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Apprentissage autochtone, Chemins, Évaluation

Le décrochage chez les Autochtones

« Soutenir et accompagner les communautés autochtones dans la réalisation de projets favorisant la persévérance scolaire des jeunes » : c’est le but que s’est donné le Fonds pour la persévérance scolaire des jeunes autochtones1, une initiative de l’organisme Réunir Réussir mise sur pied par la Fondation Chagnon et le Gouvernement du Québec. En 2012, Réunir Réussir mandatait le CTREQ2 afin qu’il gère le Fonds et qu’il accompagne les communautés dans la réalisation de leurs projets.

Pour être retenus, les projets financés par le Fonds devaient être pertinents, structurants et répondre à un ou à plusieurs besoins exprimés par les communautés en matière de persévérance scolaire. Les projets devaient aussi être liés à un ou plusieurs déterminants de la persévérance scolaire reconnus par la communauté scientifique tels que les pratiques éducatives parentales (facteurs familiaux), l’estime de soi et la motivation scolaire (facteurs personnels). Les projets devaient également favoriser le renforcement de l’identité culturelle autochtone en tenant compte, par exemple, des traditions, des savoirs autochtones ou des dynamiques familiales propres aux nations autochtones. Enfin, pour être retenus, les projets devaient aller au-delà des projets en cours dans les communautés, tout en étant complémentaires à ceux-ci.

Deux ans et demi plus tard, c’est 22 projets réalisés dans huit nations réparties dans près de vingt communautés qui ont bénéficié d’un appui financier du Fonds et d’un accompagnement de longue durée par le CTREQ. Une collaboration a aussi été établie avec l’organisme Québec en forme pour l’accompagnement des communautés les plus éloignées. Près de 2 000 jeunes autochtones ont ainsi profité de projets visant la persévérance scolaire, des projets qui ont sollicité la participation d’environ 160 organismes, partenaires directs ou indirects.

Les projets réalisés peuvent se regrouper sous quatre grands thèmes :

  1. La valorisation de la culture autochtone;
  2. Le leadership et l’engagement des élèves;
  3. Le soutien externe à l’apprentissage des jeunes et le soutien familial à la réussite éducative;
  4. L’entrepreneuriat jeunesse.

Tenir compte des réalités culturelles

Le CTREQ a confié à Natasha Blanchet-Cohen, professeure et chercheuse de l’Université Concordia, le mandat d’évaluer les retombées de la mise en œuvre des projets sur la persévérance scolaire et les apprentissages réalisés. Le rapport d’évaluation de Mme Blanchet-Cohen, attendu au cours de ce printemps, permettra une meilleure compréhension des facteurs qui favorisent la persévérance scolaire en milieu autochtone.

Les résultats préliminaires de cette évaluation ont été présentés par la chercheuse dans le cadre d’un atelier d’échange et de partage, tenu les 8 et 9 décembre 2014 à Wendake en banlieue de Québec. Cet événement a réuni quelque 85 personnes impliquées dans les projets et partenaires du Fonds, dont notamment des représentants de neuf nations. 90 % des projets réalisés étaient représentés.

Les résultats de la chercheuse, combinés aux témoignages recueillis auprès des promoteurs des projets depuis plus de deux ans, nous permettent aujourd’hui de dresser une liste préliminaire des facteurs qui devraient être tenus en considération dans la réalisation de toute initiative visant la persévérance scolaire autochtone. La plupart de ces facteurs sont étroitement liés à la culture et aux réalités autochtones.

Les projets réalisés ont notamment permis de confirmer l’importance de la valorisation de la culture autochtone qui doit faire partie intégrante de toute initiative visant la persévérance scolaire en milieu autochtone. Durant l’atelier de décembre, les participants ont d’ailleurs souligné l’importance d’identifier les déterminants de la persévérance scolaire propres à la réalité et à l’authenticité de la culture autochtone.

Les activités scolaires et parascolaires proposées doivent également être adaptées à la réalité autochtone afin de donner du sens aux apprentissages. On devrait par exemple s’assurer de proposer des manuels qui sont représentatifs de la réalité des Premiers Peuples ou qui mettent en valeur des modèles de réussite issus de communautés autochtones. Ces modèles sont d’ailleurs de plus en plus nombreux, pensons par exemple au Dr Stanley Vollant, de la communauté de Pessamit sur la Côte-Nord, ou au chanteur Samian, de la communauté algonquine Pikogan en Abitibi-Témiscamingue.

La culture de l’oralité, très forte chez les autochtones, a une incidence sur les styles d’apprentissage et devrait par conséquent être considérée dans les stratégies pédagogiques. Des activités basées sur la musique ou le sport prennent en considération les besoins des jeunes autochtones. Elles permettent de faire vivre des réussites aux jeunes, contribuant ainsi à leur engagement scolaire. C’est l’approche que préconise l’organisme Jeunes musiciens du monde implanté depuis quelques années dans la communauté algonquine de Kitcisakik, dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue. L’approche pédagogique unique de Jeunes musiciens du monde a d’ailleurs fait l’objet d’un reportage réalisé à Kitcisakik par Radio-Canada[iii].

Les communautés autochtones se distinguent également par leur approche holistique de la transmission des savoirs. Ainsi, dans la tradition autochtone, le maître est un mentor qui apprend avec ses élèves. L’approche holistique signifie également que les apprentissages doivent être en harmonie avec l’environnement physique et social, pour que les jeunes puissent vivre et s’épanouir afin d’atteindre leur plein potentiel. Les activités proposées doivent considérer cette approche pour en favoriser la réussite.

Les projets réalisés ont par ailleurs permis de constater l’importance de soutenir l’implication de la famille et de la communauté pour favoriser la persévérance scolaire des jeunes autochtones. Une approche basée sur la collaboration entre la famille, l’école et la communauté est donc à encourager.

Enfin, il importe de savoir que la réussite n’a pas la même signification chez les autochtones que chez les non-autochtones. Ainsi, le simple fait de réduire le taux d’absentéisme en classe et de donner du sens à la présence en classe constitue une avancée significative.

Poursuivre le travail entrepris

À l’issu de l’atelier tenu à Wendake, tous les participants étaient d’avis que les efforts visant à favoriser la persévérance scolaire en milieu autochtone commencent à porter fruit et qu’il est, par conséquent, impératif de poursuivre le financement et le travail entrepris. Les projets réalisés constituent en effet des points d’ancrage importants dans la poursuite du travail et dans la pérennisation des actions réalisées. De plus, certains projets démontrant un potentiel de transfert élevé ont été ou seront implantés dans d’autres communautés qui en ont exprimé le besoin. Par exemple, un projet d’entrepreneuriat éducatif initié à Wemotaci, une communauté Attikamek dans la région de la Mauricie, réalisé en collaboration avec la communauté algonquine de Lac-Simon, située en Abitibi-Témiscamingue, fait l’objet du développement d’outils de transfert en vue d’implanter le modèle d’entrepreneuriat éducatif autochtone dans d’autres communautés. Ce projet est réalisé par le Centre d’innovation des Premiers Peuples et le CTREQ, en collaboration avec Ghislain Samson, chercheur à l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Pour favoriser la continuité des projets, il importe cependant de renforcer la capacité des communautés à prendre en charge leur projet, notamment en obtenant la collaboration de plusieurs membres de leur communauté, et ce dès le début du projet. L’accompagnement réalisé a en effet permis de constater un taux de roulement élevé du personnel qui met en péril la pérennité des projets. L’appui des projets par plusieurs membres de la communauté constitue ainsi un facteur de réussite.

Bien que la majorité des jeunes autochtones débute leur vie scolaire dans des écoles situées en milieu autochtone, plusieurs d’entre eux seront appelés à poursuivre leurs études secondaires et postsecondaires dans des établissements non-autochtones. Les milieux autochtones et non-autochtones doivent donc collaborer afin d’assurer une transition académique et culturelle conforme aux besoins des jeunes autochtones.

On estime enfin qu’il est important de poursuivre les efforts investis afin d’appuyer les communautés autochtones à favoriser la persévérance scolaire des jeunes. À moyen terme, ces efforts pourraient amener les communautés autochtones à bénéficier d’un enseignement adapté à leurs réalités et encourager davantage de jeunes autochtones à poursuivre leurs études, pour revenir éventuellement dans leur communauté.

En avril prochain, nous lancerons un site Internet dans lequel on retrouvera une description des 22 projets appuyés par le Fonds ainsi qu’un outil interactif permettant d’élaborer son propre projet de persévérance scolaire. Nous visons ainsi à offrir un soutien aux communautés afin qu’elles puissent s’inspirer des projets réalisés pour démarrer leurs propres projets.

 

Photo: Jani Bryson (iStock)

Première publication dans Éducation Canada, mai 2015


1 http://www.ctreq.qc.ca/realisation/fonds-pour-la-perseverance-scolaire-des-jeunes-autochtones-du-quebec-fpsja/

2 CTREQ (Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec).

3 http://ici.radio-canada.ca/emissions/telejournal/2013-2014/Reportage.asp?idDoc=321860&autoPlay=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2013/cbft/2013-12-02_22_00_00_TJ22H_0001_01_1200.asx

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Bruno Thériault

Bruno Thériault est conseiller en transfert et en innovation au CTREQ (Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec).

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