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Garder nos écoles en région, le défi d’une communauté

Le défi de la gestion de la décroissance de la population dans les milieux ruraux en est un des plus complexes pour s’assurer d’une offre de services pédagogiques de qualité dans nos petits villages.

1. Doit-on fermer l’école?

2. Doit-on faire voyager quotidiennement des enfants de 5 ans pendant plus de 50 minutes matin et soir en autobus pour aller à l’école?

3. Est-il rentable d’investir des millions de dollars dans un immeuble qui accueille environ 20 élèves?

4. Comment pouvons-nous optimiser le parc immobilier de notre commission scolaire ou celui de l’ensemble de la province?

5. Jusqu’à quel point est-il possible d’affirmer que l’école pourra remplir sa mission de socialiser lorsqu’il y a 6 élèves dans une classe de triple niveau?

Voilà quelques questions qui méritent réflexion.

À la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin, nous avons 17 600 élèves jeunes et adultes répartis dans 55 municipalités à l’intérieur de 6 municipalités régionales de comté (MRC). De ce nombre, près de 10 000 fréquentent nos 43 écoles primaires et nos 3 écoles primaires-secondaires. Pour peaufiner un peu plus le portrait de notre organisation, nous avons 10 écoles de moins de 70 élèves, 4 de moins de 50 élèves et 2 de moins de 35 élèves.

Il y a maintenant 9 ans, le conseil des commissaires avait statué sur les paramètres encadrant le maintien d’une école dans son milieu à l’intérieur de sa Politique de maintien et de fermeture des écoles et de modifications de certains services éducatifs dispensés dans une école de la commission scolaire. Dans cette politique, le conseil des commissaires s’est collé aux règles de financement d’un groupe pour l’organisation scolaire d’une école. Également, notre politique stipule qu’un minimum de 2 groupes de 6 élèves dans des classes de triple niveau est exigé pour maintenir une offre de services éducatifs dans une municipalité. Cependant, lorsque nous sommes dans l’obligation d’offrir une classe à triple niveau, nous avons convenu d’un accompagnement pour l’enseignant de cette même classe.

Au-delà du grand défi pédagogique qu’une telle organisation scolaire peut poser, l’aspect de la qualité des services et de la socialisation sont au cœur des préoccupations des équipes-écoles. Jusqu’à combien d’élèves par classe pouvons-nous dire que l’enfant socialise correctement? La règle de financement d’un groupe nous stipule 6 élèves, mais c’est une donnée purement budgétaire. Donc, dans la réflexion de maintenir une école ouverte, est-ce uniquement les règles de financement ministérielles qui doivent dicter le maintien d’une école dans un village? C’est là que les discussions avec la communauté deviennent importantes.

Heureusement, nous n’avons pas été confrontés dernièrement à fermer la dernière école primaire d’un village. Mais, historiquement, lorsque nous avons eu à le faire dans les municipalités de Saint-Luc et de Saint-René, c’est la communauté qui avait fait le choix de fermer l’école dans le but d’avoir une meilleure offre de services pédagogiques. À la CSBE, nous avons opté pour une approche d’optimisation de nos immeubles en collaboration avec la communauté. Ainsi, à titre d’exemple, nous avons fermé l’une des deux écoles primaires du village de Sainte-Justine il y aura bientôt 4 ans, et nous avons relocalisé la clientèle dans notre école secondaire de l’endroit. Maintenant, dans cette ancienne école secondaire, les services pédagogiques dispensés sont de la 4e année du primaire à la 5e année du secondaire. Avec de bonnes discussions lors des consultations publiques avec nos partenaires syndicaux et l’ensemble de la communauté, nous avons mis en place une organisation qui répond aux besoins des élèves avec une valeur ajoutée.

Par ailleurs, si nous allons à la source de la problématique qui nous occasionne d’avoir des petites écoles, nous constatons principalement un déplacement de la population vers les régions urbaines. Ceci est occasionné notamment par le manque d’emploi dans certains secteurs d’activités économiques, le vieillissement de la population ou par l’accessibilité à une meilleure offre de services en loisirs, en culture ou commerciale. Dans les Etchemins, la baisse des activités dans le secteur du bois d’œuvre a fait mal énormément. Suite à la perte de nombreux emplois et le déménagement des familles, nous avons constaté des baisses de plus de 60 % de la clientèle étudiante dans certaines écoles à l’intérieur des 10 dernières années.

Notre contribution à la relance économique de cette région n’est pas négligeable et il faut prendre notre place en tant que commission scolaire. Conséquemment, nous avons un rôle à jouer avec la communauté d’affaires et la population etcheminoise. Nous pouvons être un acteur important, mais la communauté doit dans un premier temps assumer son leadership. Avec une bonne collaboration de nos services aux entreprises et de la formation professionnelle, nous accompagnons les entreprises de la région à devenir plus productives. De bons emplois jumelés à un milieu dynamique sont des ingrédients nécessaires à ramener des familles à s’établir en région. C’est un travail de longue haleine, mais nous devons y participer.

Nous pouvons agir sur plusieurs facettes et il faut mettre à contribution toute notre ingéniosité et notre créativité. Il faut optimiser toute l’expertise du milieu et des services de la commission scolaire. Toutefois, au fil d’arrivée, malgré les déchirements que cela peut amener, nous avons le devoir d’assurer les meilleurs services éducatifs pour tous les élèves, même si nous avons un nombre restreint d’élèves dans une école.

Conclusion

Les décisions relatives à la fermeture d’une école, principalement lorsque c’est la dernière école primaire d’un village, sont toujours difficiles et complexes. Il faut prendre le temps d’explorer avec nos élus scolaires et la communauté toutes les avenues possibles afin de tendre vers une décision consensuelle avec le milieu et les différents partenaires. Nous avons un rôle à jouer et plus nous le jouerons en amont, meilleures seront nos chances de trouver des solutions novatrices avec le milieu.

Recap: It’s a complex challenge to manage the shrinking population in rural areas while ensuring that quality teaching services are provided. It’s important to explore all available options with elected school commissioners and the community, to eventually come to a consensual decision with schools and their various partners.

Photo: Gracieuseté de la Commission scolaire de la Beauce-Etchemin

Première publication dans Éducation Canada, juin 2017

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Normand Lessard

EdCan Director - Secrétaire général, Association des directions générales scolaires du Québec (ADGSQ)

Directeur General, Centre de services scolaire Beauce-Etchemin (CSSBE)

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