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Le décrochage scolaire en Europe

De quoi parle-t-on?

En Europe, le terme anglais utilisé pour parler du décrochage scolaire est Early school leaving (ESL), autrement dit, les sortants précoces du système scolaire. Ils ont « entre 18 et 24 ans avec une qualification inférieure à l’enseignement secondaire supérieur et ne sont pas dans un programme d’enseignement ou de formation durant une période de référence de quatre semaines qui précède le sondage »1

En France jusqu’en 2000, était considéré comme décrocheur tout sortant du système scolaire, sans diplôme2 et susceptible d’entrer sur le marché du travail. Pour se conformer aux objectifs européens fixés à Lisbonne en 2000, la définition européenne a été adoptée, la notion de non-qualification a cédé le pas à celle de décrochage.

Fin 2013, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) définissant ainsi le décrochage : « Un décrocheur est un élève qui quitte un cursus de l’enseignement secondaire sans obtenir le diplôme finalisant cette formation (…) Le décrocheur peut être un élève diplômé d’un CAP ou d’un BEP qui entame un parcours menant au baccalauréat professionnel ou technologique mais qui quitte le lycée sans l’obtenir ». Le décrocheur peut donc être déjà diplômé (53 %) ou avoir uniquement le Brevet des collèges (26 %). Les décrocheurs ne sont pas forcément « mauvais » élèves, ils sont plus souvent issus de milieu ouvrier, de familles nombreuses, ce sont plus fréquemment des garçons et leurs mères sont moins diplômées.

Des chiffres

En Europe, le taux de décrochage se situe entre 10 et 20 %, (12,5 % de moyenne en 2012), avec d’énormes disparités selon les pays. L’objectif affirmé est de 10 % en moyenne (stratégie Europe 2020).

  • La France avec un taux de 11,8 % se fixe de passer sous les 9,5 %.
  • Le taux de décrochage se situe autour de 17,5 % en Italie et en Roumanie.
  • Il au-delà de 20 % en Espagne ou au Portugal. Dans ces deux pays, jusqu’en 2008, le marché du travail permettait de trouver facilement un emploi saisonnier, lié au tourisme, mais la crise économique a rendu cruciale la prévention des sorties précoces.
  • Les taux de décrochage des pays d’Europe du Nord et d’Europe centrale sont bien plus bas :
  • La Slovénie, la Slovaquie, la République Tchèque, la Pologne et la Lituanie ont les taux les plus faibles (entre 4,5 et 6,5 %).
  • Les Pays- Bas ont vu leur taux passer de 15,4 % en 2000 à 9,1 % en 2011; le Luxembourg de 7,7 % en 2009 à 6,2 % en 2011; la Bulgarie de 20,5 % en 2001 à 12,8 % en 2011.
  • Le Danemark et l’Autriche ont des taux inférieurs à la moyenne européenne mais dans ces deux pays, une proportion très importante de jeunes sortis du système scolaire ont de faibles compétences : 22 % et 27,6 % respectivement.

Comment lutter contre le décrochage scolaire?

Les travaux européens font ressortir trois axes de lutte :

  1. La prévention, qui s’adresse à tous les élèves, pour éviter notamment le décrochage cognitif3;
  2. L’intervention, qui consiste à mettre en place des actions ciblées sur des élèves repérés comme étant à risque de décrochage;
  3. La réparation, qui vise à trouver des solutions aux jeunes ayant décroché.

Les alliances éducatives, qui sont en train de se concrétiser, ne sont actuellement pas aussi développées qu’elles ne le sont au Québec.

En France, il y a une tradition curative importante (écoles de la deuxième chance, crédits de formation individualisée, contrats de professionnalisation, contrats d’insertion dans la vie sociale, etc.) mais il apparait que la prévention et l’intervention sont plus efficaces et moins onéreuses.

L’Allemagne va privilégier la formation professionnelle qualifiante, le Royaume-Uni va favoriser des mesures préscolaires ou inciter par un soutien financier les jeunes à rester dans le système éducatif.

L’importance des « diplômes de base » professionnalisants (CAP, Certificat d’aptitudes professionnelles en France, ou CFC, Certificat fédéral de capacité en Suisse) est réaffirmée pour atteindre le double objectif européen :

  1. Augmenter le niveau d’éducation de la population pour permettre à chaque citoyen de s’intégrer dans la société de la connaissance;
  2. Garantir la flexibilité de la main d’œuvre. 

La lutte contre le décrochage scolaire prend tout son sens à la lecture de ces deux objectifs qui font d’ailleurs écho à la stratégie Europe 2020.

Les mesures préventives se déclinent sur plusieurs axes :

  • Mettre en œuvre une pédagogie différente : accompagnement éducatif, pédagogie alternative, parcours d’orientation, tutorat, bienveillance, etc.; 
  • Répondre aux besoins des élèves : sécurité, relation de qualité, adultes bienveillants et structurants, dignité, justice; mais aussi renforcer les capacités de résilience et le sentiment d’appartenance à l’établissement;
  • Développer des programmes de prévention : à destination des élèves, des enseignants, mais aussi des parents;
  • Inscrire le décrochage scolaire dans une perspective de réussite éducative et de persévérance scolaire. 

D’une manière générale, les dispositifs4 mis en place dans les différents pays européens organisent un système d’accompagnement des élèves : care-committees aux Pays-Bas, tutorat ou mentorat (Espagne),coaching (Autriche), conseil (guidance au Danemark). Certains pays vont davantage privilégier les périodes de transition (entre cycles; entrée dans la voie professionnelle; entrée sur le marché du travail) qui sont les moments où le risque de décrochage effectif est le plus important.

Vers des alliances éducatives

En France, les institutions, les collectivités et les associations qui luttent contre le décrochage scolaire sont nombreuses. Les efforts sont réels mais insuffisamment coordonnés; C’est pourquoi le ministère a créé les réseaux FOQUALE5 qui rassemblent les établissements et dispositifs relevant de l’Éducation nationale susceptibles d’accueillir les jeunes décrocheurs. Ces réseaux s’intègrent eux-mêmes dans des réseaux de partenaires constitués autour des « plateformes d’appui et de suivi aux jeunes décrocheurs », qui sont un mode de coordination des acteurs locaux de la formation, de l’orientation et de l’insertion des jeunes mis en place en 2011. L’objectif est d’apporter une réponse personnalisée et rapide à chaque jeune sans diplôme et sans solution.

Les alliances éducatives, qui sont en train de se concrétiser, ne sont actuellement pas aussi développées qu’elles ne le sont au Québec. Il leur reste encore à s’ouvrir un peu plus aux acteurs du tissu économique local et aux parents notamment.

 

Recap – in Europe, early school leaving is defined in various ways. Influenced by European discourse, France has moved from describing it as “a lack of diploma” to “dropping out.” The situation in Europe takes many forms: rates vary according to a nation’s history and particular situation, but all countries have made a priority of battling early school leaving, primarily by engaging in prevention and intervention with young people identified as being at risk. The preferred courses of action involve implementing different teaching methods, fostering quality relationships, developing resilience, working with families, and encouraging academic success.

While educational alliances appear promising, they are difficult to implement, particularly in France where multi-layered bureaucracies and institutions render these efforts ineffective.

 

Photo: Dave Donald

Première publication dans Éducation Canada, mai 2015

 


1 Blaya Catherine (2010). Décrochages scolaires : l’école en difficulté. Bruxelles : De Boeck.

2 Ou alors uniquement le Brevet des collèges, qui n’a pas valeur de diplôme à proprement parler. Les élèves le passent en fin de scolarité obligatoire, mais son obtention n’est pas obligatoire pour la poursuite d’étude au lycée (secondaire supérieur).

3 Feyfant Annie (2012). Enseignement primaire : les élèves à risque (de décrochage). Dossier d’actualité Veille et Analyses IFÉ, no 80, décembre. Lyon : ENS de Lyon.

4 Thibert, Rémi (2013). Le décrochage scolaire : diversité des approches, diversité des dispositifs. Dossier d’actualité Veille et Analyses IFÉ, no 84, mai. Lyon : ENS de Lyon. 

5 Formation, qualification, emploi.

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Rémi Thibert

Rémi Thibert est un professeur de lycée professionnel, en détachement au service Veille & Analyses de l’Institut français de l’éducation (IFE) au sein de l’ENS de Lyon.

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