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Apprentissage autochtone, Enseignement, Évaluation, Opinion

Que faut-il changer pour rehausser la réussite des élèves autochtones?

Mes réflexions au sujet de cette question concernent la formation continue d’adultes issus des premières nations (PN). En effet, mon expérience d’enseignement avec ces étudiantes est récente et dans le contexte d’une formation de certificat universitaire destinée à des éducatrices ou intervenantes autochtones en petite enfance qui œuvrent au sein de leur communauté. Ce certificat a été développé à la demande du Conseil de la santé et des services sociaux des premières nations du Québec et du Labrador (CSSSPNQL) afin de répondre à un besoin de formation des intervenantes en petite enfance dans les communautés des premières nations membres du CSSSPNQL. Ils souhaitaient développer un certificat universitaire afin de former des accompagnatrices d’enfants ayant des besoins spéciaux pendant la petite enfance chez les premières nations.

Ainsi, depuis janvier 2013, deux cohortes d’étudiantes, l’une francophone et l’autre anglophone originaires de dix communautés des PN au Québec, sont en formation continue à l’UQAM. Cette formation est dispensée à temps partiel, parfois en présence à Montréal, sur une semaine intensive lors de chacune des premières semaines des trimestres d’étude. Pour la suite des trimestres, c’est la formation à distance, une fois par semaine, par le biais de la vidéoconférence, qui a été privilégiée.

Jusqu’à maintenant, l’expérience nous a appris que l’un des premiers facteurs favorisant la réussite se trouve dans l’adaptation au style d’apprentissage de ces étudiantes, mais aussi dans la mise en contexte des notions à leur réalité quotidienne autochtone. Ainsi, toutes les chargées de cours qui interviennent dans ce certificat ont suivi une courte formation de sensibilisation à la réalité autochtone et la plupart ont visité l’une des communautés visées, soit celle de Manawan.

Nous avons ainsi adapté nos stratégies d’enseignement et nos activités d’apprentissage et d’évaluation afin que les étudiantes puissent travailler sur des sujets qui les touchent dans leur réalité quotidienne. Pour ce faire, nous avons collecté de l’information sur leur vie quotidienne afin de nous familiariser à leurs besoins, leurs connaissances et leurs intérêts.

L’autre facteur de succès concerne la concertation des différents intervenants et chargés de cours qui travaillent avec ces étudiantes. Nous devons partager l’information, nous assurer que tous adoptent un langage accessible et des politiques d’évaluation des apprentissages concertées centrées sur les stratégies qui favorisent le transfert des apprentissages dans la pratique quotidienne. Jusqu’à maintenant, il semble que nous y parvenions puisque très peu d’étudiantes ont abandonné ou échoué leurs cours et le certificat se termine en septembre 2014.

Le principal défi rencontré par ces étudiantes est celui de la langue d’enseignement. En effet, la très grande majorité des étudiantes de la cohorte francophone sont de langue maternelle autochtone (Atikamekw et Innu). Leurs capacités d’expression écrite et orale en langue française s’en trouvent amoindries. Cette difficulté a été contournée par l’attribution d’une personne ressource embauchée par le conseil d’éducation des premières nations (CÉPN) qui a pour principale fonction de soutenir le travail de rédaction des étudiantes et de leur offrir de l’aide pédagogique en tutorat individuel lors de la rédaction de leurs travaux de session. Aussi, cette personne ressource est attitrée à l’organisation des trimestres d’étude en présence à l’UQAM (sur le campus de Longueuil) dont la planification et la gestion des déplacements et de l’hébergement. Les communautés prêtent aussi leur salle de vidéoconférence pour les cours qui se donnent à distance et les frais de scolarité sont assumés par un programme des ressources humaines Canada obtenu par le CSSSPNQL. Ce soutien facilite grandement l’apprentissage des étudiantes qui n’ont pas à se préoccuper de ces variables organisationnelles et peuvent ainsi mieux se concentrent sur leurs études.

Enfin, le dernier élément qui nous semble soutenir la réussite de ces étudiantes concerne le plaisir manifeste et contagieux manifesté par ces femmes de travailler ensemble dans un but commun. Nous avons découvert des femmes courageuses, engagées dans leur communauté et remplies d’espoir pour les enfants avec lesquels elles travaillent. C’est inspirant et nous sommes impressionnés de leur volonté de réussir !


Ce billet de blogue fait partie d’un dossier de l’ACE sur la réussite scolaire des élèves autochtones, qui comprend également un numéro thématique de la revue Éducation Canada sur la question et une fiche Les faits en éducation sur les résultats de recherche montrant comment nous pouvons créer les conditions favorables à la réussite scolaire des élèves autochtones dans nos écoles publiques. Si vous souhaitez publier un billet de blogue dans cette série, veuillez communiquer avec info@cea-ace.ca.

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nathalie bigras

Nathalie Bigras

Titulaire d’un Ph.D. en psychologie spécialisée dans le développement des nourrissons qui fréquentent les services de garde, Nathalie Bigras est professeure titulaire au département de didactique de l’Université du Québec à Montréal (UQÀM). Elle est aussi professeure externe au département de psychologie de l’UQAM et de l’Université de Sherbrooke et enseigne aux premier, second et troisième cycle à la faculté des sciences de l’éducation de l’UQAM. Elle dirige aussi des étudiants au doctorat en éducation et en psychologie ainsi qu’à la maitrise en éducation.

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