« On enseigne avec ce que l’on est! »
La relaxation : à passer au suivant
En 2007, lors du congrès provincial des enseignants du préscolaire, j’animais pour la toute première fois un atelier intitulé Saines habitudes alimentaires et relaxation pour les tout-petits : des outils pour la vie! Dans mon baluchon, j’apportais avec moi mon expérience d’enseignante, de mère de deux enfants d’âge préscolaire, de superviseur à la formation des maîtres et d’auteur, et je l’avoue humblement, je ne savais pas trop à quoi m’attendre de cette expérience. La seule chose que je savais, c’est que les grands qui entourent les tout-petits ont une responsabilité énorme en tant que modèle d’apprentissage de la gestion du stress et je voulais passer au suivant ce que j’avais appris sur la relaxation. Je suis arrivée devant les enseignantes inscrites à mon atelier avec une phrase en tête :
« On enseigne avec ce que l’on est! »
Cette phrase, je la répète constamment à mes stagiaires à l’Université de Montréal, tel un mantra, en espérant que certains d’entre eux s’en souviendront encore dans quelques années. Quel lien y-a t’il ici à faire avec l’enseignement de la relaxation? Il est tout simple, quasi invisible, comme la respiration.
Comment un enseignant peut-il aspirer à communiquer la passion de la lecture à ses élèves s’il n’aime pas lire ou pire, s’il ne lit jamais? Les enseignants qui se soumettent à la pratique de l’écriture sur une base régulière ne sont-ils pas ceux qui sont mieux disposés à comprendre les défis que représentent le processus d’écriture aux yeux de leurs élèves? Bref, l’enseignement efficace d’une pratique ne peut être transmis sans que l’on prenne le soin de la pratiquer soi-même. C’est définitivement le cas de la gestion du stress et de la pratique de la relaxation!
Parents, enseignants, auteurs, praticiens, nous sommes de plus en plus nombreux à nous pencher sur l’importance de communiquer le mécanisme de la relaxation, particulièrement aux enfants.
La relaxation gagne ses lettres de noblesse
Docteur Henry Wintrebert
C’est une sommité dans le domaine de la relaxation et l’enfance. Ce psychiatre-psychothérapeute a été un des leaders de la relaxation de l’enfant en France. Ses travaux ont pris naissance à l’hôpital de la Salpétrière à Paris. Avant-gardiste, Henry Wintrebert avait déjà noté, dès 1959, tout ce que la relaxation pouvait apporter à l’enfant, toute l’importance de l’intégration du vécu corporel à la pensée du sujet pour son équilibre. Il faisait ainsi entrer la relaxation dans le champ thérapeutique et psychothérapique des divers troubles de l’enfant. Il est l’auteur de « La Relaxation de l’enfant »[1], dans lequel il soulève les questions suivantes :
L’enfant a-t-il besoin, déjà, à son âge de se relaxer? Est-il soumis lui aussi comme l’adulte au stress, à l’angoisse, à l’insomnie, aux maladies psychosomatiques, aux phobies, etc.?
Sa réponse est oui, évidemment, car l’enfant subit peut-être plus qu’autrefois les traumatismes psychologiques mettant en cause son équilibre psychoaffectif. L’augmentation des divorces, la précarité de la stabilité professionnelle des parents, la compétitivité scolaire, l’attraction des objets de communication et de consommation, le surmenage des mères sont autant de facteurs faisant apparaître chez l’enfant une insécurité permanente, source de tensions psychiques et physiques. Il y a en plus chez lui la construction et l’évolution de sa propre vie psychique et l’organisation de son imaginaire qui sont aussi source d’angoisses et de craintes perturbant le sommeil, la scolarité et les relations parentales. L’enfance n’est pas sereine. La relaxation engendre un état physique de profonde détente qui entraîne des changements tant physiques qu’émotionnels en réponse au stress.
Geneviève Manent
Plus contemporaine, Geneviève Manent, auteure de
« L’enfant et la relaxation »[2] traite ainsi du sujet :
Chaque enfant est riche d’un monde intérieur que nous méconnaissons souvent, pris que nous sommes dans notre hâte. L’enfant lui-même est souvent perplexe et partagé entre son monde et celui des adultes; il cherche des repères et son identité.
L’auteure poursuit en mentionnant que grâce à la relaxation…
L’enfant pourra s’épanouir dans sa dimension globale et trouver l’harmonie tout au long de sa croissance; il saura utiliser ses cinq sens, habitera intimement et avec bonheur son corps, se reliera plus facilement aux autres et à son environnement. En favorisant une connaissance de lui enracinée dans le corps, la relaxation l’aidera à avancer avec plus de conscience et de sécurité. Il pourra alors entrer sereinement dans le monde adulte.
Docteur Herbert Benson
En 1975 un dénommé Herbert Benson, médecin et professeur associé à l’école de médecine de Harvard démontrait dans une étude intitulée The Relaxation Response[3] les effets mesurables de la relaxation sur le corps humain. Ainsi, scientifiquement prouvée, il observe les effets suivants sur le corps humain :
- Diminution du rythme respiratoire;
- Diminution de la pression sanguine;
- Diminution du rythme cardiaque;
- Diminution de la tension artérielle.
Herbert Benson fait la constatation que la solution se trouve dans notre manière de répondre au stress. Les travaux du Dr. Benson furent revisités en 2006, alors que la papesse de la télé américaine, Oprah Winfrey, a interviewé le célèbre cardiologue américain en le présentant comme n’étant rien de moins que le Bill Gates de l’équilibre mondial, fondateur du Mind/Body Medical Institute de l’hôpital Général du Massachussetts et professeur associé à l’Université Harvard. Véritable pilier dans le domaine de la recherche axé sur la relation corps-esprit dans le domaine des sciences médicales, ses activités de recherche ciblent le stress et la réponse au stress via la relaxation.
Des mots pour les maux
Avec une approche d’éducation globale de l’enfant, on ne peut passer sous silence les situations de violence et d’anxiété auxquelles tout être humain sera confronté au cours de sa vie. Il importe donc de permettre à tout être humain de développer le plus tôt possible son coffre à outils pour faire face à ces maux. La relaxation permet aux enfants d’apprendre que le corps est une réalité vivante et non un objet encombrant ou une source de maux. La relaxation permet aussi de se centrer sur soi pour pouvoir, avec le temps, apprendre à trouver les mots des maux ressentis et ainsi être proactif pour trouver des solutions et favoriser le mieux-être.
L’ABC de la relaxation… en classe préscolaire-primaire
La relaxation n’est pas un processus passif mais bien un exercice actif qui encourage l’écoute de soi, et la base de cette écoute passe par l’écoute de la respiration. Cette période a pour effet de permettre aux enfants de se reposer, de faire le plein d’énergie et de se centrer sur leur ressenti. C’est bien beau tout ça mais dans la réalité de tous les jours : comment transmettre la relaxation aux enfants? Avouons-le : pas facile d’inculquer cette pratique au quotidien sur une base autonome. De là l’importance de la relaxation dirigée. Personnellement, je l’ai fait en réponse aux élèves qui m’avaient demandé de les faire voyager pendant la période de détente qui suivait mon cours de théâtre. La détente a pris une dimension ludique, créative et mon objectif de semaine en semaine fut de permettre à mes élèves de développer les mécanismes de la relaxation pour qu’ils puissent y avoir recours en temps voulu. Mon but ultime : leur permettre d’atteindre un état de détente optimal en relaxant chacune des parties du corps et en encourageant les élèves à pratiquer une respiration profonde et dirigée, tout en restant parfaitement conscients.
Relaxation et sommeil : pareil ou pas pareil?
Nombreux sont ceux qui confondent sommeil et relaxation. Il est clair que tous les experts s’entendent sur ce fait : la relaxation, ce n’est pas DORMIR. S’il est vrai que le sommeil de certaines personnes peut avoir un effet calmant sur d’autres, il est surtout vrai que la relaxation peut avoir l’effet de prédisposer au sommeil réparateur. Toutefois, ce n’est pas dans le sommeil que la relaxation puise sa force. En résumé, une séance de relaxation telle que préconisée par Dr. Benson est une détente profonde et dirigée d’une durée d’environ 20 minutes. Le but : détendre chacune des parties du corps et se centrer sur la respiration, tout au cours de l’exercice.
Prendre le temps de souffler
Quoi de plus personnel à chacun que son souffle? Prendre le temps de souffler, c’est aussi se brancher sur sa respiration. Cela veut aussi dire se centrer sur un élément essentiel qui nous tient en vie et que nous pratiquons de façon inconsciente. Relaxer c’est également prendre le temps de s’extasier devant le mécanisme du corps humain, prendre son pouls à la fois physiquement et symboliquement et sentir son cœur battre dans sa poitrine. On prend ainsi conscience que trop souvent on se fait violence lorsqu’on ne prend pas le temps d’être à l’écoute de ce système extraordinaire qui nous envoie des messages tout au long de nos journées. Les maux de têtes et autres malaises nous le confirment souvent quand le mal est fait. La relaxation, c’est donc apprendre à être à l’écoute de soi. Les appellations sont nombreuses : sophrologie, relaxologie, relaxation, détente, réponse au stress. Pour ma part, je lui ai donné le nom de Relaxation pour les Tout-Petits, une collection ayant pour thèmes des sujets adaptés à la salle de classe (les insectes, les saisons, les 5 sens, etc.). Je voulais surtout permettre aux enfants de développer les mécanismes de la relaxation d’une manière à la fois amusante et captivante car la relaxation, c’est aussi développer le sens de l’ouïe en passant par l’écoute de soi.
« On enseigne avec ce que l’on est »
En vérité, lorsqu’on apprivoise les mécanismes de la relaxation et qu’on développe cette saine habitude de vie au quotidien, c’est un cadeau que l’on s’offre. Et comme on sait que le geste d’offrir est un plus grand bonheur que celui de recevoir, la suite naturelle est de passer au suivant la pratique de la relaxation. Je pense sincèrement que permettre aux enfants de développer les mécanismes de la relaxation, c’est leur offrir un cadeau pour la vie. En ce sprint final, avant la fin de l’année scolaire, je souhaite à tous les élèves et à leurs enseignants de prendre un petit moment à chaque jour pour souffler un peu, respirer et surtout relaxer!
Illustration: Alexandra Cota (iStock)
Première publication dans Éducation Canada, mars 2014
RECAP – In this article, the author explains the importance and benefits of relaxation for students’ health. She favours teaching children through a holistic approach that takes into account the experience of violence and anxiety that confront all human beings at times throughout their lives. In this context, it is vital that each person develops a toolbox of skills early in life to cope with such stresses. Relaxation enables children to learn that the body is a living reality and not an awkward object or a source of suffering. Parents, teachers, authors, and practitioners are increasingly aware of the importance of sharing the practice of relaxation with children.
[1] Wintrebert, Henry, La relaxation de l’enfant, éditions de l’Harmattan, 282 pages (2003).
[2] Manent, Geneviève, L’enfant et la relaxation – S’il te plaît, apprivoise-moi!, Éditions Le Souffle D’Or, collection Chrysalide, 4e édition (2009).
[3] Benson, Herbert, The Relaxation Response, Éditions AVON, 222 pages (1976).