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Favoriser et préserver la santé mentale dans les écoles

Dès qu’on travaille dans une école, on saisit intuitivement le lien entre le bien-être des élèves et celui du personnel. Un milieu où les éducatrices et éducateurs se portent bien favorise le bien-être et la réussite scolaire de leurs élèves. La recherche a maintes fois démontré que lorsque les éducateurs se sentent bien, ils dispensent un enseignement de meilleure qualité, tissent de meilleurs liens avec leurs élèves et créent un environnement plus inclusif et accueillant. Dans la même veine, le bien-être des élèves nourrit celui des éducateurs. Quand les élèves sont épanouis, ils s’impliquent davantage dans leur apprentissage et causent moins de perturbations. Non seulement une telle situation réduit-elle le stress qu’éprouvent les éducateurs, mais elle nourrit l’une de leurs plus grandes motivations, celle de voir leurs élèves réussir. 

Le lien entre le bien-être des élèves et celui du personnel s’est dégagé très clairement au moment de la préparation du rapport sur les tendances pancanadiennes en matière de bien-être au travail dans les milieux solaires du primaire et du secondaire. L’une des plus importantes stratégies pour favoriser le bien-être des employés des milieux du primaire et du secondaire est de faire en sorte qu’ils aient le temps, les ressources et les connaissances pour soutenir efficacement leurs élèves. Mais avec la nette augmentation des besoins des élèves à la suite de la pandémie (et notamment la plus forte inquiétude concernant leur santé mentale), les éducateurs se sentent à bout de souffle. 

Dans cette optique, nous avons effectué une analyse du contexte pour mieux comprendre les approches qu’ont adoptées les provinces, les territoires et les conseils scolaires pour appuyer la santé et le bien-être mental de leurs élèves. Il s’est avéré que plusieurs des initiatives allant dans ce sens ont été parrainées et soutenues par des adultes passionnés. Par cette analyse, nous cherchions notamment à isoler les facteurs systémiques qui amélioraient la promotion et le maintien de la santé mentale dans les écoles. 

Barrières systémiques et catalyseurs liés à la santé mentale en milieu scolaire 

Notre analyse documentaire a dégagé deux rapports de recherche, l’un étant canadien (Neely, Montemurro et Storey, 2020, en anglais) et l’autre, international (March et coll., 2022, en anglais), décrivant des facteurs qui facilitent la mise en œuvre réussie de programmes de santé dans les écoles. L’étude canadienne présentait les conditions essentielles à l’adoption d’une approche globale de santé scolaire, soit notamment huit conditions de base et quatre conditions contextuelles.  

Conditions de base 

  • Les élèves en tant qu’agents de changement  
  • L’autonomie particulière à l’école  
  • Un leadership administratif démontré 
  • Un soutien de haut niveau 
  • Des défenseurs attitrés pour mobiliser la communauté scolaire 
  • Un soutien communautaire 
  • La qualité et l’utilisation des données probantes  
  • Le perfectionnement professionnel 

Conditions contextuelles 

  • Le temps 
  • La réceptivité et la compréhension 
  • Des liens déjà établis avec la communauté 
  • Le financement et le soutien du projet 

Un examen systématique des programmes institués dans les écoles pour le bien-être et la santé mentale à l’échelle internationale a permis de dégager quatre facteurs de durabilité inhérents à l’école (leadership dans l’établissement, mobilisation du personnel, caractéristiques de l’intervention, ressources) et un facteur à l’échelle plus large du système (soutien externe). Ces cinq facteurs de durabilité se divisaient à leur tour en de multiples thèmes :  

  • Le leadership dans l’établissement soutient la durabilité d’un programme de santé mentale à l’école en priorisant l’intervention, en harmonisant ce programme avec la culture de l’établissement, en l’intégrant aux politiques de l’école et en y attribuant des ressources, y compris un responsable attitré ainsi que du temps pour la formation. 
  • La mobilisation du personnel : L’engagement de chacun des enseignants et des employés, l’observation des bienfaits chez les élèves et la participation des élèves et des parents rehaussent la durabilité d’un programme de santé mentale à l’école – tandis que le roulement du personnel s’avère un obstacle à cette durabilité 
  • Les caractéristiques de l’intervention : Du matériel préparé de façon professionnelle, facile à utiliser, pratique et pertinent, associé à de la formation pour les éducateurs, rehausse la durabilité des programmes de santé mentale dans les écoles. 
  • Des ressources adéquates et, plus particulièrement, la capacité du personnel à exécuter le programme, le financement pour inviter des conférenciers et la formation du personnel facilitent la mise en place et la durabilité des programmes de santé mentale dans les écoles. 
  • Un soutien externe, notamment lorsqu’il est fourni par le conseil scolaire et les administrateurs de haut niveau, rehausse la durabilité d’un programme. Au contraire, des priorités conflictuelles et changeantes font obstacle à une mise en œuvre durable. 

Quoique les deux études portaient sur des interventions dans des écoles, elles ont également cerné des facteurs systémiques qui facilitaient la mise en place d’un programme. Notre analyse du contexte se penchait sur la façon dont les conseils scolaires et les ministères de l’éducation provinciaux et territoriaux soutiennent la santé mentale dans les écoles. Le contenu ci-dessous présente les facteurs favorables ainsi que des exemples précis. Ces exemples ne reflètent qu’une infime partie du travail remarquable qui se déroule à l’échelle canadienne. 

Approches fondées sur des preuves et guidées par des données 

Les deux rapports de recherche ont souligné l’importance d’utiliser des preuves et des données pour étayer la conception, la mise en œuvre et la surveillance des initiatives de santé mentale dans les écoles. À mesure que nous en apprenions davantage sur ces initiatives et ces approches un peu partout au Canada, les gens évoquaient constamment la valeur que revêtent les cadres fondés sur des données probantes pour orienter de leur travail.  

Les différents territoires de compétence au pays mettent en place un système de soutiens à plusieurs niveaux. Ce modèle fondé sur des données probantes fournit un éventail de mesures de soutien, qui lie les élèves à des soutiens communautaires et scolaires selon les besoins. Les données locales fournissent de l’information essentielle pour adapter les soutiens et les services de santé mentale afin de répondre aux besoins locaux. 

Figure 1: Un modèle de soutien échelonné (Adapté de Right Time, Right Care, cmho.org) 

Un appui solide de la part des dirigeants 

Dans les deux études et dans tous les exemples dont nous avons pris connaissance, un appui solide de la part des dirigeants se révélait essentiel au succès des initiatives de santé mentale dans les écoles. Les dirigeants de tous les échelons jouent un rôle crucial pour accorder la priorité à la santé mentale et attribuer les ressources nécessaires à une mise en œuvre réussie. 

Les stratégies provinciales, telles que la Stratégie pour la santé mentale à l’école de la Colombie-Britannique et la mesure Politique/Programme Note 169 pour la santé mentale des élèves de l’Ontario, fixent des priorités claires aux conseils scolaires, pour s’assurer que la santé mentale représente une priorité parallèlement à d’autres objectifs. 

Au niveau des conseils scolaires, un leadership appuyé de la part des hauts dirigeants contribue à harmoniser les ressources afin de faciliter la promotion de la santé mentale dans les écoles. Dans plusieurs cas, la santé mentale se voit accorder une priorité par des dirigeants passionnés, mais certaines provinces ont pris des mesures pour accroître l’engagement des hauts dirigeants. Ainsi, dans le cadre de la Politique/programme 169, tous les conseils scolaires de l’Ontario se dotent d’une fonction de surintendance qui assume la responsabilité de la santé mentale. Les associations de surintendants jouent aussi un rôle important en générant une conscientisation et des connaissances concernant l’importance de la santé mentale en milieu scolaire.  

Le leadership à l’école est tout aussi important, car les directions jouent un grand rôle pour façonner la culture scolaire, fixer des priorités et attribuer des ressources au sein de l’école. L’un des surintendants avec qui nous avons échangé a décrit les différences qui existent entre les écoles où la direction s’intéresse particulièrement à la culture de l’établissement, et celles où cet intérêt n’existe pas. 

Faire de la santé mentale une priorité et un objectif clairs  

Pour favoriser de façon efficace la santé mentale dans les écoles, il faut qu’elle soit une priorité claire et qu’on y consacre les efforts nécessaires. Plusieurs ministères de l’éducation provinciaux et territoriaux travaillent ou ont travaillé à l’élaboration d’un cadre ou d’une stratégie de santé mentale en milieu scolaire. Malgré l’importance reconnue de la santé mentale à l’école, dans la pratique, on doit concilier cette question avec les nombreuses priorités au sein de nos systèmes d’éducation. Les éducateurs et les dirigeants du milieu auxquels nous avons parlé ont indiqué que la santé mentale peut parfois leur sembler comme une tâche de plus à abattre. 

Les mesures prises pour soutenir la santé mentale dans les écoles, surtout au niveau 1 ou au niveau universel, recoupent en bonne partie les actions visant à soutenir plusieurs des autres objectifs fixés pour nos élèves et nos systèmes scolaires. Ainsi, les mesures pour soutenir la santé mentale améliorent aussi l’apprentissage sur le plan socioaffectif, et vice-versa. On peut établir des recoupements semblables avec le renforcement du comportement positif des élèves, de l’équité et de l’inclusion, ainsi que la création d’environnements scolaires sécuritaires et bienveillants. Plutôt que de considérer chacun de ses objectifs séparément, il peut être utile d’envisager la façon dont les mesures peuvent répondre à plusieurs objectifs afin de surmonter le découragement créé par un trop-plein d’initiatives. Certains conseils scolaires vont encore plus loin en rassemblant des objectifs multiples en un seul plan d’action afin de simplifier les communications et d’accélérer l’action. 

Des ressources et des systèmes de soutien adéquats, notamment un perfectionnement professionnel pratique et pertinent 

Améliorer la santé mentale dans les écoles exige du temps, des ressources et des connaissances. Dans un système de soutien à plusieurs niveaux, le niveau universel est lié au soutien de la santé mentale de tous. Les enseignants et le personnel des établissements ont besoin de connaissances et de ressources pour instaurer des cultures scolaires favorables et offrir des programmes en matière de santé mentale. L’Enquête pancanadienne sur le bien-être au travail dans les milieux scolaires du primaire et du secondaire qu’a menée ÉdCan démontre que les éducateurs se sentent souvent à bout de souffle en tentant de répondre aux besoins complexes de leurs élèves tout en enseignant leur matière. Comme on dispose de peu de temps pour le perfectionnement professionnel, on donne la préférence à des possibilités d’apprentissage pratique, associées à du temps pour la collaboration et à du soutien pour la mise en œuvre. 

Outre ces soutiens de niveau universel, une approche à plusieurs niveaux prévoit des cheminements précis pour diriger les élèves ayant les plus grands besoins vers du soutien spécialisé et des professionnels de la santé en milieu scolaire ou communautaire. Organiser des occasions de perfectionnement professionnel, gérer une équipe de spécialistes rattachés à l’école ou à la collectivité et forger des partenariats avec des organismes communautaires exigent de la coordination. Des programmes provinciaux tels que Santé mentale en milieu scolaire Ontario et le Centre d’excellence en santé mentale au Québec fournissent des ressources et un encadrement aux conseils scolaires lorsqu’ils mettent en place un système de soutien à plusieurs niveaux pour leurs élèves.  

Un financement adéquat et stable 

Un financement adéquat et stable s’avère essentiel afin que les écoles et les conseils scolaires puissent embaucher la bonne combinaison de personnes et fournir du perfectionnement professionnel pertinent pour mettre en place un système de soutien à multiples niveaux. Bien que le besoin de financement soit une évidence, plusieurs des personnes à qui nous avons parlé lors de notre analyse ont souligné la difficulté que pose l’embauche de personnel qualifié à qui l’on offre des contrats à court terme dont le renouvellement n’est pas assuré. 

Des ententes de financement conjointes en santé et en éducation permettent la prestation de soutiens de niveaux plus élevés. À titre d’exemple, le programme Mental Health Capacity Building de la Saskatchewan, codirigé par le ministère de la Santé, le ministère de l’Éducation et la Saskatchewan Health Authority, intègre des coordonnateurs et des promoteurs dans les milieux scolaires pour faciliter la création et la mise en place d’initiatives maison soutenant la prévention et la promotion de la santé mentale. 

L’intégration à la culture scolaire 

Les approches réussies en matière de santé mentale dans les écoles adaptent les activités en fonction du contexte local, en s’appuyant sur les forces et les ressources de chaque école et en intégrant les divers besoins et cultures communautaires. Tout au long de notre analyse, les répondants ont relevé l’importance de soutenir la santé mentale de manière accessible et pertinente à la culture. Ainsi, les liens tissés avec des aînés et les expériences inspirées du territoire constituaient une part importante de l’approche adoptée par un conseil scolaire du Nord en matière de santé mentale. Au Nunavut, le soutien qu’apporte le ministère de l’Éducation aux professionnels de la santé qui se déplacent dans la collectivité pour y fournir des services en personne revêt une importance particulière, car plusieurs communautés nordiques et éloignées ne disposent pas d’un accès fiable à Internet. 

Dans tout le Canada, les dirigeants des conseils scolaires ont souligné l’importance pour chaque école de se doter de défenseurs attitrés pour mobiliser les élèves et les membres de la collectivité de façon à créer des approches particulières à chaque établissement et à ancrer la santé mentale dans la culture scolaire. Quand cette culture est positive, elle favorise un sentiment d’appartenance et normalise les discussions au sujet de la santé mentale, ce qui facilite la demande d’aide lorsqu’elle est nécessaire. 

La participation de la collectivité et des intervenants 

Une approche efficace et à plusieurs niveaux en matière de santé mentale à l’école crée un continuum de soins, en acheminant les élèves nécessitant un soutien supplémentaire vers des fournisseurs de soins spécialisés œuvrant au sein d’organismes de santé et de services sociaux ainsi que d’organismes communautaires. Bon nombre d’initiatives provinciales appuient l’instauration de partenariats locaux. À l’Île-du-Prince-Édouard, le ministère de l’Éducation finance des équipes de bien-être scolaires, formées de membres locaux rattachés à plusieurs organismes, qui collaborent directement avec les écoles. Le Community Schools Program du Manitoba octroie des fonds dédiés au recrutement d’un ou d’une agente de liaison communautaire afin de créer un lien entre la collectivité et la santé à l’école et, dans le cadre d’un partenariat avec le ministère de la Santé, un financement supplémentaire est fourni afin d’apporter du soutien en matière de santé mentale et de toxicomanie.   

La participation des parents et de la collectivité crée un sentiment de responsabilité commune à l’égard des programmes de santé mentale dans les écoles, favorise la prestation de services accessibles et culturellement pertinents et, comme l’a constaté un conseil scolaire en Saskatchewan, elle améliore les connaissances de base au sujet de la santé mentale dans la communauté. 

Conclusion 

Au moment d’envisager ce qui s’avère efficace pour favoriser la santé mentale dans les écoles du Canada et du monde, nous voyons apparaître des tendances communes. Les ingrédients essentiels favorisant l’amélioration durable de la santé mentale dans les écoles sont un leadership robuste, associé à des priorités claires et à des ressources (humaines et financières) adéquates. Les programmes qui connaissent du succès reposent sur des données probantes, tout en offrant suffisamment de flexibilité pour tirer parti des forces, des ressources et des partenariats de la collectivité locale. 

 

Références 

NEELY, K.C., G.R. MONTEMURRO et K.E. STOREY. « A Canadian-wide perspective on the essential conditions for taking a comprehensive school health approach », BMC Public Health, no 20, vol. 1, 2020, no d’article 1907. doi: 10.1186/s12889-020-09987-6 

MARCH, A., E. STAPLEY, D. HAYES, R. TOWN et J. DEIGHTON. « Barriers and Facilitators to Sustaining School-Based Mental Health and Wellbeing Interventions: A Systematic Review », International Journal of Environmental Research and Public Health, vol 19, no 6, 2022, 3587. https://doi.org/10.3390/ijerph19063587 

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