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Bienêtre, Enseignement, Pratiques prometteuses, Programmes

Soutenir le bien-être émotionnel des élèves

Les futurs enseignants se sentent-ils prêts?

Les résultats de ma thèse sur les besoins de formation psychologique[1] mettent en évidence cette réalité: les futurs enseignants, finissants au baccalauréat en éducation préscolaire et enseignement primaire (BEPEP), perçoivent l’importance d’être outillés émotionnellement pour intervenir auprès des élèves. Au regard de leur formation universitaire, ils ont ciblé notamment des besoins liés à la gestion des émotions. En effet, ils aspirent à ce que la formation leur fasse connaitre les possibilités d’émotions vécues en enseignement pour intervenir, entre autres, dans des cas d’intimidation ou de violence.

Les témoignages de Valérie et Mélanie, futures enseignantes

Valérie, finissante au BEPEP, explique l’importance d’être formée dans le cadre de sa formation universitaire à bien réagir aux situations problématiques qu’elle pourrait vivre à titre d’enseignante : « En fait, on développe des compétences professionnelles pour être enseignante, mais les compétences psychologiques, pour moi, se réfèrent davantage à la gestion du stress, à la compréhension. Il y a beaucoup d’intimidation chez les élèves, donc il faut bien la comprendre. On peut être compétent professionnellement, sans avoir le mental pour gérer le stress, la violence. Il faut savoir comment réagir aux imprévus. Nous souhaitons être formés à réagir adéquatement ».La société actuelle ne laisse pas présager, à court terme, une diminution des perturbations scolaires[2]. La société est devenue plus dure, plus violente, les enfants réagissent différemment et ils sont plus exigeants, plus agressifs, plus angoissés, car ils ont perdu leurs repères[3]. Valérie soulignait en quelque sorte l’importance pour les futurs enseignants d’apprendre à écouter leurs élèves, à les accompagner ou même encore à reconnaître leurs angoisses et leurs peurs. Il s’avère alors important de prendre en compte cette dynamique dès la formation universitaire. D’ailleurs, certaines situations peuvent interpeller plus fortement un enseignant parce qu’elles sont associées à des événements qui s’inscrivent dans son histoire personnelle[4]. À titre d’exemple, si celui-ci a déjà été victime d’intimidations verbales lorsqu’il était élève, il sera peut-être plus enclin à protéger l’élève qu’à le responsabiliser[5].

Devant un élève difficile, l’enseignant peut se mettre en colère, avoir peur, se sentir las, vivre toute une palette d’émotions négatives qui vont venir interférer dans sa prise de décision pour résoudre le problème.

Mélanie, elle aussi finissante au BEPEP, souligne la nécessité d’apprendre à développer une gestion des émotions dans le cadre de sa formation universitaire. Elle explique sa perception à l’égard de la profession : « On fait toujours face à des situations qui nous font vivre différentes émotions. Un enfant peut nous faire rire comme il peut nous donner envie de sortir de la classe pendant un moment pour respirer ». Mélanie ajoute : « Quand t’as des cours qui te montrent à gérer des crises auprès des élèves en difficulté, en troubles de comportement, ça t’amène à réfléchir sur toi-même. Aussi, quand tu sens une colère monter, une anxiété, bien c’est vrai qu’on dit tout le temps aux élèves de réfléchir, de prendre dix secondes de respiration (…) ». Mélanie démontre ainsi l’importance de reconnaître ce besoin d’outiller émotionnellement les futurs enseignants devant les différentes problématiques de la profession enseignante, mais évoque également un parallèle intéressant de ce qui peut être « exigé » chez les élèves en situation de crise ou de gestion de conflits; par exemple, respirer ou se calmer[6].

En outre, le Ministère de l’Éducation du Québec (2001) souligne dans le Rapport de la formation à l’enseignement que la formation des maîtres s’expose à des défis importants à l’égard des transformations vécues dans le cadre de la profession. Ces changements entraînent une série de conséquences psychologiques et sociales qui influencent l’école[7]. Le discours des finissants témoigne de ces besoins. Ils désirent qu’une formation psychologique puisse leur donner les outils nécessaires pour intervenir auprès des élèves, entre autres, dans des cas d’intimidation. D’ailleurs, le discours des enseignants titulaires est semblable. En effet, une étude révélait que l’intimidation fait partie de leurs préoccupations sachant qu’ils signalent le manque d’outils « palpables » pour intervenir dans ces cas[8].

Outiller les futurs enseignants : place de la gestion des émotions

Devant un élève difficile, l’enseignant peut se mettre en colère, avoir peur, se sentir las, vivre toute une palette d’émotions négatives qui vont venir interférer dans sa prise de décision pour résoudre le problème[9]. C’est pourquoi il est important de considérer la place que peut avoir la gestion des émotions dans les programmes de formation[10]. À la lumière du discours des finissants interrogés dans cette étude, les problématiques telles que la violence et l’intimidation devraient davantage être explicitées dans leur formation universitaire. L’enseignant ne se connaît pas vraiment émotionnellement de l’intérieur et manque de vigilance quant à son comportement[11]. Il convient de rappeler qu’il ne s’agit pas simplement de gérer un groupe d’élèves, mais d’apprendre auparavant à se gérer soi-même devant le groupe[12]

Illustration: Boris Zaytsev (iStock)

Première publication dans Éducation Canada, mars 2014

 

RECAP – Teachers are increasingly asked to take on new responsibilities. They are asked not only to teach, but also to ensure their students’ psychological and emotional well-being. What does this mean for future teachers? Do they feel prepared to intervene? Are they themselves emotionally equipped? This short article reflects on the emphasis given in university teacher training to managing emotions in terms of various problem situations experienced in school settings. The students and graduates who are our future teachers are aware of the importance of being emotionally equipped to support students. They hope that their training will allow them to effectively intervene in instances of bullying or violence, among others.


[1] Pelletier, M.-A, Les besoins de formation psychologique chez les finissants en éducation préscolaire et enseignement primaire. Thèse de doctorat inédite, Université du Québec à Rimouski, Lévis (2013).

 

[2] Martin, F., Morcillo, A. et Blin, J.-F., Le vécu émotionnel des enseignants confrontés à des perturbations scolaires. Revue des sciences de l’éducation30(3), 579-604 (2004). Récupéré le 31 août 2013 de http://www.erudit.org/revue/RSE/2004/v30/n3/012083ar.html

[3] Latry, F., Les enseignants ont aussi des émotions. Paris : Economica (2004).

[4] St-Vincent, L.-A., Le pouvoir de l’enseignant messager. Vie pédagogique, (146) (2008). Récupéré le 31 août 2013 de http://www.mels.gouv.qc.ca/sections/viepedagogique/146/index.asp?page=dossierE_4

[5] Voir note 4.

[6] Toupin, I., Sylvain, H., Ouellet, N., Pelletier, M.-A, Lambert, J., Dutil, M., Perron, C., Pouliot, E., et Coutu, M., Évaluation du programme Vers le Pacifique Gestion de conflits implanté à Lévis. Subvention multipartenaire, Lévis (2012).

[7] Ministère de l’Éducation – La formation à l’enseignement : Les orientations. Les compétences professionnelles. Québec : Gouvernement du Québec (2001).

[8] Voir note 6.

[9] Janot-Bergugnat, L. et Rascle, N., Le stress des enseignants. Paris : Armand Colin (2008).

[10] Voir note 1.

[11] Voir note 3.

[12] Calin, D., Quelle formation psychologique pour les enseignants? Une approche pragmatique. La nouvelle revue de l’adaptation et de la scolarisation, (54), 109-116 (2011).

Apprenez-en plus sur

Marie-Andrée Pelletier

Professeure-chercheure, Université TÉLUQ

Marie-Andrée Pelletier, Ph. D., est professeure au Département Éducation (éducation préscolaire) à la TÉLUQ depuis 2019.

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