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Opinion

Les grands oubliés du projet de loi n° 86

Le projet de loi sur la gouvernance va beaucoup plus loin que les élections scolaires

Cette pièce de blogue fait partie de notre série sur la Loi 86.

Depuis des mois, on entend beaucoup parler du projet de loi no 86. Avec raison, vu son incidence pour l’avenir de l’éducation publique au Québec. L’élément qui ressort le plus souvent des discussions l’entourant concerne la gouvernance scolaire. Mais le projet de loi no 86, est-ce vraiment seulement une question d’élections scolaires?

Pour la Fédération des comités de parents du Québec, l’idée de modifier le processus entourant les élections scolaires ne représente certainement pas le seul élément pertinent de ce document. Le projet de loi clarifie la portée de certains articles de la Loi sur l’instruction publique actuelle, en bonifie d’autres en se basant sur l’observation de pratiques gagnantes, introduit certains principes et cherche à modifier les lieux de décision pour les rapprocher de l’élève et du milieu.

Parmi les pratiques gagnantes proposées, la plupart sont déjà présentes dans certains milieux et ont prouvé leur efficience au fil du temps. On retrouve, dans le projet de loi no 86, certaines clarifications concernant, entre autres, la procédure de traitement des plaintes, qui serait élargie et permettrait à toute personne de faire une plainte à la commission scolaire sur tout sujet lié à ses fonctions. On précise aussi des règles de régie interne, comme le fait de recevoir les documents cinq jours à l’avance ou encore le fait que le projet éducatif doive se faire en concertation avec les parents.

À ces clarifications s’ajoutent certaines bonifications qui nous apparaissent très pertinentes pour les parents engagés. Par exemple, changer le terme « approuver » par « adopter », dans l’application de leur rôle, représente une avancée importante en ce qui a trait à la concertation au sein des milieux. Cette pratique se constate aussi chez plusieurs d’entre eux et on y remarque une plus grande collaboration et un travail plus efficace. La participation d’un parent dans le choix d’une direction scolaire ou l’obligation d’indiquer, dans le plan d’intervention, la possibilité d’avoir recours à la procédure de plaintes représentent aussi des améliorations au fonctionnement actuel.

Principes nouveaux

Un élément très important est intégré à la proposition de loi: le principe de subsidiarité. Le projet de loi édicte clairement l’obligation, pour la commission scolaire, de respecter le principe de subsidiarité dans l’accomplissement sa mission.

Pour l’Office québécois de la langue française, le principe de subsidiarité se définit comme un « principe de développement durable selon lequel les pouvoirs et les responsabilités doivent être délégués au niveau approprié d’autorité, en ayant le souci d’une répartition adéquate des lieux

de décision afin de les rapprocher le plus possible des citoyens et des communautés concernées ». Dans le contexte actuel, on peut interpréter le terme comme étant le fait que la commission scolaire doive respecter que l’instance décisionnelle la plus proche des citoyens est celle qui est la mieux placée pour prendre des décisions. Une certaine décentralisation des pouvoirs à même la structure scolaire donc.

Ce manque de précision quant à la définition de la subsidiarité se doit d’être éliminé du projet de loi. En le définissant clairement, il sera appliqué adéquatement partout. On a beau avoir un grand principe, si son application est matière à interprétation, il devient difficile de rejoindre toutes les parties dans l’objectif commun qu’est la réussite.

La persévérance scolaire est d’ailleurs un autre facteur évoqué pour démontrer les lacunes de ce projet de loi. Rappelons-nous que la recherche a démontré que pour réduire, voire même éradiquer le décrochage, il faut avoir une approche systémique afin d’intervenir sur plusieurs facteurs déterminés : sur des aspects personnel et social ainsi que l’environnement scolaire.

Et rapprocher les décisions du milieu, l’axe central du projet de loi, est certainement un facteur qui agit positivement sur la réussite scolaire. En plus d’être plus représentatifs des écoles et de leurs particularités, les choix seront directement pris en fonction des besoins des élèves. La recherche, à cet égard, est très concluante. Encore faudra-t-il que les moyens se rapprochent des besoins.

Mais pour que la réussite scolaire pour tous devienne une réalité, il faut que tous les partenaires soient sereins par rapport aux changements proposés. Ils doivent pouvoir s’y engager en toute bonne foi et permettre que les espaces dédiés à chacun soient respectés. Tous les acteurs du milieu de l’éducation, sans exception, doivent avoir l’ouverture d’entendre ce que la concertation met en place soit : des gens de différents horizons assis à une même table et ayant pour objectif commun, la persévérance scolaire.

Le projet de loi contient enfin plusieurs bonnes pratiques à généraliser, mais qui devraient être précisées. En effet, une forme de codification favoriserait une meilleure gestion du réseau tout en permettant une harmonisation des façons de faire. Cela permettrait à tous les acteurs impliqués – et intéressés – de consacrer leur temps à travailler pour les jeunes et non pas en revendications diverses.

Enfin, un élément essentiel qui devra obligatoirement être attaché à ce projet de loi concerne la formation en gestion. Pour tous les acteurs impliqués, des parents aux directions en passant par les enseignants. Chacun de nous avons besoin d’avoir des bases solides pour mener à bien l’éventuel mandat du conseil scolaire et du conseil d’établissement. Sans oublier qu’il faudra aussi, si le projet de loi est adopté, former et accompagner tous ceux qui devront revoir leur manière de faire et ce, dans le respect de chacun des intervenants impliqués dans ces nouveaux processus. 

Un débat sain!

Le projet de loi no 86 soulève les passions dans le monde de l’éducation. Et c’est très sain pour notre société! Aujourd’hui, tous les gens concernés par le succès, le bien-être et les besoins des élèves ont la chance de se prononcer sur le sujet, de questionner les choix et de proposer des pistes de solutions. Pour l’avenir de la jeune génération et le bien de tous, il n’en tient qu’à nous de faire de l’éducation publique au Québec une véritable priorité et d’en arriver à un consensus sur les moyens d’y arriver. 

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corinne payne

Corinne Payne

Présidente, Fédération des comités de parents de Québec (FCPQ)

Corinne Payne est présidente de la Fédération des comités de parents du Québec. Par son implication, elle désire contribuer à l’amélioration du système public d’éducation au Québec, en s’assurant que les décisions qui y sont prises le soient toujours dans le meilleur intérêt des enfants.

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