élèves LGBTQ

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Diversité, Équité

L’école canadienne peut faire mieux pour ses élèves LGBT!

Du chemin à parcourir

L’homosexualité et les personnes trans sont parmi les sujets qui génèrent le plus d’appréhensions chez les enseignants canadiens. Et pour cause! Même si le Canada fait relativement bonne figure à l’échelle internationale en matière de droits des personnes LGBT (lesbiennes, gais, bisexuels et trans), les écoles demeurent l’un des principaux endroits où les jeunes LGBT apprennent leur différence. Bon an mal an, ces élèves rendent compte d’expériences scolaires ternies à différents degrés par un climat scolaire hostile où violences de genre, contenus d’apprentissage limités ou erronés et présomption d’hétérosexualité demeurent monnaie courante. Et au sein de ce climat toxique, les adultes hésitent à intervenir de manière explicite en leur faveur.

Qu’elles aient été menées à l’échelle provinciale ou fédérale, les enquêtes sur le climat scolaire rapportent que les expressions comme « c’est gai » continuent d’être utilisées à grande échelle, et leur impact largement banalisé. Les élèves LGB et trans, comme leurs pairs hétérosexuels et cisgenres1 quoiqu’à des proportions bien plus élevées, rapportent être les cibles de violences verbales, et parfois physiques, au sein de leur établissement scolaire. De plus, ils sont nombreux à dire s’abstenir de rapporter les violences dont ils sont victimes aux adultes responsables, d’une part parce qu’ils doutent de leur capacité à les aider, d’autre part parce qu’ils craignent les impacts d’une telle délation sur leur sécurité.

 « Les contenus scolaires inscrits dans les programmes formels et déployés dans les manuels scolaires passent sous silence, sauf exception, les réalités des personnes LGBT, si ce n’est pour mentionner qu’elles existent et qu’elles possèdent des droits sous la juridiction canadienne. »

Contenus scolaires

Il n’y a toutefois pas que par les violences qui s’y déploient que le milieu scolaire transmet des normes strictes relatives au genre et à l’orientation sexuelle. Les contenus scolaires inscrits dans les programmes formels et déployés dans les manuels scolaires passent sous silence, sauf exception, les réalités des personnes LGBT, si ce n’est pour mentionner qu’elles existent et qu’elles possèdent des droits sous la juridiction canadienne. Souvent implicitement, parfois explicitement, ces manuels réitèrent une normalité qui mettrait en scène des couples hétérosexuels, des familles avec un papa et une maman, et des personnes cisgenres. L’absence d’inclusion dans les représentations (sur le plan de l’ethnicité, des symboles religieux, des personnes dans des rôles de genre atypiques, des handicaps, etc.) qu’offrent les manuels scolaires canadiens a été décriée par plusieurs associations au cours des dernières décennies, mais il semble que les personnes LGBT en pâtissent davantage, dans la mesure où l’homosexualité, le lesbianisme, la bisexualité et le transgenrisme sont des caractéristiques d’emblée non visibles.

Cours d’éducation sexuelle

On pourrait penser que les cours d’éducation à la sexualité constituent une porte de sortie. Ils offrent, après tout, un contexte qui peut sembler propice à parler d’orientation sexuelle ou d’identité de genre. Loin de là, si l’on pose la question aux élèves LGBT. Si on parle effectivement de sexualité, c’est de la sexualité hétérosexuelle dont il est le plus souvent question, notamment à travers la reproduction. Surtout, la puberté et le développement identitaire à l’adolescence sont quant à eux évoqués, mais reconduisent plus souvent qu’autrement l’idée qu’il y a deux et seulement deux types de corps (féminin et masculin), et qu’on s’attend à ce que les personnes se développent en suivant des modèles de genre prédéfinis. Il va sans dire que ces savoirs sont désuets au regard du monde d’aujourd’hui, au sein duquel un nombre croissant de jeunes s’identifient autrement que comme hétérosexuels et remettent en question l’existence de deux seuls genres.

Activités parascolaires

Les activités parascolaires, permettant aux élèves de socialiser entre eux dans un contexte qui n’est pas immédiatement scolaire, peuvent s’avérer plus ou moins inclusives pour les élèves LGBT ou issus de familles homoparentales, lesboparentales ou transparentales2. En effet, les bals, les activités visant à souligner la Saint-Valentin, la fête des Mères ou la fête des Pères, sont autant d’opportunités de souligner explicitement les différents types de couples et de familles. De même, l’existence de certaines structures comme les comités pour la diversité sexuelle ou gay-straight alliances, d’équipes féminines pour des sports « de contact » comme la lutte, ou d’équipes masculines pour des sports nécessitant grâce et discipline comme le ballet, « parle » aux élèves LGBT et favorise un questionnement concernant l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Elle leur envoie le message selon lequel ils importent aux yeux de leur institution scolaire. Tout comme peuvent le faire les formulaires administratifs offrant tantôt les options nécessaires, tantôt la neutralité désirée permettant aux élèves de rapporter adéquatement leur situation familiale, leur genre ou leur prénom et pronom désirés.

Résistance des milieux scolaires canadiens

Avec les gains juridiques réalisés dans les dernières décennies pour les personnes gaies, lesbiennes et bisexuelles canadiennes – et malgré les avancées qui tardent pour les droits des personnes trans et LGBT réfugiées, notamment – on aurait pu croire que les écoles canadiennes s’adapteraient de manière à fournir des environnements d’apprentissage où il ferait bon apprendre, y compris pour les élèves LGBT. Or, près de quinze ans après le mariage entre conjoints de même sexe, les écoles ont bien peu changé. Qu’est-ce qui fait que si peu de choses bougent?

Les appréhensions des adultes travaillant en milieu scolaire qui souhaitent s’impliquer de près ou de loin dans la question sont d’au moins deux ordres.

  1. D’abord, ils craignent les réactions des parents d’élèves à qui leurs enfants leur auraient rapporté avoir parlé de lesbianisme ou de transgenrisme en classe. Ensuite, ils anticipent les réactions des élèves eux-mêmes, et notamment appréhendent de perdre le contrôle de la classe s’ils décident d’aborder ces sujets encore tabous. Enfin, les enseignants craignent que les parents ou les élèves puissent leur reprocher d’avoir des intentions cachées, ou encore d’être eux-mêmes gais et de chercher à convertir ou à recruter les élèves.
  2. Par ailleurs, dans certaines provinces canadiennes, l’opposition de certains groupes religieux à l’idée d’avoir un curriculum scolaire véritablement inclusif des personnes LGBT est particulièrement retentissante et contribue sans contredit à maintenir un statu quo.

Pistes d’action

Dans ce contexte, comment aller de l’avant? Plus de deux décennies de recherche en sciences sociales nous ont dressé un chemin relativement clair des initiatives à mettre en place pour favoriser un climat et une culture scolaire inclusive sur le plan de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre.

Parmi les pistes d’action ayant fait leur preuve, notons :

  • L’intervention systématique contre l’homophobie et la transphobie;
  • L’adoption d’un langage inclusif;
  • L’élaboration de politiques éducatives prohibant explicitement la violence basée sur l’orientation sexuelle, l’expression de genre et l’identité de genre;
  • La mise en place de comités pour la diversité sexuelle (ou GSA);
  • La formation des adultes comme des jeunes.

Aussi, et surtout, il faut travailler activement au relâchement des représentations de genre strictes qui veulent qu’il y ait de bonnes et de mauvaises façons d’être une fille et un garçon, et que cela inclut une nécessaire hétérosexualité. Finalement, ce sont les rapports de pouvoir qu’il faudrait mettre au centre des questionnements qui sont présentés aux élèves, afin qu’ils soient véritablement éduqués à vivre dans une société démocratique. L’école a un pouvoir de changement exponentiel; il est temps qu’elle l’utilise à bon escient pour mieux desservir ses élèves LGBT.

 

Trousse de discussion

Télécharger la séance 2.3 : Vers un climat et une culture scolaire inclusive pour les élèves LGBT : pistes de réflexion pour les équipes-écoles 

 

Première publication dans Éducation Canada, mai 2019


Notes

1 On définit comme cisgenre une personne dont l’identité de genre correspond au sexe qui lui a été assigné à la naissance; en d’autres termes, une personne non-trans.

2 Respectivement avec deux papas, deux mamans, ou avec un parent trans.

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Gabrielle Richard

Dr. Gabrielle Richard

Chercheuse, Université de Paris-Est Créteil

Gabrielle Richard, Ph. D., est sociologue du genre et chercheure associée à l’Université de Paris-Est Créteil et à la Chaire de recherche sur l’homophobie de l’Université ...

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