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Engagement, Pratiques prometteuses

Éclairer les sources occultées – De la voix étudiante à la participation étudiante

« Les écoles de l’ère industrielle comportent un point occulté structurel différent de presque toute autre institution contemporaine. Ce point occulté survient parce que la seule personne qui pourrait effectivement réfléchir sur le fonctionnement d’ensemble du système, c’est la seule personne qui n’a pas voix au chapitre […] l’élève est la seule personne qui voit toutes les classes, le stress du domicile, les multiples messages contradictoires des médias et l’environnement global […] mais le système ne leur accorde ni pouvoir ni droit de parole. » (traduction) Peter Senge[1]

L’initiative Exprime-toi d’Alberta Education vise à remédier à ce « point occulté » structurel. Des milliers de jeunes Albertains ont mis en commun leur désir d’avoir des relations positives et respectueuses avec des enseignants motivés, du travail de classe stimulant et significatif et la possibilité d’appliquer leurs apprentissages à la vraie vie.[2] Les élèves ont aussi évoqué une telle réforme lors du projet Imagine une école… de l’ACE. Les participants à qui on a alors demandé comment l’école pourrait mieux répondre à leurs besoins affirmaient constamment : « respectez-nous ».[3] 

La voix étudiante constitue clairement une source inestimable de données pour orienter l’amélioration des écoles, mais la mesure dans laquelle cette voix est entendue est moins claire. Quel effet a-t-elle eu sur les politiques et les pratiques? Nous invitons les élèves à partager leurs opinions, mais les invitons-nous souvent à faire partie intégrante les pratiques en classe et à participer à la conception de leurs expériences quotidiennes d’apprentissage? Pourtant, nous savons que les élèves ont le désir et la capacité d’influer sur les décisions concernant le contenu, le processus et les résultats de leur apprentissage.[4]

Les jeunes demandent de plus en plus à quoi serviront les enquêtes auxquels ils participent. Ainsi, pendant l’été 2010, cinq conseils de planification sociale en Ontario ont tenu des séances de discussion avec des jeunes pour mettre à l’essai un projet d’enquête destiné à mesurer la confiance des jeunes dans leur apprentissage et leur avenir. Lorsqu’on leur a demandé d’indiquer des façons efficaces de les engager en tant que partenaires pour planifier et changer l’école et la collectivité, les jeunes – dont bon nombre sont marginalisés – ont dit qu’ils en ont assez de se faire interroger sur des choses qui leur importent peu et de recevoir des promesses creuses de changement.

De même, les élèves qui ont participé aux séances de discussion de suivi après avoir pris part à l’initiative Qu’as-tu fait à l’école aujourd’hui? nous ont rappelé qu’ils étaient souvent contrariés de faire l’objet de recherches dont ils ne connaissaient pas l’objet – ils veulent en connaître le but, en voir les résultats et savoir l’incidence qu’elles peuvent avoir. Autrement dit, ils désirent un virage de la voix étudiante à la participation étudiante.

C’est ce virage que décrit Adam Fletcher dans The Ladder of Student Involvement in School,[5] indiquant huit étapes à suivre pour rehausser la reconnaissance des élèves en tant qu’agents de changement, progressant de l’exclusion (« adultes manipulant les élèves lors du processus décisionnel ») à la voix (« processus décisionnel dirigé par des adultes et informé par les voix des élèves »), puis à la conception conjointe (« processus décisionnel dirigé par les élèves et partagé avec les adultes »).

Les élèves de l’école secondaire North Delta en Colombie-Britannique ont progressé au-delà de la voix étudiante lorsqu’ils ont tenu des séances de discussion dirigées par des élèves pour mieux connaître les résultats de l’enquête Qu’as-tu fait à l’école aujourd’hui? et les expériences d’apprentissage de leurs pairs.[6] L’exposé résultant – incluant des données démographiques des élèves, leurs avis et leurs recommandations – a sensibilisé les administrateurs aux questions que les élèves veulent résolues.[7] Ces élèves ont démontré les avantages de la participation des jeunes à toutes les étapes d’une enquête – en utilisant des données en tant qu’outil d’action démocratique pour engager les élèves à contribuer à faire la différence.

Fort de son expérience récente de participation critique au processus décisionnel de son école, un élève de Delta a affirmé que l’engagement intellectuel de 51 pour cent de ses pairs était « plus élevé que la moyenne canadienne, [mais] encore trop bas, puisque cela ne fait que la moitié de l’école qui est engagée intellectuellement, donc la moitié des élèves vont encore à l’école parce qu’ils sont obligés – ils s’assoient et se laissent simplement porter. »

Les éducateurs de l’école secondaire intermédiaire Sir Robert Borden à Dartmouth ont propulsé leurs élèves au sommet de l’échelle de participation des élèves en en faisant des partenaires égaux du processus décisionnel de l’école. Les élèves et le personnel enseignant constituent leur propre communauté d’apprentissage professionnel pour concevoir ensemble des environnements d’apprentissage rehaussant l’intérêt des élèves dans leurs apprentissages.

L’éducation a du retard sur d’autres secteurs comme la justice sociale et les gouvernements municipaux, où l’engagement des jeunes fait partie intégrante du développement des programmes et de la planification urbaine. Nous savons comment recueillir les idées et les opinions des élèves; nous devons maintenant apprendre à mieux permettre à leurs voix de nous guider et à honorer la contribution que peuvent faire tous les élèves pour favoriser un changement en profondeur, significatif, de l’éducation.


[1] P. Senge. La cinquième discipline – Le guide de terrain : Stratégies et outils pour construire une organisation apprenante (Éditions Générales First, Paris, 2000).

[2] « Speak Out: The Alberta Student Engagement Initiative Year in Review 2009–2010 », Alberta Education: 38 (www.speakout.alberta.ca/LinkClick.aspx?fileticket=uwkiMK8PcH4%3d&tabid=108)

[3] K. Gould Lundy, « Imagine a school… », Éducation Canada 46, no 4 (automne 2006) : 49-53 (www.cea-ace.ca/sites/cea-ace.ca/files/EdCan-2006-v46-n4-Lundy.pdf)

[4] J. Dunleavy et P. Milton, Qu’as-tu fait à l’école aujourd’hui? Exploration du concept de l’engagement des élèves et de ses conséquences pour l’enseignement et l’apprentissage au Canada (Association canadienne d’éducation, mai 2009), 18,19. (http://www.cea-ace.ca/fr/node/2008)

[5] //www.soundout.org/ladder.html

[6] L’enquête Qu’as-tu fait à l’école aujourd’hui? modifiait l’enquête pré-existante Tell Them From Me de The Learning Bar.  Les mesures faites par l’ACE de l’engagement intellectuel et du défi d’apprentissage sont maintenant à la disposition de toutes les écoles ayant participé à l’enquête Tell Them From Me. (www.thelearningbar.com)

[7] Puneet Bhatti, J. Chauhan, G. Grewal, S. Sachdeva, « Exceeding All Expectations: Student-led Initiatives in a North Delta School », Éducation Canada 50, no 1 (hiver 2010 : 28-31.

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Max Cooke

CEO

Max Cooke is the CEO of the EdCan Network.

Max Cooke est le directeur général du Réseau ÉdCan.

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Jodene Dunleavy

Jodene Dunleavy

Jodene Dunleavy is a Senior Policy Analyst for the Nova Scotia Department of Education.

Jodene Dunleavy est analyste principale des politiques au ministère de l’Éducation de la Nouvelle-Écosse.

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