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Engagement, Enseignement, Leadership

Comment les gens prennent-ils connaissance de la recherche?

Imaginez une enseignante qui a deux élèves autistes dans sa classe pour la première fois. Elle s’efforce de rejoindre ces élèves, de travailler avec eux, mais sent qu’elle échoue. Suivant le conseil de collègues en éducation spécialisée, elle s’inscrit à un événement de formation professionnelle traitant de stratégies concrètes à utiliser en classe, issues de solides recherches. Ces pratiques fonctionnent. La différence est marquée, tant pour les élèves autistes que pour le fonctionnement général de la classe.

Cette anecdote n’est pas fictive. C’est arrivé à l’une de nous (la coauteure Cooper) il y a quelques années, illustrant le potentiel et les défis d’appliquer la recherche aux pratiques quotidiennes des écoles.

Nous savons que les éducateurs s’intéressent aux résultats scientifiques et valorisent l’apport que peut faire la recherche à leur travail. Nous savons aussi qu’il existe des connaissances fiables, fondées sur la recherche, en matière de bonnes pratiques à utiliser en éducation. Pourtant, comme l’a affirmé une rubrique « Enjeu » précédente, les liens existant entre la recherche et la pratique en éducation sont moins solides qu’ils pourraient l’être. Les éducateurs sont occupés, l’enseignement est exigeant et épuisant. Il est déraisonnable de s’attendre à ce qu’ils consultent de nouvelles recherches – souvent difficiles  à trouver et rédigées à l’intention de spécialistes plutôt que de personnes exerçant la profession – et encore moins à ce qu’ils passent à travers des dizaines ou même des centaines d’études portant sur des sujets similaires pour dresser un bilan des connaissances actuelles.

Alors comment les éducateurs peuvent-ils prendre connaissance de résultats de recherche intéressants et pertinents? Il s’avère qu’en enseignement, comme dans la plupart des autres professions, l’apprentissage découle essentiellement de processus provenant de tiers, que nous appelons « intermédiation ». Trois types d’intermédiation revêtent une importance particulière.

Le perfectionnement professionnel, mentionné dans l’anecdote en début d’article, est l’une des principale façon dont la recherche arrive jusqu’aux enseignants. Les éducateurs s’attendent évidemment à ce que les prestataires de formation professionnelle connaissent et utilisent les meilleures recherches qui existent. Nombre de conférenciers réputés en éducation font en sorte, dans une large mesure, de transmettre les résultats de recherche – tant les leurs que ceux d’autres – portant sur les pratiques et les politiques en éducation.

Les organisations et les publications professionnelles sont une autre source de transmission de la recherche. Quand les conseils scolaires, organisations d’enseignants ou associations spécialisées diffusent de solides recherches au moyen de réunions, de bulletins, de publications et de matériel de référence, ils contribuent à renseigner le personnel enseignant sur la façon dont la recherche peut informer son travail.

D’autres organismes à l’extérieur du système scolaire sont activement engagés dans la diffusion de la recherche. Certains d’entre eux, comme l’Association canadienne d’éducation (ACE), visent à promouvoir un débat et des pratiques informés. Des membres individuels de facultés et leurs universités peuvent aussi poursuivre activement la mise en commun des constats de recherche. D’autres organisations, comme les groupes de pression ou les partis politiques, se servent de la recherche pour promouvoir leurs idées et les intérêts particuliers qu’ils préconisent. Malgré leurs biais de départ, ces actions politiques occupent souvent une place importante dans le débat public et ont une incidence sur les connaissances et convictions des enseignants.

En somme, de nombreuses idées circulent constamment au sujet de l’éducation, se faisant concurrence pour capter l’attention du public et des professionnels. Certaines d’entre elles sont bien ancrées dans la recherche, d’autres résultent principalement de positions établies a priori qui ne citent la recherche que lorsqu’elle appuie leur position; d’autres encore peuvent être issues d’arguments élaborés en faveur d’un programme ou d’un service que quelqu’un veut qu’une école se procure. Il peut en résulter de la confusion. Qui devrions-nous croire lorsqu’il est affirmé que des positions très différentes découlent de la recherche? La tâche se complique encore parce que, lorsqu’il y a divergence d’opinions, les éducateurs – comme tout le monde – tendent à accorder plus de poids à leur expérience qu’à la recherche, même si nous disposons de preuves historiques démontrant que l’expérience peut être très trompeuse.

Dans tous les domaines, il est difficile de peser les preuves. Les écoles n’ont ni le temps ni la capacité d’éplucher les différentes affirmations et d’arriver à une conclusion indépendante quant à leur validité. D’où l’importance des organismes indépendants tels que l’ACE qui se consacrent à aider toutes les parties concernées à utiliser les preuves existantes avec sagacité et efficacité. Heureusement, différents organismes répartis dans le monde entier sont engagés dans des initiatives semblables de diffusion impartiale des résultats de recherche aux éducateurs. Ainsi, en Angleterre, le EPPI-Centre (https://eppi.ioe.ac.uk/cms/) produit de minutieuses synthèses de la recherche portant sur différents sujets. D’autres organisations ayant des optiques similaires sont CUREE, en Angleterre (http://www.curee-paccts.com), et le réseau international Campbell Collaboration (http://www.campbellcollaboration.org). Certaines universités ont des centres de recherche effectuant un travail semblable. On constate une croissance des ressources aidant les éducateurs à démêler les affirmations contradictoires de la recherche. Il est possible d’affirmer avec optimisme que les liens entre la recherche et la pratique se consolideront.

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Ben Levin

Ben Levin is Canada Research Chair in Education Leadership and Policy at OISE.

Ben Levin est titulaire d’une chaire de recherche du Canada en leadership et politiques d'éducation à l’IÉPO.

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Amanda Cooper

Amanda Cooper is a teacher and Ph.D. candidate at the Ontario Institute for Studies in Education (OISE) specializing in research-practice relationships.

Amanda Cooper est enseignante et candidate au doctorat à l’Institut d’études pédagogiques de l’Ontario (OISE/IÉPO), spécialisée en liens entre la recherche et la pratique.

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