pour le monde! Moi, ça me rend vraiment fière de voir ça! Une place pour nous dans le fond ça veut dire que peu importe notre âge, notre genre, notre couleur, ou notre religion on a le droit à nos voix. »
Estelle Lafrance, 17 ans, membre du Siège jeunesse Oxfam-Québec, participante et porte-parole de la Marche Monde
Bien entendu, le premier ODD, Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes et partout dans le monde, sous-tend tous les autres. Il importe de parler d’économie avec les jeunes et de déconstruire les dogmes qui font obstruction à une réelle compréhension des solutions envisageables pour que tout le monde puisse vivre dignement sur cette planète.
Dans ce cadre, un atelier gratuit est offert aux jeunes sur un nouveau modèle économique créé par Oxfam. « L’économie du beigne »tourne le dos à l’obsession de la croissance infinie à tout prix pour proposer que l’économie cible le bien-être de toutes et de tous – en tenant compte d’une série d’indicateurs sociaux à respecter et des limites terrestres à ne pas dépasser. Ce nouveau modèle est déjà appliqué par plusieurs villes à travers le monde : Bruxelles (Belgique), Amsterdam (Hollande), mais aussi Nanaimo au Canada. Cet atelier fait partie de la campagne « Taxer la richesse : aplanir les inégalités ». Les jeunes sont invités à signer la pétition qui interpelle directement le gouvernement canadien afin de rebâtir une économie juste qui s’attaque aux inégalités. En prévision des élections municipales à venir, les jeunes pourront interpeller les candidats sur leur intérêt éventuel à appliquer le modèle du beigne à l’économie de leur ville. Une belle manière de s’initier à la vie politique!
Le modèle économique du beigne renvoie à l’ODD numéro 8 : Promouvoir une croissance économique soutenue, partagée et durable, le plein emploi productif et un travail décent pour tous.
Un projet novateur d’Oxfam-Québec permet depuis près de 15 ans de transmettre aux plus jeunes les valeurs d’innovation, de créativité et de durabilité prônées par le Conseil des ministres de l’Éducation au Canada (CMEC) : il s’agit de Magasin du Monde. L’idée est d’implanter dans les établissements d’enseignement des entreprises d’économie sociale vouées au commerce équitable. Les jeunes qui intègrent le Magasin siègent sur un conseil d’administration et se partagent les tâches : études de marché, gestion d’inventaire et des ventes, actions d’éducation dans le milieu, communications internes et externes… Il ne s’agit pas de ventes ordinaires, puisque les produits vendus sont issus du commerce équitable, et qu’une part des profits servira à soutenir un projet de développement durable. Dans certains cas, c’est toute la communauté locale qui prend part au projet et évolue grâce à celui-ci, les marchés agricoles et les agences de tourisme locales s’impliquant aussi dans la promotion de ces Magasins hors norme.
« Le travail que nous avons accompli au sein du comité Mont-Saint-Hilaire Ville équitable alimente mon envie d’influencer le monde dans lequel je vis. Il est la preuve que lorsqu’on y travaille, tout est possible! »
Émile Chapdelaine, membre fondateur du Magasin du Monde à l’école Ozias-Leduc, membre de l’Observatoire jeunesse d’Oxfam-Québec et membre du comité ayant permis à la ville Saint-Hilaire d’obtenir la désignation de ville « Équitable ».
Les recherches et les évaluations portant sur la participation à ces activités dites parfois « d’engagement civique » révèlent de nombreux bénéfices pour les jeunes eux-mêmes. Les jeunes interrogés ont une meilleure estime d’eux-mêmes et un plus grand sens des responsabilités. On remarque chez eux une augmentation d’attitudes sociales positives et une diminution des conduites à risque. Ceci s’explique notamment par un plus grand sentiment d’appartenance à leur école et par une amélioration des résultats scolaires.
Une évaluation externe d’impact (Sogemap), réalisée l’an passé, a confirmé cet effet positif de l’engagement citoyen de la jeunesse. Le document affirme ainsi que la programmation en éducation à la citoyenneté mondiale d’Oxfam-Québec permet de développer chez les jeunes une prise de conscience des problèmes mondiaux, mais aussi un esprit ouvert et engagé, ainsi qu’une plus grande capacité à défendre des arguments. Sans surprise, les jeunes ayant participé à ces activités maintiennent un engagement citoyen à l’âge adulte.
À la lecture de ces éléments, on comprend combien l’exercice de la citoyenneté par les jeunes est indispensable pour soutenir la vie démocratique et l’atteinte des Objectifs de développement durable. En 2017, le Fonds des Nations unies pour la population soutenait déjà que sans des mesures courageuses visant à permettre aux 60 millions de filles du monde entier de mener une vie digne, on ne réussirait pas à atteindre les ODD. En cette période de pandémie, les jeunes traversent avec le reste du monde des crises sans précédent qui menacent directement leur présent et leur futur. Donner à la jeunesse des moyens concrets de surmonter cette épreuve et la soutenir dans la création d’une société plus durable et inclusive en collaboration avec le monde enseignant, c’est le pari que fait Oxfam-Québec.
Ressources pour l’ODD 5 :
Ressources pour l’ODD 13 :
Ressources pour l’ODD 1 :
Ressources pour l’ODD 8 :
Photos : La Boîte 7
Lisez les autres articles de ce numéro
Caron, C., La citoyenneté des adolescents du 21e siècle dans une perspective de justice sociale : pourquoi et comment ?, mai 2018. https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2018-n80-lsp03532/1044109ar/
Gingras et al., Étude sur les obstacles à la mise en place d’activités d’engagement civique en milieu scolaire au Québec, automne 2018. https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/3177
Philippe, F. Projet de recherche Réussir : 15 constats révélateurs sur l’impact des activités d’engagement civique chez les jeunes de niveau secondaire au Québec, décembre 2019. https://www.elaborer.org/pdf/R3.pdf
Fonds des Nations unies : état mondial de la population 2017
https://www.unfpa.org/fr/swop-2017
Le 1er janvier 2016 entraient en vigueur 17 objectifs de développement durable, aussi connus sous l’acronyme ODD – à la suite du sommet historique des Nations Unies tenu en septembre 2015, au cours duquel 193 gouvernements des quatre coins de la planète se sont entendus pour mettre en œuvre les ODD dans leur propre pays afin de concrétiser le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Dans le cadre de ces objectifs, les pays doivent déployer des efforts pour éradiquer toutes les formes de pauvreté, combattre les inégalités, s’attaquer aux changements climatiques, et ce, tout en veillant à ne laisser personne de côté. Pour atteindre ce défi d’envergure mondiale, tout le monde doit mettre l’épaule à la roue ici et dans le monde entier. Nous savons que ces objectifs mettent en lumière des enjeux qui touchent nos élèves, nos communautés et le monde entier; ils représentent de puissants vecteurs de mobilisation des élèves en classe sur les enjeux mondiaux.
La citoyenneté mondiale, selon laquelle les gestes que nous posons ici peuvent se répercuter partout dans le monde, est une leçon incontournable pour nos élèves. Sensibiliser les jeunes aux enjeux mondiaux et surtout les inciter à prendre action localement peut donner naissance à des projets emballants et éveiller leur conscience mondiale. Les élèves qui saisissent l’interconnexion « locale-mondiale » développent leur compréhension des enjeux planétaires et leur empathie pour le monde qui les entoure, tout en découvrant le pouvoir de l’action.
Le Conseil manitobain pour la coopération internationale (MCIC) a une longue expérience de la mobilisation étudiante. Il met sur pieds des ateliers en classe et des conférences étudiantes axés sur les enjeux mondiaux et la motivation à passer à l’action. Si vous cherchez des idées sur la façon d’enseigner les ODD à vos élèves, nous avons élaboré Fondations durables : Un Guide d’enseignement des objectifs de développement durable, une ressource offerte en anglais et en français pour les éducateurs qui comprend des fiches pédagogiques et des mesures requises pour chacun des ODD. Le guide contient des fiches pédagogiques pour les classes de la 2e à la 12e année, mais s’attarde plus particulièrement aux élèves à partir de la 5e année, dont le programme d’études s’intéresse davantage aux enjeux mondiaux.
Utilisant une approche de questionnement, chaque chapitre propose une vue d’ensemble d’un ODD, des objectifs d’apprentissage, un résumé des grandes cibles internationales et les façons de déterminer si on est sur la bonne voie pour atteindre les objectifs. Chaque chapitre soulève des questions en lien avec le curriculum, qui permettent d’approfondir de grandes questions, telles : Comment cela a-t-il commencé? Pourquoi ce problème est-il important? Qui et qu’est-ce qui est affecté? et enfin, Qu’est-ce qui se fait?
Le guide met en lumière l’interconnexion entre les objectifs, en prenant soin, par exemple, de souligner qu’on ne peut atteindre l’Objectif 1 : Pas de pauvreté, sans aussi réduire les inégalités (Objectif 10), garantir un travail décent et la croissance économique (Objectif 8), protéger la vie terrestre (Objectif 15) et bien d’autres. Comme les objectifs sont interreliés à plusieurs égards, les élèves constateront rapidement que l’atteinte d’un objectif est liée à un autre.
Chaque chapitre souligne également les conséquences de l’inaction, ce qui pourrait survenir si rien n’est fait pour concrétiser cet objectif. On y trouve d’ailleurs des questions de réflexion, des citations inspirantes, et bien plus encore. Les éducateurs apprécieront également les ressources proposées, les idées pour passer à l’action, les fiches pédagogiques, les activités et les vidéos éducatives à utiliser en classe.
Comment pouvez-vous, par exemple, aborder l’Objectif 1 : Pas de pauvreté avec vos élèves? Si vous enseignez à des élèves de la 5e à la 8e année, envisagez la leçon Réflexion sur les inégalités dans le monde tirée du site La plus grande leçon du monde et illustrée dans le guide. Cette leçon porte sur les différents types d’inégalités et aide les élèves à examiner les répercussions des inégalités sur la société et l’économie en général. Vous commencerez par remettre aux élèves une quantité inégale d’un objet (bonbons, autocollants, etc.), puis engagerez la discussion autour des thèmes de l’équité et de l’égalité.
Le MCIC a aussi créé des leçons à utiliser en classe qu’il est possible de télécharger de son site Web à mcic.ca. Les élèves de la 5e année et plus, par exemple, trouveront utile la leçon Bâtir une bonne vie. Ils y apprennent à classer par ordre décroissant d’importance les articles essentiels pour mener une bonne vie. Cette leçon lance une discussion sur la pauvreté et sur ce qu’on entend par une bonne qualité de vie. Les élèves exploreront la pauvreté comme un « manque de possibilités » plutôt qu’un « manque de besoins fondamentaux ». Définir la pauvreté de cette façon permet aux élèves d’apprécier la complexité de la question et privilégie l’empathie au lieu du jugement.
Répartis en équipes, les élèves déterminent les éléments (dont l’accès à la nourriture, à la télé, à un téléphone cellulaire, à un toit, à des jouets, aux soins de santé, etc.) les plus et les moins importants pour se bâtir une bonne vie. Vous pouvez donner aux élèves des étiquettes qu’ils placeront sur les blocs pour construire des structures. Vous pouvez aussi imprimer une liste d’éléments et découper chacun en carré pour que les élèves puissent les classer par ordre d’importance sur leur pupitre ou à la maison.
Cette leçon a aussi eu beaucoup de succès auprès des élèves du secondaire. Nous recommandons d’ailleurs de leur accorder plus de temps pour discuter des opinions divergentes et répondre aux questions de débreffage. De bonnes discussions peuvent être engagées à n’importe quel âge, selon la perspective des élèves sur les éléments de la liste. L’exercice comporte plusieurs questions incitatives ou de discussion; vous pouvez par exemple demander si tout le monde a besoin des mêmes choses pour bien vivre et utiliser cette question pour élargir la conversation et intégrer des perspectives mondiales. Avons-nous besoin des mêmes choses dans tous les pays? Servez-vous des réponses des élèves et des différences dans leurs listes d’éléments essentiels pour orienter la conversation sur les besoins fondamentaux et le manque de possibilités dans le monde.
Une autre leçon du MCIC, intitulée Briser le cycle, fait appel à des perspectives plus globales et s’adresse aux élèves de la 5e à la 8e année. Les élèves y apprennent que la pauvreté ne découle pas uniquement de choix personnels, qu’elle est aussi tributaire des systèmes sociétaux. Les élèves, divisés en petits groupes, visitent quatre stations installées dans la classe et prennent des décisions concernant la santé et l’environnement d’après des situations issues du monde entier. Ils doivent décider comment utiliser leurs ressources pour assurer leur survie. Abordant les thèmes de la pauvreté et du cycle de la pauvreté, les barrières associées à la pauvreté et le manque d’accès aux soins de santé et à l’éducation, cette leçon sensibilise les élèves aux difficultés de certaines personnes et amorce une discussion sur les inégalités dans le monde.
S’ouvrir aux enjeux mondiaux est un bon point de départ, mais c’est dans l’action que naît la passion et que l’on constate les véritables effets de nos gestes. Les élèves qui entreprennent d’apporter des changements dans leur communauté deviennent des citoyens du monde engagés et réalisent à quel point leurs gestes peuvent changer la donne.
Pour encourager les jeunes à passer à l’action, servez-vous des Questions de réflexion et d’action indiquées dans chaque chapitre ou encore des idées proposées en introduction au début du guide. Les élèves pourraient, par exemple, être encouragés à soutenir un organisme local en menant une campagne de financement ou encore en écrivant à leurs élus municipaux à propos des enjeux qui leur tiennent à cœur. Explorez des sites comme dosomething.org pour choisir un enjeu d’importance pour vos élèves et leur permettre de trouver des moyens de s’impliquer pour faire changer les choses. Vous pouvez aussi consulter le blogue du MCIC et prendre note des gestes que certains ont posés ou encore entrer en contact avec un organisme de coopération internationale qui œuvre à l’étranger. Vous trouverez des exemples de ces organismes et de leurs activités dans la section Études de cas de chacun des chapitres du guide. Vous pouvez aussi communiquer avec le MCIC ou un autre conseil de coopération internationale dans votre région.
Nous organisons des conférences étudiantes au cours desquelles nous partageons des ressources pédagogiques et encourageons les éducateurs à nous faire part des actions de leurs élèves concernant les enjeux qui touchent la planète. D’ailleurs, au cours d’une conférence sur les ODD tenue dans une région rurale du Manitoba, nous avons eu connaissance d’un projet emballant qu’une école avait mis en œuvre dans sa localité.
Avec l’aide de leurs enseignants, des jeunes de 13 à 15 ans ont créé la « semaine des ODD » au cours de laquelle ils abordaient chaque jour un objectif différent avec leurs camarades. Par exemple, pour la journée consacrée à l’objectif 2 : Faim « zéro », ils ont fait cuire des muffins et les ont distribués à toute l’école. Ils ont organisé des assemblées, fait circuler de l’information, invité le MCIC à animer des ateliers et créé des affiches. Un jour, ils ont planté des arbres fruitiers sur le terrain de l’école dans le but d’atteindre plusieurs objectifs (faim zéro, changement climatique, vie terrestre et bien plus). Les projets étant différents chaque jour, il était intéressant pour les élèves de partager avec leurs camarades ce qu’ils avaient appris en classe et ce qu’ils faisaient pour s’attaquer à chaque objectif. De notre côté, nous avons pu constater leurs acquis sur les ODD et leur façon de passer à l’action tout en échangeant avec leurs camarades.
EN TANT QU’ÉDUCATEURS, vous savez que vous avez le pouvoir de transformer la compréhension du monde qu’ont vos élèves. Vous leur enseignez déjà le caractère universel des ODD et des enjeux auxquels nous faisons tous face. Nous vous encourageons à leur montrer comment devenir de bons citoyens qui posent des gestes pour rendre le monde meilleur. Les élèves qui comprennent qu’ils ont le pouvoir de réduire les inégalités dans le monde et de créer un avenir plus durable sont capables de transposer leur savoir en gestes concrets, afin que le monde devienne plus équitable pour tous.
Cet article est traduit de la version originale anglaise. Certaines ressources sont également disponibles en français; veuillez consulter les sites Web.
Le MCIC offre de nombreuses ressources pédagogiques gratuites que vous trouverez sur le site mcic.ca :
Visitez également le site La plus grande leçon du monde, dans lequel vous trouverez des plans de leçon et d’autres ressources pédagogiques que vous pouvez consulter par type de ressource, groupe d’âge et durée.
Photos : gracieuseté de MCIC
Les changements globaux ainsi que la perte de biodiversité représentent d’importants défis contemporains. C’est en ce sens que le 15e objectif de développement durable fixé par l’Organisation des Nations Unies en 2015 pour l’horizon 2030 vise à :
« préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité. »
Dans son rapport de 2020, l’Organisation des Nations Unies (p. 55) constate que « malgré quelques progrès, le monde n’atteindra pas les cibles de 2020 pour stopper la perte de biodiversité. »
Afin de faire connaitre les enjeux d’importance pour l’humanité, les programmes d’études introduisent généralement ces thématiques auprès des élèves du primaire et du secondaire. On leur présente en bas âge les grandes problématiques mondiales (p. ex. pollution, déforestation, extinction) ainsi que leurs conséquences sur les êtres vivants de la planète. Mais l’école ne devrait-elle pas d’abord permettre aux jeunes de découvrir les êtres vivants qui habitent et partagent les écosystèmes qu’ils fréquentent?
Les espaces extérieurs à proximité des écoles représentent de riches environnements d’apprentissage, car la vie y est toujours présente, en ville comme en milieu rural. Chaque milieu est habité par une diversité d’arthropodes, de végétaux, d’oiseaux ou de petits mammifères.
Ces milieux permettent aux enfants dès leur plus jeune âge de développer des qualités scientifiques comme la curiosité, l’observation et l’expérimentation (Ayotte-Beaudet, 2020a). On peut par exemple vouloir en apprendre davantage sur les plantes que plusieurs qualifient souvent de mauvaises herbes. Sur un trottoir près de l’école, on peut demander aux élèves d’entourer à la craie des herbes qui poussent spontanément et ajouter leur nom à côté afin de renseigner les passants (www.sciencesdehors.com).
Les lieux de proximité hors du terrain de l’école permettent aussi de comprendre les phénomènes naturels là où ils se produisent (Ayotte-Beaudet, 2020b). Les élèves peuvent adopter un arbre afin d’en faire des observations systématiques tout au long de l’année scolaire. Les jeunes peuvent alors établir les mécanismes d’adaptation et de survie de leur arbre tout en découvrant la variété d’organismes vivants qui entrent en interaction avec cet arbre (p. ex., le lichen et les oiseaux). Ce type de suivi permet de développer un sentiment d’appartenance à l’égard de l’arbre étudié.
À l’extérieur, les élèves peuvent également mener des activités de terrain à la manière des scientifiques. La participation à des projets de sciences citoyennes représente une occasion pour les milieux de l’éducation, car ces projets offrent un cadre d’observation déjà défini ainsi que des connaissances sur certaines espèces locales (Secours et coll., 2020). On peut penser au programme d’observation des oiseaux d’eBird ou aux programmes de surveillances des écosystèmes d’AttentionNature.
Les résultats d’une récente recherche devraient nous faire réfléchir sur la manière d’enseigner la biodiversité à l’école. L’étude en question avait pour objectif de mieux comprendre l’impact d’un enseignement contextualisé dans un écosystème à proximité de l’école, soit l’apprentissage des relations entre les espèces (Ayotte-Beaudet et coll., à paraitre). Les participants, des élèves du primaire (10-12 ans), devaient prendre part à un projet de sciences citoyennes développé pour les milieux scolaires (www.chenilles-espionnes.com) visant à mieux comprendre les effets des changements globaux sur les écosystèmes urbains. Lors des interventions pédagogiques, les concepteurs de la recherche avaient décidé de parler positivement de la nature, sans jamais évoquer de problèmes environnementaux. Or, durant les entretiens qui ont eu lieu à la fin du projet, plusieurs jeunes ont manifesté le désir de protéger les êtres vivants sans que la question ait été explicitement abordée. Autrement dit, avoir découvert la nature in situ et n’en avoir parlé que positivement a suffi pour sensibiliser les jeunes aux êtres vivants qui les entourent.
Si vous n’avez pas l’habitude d’animer des cours sur la biodiversité à l’extérieur, la première chose à faire est probablement de réfléchir à vos motivations et de vous fixer une intention pédagogique claire pour la première sortie. Cela vous permettra d’orienter la planification de vos activités d’enseignement et d’apprentissage et de convaincre les parents et la direction du bien-fondé de votre démarche.
Les premières fois, il est préférable de sortir pour une courte période afin que vos élèves et vous puissiez vous familiariser avec ce nouvel environnement pédagogique (www.sciencesdehors.com). La recherche nous apprend également qu’il est important de bien préparer les jeunes à leurs sorties, de les mettre en action et de leur donner la possibilité de faire des choix (Ayotte-Beaudet et Potvin, 2020; Ayotte-Beaudet, Potvin et Riopel, 2019). Surtout, misez sur la curiosité des jeunes et faites-leur confiance. Et, si vous êtes une direction d’établissement, faites à votre tour confiance à votre personnel enseignant et laissez-lui la chance d’expérimenter!
Alors que les programmes d’études de niveau primaire mettent souvent l’accent sur la gravité des problèmes environnementaux, chaque personne actrice de l’éducation a le devoir de réfléchir aux meilleurs moyens de sensibiliser les enfants à la biodiversité. À partir de quel âge pouvons-nous en toute conscience faire véritablement porter aux jeunes générations le poids des problèmes dont elles héritent? Avant de leur demander de préserver et de restaurer les écosystèmes terrestres, nous avons à mon avis le devoir de leur apprendre à apprécier la diversité de la vie dans les écosystèmes qui les entourent.
Photos, gracieuseté de Jean-Philipe Ayotte-Beaudet
Lisez les autres articles de ce numéro
Ayotte-Beaudet, J.-P. (2020a). Éveiller aux sciences de la nature à ciel ouvert. Revue préscolaire, 58(4), 36-38. http://aepqkiosk.milibris.com/reader/9d1311ef-ccbb-4df1-af16-ebc7f44582ae?origin=%2Frevue-prescolaire%2Frevue-prescolaire%2Fn584-2020
Ayotte-Beaudet, J.-P. (2020b). Regarder dehors pour apprendre et enseigner les sciences. Vivre le primaire, 33(3), 38-40. https://aqep.org/wp-content/uploads/2020/09/D-Regarder-dehors-pour-apprendre.pdf?fbclid=IwAR248QqdERwurwv755FVeGYMItC61bYxQ9GOjs4hbwxSiUN_-fT45NxlV8k
Ayotte-Beaudet, J.-P., Chastenay, P., Beaudry, M.-C., L’Heureux, K., Giamellaro, M., Smith, J., Desjarlais, E. et Paquette, A. (2021, à paraitre). Exploring the impacts of contextualised outdoor science education on learning: The case of primary school students learning about ecosystem relationships. Journal of Biological Education.
Ayotte-Beaudet, J.-P. et Potvin, P. (2020). Factors related to students’ perception of learning during outdoor science lessons in schools’ immediate surroundings. International Journal of Environmental and Science Education, 16(2), 1-13. https://doi.org/10.29333/ijese/7815
Ayotte-Beaudet, J.-P., Potvin, P. et Riopel, M. (2019). Factors related to middle-school students’ situational interest in science in outdoor lessons in their schools’ immediate surroundings. International Journal of Environmental & Science Education, 14(1), 13-32. http://www.ijese.net/makale/2100.html
Chenilles-espionnes (https://www.chenilles-espionnes.com) est un site Web dédié à un projet de sciences citoyennes développé par un partenariat entre Les Clubs 4-H du Québec, l’Université du Québec à Montréal et l’Université de Sherbrooke.
Des sciences dehors (https://www.sciencesdehors.com) est un site Web québécois de partage développé par et pour les personnes qui sont intéressées et passionnées par l’apprentissage et l’enseignement des sciences de la nature.
Organisation des Nations Unies. (2020). Rapport sur les objectifs de développement durable 2020. ONU. https://unstats.un.org/sdgs/report/2020/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2020_French.pdf
Secours, É., Paquette, A., Ayotte-Beaudet, J.-P., Gignac, A. et Castagneyrol, B. (2020). Chenilles-espionnes, un projet de sciences citoyennes pour sensibiliser les jeunes à la biodiversité. Spectre, 50(1), 27-31. https://fr.calameo.com/aestq/read/00518148392339471f721
Permettez-moi de vous présenter les objectifs de développement durable, aussi connus sous le nom d’objectifs pour transformer notre monde. Ces 17 objectifs ont un but commun : créer un monde meilleur où la paix régnera. Nous devons atteindre ces objectifs d’ici 2030, notamment connus sous le nom de Vision 2030. Et nous devons agir MAINTENANT. En cessant de gaspiller de la nourriture, de l’eau et de l’électricité, nous aiderons à sauver la planète. Si les gens sont traités équitablement et se respectent les uns les autres, ces petits efforts auront un impact massif.
En tant qu’étudiant, militant et travailleur communautaire, les droits de la personne et l’autonomisation des filles sont les questions qui m’importent le plus. J’ai entendu parler des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies pour la première fois en 2016. J’avais 13 ans et j’étais en 9e année. J’avais alors participé à une exposition consacrée uniquement au thème des ODD à I’Ahlcon International, l’école que je fréquentais en Inde.
Inspiré par le message véhiculé lors de cette exposition, j’ai créé de courtes vidéos sur YouTube qui traitaient de chacun des 17 objectifs de développement durable et de divers enjeux sociaux comme l’éducation des filles, l’intimidation, les changements climatiques, etc. J’ai aussi animé des talk-shows, organisé des campagnes et animé des séances sur Skype avec des élèves de divers pays afin de les motiver à agir à l’échelle locale et mondiale.
En 2016, j’ai aussi mis sur pied une communauté sur Twitter – @SDGsForChildren – afin d’offrir aux enfants de partout dans le monde une plateforme unique sur laquelle ils pourraient se connecter, créer et collaborer pour un monde meilleur et plus durable. Depuis, cette communauté a poussé à l’action des millions d’enfants et de jeunes. Elle a aussi été une source d’inspiration pour de nombreux enseignants qui ont amorcé un parcours éducatif avec les ODD dans leur classe. SDGs For Children est maintenant constitué en société en vertu de la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif afin de soutenir le Programme 2030 à l’échelle mondiale (www.sdgsforchildren.org). Nombre d’écoles et d’enfants dans le monde font maintenant partie de cette communauté et s’engagent à fond pour sensibiliser leur entourage aux droits fondamentaux de la personne et aux objectifs de développement durable.
Mon expérience dans l’organisation des collaborations, en Inde comme ici au Canada, a transformé ma vie. Mais vous savez, je ne suis pas différent des autres. Il existe des centaines d’organismes dirigés par des jeunes qui travaillent à la lutte contre les changements climatiques et ceux qui dirigent de telles initiatives sont tous des militants exemplaires. Des regroupements comme Zero Hours, Sun Rise Movements, Fridays for Future ou School Strikes for Climate ne sont que quelques exemples parmi les nombreux organismes qui transmettent nos préoccupations aux dirigeants du monde entier. Nous, les jeunes qui voulons changer le monde, nous faisons du bruit et nous voulons que le débat s’oriente autrement. Nous n’avons pas peur d’exprimer nos émotions quand nous rédigeons des dissertations ou que nous organisons des marches ou des grèves, que nous prenons part à des entrevues ou même lorsque nous nous exprimons dans des tribunes comme celle-ci. Il est quasi impossible d’ignorer nos voix vibrantes. Les médias sociaux nous ont permis d’être exposés à ce qui se passe dans le monde. J’ai tellement appris grâce à ces plateformes numériques! Instagram est peut-être un outil pour partager des égoportraits ou de belles recettes pour de nombreux adultes, et bien des gens considèrent que Facebook est une appli pour les parents, mais beaucoup de jeunes de mon âge ont des expériences différentes avec Instagram, Twitter ou Facebook. Il existe des milliers de comptes où l’on s’emploie à sensibiliser et à diffuser des connaissances sur les ODD. Et au fur et à mesure que les jeunes activistes gagnent en popularité, il est de plus en plus facile pour eux de partager de l’information.
Le service communautaire a vraiment aiguisé ma sensibilité aux attentes des autres et m’a complètement transformé. Je crois que le succès ne tient pas uniquement au fait de gagner, mais aussi à celui de rallier les gens autour de soi et de marquer une victoire collective. Le programme de développement durable, ce n’est pas mon affaire à moi ou la vôtre seulement. Ce sont des problèmes mondiaux, et tout le monde doit y mettre du sien pour que l’on atteigne les 17 objectifs.
Le programme de développement durable à l’horizon 2030 offre une chance unique dans l’Histoire, pour le Canada et pour le monde de modeler de manière positive la façon dont les économies de demain évolueront et prospéreront de manière durable et inclusive pour le bien commun. Nous avons la chance de créer une société plus résiliente en ne laissant personne derrière.
Partout au Canada, certaines écoles se positionnent comme chefs de file du soutien au développement durable. Certains établissements universitaires organisent des activités et réalisent des études qui permettent aux étudiants de faire des choix plus éclairés en matière de développement durable. Mais ce n’est pas assez. Beaucoup d’autres écoles ne comprennent toujours pas l’importance des ODD ou continuent d’explorer diverses options en vue de les mettre en pratique et de les intégrer aux programmes d’études.
Nous avons l’occasion de pousser plus loin les efforts de sensibilisation, de partenariats et de collaborations avec d’autres réseaux d’éducation à l’échelle mondiale, et de tirer des enseignements de leurs pratiques exemplaires et des histoires de réussite. Voilà en quoi consistent les 17 ODD, le « Partenariat pour les objectifs ». En termes officiels, on parle de « Renforcer les moyens de mettre en œuvre le partenariat mondial pour le développement durable et le revitaliser ». Nous devons créer un groupe de travail particulier et spécialement formé qui comprendra des enseignants, des élèves et des parents qui travailleront à intégrer les ODD non seulement aux documents de politique et de gouvernance de tous les établissements d’enseignement au Canada, mais qui soutiendront aussi leur mise en œuvre sur le terrain. Et ces travaux devront être évalués en fonction d’indicateurs de rendement précis liés à ce projet.
La pandémie de COVID-19 a changé nos vies à jamais. Nous prenons conscience des choses qui nous sont vraiment nécessaires lorsque nous les avons perdues. Nous apprécions maintenant les choses que nous tenions pour acquises jusqu’à tout récemment. Nous repensons à nos valeurs et à nos relations, et nous réfléchissons à la façon dont nous les respecterions davantage s’il nous était donné une autre chance.
La COVID-19 n’est pas seulement une crise sanitaire ou une crise économique : c’est aussi une crise de l’éducation. Comme le dit si bien l’UNESCO, « 290 millions d’élèves sont privés d’enseignement par la COVID-19 ». Le moment est venu de prendre conscience de ce qui est réellement important. Nous devons à présent nous pencher sur ce qu’il y a de bon dans notre système d’éducation et ce que nous devons abandonner.
C’est donc une période au cours de laquelle beaucoup de programmes d’études et d’examens normalisés seront mis de côté. Tous les calendriers sont chamboulés. Transformons cette incertitude dans les systèmes d’éducation pour en faire des possibilités. C’est non seulement notre chance de transformer l’éducation, mais aussi de transformer les choses grâce à l’éducation.
Les ODD ne sont pas uniquement 17 objectifs assortis de 169 cibles. Lorsque ces objectifs sont exposés en classe, ils deviennent un tremplin ou un cadre de collaboration visant à résoudre des problèmes. Des communautés entières d’élèves et d’enseignants font ensuite partie de la solution en ajoutant leurs plans d’action pour changer la donne dans le monde. Les ODD ont le pouvoir d’intégrer le savoir universitaire au militantisme. Ils sont des outils pour permettre aux élèves de reconnaître qu’ils ont une place à la table et que leur voix compte. Les ODD permettent aux élèves d’explorer ce qui pique leur curiosité, et les amènent ensuite à nourrir cette curiosité avec l’aide de leurs enseignants.
Mettons en place des réformes dans notre éducation et prenons en charge ces questions essentielles dans notre programme d’études :
Les ODD doivent être à la base de tous les échanges qui se déroulent en classe. Préparons un programme ouvert, autonome et appuyé par la recherche, qui permettra aux élèves de tenter l’impossible. En adoptant une telle approche, deux possibilités s’offrent à nous :
N’oublions pas que tout le monde gagne lorsque nous incluons l’échec, la résilience, la détermination, la persévérance et la réflexion à nos résultats d’apprentissage.
Je suis heureux que les enfants soient maintenant mobilisés à l’échelle de la planète pour assumer leurs responsabilités et inciter les adultes à protéger leur avenir. La distanciation physique a peut-être fait en sorte que nous devons désormais rester à distance des autres, mais notre souci d’humanité ne peut en être affecté. Nous devons préparer les élèves à devenir des citoyens du monde inclusifs, informés et mobilisés à l’échelle planétaire. Il nous faut abattre les murs afin que les élèves puissent apprendre à aller au-delà du « moi », de « ma place », de « mon temps » et utiliser le monde comme le plus vaste contexte qui soit pour poursuivre leur apprentissage au quotidien.
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Lorsque le début de la pandémie a entraîné la fermeture des écoles et perturbé le quotidien des directions de district comme moi, je me suis jointe à un petit groupe de travail composé du personnel du Réseau ÉdCan et de collègues de notre Conseil consultatif pour participer à un important processus virtuel de planification. Nous avons alors entamé une série de réunions ayant pour objet de trouver les moyens que notre Réseau pourrait prendre pour soutenir au mieux les éducateurs* des élèves du primaire et du secondaire au Canada. Après plusieurs itérations, notre équipe de création a approuvé avec enthousiasme les trois priorités suivantes visant à répondre à l’évolution rapide des possibilités et des défis auxquels font face actuellement nos systèmes d’éducation :
C’est sur ces priorités que portait la réunion virtuelle de décembre 2020 du Conseil consultatif du Réseau ÉdCan. (La toute première réunion du Conseil avait eu lieu en 1891, à Montréal.) Nous continuerons d’explorer les manières dont nous pourrons, tout au long de 2021, harmoniser nos priorités avec les ministères de l’Éducation, les corps professoraux, les directions de conseils scolaires, ainsi qu’avec les directions, les enseignants et les autres membres du personnel scolaire qui nous soutiennent, alors que nous nous efforçons d’augmenter la capacité, l’autoefficacité et le bienêtre de nos 110 000 membres, et par leur entremise, de rehausser le bienêtre de chacun des élèves et les possibilités d’apprentissage significatif à leur disposition, pour les aider à découvrir leur buts et leur voie dans la vie.
* Dans ce document, le masculin est employé comme genre neutre.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur la théorie du changement, les retombées prévues et les priorités stratégiques du Réseau ÉdCan, veuillez consulter le site : www.edcan.ca
Pour savoir qui sont les chefs de file en éducation et en philanthropie qui siègent au Conseil consultatif du Réseau ÉdCan, veuillez consulter le site www.edcan.ca/council
Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Il y a fort à parier qu’en commençant l’année scolaire 2021-2022, la plupart des membres du personnel scolaire, des élèves et des parents se remémoreront les derniers mois, étranges pour tous, stressants et démotivants, pour d’autres. Certains auront vu le reflet de leur réalité dans notre numéro de septembre sur l’instabilité générale et le stress à l’école. Si la plupart estiment avoir perdu des acquis, pris du retard et raté des occasions, en raison de la pandémie, il est probable que personne ne voudra que l’école revienne exactement comme elle était avant. Pourquoi? C’est simple! L’école d’avant était bien, mais pas parfaite. La santé publique qui a forcé tout le monde à fonctionner différemment nous a, malgré nous, fait voir des améliorations possibles.
Il semble y avoir un consensus général sur l’amélioration que l’école peut réaliser en ce moment : réduire les iniquités entre les élèves. Le Magazine ÉdCan a suivi de près cette prise de conscience globale sur l’équité cet automne en publiant en ligne des articles ponctuels sur l’Équité à l’ère de la COVID-19. Dans ce numéro qui réunit ces articles, on peut lire, notamment dans le texte de Thierry Karsenti (pg. 26) la détresse des familles à faible revenu, dépassées par leur rôle d’accompagnement dans le cadre de l’enseignement à distance. De même, on profitera des descriptions de Boutouchent et Fournier (pg. 36) illustrant chacune le quotidien de leur classe en contexte linguistique minoritaire et décrivant les défis accentués par les consignes sanitaires et par le manque de socialisation naturelle nécessaire à la confiance des locuteurs, petits et grands.
Ce numéro ne s’attarde pas uniquement aux défis. Les auteurs offrent de généreuses pistes d’action qui assureront la transition entre une école qui se réinvente par des approches équitables pour tous et la très excitante série d’articles du mois de mars (en ligne de février à avril) qui fera le pont entre les compétences du XXIe siècle à développer chez tous les élèves et les objectifs de développement durable de l’UNESCO. Des objectifs dont la nature pourrait redonner à chacun ce qu’il juge avoir perdu en ces temps d’instabilité en le marquant d’un espoir profond en un monde meilleur.
Photo : Adobe Stock
Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
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Ce texte illustre par de multiples exemples en quoi la situation pandémique touche l’enseignement et l’apprentissage du français en contexte minoritaire. Mme Boutouchent y aborde une pratique qui a redonné la voix à des étudiants intimidés par la distance. Mme Fournier parle des changements apportés à ses pratiques auprès de ses jeunes élèves.
S’il y a un point important que l’on répète sans cesse tout au long de la formation initiale du personnel enseignant, c’est bien celui relatif à l’importance de la relation interpersonnelle. Une relation virtuelle, à distance, en synchrone ou en différé, avec ou sans artifices de réalité augmentée est certainement différente, surtout pour ceux et celles qui commencent leur première année à l’université en français langue seconde en milieu majoritairement anglophone. En ce temps de pandémie, la distanciation physique est un geste d’amour et d’attention envers soi et les autres, mais lorsqu’elle s’ajoute à l’isolement linguistique, elle augmente le stress ressenti. C’est du moins ce que mes apprenants m’ont dit dès le premier jour de la rentrée. Bien qu’ils soient tous habitués aux technologies, ils espéraient vivre leur première expérience universitaire sur le campus, se faire des amis francophones de tous les horizons et planifier passer leur deuxième année à l’Université Laval à Québec l’année prochaine. J’aime leur répéter que ce rêve n’est que remis à plus tard mais je sais qu’ils le vivent différemment.
Je suis professeure au programme du baccalauréat en éducation française de l’Université de Regina (Saskatchewan), où la langue est fortement minoritaire. Non seulement la province se caractérise par ses vastes prairies, mais en plus, la communauté fransaskoise y est dispersée, si bien que les évènements francophones rassembleurs n’étaient déjà pas très nombreux avant la pandémie. Notre programme est unique à bien des égards. Non seulement il est le seul programme de formation des maîtres en français de la province, mais il réunit particulièrement les francophones et les francophiles d’ici et d’ailleurs qui se destinent à l’enseignement dans nos écoles fransaskoises et d’immersion française et y apprennent dès lors à collaborer (Boutouchent, 2016).
Quatre semaines après le début des cours, j’ai sollicité la rétroaction et les impressions de mes étudiants quant au déroulement du cours à distance. Après plusieurs minutes d’attente, j’ai fini par leur demander de se renommer en s’attribuant le nombre 1, et au lieu d’intervenir oralement, d’exprimer leurs idées par messagerie (clavardage). Devenus ainsi quasi anonymes, ils n’ont pas hésité à offrir leurs commentaires et leurs suggestions. Sur vingt-neuf participants, j’ai compté pas moins de dix-sept commentaires liés au stress linguistique. Plusieurs affirmaient qu’il leur était difficile de s’exprimer en français, y compris avec leurs collègues qu’ils rencontrent pourtant dans plusieurs autres classes. Plus de la moitié ont dit ne pas avoir utilisé leurs compétences langagières depuis le début de cette pandémie. La question suivante s’est alors imposée.
L’an dernier, nous avons tous été surpris par cette pandémie. Les écoles ont dû finir l’année scolaire à la hâte et à distance comme partout ailleurs. Dans une province où le français se parle surtout entre les murs de l’école et des classes, il va sans dire que les moments et les espaces privilégiés pour les interactions interpersonnelles, spontanées ou non, les échanges et les pratiques langagières ainsi que l’apprentissage du français langue seconde, ont cédé le pas à l’importance de finir l’enseignement des contenus disciplinaires. Les interactions virtuelles sont difficiles, surtout avec les jeunes qui vivent dans un environnement familial majoritairement anglophone. Plusieurs d’entre eux se sentent fortement isolés chez eux, parce qu’ils passent leurs journées à étudier en français sans pour autant pouvoir l’exercer ou l’utiliser, ni même se faire aider dans leurs apprentissages.
Ils se sentent, comme certains l’ont souligné, doublement isolés en comptant l’isolement dû à la pandémie. Ils se sentent isolés au sein du foyer mais aussi de leurs amis et de leur environnement scolaire ou universitaire, qui demeurait jusqu’ici l’espace unique de socialisation et d’interaction interpersonnelle en français langue minoritaire. D’autres qui ont des frères et des sœurs scolarisés en immersion française limitent leurs interactions à aider les plus jeunes à effectuer leurs travaux scolaires. Ils s’inquiètent aussi pour eux car à leurs dires, suivre les cours en ligne ne favorise pas l’interaction en soi. « Si les écoles ferment, les élèves en immersion qui ne parlent pas français à la maison risquent de perdre leurs acquis par manque de pratique. Il est plus difficile de poser des questions quand on a moins d’occasions de parler le français », expliquent-ils. Les communications interpersonnelles, par le biais de différents moyens technologiques avec les amis et la parenté, se déroulent souvent en anglais, soit pour exprimer rapidement ce que l’on a à dire ou bien parce que la communication implique des membres de la famille qui ne s’expriment pas en français. De par leur propre expérience, ma classe observe que « c’est déjà difficile d’apprendre la langue française à l’école, mais c’est encore plus difficile de l’apprendre en ligne. Dans les classes en présentiel, nous sommes entourés par les personnes qui parlent le français; à la maison, la plupart d’entre nous sommes les seuls qui le parlent ». Plus récemment, notre classe a discuté du contexte sociolinguistique des langues officielles dans lequel nous vivons et les enjeux liés au français minoritaire. Ces futurs enseignants pensent que la situation présente amplifie certains défis.
Une des premières observations soulevées est qu’« il y a encore moins de rencontres sociales, alors la communauté francophone en souffre un petit peu ». Celle-ci étant dispersée dans toute la province, il était déjà difficile de profiter des évènements socioculturels que les communautés fransaskoises du nord et du sud ont pris l’habitude de célébrer. Avec cette pandémie, la plupart des célébrations culturelles ont été annulées, y compris les évènements socioculturels occasionnels comme la Semaine de films francophones offerte par la bibliothèque municipale, ou bien ceux des organisations communautaires fransaskoises telles que la Société historique, l’Association Jeunesse Fransaskoise (AJF) et bien d’autres encore auxquelles les écoles participent de mieux en mieux. Les évènements virtuellement offerts par certaines institutions francophones demeurent peu attrayants. « C’est encore regarder le français et non pas vivre en français » témoigne un des apprenants. Un autre défi soulevé par ce groupe de futurs enseignants est celui relatif à la difficulté d’enseigner. « La situation de la COVID-19 n’aide pas les élèves qui ne sont plus capables de s’entretenir entre eux en français à cause des masques mais aussi parce qu’il n’y a plus l’obligation de parler en français ». Non seulement l’apprentissage du français langue seconde n’est plus une priorité, mais le défi que les tout-petits vivent est réel. Le vécu d’une classe de prématernelle est bien révélateur.
Jusqu’au 12 mars 2020, mes petits en prématernelle partageaient leurs idées et apprenaient de nouveaux mots en français en faisant du « buddy-reading » avec leurs partenaires de lecture de première année. Quatre jours plus tard, tout a basculé. L’apprentissage via la plateforme Zoom n’a pas été facile. L’enseignement que je faisais presque exclusivement en français en salle de classe est très vite devenu bilingue puis presque entièrement en anglais. J’ai dû soutenir mes élèves et leurs parents dans la langue de Shakespeare. La pandémie a complètement changé ma façon d’enseigner mes classes de prématernelle et de maternelle. J’ai modifié mes stratégies d’enseignement et le matériel pédagogique pour remplacer les objets que les élèves manipulent habituellement, et j’ai changé l’organisation physique de ma classe. Le changement le plus déplorable se situe au niveau de la performance des élèves. Ceux de la prématernelle de l’an dernier qui sont en maternelle maintenant ont dû reprendre leur apprentissage du français comme si cela était la toute première fois. Tout le travail que nous avions accompli et le vocabulaire que nous avions acquis avant la pandémie avaient été oubliés en quelques mois. Notre vie de classe n’est plus la même et la relation bâtie avec mes élèves est différente. À cause des précautions et des mesures de sécurité en place, les jeunes élèves ont moins de plaisir à apprendre. Non seulement les interactions entre eux ont beaucoup diminué mais en plus, ils ne peuvent plus partager leurs jeux, s’asseoir en cercle sur le tapis pour discuter de sujets divers, ni clairement entendre ma voix et ma prononciation des mots en français. À cause du masque, ma communication non verbale ne peut plus soutenir la compréhension et l’apprentissage de nouveaux mots. Mes petits éprouvent plus de difficultés à lire les émotions étant donné qu’ils ne voient que les yeux et non le reste des visages. Notre relation et interaction avec nos partenaires communautaires de Gravelbourg a aussi changé. Désormais, nous ne pouvons pas nous rendre au bureau de poste où l’on pourrait utiliser notre français pour envoyer notre lettre au Père Noël. La situation actuelle prive mes élèves qui apprennent le français en milieu minoritaire de bien plus que de jouer avec leurs amis. Il nous faut espérer que cette situation ne dure pas pour que nos élèves ne perdent pas leurs acquis et ne se découragent pas du fait que leur apprentissage soit ainsi ralenti.
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Première publication dans Éducation Canada, janvier 2021
Boutouchent, F. (2016). Le passage du milieu francophone minoritaire au milieu francophone majoritaire : Étude de l’expérience des enseignants en formation pour comprendre l’influence du milieu sur le développement professionnel. Revue Canadienne de linguistique appliquée (RCLA/ CJAL), 19(1), 84-108.
L’environnement scolaire constitue, dans des circonstances normales, un milieu hautement prévisible et sécuritaire avec ses horaires réguliers et son lot de routines et de règles de vie qui en font un milieu propice à l’apprentissage et à la socialisation (Vienneau, 2011). En situation de pandémie, cet environnement change considérablement selon les situations sanitaires vécues, les nouvelles règles pour y faire face et le mode de poursuite du cursus scolaire en classe conformément aux nouvelles modalités, en ligne ou en alternance. Tous les élèves ne réagissent pas de la même manière à ces changements. Certains s’y adaptent, d’autres plus ou moins avec des conséquences non négligeables pour leur apprentissage. La pandémie peut avoir pour effet de renforcer les inégalités déjà présentes tant sur le plan cognitif que sur les plans émotionnel et social, d’où l’importance pour les enseignants d’être vigilants et sensibles aux différences entre élèves et d’en tenir compte tant dans l’enseignement que dans l’évaluation.
Même sans crise sanitaire, l’évaluation des apprentissages est souvent considérée comme une source d’inégalités. C’est en effet elle, lorsqu’elle est terminale, qui révèle les écarts, voire qui les accentue par le recours à des pratiques discriminantes, non professionnelles. Pourtant, lorsqu’elle est acceptée par les enseignants comme un soutien à l’enseignement et à l’apprentissage et qu’elle est menée dans ce sens, l’évaluation peut non seulement tenir compte des écarts entre les élèves, mais aussi les réduire. Pour y parvenir, toutes les pratiques d’évaluation ne sont pas efficaces. Dans le contexte particulier d’une pandémie, l’objectif est de parvenir à faire progresser tous les élèves tout en réduisant les écarts qui pourraient se creuser entre eux du fait des inégalités causées par cette situation. Pour y parvenir, il importe de reconsidérer les pratiques d’évaluation qui pourraient contribuer à ces écarts et rééquilibrer les deux fonctions principales de l’évaluation scolaire : celle qui vise à faire le bilan et la certification des apprentissages (évaluation sommative/certificative) et celle qui vise à soutenir l’apprentissage de manière continue (évaluation formative). C’est en articulant judicieusement ces deux fonctions et en faisant de l’évaluation un outil d’apprentissage qui permet aux élèves d’améliorer leurs habiletés et habitudes d’études qu’elle pourra devenir une source d’équité et d’autonomie accrue.
Déjà en temps normal, l’enseignant doit trouver, tel un funambule, un équilibre entre les deux missions évaluatives qui lui incombent : évaluer pour faire progresser tous ses élèves ; évaluer pour certifier la maîtrise des acquis. Le premier épisode de la pandémie de COVID-19 aura permis aux enseignants de mettre leurs efforts essentiellement sur la première mission. En effet, la plupart des administrations scolaires ont mis l’évaluation certificative sur pause pour éviter de creuser les inégalités entre les élèves. Néanmoins, ce n’était qu’une parenthèse. Même avec une pandémie persistante, les systèmes scolaires ont déjà remis la certification en route, sous des formes plus ou moins atténuées. Ainsi, quel doit être le rôle de l’évaluation en classe lors de ce retour à la « normalité » ? Quel équilibre trouver pour les enseignants-funambules ?
Avec des classes constituées d’élèves aux prérequis inégaux dus à la période de confinement, mais aussi en prévision de futures mises en quarantaine d’élèves ou de futures situations difficiles liées à la COVID-19, l’évaluation (tant formative que sommative) est plus que jamais appelée à jouer son rôle de soutien à l’apprentissage et à l’enseignement afin de développer le potentiel de tous les élèves. Ceci semble signifier pour l’instant de continuer à temporiser (ou à oublier pour de bon !) un certain nombre de pratiques traditionnelles, et surtout à innover et à adapter les pratiques aux circonstances nouvelles qui risquent de se présenter. Afin de ne pas creuser les écarts et pour être davantage « juste » — dans le double sens de ce mot, c’est-à-dire appropriée et équitable, l’évaluation doit absolument être critériée (c.-à-d. qu’elle se réfère aux programmes d’études avec des critères descriptifs) et non normative (c.-à-d. qu’elle ne s’appuie pas sur la comparaison entre les élèves avec un cumul de points). Et surtout, l’évaluation doit être considérée par les enseignants comme un moyen d’intervenir de manière différenciée selon les besoins de chacun (équité) et non comme une intervention standardisée pour donner la même chose à chacun (égalité de traitement).
Par où commencer pour que l’évaluation soit une source d’équité, qu’elle soutienne l’apprentissage des élèves en répondant de manière différenciée aux besoins des élèves ? Voici quatre suggestions décrivant comment mettre l’accent sur le soutien à l’apprentissage :
Utiliser une évaluation critériée suppose que les objectifs et les exigences soient transmis clairement à l’élève pour lui permettre de se faire une représentation adéquate du résultat attendu à divers degrés (p. ex., Supérieur, Excellent, Bon…). La clarté des critères de réussite d’apprentissage est d’autant plus importante que l’élève travaille en ligne ou à la maison, avec ou sans l’assistance de ses parents ou de tuteurs à distance. L’utilisation d’exemples de travaux d’élèves (copies-types) permet à l’enseignant de fournir à l’élève des productions qui satisfont aux exigences à différents degrés.
Évaluer de façon continue ne signifie pas que l’élève doive être évalué continuellement, surtout si l’enseignant est déjà en mesure d’anticiper les résultats à partir de ses observations et s’il s’agit d’exercer des apprentissages au moyen d’activités de consolidation. Par évaluation continue, il faut comprendre que celle-ci intervient à des moments cruciaux de l’acquisition de nouveaux apprentissages, notamment lorsque la maîtrise des prérequis devient nécessaire à la progression de l’élève.
Fournir une rétroaction efficace, différenciée, descriptive et détaillée permet d’assurer la continuité des apprentissages. À cet égard, toutes les rétroactions ne sont pas également utiles. Celles portant sur la personne de l’élève font très peu pour l’aider à mieux comprendre ce qui va ou ne va pas. Les rétroactions correctives qui se limitent à signaler les bonnes réponses ou les erreurs à éviter, ne sont guère plus aidantes. Les rétroactions les plus efficaces sont celles qui reviennent sur les processus avec lesquels l’élève traite l’information et sur les stratégies qu’il met en œuvre pour réguler son apprentissage.
Engager l’élève dans l’évaluation sommative et formative. Afin qu’elle soit équitable, l’évaluation (formative et sommative) doit être « alignée » à la fois sur les programmes d’études et les activités d’apprentissage. Le bilan du progrès de l’élève ou de la classe doit être fait en fonction des activités et des observations réalisées tout au long du processus d’enseignement/apprentissage et non présenter une unique mesure froide d’une performance, sur un temps T et un contenu C. De plus, l’évaluation doit engager les élèves dans le processus. C’est ce dont il sera question dans la section suivante.
L’évaluation réalisée par l’enseignant n’est pas toujours à la disposition de l’élève aux moments où il en aurait besoin pour soutenir son apprentissage. Que ce soit en ligne ou en classe, les habiletés et les habitudes d’étude de l’élève acquièrent de ce fait une plus grande pertinence. En Ontario, le bulletin scolaire rapporte entre autres : fiabilité, sens de l’organisation, autonomie, sens de l’initiative et autorégulation. Au Québec, on retrouve : exercer son jugement critique, organiser son travail, savoir communiquer.
Jusqu’à présent, même si une grande partie de la réussite scolaire dépend de la maitrise de ces compétences qui touchent tous les domaines (transversales) et qui sont utiles dans des contextes nouveaux (transférables), ces apprentissages n’ont pas reçu la même attention que les principales matières scolaires. Les critères et les objectifs d’amélioration de ces compétences sont peu précis. Pourtant, celles-ci sont essentielles pour que l’élève « apprenne à apprendre ». Le rôle de l’enseignant est d’observer et d’améliorer ces capacités. La rétroaction de l’enseignant sur les processus et stratégies utilisés par l’élève peut en faciliter l’acquisition, mais celle-ci doit aussi aboutir sur une participation active de l’élève au processus même d’évaluation. La capacité de l’élève à réfléchir par lui-même sur ses productions, à être attentif aux processus qu’il met en œuvre pour en évaluer l’utilité et l’efficacité – la métacognition – fait partie de ce qu’il a été convenu d’appeler l’évaluation en tant qu’apprentissage (Earl, 2003), une composante essentielle de l’autorégulation des apprentissages (Laveault et Allal, 2016). Elle fait écho au « Connais-toi toi-même » de Socrate et à la pédagogie de Montessori « Aide-moi à faire par moi-même ».
L’évaluation scolaire va donc bien au-delà de la correction des erreurs. Les rétroactions correctives font bien peu pour améliorer la connaissance et l’estime de soi en plus de constituer une tâche fastidieuse pour les enseignants et les élèves. À la limite, trop de rétroactions correctives permet difficilement à l’élève en difficulté de s’améliorer. L’évaluation des apprentissages est un outil pour enseigner et apprendre, à plus forte raison en contexte de pandémie. Elle doit permettre de soutenir tous les élèves, en les aidant à devenir de meilleurs apprenants.
Au personnel scolaire qui se demande par où commencer, une réponse peut provenir de ce proverbe africain : « Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour ; si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours ». Il existe dans nos écoles des élèves qui doivent apprendre à pêcher. Leur fournir toujours plus de poissons n’est pas une solution à long terme pour réduire les écarts entre ceux qui savent et ceux qui ne savent pas pêcher. L’évaluation-soutien d’apprentissage peut aider l’élève à apprendre à pêcher et à développer son sentiment d’efficacité personnelle, un atout pour toute la vie.
Pour en connaître davantage sur le sujet, le lecteur est invité à lire les articles suivants déjà parus dans Éducation Canada : Évaluation des apprentissages : pour être à la hauteur et se dépasser ainsi que Comment évaluer les apprentissages grâce à l’autoévaluation.
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Earl, L. (2003). Assessment as learning. Thousand Oaks, CA : Corwin Press.
Laveault, D. et Allal, L. (2016). Assessment for learning : Meeting the challenge of implementation. Cham, CH : Springer.
Vienneau, R. (2011). Apprentissage et enseignement. Montréal : Gaëtan Morin.
Yerly, G. et Laveault, D. (sous presse). « Évaluer les apprentissages en contexte de pandémie : aller au-delà de la notation pour soutenir la réussite de tous les élèves ». Formation et Profession : revue scientifique internationale en éducation.
Yerly, G. et Issaieva, E. (sous presse). « Évaluer les apprentissages au postsecondaire en temps de crise : défis, opportunités et dangers lors de la pandémie de COVID-19 ». Revue internationale des technologies en pédagogie universitaire.
Chaque journée passée en classe avec les élèves amène son lot de défis et de frustrations : les imprévus, les crises, les attentes de tout un chacun, les émotions en ébullition, les dossiers qui s’empilent et les moments de doute et de découragement. Comment garder la tête hors de l’eau et apprivoiser chaque moment avec sérénité, lorsqu’il est si facile de s’y perdre ? Les deux autrices suisses, Katia Lehraus et Françoise Stuckelberger-Grobéty, proposent une démarche simple : la pleine conscience.
Ciblant d’emblée les enseignantes et les enseignants du primaire, Bien dans ma classe au quotidien grâce à la pleine conscience démystifie la pleine conscience pour les personnes débutantes en alliant théorie, pratique et méditations guidées. La première partie de l’ouvrage invite à l’établissement d’un diagnostic de l’environnement. Par le biais de fiches d’exploration personnelle et de questions pointues, on identifie les attentes, les contingences, les valeurs, les automatismes et les responsabilités affectant ou influençant le déroulement d’une journée d’enseignement. Cette section est efficace dans sa portée et sa présentation.
Les autrices enchaînent avec la partie pratique de l’ouvrage, où elles expliquent le concept de pleine conscience (mindfulness, dans le texte) et guident pas à pas l’intégration de cette pratique dans une journée d’enseignement. Au moyen de courtes méditations animées, on apprend à s’ancrer dans le moment présent, à vivre ce moment dans sa globalité et à agir sur celui-ci au lieu d’uniquement y réagir. Le chapitre 8 est révélateur car il aide à séparer les pensées des faits avérés, tout en rappelant qu’on ne peut changer une situation, mais qu’on peut changer notre relation à celle-ci. La technique de la pleine conscience étant plutôt simple, cette deuxième section se révèle répétitive et quelque peu infantilisante.
La pleine conscience permet de développer la confiance en soi et la tolérance aux imprévus en fournissant des outils pour gérer les émotions et les doutes inhérents à l’enseignement. L’ouvrage Bien dans ma classe au quotidien grâce à la pleine conscience révèle sa pertinence par l’introspection qu’il propose et par les techniques qu’il met de l’avant. Il s’adresse toutefois principalement aux débutants : si vous connaissez la pleine conscience, pratiquez le yoga ou maîtrisez la respiration océanique et la marche consciente, cet ouvrage vous laissera sur votre faim. Autrement, il s’avère une porte d’entrée intéressante pour qui souhaite apprendre à porter attention au présent et à vivre pleinement.
Lehraus, K. et Stuckelberger-grobéty, F., Bien dans ma classe au quotidien grâce à la peine conscience (Bruxelles : De Boeck Supérieur, 2019).
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
Les directions d’établissement scolaire doivent préparer le retour des élèves. Ce retour amène avec lui divers sentiments tels le stress, l’anxiété et l’inquiétude. Loin d’une rentrée scolaire habituelle, celle-ci est exigeante et marquée par l’insécurité. Bien que la première responsabilité des directions est de veiller à la santé des élèves et du personnel scolaire, il est primordial qu’elles prennent en considération leur propre bienêtre afin de pouvoir affronter ce changement venu bouleverser leurs tâches quotidiennes, leurs relations avec l’équipe-école et leurs priorités.
Le contexte des directions d’établissement scolaire
La profession de direction d’établissement scolaire est de plus en plus stressante1. Bien que diverses formations et programmes d’accompagnement ont été mis en place pour favoriser leur insertion professionnelle et les maintenir en poste, 69% des directions d’établissement scolaire au Québec ont remis en question leur choix professionnel au cours de leurs premières années en poste2 et certaines ont même pensé abandonner3. En Ontario4, 83 % des directions d’établissements francophones primaires et secondaires ont indiqué avoir vécu des situations émotionnelles difficiles dans leur milieu du travail. Ceci dit, si leur contexte habituel est complexe, une situation de pandémie rehausse-t-elle le défi ?
Bienêtre et pandémie
Dans les prochains mois, la vision et la mission des directions d’établissement scolaire ne seront plus les mêmes. Leur bienêtre mérite d’être pris en considération en ce temps de pandémie. Les directions d’établissement scolaire constituent la pierre angulaire d’une école à succès. Afin de cerner les facteurs permettant d’expliquer leur efficacité, une étude5 a été menée auprès de 352 directions et directions-adjointes d’écoles primaires et secondaires au Québec. Trois caractéristiques favorisant le bienêtre sont retenues :
La première caractéristique concerne la recherche de soutien, par exemple, un mentor avec qui échanger sur cette nouvelle expérience. En cherchant conseil auprès d’une autre direction d’école ou auprès du centre de services éducatifs, la direction reçoit du renforcement qui rehausse sa confiance en ses décisions et en ses capacités de gestion. Le mentorat contribue à la persévérance dans le travail et au maintien du bienêtre émotionnel, cognitif, et social6, surtout dans une situation de pandémie.
La deuxième caractéristique permet une prise de conscience des directions et directions-adjointes de leurs émotions et de celles des membres de leur équipe. Cette caractéristique, si présente en temps de pandémie, peut se manifester par le stress, la peur, l’angoisse, etc. Face à leurs émotions négatives qui peuvent empêcher les directions d’avancer dans leurs tâches et de contribuer à un climat anxiogène, elles doivent pouvoir détecter, comprendre, exprimer et réguler leurs émotions et permettre aux membres de leur équipe de le faire également. En tant que leader de leur établissement, les directions doivent être capables de créer une relation émotionnelle authentique avec les membres de leur équipe afin de les amener à transcender leurs besoins individuels au profit d’objectifs communs7. Cette relation se manifeste par une écoute active et empathique du personnel scolaire, par une ouverture à accueillir les émotions négatives des autres et à les comprendre.
Le troisième élément consiste à exercer un leadership positif qui motive et mobilise. Le leadership étant la capacité à coacher et à conduire une équipe vers un but commun8, ceci n’est pas facile en temps de pandémie puisque la direction doit changer sa façon d’analyser le fonctionnement de l’établissement. Dans ce cas, l’exercice d’un leadership charismatique suscitant l’enthousiasme chez l’équipe devient essentiel. Ce style de leadership reconnu par le leadership transformationnel9 permet aux directions d’avoir des comportements positifs tels que l’entraide et l’altruisme.
Promouvoir le bienêtre en temps de pandémie
Selon la stratégie ontarienne10 pour le bienêtre en milieu scolaire, le « bienêtre est l’image positive de soi, l’état d’esprit et le sentiment d’appartenance ressentis lorsque ses besoins d’ordre cognitif, émotionnel, social et physique sont satisfaits ». Afin de favoriser une rentrée positive, les directions d’établissements scolaires sont appelées à mettre en place diverses stratégies permettant le maintien de leur bienêtre, de celui des enseignants et des élèves. Voici quelques exemples :
Au niveau cognitif, la pandémie apporte de nouvelles connaissances. Plusieurs recherches ont été effectuées à ce niveau. Puisque la stimulation intellectuelle maintient le cerveau en bonne santé et déclenche un sentiment d’accomplissement11, il est opportun de proposer un travail de collaboration avec les collègues et avec les élèves pour en apprendre davantage sur la COVID-19, par exemple, organiser une journée de recherche sur la pandémie pour présenter des communications ou créer des affiches.
Au niveau émotionnel, une pandémie suscite le stress et l’angoisse. Pour cette raison, il sera intéressant de miser sur des pratiques favorisant la gestion des émotions négatives. La méditation est l’une des pratiques qui améliore l’humeur et diminue le stress12. Intégrer une telle pratique au programme (10 minutes par jour) aidera la direction, les enseignants et les élèves à conserver leur calme dans des situations difficiles.
Au niveau social, il est prouvé qu’aider les autres est bénéfique au bienêtre13. Malgré la distanciation physique imposée par la pandémie, envoyer une lettre à des grands-parents, un dessin à une tante ou contribuer à un projet communautaire permet à l’équipe-école de tisser des liens et de préserver les relations avec son entourage.
Au niveau physique, commencer la journée d’école avec la danse, de la Zumba, une marche ou n’importe quel type de sport est bon pour le corps et l’esprit. Plusieurs recherches indiquent que l’exercice physique peut être un moyen de gestion efficace des pensées et des émotions négatives14.
Conclusion
En attendant que la pandémie soit derrière nous et en cherchant des solutions et des stratégies pour garantir une rentrée scolaire réussie et sécuritaire pour tous, misons sur la santé et le bienêtre des directions d’établissement scolaire. Une direction qui se sent soutenue, consciente de ses émotions et de celles d’autrui et exerçant un leadership inspirant saura comment profiter de tout ce changement pour relever de nouveaux défis et rendre cette situation de pandémie bénéfique. Les enfants ont besoin non seulement d’un milieu qui offre des mesures de protection et d’hygiène contre la COVID-19, mais également de voir dans leur direction d’école un modèle de résilience et de créativité qui les mènera à croire qu’après la pandémie, le beau temps reviendra.
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Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Poirel, E., et Yvon, F., « School principal’s emotional coping process », Canadian Journal of Education 37, nº 3 (2014) : 1-23, https://journals.sfu.ca/cje/index.php/cje-rce/article/view/1041
2 Bernatchez, J., « La formation des directions d’établissement scolaire au Québec : apprendre à développer un savoir-agir complexe », Télescope 17, nº 3 (2011) : 158-175, http://telescope.enap.ca/Telescope/docs/Index/Vol_17_no_3/Telv17n3_bernatchez.pdf
3 Gravelle, F., « Être dirigeant scolaire à l’heure d’une gouvernance axée sur les résultats au Québec… situation qui peut épuiser…. », La recherche en éducation 13 (2015) : 5-20.
4 Pollock, K., « Directeurs en santé, écoles en santé : Soutenir le bien-être des directeurs », Éducation Canada (2017), https://www.edcan.ca/articles/healthy-principals-healthy-schools/?lang=fr
5 Hadchiti, R., Frenette, E, Dussault, M. et Loye, A., « Le mentorat, les compétences émotionnelles et le leadership transformationnel : trois composantes de la réussite d’une direction d’établissement scolaire », Revue Enseignement et recherche en administration de l’éducation (soumis pour publication).
6 Remoussenard, C. et Ansiau, D., « Bien-être émotionnel au travail et changement organisationnel. Le cas Essilor », Perspectives interdisciplinaires sur le travail et la santé 15-1 (2013), http://journals.openedition.org/pistes/3337
7 Rinfret, N., « Leadership ». Dans Le Dictionnaire encyclopédique de l’administration publique, dir. L. Côté et J.-F. Savard (2012).
8 Meyer, C. et Kirby, J., « Leadership in the age of transparency », Harvard Business Review 88, nº 4 (2010) : 38-46, https://hbr.org/2010/04/the-big-idea-leadership-in-the-age-of-transparency
9 Bass, B. M., « From transactional to transformational leadership: Learning to share the vision », Organizational dynamics 18, nº 3 (1990) : 19-31.
10 Ministère de l’Éducation de l’Ontario (2016).
11 Lau, N. S., « Cultivation of mindfulness: Promoting holistic learning and wellbeing in education ». Dans International Handbook of Education for Spirituality, Care and Wellbeing 3, éd. de Souza M., Francis L.J., O’Higgins-Norman J., Scott D. (Springer, Dordrecht, 2009 : 715-737).
12 Moulinet, I., Touron, E. et Chételat, G., « La méditation dans le vieillissement : impact sur le bien-être, la cognition et le cerveau de la personne âgée », Revue de neuropsychologie 10, nº 4 (2018) : 304-312.
13 Oarga, C., Stavrova, O. et Fetchenhauer, D., « When and why is helping others good for well‐being? The role of belief in reciprocity and conformity to society’s expectations », European Journal of Social Psychology 45, nº 2 (2015) : 242-254.
14 Lane, N. D., Lin, M., Mohammod, M., Yang, X., Lu, H., Cardone, G. et Choudhury, T., « BeWell: Sensing sleep, physical activities and social interactions to promote wellbeing », Mobile Networks and Applications 19, nº 3, 2014 : 345-359.
Avoir planifié la rentrée scolaire sous l’angle d’un climat bienveillant et sécurisant pourrait faire la différence pour les élèves, mais aussi pour les directions d’établissement et leur personnel, tous ayant été éprouvés par la pandémie qui vient de frapper la planète. Au Québec, le retour à l’école a débuté en mai 2020, mais seulement pour une partie des enfants du primaire des régions moins touchées par la COVID-19. Si la rentrée massive des élèves de septembre 2020 a posé plusieurs défis sur les plans sanitaires, scolaires et organisationnels, il ne faut pas oublier le soutien socioémotionnel dont ils ont besoin pour s’adapter à cette période stressante. Comme la qualité du climat scolaire a largement été associée au bienêtre des élèves et à leur réussite éducative, de même qu’à la satisfaction professionnelle et au bienêtre des enseignants1, c’est sous cet angle que nous abordons la rentrée scolaire. Le cadre d’intervention proposé (Figure 1) vise à soutenir les directions et leur personnel dans la planification, la mise en œuvre et la régulation de leurs actions lors du retour à l’école. Considérant qu’un ensemble de facteurs externes à l’école peut aussi perturber la vie des élèves, des familles et des membres du personnel2, ce cadre d’intervention, fondé sur six facteurs externes à l’école et cinq dimensions du climat scolaire, vise la création d’un climat scolaire bienveillant et sécuritaire3.
Regardez Figure 1. Le cadre d’intervention
1. Six facteurs externes agissant sur le climat scolaire en temps de pandémie
2. Cinq dimensions du climat scolaire pour un retour à l’école réussi en contexte de pandémie
En gardant à l’esprit chacun de ces facteurs d’influence externes à l’école, des clés d’actions sont proposées aux directions et au personnel scolaire pour développer les cinq dimensions du climat scolaire retenues.
Cinq dimensions du climat scolaire et leurs pratiques
3. Clés d’action pour chaque dimension du climat scolaire
Quelques clés d’action sont proposées pour travailler chaque composante du climat scolaire.
C’est à partir des savoirs scientifiques et expérientiels que ces quelques clés d’action ont été élaborées dans le but de soutenir les directions d’établissement et les membres de l’équipe-école dans la planification, la mise en œuvre et la régulation d’actions concertées pour un retour en classe dans un climat scolaire bienveillant et sécuritaire. Il ne faut pas oublier que c’est sur le bienêtre de ces adultes que reposera celui de leurs élèves. Enfin, si ces clés d’action peuvent être applicables dans plusieurs milieux d’enseignement, il faut rappeler que pour donner du sens à ces pratiques, les milieux doivent se les approprier en les adaptant à leur réalité. Que ce soit pour gérer le retour en classe ou pour composer avec une autre catastrophe qui fragiliserait à nouveau le système scolaire (ex. : nouvelle vague de la COVID-19, catastrophes naturelles), un climat scolaire bienveillant et sécurisant pourra contribuer à aider les élèves, comme l’ensemble des adultes de l’école, à mieux s’adapter à ces situations.
Illustration : Diana Pham
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Poulin, R., Beaumont, C., Blaya C., et Frenette, E. (2015). Le climat scolaire : un point central pour expliquer la victimisation et la réussite scolaire, Revue canadienne de l’éducation, 38, 1, 1-23 ; Schonert-Reichl, K. A., Kitil, M. J., et Hanson-Peterson, J. (2017). To reach the students, teach the teachers: A national scan of teacher preparation and social and emotional learning. A report prepared for the Collaborative for Academic, Social, and Emotional Learning (CASEL). Vancouver, B.C.: University of British Columbia.
2 Bronfenbrenner, U. (1979). Basic concepts. Dans U. Bronfenbrenner (dir.), The ecology of human development (p. 3-15). Cambridge, MA: Harvard University Press.
3 Beaumont, C., Morissette, É., Côté, P., et Bergeron, N. (2020). Un climat scolaire bienveillant au service du retour à l’école en contexte de pandémie. Document pédagogique à l’intention du personnel scolaire, Chaire de recherche Bienêtre à l’école et prévention de la violence. [En ligne]. https://www.violence-ecole.ulaval.ca/
4 OECD (2019). Impacts of technology use on children: Exploring literature on the brain, cognition and well-being. [En ligne]. https://www.oecd-ilibrary.org/education/impacts-of-technology-use-on-children_8296464e-en
5 Morissette, É. (avril 2020). Webinaire intitulé : Le leadership après le confinement et la pandémie : répondre aux besoins des élèves et des adultes, assurer l’adaptation lors du retour à l’école. Université de Montréal. [En ligne]. https://catalogue.continuum.umontreal.ca/
6 Papazian-Zohrabian, G. (avril 2020). Traumatismes individuels et collectifs, stratégies de résilience : défis et pistes psychologiques et éducatifs dans le contexte actuel de pandémie. Université de Montréal. [En ligne]. https://www.calendrier.umontreal.ca/detail/880038-traumatismes-individuels-et-collectifs-strategies-de-resilience-en-contexte-de-pandemie
7 Ibid.
8 Lecomte, J. (2006). La résilience après maltraitance, fruit d’une interaction entre l’individu et son environnement social. Les cahiers psychologie politique [En ligne], numéro 8, janvier. [En ligne]. http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=1065
9 Beaumont, C. (2019). Cinq caractéristiques de l’adulte bienveillant à l’école : la méthode C.E.F.E.R. Réseau Périscope. [En ligne]. https://periscope-r.quebec/fr/articles/2019/09/cinq-caracteristiques-de-ladulte-bienveillant-a-lecole-pour-favoriser-la
10 Lecomte, J. (2006).
11 Papazian-Zohrabian, G. (avril 2020).
12 Lecomte, J. (2006).
13 Morissette, É. (avril 2020) ; Beaumont, C., Lavoie, J., et Couture, C. (2011). Les pratiques collaboratives en milieu scolaire : cadre de référence pour soutenir la formation. Document de formation, Faculté des sciences de l’éducation, Université Laval, Québec. [En ligne]. https://crires.ulaval.ca/sites/default/files/guide_sec_nouvelle_version.pdf
Depuis quelques années, la pénurie d’enseignants dans la plupart des provinces canadiennes est un enjeu considérable pour les milieux scolaires, du préscolaire à l’enseignement au secondaire. D’un océan à l’autre, les autorités scolaires font état des difficultés à recruter des enseignants qualifiés pour combler les besoins en termes de poste au début de l’année, mais également de suppléance à court, à moyen et à long terme.
La demande d’enseignants est influencée, entre autres, par les changements démographiques et les mouvements des enseignants dans le système (entrées et départs de la profession)1. Actuellement, le Canada est en pleine période de croissance démographique, ce qui fait augmenter significativement les effectifs scolaires (nombre d’élèves) et, par ricochet, fait augmenter la demande d’enseignants. Par exemple, l’Ontario a répondu à cette croissance en augmentant les ratios par classe. A contrario, au Québec, la demande explose avec l’ouverture des maternelles à 4 ans. Parallèlement à la demande créée par la pression démographique, les pénuries d’enseignants sont étroitement associées :
Or, les recherches actuelles démontrent que la profession enseignante est de moins en moins attrayante pour les jeunes, qui la perçoivent comme très difficile et mal payée considérant son imposante charge de travail2. La chute des inscriptions dans les programmes universitaires en éducation confirme ce manque d’intérêt à devenir enseignant. Parallèlement, un nombre élevé d’enseignants débutants quittent la profession au cours de leurs premières années d’enseignement3. La profession enseignante évoluant dans un contexte de plus en plus complexe, on peut relever de nombreux facteurs pour expliquer ce manque d’attrait et les difficultés de rétention. Par exemple :
Au Canada, 20 % des enseignants du primaire et du secondaire songent à quitter la profession4 ou souffrent de détresse psychologique liée au travail5. Conséquemment, les différentes difficultés évoquées n’aident en rien à la valorisation de cette profession, dont la diminution du pouvoir d’attraction et engendre un déficit du nombre d’enseignants qualifiés pour combler les besoins.
Les pénuries d’enseignants ont des impacts à plusieurs niveaux sur les acteurs qui gravitent autour de l’école, notamment sur les enseignants et sur les élèves. Dans plusieurs milieux, on a inévitablement recours à l’embauche d’enseignants non qualifiés pour éduquer les enfants et les adolescents6. Le contexte de pénurie d’enseignants produit une rareté de suppléants, ceux-ci étant de moins en moins nombreux et de plus en plus mobilisés pour des remplacements à moyen et à long terme. Parfois, les remplacements de dernières minutes doivent être assumés par la direction de l’école, des membres du personnel de soutien de l’école, ou même de la communauté. Finalement, plusieurs acteurs observent que les conditions de travail et d’exercice de la profession enseignante sont de plus en plus perturbées, tout comme, dans une certaine mesure, les conditions d’enseignement et d’apprentissage des élèves. Face à ce constat, quels sont les effets de cette pénurie d’enseignants quant à leur sentiment de bienêtre et à celui de leurs élèves? Quels moyens pourraient être mis en place pour améliorer la situation?
Impacts sur les enseignants
Le bienêtre des enseignants est étroitement associé à la construction d’un sens qu’ils attribuent à leur profession. Ce sens est alimenté, entre autres, par des éléments liés au bienêtre tels que les émotions positives, le sentiment de compétence, l’engagement professionnel, la passion pour la profession et les relations positives7. Dans plusieurs milieux scolaires, la pénurie d’enseignants engendre diverses conséquences directes ou indirectes sur l’exercice de leur profession au quotidien, ce qui favorise peu leur bienêtre et la construction de sens, que l’on peut associer à diverses dimensions de leur travail, dont l’ampleur de la tâche, les conditions de travail ainsi que la dimension psychologique.
La tâche
La tâche est alourdie par l’accompagnement d’enseignants non qualifiés ou de suppléants à la journée, la mise en place de systèmes de dépannage où les enseignants ont l’obligation de remplacer des collègues absents, et même, la nécessité dans certains milieux de trouver eux-mêmes un suppléant pour s’occuper de leur classe s’ils souhaitent s’absenter pour un ou quelques jours. Ces éléments, qui ne font pas partie de leur tâche initiale, constituent une surcharge considérable qui s’ajoute au lot de travail qu’ils doivent effectuer quotidiennement, ce qui peut générer des émotions négatives.
C’est la raison pour laquelle ils tentent de s’absenter le moins souvent possible, même si cela se fait au détriment de leur santé.
Les conditions de travail
Il devient de plus en plus difficile pour les enseignants expérimentés de se faire remplacer pour entreprendre des projets de formation continue, ou de souscrire à un plan de retraite progressif ou à une année sabbatique. Il est également de plus en plus reconnu que l’accès à un programme d’insertion professionnelle réduit les risques de décrochage des nouveaux enseignants. La pénurie engendre parfois une certaine précipitation dans le recrutement des nouveaux enseignants, ne leur donnant pas toujours accès aux programmes d’insertion professionnelle s’ils existent dans leur réseau professionnel. Une carence dans l’accompagnement en début de carrière peut exacerber le sentiment d’incompétence ressenti par ces derniers, puisqu’on les affecte à des tâches qui relèvent d’une plus grande complexité que leur niveau de compétence.
Sur le plan psychologique, cette pénurie peut exercer à quelques égards une pression sociale sur les enseignants novices et expérimentés quant à leur responsabilité envers les élèves lorsque le manque de suppléants les contraint à travailler même lorsqu’ils n’y sont pas disposés psychologiquement ou physiquement. C’est la raison pour laquelle ils tentent de s’absenter le moins souvent possible, même si cela se fait au détriment de leur santé. Leur engagement professionnel étant pour plusieurs d’entre eux un aspect important lié au sens de leur profession, l’accompagnement de leurs élèves est source considérable de préoccupations.
Impacts sur les élèves
Les résultats d’études convergent de plus en plus pour affirmer qu’un élève qui se sent bien à l’école apprend mieux8. Cependant, de bons apprentissages sont possibles dans un contexte où les élèves ont la possibilité d’être accompagnés par un enseignant avec qui ils établissent un lien de confiance durant l’année scolaire, dans un environnement stable qui favorise un climat de bienêtre. La pénurie d’enseignant compromet malheureusement le bien-être de plusieurs élèves dans certains milieux. En effet, ces dernières années, on dénonce l’absence de titulaires de classe au primaire pour accueillir les élèves à la rentrée scolaire et les nombreux suppléants pouvant se succéder en début d’année ou lors d’une absence prolongée du titulaire, avant que le contrat ne soit attitré à un enseignant stable. Cette instabilité peut affecter le sentiment de bienêtre des élèves et nuire à la construction d’un sentiment de confiance envers l’enseignant. À cet égard, on dénote une hausse de stress et d’anxiété chez certains d’entre eux, ce qui peut nuire à leur réussite éducative.
Comment améliorer la situation ?
Notre réflexion sur la question nous guide vers plusieurs pistes de solutions pour contrer les effets de la pénurie d’enseignants sur leur bienêtre et sur celui de leurs élèves.
Revoir la formation universitaire pour qu’elle puisse permettre l’alternance entre le travail et les études en adaptant les horaires de formation sans engendrer de stress ou de surcharge chez les futurs enseignants. Des étudiants en enseignement assument déjà des heures de suppléance ou des contrats dans les écoles dès le début de leur parcours universitaire. Une collaboration entre les milieux scolaires et l’université pourrait favoriser un accompagnement adapté de ces étudiants pour qu’ils développement adéquatement leurs compétences professionnelles sur le terrain pour ensuite enrichir leurs apprentissages en contexte universitaire.
S’assurer que tous aient accès à des mesures de soutien à l’insertion professionnelle et, lorsque c’est possible, de mieux les encadrer notamment par le biais de programmes de mentorat, mais aussi en leur donnant une tâche qui prend en compte leur niveau de compétence. Présentement, plusieurs milieux ont des attentes disproportionnées envers les enseignants novices que l’on considère comme experts dès leur entrée dans la profession. Ce moyen permettrait de diminuer le sentiment d’incompétence que plusieurs d’entre eux cultivent, ce qui hausserait le développement d’une identité professionnelle positive et les aiderait à persévérer9.
Réviser les mécanismes permettant de répondre aux besoins d’enseignants à court terme et de suppléants afin d’éviter l’instabilité du personnel auprès des élèves, surtout chez les plus jeunes. Éviter la surcharge de travail des enseignants devant eux-mêmes remplacer leurs collègues et assurer le respect des droits des enseignants en cas de maladie, mais également dans l’accès à la formation continue, à des horaires allégés permettant la conciliation travail-famille et aux retraites progressives. Les écoles doivent également prévoir des modalités d’accueil et de soutien aux enseignants non-légalement qualifiés et aux suppléants afin de libérer les enseignants de ces tâches. Renforcer le soutien professionnel et psychologique offert à tous les enseignants, peu importe leur statut professionnel et favoriser leur autonomie professionnelle, ce qui leur permettrait de faire face plus facilement à la complexification de la profession enseignante en contexte de pénurie de main d’œuvre et de favoriser leur bienêtre au travail. Dans cette perspective, la formation initiale et continue des enseignants devrait se pencher davantage sur le développement de compétences psychosociales pour les aider à affronter les défis rencontrés et pour augmenter leur résilience10.
Pour conclure, construire un sens de la profession est un élément primordial qui contribue au bienêtre en enseignement. Pour que les élèves consolident de meilleurs apprentissages dans un milieu où ils se sentent bien, il est important :
Ces démarches contribueront peut-être à valoriser cette profession et par la même occasion, à diminuer les effets de cette pénurie d’enseignants.
Illustration : Diana Pham
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
1 Sirois, G., Dembele, M., et Labé, O. (2017). Le défi enseignant au primaire en Afrique subsaharienne : Une analyse des solutions mises en œuvre pour faire face à la demande (2000-2015). Formation et profession, 25, 2, 6.
2 Kamanzi, P. C., Tardif, M., et Lessard, C. (2015). Les enseignants canadiens à risque de décrochage : portrait général et comparaison entre les régions. Mesure et évaluation en éducation, 38, 1, 57-88.
3 Karsenti, T., et al. (2015). Analyse des facteurs explicatifs et des pistes de solution au phénomène du décrochage chez les nouveaux enseignants, et de son impact sur la réussite scolaire des élèves.
4 Kamanzi, P. C., Barroso da Costa, C., et Ndinga, P. (2017). Désengagement professionnel des enseignants canadiens: de la vocation à la désillusion. Une analyse à partir d’une modélisation par équations structurelles. McGill Journal of Education/Revue des sciences de l’éducation de McGill, 52, 1, 115-134.
5 Houlfort, N., & Sauvé, F. (2010). Santé psychologique des enseignants de la Fédération autonome de l’enseignement. Dans É. n. d. a. publique (dir.). Montréal, Québec.
6 Sirois, G., Niyubahwe, A., et Bergeron, R. (2019). L’union fait la force. La Communauté stratégique : Outil de lutte contre la pénurie d’enseignants. Le Réseau ÉdCan. [En ligne]. https://www.edcan.ca/articles/lunion-fait-la-force/
7 Goyette, N. (2016). Développer le sens du métier pour favoriser le bien-être en formation initiale à l’enseignement. Revue canadienne en éducation, 39, 4, 1-29.
8 Goyette, N., Gagnon, B., Bazinet, J., et Martineau, S. (sous presse). La communauté d’apprentissage au service du développement de l’agir compétent d’enseignantes du primaire en lien avec la psychopédagogie du bien-être. Dans N. Goyette, & S. Martineau (dir.). Le bien-être en enseignement: tensions entre espoir et déceptions. Québec: Presses de l’Université du Québec.
9 Goyette, N., & Martineau, S. (2018). Les défis de la formation initiale des enseignants et le développement d’une identité professionnelle favorisant le bien-être. Phronésis, 7, 2, 4-19.
10 Théorêt, M., et Leroux, M. (2014). Comment améliorer le bien-être et la santé des enseignants? Bruxelles : De Boeck.
Pistes pratiques
Tout le monde vit chaque jour une forme ou une autre de stress, qu’il soit positif ou négatif. Contrairement à l’anxiété, qui est une émotion, le stress est une façon de réagir, engendrant des émotions.
Comment le stress se vit-il par le personnel dans nos écoles, et pourquoi est-il perpétué ? Étant direction d’école depuis plus de 14 ans maintenant, j’ai ma propre perspective du « comment » et du « quoi » des stresseurs du personnel enseignant. Je constate que ceci varie d’une personne à l’autre. Sa source peut être tant individuelle, par exemple, un défi personnel relié à la santé, contextuelle, par exemple, un malentendu avec un collègue que systémique, par exemple, la mise en œuvre d’une nouvelle politique.
Ma curiosité m’a donc incité à vouloir connaître davantage les stresseurs du personnel scolaire provenant de partout dans le monde. Naturellement, j’ai donc posé la question suivante au personnel scolaire dans les réseaux sociaux: « Quels sont vos deux plus grands stresseurs au travail ? »
Voici quelques réponses que j’ai reçues :
Chose certaine, ces stresseurs engendrent des émotions !
La zone proximale d’influence
Maintenant, allez relire chaque réponse, et cette fois remarquez comment chaque stresseur peut être catégorisé dans l’une de deux zones suivantes : dans notre zone d’influence et hors de notre zone d’influence. Considérons pour un instant la question suivante : qu’arrive-t-il à notre niveau de stress si nous investissons notre énergie à nous préoccuper des stresseurs qui sont à l’extérieur de notre zone proximale d’influence ? Il augmentera sûrement, provoquant des sentiments de frustration, d’inefficacité, de colère, ou même d’incompétence. Voici une représentation graphique du phénomène dans la Figure A :
À l’opposé, je constate selon mon expérience et mes observations que si nous dirigeons notre énergie vers les stresseurs qui sont dans notre zone proximale d’influence, alors notre niveau de stress risque de diminuer, tel que le démontre l’Annexe B :
Réaction au stresseur
Il va sans dire que le domaine de l’éducation est très exigeant et en changement perpétuel, ajoutant donc des facteurs de stress à une liste déjà longue. À travers les années, j’ai observé que les membres du personnel avec la plus grande résilience aux stresseurs sont ceux qui investissent leur énergie à passer rapidement à l’action dans leur zone proximale d’influence. En d’autres mots, ils savent comment réagir (ou ne pas réagir) face aux différents stresseurs selon leur habileté de les catégoriser rapidement, et d’identifier ceux pour lesquels ils peuvent avoir une influence. Selon mes observations, ces personnes peuvent éprouver une réaction émotive sur le coup, mais sont capables de rediriger assez rapidement leur énergie et de se placer en mode solution, comme illustré à la Figure B.
Dans son livre Good To Great, Jim Collins1 explique le Paradox Stockdale : la capacité d’une personne à garder la foi qu’elle finira par réussir, quels que soient les défis, mais en même temps tout en affrontant les aspects les plus difficiles de la réalité, quels qu’ils soient. Et c’est justement le processus illustré à la Figure B, représentant les membres du personnel qui ont développé leur habileté de filtrer le « bruit » et de mettre le focus sur les facteurs sur lesquels ils peuvent avoir le plus grand impact.
… nous avons l’occasion de célébrer les succès, d’échanger sur des solutions à divers défis, d’apprendre à nous connaître et de rire ensemble.
Il importe aux leaders de fournir un accompagnement continu auprès du personnel afin de l’encourager à fonctionner dans sa zone proximale d’influence. Voici deux approches que j’ai adoptées avec le personnel de mes écoles qui se sont avérées fructueuses.
Pendant l’année scolaire, j’invite chaque membre du personnel à des rencontres mensuelles facultatives de coaching. La durée peut varier entre 15 et 30 minutes. Les dates de ces rencontres sont choisies à l’avance, et enregistrées dans nos calendriers. Bref, nous en faisons une priorité. Durant ces rencontres, nous établissons des objectifs de croissance, nous parlons de pédagogie, et de tout autre sujet qui a un impact sur la croissance personnelle et professionnelle. Bref, c’est un temps privilégié durant lequel nous apprenons à nous connaître. Mais ce qui importe encore plus, c’est que nous faisons l’état des lieux de notre bienêtre. Comme leader, ces rencontres me fournissent de l’information primordiale au maintien du bienêtre des membres de mon personnel, et me tiennent à la page d’où ils en sont en termes de pédagogie en classe ou dans les dossiers qu’ils portent durant l’année scolaire. Quelle belle occasion de jaser de zone proximale d’influence !
Au lieu de tenir des rencontres du personnel mensuelles traditionnelles, nous organisons des rencontres de style “SCRUM” aux deux semaines. Les objectifs de ces rencontres : partager des pratiques réussies, se tenir informé, et favoriser l’entraide, l’esprit d’équipe, et une bonne santé mentale. Voici les éléments essentiels de ce type de rencontre:
Ces rencontres ont un grand impact positif sur le climat dans l’école et sur le bienêtre des membres du personnel. Non seulement sommes-nous renseignés sur ce que fait chaque personne dans son rôle respectif, mais nous avons l’occasion de célébrer les succès, d’échanger sur des solutions à divers défis, d’apprendre à nous connaître et de rire ensemble. À la fin de cette rencontre, les gens demeurent pour poursuivre les conversations, et quittent avec un sourire aux lèvres, satisfaits et fiers de savoir qu’ils ont leur place dans l’équipe.
Développer et maintenir un climat positif au travail, ça débute avec soi-même. Chaque personne a le pouvoir de choisir comment elle réagira dans une situation particulière. Cette réaction a une influence positive ou négative sur le climat de l’école et sur son propre bienêtre et sur celui des autres. Faire le choix de fonctionner dans sa zone proximale d’influence, c’est choisir une mentalité de croissance axée vers les solutions.
Photo : iStock
Première publication dans Éducation Canada, septembre 2020
Montréal, le 2 septembre 2020 — Depuis le début de la pandémie, les élèves, les enseignants, les tuteurs et les parents du Canada ont dû réorganiser leur quotidien à plusieurs reprises. Pour soutenir les jeunes dans leur parcours scolaire, Desjardins est heureuse d’annoncer de nouveaux investissements et programmes avec Jeunesse, J’écoute et le Réseau ÉdCan. Elle annonce également d’autres Prix Fondation Desjardins pour appuyer davantage de projets pour la jeunesse.
Ces mesures totalisent plus de 1,4 M$ d’investissements, un véritable ballon d’oxygène pour les élèves à l’aube de la rentrée.
« Valoriser l’éducation, c’est crucial pour Desjardins. Voilà d’ailleurs 120 ans que notre coopérative aide les acteurs locaux et collabore avec eux. Partout au Canada, élèves, enseignants, tuteurs et parents se préparent à une année pas comme les autres, d’où l’importance de renouveler notre engagement envers la réussite scolaire, fondamentale pour l’avenir du pays », a affirmé Guy Cormier, président et chef de la direction du Mouvement Desjardins.
À quelques jours d’une rentrée en classe ou en ligne, Jeunesse, J’écoute et Desjardins veulent garantir aux élèves les ressources et l’encadrement nécessaires durant cette période d’adaptation. Jeunesse, J’écoute prévoit trois millions de demandes d’aide en 2020, comparativement à 1,9 million en 2019, et une augmentation de 200 % en séances Web.
En plus d’offrir des ressources pour les jeunes, les adultes et les enseignants, Desjardins soutient des programmes tels que :
« Les jeunes Canadiens et leurs parents passent par toutes sortes d’émotions durant cette rentrée sur fond de pandémie. En cette période d’incertitude, Jeunesse, J’écoute est disponible jour et nuit, a indiqué Katherine Hay, présidente et directrice générale de l’organisme. Au nom des jeunes de chaque territoire et province, j’aimerais remercier Desjardins, qui a contribué à assurer la continuité des services de santé mentale par voie électronique auprès des jeunes de tout le pays, quels que soient leurs besoins. C’est un service vital, à plus forte raison dans la situation actuelle! Quel que soit leur problème, Jeunesse, J’écoute soutient les jeunes, 24 h/24, 7 j/7. »
Les cours en ligne se poursuivront pour beaucoup d’élèves. Or, pour assurer leur réussite, il faut que tous puissent en bénéficier équitablement. Desjardins et le Réseau ÉdCan travaillent donc à fournir aux élèves et aux écoles dans le besoin des ordinateurs et des outils pédagogiques technologiques. Le nouveau partenariat de trois ans servira à réduire l’écart technologique entre les élèves.
« La pandémie a exacerbé les défis d’un trop grand nombre d’élèves présentant déjà un risque de marginalisation, a affirmé Max Cooke, directeur général d’ÉdCan. Notre réseau est heureux de collaborer avec Desjardins pour fournir au plus grand nombre de ces élèves la technologie nécessaire à leur épanouissement. »
En plus de nouveaux partenariats, Desjardins continue de venir en aide aux élèves et aux acteurs locaux par ses Prix Fondation Desjardins. Elle remet ces prix à des écoles et à des organismes sans but lucratif qui manquent de moyens financiers pour réaliser des projets destinés aux élèves du primaire et du secondaire. Depuis 2016, plus de 1 000 projets ont été financés pour le plus grand bonheur de plus de 150 000 jeunes. Le programme 2020, déjà prévu pour l’Ontario et le Québec, s’étendra cette année à l’Alberta et au Nouveau-Brunswick. La période de demandes va du 5 au 26 octobre.
« Desjardins pose des gestes concrets et collabore avec plusieurs partenaires et acteurs locaux pour stimuler la réussite scolaire. Ces mesures sont vitales pour notre avenir socioéconomique, et nous continuerons d’aider les élèves à réaliser leurs ambitions en ces temps incertains », a conclu Guy Cormier.
À propos de Jeunesse, J’écoute
Jeunesse, J’écoute est le seul service numérique national de santé mentale qui offre aux jeunes du soutien gratuit et confidentiel en français et en anglais, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. En tant que leader en soins virtuels, nous offrons à des millions de jeunes du Canada un espace sûr et fiable pour parler par téléphone ou texto, quel que soit le moment ou le besoin. Grâce à notre transformation numérique, nous envisageons un avenir où chaque personne au Canada pourra obtenir le soutien nécessaire au moment où elle en aura le plus besoin. Jeunesse, J’écoute compte sur la générosité des donateurs, partenaires, bénévoles et gouvernements pour le financement de ses programmes. Pour en savoir plus, visiter le site jeunessejécoute.ca ou @JeunesseJécoute.
À propos du Réseau ÉdCan
Le Réseau ÉdCan représente 110 000 éducateurs; il est depuis 129 ans le seul organisme pancanadien bilingue et non partisan au pays. Son rôle consiste à relier les systèmes d’éducation primaire et secondaire par la production et la diffusion d’une documentation fondée sur des données probantes accessibles et qui fait autorité tant chez les enseignants que chez les parents et les décideurs. Le Réseau ÉdCan vise à améliorer les politiques d’éducation qui renforcent l’équité et soutiennent des connaissances fondamentales et pratiques essentielles à la réussite, et à élargir la portée des ressources pédagogiques afin de combler l’écart entre la recherche et la mise en œuvre.