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Dispositif de coformation pour superviseurs universitaires

Retombées pour la formation pratique à l’enseignement

Cet article présente les retombées de la participation de superviseurs universitaires en enseignement à un dispositif de coformation.

Deux acteurs clés accompagnent le futur enseignant dans la réalisation de stages en enseignement : l’enseignant associé et le superviseur universitaire. L’exercice de ces fonctions nécessite une préparation adéquate1 et qui plus est, la formation de ces formateurs de stagiaires est un incontournable pour assurer la qualité de la formation des futurs enseignants2. À ce jour, les superviseurs semblent cependant avoir bénéficié de moins d’attention que les enseignants associés en ce qui a trait à leur formation. Il existe pourtant un consensus sur l’importance de les former aux différents aspects de leur tâche, laquelle, tout comme celle des enseignants associés, est balisée par un référentiel de compétences3 où la spécificité de leur rôle est bien définie. Ce référentiel présente neuf compétences attendues du superviseur universitaire et réparties selon les cinq domaines suivants : compétences relatives à une approche différenciée de la formation du stagiaire, au développement de ses compétences professionnelles, à une approche intégrative de sa formation, au climat d’apprentissage et au développement d’une communauté de pratique, et à la collaboration.

Aussi, plusieurs recherches abordent ce rôle assumé par le superviseur, mais très peu ont jusqu’à présent explicité la manière dont il exerce son travail d’accompagnateur en milieu de pratique, en contexte authentique de travail. En somme, peu d’études définissent, de façon opérationnelle, les stratégies pédagogiques déployées par cet intervenant pour encadrer les stagiaires. Nous avons donc mis en place un projet de recherche visant à étudier cet aspect de la formation des enseignants4. La recherche-action-formation4 caractérise le cadre méthodologique retenu et le dispositif choisi pour la collecte de données est le groupe de codéveloppement professionnel5 accompagné6, lequel constitue en même temps un espace de formation pour les superviseurs.

Le groupe de codéveloppement professionnel accompagné : la toile de fond d’une recherche-action-formation

Il est important de préciser que le groupe de codéveloppement professionnel accompagné (GCPA) est un dispositif de coformation qui mise sur les interactions entre les participants pour améliorer leur pratique professionnelle. Il permet à la fois de produire des connaissances relatives aux pratiques des superviseurs par l’analyse de situations professionnelles vécues, et ce, tout en leur offrant l’occasion de se former, de se développer professionnellement en apprenant les uns des autres et en profitant de l’expertise des chercheurs accompagnateurs. À travers l’analyse d’une situation vécue, le groupe partage des savoirs pratiques et des connaissances théoriques pour traiter la situation présentée.

Au total, 41 superviseurs de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) appartenant à trois catégories distinctes (professeurs réguliers, professeurs invités en prêt de service et membres du Syndicat des chargés et des chargées de cours de l’UQAC) ont répondu positivement à notre invitation visant à participer à ce dispositif de coformation. D’une durée d’environ 90 minutes, chacune des 12 séances de codéveloppement qui a eu lieu entre 2011 et 2013 a été enregistrée, consignée sous forme de verbatim pour finalement faire l’objet d’une synthèse validée par les membres de l’équipe.

Dans une perspective exploratoire, en parallèle à la recherche, on a recueilli l’avis des superviseurs par rapport aux retombées de ce processus de coformation qu’est le GCPA, ce qui constitue l’objet du présent article. Afin de valider la pertinence du dispositif, les participants ont répondu à un questionnaire et 12 superviseurs ont aussi participé à deux focus groups, lesquels ont permis d’approfondir certaines réponses au questionnaire.

La pertinence du dispositif de coformation : des retombées pour la formation pratique

Les retombées émergeant de l’ensemble de ces données ont été regroupées en cinq catégories : prises de conscience et remises en question; isolement professionnel; rétention et transfert des stratégies partagées; changements observés dans les pratiques des superviseurs en ce qui concerne l’accompagnement du stagiaire et la collaboration avec l’enseignant associé; besoins de formation exprimés.

Prises de conscience et remises en question

Les superviseurs considèrent que le GCPA expérimenté a donné lieu à des rencontres très constructives, lesquelles leur ont permis de confirmer l’importance de leur rôle d’accompagnateur tout en prenant conscience de leurs responsabilités. Ils ont aussi pu développer une vision critique tout en étant rassurés dans l’exercice de leur rôle « Les rencontres me donnent l’occasion de m’évaluer»; « Ça me donne de la matière à réflexion et me rassure dans ma façon d’évaluer et d’encadrer ».

Isolement professionnel

Les rencontres sont aussi perçues comme étant un moyen efficace de contrer l’isolement professionnel « Les rencontres me sortent de mon isolement comme superviseur; « On se sent moins seul et on développe un esprit d’entraide et un sentiment d’appartenance ». En offrant aux superviseurs l’occasion d’échanger, le dispositif leur permet de réaliser que leurs pairs vivent des situations semblables aux leurs « On vit tous les mêmes cas », ce qui fait qu’au fil du temps, ils découvrent de « vrais collègues » avec lesquels ils peuvent collaborer et partager des expériences, et ce, au bénéfice d’une plus grande valorisation de la profession.

Rétention et transfert des stratégies partagées

Les séances du GCPA ont permis aux superviseurs de connaître et de retenir des stratégies qui peuvent les aider en lien avec l’accompagnement en général, l’évaluation et la façon de rédiger le rapport final, de sorte qu’il y ait le moins d’ambiguïté possible quant au succès ou l’échec du stage. Tous s’entendent pour dire qu’il s’agit de stratégies efficaces qu’ils pourront maintes fois réutiliser dans le cadre de leur travail auprès des stagiaires « Ce sont toujours des conseils aidants pour améliorer mes pratiques comme superviseur » et qu’étant donné la pertinence de ces dernières, ils souhaiteraient même qu’un répertoire soit constitué afin de favoriser une plus grande rétention.

Changements observés dans les pratiques des superviseurs en ce qui concerne l’accompagnement du stagiaire et la collaboration avec l’enseignant associé

« J’ai l’intention de relire toutes mes notes prises lors des rencontres de codéveloppement afin de mieux préparer mes supervisions futures » et « Quand un cas problématique se manifeste, je reviens aux discussions qui ont eu lieu dans les groupes » sont autant de propos de superviseurs qui témoignent des changements occasionnés par leur participation aux GCPA. Ces acteurs affirment qu’après avoir analysé des situations problématiques desquelles ils ont pu retirer des façons de faire « au cas où », ils ont développé plus d’assurance dans leur façon de gérer les problèmes. Le dispositif de coformation semble aussi avoir amené les superviseurs à prendre conscience que plus que jamais, les étudiants sont au cœur de leurs interventions. Afin de favoriser le succès des stagiaires, ils affirment avoir compris l’importance d’harmoniser leurs exigences. Enfin, de façon quasi unanime, les intervenants mentionnent que les rapports d’échange (concertation et coformation) avec les enseignants associés gagneraient à être renforcés. Ils ont pris conscience que les enseignants associés et les superviseurs sont de véritables partenaires, d’où l’importance de mettre en place des stratégies visant à accentuer leur collaboration.

Besoins de formation exprimés

De façon générale, les superviseurs souhaitent poursuivre ces formations que plusieurs qualifient de « mise à jour essentielle ». Certains manifestent leurs regrets de n’avoir pu assister à davantage de rencontres, lesquelles constituent selon eux, une richesse tout autant qu’un ancrage, et d’autres déplorent le fait que des superviseurs éprouvant de grandes difficultés ne s’y soient pas présentés. On suggère de maintenir les groupes de codéveloppement, mais aussi de mettre en place d’autres types de formation qui répondraient aux principaux besoins exprimés par les superviseurs dans le cadre dudit dispositif.

Conclusion

En somme, l’expérience vécue nous permet d’affirmer que l’utilisation du dispositif de coformation s’est avérée pertinente pour ce groupe de superviseurs. Dans le cadre des séances de codéveloppement, ces derniers se sont exprimés en fonction de leurs intérêts et de leurs préoccupations. Ils ont été amenés à s’informer et à se former mutuellement, et ce, toujours en mettant à profit leur savoir d’expérience, renforçant ainsi leur professionnalité tout en établissant les bases d’une possible communauté de pratique en émergence. Par conséquent, afin de répondre aux souhaits exprimés par les participants, le Bureau de la formation pratique en enseignement de l’UQAC organise des rencontres de codéveloppement professionnel et trois ateliers de perfectionnement ont été élaborés à leur intention. De notre côté, nous travaillons à mettre à leur disposition un répertoire des stratégies proposées dans le cadre des 12 séances de coformation, favorisant ainsi la rétention des stratégies partagées.


1 Gervais, C. et Desrosiers, P. (2005). L’école, lieu de formation d’enseignants. Questions et repères pour l’accompagnement de stagiaires. Québec : Presses de l’Université Laval.

Correa Molina, E. (2008). Perceptions des rôles par le superviseur de stage. Dans M. Boutet et J. Pharand (dir.), L’accompagnement concerté des stagiaires en enseignement (p. 73-89). Montréal : Presses de l’Université du Québec.

2 Portelance, L. (2009). Élaboration d’un cadre de référence pour la formation des enseignants associés québécois. Éducation et francophonie, 37(1), 26-49.

3 Portelance, L., Gervais, C., Lessard, M. et Beaulieu, P. (2008). La formation des enseignants associés et des superviseurs universitaires. Cadre de référence. Québec : MELS.

4 Cividini, M., Cody, N. et Truchon Tremblay, C. (soumis). Entre compétences prescrites et réelles du superviseur : quelles stratégies pour accompagner les stagiaires. Éducation & Formation.

5 Paillé, P. (1994). Pour une méthodologie de la complexité en éducation : le cas d’une recherche-action-formation. Revue canadienne de l’éducation, 19(3), 215-230.

Prud’homme, L. (2007). La différenciation pédagogique : analyse du sens construit par des enseignantes et un chercheur-formateur dans un contexte de recherche-action-formation. Thèse de doctorat inédite. Université du Québec en Outaouais et Université du Québec à Montréal.

6 Payette, A. et Champagne, C. (1997). Le groupe de codéveloppement professionnel. Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec.

7 L’Hostie, M., Cody, N., Monney, N., Laurin, N. et Belzil, S. (2011). L’agir compétent de l’enseignant associé en situation de stage. Dans F. Guillemette et M. L’Hostie (dir.) Favoriser la progression des stagiaires en enseignement (p. 69-92). Sainte-Foy : Presses de l’Université du Québec.

St-Arnaud, Y. (1999). Le changement assisté. Compétences pour intervenir en relations humaines. Boucherville : Gaëtan Morin.

 

Apprenez-en plus sur

Nadia Cody

Professeure chercheure, Université du Québec à Chicoutimi

Monica Cividini

Université du Québec à Chicoutimi, Département des sciences de l'éducation

Claude Truchon Tremblay

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