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Maintien des petites écoles au Nouveau-Brunswick : pas à n’importe quel prix!

Le maintien et le financement des petites écoles en milieu rural préoccupent les communautés acadiennes du Nouveau-Brunswick depuis plusieurs décennies. Cette question ne date pas d’hier et l’analyse de celle-ci réside dans la considération de plusieurs éléments. Bien que le financement soit souvent le premier facteur du questionnement de la présence des petites écoles, il faut également considérer des variables sociales tels : la dénatalité, le vieillissement de la population, l’exode vers les milieux urbains et l’absence d’une forte immigration en milieu rural. Tous ces enjeux jouent évidemment sur une toile de fond vitale au développement de la communauté acadienne et francophone du Nouveau-Brunswick, celui de la place de la langue française en milieu minoritaire.

Pendant l’année scolaire 2015-2016, les conseils d’éducation francophone de district du Nouveau-Brunswick (CED) ont mis sous la loupe 14 petites écoles afin d’en déterminer la viabilité. La politique traitant de la planification pluriannuelle de l’infrastructure scolaire, émise par le ministère de l’Éducation et du Développement de la petite enfance de la province oblige, en quelque sorte, les conseils d’éducation à analyser la situation de ces écoles à partir de deux déclencheurs : une population scolaire inférieure à cent élèves et un taux d’occupation inférieur à 30 %. Les conseils ont donc invité les parents et les communautés à considérer la viabilité de leur école à partir des critères suivants :

1. La baisse des inscriptions;

2. La sécurité;

3. La qualité des services éducatifs;

4. Le transport scolaire;

5. Les finances;

6. L’impact sur la localité;

7. L’impact sur les autres écoles;

8. Et le développement économique.

Il ne faut pas se surprendre que la montagne a réellement accouché d’une souris quand on considère qu’une seule école a fait l’objet d’une fermeture dans la province, soit dans le District scolaire francophone Sud. Les deux autres districts francophones de la province ont plutôt choisi de laisser ouvertes les petites écoles ayant fait l’objet de l’analyse. Le fait qu’une population soit prête à accepter un service éducatif de moins bonne qualité en échange d’une présence scolaire dans sa communauté est devenu évident. Ainsi, le développement économique et l’impact sur la localité ont nettement reçu des considérations plus importantes que la qualité des services éducatifs.

L’expérience issue des études de viabilité vécue pendant l’année scolaire 2015-2016 a mis en exergue deux contraintes qui briment la capacité du conseil à analyser la place des petites écoles dans un réseau scolaire :

1. Le peu de place laissé à la question de la qualité de l’éducation;

2. La capacité d’entretenir un dialogue direct, franc et honnête avec les parents de ces écoles.

Le District scolaire francophone Nord-Est a donc innové en proposant un dialogue à échelle humaine dans des contextes qui favorisent la conversation, l’échange et la concertation.

En juin 2016, les parents de l’école La Découverte de Saint-Sauveur étaient aux prises avec de forts conflits internes. En effet, plusieurs parents doutaient de la qualité de l’éducation et inscrivaient leurs enfants à l’école voisine qui se trouve à 20 kilomètres de leur village, alors que d’autres tenaient absolument à la présence de leur école dans leur communauté. La direction générale et un représentant du conseil ont alors entamé des discussions avec l’ensemble des parents afin de considérer les enjeux liés à la qualité de l’éducation en lien avec le mieux-être des enfants. Les deux parties en sont venues à une entente de fermeture en juillet 2016. Les modalités ont été inscrites dans un protocole d’entente qui a été signé par la présidence du Conseil d’éducation du District scolaire francophone Nord-Est, la direction générale du district et la présidence du Comité parental d’appui à l’école (CPAÉ). Cette entente faisait en sorte que les élèves seraient tous inscrits à l’école voisine, que le district fournirait le transport scolaire et que des ressources humaines supplémentaires seraient ajoutées afin de faciliter l’intégration des élèves à leur nouvelle école. Le conseil a recommandé la fermeture de l’école à sa réunion publique du mois d’octobre 2016 sans heurts et sans protestations.

Un deuxième cas similaire est apparu à l’automne 2016. L’école Séjour-Jeunesse de Pointe-Verte vivait des difficultés liées à la composition de la salle de classe. En effet, la présence de deux classes combinées à 4 et à 5 niveaux mettait en péril l’apprentissage des élèves de cette petite école. Un peu comme dans le cas de l’école la Découverte, la direction générale et un représentant du Conseil d’éducation ont entamé des discussions avec le Comité parental d’appui à l’école afin d’analyser la situation. Dans ce cas, le protocole d’entente aura été le fruit de rencontres avec le CPAÉ et l’ensemble des parents. Le CED vient d’entériner le protocole à sa réunion publique de février et fera une recommandation de fermeture avant juin prochain. Les élèves vivent déjà des activités de transition et d’intégration qui se concrétiseront par le transfert des élèves en septembre 2017.

Quelles leçons tirons-nous de ces expériences? Bien que les conseils d’éducation soient légalement les représentants des ayants droit reconnus par l’article 23 de la Charte des droits et libertés, la capacité d’entretenir un dialogue ouvert avec les parents est une condition sine qua non à l’analyse de la viabilité des petites écoles. L’ensemble des parents doit avoir le pouvoir décisionnel sur l’éducation de leurs enfants, et que tout processus de consultation qui ne tient pas compte de cette dimension est voué à un échec complet ou partiel. L’autre leçon à tirer est le besoin de mettre en relief les questions qui touchent la qualité des services éducatifs. Outre l’enseignement obligatoire requis, les enjeux liés à la socialisation, à une vie scolaire riche et diversifiée, difficilement accessible dans une petite école, sont au cœur même des considérations d’une telle analyse.

se situe le réel enjeu : trouver un sain équilibre entre une présence institutionnelle scolaire francophone en milieu minoritaire et une éducation de grande qualité qui répond aux exigences de l’heure. Au final, à quoi servirait une école si celle-ci ne permet pas à une société de s’épanouir? La présence des petites écoles en milieu minoritaire, oui, bien sûr, mais pas au prix d’une éducation de mauvaise qualité qui ne répond pas à la double mission de l’école acadienne et francophone soit la réussite scolaire et la construction identitaire. Cette double mission nous engage à permettre à chaque enfant et à chaque élève de vivre des succès éducatifs et à favoriser leur construction identitaire, dès la petite enfance, grâce à un enseignement de qualité formant ainsi des citoyennes et citoyens engagés.

Recap: Maintaining open lines of communication with parents is essential when analyzing the sustainability of small schools. In addition to looking at basic education requirements, such an analysis must focus on issues related to socialization and a rich, varied school experience, which is hard to achieve in a small school.

Photo: Gracieuseté du District scolaire francophone Nord-Est (Nouveau-Brunswick)

Première publication dans Éducation Canada, juin 2017

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Ghislaine Foulem

Ghislaine Foulem est Présidente du Conseil d’éducation du district scolaire francophone du Nord-Est du Nouveau-Brunswick.

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