Un rappel : enseigner est une expérience de l’âme qui transforme les enfants
Les séances de discussion d’enseignantes et d’enseignants d’un bout à l’autre du pays ont fait ressortir leur profond sentiment d’humilité face à leur immense impact sur la vie des jeunes
J’ai eu le plaisir, avec mon collègue @Stephen_Hurley, d’animer plusieurs séances de discussion d’enseignantes et d’enseignants d’un bout à l’autre du Canada afin de mieux comprendre le soutien dont ils ont besoin pour enseigner de façon optimale. Ces séances s’inscrivaient dans le cadre d’un projet conjoint de recherche de l’ACE et de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants intitulé Enseigner selon nos aspirations – Aujourd’hui et demain. Le rapport reflète où en est la psyché du personnel enseignant dans nos salles de classe et présente des idées de ce que nous devons faire pour améliorer la situation pour le personnel enseignant et les élèves.
Des organisations provinciales, territoriales et locales d’enseignantes et d’enseignants du Québec, du Nouveau-Brunswick, de l’Ontario, du Manitoba, de la Nouvelle-Écosse, du Yukon et de l’Alberta ont joué un rôle essentiel pour organiser les séances de discussion et pour recruter les enseignantes et enseignants participants. Elles ont visé, dans la mesure du possible, à composer des groupes hétérogènes (c.‑à‑d. en début de carrière, plus d’expérience, écoles primaires et secondaires, lieu géographique et sexe). Soulignons également que ces enseignantes et enseignants ont tous participé bénévolement à cette recherche.
À l’aide de la démarche d’interrogation appréciative qui a engendré un contexte différent de leurs rencontres habituelles, nous avons dégagé leurs aspirations en tant que professionnelles et professionnels de l’enseignement. J’ai d’abord expliqué la recherche pour les « désarmer ». En tant que collègue enseignant, Stephen les a rapidement mis en confiance et, après une quinzaine de minutes de scepticisme et de plaintes au sujet de l’état de la situation, il en a émergé un puissant contexte personnel non filtré que reflètent les commentaires d’enseignantes et enseignants figurant dans le rapport.
Ce qui m’a frappé, déjà à la troisième séance de discussion, au Yukon – à laquelle participaient des enseignantes et enseignants très frustrés – c’était la rapidité avec laquelle la tension s’atténuait une fois que nous passions à leurs meilleurs moments d’enseignement et où ils exprimaient leur profond sentiment d’humilité face à leur immense impact sur la vie des jeunes. Ils estimaient qu’il s’agissait d’un processus naturel pour les enfants de travailler quotidiennement avec eux et ils tenaient tout simplement pour acquis que les enfants gravitaient vers eux en raison de leurs personnalités attentionnées. Cela m’a ramené à mes propres années d’enseignement, lorsque des jeunes venaient me parler à la fin du cours parce qu’ils voyaient en moi des caractéristiques que je ne percevais pas moi-même. Ces échanges m’ont profondément touché à l’époque, mais n’ont malheureusement constitué qu’un aspect accessoire.
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Quand nous prenons le temps de réfléchir à nos meilleurs moments d’enseignement, nous nous rendons compte que le résultat de notre enseignement touche notre âme. Nous nous engageons dans le processus de transformer les jeunes, et très peu de professions en ce monde en donnent l’occasion.
Au cours des séances de discussion, la réflexion a ramené les enseignantes et enseignants à leur point de départ, aux raisons qui les ont incités à se lancer en enseignement – et ce n’était pas parce qu’ils voulaient adhérer aux critères d’évaluation et suivre les politiques du conseil ou de la commission scolaire en matière de curriculums. Il en va de même pour les directions d’école, qui n’ont pas accepté leur premier poste de direction parce qu’elles désiraient équilibrer un budget, instaurer des politiques venues d’en haut et régler les plaintes de parents. Les éducatrices et les éducateurs veulent changer quelque chose dans la vie de leurs élèves. Alors pourquoi semble-t-il que nous ayons perdu notre voie, notre orientation et notre sagesse organisationnelle dans nos systèmes d’éducation publique?
Nos séances de discussion ont révélé à quel point les enseignantes et enseignants travaillent de bonne foi et font leur possible, mais ont aussi manifesté leur sentiment d’impuissance devant l’ampleur des politiques d’évaluation et curriculums provinciaux, des régimes de responsabilisation, ainsi que leur insatisfaction générale de la formation préalable et en cours d’emploi. Les organisations intelligentes sont structurées de façon à permettre à des personnes perspicaces, réfléchies et attentionnées de faire leur travail de façon très cohérente et préconisent clairement l’amélioration. Je pense personnellement que les structures de l’éducation publique entravent la créativité au profit du contrôle et de la structure. C’est pourquoi je considère la recherche Enseigner selon nos aspirations comme une plate-forme pour inciter les éducatrices et les éducateurs à prendre un temps d’arrêt pour réfléchir.
Faisons-nous vraiment de ce que nous voulons faire avec nos enfants, maintenant que nous savons mieux comment procéder? Il y a 20 ou 30 ans, nous ne le savions pas, mais maintenant, nous en sommes conscients. N’attendons plus!
Après 35 ans en éducation, je peux dire, en toute honnêteté, que les paroles des enseignantes et enseignants que j’ai entendues à l’échelle du pays ont changé ma façon de voir l’enseignement et m’ont permis de constater à quel point leur souci des élèves empreint leurs convictions et leurs actions. En tant que société, nous avons tendance soit à l’oublier ou à l’occulter. De nombreux enseignantes et enseignants ont affirmé qu’il s’agissait de la meilleure séance de perfectionnement professionnel de leur vie. Alors recommençons, encore et encore! Le processus d’écouter les enseignantes et enseignants et de valider leur travail peut maintenant être généralisé afin d’élargir les discussions, et pourrait être étendu aux gestionnaires.
Je vous prie donc de prendre quelques instants pour partager avec nous vos réflexions à propos de notre rapport et, si le cœur vous en dit, vos meilleurs moments d’enseignement.