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Bienêtre, Leadership, Opinion

Plus de tabous dans la lutte contre l’intimidation

Fournir un climat où les enfants se sentent bien et en sécurité

À l’école, nous connaissons les facteurs de risques en lien avec la violence et l’intimidation. Pourtant, nous avons tendance à négliger le plus fondamental d’entre eux. Je parle du climat, du fait que l’enfant se sente bien et en sécurité.  Voici comment l’école que je dirige s’est donné un coup de pouce avec des gestes simples, mais efficaces.

L’école le Ruisselet est tout à fait normale. Elle est située dans un quartier résidentiel de la ville de l’Ancienne-Lorette, près de Québec. Près de 400 élèves y passent leurs journées. La plupart y passe plus de 8 heures par jour. Comme pour toutes les écoles, c’est  un milieu de vie important. Il y a plus de cinq ans, le personnel constatait une détérioration dans la qualité générale des relations entre les élèves. Rien de majeur, mais on constatait plus de cas typiques où un élève se sentait rejeté. Aussi, on voulait mieux intervenir auprès des élèves qui se montraient méchants sans raison valable. L’équipe s’est donc ouverte à débuter des activités de prévention. Dès lors, on s’est mis à nommer certains malaises dont on ne parlait pas ouvertement à l’école auparavant. On a défini ce qu’est l’intimidation et on l’a nommée aux élèves.

Plus de tabous. Dorénavant, l’élève qui avait le courage de dénoncer un malaise allait être accueilli et l’équipe s’engageait à l’aider rapidement. Encore aujourd’hui, toutes les deux semaines, les cours s’arrêtent un moment pour tous les élèves de l’école afin de leur donner l’opportunité de remplir un billet de dénonciation. Avec ce moyen, l’élève qui vit un malaise ou qui en est témoin, a la possibilité de rapporter la situation de manière confidentielle. Pendant ce temps, l’élève pour qui tout baigne, recopie un message pacifique comme « À mon école, j’accepte les élèves qui me demandent pour jouer ». La clé du succès de cette opération est la rapidité d’intervention. L’élève qui dénonce une situation se voit aussitôt accompagné par un intervenant qui l’aide à trouver une solution ou offre de la médiation. Dans les cas d’intimidation, on opère une intervention directe et concertée avec la direction et les parents.

Plus de tabous. Dorénavant, l’élève qui avait le courage de dénoncer un malaise allait être accueilli et l’équipe s’engageait à l’aider rapidement.

La situation s’est donc stabilisée avec le temps. Cependant, il y a deux ans, un nouveau problème est apparu progressivement. À la récréation, les surveillants intervenaient de plus en plus souvent auprès de groupes d’élèves qui ne s’occupaient pas à un jeu. Ceci s’observait surtout chez les groupes de 5e et 6e année. Pourtant, l’école avait des modules de jeu en excellente condition qui avaient été installés à grands frais dans l’intention d’occuper les jeunes et d’encourager l’activité physique. On observait des  élèves qui flânaient en groupe et passaient leurs récréations à discuter d’on ne savait pas trop quoi. Toute personne étant habituée aux enfants sait que l’oisiveté est la mère de tous les vices. Donc, des conflits s’engendraient au fil du temps et les enfants trouvaient leurs récréations ennuyantes…  Il fallait s’adapter et trouver une solution sinon le climat de l’école risquait de basculer vers la morosité, terreau fertile à l’intimidation. 

À cette même période, tout le pays était secoué par des cas d’intimidation graves dans les écoles rapportés à grands coups de scandales dans les médias de l’information. On associait une grande part de responsabilités aux écoles dans la souffrance des enfants. Souvent, les médias blâmaient les directions et le personnel de ne rien faire pour contrer l’intimidation et pire, on les accusait de fermer les yeux. Heureusement, des personnalités comme Jasmin Roy, au Québec, ont su regarder au-delà des apparences et ont choisi d’aider les écoles de manière concrète.

À l’école du Ruisselet, nous avons eu l’opportunité de recevoir le soutien de la Fondation Jasmin-Roy. Ensemble, nous avons agi pour maintenir un bon climat dans l’établissement. Nous pensions que d’occuper les jeunes aux récréations serait une étape incontournable. Premier défi : contrer les habitudes de flânage des élèves durant l’hiver. Pourquoi l’hiver? Parce qu’au Québec, cette saison est longue et quand on la laisse prendre le dessus, elle incite à la sédentarité. Or, nous avons choisi de faire de la neige notre alliée. Du coup, nous avons acheté plus de 200 pelles, une trentaine de buts de hockey, des tapis de glisse en masse et une foule d’autres accessoires. Après quelques semaines, nous avons compris que l’hiver ne serait jamais plus pareil à l’école. Nous avons eu le bonheur de voir les élèves cesser de flâner au profit de la construction de forts et de matchs de mini-hockey. Par conséquent, le nombre de conflits a été réduit et le climat s’en est trouvé amélioré de nouveau. Le succès a été tel que nous avons décidé d’acheter du nouveau matériel le printemps qui suivait.

nous avons choisi de faire de la neige notre alliée. Du coup, nous avons acheté plus de 200 pelles, une trentaine de buts de hockey, des tapis de glisse en masse et une foule d’autres accessoires. Après quelques semaines, nous avons compris que l’hiver ne serait jamais plus pareil à l’école.

La preuve était donc faite. S’investir dans le climat se fait progressivement et en trouvant des solutions propres à chaque école pour des problèmes spécifiques à chaque école. Dans notre cas, fournir du matériel de sport aux élèves a été la bonne solution. Aux établissements qui suivront notre modèle, je conseille de faire participer les jeunes au choix du matériel, d’acheter des articles durables et en quantité assez importante pour éviter que les élèves aient à se l’arracher. De plus, renouvelez une partie de l’inventaire à chaque saison, histoire de piquer l’intérêt des élèves quelques fois par année scolaire. Bon succès!


Ce billet de blogue fait partie d’un dossier de l’ACE sur la santé mentale des élèves, qui comprend également un numéro thématique du magazine Éducation Canada sur la question et une fiche Les faits en éducation sur les approches efficaces pour améliorer le mieux-être mental des élèves. Si vous souhaitez publier un billet de blogue dans cette série, veuillez communiquer avec info@cea-ace.ca.

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Daniel Trachy

Daniel Trachy est directeur d’école à la commission scolaire des Découvreurs dans la région de Québec. L’école qu’il dirige est partenaire de la Fondation Jasmin-Roy qui vise à contrer l’intimidation chez les jeunes.

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