climat scolaire et bonheur à l'école

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Bien dans mon travail, Bienêtre

Mieux mesurer pour améliorer le climat scolaire et le bonheur à l’école

Imaginez une personne qui veut perdre du poids et qui ne se pèse jamais. Imaginez une personne diabétique qui ne mesure pas son taux de glycémie. Imaginez un sprinteur qui ne mesure jamais le temps de ses courses. Imaginez maintenant une école qui veut améliorer son climat scolaire, mais qui ne mesure jamais celui-ci. Ceci s’avère un non-sens.

Ce qui est commun à ces exemples est l’adoption d’une approche d’amélioration « au pif ». On espère atteindre un but quelconque sans jamais avoir considéré certains indicateurs. On ne pourra donc, dans un tel contexte, déterminer comment et quand on y arrivera. Il est évident qu’une telle approche est inefficace et que le personnel scolaire et les élèves méritent mieux.

Si on se tourne plus spécifiquement vers le climat scolaire, il est certainement désirable que le personnel et les élèves soient heureux à l’école. Force est d’admettre cependant que nous ne sommes pas encore habitués de parler de bonheur à l’école bien que le concept de bonheur dans une société soit loin d’être nouveau.

Happy teenagers and students.

À l’échelle mondiale, la New Economics Foundation publie depuis 2006 le « Happy Planet Index » (Index du bonheur planétaire) pour 140 pays à partir d’indicateurs du bien-être humain et d’impacts environnementaux. Pour sa part, l’Organisation des Nations Unies (ONU) présente annuellement un palmarès comparant 156 pays selon leur niveau de bien-être à l’aide d’un indice nommé Gross National Happiness (GNH). Le GNH ressemble en plusieurs points à l’indice du Bonheur National Brut (BNB) développé par le Bhoutan et conçu pour fournir des données probantes à l’établissement de politiques nationales.

Ces exemples nous font voir que les concepts de bien-être et de bonheur s’appliquent autant aux pays qu’aux personnes. Mais qu’en est-il pour les écoles? Malgré que la notion du concept de bonheur à l’école soit récente1, elle gagne rapidement la faveur des milieux d’enseignement. La question n’est donc pas de débattre l’importance du bonheur à l’école, mais plutôt d’établir comment le mesurer afin de pouvoir ensuite l’augmenter ?

L’inventaire du mieux-être et de la résilience (IMER©)

Des questionnaires de type auto-évaluation sont généralement préférés pour mesurer le bonheur des personnes et des organisations, souvent à l’aide de questions à choix multiple ou même à partir d’une seule question subjective. Malgré sa popularité, cette approche est loin de faire l’unanimité en raison de sa grande subjectivité. Ceci explique la confiance mitigée du public envers de tels résultats.

Il arrive parfois que les données individuelles de chaque répondant soient utilisées pour calculer une moyenne servant ensuite à conclure qu’elle représente le niveau de bonheur d’un groupe quelconque. Malheureusement, cette façon de faire est erronée. À titre démonstratif, supposons que la moyenne des notes d’examen de tous les élèves d’une même classe est 50 % alors que dans une seconde classe elle est 0 % pour une moitié d’élèves et 100 % pour l’autre moitié. Bien que ces deux classes aient la même moyenne soit 50 %, il est évident que ces deux classes sont très différentes. Or, que l’on parle d’une moyenne à un examen ou une moyenne du bonheur à l’école le problème demeure entier lorsque cette approche est utilisée.

positive leader in action

Cette approche erronée fait contraste à celle développée par l’équipe de WMA Wellness. En effet, les travaux de recherche on conduit à développer le Cadre du milieu de travail positif(CMTP) qui utilise l’Inventaire du mieux-être et de la résilience (IMER) pour mesurer le bien-être et le bonheur dans les écoles. Contrairement aux questionnaires subjectifs évoqués, l’IMER présente 32 descriptions courtes, objectives et sans jargon, de pratiques reconnues pour augmenter le mieux-être et la résilience au sein d’une école. Les répondants doivent indiquer le niveau d’usage d’une pratique observée dans leur école au moyen d’une échellede Likert à cinq points : 1 = ne ressemble pas à mon école; 3 = ressemble quelque peu à mon école; 5 = ressemble le plus à mon école. Il n’y a aucun avantage à être malhonnête car chaque réponse est anonyme et confidentielle. Cette approche augmente ainsi la fidélité de l’IMER.

De plus, l’IMER a fait l’objet d’une validation psychométrique rigoureuse. Les résultats sont concluants ce qui suscite la confiance des écoles. L’IMER sert à mettre en évidence leurs forces en indiquant les domainess’investir collectivement seraient avantageux. En fonction des résultats obtenus, des activités ciblées peuvent être entreprises à l’aide de ressources qui accompagnent le rapport de l’IMER en ce qui a trait aux trois sous-domaines du mieux-être (appartenance, compétence, autonomie-soutien) et aux cinq sous-domaines de la résilience (atouts relationnels, atouts professionnels, atouts d’attitude optimiste, atouts d’intelligence émotionnelle, atouts d’adaptation).

Enfin, compte tenu du succès de l’Inventaire du mieux-être et de la résilience (IMER) dans les écoles de plusieurs provinces, une version pour les élèves (IMER-É) et une pour les parents d’élèves de la maternelle à la 4e année (IMER-P) ont été développés et validés.

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L’indice de bonheur à l’école (IBÉ)

En plus de mener à un rapport détaillé, les réponses à l’IMER permettent de calculer l’Indice de Bonheur à l’École (IBÉ) d’une école. D’un seul coup d’œil, l’IBÉ présente le « portrait » entier d’une école quant à son intégration de pratiques reconnues impactant positivement son bien-être global. L’utilisation de l’IBE est donc une excellente façon de quantifier et de suivre l’évolution du climat scolaire d’une année à l’autre.

De plus, des études préliminaires menées au Nouveau-Brunswick démontrent une corrélation positive forte et statistiquement significative entre l’IBÉ et les résultats aux examens ministériels. Augmenter le bonheur à l’école ne se fait donc pas au détriment de l’apprentissage. Au contraire, augmenter le bonheur à l’école agit favorablement sur la réussite des jeunes et en est même un précurseur2.

L’impact de la direction d’école

Rares sont les écoles qui ont un indice du bonheur élevé sans avoir une excellente direction d’école (personne ou équipe) qui permet au personnel de mettre en place les pratiques positives du mieux-être et de la résilience telles que présentées dans le CMTP.

« Il va de soi qu’une école a avantage à assurer que son équipe de dirigeants soit composée de leaders positifs. »

Nonobstant notre perception individuelle des qualités d’une « bonne » direction d’école, il ne fait aucun doute qu’elle doit faire preuve de compétence dans plusieurs domaines en ce qui a trait à son leadership. De nombreuses recherches appuient la croyance que des leaders positifs réussissent à améliorer leur organisation à plusieurs niveaux. Le domaine scolaire ne fait pas exception.

En plus de confirmer nos croyances quant à l’impact qu’a un leader positif sur un groupe, des recherches récentes démontrent que des pratiques de leadership positif mènent aussi à des bénéfices individuels au niveau de la santé psychologique, du bien-être émotionnel, du fonctionnement optimal du cerveau, des relations interpersonnelles et de l’apprentissage. Il va de soi qu’une école a avantage à assurer que son équipe de dirigeants soit composée de leaders positifs.

Mais qu’elles sont ces compétences et ces pratiques qui témoignent qu’un leader n’est pas seulement bon, mais, encore mieux, excellent?

Celebrating positive leader

Les leaders capables de créer un environnement scolaire positif où tous les acteurs peuvent être à leur meilleur ont en commun la capacité d’établir des liens interpersonnels forts3. Ces leaders positifs communiquent sincèrement les informations, qu’elles soient positives ou négatives. Ils sont respectueux des autres et leurs critiques se font de manière constructive sans exprimer des émotions négatives. Ils ont confiance en leur personnel et ils le soutiennent en cas de difficulté. De plus, ils n’hésitent pas à reconnaître le travail bien fait et à valoriser les bons coups, autant en privé qu’en public. Les leaders positifs privilégient les buts à long terme et ont un savoir-faire stratégique évident, et tout ça dans un cadre de travail marqué par la convivialité, l’humour et l’enthousiasme. Un tel leader est souvent porteur d’un charisme qui donne confiance, mobilise et engage. Voilà donc une substantielle commande!

Heureusement, ce qui rassemble ces pratiques est qu’elles sont observables, donc peuvent être apprises et de surcroît, mesurées. Les travaux de Cameron4 et la synthèse effectuée par WMA Wellness5, démontrent que des leaders positifs font preuve de compétences à travers cinq domaines : les vertus du leadership en action, la communication positive, les aptitudes à dynamiser, les connaissances et compétences motivationnelles et les tâches opérationnelles.

La mesure de ces pratiques – l’Inventaire du leadership positif (ILP)

Un autre élément important du CMTP est un questionnaire qui, à l’image de l’IMER, évalue cette fois le niveau d’intégration de pratiques dans chacun des cinq domaines du leadership positif. Même si les pratiques de leadership positif s’appliquent à tous, le questionnaire, nommé Inventaire du leadership positif (ILP) décrit ces pratiques en fonction d’un ou plusieurs leaders d’une organisation ou d’une école.

L’ILP est composé de descriptions courtes, claires et sans jargon de 30 pratiques de leadership habituellement présentes dans des milieux de travail positifs.

Chacune des pratiques est en lien avec un des cinq domaines du leadership positif. Pour chacune de ces pratiques, les répondants doivent indiquer jusqu’à quel point elles sont présentes dans leur école à l’aide d’une échelle Likert à cinq points où 1 = Pas du tout, 3 = Parfois et 5 = Très souvent. Le questionnaire administré en ligne est confidentiel et anonyme. Il nécessite environ 8 à 10 minutes pour y répondre.

Un rapport clair et simple montre la fréquence, à travers six niveaux de développement, à laquelle les pratiques de leadership positif sont intégrées à l’école. Ceci permet aux leaders d’identifier leurs forces et de choisir ce qu’ils considèrent prioritaires à développer. Pour faciliter le tout, le CMTP fournit de nombreuses ressources spécifiques à chacun des cinq domaines en plus d’un accompagnement continu.

L’inventaire du leadership positif a fait l’objet d’une validation psychométrique rigoureuse. Les résultats démontrent que l’ILP peut être utilisé en toute confiance pour mettre en évidence les forces et les domaines qui nécessitent plus de développement en ce qui a trait aux pratiques du leadership positif dans les écoles.

Conclusion

Pour se mériter la réputation d’être « une bonne école » où l’indice du bonheur à l’école (IBÉ) est élevé celle-ci doit avoir des leaders qui excellent en plusieurs points.

La mise en œuvre du Cadre du milieu de travail positif (CMTP) permet aux leaders de créer un environnement scolaire où les pratiques du mieux-être et de la résilience peuvent être intégrées dans toutes les tâches et les routines quotidiennes. L’inventaire du mieux-être et de la résilience (IMER) permet de mesurer jusqu’à quel point ces pratiques sont bien intégrées pour ensuite bâtir sur les forces qui s’y trouvent. Simultanément, l’intégration des pratiques de leadership positif et son accompagnement au moyen de l’ILP, aident chaque direction d’école à continuer de s’améliorer professionnellement.

Avec une telle dynamique dans une école il est inévitable que le niveau de bonheur soit élevé et que tous le ressentent en plus de pouvoir le quantifier.

L’auteur tient à remercier madame Annie Martel pour ses judicieux conseils et suggestions.

Photo : iStock

Première publication dans Éducation Canada, mars 2020


Notes

1 Bonheur à l’école. (2019). https://bonheuralecole.org/

2 Lyubomirsky, S., King, S., & Diener, L. (2005). The benefits of frequent positive affect: Does happiness lead to success? Psychological Bulletin, 131(6), 803-855.

3 Rolland JP. L’évaluation de la personnalité. Le modèle à cinq facteurs. Sprimont : Mardaga ; 2004.

4 Cameron, K. (2013). Positive Leadership: Tools and Techniques that Create Extraordinary Results. San Francisco: CA, Berrett-Koehler.

5 WMA Wellness. (2019). www.wmawellness.com

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Robert Laurie, Ph. D.

Directeur et Chercheur, WMA Wellness et Université du Nouveau-Brunswick

Robert Laurie is Director of Assessment and Evaluation with the New Brunswick Department of Education. He has extensive experience in assessment and evaluation at the provincial, pan-...

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